le conseil d`orientation des retraites et les

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le conseil d`orientation des retraites et les
Retraite / institutions
LE CONSEIL D’ORIENTATION DES RETRAITES
ET LES INÉGALITÉS DEVANT LA RETRAITE
ne devrait-il pas fixer des normes s’appliquant à tous les régimes, qu’ils soient de
nature légale ou conventionnelle ? Pour
l’instant, le COR ne prend pas position ;
attendons le prochain rapport. Celui-ci
sera probablement amené à aborder aussi
un problème d’équité posé par la proportionnalité au revenu des majorations
familiales de pensions.
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Dans la rubrique de mars, il a été
rendu compte des objectifs généraux
du 4e rapport du COR : équilibre
financier et instruments de pilotage.
La présente rubrique est consacrée à
trois questions abordées dans le
chapitre 3 de ce rapport, intitulé
“Les questions à traiter pour assurer
l’égalité de traitement entre les
cotisants”.
Les dispositions de nature
familiale
Le COR pointe l’existence de « droits familiaux et conjugaux extrêmement disparates
selon les régimes ». Il estime que « des évolutions sont sans doute nécessaires dans le
sens d’une certaine harmonisation et d’une
adaptation aux évolutions de la société ». Il
n’entre cependant pas dans les détails, se
réservant de le faire dans un prochain
rapport. Se préoccupant de l’égalité entre
les hommes et les femmes, il suggère
dans ce but de « privilégier les mesures qui
incitent au partage des tâches familiales »,
envisage « des arbitrages entre les
dépenses réalisées au bénéfice des familles
au moment de l’éducation des enfants et
celles réalisées a posteriori par l’intermédiaire des droits à pension », mais n’esquisse
aucune problématique pour le traitement
des inégalités.
Les pensions de réversion sont soumises à
conditions de ressources dans certains
régimes et pas dans d’autres ; elles sont
supprimées ou non, selon les régimes, en
cas de remariage. Les bonifications pour
avoir élevé trois enfants ou plus vont de
5 % à l’ARRCO, même s’il y a bien plus de
trois enfants, à 10 % plus 5 % par enfant
(dans la limite de sept) au-delà du troisième dans la fonction publique, etc..
Certains posent la question : le législateur
R.F.C. 398 Avril 2007
L’appartenance à plusieurs
régimes
Cette situation concerne un nombre
croissant d’assurés sociaux, et déjà 38 %
des retraités, proportion en hausse. Le
COR pointe avec pertinence un certain
nombre de bizarreries. Par exemple :
• La pluralité des régimes peut faire
perdre totalement ses droits à un travailleur à temps partiel. Ainsi « un salarié
qui déclare, au cours d’une année donnée,
150 heures de SMIC au régime général et
100 heures de SMIC au titre du régime des
salariés agricoles ne bénéficiera pas de la
validation d’un trimestre pour sa retraite,
alors qu’il a travaillé plus de 200 heures de
SMIC dans l’année, seuil minimal pour valider un trimestre dans chacun de ces
régimes ».
• En sens inverse, en cotisant simultanément dans deux régimes, on peut valider
plus de quatre trimestres par an : jusqu’à
huit trimestres, quatre dans chaque régime, si l’on cotise dans chacun sur plus de
800 SMIC horaires. En fin de course on
peut avoir validé plus de 40 annuités en
ayant travaillé seulement 30 ans …
• Attention à l’ordre dans lequel les
régimes se succèdent ! Le COR montre
que le bénéfice de la surcote est refusé
dans la fonction publique si la fin de carrière s’effectue dans le régime général,
alors qu’il est accordé lorsque le parcours
professionnel est en sens inverse. L’Etat
veut bien que l’on quitte le privé pour
l’administration, mais il punit ceux qui lui
font des infidélités ! Le régime général,
moins regardant, accorde la surcote dans
les deux cas.
• Le calcul du minimum contributif (qui
concerne selon le COR 40 % des nouveaux retraités de droit direct du régime
général) est un casse-tête pour les polypensionnés.
Ces exemples (non exhaustifs) montrent
que la multiplicité des régimes est inadaptée à l’évolution du monde du travail, aux
changements de situations plus fréquents
qu’autrefois, à la banalisation du temps
partagé. La solution sera-t-elle cherchée
dans une amélioration de la coordination
entre les régimes (qui a déjà fait de gros
progrès), ou bien dans une convergence,
voire une fusion, des régimes ?
Les régimes spéciaux
Le COR prend beaucoup de précautions
pour aborder ce sujet, mais il ne passe pas
sous silence le fait qu’à la SNCF, à la RATP,
à la Banque de France et dans les Industries
électriques et gazières la pension est calculée sur le salaire de fin de carrière, indexée
sur les traitements d’activité, acquise après
37,5 annuités validées, et calculée sans
décote si ce nombre n’est pas atteint. Il ne
cache pas non plus le fait que, si un retraité du régime général perçoit sa pension
en moyenne un peu moins de 18 ans, on
arrive à 24 ans dans les IEG, 25 à la RATP,
26 à la SNCF et à la Banque de France.
Le COR pointe à juste titre le fait que « les
régimes spéciaux couvrent à la fois retraite et
invalidité et, dans un certain nombre de cas,
jouent le même rôle que les dispositifs de préretraite ou la dispense de recherche d’emploi
des salariés du privé pour le traitement des
fins de carrière ». Mais il s’abstient de se
demander s’il est plus confortable à 55
ans d’être à la retraite à taux plein, ou
aux ASSEDIC avec dispense de recherche
d’emploi. Et il juge que « la réflexion
devrait être conduite en prenant en compte les situations de pénibilité ». Bref, on
perçoit combien il sera délicat de proposer des solutions novatrices, courageuses
et … pas trop alambiquées. Le COR aura
d’autant plus de mérite, s’il y parvient,
qu’il est riche de la diversité de ses
membres, et que, selon le dicton, un
chameau est un cheval dessiné par un
comité.
Pour en savoir plus
COR : « retraites : questions et orientations
pour 2008 » sur : www.cor-retraites.fr
■ Jacques Bichot
Economiste, professeur à l’Université Lyon 3