Les événements non épileptiques psychogènes chez le sujet âgé

Transcription

Les événements non épileptiques psychogènes chez le sujet âgé
Synthèse
Psychol NeuroPsychiatr Vieil 2007 ; 5 (n° spécial 1) : S41-S6
Les événements non épileptiques
psychogènes chez le sujet âgé
Non epileptic psychogenic seizures in the elderly
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017.
BERTRAND DE TOFFOL1
CAROLINE HOMMET2
KARL MONDON2
WISSAM EL HAGE3
JULIEN PRALINE1
PHILIPPE CORCIA1
VINCENT CAMUS3
Résumé. Les événements non épileptiques psychogènes (ENEP) survenant chez les sujets
âgés ont une fréquence sous-estimée. L’enregistrement vidéo-EEG des épisodes cliniques
permet d’affirmer le diagnostic. Des travaux récents indiquent que les ENEP correspondent
aux conséquences cliniques d’un traumatisme psychique en rapport avec la survenue d’une
affection somatique considérée comme menaçante. Le diagnostic positif des ENEP, souvent
confondus avec des crises épileptiques, évite la prescription inappropriée d’antiépileptiques et permet une prise en charge spécifique.
Mots clés : événements non épileptiques psychogènes, vidéo-EEG, sujet âgé
1
Service de neurologie et
de neurophysiologie clinique,
CHU Tours
<[email protected]>
2
Service de médecine interne
gériatrique et CMMR,
CHU Tours
3
Clinique psychiatrique
universitaire, CHU Tours
Abstract. Psychogenic nonepileptic seizures (PNES) are not uncommon in the elderly.
Direct observation of PNES with video-EEG monitoring provides the ideal method of
assessing these episodes. Recent data suggest a distinct subgroup of patients with PNES in
whom psychological trauma related to poor physical health plays a role. It is important to
address PNES in the elderly population because of its potential risks and problems concerning its management.
Key words: psychogenic nonepileptic seizures, elderly, video-EEG
doi: 10.1684/pnv.2007.0091
L
es événements non épileptiques psychogènes
(ENEP) sont définis de manière descriptive,
sans présupposés étiologiques, comme
« un changement brutal du comportement, des perceptions, des pensées ou des sentiments d’un sujet pendant une durée limitée, qui rappelle ou qui ressemble à
une crise d’épilepsie, mais sans le concomitant électrophysiologique associé à une crise épileptique » [1]. Les
cliniciens en charge de l’exploration des épilepsies qui
disposent de moyens vidéo-EEG (V-EEG) sont en
mesure d’établir le diagnostic des ENEP avec certitude,
en enregistrant directement un épisode clinique tout en
démontrant son mécanisme non épileptique. Ils interviennent ainsi en première intention. Les ENEP sont
fréquents chez les sujets jeunes : nous en avons par
exemple observé 37 cas dans une étude rétrospective
portant sur 213 patients (17,4 %) enregistrés consécutivement au CHU de Tours dans le cadre du diagnostic
positif de manifestations paroxystiques de nature
inconnue ou d’un bilan préchirurgical d’une épilepsie
réfractaire [2]. Cette proportion correspond aux données moyennes de la littérature et rend compte d’une
prévalence du même ordre de grandeur qu’une maladie comme la sclérose en plaques. Les ENEP peuvent
être isolés ou associés à d’authentiques crises épilepti-
Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° spécial 1, septembre 2007
ques. Une exploration V-EEG (couplée systématiquement à l’ECG) est indiquée quand des manifestations
cliniques faisant suspecter des crises épileptiques surviennent avec une fréquence compatible avec une probabilité élevée de survenue pendant l’enregistrement.
L’enregistrement direct d’un malaise dans ce contexte
permet de classer le trouble dans l’une des 6 catégories
suivantes : 1) crise épileptique ; 2) causes neurologiques non épileptiques : aura migraineuse, accident
ischémique transitoire, drop attack... ; 3) causes cardiovasculaires : syncopes, troubles du rythme ; 4) causes
toxiques et métaboliques : hypoglycémies, ivresse
aiguë, intoxication médicamenteuse ou effets secondaires ; 5) causes psychiatriques : attaques de panique,
ENEP... ; 6) pas de cause claire. Les catégories 2, 3 et 4
sont souvent regroupées dans la littérature sous
l’appellation « événements non épileptiques physiologiques ». Jusqu’à présent, les ENEP étaient considérés
comme exceptionnels chez les sujets âgés, compte
tenu de leur psychopathologie spécifique (cf infra). Le
développement de l’exploration des crises épileptiques
du sujet âgé a cependant conduit récemment à reconsidérer la question.
Les données épidémiologiques montrent que le
diagnostic d’une crise épileptique est un problème
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fréquent chez les sujets âgés. En effet, si le taux d’incidence de l’épilepsie (nombre de nouveaux cas pour
100 000 habitants/ an), tous âges confondus, est compris entre 24 et 53, il dépasse 111 après 65 ans dans
l’étude de référence classique de Rochester et atteint
160 après 80 ans [3]. La prévalence de l’épilepsie
(nombre de sujets atteints exprimé en taux rapporté à
1 000 habitants par an) dans les pays industrialisés est
globalement, tous âges confondus, de 7. Elle est supérieure à 10 après 80 ans et un taux de 12/1 000 a été
observé dans un sous-groupe de patients âgés de 85 à
94 ans à Rotterdam [3]. Une approche indirecte de
l’ampleur du problème est révélée par le fait que 7,7 %
des sujets américains vivant en maison de retraite
prennent un traitement antiépileptique (AE) à l’admission avec, dans plus de 60 % des cas, une indication
d’épilepsie [4].
Les sujets âgés suspects d’épilepsie peuvent-ils avoir
des ENEP ? Dans l’affirmative, les mécanismes psychopathologiques sont-ils identiques à ceux des sujets plus jeunes ? Les ENEP témoignent fondamentalement d’un mode
particulier de présentation de certains troubles psychologiques, caractérisé par un début brutal et une durée brève.
Ils sont, chez les sujets jeunes, très souvent l’expression
d’un syndrome de stress post-traumatique (SSPT), conséquence tardive de violences physiques et sexuelles survenues dans l’enfance ou l’adolescence. De nombreux travaux récents fondés sur les résultats d’enregistrements
V-EEG ont attiré l’attention sur le problème des ENEP chez
les sujets âgés et font l’objet de cette mise au point. Il
s’avère en effet que ce cadre diagnostique est mal connu,
incorrectement évalué et très mal pris en charge. Cet article est fondé sur une analyse de la littérature récente qui
émane des rares centres qui ont développé l’enregistrement V-EEG chez les sujets âgés dans un but de diagnostic
positif de manifestations « paroxystiques ». Dans une
série personnelle récemment publiée [2], aucun patient
n’était âgé de plus de 60 ans, la V-EEG étant rarement
utilisée chez les sujets âgés.
Les données de la littérature
Plusieurs approches différentes, mais convergentes,
ont permis de mieux caractériser les ENEP du sujet âgé
en termes quantitatifs et qualitatifs. Une première approche a consisté à analyser les causes de « malaises » chez
les sujets âgés à l’occasion d’enregistrements V-EEG réalisés dans un but diagnostique devant des manifestations cliniques variées de début brutal faisant évoquer
des crises épileptiques. Une deuxième approche a
apprécié la proportion de sujets âgés au sein de cohortes
de sujets porteurs d’ENEP authentifiés.
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Causes des malaises enregistrés en V-EEG
chez les sujets âgés
La proportion des sujets âgés enregistrés dans des
unités de monitoring V-EEG augmente au fil du temps
avec l’accroissement du nombre et de la disponibilité
des moyens, en général adossés à des services de
neurologie spécialisés en épileptologie, mais parfois
utilisés dans les services d’urgences. La proportion de
sujets âgés rapportée au nombre total d’enregistrements V-EEG était de 1,5 % dans une étude en 1996
(20 patients dont 2 ENEP [5]), de 4,6 % en 1999
(18 patients dont 7 ENEP [6]), pour atteindre 8 % dans
une étude publiée en 2002 [7] qui analysait rétrospectivement tous les patients âgés de plus de soixante ans
(N = 99) enregistrés sur une période de 8 ans dans un
centre de V-EEG new-yorkais : 46 sujets avaient des
crises épileptiques et 27 des événements non épileptiques, dont 13 des ENEP. Deux patients avaient des
crises épileptiques et des ENEP associés. La majorité
des patients non épileptiques prenaient indûment des
antiépileptiques. Un autre travail rétrospectif émanant
de la clinique de Cleveland (États-Unis) [8] a répertorié
39 patients âgés de plus de 60 ans enregistrés entre
1994 et 2002, comparés à un groupe contrôle de sujets
jeunes (N = 20). Dix-sept sujets âgés (44 %) avaient des
événements non épileptiques isolés et 6 (15 %) des
crises épileptiques associées. Les événements non épileptiques étaient « physiologiques » chez 10 sujets
âgés (44 %) (accidents ischémiques transitoires, mouvements anormaux, syncopes et troubles du sommeil)
pour un seul dans le groupe contrôle. Des ENEP ont été
observés chez 13 sujets âgés (19 dans le groupe
contrôle) associés à des troubles somatoformes, des
troubles anxieux ou des troubles de l’humeur. Les
symptômes des ENEP correspondaient à des troubles
moteurs (61 % des cas), une aréactivité (31 %) et des
troubles subjectifs (8 %). Les trois quarts des patients
des deux groupes étaient indûment traités par des
antiépileptiques à l’admission. Une troisième étude
rétrospective [9], réalisée dans le New Jersey entre
1999 et 2001, a recensé un total de 58 patients âgés de
plus de 60 ans, représentant 17 % du nombre total
d’admissions sur une période de deux ans, enregistrés
pour le diagnostic de manifestations paroxystiques
(N = 54), pour une suspicion d’état de mal non convulsivant (N = 2), ou pour une aide à l’ajustement du traitement (N = 2). Les diagnostics les plus fréquents
étaient des événements non épileptiques physiologiques survenus chez 26 patients (45 %) : confusion mentale, drop-attack, syncopes, tremblements et chutes.
Six patients avaient des ENEP se présentant sous la
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Les événements non épileptiques psychogènes
forme de symptômes moteurs considérés initialement
comme des convulsions et 28 patients avaient par
ailleurs des crises épileptiques [9].
Ces travaux témoignent de la sous-estimation de la
fréquence des ENEP chez les sujets âgés. Ils ont, par
ailleurs, permis de préciser des points pratiques importants quant à l’utilité de la mise en place d’un monitoring V-EEG continu pour différencier les crises épileptiques des événements non épileptiques. Le nombre de
jours d’enregistrement nécessaire pour capter un événement paroxystique est de 1 à 2. Dans une série de
199 patients adultes enregistrés pour le diagnostic d’un
événement paroxystique, 167 (83,9 %) ont eu un événement enregistré pendant la session et un diagnostic
définitif a pu être porté chez 151 patients (75,9 %).
Parmi les patients qui avaient présenté des événements cliniques, 143 (87,7 %) ont eu leur premier événement dans les deux premiers jours d’enregistrement
[10]. L’enregistrement d’un événement n’était pas
déterminant chez environ un quart des patients.
Des tableaux cliniques associant une activité
motrice généralisée continue réfractaire aux anticonvulsivants intraveineux sont souvent considérés,
chez le sujet jeune ou âgé, comme des états de mal
épileptiques convulsifs larvés [11] jusqu’à ce que
l’enregistrement V-EEG démontre qu’il s’agit « d’états
psychogènes ».
Proportion de sujets âgés au sein de cohortes
de sujets porteurs d’ENEP prouvés
Une autre approche consiste à étudier la proportion
de sujets âgés au sein de cohortes de patients pour
lesquels un diagnostic d’ENEP a été porté. Behrouz
et al. [12], ont extrait 9 patients ENEP âgés de plus de
60 ans (dont 8 femmes) parmi 94 patients enregistrés
en V-EEG sur une période de deux ans : 4 des 9 patients
avaient des antécédents de troubles de l’humeur ou
d’anxiété et prenaient un antidépresseur, un anxiolytique ou les deux, et 5 des 9 patients prenaient un traitement anticonvulsivant inutile. La sémiologie des accès
consistait en des troubles moteurs généralisés plus ou
moins symétriques chez 4 patients, les 5 autres
patients étaient aréactifs. L’étude la plus importante
quantitativement est celle de Duncan et al. [13], qui
regroupe 267 patients atteints d’ENEP dont 26 âgés de
plus de 55 ans (55 à 71 ans, âge moyen 61,4 ans). Le
groupe plus âgé comprend proportionnellement plus
d’hommes (42 %) que le groupe plus jeune (23 %). Les
symptômes moteurs qui étaient classés comme de
nature convulsive épileptique avant la V-EEG chez 17
des 26 patients âgés correspondaient, en réalité, à des
tremblements fins et rapides des extrémités ou à des
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mouvements désordonnés, associés à une altération
du contact. Quatre patients âgés avaient un regard fixe
et une aréactivité complète sans mouvements anormaux. Trois autres faisaient des chutes non traumatisantes et restaient au sol sans réaction.
Considérations méthodologiques,
nosologie et psychopathologie
Les ENEP posent des problèmes spécifiques
compte tenu des modalités pratiques du diagnostic.
Les patients sont vus en effet par des neurologues qui
enregistrent des « crises ». La grille de lecture des
symptômes s’est longtemps limitée à écarter le diagnostic de crise d’épilepsie. La terminologie utilisée
dans la littérature témoigne des difficultés conceptuelles auxquelles les cliniciens ont été confrontés. Scull
[14] a ainsi répertorié quinze synonymes qui désignent
les ENEP : crises psychogènes, pseudo-crises, crises
pseudo-épileptiques, crises hystériques... illustrant la
difficulté à qualifier adéquatement les événements
observés. Il s’agit de crises, dans l’acception phénoménologique du mot, qui désigne simplement une modification brusque qui tranche avec le comportement en
cours. Ces crises ne sont pas épileptiques, c’est-à-dire
qu’il ne s’agit pas de manifestations cliniques en rapport avec la décharge paroxystique d’un groupe de
neurones cérébraux. Elles ne sont pas simulées, ni produites de manière consciente. La classification utilisée
dans la littérature est source de confusion. Elle résulte
des modalités particulières de raisonnement des épileptologues qui ont défini les événements par rapport à
la classification des crises épileptiques authentiques.
Les ENEP sont ainsi classés en crises « pseudogénéralisées », crises « pseudo-partielles » ou pseudo « absences », ce qui n’a aucun intérêt pratique véritable. Dans la même perspective, limitée à
l’établissement d’un diagnostic différentiel, certains
signes cliniques ou certaines données EEG élémentaires ont été considérés comme potentiellement discriminants : fermeture des yeux pendant un ENEP versus
yeux ouverts pendant une crise épileptique généralisée, mouvements du bassin, troubles particuliers de la
posture, pseudo-secousses respectant la face à l’occasion d’un ENEP et non lors d’une crise épileptique,
séquences motrices plus ou moins spécifiques, modifications particulières de l’EEG, etc. Cette manière de
procéder est source d’erreurs car certaines crises partielles frontales se manifestent par des comportements
moteurs bizarres de durée brève et l’EEG est souvent le
siège d’artefacts liés aux mouvements. L’enregistre-
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ment de surface est habituellement normal pendant
une authentique crise partielle simple. Surtout, se référer uniquement au phénomène observable laisse penser à tort que des critères cliniques et/ou EEG sortis de
leur contexte permettent de porter aisément un diagnostic d’ENEP, alors qu’une analyse globale de la
condition psychopathologique du patient est nécessaire.
Deux situations différentes résument l’ensemble
des présentations cliniques :
1) les états d’aréactivité sans manifestations motrices :
le patient devient brutalement aréactif, sans autres
signes, et ne réagit à aucune stimulation. Il peut chuter
de manière potentiellement traumatisante. La crise
peut durer plusieurs minutes, l’activité alpha reste présente sur l’EEG. Le visage est calme et, quand les yeux
sont fermés, une certaine résistance peut être opposée
à la tentative d’ouverture. Le diagnostic est facile lorsque la crise est directement observée. Ce mode de
présentation concerne environ un tiers des patients
[15]. La durée du trouble est variable, brève ou prolongée pendant parfois plusieurs dizaines de minutes. Les
témoins indiquent que le patient est « absent » ;
2) les crises caractérisées par une importante activité
motrice plus ou moins désordonnée. L’absence de phénomènes rythmiques stéréotypés, la fluctuation au
cours du temps, l’installation plus ou moins graduelle,
la longue durée de l’épisode sont plus fréquemment
rencontrés lors des ENEP, mais la variété des symptômes défie toute tentative de systématisation.
Les ENEP appartiennent aujourd’hui au cadre général des troubles dissociatifs et somatoformes dans les
classifications descriptives du DSM-IV [16]. La dissociation correspond à un mécanisme mental sans signes
physiques (somatiques) observables intéressant les
fonctions intégratives de la conscience : mémoire, perception, identité entraînant respectivement amnésie,
dépersonnalisation, trouble de l’identité et fugues. Les
troubles somatoformes correspondent à des symptômes physiques observables mimant une affection neurologique ou médicale. Les ENEP en tant que phénomènes observables sont ainsi classés dans un soustype de troubles somatoformes, les conversions, au
sein d’un ensemble plus vaste. Dans les classifications
modernes, le terme de conversion n’a qu’une signification purement descriptive. Les troubles dissociatifs
(conversion) constituent ainsi un ensemble hétérogène
de phénomènes caractérisés par une atteinte partielle
ou complète de l’intégration entre la mémoire, le sentiment d’identité, les perceptions immédiates et le
contrôle du corps. L’interrogatoire rétrospectif du sujet
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Points clés
• Les événements non épileptiques psychogènes
(ENEP ou pseudo-crises) observés chez les sujets
jeunes sont fréquents (20 à 30 % de l’ensemble des
« crises ») et souvent en rapport avec un état de
stress post-traumatique.
• Ils apparaissent beaucoup plus fréquents que
prévu chez les sujets âgés explorés en vidéo-EEG
pour assurer le diagnostic positif de malaises ou de
pertes de contact considérés comme de nature
potentiellement épileptique.
• Le traumatisme psychique à l’origine du trouble
chez le sujet âgé semble différer de celui du sujet
jeune.
• Le concept d’ENEP du sujet âgé ouvre des perspectives diagnostiques nouvelles de grande importance pratique.
à distance de ces états retrouve constamment une
amnésie de l’épisode aigu, ce qui favorise la confusion
avec une crise épileptique. Parmi les symptômes dissociatifs, il a été décrit des états crépusculaires ou hypnoïdes, ainsi que des manifestations psychiques
paroxystiques avec amnésie dont la durée est suffisamment brève pour qu’un diagnostic de crise épileptique puisse être envisagé.
L’intérêt du cadre des troubles dissociatifs est qu’il
a pu être relié à des circonstances étiologiques particulières et, tout particulièrement, aux conséquences d’un
syndrome de stress post traumatique (SSPT) [17],
comme d’autres manifestations cliniques des troubles
somatoformes [18]. Pour certains, 50 à 90 % des sujets
atteints d’ENEP ont des antécédents de traumatismes
sexuels ou de violences physiques graves et 85 % un
trouble dissociatif cliniquement patent [19]. Le sex ratio
montre une nette prédominance féminine (2 à
3 femmes/1 homme). Des scores élevés aux échelles de
dissociation, de troubles somatoformes, de SSPT,
d’anxiété et de dépression sont constamment retrouvés. Des antécédents d’hospitalisations en psychiatrie
(tentatives de suicide, dépression, abus de toxiques)
sont fréquents. L’histoire est chronique, caractérisée
par une résistance d’emblée aux antiépileptiques. Un
stress émotionnel identifiable, qui doit être recherché,
est associé au déclenchement des crises. La procédure
diagnostique doit être active, systématique et orientée.
Un interrogatoire biographique complet, un entretien
psychiatrique structuré complété par l’utilisation
d’échelles standardisées (anxiété, dépression, personnalité, recherche d’un syndrome de stress post-
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Les événements non épileptiques psychogènes
traumatique à l’aide d’échelles spécifiques), une évaluation des conditions sociales et professionnelles sont
nécessaires. Tous les patients participant à une évaluation vidéo-EEG devraient bénéficier d’une évaluation
psychiatrique soigneuse.
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Les causes présumées des ENEP actuellement
admises chez les sujets jeunes rendaient compte de
leur absence postulée chez les sujets âgés jusqu’à une
période très récente.
Les caractéristiques générales résumées ci-dessus
concernant les sujets jeunes ont été retrouvées dans le
travail de Duncan et al. [13] avec des abus sexuels chez
32 % des patients et des antécédents de violences physiques chez 28 %, en majorité des femmes (77 % de
l’effectif). Des antécédents psychiatriques étaient
observés chez 61 % des sujets et 43 % avaient présenté
des attaques de panique. Le groupe des sujets âgés
avait des caractéristiques très différentes. Des antécédents de violences sexuelles (4 %) ou physiques (15 %)
étaient retrouvés dans une proportion significativement moindre. La caractéristique du groupe âgé était la
fréquence des problèmes de santé graves observés
chez 42 % des sujets, contre 8 % chez les sujets jeunes
(p < 0,001). Les auteurs pensent que les ENEP du sujet
âgé sont en rapport avec un traumatisme psychique lié
à la survenue d’une affection somatique grave source
de frayeur et de désarroi qui crée un état dissociatif
et/ou une conversion.
Conclusion
Les ENEP du sujet âgé semblent fréquents (pour
certains, d’un ordre de grandeur équivalent à celui des
événements non épileptiques physiologiques) et
signent l’existence d’une souffrance psychique dont le
lien à un facteur de stress doit être évoqué. Ce facteur
de stress peut avoir un potentiel traumatique, qu’il soit
en lien avec une situation traumatique réelle vécue
dans l’enfance ou l’âge adulte, ou qu’il soit la conséquence de la survenue d’une affection somatique
considérée comme menaçante. Il est probablement
souhaitable de pouvoir en assurer le diagnostic positif
à l’aide d’un enregistrement V-EEG pour éviter les diagnostics erronés de manifestations épileptiques et les
prescriptions d’antiépileptiques inutiles et potentiellement délétères. La fréquence de ces manifestations
d’allure épileptique qui expriment une pathologie psychiatrique souligne l’intérêt d’une approche multidisciplinaire associant des compétences neurologiques et
psychiatriques.
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