Liberté chérie - Rickie Lee Jones

Transcription

Liberté chérie - Rickie Lee Jones
l’écho
VENDREDI 13 NOVEMBRE 2009 / 10
ChezSoiMusiques
CD
Et aussi...
Jack Johnson. Avec son style nonchalant et consensuel, Jack Johnson a réussi
à conquérir le coeur de millions de fans,
spécialement
en
France, où ses
chansons monopolisent les ondes
radiophoniques.
Quoi
de
plus
naturel donc, que
de
voir
arriver,
quelques semaines
avant Noël, un live
souvenir de la dernière tournée ? Ceux
qui trouvent le sympathique Hawaïen un
peu trop mollasson en studio ne seront
pas plus convaincus par En Concert, qui
se déroule tranquillement entre tubes (If
I had eyes, Sleep through the static) et
reprises un peu plus surprenantes
(Remember de Jimi Hendrix, Mother and
child reunion de Paul Simon). Ben
Harper a trouvé son héritier.
R.B.
En concert, 14,99 ¤, 21,99 ¤ (avec DVD).
Archive. C’est une success-story tout à
fait improbable. Archive n’est pas du
genre à faire de la musique formatée, et
pourtant le public français a adopté avec
enthousiasme ce
groupe britannique
totalement inclassable. Comme Pink
Floyd à son époque,
Archive adore étirer
ses chansons pour
en explorer toutes
ses
possibilités.
Nouvelle preuve avec Controlling crowds
part IV, qui fait suite à l’album paru en
mars dernier. Mélange étonnant de rock
progressif, de pop anglaise et d’electro,
avec une touche de hip-hop (Lines), le
disque se perd parfois dans ses propres
méandres, mais réussit toujours à faire
briller sa lumière singulière et unique. R.B.
Controlling crowds part IV, 15,99 ¤.
Magma. Formé sur les cendres de mai
68, Magma a toujours suivi sa route tortueuse, sans jamais tenter de rendre sa
musique plus accessible. Le nouvel
album, Emehntehtt re, n’échappe pas à
la règle. Il est même, si c’est possible,
encore plus impénétrable que les autres,
à l’image du second
morceau, longue
suite de 22 minutes
qui
ressemble
approximativement
à du Frank Zappa
qui se prend très au
sérieux.
Le
concept ? Difficile à
expliquer pour ceux qui ne parlent pas le
kobaïen. Mais les fans fidèles, qui suivent
les aventures de la bande à Christian
Vander depuis longtemps, ne seront pas
dépaysés et occuperont leurs prochains
mois à décrypter les paroles de leur
groupe favori.
R.B.
Emehntehtt re, 17,99 ¤.
Irma Thomas. Cinquante ans déjà
qu’Irma Thomas distille sa soul trempée
dans le bouillant chaudron de la Louisiane, paradis des
mélomanes
toujours debout malgré
les épreuves. Pour
fêter dignement cet
anniversaire, voici
que débarque dans
les bacs The Soul
Queen of New
Orleans, compilation passionnante à
défaut d’être complète. Les quinze titres
résument parfaitement ses vingt-cinq
dernières années de carrière, avec
quelques belles réussites à la clé (River is
waiting, Another man done gone, Back
Water blues). Mais pour découvrir ses
chansons plus anciennes (Don’t mess
with my man ou le mythique Time is on
my side), il faudra chercher ailleurs. R.B.
The Soul queen of New Orleans, 16 ¤.
Balm in Gilead, de Rickie Lee Jones
Liberté chérie
Trente ans après ses
débuts, Rickie Lee Jones
reste au sommet avec
Balm in Gilead.
C
omment résumer toute une carrière en une seule image ? Avec
Rickie Lee Jones, c’est facile. Il
suffit de regarder la pochette de
son premier album, sobrement
intitulé Rickie Lee Jones. On y voit une jeune
femme habillée cool et chic, perdue dans ses
pensées, béret de beatnik sur la tête et pipe à
la main.
Elle semble arriver au bon endroit au bon
moment. En 1979, les Etats-Unis ont depuis
longtemps délaissé les idéaux “peace & love”
des années 60, et se dirigent tout droit vers la
révolution conservatrice de l’ère Reagan. En
musique, c’est un peu pareil. Le punk est
enterré, le disco a tout dévasté sur son passage, laissant le champ libre au style cynique
et cocaïné des Eagles ou de Fleetwood Mac.
Un cauchemar.
Un sursaut était nécessaire. Et c’est Rickie
Lee Jones qui montre la voie. Ce premier
disque est un immense succès, grâce notamment au tube Chuck E’s in love, mélange
parfait de pop et de jazz, exigeant mais tout
à fait accessible grâce à sa production équilibrée et son refrain mémorable.
Artiste culte
Elle devient une star du jour au lendemain, et le célèbre magazine américain Rol-
ling Stone confirme son
nouveau statut en lui
consacrant sa Une
(9 août 1979),
une photo désormais
célèbre où
elle
semble
défier le
lecteur,
fière et
libre à
la fois.
Pas mal
pour
une
inconnue.
Autre
marque de
crédibilité
bienvenue
pour les critiques : son histoire d’amour avec
Tom Waits, un autre
“loner” qui explore à sa
manière une Amérique souterraine, où les gagnants n’ont pas leur place.
Sa voie semble toute tracée, mais Rickie
Lee Jones n’est pas du genre à affectionner
les lignes droites. Les deux amants se séparent et sa carrière prend une tournure inattendue. Son deuxième album, Pirates (1981),
reste un gros succès, mais les années 80
seront moins tendres avec elle. Elle disparaît
même quasiment de la circulation, malgré
quelques excellents disques (Flying cowboys)
et le grand public se détourne d’elle.
Inclassable et pas facile à suivre, Rickie
Lee Jones réussit tout de
même à se maintenir
à flot et se transforme en artiste
culte, adorée
par une poignée
de
fans toujours
Rickie Lee
prêts à
Jones,
la
toujours libre
suivre
après trente
dans
ans de carrière
ses
(photo DR).
détours
parfois
abrupts.
Mais
l’inspiration
est
capricieuse.
Parfois, les
chansons ne
viennent
pas.
Durant ces périodes
de doute, elle se replie
vers la musique des autres,
montrant aussi son talent d’interprète. Cela donne de beaux albums de
reprises (Pop pop en 1991 et It’s like this en
2000), où les standards de jazz (Second time
around, Bye bye blackbird) côtoient Marvin
Gaye, Traffic ou Jimi Hendrix.
Les années 2000 la voient heureusement
revenir en pleine forme artistique, à l’image
de The Sermon on exposition boulevard
(2007), chef-d’oeuvre tardif qui redonne
envie de croire au futur de la musique. Et ce
n’est pas fini...
RÉMI BONNET
Coeur et âme
D
euxième chefd’oeuvre d’affilée pour
Rickie Lee Jones.
Après le très ambitieux The
Sermon on exposition boulevard (2007), elle sort Balm in
Gilead, un disque en apparence plus modeste.
L’album ressemble en effet à
une collection de morceaux
simples et dépouillés qui
oscillent entre country (The
moon is made of gold,
Remember me) et folk
acoustique (Bonfires, Old
enough...), interprétés avec
légèreté et tact. Un disque
“sympa” en somme.
Mais au bout de plusieurs
écoutes attentives, l’auditeur
se voit totalement absorbé
par ces chansons qui tou-
chent le coeur et l’âme, s’imprimant définitivement dans
notre cerveau. Dix titres et
autant de nouveaux amis
intimes que l’on a envie de
faire découvrir à tous ceux
qu’on aime. L’album de
l’année.
R.B.
Balm in Gilead, 15,50 ¤.
Pop
Rock
Robbie Williams
Reality killed the video star
Plasticines
About love
O
u’il est difficile d’être
jeune, femme et rocker
en France. Depuis leurs
débuts il y a quatre ans,
les Plasticines ont entendu beaucoup de quolibets et peu d’encouragements.
On leur reprochait tout : leur
look, leur amateurisme, leur
naïveté... Ces critiques deviennent obsolètes avec la sortie
d’About love. Il n’est plus ici
question de lycéennes qui répètent dans leur garage en tentant
maladroitement d’imiter les
Strokes.
Les Plasticines sortent ici un
album en béton, réalisé avec un
producteur américain expérimenté. Loin des bouts de ficelle
des débuts. C’est clair dès le
morceau d’ouverture, I could
rob you et son hard-pop qui rappelle Joan Jett. Les onze autres
titres suivent dans la même
n le pensait fini depuis
l’échec commercial de
Rudebox en 2006. Mais
Robbie Williams est du genre
coriace, et le voilà de retour dans
l’arène avec Reality killed the
video star, un album qui risque
de surprendre, voire de décevoir,
certains de ses fans.
On y entend en effet l’ex-Take
That considérablement assagi,
endossant son costume de
crooner sur presque tous les
titres. Pour un résultat attachant.
Robbie Williams n’est pas
Sinatra, mais il ne s’en sort pas
trop mal avec quelques agréables ballades arrangées avec
goût, à l’ancienne.
C’est le cas du premier titre
Morning sun, qui s’ouvre sur un
chant d’oiseaux avant de faire
pleurer violons et pianos dans
un style que n’aurait pas renié le
Elton John des débuts, ou You
Q
know me, aux tonalités étrangement doo-wop.
Mais ça ne suffira sans doute
pas à ceux qui adoraient le
Robbie Williams d’antan, le pois
sauteur irrévérencieux et hystérique qui faisait rêver les foules.
Les quelques percées electro qui
rappellent ses vieux disques
(Last days of disco et Difficult
for weirdos) sont sans doute les
moins convaincantes. Désormais, une nouvelle carrière de
chanteur de charme s’ouvre à lui.
On ne perd pas au change. R.B.
Reality killed the video star,
16,99 ¤.
veine, avec des refrains “pompom girls” qui rappellent les
Shangri-La’s (Bitch, Caméra).
Seule la superbe ballade I am
down tonight fait taire momentanément les guitares pour
laisser place à un brin d’introspection.
Rutilant, calibré pour les
radios rock, About love semble
parfois un peu trop calculé,
faisant presque regretter leur
candeur passée. Mais c’est sans
doute le prix à payer pour
séduire le grand public.
R.B.
About love, 14,99 ¤.