Mise en page 1
Transcription
Mise en page 1
funlightmag315.qxd 18/01/08 21:03 Page 1 FUNLIGHT, REVUE DE JUBILATION ET DE LUMIÈRE, NUMÉRO 01, PRINTEMPS 2007, PARIS, FRANCE funlightmag315.qxd 18/01/08 21:03 Page 2 édito EXTRAIT DU GÉNÉRIQUE DU DESSIN ANIMÉ CAT’S EYES, 1986 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:03 Page 2 Sommaire Ce numéro est le fruit d’une collaboration entre Fanette Pesch et Alice Litscher, dans le cadre d’un Diplôme Supérieur des Arts Appliqués en mode et environnement à l’École Supérieure des Arts Appliqués Duperré, 11 rue Dupetit-Thouars, 75003 Paris, session 2007. Nous tenons à remercier chaleureusement nos professeurs : Mesdames Sandra Boucaya, Gislaine Mathieu, Marie Rochut, Brigitte Smadja, Messieurs Pierre Giner, Marc-Vincent Howlett, Michel Jamet, Stephan Lozet et Philippe Praquin, Julie Asperti, Davy-Brice Froment, Teki Latex, M/M Paris, Para One, Reebok, Olivier Schmitt, Yaz, nos amis, nos amoureux et nos familles sans qui ce projet, et plus particulièrement cette édition, n’auraient pu exister. Imprimé à Paris en mai 2007 chez 3P Venture, 27 avenue de l’Opéra, 75001 Paris 2 FUNLIGHT 01 En 2007, on a 23 ans .................................................................................. Contre le je, pour le jeu ................................................................................ En 1997, on a 13 ans .................................................................................. Identité fondue dans la force des couleurs ..................................................... Énergie régénératrice .................................................................................... Mon Petit Poney ............................................................................................ Beardsley, McCay, Mucha : trois fois nouveau ............................................... Couleurs vives et nous vivantes ..................................................................... La New Rave, déferlante de fun ..................................................................... Dans l’oeil du kaléidoscope .......................................................................... Pastellisation des astres ................................................................................. Bioman ........................................................................................................ Le K-way, en tous K ....................................................................................... On est trempé de lumière ............................................................................. Voyelles, on apprend par coeur ..................................................................... Blondine au pays de l’arc-en-ciel .................................................................. Génération paradoxe ................................................................................... Hier on était déjà demain ............................................................................. Teki Latex, indicateur de couleurs .................................................................. Langage attractif ; Et quand le plastique était plus encore .............................. Para One, à vive allure ................................................................................. Large public ; Impératif ................................................................................. Cynthia ou le rythme de la vie ....................................................................... Être = faire = être ........................................................................................ Jeu suis ........................................................................................................ Yazbukey, accessoirement princesse ............................................................... Ce qui est accessoire est essentiel .................................................................. Elsa Schiaparelli, l’artiste qui fait des robes .................................................... Creamy ........................................................................................................ Avec peu, on peut beaucoup ......................................................................... Étymologie du Hip-Hop américain ................................................................ Baltimore, le troisième samedi du mois ......................................................... Ranma 1/2 .................................................................................................. Le Double degré ........................................................................................... Maintenant les penderies s’échangent leur contenu ; À part être à sa guise .... Onde de choc .............................................................................................. Visionnage en devenir .................................................................................. À la recherche du temps à réinventer ............................................................ introduction définition subjective réactivation définition subjective définition subjective référence référence définition subjective phénomène définition subjective définition subjective citation référence définition subjective définition subjective citation panorama définition subjective interview définition subjective interview définition subjective citation petite réflexion définition subjective interview perspective référence citation définition subjective référence interview citation petite réflexion définition subjective référence définition subjective petite réflexion p4 p6 p8 p10 p12 p14 p16 p18 p20 p22 p24 p26 p28 p30 p32 p34 p36 p38 p40 p44 p46 p48 p50 p52 p54 p56 p58 p60 p62 p64 p66 p68 p72 p74 p76 p78 p80 p82 FUNLIGHT 01 3 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:03 Page 4 introduction En 2007, on a 23 ans Envie de positiver le s contraintes, besoin de s’échapper, d’alle r de l’avant. La partie commence... La période à laquelle nous faisons référence, celle de nos 13 ans, nous fascine. En l’évoquant, nous avons compris à quel point ces années ont compté, nous ont façonnées et d’une certaine manière ne cessent aujourd’hui encore de nous parler. Pourtant, et nous en assumons l’apparent paradoxe, nous percevons cette époque comme un mouvement avorté et, par conséquent, comme une époque qui mériterait d’être revisitée, explorée, analysée. Sa matière première nous est encore proche, nos souvenirs sont vifs, et nous pouvons, aussitôt que nous y sommes immergées retrouver notre langage de teen-agers survoltées ; en même temps nous ne sommes plus des gamines de treize ans, mais de jeunes adultes. Cet écart permet à la fois des effets d’identification, et une distance parfois ironique, double degré dont nous reparlerons. 4 FUNLIGHT 01 Le plaisir ou mieux encore la jubilation que nous avons ressentie dans le parcours de cette fin des années 90 nous a donné le désir de redonner toute sa légitimité à cette époque. Hors de question d’en faire renaître l’exacte émanation, l’objectif est d’inclure dans nos productions l’heure actuelle de ce qui n’a pas été saisi à sa juste valeur. Mais attention. Refaire les années 90 n’obéit à aucune nostalgie, à aucun impératif dicté par la mode du revival. Très vite, nous nous sommes aperçues que revisiter ces années constituait un projet, le notre, qui répond à des envies qui vivent aujourd’hui, comme si ces années continuaient à vivre, comme s’il y avait encore des traces laissées par les lumières fluo, les rythmes musicaux, les univers fictifs qui nous ont nourries. Il s’agit d’extraire le meilleur de cette époque et de le transcender. Le réduire à son essence finira par en révéler l’étonnante actualité. L’élixir obtenu est l’élément déclencheur de notre engagement, la source de notre création. FUNLIGHT 01 5 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:03 Page 6 définition subjective Contre le je pour le jeu L’individualisme, c’est dépassé. Aujourd’hui,créativité devrait toujours rimer avec pluridisciplinarité et pour ce faire, rien de plus concret que l’échange et l’association. L’heure est à l’alliance des compétences. Voilà un parti-pris qui a, entre autres avantages, celui de s’émanciper des frontières. C’est ambitieux, périlleux, mais c’est cela l’avenir. Les différents secteurs impliqués par un projet, quels qu’ils soient, sont amenés à communiquer davantage. C’est le moyen le plus concret d’augmenter les capacités et la rapidité. Les réfractaires à cette évolution sont nombreux et ils ont tort ! Le progrès se trouve dans la création de liens plus étroits entre les pratiques. Nous sommes donc deux. Alice et Fanette. L’une, Alice, est graphiste, l’autre, Fanette, est styliste. Nous avions toutes deux 13 ans en 97. 6 FUNLIGHT 01 FUNLIGHT 01 7 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:03 Page 8 réactivation En 1997, on a 13 ans Un moment d’euphorie collective trône sur la liste de nos instants de plaisir. s les 90’s. du fun, nous invoquon re oi gl la de e ur he À la nouvelle Dans la cour de récré, les cordes à sauter fluorisent le béton Be bap Be bap Come into my life Dans les boums, on tape des pieds sur Corona et on chante par dessus 2 Unlimited Tip top Tip top Show me a smile Dans les squares du quartier, on s’échange des pin’s et des badges siglés Clip clap Down do Do dam Da Dans les rues, on sautille et remue des chevilles surtout entre filles On gadgette gentiment dans le flux d’un dégradé de couleurs passionné. On aère notre chevelure enfantine grâce à nos patins et nos planches à rouler On s’euphorise au rythme des nouveaux C.D. On a tous une cassette préférée et un walkman pour l’écouter Dans nos télévisions défilent des personnages fantastiques de dessins animés Dans nos cheveux se mêlent les postiches des Petits Poneys Dans nos Happy Meal se cachent des lunettes en plastique pour l’été Dans nos baignoires les Barbies changent de couleur une fois mouillées 8 FUNLIGHT 01 Quand on a 13 ans en 1997, on porte des sweat-shirts rouges et verts des K-ways roses ou bleus. Quand on a 13 ans en 1997, on bassine sa mère pour avoir le CD d’Ace of Base pour Noël. Quand on a 13 ans en 1997, on veut faire du snow-board mais on fait du ski parce que les parents sont pas d’accord. Quand on a 13 ans en 1997, on danse des slows avec Jérémie à la boum de notre super copine. Quand on a 13 ans en 1997, on est fasciné par les filles cools de 3ème qui portent des baggys. Quand on a 13 ans en 1997, on sait bien que c’est pas bien tout ce qu’on aime mais on adore quand même. FANETTE - Quand t'avais 13 ans tu n'avais pas le droit de porter du fluo ? ALICE - Non, mais qu'est-ce que j'en rêvais ! FANETTE - Pour moi, l'acte le plus révolutionnaire, c'est quand j'avais onze ans, que ma soeur devait en avoir 13 et qu'on est parti à la Fnac acheter le single de Don't Want No Short Dick Man de Twenty Fingers ! C'était vraiment fou de revenir à la maison avec ce truc plein de gros mots et le mettre à fond dans le salon ! On inventait des chorégraphies quasiment acrobatiques. FUNLIGHT 01 9 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:03 Page 10 définition subjective Identité fondue dans la force des couleurs Un tourbillon de tons éclatants envahit les écrans Ce vent chromatique s’imprime sur nos rétines Qui n’opèrent dès lors leurs réglages Qu’à la lueur d’un spectre extrêmement intense Les pixels sautillent au delà de la surface Ça pique Ça chatouille Nous sentons nos paupières se gonfler de nuances Ces teintes aussi denses que mobiles ne s’épuisent jamais Nous sommes des héroïnes 10 FUNLIGHT 01 FUNLIGHT 01 11 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:03 Page 12 définition subjective Énergie régénératrice Une force inouïe Je saute à pieds joints À cloche pied, je continue La forme est éclatante Je me matérialise par explosions à intervalles réguliers J’expire et me propulse à nouveau Battement de mon corps Rythme incessant de ma jubilation 12 FUNLIGHT 01 FUNLIGHT 01 13 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:03 Page 14 référence Mon Petit Poney Il est sympa, si sy mpa qu'on voudra it Etre comme ça, comme mon petit poney rs gai ien, toujou b rs u jo u to urs, Il est toujo tit poney Rempli d'amour, c'est mon pe « Mon Petit Poney » est une marque déposée par la société Hasbro Industries. En 1981, ses inventeurs Bonnie D. Zacherle, Charles Muenchinger et Steven D’Aguanno ont mis au point ce petit jouet en vinyle, dont la production de masse a commencé en 1982. L’aspect de « Mon Petit Poney » a évolué au cours du temps, entraînant la création de personnages de plus en plus colorés dont la promotion a été assurée à travers des séries télévisées et des films. 14 FUNLIGHT 01 Les petits poneys possèdent chacun des couleurs, des accessoires et des crinières qui leur sont propres. Des pinces à cheveux en forme de papillons, fleurs ou petits rongeurs avec une extension de cheveux colorés et irisés étaient à ajouter à la crinière de l’animal fantastique voire aux cheveux des petites filles. Ces postiches miniatures étaient bien évidemment accompagnés d’une brosse et d’un peigne en plastique. Le charme des petits poneys réside essentiellement dans la tendresse de leurs grands yeux éveillés ainsi que dans la longueur de leur crinière enchanteresse dont on ne se lasse pas de peigner l’irrésistible matière lumineuse, pailletée et scintillante. Apprendre à coiffer ses cheveux par l’intermédiaire d’un minuscule animal imaginaire a fait de lui l’un des premiers lieux de la coquetterie pour les petites filles. On le retrouva dans des sets de maquillage, des salons de coiffure à son échelle, des panoplies de toilette et des boîtes à bijoux musicales. Des stickers brillants existaient aussi pour décorer la surface de son petit corps tendrement coloré. Complètement humanisé par l’attribut d’une peau à la place d’un pelage et le choix de cheveux synthétiques tenant lieu de crinière, « Mon Petit Poney » au delà d’avoir été un compagnon d’enfance merveilleux est resté le symbole de la fusion entre la nature et l’être humain et surtout de la rencontre du merveilleux et du quotidien. FUNLIGHT 01 15 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:03 Page 16 référence Trois fois nouveau Magie de représentation et spectacle incontournable de la modernité... Alfons Mucha (1860 / 1939) est né en République Tchèque. À 19 ans il part à Vienne pour travailler sur des décors de théâtre, puis continue ses études à l’Académie Julian à Paris. Il travaille pour Sarah Bernhardt en réalisant nombreuses de ses affiches. Il devient l’affichiste le plus représentatif de l’Art Nouveau à Paris. Après un passage aux États-Unis, il va revenir à Prague et concevoir toute la communication de la Tchécoslovaquie qui obtient alors son indépendance (timbres, billets de banque, vitraux de la cathédrale, décors du Théâtre National, etc.). À la fin de sa vie il est passé de mode, mais depuis les années 60 il inspire à nouveau régulièrement les illustrateurs, graphistes et artistes. Le style de Mucha est floral, divinement féminin, et en même temps la modernité incarnée. Il est le vitrail et la sérigraphie, la nature et l’architecture, le velouté d’une joue et la typographie la plus lisible. C’est cette « âme du progrès » qui fait de lui un exemple pour tous les illustrateurs et graphistes. À nouveau trouver un équilibre entre organique et mécanique est le défit de nombreux travailleurs de l’image. Winsor McCay (1871 / 1934) est auteur américain de bandes-dessinées et de films d’animation. Son oeuvre principale, Little Nemo, a influencé de Moebius à Hayao Miyazaki (Princesse Mononoké, Le Château dans le ciel, Le Voyage de Chihiro). Son dessin animé Gertie le dinosaure inspira Walt Disney, Max Fleischer (Betty Boop, Popeye) ou Osamu Tezuka (Le Roi Léo, Metropolis). À 17 ans il se fixe à Chicago et est très marqué par les constructions réalisées pour l’Exposition Universelle et les gratte-ciels. À 19 ans, il est déjà très reconnu comme peintre et décorateur, il travaille notamment pour le Musée d’Histoire Naturelle de Cincinnati ou les parcs d’attraction, alors très en vogue aux États-Unis. En 1897, il commence à publier des caricatures et des dessins de science-fiction pour la presse locale et Life. Repéré par le propriétaire du New York Herald et de l’Evening Telegram, il s’installe à New York en 1903. McCay réalise alors les planches illustrées du dimanche — Le petit Sammy éternue, Henrietta l’affamée, les Cauchemars de l’amateur de fondue au Chester et Little Nemo in Slumberland, avec lequel il atteint alors le sommet de son art. Winsor McCay abordent des thèmes de la vie quotidienne urbaine et les rend oniriques... La sensation d’être un petit enfant devant la vitesse du progrès est incarnée par le plus merveilleux des rêves chez McCay. Comme son petit héros Nemo on ne voudrait jamais sortir du rêve sans fin qu’est son oeuvre. Combien parmi nous lui doivent leur plus belles images de fleurs, de palais, de vols sur les ailes d’un oiseau géant ? 16 FUNLIGHT 01 Aubrey Beardsley (1872 Brighton / 1898 Menton) est un illustrateur dandy et autodidacte anglais. Il est célèbre pour ses contributions au magazine The Yellow Book, ses illustrations pour les ouvrages Salomé d’Oscar Wild ou Mademoiselle de Maupin de Théophile Gautier. Tuberculeux, il est mort dans le sud de la France à 25 ans. Son style si particulier et jugé décadent par la bonne société victorienne est une rencontre entre l’art japonais et la stylisation de l’Art Nouveau. Si l’Angleterre montre la voie vers les sommets de l’humour et du raffinement, depuis si longtemps, c’est notamment grâce à l’existence d’êtres merveilleux dont l’oeuvre traduit l’âme et l’esprit de façon si élégante qu’il est impossible de ne pas être touché par eux. Beardsley est l’un d’eux et sa courte vie lui a permis de nous montrer sa virtuosité, encore perçante aujourd’hui... Ces trois illustrateurs sont symboliques du passage aux médias « populaires ». Ce sont trois artistes qui ont essentiellement travaillé dans les domaines de la presse et de la publicité. Leurs traitements graphiques ont influencé toute l’illustration actuelle. La façon dont ils traduisent des situations quotidiennes sublimées est probablement l’inspiration première de toute la génération d’illustrateurs dite « post-moderne ». FUNLIGHT 01 17 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:03 Page 18 définition subjective Couleurs vives et nous vivantes Elles frémissent Dans un océan de tons irraisonnés Elles chantonnent Dans un espace qui les fait résonner Les couleurs vivent Nous vibrons par elles Si denses et effrénées Nous nous entourons d’elles Si chatoyantes et dynamisantes Nous nous vêtons d’elles Pour mieux nous retrouver 18 FUNLIGHT 01 FUNLIGHT 01 19 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:03 Page 20 phénomène Déferlante de fun Demain les kids fantasmeron t Londres 2007 et le phénom ène qui s’en empare, s connu... ux qui ne l’ont pa ce vé rê it fa a inging London autant que le sw s? dias nous rabattent les oreille mé les nt do » ve Ra w Ne « Mais qu’est-ce que cette Issus de pratiques diverses, les acteurs de la New Rave ont un point commun : ils revendiquent une grande liberté stylistique. C’est à dire qu’ils ont l’art de mélanger les genres et cela sans aucun complexe ni aucune limite, sur le mode de l’insouciance, ou, formulé différemment, le fun. Pour accéder à celui-ci, tout est permis. Surtout d’avoir à nouveau 13 ans et l’espace d’un instant d’attraper au passage les parcelles d’émotions et de sensations qui s’y rattachent. Ensuite il est essentiel d’y injecter sa maturité de jeune adulte et d’exercer un métier dans le domaine de la création (stylisme, design, graphisme, vidéo, musique, édition, ...) pour pouvoir participer. La dynamique pluridisciplinaire de ce mouvement génère son énergie et son expansion. Si la règle est qu’il n’y en a pas, mieux vaut laisser tes mauvaises pensées au vestiaire. Il s’agit d’être positif, exalté et excessif. Londres en est la plaque tournante depuis 2003 avec l’entrée en scène du groupe The New Pony Club. C’est la rencontre du rock garage et de de l’acide house. Les plus fameux représentants de ce mouvement en musique sont les Klaxons, To My Boy, Shitdisco, Silverlink, Justin Baum. 20 FUNLIGHT 01 Le duo musical le plus ambivalent est certainement celui de Zezi et Kesh avec la création de The Coconuts Twins, un duo de djettes hyper lookées qui tient aussi un magazine intitulé Supersuper. Dans leurs séries photographiques, elles confrontent des trucs ambitieux et des trucs de supermarché. Le résultat se veut absurde et ridicule. Elles affirment une volonté forte de liberté vestimentaire, à la limite du déguisement. Il était donc improbable que leur chemin ne croise pas celui de la nouvelle queen of the New Rave dénommée Carrie Mundane avec qui elles collaborent régulièrement. Celle-ci a créé son label Cassette Playa en 2005 avec le lancement de sa première collection automne / hiver. Depuis elle affirme une « cartoon couture » complètement démentielle. Elle apporte une vision kaléidoscopique et psychédélique du vêtement. Elle évoque une grande partie des expressions culturelles et populaires de la jeunesse des années 90. En s’associant à Zephire Rising pour l’animation vidéo et à Silverlink pour la bande son de sa collection printemps / été 2006, elle confirme son rôle dominant dans le mouvement. Parallèlement à son activité de styliste, Cassette Playa incarnée par Carrie développe un autre domaine de création qu’est le graphisme. Ainsi non contente d’habiller les Klaxons elle s’occupe de leurs pochettes de disques ou de VJing pour la soirée du magasin multi-marques Maria Luisa à Paris. Comme on peut l’observer sur Myspace, l’influence nineties sur le graphisme aujourd’hui est très importante. À Paris, on notera l’existence de similarités avec ce mouvement chez des créatifs pluridisciplinaires comme Maroussia (Andrea Crews) et Jean Nipon. L’intérêt principal de la New Rave se situe dans son positionnement : ses acteurs ne tentent pas de « retrouver » une période qu’ils auraient connue plus jeunes, mais de réinventer la période des raves qu’ils n’ont pas connue. C’est cette idée de « réinvention » qui est vraiment rafraîchissante. Ainsi on voit naître des Underage parties à Londres où la moyenne d’âge du public est de 13 ans... Il ne s’agit aucunement d’un revival, mais bien de trouver des prétextes pour créer du neuf ! FUNLIGHT 01 21 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:03 Page 22 définition subjective Dans l’oeil du kaléidoscope Vision bigarrée Explosion Totalité du regard décomposée Fragments du réel à cet instant si perspicaces Harmonique Rythmique 22 FUNLIGHT 01 FUNLIGHT 01 23 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:03 Page 24 définition subjective Pastellisation des astres Du lait versé sur les couleurs les apaise Elles prennent de la consistance et une plus douce température De l’eau fraîche dans les couleurs les revigore Elles se diluent et se dilatent sans filature C’est la voix lactée qui chantonne les tonalités dissipées des étoiles chromatiques C’est l’impalpable ruisseau qui diffuse les accents liquides de l ’ a r c - e n - c i e l 24 FUNLIGHT 01 FUNLIGHT 01 25 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:03 Page 26 citation comme un arc-enciel courageux rouge, rose, vert, jaune et bleu bioman bioman héros l'univers man man de Extrait de Bioman, 1985 26 FUNLIGHT 01 FUNLIGHT 01 27 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 28 référence En tous K Ça colle à la peau . Ça se range en vrac. c. d’un tour dans son sa us pl a nt ve eup co Ce petit Le fameux coupe-vent créé en 1965 par Léon Duhamel, industriel du Nord, est le premier vêtement de pluie fabriqué en Nylon enduit. Il s’appelle tout d’abord « En-cas » - sous-entendu de pluie - et, le succès étant éclatant, change de nom un an plus tard et se transforme en K. L’ajout du mot way contribuera à son essor international. La marque deviendra un nom générique. Certains en parlent encore : Imperméable, le K-way s’enfile par la tête et se range dans une poche ceinturée à la taille. Dans son col, une fermeture à glissière dissimule une capuche. C’est le compagnon de toutes les aventures tous terrains. Il possède des aérations dans le dos ainsi que des poignets élastiqués pour éviter toute infiltration et des coutures étanches. — Non mais un K-way il n’y a rien de plus pratique ! Ça me rappelle de bons souvenirs d’enfance - quand on faisait les sorties scolaires et qu’on était tous à la queue-leu-leu avec notre super Kway qui se dandinait sur nos fesses. Tout le monde a un souvenir lié au Kway. C’était l’uniforme des sorties de classe ainsi que des ballades familiales. Sa transformabilité et ses couleurs si franches font sa spécificité. Il est irremplaçable. 28 FUNLIGHT 01 — Vous souvenez-vous du K-way de notre enfance ? Celui que l’on roulait en boule et que l’on attachait autour de la taille. — Tiens, ça me fait penser à celui que j’avais quand je n’étais qu’une enfant. Un vrai cauchemar compte tenu de sa couleur... fluo... Merci maman ! — C’est vrai ça, il fallait toujours se munir de son K-way et.... de sa gourde ! C’était trop mignon ! Mon Kway était bleu et plus tard j’en ai eu un jaune fluo et je faisais ma crâneuse avec ! — C’ est magique le K-way !!!! FUNLIGHT 01 29 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 30 définition subjective On est trempé de lumière Comme un éclat de rire qui perce le sérieux d’un silence F l u o r e s c e n c e Lumière artificielle S t a b i l o N é o n Plastique fluorescent de mes lunettes Mac Donald Flash de mon appareil photo jetable Je suis prise sur le fait 30 FUNLIGHT 01 FUNLIGHT 01 31 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 32 récitation On apprend par coeur Voyelles A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles, Je dirai quelque jour vos naissances latentes : A, noir corset velu des mouches éclatantes Qui bombinent autour des puanteurs cruelles, Golfes d'ombre ; E, candeur des vapeurs et des tentes, Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ; I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles Dans la colère ou les ivresses pénitentes ; 32 FUNLIGHT 01 U, cycles, vibrements divins des mers virides, Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ; O, suprême Clairon plein des strideurs étranges, Silence traversés des Mondes et des Anges : - Ô l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! Arthur Rimbaud FUNLIGHT 01 33 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 34 citation rainbowbright, ton coeur est paillettes tes yeux étincellent et tu vis comme ça ah ah rainbowbright, lumière de la fête pour le petit malin, l'avenir c'est ça ah ah Extrait de Blondine au pays de l’arc en ciel, 1985 34 FUNLIGHT 01 FUNLIGHT 01 35 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 36 panorama Génération paradoxe faire exister ! tiver, de la faire revivre, de décider de la réac la de it suff il , Non ? fini t c’es , opie L’Ut Généreuse, énergique, positive, notre gén ération puise dans son coffre à jouets pour décider qui elle est. FANETTE - On est quand même la Novembre 1989, le Mur de Berlin chute. Septembre 2001, les tours jumelles de New York s’effondrent. Deux constructions de briques, de métal, de ciment disparaissent dans deux capitales de l’Occident, et les deux bornes des années 90 apparaissent. Ainsi, cette décennie s’ouvre sur l’ouverture de la frontière symbolique entre les pays Occidentaux et l’ex bloc soviétique, la fin de la Guerre Froide et du téléphone rouge, des Grands Récits qu’a représenté le Marxisme. C’est la victoire quasi totale de la Démocratie - et du capitalisme. La Chine elle-même s’ouvre au commerce international et se prépare à devenir l’une des principales puissances mondiales. Dans un mélange d’angoisse et d’euphorie, on entre dans une ère de paradoxe. Thierry Mugler habille encore de fluo ses cyber-girls et Calvin Klein met à nu des jeunes enfants qui n’ont aucune certitude quant à leur place dans ce monde. Les États-Unis sont les nouveaux dirigeants de la planète Terre et donnent le ton à tous niveaux. C’est aussi la période qui voit l’explosion des nouvelles technologies et surtout du micro-ordinateur et d’Internet. Conséquences directes de ces avancées, on voit apparaître les premiers clonages, Organismes Génétiquement Modifiés ou les tests ADN. Notre identité humaine est plus floue de jour en jour. Culturellement, le grunge (rock énergique, expression d’un mal-être) émerge et le hip-hop devient le style musical et vestimentaire le plus important à la fin de la décennie. La télévision par satellite et le jeu vidéo sont partout autour de nous et influencent nos comportements. La chute des tours est un électrochoc pour le monde occidental qui met fin à une décennie amorcée dans l’euphorie de la naissance d’un nouvel ordre mondial qui unifierait tous les pays du monde. C’est aussi l’entrée dans l’âge adulte pour notre génération. En effet, en 1997 nous avons 13 ans. Depuis nos premiers souvenirs, nous baignons dans univers de dessins animés japonais, de cordes à sauter fluo et molles, de malabars bi-goût, de skate-boards qui glissent vite, de hiphop avec des attitudes nouvelles et des couleurs qui explosent partout. Nous héritons des jouets de nos grandes soeurs et cousines, enfants des années 80, et le fluo, le dégradé et le plastique sont nos idéaux esthétiques, d’autant plus qu’ils sont catalogués « mauvais goût », voire « moches » par les Parents, détenteurs de la Vérité ; et ainsi, nos envies deviennent contre-culture et nous permettent de nous construire comme différents de nos géniteurs. Et le fluo devient notre salut, notre libérateur. première génération à avoir aussi peur de l'avenir, non ? ALICE - Il faut tout de suite savoir ce qu'on veut faire parce qu'on ne peut pas faire les choses à moitié, qu'il faut forcément s'investir à fond, y croire.... FANETTE - Et on a aucune garantie de trouver du boulot ! ALICE - C'est peut-être grâce à cela que nous développons des trucs comme l'entraide, qu'on a intérêt à être solidaire... Ainsi, nous sommes du plastique fluo, des cordes à sauter et du hip-hop parce que nous avons décidé de réécrire notre mémoire et de la faire présente, de l’utiliser comme matière pour nous-mêmes, nous avons choisi de nous construire avec des éléments précis. C’est à la fois le choix et l’acte de choisir qui nous font tels que nous sommes. Tout en ayant conscience de la valeur de ce sur quoi nos choix portent, et en les aimant de tout notre coeur, nous prenons la décision d’être qui nous voulons être, nous nous redécrivons comme nous nous redonnons naissance ; il n’y a pas de futur sans cela. C’est notre génération qui rendra banal ce souhait de Judith Butler : « (il faut repenser) les normes et les conventions qui permettent aux êtres de respirer, de désirer, d’aimer, de vivre. » ————— 36 FUNLIGHT 01 FUNLIGHT 01 37 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 38 définition subjective rubrique Hier était déjà demain Libre de notre jeune et innocente aptitude à discerner le beau, inexplicablement, irrésistiblement attirées par les extravagances et les pouvoirs magiques, nous avons défini peu à peu notre vision esthétique. Nous n’avons pas mauvais goût car nous savons, nous affirmons et plus encore aujourd’hui le tout en musique, le haut en couleur, le temps en plastique. 38 FUNLIGHT 01 FUNLIGHT 01 39 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 40 interview Indicateur de couleurs des Prescripteur de fun des 15 / 25 ans, roulant de entier, mécaniques sur les dance-floors du mon Teki Latex se revendique int uitif. ... Cependant apparaissent sous ce vernis des couches de culture mode insoupçonnées Julien Pradeyrol aka Teki Latex est la figure la plus visible du groupe de rap français TTC, créé avec Tido Berman et son cousin Cuizinier. Il est aussi cofondateur du label hip-hop/électro indépendant Institubes. Après de nombreux maxis et mixtapes, ils sortent trois albums, Ceci n'est pas un disque (2002) et Bâtards sensibles (2004), chez Big Dada, filière hip-hop du label Ninja Tune, et 3615 TTC, qui est sorti le 26 décembre 2006 chez V2 Records. Parallèlement, Teki Latex se lance en 2006 dans une carrière solo aux accents beaucoup plus pop. Après avoir signé chez Virgin France, il sort son premier album solo, Party de Plaisir, le 2 avril 2007. Institubes, le label que tu as fondé avec des amis, possède un forum sur internet, sur lequel il y a un topic sur les vêtements. Tu y expliques que les fringues, c’est hyper important. C’est important parce que tu sors dans la rue et que tu es obligé d’être habillé. Après, c’est une contrainte qui implique plein de choses. Les choix que tu fais déterminent ce que tu es. Donc les choix d’habits que tu fais déterminent ce que tu es. Tu influences beaucoup de jeunes dans leurs choix vestimentaires. Abordes-tu l’habillement de manière ludique ? Oui, bien sûr, c’est pour m’amuser. Le fait que je sois prescripteur vient du fait que j’ai envie de m’amuser. Je n’ai pas l’impression d’avoir une mission. Je ne me dis pas : « j’ai des responsabilités, comme je suis connu, il faut que je m’habille bien ». Est-ce que ça t’apporte quelque chose de mettre de la couleur ? Je ne sais pas si ça m’apporte grand chose. Je le fais parce que j’ai le sentiment que c’est la chose qu’il faut faire, parce que j’ai le sentiment que c’est ce qui correspond à notre époque. Ça n’est pas du tout de la provoc, c’est plutôt une question de visibilité. Je n’y connais rien à la mode. Pour moi, les vêtements sont 100% liés à la musique. Depuis toujours des courants musicaux inspirent des styles vestimentaire. Et je m’inscris juste dans cette tradition-là. Après, j’essaye de réfléchir à une traduction en vêtements de la musique qu’on peut faire ou qu’on peut écouter dans notre petit milieu. 40 FUNLIGHT 01 Est-ce que tu as toujours porté de la couleur ? Non, il y a eu une vraie évolution. Comme il y a eu une vraie évolution dans la musique que l’on a écrite. À une époque on écoutait des trucs un peu ternes et tristounets, donc on s’habillait terne et tristounet. On disait « l’important c’est la musique ». Alors qu’au bout d’un moment on s’est rendu compte que l’important ça n’était pas la musique. L’important c’est la vie, le life-style, le rêve. Et donc c’est cool de s’habiller d’une certaine manière. Il paraît que les types du marketing de Lacoste, à la demande de Christophe Lemaire, regarderaient très attentivement ce que vous portez ? Ce que je sais c’est que j’ai croisé Lemaire en soirée et qu’il est venu me voir pour me dire qu’il aimait beaucoup ce que je faisais ; il m’a un peu engueulé parce que je portais du Ralf Lauren ce soir-là ; je lui ai dit que j’aimais vachement Lacoste. Il m’a répondu : « je sais, j’ai vu vos photo de presse, je me tiens au courant de ces choses là. » On a commencé à parler de tous les kids qui portent des polos fluo dans ce milieu là, un peu de blogs, de trucs internet et de soirées, les gens qui gravitent autour d’Institubes et d’Ed Banger. Il a dit qu’il était totalement au courant de ça : « le fluo on en fait, il y en a dans la prochaine collection ». Il était hyper cool, hyper à l’écoute, j’ai complètement halluciné, je ne m’en doutais pas. C’est cool de savoir que ça ne leur passe pas à coté. FUNLIGHT 01 41 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 42 interview Est-ce que, enfant, tu étais déjà attiré par les couleurs ? Franchement, quand j’étais gosse, je n’en avais pas grand chose à faire de ce que je portais. J’essayais juste d’être dans le code rap. Ça n’était pas évident. On n’arrivait jamais à trouver les mêmes habits que dans les clips, alors quand les mecs avaient des super bobs, genre Karl Kani ou Cross Colors, nous on se débrouillait avec des bobs Ricard qu’on retournait, et on grattait l’étiquette. C’était hyper dur de se sapper de manière « spéciale » quand on était gamin. Les gens venaient te voir et disaient : « t’as des chaussures pour aller sur la lune ! » Il n’y a jamais eu de culture du cool en France. Au bout d’un moment j’ai lâché l’affaire. Je me suis habillé comme tout le monde parce que je n’avais pas envie de me sentir regardé. Et puis plus tard tu te dis quand tu es devenu un rappeur hyper connu : « c’est normal que les gens me regardent, c’est cool, il faut qu’ils me regardent quand je vais quelque part, donc je vais m’habiller avec des trucs voyants ». Et que tu sois rappeur ou juste quelqu’un qui se sent important, c’est la même chose. C’est une question de confiance en soi. Pour moi c’est passé par la musique, mais ça peut être n’importe quoi d’autre. À un moment tu te dis : « les gens me regardent dans la rue parce que je suis tellement cool ». Et tu t habilles comme tu veux ! Après il y a différentes manières de s’habiller comme on veut. Moi je ne suis pas du tout down avec le coté hyper rétro, « je m’habille comme un mec des années 60 », les groupes en « the », la banane, le look « Happy Days », ça m’exaspère. Vraiment c’est nul. Tous les mecs du babyrock s’habillent pareil. Ils n’ont jamais connu les années 60, ils sont habillés comme leur père, c’est super la déprime. Je ne suis pas non plus en train de dire qu’il faut absolument s’habiller de manière colorée. J’ai plein de potes que je trouve très très chics et qui s’habillent avec des couleurs très sombres, du noir, du blanc et du gris. Mais les coupes sont originales, on ne dirait pas qu’ils sortent d’une machine à remonter le temps. 42 FUNLIGHT 01 As-tu l’impression que porter des couleurs vives te rend plus sympathique ? Absolument ! C’est mon côté Carlos, ça a tout à voir avec Carlos ! Il mettait des chemises hawaïennes, ça accentuait son coté gros nounours sympa qui va te parler de ses voyages. Moi c’est pareil ! Carlos à fond ! J’adore ! Était-il un personnage cool, Carlos ? Ah mais oui ! Carlos à l’époque où il présentait T’as l’Bonjour d’Albert (Fat Albert and the Cosby Kids, première diffusion française en 1985 sur Canal +, auteur : Bill Cosby) était hyper cool. C’était un dessin animé où tout les héros sont bien habillés, ils ont tous des purs styles, des pulls vert pomme, des machins rouges, orange, classes, des bottes, des bérets bizarres, ils ont tous des démarches chelous, c’est hyper ghetto et en même temps hyper coloré. On a l impression que c’est vraiment des jouets Play School. Et c’était Carlos qui présentait, ça défonçait. Il respirait la bonne humeur. Et pourtant il avait une vie plutôt dure, il avait eu pas mal de galères dans sa vie, et pourtant il mettait ça de côté pour donner du rêve aux gamins ; moi j’admire énormément Carlos. Après pour revenir à l’influence que je peux avoir sur les kids, je suis pas si sûr d’en avoir tant que ça. J’ai l’impression d’avoir au mieux du poids sur les lecteurs de Clark et de Wad, mais dès que je sors de Paris, je suis un extraterrestre... Les vrais gens ne sont pas habillés comme ça. Quand je vais chez Ralf Lauren, ils sont trop contents que je leur achète tous leurs polos colorés. On me dit souvent que seuls les enfants s’habillent comme moi, que les vrais adultes, les vrais gens, s’habillent avec du noir et du blanc. Moi je pars du principe que toutes les couleurs débiles vont ensemble. Ok, tu ressembles à un paquet de Skittles, mais c’est toujours mieux que de ressembler à un paquet de Pie-qui-chante... Quel est ton point de vue sur les marques ? Il y a des marques qu’il n’est pas ok de porter et des marques, il y en a peu, qu’il est ok de porter. Dans les codes qui sont en train de se construire autour de ces habitslà, c’est Lacoste, Fred Perry à la rigueur, Ralf Lauren de moins en moins. Et en fait c’est lié à des trucs. Par exemple, il y a toujours eu une fascination des mecs du rap pour Ralf Lauren. Dans certaines branches du rap, les mecs ne jurent que par Ralf Lauren. Il y a même tout un mouvement de rap à New York qui est basé autour du polo Ralf Lauren, des mecs qui ne s’habillent que comme ça. Ça vient d’un gang qui volait du Ralf Lauren à une époque, et qui ne mettait que ça. C’était la surenchère, à qui avait le peignoir Ralf Lauren, à qui avait les pantoufles Ralf Lauren... Ils exhibaient toute leur collection Ralf Lauren sur leurs pochettes de disques ! Et plus proche de nous, dans le rap français, Secteur A, Ministère Amer, c’était la même chose avec Lacoste... FUNLIGHT 01 43 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 44 définition subjective Langage attractif – Une profusion de petits signes distinctifs pas chers – Gratuits – Un grand nombre est publicitaire – L’hystérie – Collectés, échangés et même souvent offerts – La sympathie – Ces minis accessoires sont revendicatifs et à leur manière – Inédits – Ils en disent long sur leur propriétaire – Partis-pris 44 FUNLIGHT 01 Et quand le plastique était plus encore – Je te montre ma collection de pin’s – Celui-là je l’ai en double – Alors je te le donne – C’est chouette d’être ensemble – Génial tes badges – Celui-ci est super – Regarde comment il faut faire – Tu as aussi tous ces personnages en gomme ! Méga délire ! – Ouais, je les range dans cette boîte spéciale, je l’ai décorée moimême. – Oh ! Moi aussi j’adore les autocollants ! J’en ai recouvert la chaise de mon bureau ! – Tes parents ont dû criser !? – Je m’en fiche ! Elle me ressemble plus comme elle est maintenant, brillante avec plein de couleurs ! – Ça doit être dément ! FUNLIGHT 01 45 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 46 interview À vive allure Para One défend la co uleur comme un outil indispensable à sa ré ussite. ... de leur relation passionnelle Il nous a raconté les détails Para one est diplômé de la FEMIS, mais il est surtout connu pour être un producteur d'Electro/Hip-Hop/Pop. Né en 1979, Jean-Baptiste de Laubier, son vrai nom, passe sa jeunesse à Paris. En 1997, il intègre un groupe de rap où on le surnomme « Paradoxal H ». En 2001, il collabore avec TTC sur l'album Ceci n'est pas un disque. En 2002, il rejoint le projet L'Atelier et signe avec lui l'album Buffet des Anciens Elèves. Sur l'album Bâtards sensibles de TTC il produit le déjà culte Dans Le Club. Il forme avec Tacteel le duo Fuckaloop. Après avoir commis plusieurs EP, il sort son premier album solo Épiphanie le 6 juin 2006 sur le label Institubes. Aujourd’hui il nous parle de ses vêtements. Comment considères-tu la couleur dans tes tenues vestimentaires ? Je suis à fond pour la couleur, et parfois je change d’avis pendant un jour. Aujourd’hui je suis tout en noir, sauf des touches de jaune. C’est le minimum ! Je refuse par exemple de m’habiller totalement en noir ou en blanc. En général, je mets plein de couleurs, le maximum ! Est-ce que cet amour pour la couleur est récent pour toi ? Non, ça n’est pas récent. Ça m’est venu le jour où j’ai décidé de m’habiller bien et c’est un jour très précis. À partir de là je me suis fixé comme engagement de bien m’habiller tous les jours. Et pour moi bien s’habiller consiste à mettre plein de couleurs. Au début c’était sans organisation, toutes les couleurs en même temps, n’importe quoi, des cravates qui n’allaient pas avec le polo, puis ensuite il y a eu la phase d’accordage des couleurs, dans laquelle je suis encore un peu mais je suis en train d’en sortir. Ça commence à être un peu out d’accorder les 46 FUNLIGHT 01 couleurs. C’est même cool de désaccorder, de porter des couleurs qui ne vont pas du tout ensemble. C’est cool en soi d’avoir des couleurs, plein de couleurs. Le fait qu’elles aillent ensemble n’a plus d’importance, il faut juste porter le plus de couleurs possible pour créer un impact visuel fort. À une époque, tu portais beaucoup les couleurs par gamme ; gamme de bleus, gamme de verts. Un truc qui reste bien, c’est d’avoir un polo avec plusieurs couleurs, et de mettre une ceinture qui est d’une seule de ces couleurs, mais très vive. La couleur de ta ceinture, ou de tes chaussures, va déterminer la couleur dominante de ta tenue. Est-ce que la couleur t’apporte quelque chose ? Complètement. Par exemple, un jour j’ai passé un casting, comme acteur, avec un polo de couleur, et je l’ai eu. J’avais un polo bleu hyper dense, hyper flash, et je sentais que j’irradiais de la couleur. Il était neuf, il sortait du magasin. Et je sentais la fille avec qui je parlais qui souriait de plus en plus. Elle était de bonne humeur parce que la couleur forte s’imprimait dans son pré-conscient et ça lui bombardait de la bonne humeur. C’est très important pour soi-même dans la rue, quand tu regardes tes pieds, que tu vois de la couleur, ça te met de bonne humeur. C’est une espèce de machine à fabriquer de la bonne humeur. Et pourquoi faire, comme aujourd’hui, des exceptions à la couleur ? Parfois je m’habille de façon ultra classique. J’ai une chemise par exemple que je mets à chaque fois, souvent le dimanche, pour m’habiller exactement comme mon père s’habillait en 1959. Vraiment vraiment classique, pour couper. Comme ça le lendemain tu as de nouveau envie de mettre un short et un polo rayés, des lunettes de soleil et un chapeau et d’être fun. Globalement c’est agréable de s’habiller pour faire des trucs fun comme aller faire un pic-nic l’après-midi pieds nus ; tout est permis ! Le problème c’est que j’ai des représentations publiques, je fais des concerts et là il faut vraiment réfléchir à la question. Il faut se créer une sorte de micro-identité. Et en fait, ça n’est pas forcément la couleur la bonne idée, là. N’y a-t-il pas une influence directe de tes choix vestimentaires sur ceux du public ? Par rapport à TTC, oui, absolument. Mais par rapport à mes concerts solo, c’est différent. Par exemple, j’étais invité par Trax magazine aux Nuits Sonores, et j’avais fait la couverture du magazine habillé d’une certaine manière. Ils m’avaient demandé de m’habiller « nouvelle vague » et je m’étais habillé comme ça pour le concert qu’ils avaient programmé. C’était marrant et ça a marqué les gens. Et suite à ça, le tourneur anglais qui m’a signé, Coda, a trouvé ça vraiment bien, vraiment fort. Et il m’a demandé de m’habiller comme ça pour ses concerts, parce que c’est décalé pour un musicien de musique électronique. Il m’a signé parce que j’étais bien habillé sur les vidéos des Nuits Sonores, c’était un vrai argument pour lui. Ne pas m’habiller en couleur pour mes concerts perso me permet de ne pas être un « mini TTC », de me différencier de quand je suis avec TTC. C’est la touche Para One... FUNLIGHT 01 47 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 48 définition subjective Large public – Si c’est populaire personne ne s’y perd Impératif – À jeter – Pas même nous – Les règles actuelles qui consistent à subir, se lamenter et dénigrer – Nous avons pris le parti d’une génération – Pour nous : impératif de ne pas s’y conformer – Car si c’est une foule tout le monde en découle – À enjamber – Surtout nous – Le carcan dans lequel est la majorité qui ne cesse d’être juge et passif – Nous malaxons la plus grande multitude de signes reconnaissables par tous – Plus question – Car si c’est un langage largement identifiable personne n’y échappe – De poser un regard critique encore moins de porter un regard sévère – Encore moins nous – Voyons les choses – Nous touchons le même objet qu’un grand nombre – Oui du bon côté voyons et percevons différemment – Alors même nous encore et toujours nous – Balançons pour et il continuera de grandir – Il ne s’agit pas – De se jouer de la réalité mais de la faire autre – Par le seul fait de s’y confronter vraiment – Alors nous baignons dans un flux qui nous expulse du fond – Vers la surface des choses 48 FUNLIGHT 01 FUNLIGHT 01 49 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 50 citation essayez de sauter, de danser c'est très dur mais j'y arriverai c'est normal tout le mal qu'on se donne si l'on veut devenir une vraie championne Extrait de Cynthia ou le rythme de la vie, 1988 50 FUNLIGHT 01 FUNLIGHT 01 51 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 52 petite réflexion Être = faire = être On a toutes les cartes en ma in. Jouons pour nous sentir vivants. Nos gestes et nos actions nous révèlent. Sans cesse nous façonnons nos existences. Dans une société qui donne tant d’importance aux notions d’« image », d’objet, de « matériel », on ne « fait la différence » — pour les autres comme pour soi-même — qu’à travers son oeuvre, ce que l’on fait, ce dont on a prouvé que l’on est capable. Il n’y a pas d’amour sans preuve, et il n’y a pas de place dans notre société sans lutte — lutte avec soi-même pour produire, pour agir, pour choisir. Judith Butler (in Agir de concert, introduction traduite dans la revue Tracés numéro 10) exprime : « si je suis quelqu’un qui ne peut pas être sans faire (doing), alors les conditions de ma pratique (doing) sont, pour une part au moins, les conditions de mon existence. Si ma pratique dépend de ce qui m’est fait ou, plutôt, de la manière dont je suis agi (done) par les normes, alors la possibilité de ma persistance en tant que « je » dépend de ma capacité à faire quelque chose de ce qui est fait de moi. » « Être » c’est « faire », par le simple fait d’être. Je fais avec ce que je suis, avec les cartes que j’ai en main. Et c’est ce que je fais de cela qui ME fait, qui fait le « je ». Pour exister il ne suffit pas de penser et d’avoir un corps physique, il faut encore en faire quelque chose ; et c’est cette mise en relation entre ce qu’on a d’office et ce que l’on en fait qui nous détermine. C’est la mise en « vie » de l’inné et de l’acquis qui nous fait exister. 52 FUNLIGHT 01 De façon théorique, Sartre disait que « l’homme n’est que ce qu’il se fait » (in L’Existentialisme est un humanisme). Notre société met en miettes jour après jour cette idée que l’on est « pré-établi », dans notre rôle social ou notre valeur, par une naissance, un contexte. Nous ne sommes vivants qu’à la condition que ce que l’on fait interagisse avec d’autres êtres humains. Cela est facilité par les nouveaux médias et nouvelles technologies. Mais aussi par une remise en question formelle constante de ce qui nous entoure. Ce que l’on nomme les « Arts Appliqués » sont notre quotidien par les relations que l’on établit avec eux. On touche, sent, goûte, vêt, chausse, ouvre, ferme, manipule, ingère une infinité d’objets, matières, entités qui nous nourrissent — au propre comme au figuré — et font de nous ce que nous sommes, stimulés par nos choix, nos gestes et nos attitudes. Portés comme ceci ou comme cela, mangés comme ceci ou comme cela, regardés comme ceci ou comme cela, les objets qui nous entourent sont la matière sur laquelle nous agissons pour nous faire exister. ———— FANETTE - J'ai toujours cru qu'on pouvait décider de ce qu'on voulait être, de ce qu’on voulait faire. ALICE - Cette valeur qu'on a en commun c'est une sorte de courage de prendre sa vie en main. FANETTE - C'est décider ce qu'on veut pour soi-même, pour son futur, pour se définir ; pour ce qu'on veut être ! Et tenter d’y arriver... FUNLIGHT 01 53 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 54 définition subjective Jeu suis Les pièces du jeu sont étalées sur le sol. Jeu donne un coup de pied dedans. Jeu définis les règles d’aujourd’hui, celles d’hier m’ont ennuyé. Rien de nouveau à première vue. Toutes les pièces sont là. À l’identique d’hier. Il y a des angles, des coins arrondis aussi. Ils glissent si bien sous mes doigts. Ça brille. Jeu me vois dedans. Voilà un, deux assemblages. Jeu n’aime pas voir ce jaune à côté du bleu. Quelle suite logique est inévitable ? Aucune. Jeu le peindrai plus tard. Jeu me saisis du rouge et l’imbrique dans le jaune. Il paraît qu’à la longue, on s’y fait, à l’orange. Un coup de feutre. Le plastique pousse un cri strident. Il vit. Pour la première fois, il s’exprime. Jeu le préfère comme ça. Les pièces du jeu s’élèvent en moi. Jeu les sens encore insatisfaites de l’emplacement que je leur ai trouvé. Jeu les rassure. Tout continue demain. 54 FUNLIGHT 01 Game over FUNLIGHT 01 55 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 56 interview Accessoirement princesse Pas facile de se pencher sur une multitude de techniques, de formes, de matériaux. C’est pourtant le défi de Yazbukey, une mar que Yazbukey se compose de deux soeurs ; Emel, née en 1977 au Caire, et Yaz, née à Istanbul en 1973, toutes deux princesses ottomanes et petites nièces du Roi Farouk. Après avoir vécu dans divers pays, elles s’installent à Paris. Yaz y entame des études de design industriel et graphique, puis s’oriente vers la mode qu’elle étudie au Studio Berçot. Emel noue avec le métier en travaillant avec sa soeur chez Madame Ortoli dans la création et la réalisation d’imprimés pour Christian Lacroix durant trois saisons, puis s’inscrit elle aussi au Studio Berçot. Pendant ce temps, Yaz effectue différents stages et travaille au sein de maisons telles que Martin Margiela, Martine Sitbon, Givenchy et, durant trois saisons, elle collabore avec Jeremy Scott en tant que première assistante. C’est à la suite de ces expériences qu’elle et sa soeur décident de créer une ligne d’accessoires et se tournent essentiellement vers la broderie de perles sur cuir. Au fil des collections, celle-ci est complétée par une ligne de T-shirts et de quelques vêtements ainsi que des chaussures. Le monde de Yazbukey est un univers ludique et imaginatif, inspiré des comédies musicales de Minelli et des musiques de Gershwin, des fables de Lafontaine, des contes des frères Grimm, des films noirs allant de Hitchcock à Tim Burton. Nous avons rencontré Yaz dans un café à Paris... 56 FUNLIGHT 01 qui décidément n’en fait qu’à sa tête... Quelle est ta formation ? J’ai d’abord fait une école de graphisme. De là, j’ai dévié sur le parfum, puis sur la mode. Sur les conseils d’un ami, je suis entrée au Studio Berçot (école de mode privée à Paris). La directrice, Marie Rucki, voulait me diriger vers le stylisme de mode, mais j’étais plus tentée par la presse. J’ai effectué donc des stages à la presse chez Margiela puis chez Givenchy, et à chaque fois on a fini par me faire travailler à la créa. J’ai ensuite été assistante de Jeremy Scott. Après cette expérience seulement j’ai monté ma propre boîte, avec ma soeur. Comme nous n’avions pas de sous, nous nous sommes tournées vers l’accessoire, dont les collections sont moins chères à créer. On a commencé avec ce qu’on appelait les « compléments de vêtements ». Nous faisions tout à la maison, avec des matériaux récupérés, chez des amis notamment. Ce qui relie nos travaux, c’est une touche d’humour, qui permet la mise en place d’une imagerie qui nous est propre. En ce moment, nous nous autoproclamons « secte colorée » ; nous réfléchissons à la mise en place d’une installation — une sorte d’autel — à l’hôtel Amour... Quel est ton point de vue sur l’accessoire ? Les maisons de mode tirent leur bénéfice essentiellement des accessoires, car ils habillent n’importe quel vêtement. Ils ponctuent la silhouette, si tant est qu’on la considère comme une phrase. On module sa propre image très facilement en changeant un simple détail, un simple accessoire. C’est aussi les pièces sur lesquelles la marge est la plus grande : ils sont peu chers à fabriquer (moins qu’un vêtement), et peuvent être vendu à un prix assez élevé... puisqu’ils véhiculent l’image de la marque ! Je travaille aussi en free-lance pour de nombreuses maisons (Martine Sitbon, Blumarine), et je me rends compte du business que cela représente... Pour nous, sur notre marque, il est primordial de s’amuser à chaque collection. Nous changeons donc de matériau à chaque saison. À une époque nous faisions beaucoup de plexiglas et nous avons d’ailleurs été beaucoup copiées, par John Galliano notamment, à qui nous avions montré nos lunettes à verres strassés, et que l’on a retrouvées dans son défilé suivant... Quelles sont vos méthodes de travail avec Emel ? Nous faisons d’abord nos recherches séparément, puis nous les connectons de façon à raconter une histoire... Emel possède un territoire auquel je ne touche pas, qui est celui des sacs. Elle anime de plus une émission de radio en Turquie. Moi je m’occupe en revanche d’organiser des évènements, au Paris Paris notamment. Et aussi ce fameux projet de fausse secte, qui va donc se concrétiser sous forme d’une exposition à l’hôtel Amour... FUNLIGHT 01 57 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 58 perspective Ce qui est accessoire est essentiel On ne peut plus se passer d’accessoires, les tenues en sont accros ! Autour d’eux gravitent tous les satellites de la mode... ALICE - Souvent je décide de ma L’accessoire, seul, peut paraître annexe à la silhouette. Pour renverser ce point de vue pessimiste, je décide d’instaurer la multiplication et la combinaison d’une série d’accessoires complémentaires entre eux. On construit alors par ce moyens l’ensemble de la représentation couvrante de l’individu. Cette méthode rend les accessoires indispensables et ouvre sur une variété de possibilités que l’usager est libre d’orchestrer. C’est une solution issue de plusieurs pratiques. La première fait référence à la manière dont on se gadgettise de badges, de pin’s, de broches. On rejoint l’attitude qui consiste à parsemer des éléments sur ses vêtements. On leur attribue une place, on les assemble, les harmonise ou les confronte entre eux selon notre humeur et le message qu’on a envie de faire passer à un moment donné ou dans un contexte particulier. C’est une pratique très personnelle mais qui est aussi souvent propice à l’échange et au partage. Le fait que ces éléments soit petits les rend plus mobiles. La deuxième s’apparente à l’exercice de parure. Aussi ostentatoire que la première, son contenu est plus complexe ou de plus grande valeur. Elle consiste à orner les parties du corps qui ne sont pas recouvertes par le vêtement, lui-même potentiellement parasité par celle-ci. Cette zone qu’elle s’approprie est recouverte dans un but purement décoratif. Cette pratique est l’expression de la coquetterie et de la fantaisie au détriment des habits qui deviennent la sous-couche de cette plus excentrique et plus personnelle couverture. silhouette en fonction des chaussures. C'est ce qui donne le ton. FANETTE - Il y a aussi deux trucs : soit tu harmonises tes habits à tes accessoires, soit tu décales les accessoires de ta tenue justement pour les mettre en valeur. Par exemple, être habillé d'une certaine manière et "pluger" une casquette rose, il y a là-dedans quelque chose de revendicatif qui casse le vêtement... ALICE - Les accessoires ça permet de se facetter, de montrer qu'on est multiple ! FANETTE - Tes accessoires c'est un peu une boîte de Lego, qui te permettent de te construire et de te modifier, en fonction du temps, du contexte, de ce que tu fais, de qui tu vois. Aujourd’hui les actions de recouvrement du corps ont comme principale finalité la représentation de soi. L’aspect fonctionnel ou le confort sont secondaires. Cette panoplie d’accessoires mettra donc l’aspect pratique au service du déploiement de la personnalité de son usager par la diversité des combinaisons possibles, tel un kit du recouvrement de la silhouette. 58 FUNLIGHT 01 FUNLIGHT 01 59 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 60 référence L’artiste qui fait des robes Dada, Elsa ? Artiste, créatrice , novatrice sans aucun doute , tous les stylistes de mode lui doivent quelque chose ! hiap’ ! s de Galliano sans Sc pa , nt re au t-L in Sa de Pas de Gaultier, pas Un hommage de plus ne ser a donc pas de trop... FANETTE - Elle est plus considérée comme une artiste que comme une styliste... ALICE - Par les gens de la mode ; pour les artistes elle reste une styliste... Voilà quelqu'un qui était à la frontière entre deux domaines et était ultra novatrice. FANETTE - Elle a inventé des choses qui ont tellement influencé les stylistes d'aujourd'hui... 60 FUNLIGHT 01 Elsa Schiaparelli (1890 Rome / 1973 New York) est une créatrice de mode liée aux Surréalistes parisiens des années 20 et 30. Coco Chanel la qualifie d’« artiste qui fait des robes ». En 1927, elle ouvre son premier magasin : « Pour le Sport ». Ses pulls avec des noeuds en trompe-l’oeil font son premier succès. Elle collabore avec Salvadore Dali, Jean Cocteau ou Alberto Giacometti. En 1936, elle lance le parfum Shocking, dont le flacon est moulé d’après le torse de Mae West, et qui est aussi le nom de baptême de « son » rose. Son humour et son sens du business vont l’amener à créer de nombreux concepts dont les créateurs d’aujourd’hui s’inspirent sans vergogne — premiers contrats de licence, défilés à thème, imprimés « journaux », sacs téléphones, gants à ongles rouges, chapeau-chaussure —, toujours avec un désir de confort — ainsi, elle introduit la fermeture Éclair, le tweed pour le soir, les fibres synthétiques dans la haute couture, les bijoux en plastique, le noir pour l’été. Ce mix de confort sportswear et d’humour assumé fait tout le chien d’Elsa, à qui les grands couturiers rendent hommage — Yves Saint-Laurent, chez qui elle s’habillera exclusivement quand sa griffe aura fermé après la guerre, créera une veste de velours brodée des Yeux d’Elsa... FUNLIGHT 01 61 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 62 citation un jour là-haut je pourrai sur ma petite suivre mes étoile, rêves à des années et vivre lumières à ma manière Extrait de Creamy, 1988 62 FUNLIGHT 01 FUNLIGHT 01 63 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 64 définition subjective Avec peu, on peut beaucoup N’est-ce pas durant les périodes les plus sombres de l’histoire que les populations ont fait preuve de la plus grande et la plus débrouillarde des créativités ? rappelons-nous les talons compensés de liège, de bois et autres matières improbables, les bas trompe-l’oeil dessinés à la main sur les jambes des femmes durant la Seconde Guerre Mondiale. N’est-ce pas en 43 qu’a été inventée la chaussure lumineuse ? Souvenons-nous de la naissance du hip-hop dans les quartiers noirs américains où les jeunes gens usaient de malice pour créer leur danse, leur musique et leur tenue. Nous ne nous étonnons plus de la naissance de la Baltimore Club Music dans cette ville qui bat des records de criminalité. Constatons sans tergiverser que dans les situations les plus difficiles, l’homme atteint les limites de ses bons comme de ses mauvais côtés. Soyons riches de nos conditions actuelles et optimisons la matière vivante que nous sommes. 64 FUNLIGHT 01 FUNLIGHT 01 65 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 66 référence Étymologie du hip-hop américain Loin là-bas, au delà des océans, des phot ographes et des jour nalistes se sont penc hés sur un phénomèn e: ue, itudes musicales et stylistiq att ses rs, eu mo ses ec Av . éricaine la culture hip-hop Nord-Am traverse. s époques qu’elle le er qu ar m de bouleverser et elle ne cesse de Ainsi, Jamel Shabazz, Martha Cooper ou Olivier Schmitt nous ont ramené des images extraordinaires : des attitudes, des parti-pris extrêmement forts et brillants ! Aucune peur de l’accessoire, aucune peur du ridicule : c’est ça le style ! Martha Cooper est la première photographe de la culture hip-hop de New York ; elle l’a couverte avant même son explosion dans la presse, entre 1979 et 1984. Né dans la pauvreté, c’est un mouvement dont le principe est : créer quelque chose à partir de rien (graffiti, break dance)... Seule la créativité compte, et beaucoup en regorgent. Jamel Shabazz a grandi à Brooklyn. Depuis qu’il a 15 ans, il photographie son environnement. Il a déjà publié 3 monographies sur la culture hip-hop dans les années 80 et 90 à New York. Il va bientôt sortir The 90’s. Il est impliqué dans des workshops créatifs pour jeunes et dans des fondations d’aide à la communauté. Olivier Schmitt dit Schmitto est un jeune journaliste parisien spécialisé en street culture. Il travaille notamment pour Radio Nova et Vice france, mais aussi pour la télévision. Il est particulièrement intéressé par la Baltimore Club Music et les ghetto musics en général. Il prépare un documentaire photo et video sur Baltimore et nous a gentiment montré des clichés de repérage. Tous trois sont des ethnologues de la culture urbaine par excellence qu’est le hip-hop. Leurs créations sont pour nous une documentation précieuse. On y observe la créativité stylistique qui s’y développe, vestimentairement comme dans les attitudes et poses. ALICE - Le hip-hop a un aspect particulièrement excitant, c'est qu'il est inventif à tous points de vue. FANETTE - Il est créatif musicalement, vestimentairement, en terme de language, d'attitude. ALICE - C'est un life-style. FANETTE - Dans le mouvement même, il y a l'idée de modernité et de présent. ALICE - Comme les textes des chansons parlent du quotidien... FANETTE - Exactement ! 66 FUNLIGHT 01 FUNLIGHT 01 67 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 68 interview Le troisième samedi du mois Là-bas, tout le monde est à l’aise avec son corps. Ça part dans tous les sens. Ça s’appelle la Baltimore Club Music... Passionné de musique, et encore plus d’image, Olivier Schmitt considère faire de la sociologie en tant que journaliste « reporter ». Il nous parle de son voyage à Baltimore, préparation à un documentaire sur la Baltimore Club Music. Plus particulièrement, il nous détaille les « parties » du troisième samedi du mois au Paradox, où l’on peut relever un très grand nombre des facettes stylistiques que connaît la B-more... Une petite histoire de la Baltimore Club Music La première référence grand public pour comprendre la Baltimore Club Music est John Waters, le réalisateur (dont l’actrice fétiche, Divine, est un transsexuel). Il permet de comprendre le côté mixte de ce genre musical ; mixte au sens gay, lesbien, hétéro ; ce qui ne se retrouve pratiquement nulle part dans les scènes ghetto américaines. À Détroit, par exemple, c’est 100% hétéro, hyper macho. À Baltimore, qui est à deux heures de New York, il y a toujours eu une grosse scène house, qui a évolué en même temps que celle de New York, à partir de la fin des années 80, et les principaux DJs de Baltimore Club Music ont une culture house. Et en parallèle de la house music, il y a toujours eu le rap, forcément très présent dans les ghettos black. On connaît bien la deep house, qui était déjà un mélange de ces deux styles musicaux, et un beau jour ces DJ house qui écoutaient de la house et du rap, ont commencé à les mélanger, d’une nouvelle manière. Ça a donné autre chose que la deep house : la Baltimore Club Music. 68 FUNLIGHT 01 2 Live crew, au début des années 90, est un groupe californien qui a bougé à Miami et a commencé à avoir des lyrics abusés (très explicite sexuellement), ça a fait scandale aux États-Unis. C’est à partir de là qu’a été créé le label « explicit lyrics » pour les albums de rap, sous l’influence de l’AFA (American Family Association). On appelle déjà ce rap de la Bass Music, parce que les basses sont surdéveloppées, et il n’est que question de cul dans les paroles. Ce groupe fait un morceau en 1990 ou 1991 qui s’appelait Dudu brown, (= la chatte des filles noires) avec un breakbeat qu’on va retrouver dans tous les morceaux de Baltimore. Deux mecs bloquent sur ce morceau, Dudu brown, et créent un collectif qu’ils appellent Doudou Kids. Ils samplent le morceau et créent la Baltimore Club Music, dans un track où, comme dans le hip-hop, ils chroniquent leur quotidien. Par exemple : « je ne bois jamais du Pepsi, toujours du Coca-Cola ». Ils parlent vraiment de leur life-style, en s’amusant. À partir de ce moment là, sur la scène de Baltimore, sur cette base de breakbeat, on peut envisager toutes sortes de track. Ils utilisent des samples de la Motown. C’est hyper répétitif puisque c’est une musique de dance floor, sur laquelle un MC gueule, host, de façon hyper énergique. Longtemps c’est une musique qui n’existe que sur vinyle, et qui est simplement enchaînée. Maintenant grâce au net et aux mp3, il y a pas mal de diffusion. Mais pendant longtemps c’était impossible de la trouver. Là bas, tu as LA boutique de disques où tu trouves tous les vinyles. Par exemple, Afrika Bambaataa (créateur de la Zulu Nation, une fédération de gangs non violents) vient une fois par mois à Baltimore dans cette boutique, depuis New York, pour lui acheter tout son stock de Baltimore Club Music. Grâce à des gens comme Diplo, Spankrock, ça commence à être plus diffusé. La Baltimore Club Music : petit état des lieux Toutes les villes américaines ont un nickname (surnom), Baltimore, c’est Charmcity. C’est près de la mer, il y a un petit port, c’est une jolie petite ville blanche bourgeoise, qui s’avère avoir un des pires ghettos noir américains. On calcule l’état d’un ghetto en fonction du taux de crimes par habitants, et le ghetto noir de Baltimore est à égalité avec celui de Détroit. Donc ça craint vraiment. Charmcity a été rebaptisée « Murdercity ». En ce moment, les gunshoots (bruits de coups de revolver qui remplacent les breackbeats) sont très caractéristiques de la Baltimore Club Music. Il y a un gros clash en ce moment entre les premiers producteurs qui sont là depuis les années 90 qui ont une culture house, et qui font des truc hyper joyeux (Mister postman, etc.), et les jeunes producteurs qui font des trucs hyper violents, avec des gunshoots, etc. Ils sont beaucoup plus influencés par le rap que par la house, parce que ça n’est pas leur culture. Du coup y a vraiment un clash entre les producteurs de Baltimore. FUNLIGHT 01 69 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 70 interview Différents artistes phares de Baltimore Club Music Rod Lee, le principal producteur de Baltimore, qui sort de 9 mois de prison, est l’auteur du classique I ve got problems. Ce qui résume la ghetto music : ils ont un quotidien difficile, ils n’ont pas beaucoup d’argent, ils se font chier dans leur ghetto, et effectivement le samedi ils vont danser pour oublier les problèmes, comme ils le disent dans leur musique. Il y a aussi un tout autre trip dans la Baltimore. Johnny Blaze, à la base, il faisait des tracks hyper sexuels, hyper nasty, dégoulinants, hyper malsains. Aujourd’hui c’est un born again. Il a eu une révélation, il a rencontré Dieu, Et maintenant il fait des tracks pour les enfants. Lui-même a cinq enfants, avec la même femme. Tous les autres gars que tu croises, à 25 ans ils ont trois ou quatre gosses, jamais deux avec la même femme. Par exemple, on a rencontré un mec avec son fils de 2 ans, et il l’appelait « boy » pour ne pas avoir à se souvenir de son prénom. Blaze remixe des trucs du Muppetshow, les génériques de dessins animés comme SpongeBob, ou Sesame Street, un peu toujours avec le même breakbeat. Tous les dimanches, il y a la messe à l’église, et aux ÉtatsUnis souvent des groupes y jouent, il y a de vrais concerts. Et lui il a inventé un nom, la Churchy Club Music, et il joue, avec des platines, à l’église, le dimanche, et il fait du Gospel Club Music. Il y a toujours ce même breakbeat typique de Baltimore, mais au lieu de chanter à la gloire des putes, du Muppetshow, ou chanter qu’il a des problèmes, à l’église il chante son amour de Dieu. 70 FUNLIGHT 01 Technics est aussi un des principaux producteurs de Baltimore, il est intéressant parce qu’il est dans une optique underground des ghetto musics, dans le sens « ne pas avoir besoin des maisons de disques ». Avec ce système de vinyles et mixtapes, ces DJs peuvent vendre beaucoup ; les gros DJs peuvent en vendre jusqu’à 2000 par semaine. Ils gagnent leur vie juste en vendant des mixtapes. Ils ont déjà été approché par des majors, mais ils se permettent de leur dire non. Et Technics représente vraiment ce côté là de Baltimore. Il y a une vraie culture de l’underground, ils ne rêvent pas de faire un remix pour Jennifer Lopez, c’est une scène autarcique, qui se suffit à elle-même. Le troisième samedi du mois au Paradox On peut appeler la Baltimore Club Music la « booty music » (= body music = musique pour bouger son corps). Même à Détroit on avait jamais vu ça. Ceux qui dansent sur cette musique sont vraiment des kids, et c’est vraiment hyper sexuel sur le dance floor. Et c’est tout le monde dans tous les sens. Le troisième samedi du mois, au club le Paradox, il y a des gays, des lesbiennes, des hétéros, et au niveau du style ça part dans tous les sens. Il y a des trucs typiques du rap aux États-Unis, donc c’est le côté grillz. Mais chacun cherche à avoir un détail particulier, il n’y a pas un stéréotype. La plupart des lesbiennes s’amusent à se faire des petits looks gangsta. Partout sur le dancefloor, des petits cercles se forment, sans que le MC dise que c’est le moment de la battle. Ils se défient tous en permanence. On peut utiliser comme référence ce qu’on voit dans Rize, le film de David LaChapelle. Ce sont des mouvements qui ressemblent pour beaucoup à des danses africaines. Ce qui est drôle c’est que tout le monde se défie : la petite lesbienne, chef de son petit gang, va aller défier le meilleur danseur, et même si elle est vachement moins bonne danseuse, elle n’hésite pas à aller le défier, et ça n’est jamais violent, mais c’est cash, un peu comme dans les battles hip-hop, mais il n’y a pas le côté démonstration, hyper-technique. C’est plus sur la musique, comment ils vont réussir à l’interpréter, comment ils vont réussir à se vanner. Il y a beaucoup de gens qui se défoncent, il y a beaucoup d’extasy, de coke. Ce qui est assez surprenant c’est que le club, le Paradox, ne vend pas d’alcool, mais tu peux rentrer dans le club avec ton alcool. Donc quand tu arrives, dans la queue, certains ont des bouteilles de champagne, d’autres des bouteilles de bière, et tu rentres dans le club non pas avec ta carte d’identité mais avec ta carte de college (= université américaine). La plupart sont au college à partir de 18 ans, mais certains sont précoces et des gamins et des gamines de 15 ans se baladent dans le club. La carte de college te permet de rentrer à moitié prix. Il faut garder en tête qu’ils n’ont pas beaucoup d’argent, ce sont des gamins du ghetto. Un exemple de silhouette : un bermuda de skateur, un peu en dessous du genou, avec des chaussettes rayées jusqu’en haut du mollet, avec des vans, toujours dans des codes couleurs qui vont hyper loin. Ils sont super attentifs : si la vans est imprimée camouflé, tu vas avoir un petit rappel camouflé quelque part - un bandana par exemple. Mais ceux qui avaient les meilleurs looks, c’était les gays. Ils étaient hyper défoncés et ils s’en servaient pour danser. C’est hyper rare, et difficile à envisager sur une autre scène ghetto : il y a le gros dancefloor où tu as de la Baltimore Club Music toute la nuit, et à côté il y a une petite salle house music. C’est là où tu vois les racines de la Baltimore, où ils passent vraiment des vieux tubes de house, et où il y a des house dancers. En matière de danse je n’ai jamais rien vu de tel. Tu as l’impression que les mecs sont en caoutchouc, vraiment dans tous les sens. Il n’y a pas du tout le côté bitch à talons chez les filles hétéro de Baltimore, comme on peut en trouver à Chicago. Elles jouent autant que les mecs, elles ne sont pas du tout « en dessous » ou dominées par les mecs. On nous a pas mal dit aussi que les mecs aiment la booty parce que les filles aiment la booty. Les filles s’amusent dessus, et donc les mecs s’y intéressent pour s’amuser avec elles... Stylistiquement c’est hyper sexy, pas vulgaire. Par exemple j’ai vu un petit cercle de battle au milieu du dancefloor, il y avait une fille avec des talons de 12 cm et un short ; elle était magnifique et dansait avec des mouvements africains, et elle défiait un mec en baskets. Tu sens qu’elle s’habille pour se faire plaisir à elle avant de penser à attirer les mecs. J’ai trouvé que c’était relativement équilibré dans le rapport filles / garçons. Au début j’avais pas calculé, mais il y avait aussi des super jolies filles avec un look gangsta, il s’avère que ce sont des lesbiennes, et qu’il y a énormément de lesbiennes. Et elles s’amusent à s’habiller en petit bad guy, façon californien. Donc elles ont des tresses tirées en arrière, de grosses lunettes de soleil, comme les mecs West Coast, elles vont avoir un Dickies ou un Carhartt, des chaussettes et des baskets plates, et une chemise boutonnée jusqu’en haut. Elles s’amusent avec le look chicano / portoricain / mexicain. Il y a aussi beaucoup de percings, dans une optique totalement différente que ce qu’on peut connaître en Europe. Les mecs comme les nanas, tout le monde porte des grillz, peut-être pas des grillz complets pour les nanas, mais par exemple des dents en or, assorties aux percing... Ils jouent aussi énormément avec les cheveux. Ça peut aller très loin, par exemple dans le côté George Clinton (un des pères du funk, qui porte des dreads de couleur), avec des couleurs, des rajouts, des chouchous, On a même vu un mec qui avait des énormes locks et au bout il avait des tétines accrochées... Pour cette party du troisième samedi du mois à Baltimore, ils se préparent toute la journée du vendredi et du samedi, qui sont consacrées à ça. Ils n’ont pas une seule boutique qui va leur permettre d’avoir ce look là. Comme tous les américains ils vont dans les malls, les supermarchés, ils trouvent des basics, le bermuda, les vans, les chaussettes ; et après c’est vraiment eux qui composent. L’accessoire le plus fou reste la bouteille de champagne, qui est amenée parfois uniquement pour le look. Le Paradox est dans une zone industrielle, de l’extérieur c’est une warehouse (un entrepôt), donc un gros bâtiment, sous un pont, au bout il y a une voix de chemin de fer, avec des trains de marchandises qui passent. La queue est peut-être de 200 personnes, à minuit, très sages, deux par deux. À l’endroit où il y a une fouille corporelle, parce que dans tous les clubs aux États-Unis avant de rentrer on se fait fouiller, il y a une queue pour les filles et une queue pour les garçons. Au niveau de la sécurité, il y avait une micronaine, et ça n’est pas pléonasmique, habillée en pimp à la façon des mecs, donc petit gangsta, avec des grosses lunettes de soleil, un cul énorme, en jeans moulant, avec un magnum de champagne, et avec elle une meuf, l’une des seules que j’ai vu dans cette party, qui ressemblait à une bitch, l’archétype de la porn star black américaine. Elle devait faire 1m80 avec ses talons, elle avait une mini jupe en vinyle, des bas, des chaussures brillantes, et il s’avère que c’était un mec, pas un transsexuel, mais un travesti, qui passe sa vie habillé en meuf. Et ce qui est dingue, c’est que tous les gens qui sortent, de ceux qui ont le plus petit cul à ceux qui ont le plus gros cul, tout le monde est à l’aise avec son corps. Il n’y a pas de stéréotype. Tu peux faire 120 kilos, t’habiller sexy et bootychecker. Chacun est lui-même. Même ceux qui ont le visage défoncé par l’acné... FUNLIGHT 01 71 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 72 citation moitié soleil et moitié pluie, tu vas dans la vie en t'amusant de tes ennuis et tu éblouis tes amis de tous les pays moitié sourires et moitié larmes moitié fous rires et moitié drame tu nous fais rêver d'un monde fou qui nous ravit Extrait de Ranma 1/2, 1992 72 FUNLIGHT 01 FUNLIGHT 01 73 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:04 Page 74 petite réflexion Le Double degré Une seule réponse ne suffit pas : notre génération s’amuse à cumuler différents regards sur les choses, complexité du monde. une manière pour elle d’avoir accès à la Il ne s’agit pas d’oublier ce que c’est de rire ou à l’inverse de porter le cynisme comme un étendard. Tout au contraire, il s’agit de n’être pas dupe mais d’être heureux. Il s’agit d’être des « filles d’aujourd’hui, enfants de la forme, {qui} aimons rire et danser » (in générique de Cat’s Eyes, dessin animé japonais de Tsukasa Hôjô, diffusé en France pour la première fois sur FR3 en 1986), et, comme les Cat’s Eyes, avoir aussi conscience des « dangers » que le monde présente, et prendre du recul par rapport aux événements. Il nous semble que notre génération possède une particularité. Elle voit ce qui l’entoure avec deux points de vue simultanés. Bien sûr cela est imputable à notre expérience du zapping, de l’Internet, de la radicalité des images auxquelles on nous donne accès depuis notre enfance. Nous sommes capables à la fois d’aimer avec sincérité, littéralement au premier degré, pleinement ; et à la fois de prendre du recul, de voir de façon critique. C’est la simultanéité de ces deux types de regards qui en fait un nouveau : le notre. Voir le monde ainsi est paradoxal mais tout à fait conciliable. Judith Butler (op. cit.) énonce ainsi le fait de vivre avec le paradoxe : « Que ma pratique soit traversée de paradoxes ne signifie pas qu’elle soit impossible. Cela signifie seulement que le paradoxe est sa condition de possibilité. » On peut faire avec le paradoxe, être belle ET négligée, être sérieuse ET débridée, être diurne ET nocturne. 74 FUNLIGHT 01 Et on peut voir au premier ET au second degré. Rappelons-nous cette devise latine qu’est Festina Lente (« dépêche-toi lentement »), en dehors de son sens qui relie l’enthousiasme et la réflexion, elle est un oxymoron qui nous dit le paradoxe possible... Bernard Lavier décrit sa pratique comme proposant une « double détente » (interview in Libération, 24 juillet 2004), c’est-à-dire que chaque objet produit doit être lu à la fois comme un objet séduisant, esthétique, et comme un objet de réflexion, de pensée, de critique. La notion de « double bind » (ou double contrainte), mise en avant en 1956 par l’équipe de Gregory Bateson, oeuvrant sur des théories de la communication, a été ainsi étendue par Jacques Derrida (in Lectures de la Différence Sexuelle, 1994). Le double bind consiste en la conciliation obligatoire de deux contraintes paradoxales et qui sont à priori inconciliables. Derrida explique qu’il ne peut y avoir d’intention lue comme elle a été donnée. Le contexte dans lequel une intention est donnée ne peut être en tous points le même que le contexte dans lequel cette intention est reçue. Pour Derrida, la citation ne peut être « hors-contexte », puisque qu’une citation et même une lecture sont par définition dans un autre contexte que celui dans lequel elles ont été pensées. Ainsi, dans toute idée — comme dans toute production — existe un recul, un point de vue critique, qui naît dès qu’elle est partagée. On pourrait traduire cette idée de Double degré par hédonisme et ironie simultanés, dans la mesure ou on considère l’ironie comme un art de la citation critique. Jankélévitch (in L’Ironie, 1964) parle d’une ironie qui n’existe que si elle est à la fois joueuse et sérieuse. Mais n’excluons pas les autres points de vue critiques possibles que ne couvrent pas le terme d’ironie. Rien pour notre génération n’est considéré comme sacré, incriticable ; mais sans succomber aux sirènes du cynisme, nous connaissons cet enthousiasme enfantin qui nous fait adorer de façon hédoniste tant de choses. Être légers et lucides, voilà peut-être une devise qui pourrait être la notre. ———— FUNLIGHT 01 75 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:05 Page 76 définition subjective Maintenant les penderies s’échangent leur contenu À part être à sa guise Les garçons en slims En débardeur et en couleur Les filles en maxi En sweat-shirts trop grands et en énormes baskets Cela n’étonne plus personne Notre génération s’est vue acquérir la liberté d’être multiple, d’arborer plusieurs personnalités. Elle s’accapare des signes d’horizons variés passant d’un extrême à l’autre sans se soucier d’être comprise. Ils osent les clins d’oeil naïfs et féminins Elles jouent des accords masculins On est dispersé visuellement. C’est la cour des grands Baggys extra larges pour elles Jeans hyper moulants pour eux Rien de plus courant Par-delà les sexualités Les garde-robes circulent sans attaches. Aujourd’hui en tenue sportswear, demain en total look glamour-rock ou romantico-gothic, tout est permis. Cela ne signe plus l’appartenance à un groupe, un mouvement musical ou encore à un milieu social. Une quadruple voire quintuple vie n’est pas de trop pour une génération kaléidoscopique. Batman, Spiderman et autres supers héros peuvent aller se rhabiller. Pour mieux nous contenter La démultiplication par le mixage des styles vestimentaires construit, remodèle et compile nos identités. Stroboscopique, chacun invente et joue son propre jeu en mettant au défi les panoplies vestimentaires. Chacun témoigne de sa fantaisie pour son plaisir mais aussi celui des autres. C’est une forme de réactivité au quotidien. L’ambiguïté s’est généralisée et offre à tous une grande liberté On se déguise plus qu’on ne s’habille, ce qui permet de la distance. L’esprit du déguisement redonne sa gloire aux jeux de l’apparence. On ne se prend pas au sérieux même si on y passe une heure. 76 FUNLIGHT 01 Pôle d’expression, moyen d’affirmation et forme d’échappatoire, ce langage est celui de la surface comme substance de nos entités. FUNLIGHT 01 77 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:05 Page 78 référence Onde de choc La jeune génération de stylistes qui voit le s années 80 et 90 co mme un paradis perd u ne recule pas face à l'exc entricité. derniers enfants terribles de Londres. Aussi démesurés que leur succès, voici les Du côté des podiums de la Haute Couture, quelques jeunes talents anglais tels Gareth Pugh et Christopher Kane hissent les drapeaux influents de la New Rave. On y retrouve pour l’un la démesure des personnages virtuels et héroïques des jeux vidéos et des dessins animés, pour l’autre des couleurs acides et fluo dignes d’un écran de télévision. Tous deux diplômés de la St Martins, ils osent sans détour, et leur radicalité est hors norme. Dans sa collection printemps-été 2007, Kane, le petit protégé de Donatella Versace, propose des variations sur le thème de la mini-robe en bandelettes stretch. L’ajout provocateur de grosses fermetures à glissière et de ceintures élastiques clipées accentue le décalage et l’absurdité de la silhouette. En voilà un qui n’a pas peur des rencontres incongrues, à l’image de sa dentelle sur fond de combinaison sous-marine fluo ! Ce nouvel espoir de la mode british est un véritable enfant des années 90, avec son lot d’insolences et de culot déraisonnable ! Cela sonne comme des plaisirs enfantins : se déguiser, avoir un cadeau avec son big mac, avoir l’impression de voler dans les airs ou encore d’être un héros super puissant ! ALICE - C'est assez dingue que Kane ait été appelé par Versace, lui qui a réinterprêté leur travail de façon aussi osée, presque irrespectueuse ! FANETTE - Ils ont accepté l'hommage. ALICE - Il y a vraiment un espoir de renouveler les choses après ça, ou la direction artistique de Balenciaga par Ghesquière. Ça veut dire qu'il faut oser pour avancer ! Prendre des risques, ça paye... 78 FUNLIGHT 01 FUNLIGHT 01 79 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:05 Page 80 définition subjective Visionnage en devenir Les personnages héroïques des dessins animés japonais ont pour la plupart des caractéristiques qui marquent une forme d’ambiguïté. Creamy est à la fois une petite fille, une jeune femme et une pop star. Elle vit en permanence la transformation d’un état à l’autre. C’est toute la complexité et l’originalité du personnage. Ranma 1/2 est un garçon qui devient une fille sous l’eau froide et reprend son apparence normale au contact de l’eau chaude. Il est sans cesse tiraillé par ses mutations au cours des épisodes de la série. 80 FUNLIGHT 01 Ces êtres fantastiques n’ont-ils pas contribué à l’ouverture de nos esprits ? N’ont-ils pas leur part dans le sentiment de liberté de la génération qui les idolâtrait ? On remarque aussi dans les mangas une grande liberté vestimentaire. En vérité il s’agit plus de costumes. Ils se jouent non seulement des codes féminins et masculins mais aussi piochent dans le vestiaire de l’enfance. Cela brouille l’identification des genres et des âges. Des guerriers, comme certains des Chevaliers du Zodiaque, ont une apparence de jeune fille. Leurs longs cheveux divaguent dans le vent alors même qu’ils expriment une très grande cruauté dans un combat. Aussi le chevalier d'Andromède à l'armure rose a été affublé d'une voix de fille jusqu’à ce que le mystère de son genre soit révélé. Tous ces personnages symbolisent le début des genres indéfinis comme constat. Ils illustrent aussi cette faculté de l’imagination à dépasser les diktats du réel dans une création grand public comme les dessins animés. Et que des choix créatifs au sein d’un projet d’animation, une fois intégrés et répétés par d’autres réalisateurs, puissent être contributeurs de l’évolution de moeurs en marquant une génération, c’est épatant. FUNLIGHT 01 81 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:05 Page 82 petite réflexion À la recherche du temps à réinventer Peine n’est pas perdue à réécrire les phrases qui nous ponctuent, nous constituent. odeler... l faut savoir rem ’i qu re iè em pr matière Le passé est une Pour savoir qui l’on est, étape à franchir pour toute personne passant à l’âge adulte, à l’âge des responsabilités, Judith Butler propose (op. cit.) que l’on quitte les nippes dont la société nous a habillés à la naissance pour ne pas que l’on voie cette nudité — c’est « non-science » de ce que l’on est. Elle parle d’être défait, de « becoming undone » (se défaire des normes préétablies sur soi, son genre, l’identité que l’on nous applique). Mais il s’agit de se défaire en réécrivant PAR DESSUS. Il s’agit de se redécrire pour être soi, pour se choisir, comme on choisit ses gestes. Or se re-décrire consiste à utiliser des éléments dans sa mémoire pour les repenser, les réorganiser. Il s’agit là de préciser que l’on n’a jamais affaire à du réel brut, mais à quelque chose de déjà décrit, comme l’affirme Rorty, que la mémoire est une matière vivante qui se réinvente à mesure que l’on y puise, que rien n’y est définitif ou immuable, sans qu’on ait prise sur elle. Ainsi, on se redécrit en ré-écrivant sur ce que l’on est déjà, la mémoire étant à l’image d’un palimpseste, une superposition d’éléments qui interagissent, se rendent plus ou moins lisibles les uns les autres. La redescription de nousmêmes nous permet de nous décider. Richard Rorty (in Objectivisme, relativisme et vérité, PUF, 1994) dit : « Nous {êtres humains} avons la possibilité de nous recréer, de naître une seconde fois, en abandonnant les auto-descriptions qui nous ont été enseignées et en en inventant de nouvelles. » Nous avons la possibilité de nous décider comme ceci ou comme cela. Nous pouvons choisir de nous habiller comme ceci ou comme cela, et d’ainsi nous décrire d’une façon ou d’une autre. Avoir accès au choix esthétique autour de nous nous fait exister non seulement par l’acte de choix, mais aussi en nous donnant les moyens de choisir qui nous sommes, de nous faire unique. Nous sommes nos gestes, nos choix, les éléments qui nous entourent mêmes. ————— ALICE - Nos choix sont autant d'outils pour re-créer, créer du neuf, à partir de ce qu'on a. FANETTE - La force d'un esprit critique c'est sa force de créativité et de renouveau. 82 FUNLIGHT 01 FUNLIGHT 01 83 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:05 Page 84 à bientôt EXTRAIT DU GÉNÉRIQUE DU DESSIN ANIMÉ EMI MAGIQUE, 1987 funlightmag315.qxd 18/01/08 21:05 Page 4