Les Echos, 17 mars 2008

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Les Echos, 17 mars 2008
Veille stratégique _ Avril 2008
Sommaire
1 La nouvelle physionomie des dirigeants
(Les Echos, 17 mars 2008)
2 Ressources humaines : les priorités des patrons
(Les Echos, 21 avril 2008)
3 Comment les agences gèrent la pression ?
(Stratégies, 17 avril 2007)
4 Les agences doivent-elles créer une offre développement
durable ?
(Stratégies, 10 avril 2008)
5 La communication financière des entreprises passée au crible
(L’expression d’entreprise, 10 avril 2008)
6 L'info économique 2.0
(Stratégies, 13 mars 2008)
7 Out of Print : The death and life of the American newspaper.
(The New Yorker, 31 mars 2008)
8 Livre : le numérique à l'assaut de l'édition
(Les Echos, 13 mars 2008)
9 Texte sur écran
(Courrier International, 13 mars 2008)
10 Les quatorze qualités que j’attends d’un e-book
(Courrier international, 13 mars 2008)
11 Écrire une histoire à 1500 mains
(Courrier International, 13 mars 2008)
12 Cinq outils dernier cri à savoir maîtriser
(Stratégies, 27 mars 2008)
13 Le son, un nouvel élément d'expérience sensorielle sur le Net
(Les Echos, 18 avril 2008)
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1) La nouvelle physionomie des dirigeants
(Les Echos, 17 mars 2008)
Les mutations technologiques et les pressions multiples exercées
par les actionnaires ont considérablement changé les qualités des
PDG.
La bataille entre le Medef et l'Union des industries des métiers de la
métallurgie (UIMM), dont deux des anciens hauts dirigeants sont mis en
examen, illustre le fossé qui sépare les tenants d'une conception ancienne
de la direction d'entreprise et les « modernes », issus d'une génération
montante de nouveaux dirigeants.
Ces dernières années, la conjonction de la mondialisation, du rythme
soutenu des évolutions technologiques et des pressions multiples exercées
sur eux par les actionnaires a considérablement changé la physionomie
des « CEO ». Ces derniers doivent - selon le franglais de rigueur - toujours
davantage « délivrer » des résultats rapides. Conséquence : faute de
performances à court terme, un nombre grandissant d'entre eux sont
poussés vers la porte. De 15 % en 2006, le pourcentage est passé à 16,2
% à la fin de 2007, selon Weber Shandwick Worldwide (15 % pour
l'Europe et l'Amérique du Nord contre 21 % en région Asie-Pacifique). Et
quand les durées des mandats raccourcissent (6 ans aujourd'hui contre 6
ans et 5 mois en 2005 et 2006, toujours selon la même source), les
caractéristiques requises pour atteindre le sommet de la hiérarchie
évoluent aussi.
Rajeunissement des leaders
L'une des toutes premières, la plus flagrante, est le rajeunissement. Ce
qui sous-entend aussi l'ouverture internationale et la réactivité. En France,
des Jean-Pascal Tricoire (Schneider Electric), Franck Riboud (Danone),
Arnaud Lagardère (Lagardère), Patrick Kron (Alstom), José Luis Duran
(Carrefour) sont sensiblement plus jeunes que la génération précédente.
Outre-Manche aussi, où le patron de HMV, par exemple, n'a pas 50 ans et
où celui de BP est tout juste quinquagénaire. Ou encore aux Etats-Unis,
où Uli Becker (44 ans) s'apprête à remplacer Paul Harrington (46 ans) à la
tête de Reebok à partir du 1er avril. L'autre tendance - propre à la France
cette fois-ci et confirmée par des chasseurs de têtes - est que désormais
appartenir à un grand corps (Polytechnique, les Mines, l'ENA) peut
apparaître nécessaire mais ne suffit plus à conférer illico la stature de
grand leader. Comme ses homologues anglo-saxons, le patron français
tend à ne plus être jugé que sur ses seuls résultats.
Autres qualités requises : une appétence pour l'innovation (sans perdre
pour autant de vue le principe de précaution) et une plus forte conscience
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de la multitude des problématiques qui lient l'entreprise à la société. L'art
de raconter la « bonne » histoire se fait aussi crucial pour motiver les
équipes, d'après Rosabeth Moss Kanter, professeur à l'université de
Harvard. Et, comme dans le milieu politique, le « storytelling » se propage
aussi en entreprise. Il revient donc au PDG de trouver les phrases et les
mots clefs pour susciter l'enthousiasme, insuffler de l'énergie, donner du
sens au travail, traduire la stratégie en résultats et insérer les valeurs
clefs du groupe dans les comportements quotidiens.
Plus de transparence
Un exercice délicat car il s'agit de trouver LE thème mobilisateur pour
l'avenir ou de se gargariser de succès passés. « L'histoire doit être simple,
courte et mémorisable à coups d'images visuelles et/ou via un maximum
de deux ou trois personnages », explique un expert du « storytelling » à la
« Harvard Business Review ».
Enfin, le « CEO », qui désormais ne peut plus vivre dans un superbe
isolement, doit montrer plus de transparence et avoir l'art de commander
tout en donnant un sentiment de proximité et d'intimité. Une gageure, là
encore, à l'heure où certains font la une des journaux du monde entier en
raison de leurs rémunérations toujours plus élevées, que les milieux
économiques justifient par la guerre mondiale des talents et le désir des
entreprises de s'attacher les meilleurs éléments. Des dirigeants qui
doivent savoir jongler avec une toujours plus grande complexité, et
surtout savoir anticiper. D'où l'émergence de quantités de plans « Visions
2010 », de « Cap 2015 » et autres « Ambitions 2020 » alors que tout - les
marchés, le comportement des consommateurs, l'exposition médiatique,
etc. - reste impalpable et empreint d'incertitude.
Résultat : dotés de davantage de responsabilités que de pouvoir, les PDG
ont tendance à entourer leur prise de mandat de solides garanties
juridiques. Ils sont en effet conscients de naviguer à vue, de n'avoir
quasiment plus droit à l'erreur et de devoir restaurer une image, ces
derniers temps, partout mise à mal. En France, par les déboires entre
Medef et l'UIMM. Outre-Rhin, par les perquisitions au domicile du patron
de la Deutsche Post soupçonné de fraude fiscale. Ou encore aux EtatsUnis, par les limogeages fracassants de nombre de « CEO » des secteurs
de la finance, de la santé et des nouvelles technologies.
2) Ressources humaines : les priorités des patrons
(Les Echos, 21 avril 2008)
La gestion des talents figure en tête de liste des agendas des
sociétés du monde entier. La France, elle, privilégie la mesure de
la performance RH.
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Tout le monde le dit : la gestion des talents est la priorité des priorités des
entreprises. Et de fait, elle figure en tête de liste des agendas des sociétés
du monde entier. Le contexte de concurrence mondiale acharnée n'a en
effet jamais autant nécessité non seulement d'attirer et de développer de
nouveaux talents, mais surtout de les retenir. Les entreprises doivent
désormais mieux communiquer sur les opportunités de carrière et la
grande quantité de packages sur mesure qu'elles proposent. Tout comme
contribuer au rééquilibrage des vies professionnelle et privée (autre
grande priorité). Il leur faut aussi de plus en plus tôt identifier des
candidatures de valeur en vue de la constitution en amont de pools de
talents.
Développement du leadership
Mais, contrairement à leurs homologues étrangers, les groupes français
n'inscrivent la gestion des talents qu'au quatrième rang de leurs priorités,
derrière - préoccupation numéro 1 - la mesure de la performance RH, les
mesures de déploiement de l'engagement des salariés et la gestion des
problématiques démographiques (*). Les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le
Japon, l'Espagne mais aussi l'Inde, Singapour et l'Afrique du Sud la
placent, eux, au tout premier rang de leurs préoccupations, d'après une
enquête exclusive - et non encore diffusée - menée par The Boston
Consulting Group et World Federation of Personnel Management
Association. Corollaire de la gestion des talents, le développement du
leadership joue, lui aussi, au jour le jour un rôle crucial dans la
performance des entreprises. Car ce sont les leaders qui servent de
modèle, incarnent la mission du groupe, et qui, par leur action, donnent
du sens aux orientations choisies, participent au développement des
talents en interne.
Diffuser les connaissances
Autre chantier de taille : le changement. Une transformation qui tient aux
écarts démographiques, aux modifications culturelles et à la
mondialisation. Majeures, les questions démographiques vont notamment
amener deux fois plus d'entreprises - hors pays émergents d'Asie - à
modifier leur politique de santé et de prévention des accidents. Enfin,
l'organisation elle-même se modifie pour se faire continuellement
apprenante. Autrement dit, pour développer et diffuser les connaissances
en interne (bases de données, universités d'entreprise, réseaux d'experts,
organisation de transferts de savoir-faire, etc.) Et replacer la fonction RH
au sein d'un partenariat stratégique global d'entreprise. Il n'empêche
cependant. Seulement 40 % des entreprises interviewées ont commencé à
s'investir de façon sérieuse dans l'une des priorités recensées.
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La raison ? « Cela nécessite une remise en cause fondamentale, car il faut
lever des freins culturels et organisationnels », explique Jean-Michel Caye,
directeur associé au Boston Consulting Group. Et les choses ne sauraient
changer sans prise de conscience sérieuse et urgente à leur plus haut
niveau. Des groupes aussi divers que Daimler, E.ON ou encore Tata Group
dont le développement est soutenu, l'ont parfaitement compris. Tout,
comme en France, des Danone, L'Oréal, Schneider Electric ou encore
Véolia. Tous ceux-là ont fini par tisser un lien étroit entre stratégie
d'entreprise et stratégie RH. Et, parce que la compétence est de toute
évidence devenue la ressource la plus rare et la plus convoitée au monde,
les autres entreprises sont tôt ou tard condamnées à suivre leur exemple.
*) Au sein d'une liste de préoccupations pas forcément des plus
prioritaires mais bien hexagonales où figurent aussi l'engagement des
salariés, la responsabilité sociale d'entreprise et l'individualisation du
traitement.
Les 8 chantiers des entreprises du monde entier :
· Développer et retenir les talents
1. Gérer les talents
2. Améliorer le développement du leadership
3. Gérer l'équilibre vie professionnelle/vie privée
· Anticiper le changement
4. Gérer les écarts démographiques
5. Gérer le changement et la transformation culturelle
6. Gérer la mondialisation
· Optimiser l'organisation
7. Devenir une organisation apprenante
8. Faire des RH un partenaire stratégique
3) Comment les agences gèrent la pression ?
(Stratégies, 17 avril 2007)
Horaires élastiques, recours aux free-lances, travail dans
l'urgence... les agences de communication doivent jongler avec les
exigences croissantes de leurs clients.
Journaux d'entreprises, sites Web et créations publicitaires se vendent
toujours bien. Mais les directions des achats exigent d'en avoir toujours
plus pour le même prix. Une tendance que l'évolution récente du paysage
médiatique vient renforcer. « Depuis le tournant numérique de 2006,
l'offre de supports s'est multipliée, constate Éric Trousset, directeur
marketing de TNS Media Intelligence. Aujourd'hui, un annonceur a le choix
entre une centaine de chaînes de télévision pour lancer une campagne
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plus ou moins ciblée, sans parler d'Internet et du téléphone mobile. »
Difficile dans ces conditions de résister à la tentation de demander plus,
et toujours plus vite, à des équipes de prestataires réputées corvéables
à merci.
« Il y a une accélération des exigences, confirme Cécile Roger, éditriceconseil chez Euro RSCG C & O, qui pilote la confection de plusieurs
magazines internes de grands groupes. Désormais, tout se fait en
parallèle et non plus consécutivement. Il faut sans cesse réinjecter de la
méthodologie. » Résultat : nombre de validations se font sur la maquette
finale, les retards s'accumulent et tout se précipite vers la fin du parcours.
Les origines du mal sont pourtant parfaitement identifiées : tout découle
d'un manque de réflexion en amont . Pour Élisabeth Coutureau, viceprésidente de TBWA Corporate, le client qui met les budgets sous pression
n'est « pas un cas fréquent ». La solution réside dans un savant mélange
d'anticipation et de formation : « La question budgétaire doit être réglée
en amont pour garantir au client que chaque euro sera investi au mieux.
Et lors des discussions avec les acheteurs, nous nous fondons sur des
grilles tarifaires précises issues de la comptabilité analytique et nous
expliquons pourquoi telle mission exige tel profil. Dans ce domaine, je
crois beaucoup à la pédagogie. » Louable, le remède présente néanmoins
un défaut majeur dans les petites agences : ses effets s'estompent
rapidement et il est toujours nécessaire d'en rajouter une dose.
Car les structures légères n'ont souvent pas d'autres choix, pour satisfaire
leurs clients, que de rallonger les horaires. « Avant, je faisais des
semaines de 45 à 50 heures. Maintenant, je suis dans une moyenne de
55-60 heures et je finis tous les soirs à 21 heures », témoigne une
salariée. À ce temps désormais « normal » viennent régulièrement se
greffer des « rushs » qui entraînent le compteur au-delà de minuit et
dévorent les week-ends. Difficilement compatible avec une vie de mère de
famille, notamment. La fatigue s'accumule et les arrêts maladie
deviennent la soupape de sécurité, quand ce n'est pas la seule
échappatoire possible. Quant à la vie sociale, elle s'étiole : « Les gens ne
m'en veulent pas, mais ils ne comprennent pas et, à force, ils finissent par
se passer de moi. » Quand le management fait la sourde oreille ou de
simples promesses, un véritable ras-le-bol s'installe et pousse les talents
au départ.
Sous-traitance et partenariat
Soucieuse de garder leur potentiel, la plupart des agences préfèrent faire
appel à la sous-traitance plutôt que d'assister à une hémorragie
continuelle de leurs salariés. Simple et rapide à mettre en œuvre, le
recours accru aux free-lances constitue une option efficace pour absorber
la pression des clients. Chez Verbe, agence de communication éditoriale
du groupe Publicis, c'est une « pratique significative », reconnaît Laurent
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Borrell, directeur de la stratégie et des nouvelles offres. Le partenariat est
une autre possibilité. Souple et pratique, il assure une mutualisation des
moyens qui permet d'amortir le choc budgétaire tout en répondant à
l'ensemble des desiderata du client. Verbe s'est ainsi associée à Lonely
Planet pour injecter des contenus « tourisme » dans les intranets de ses
clients et collabore régulièrement avec d'autres structures de Publicis pour
proposer une offre globale. Moins avouable, le recours aux juniors ou aux
stagiaires. Contre toute attente, la qualité est souvent au rendez-vous. Le
problème, c'est qu'elle ne dure jamais longtemps. « Les stagiaires restent
deux ou trois mois. Après, c'est la roulette russe », confie une responsable
de projet d'une agence parisienne coutumière du fait.
Utile, le recours à des ressources humaines supplétives ne peut cependant
servir que d'appoint et l'essentiel de la réponse provient encore et
toujours de l'intérieur. Deux stratégies sont alors possibles, qui peuvent
être mises en œuvre complémentairement. La première consiste à jouer la
transparence totale en interne. Chez By The Way-Créacom, agence de
communication corporate, les chefs de projet et le « middle management
» ont tous les chiffres une ou deux fois par semaine. Budgets, marges,
rentabilité, tout est mis sur la table. « Il vaut mieux qu'ils aient des
repères et qu'on en discute plutôt que des bribes qui les amènent à se
faire une fausse opinion », assure Patrick Miot, vice-président de cette
agence d'une cinquantaine de collaborateurs. Une transparence qui
s'accompagne d'une politique de rémunération et de gestion du temps
lucides : « Il faut savoir récompenser les collaborateurs qui mouillent la
chemise et faire preuve de souplesse quand ils ont besoin de temps... »
Le conseil au lieu de la quantité
Deuxième stratégie : sortir de la quantité pour s'orienter vers le conseil.
Chez By The Way-Créacom, l'organigramme parle de lui-même : si une
moitié des collaborateurs se consacre à la création, l'autre planche
uniquement sur le conseil et le suivi des clients. Le système est d'autant
plus efficace que les équipes sont renforcées en profils « seniors ». Plus
cher ? Un argument que Patrick Miot écarte sans hésiter : « Même s'il
coûte 30 % plus cher, un senior sera plus efficace. Il boucle le dossier
deux fois plus rapidement parce qu'il est plus pertinent et plus rapide. »
Une logique imparable que Verbe a décidé de porter à son terme en
reformatant complètement équipes et métiers. La centaine de
collaborateurs de l'agence a donc été invitée à participer à six chantiers
qui doivent bousculer tous les a priori et mener à des formations sur
mesure. « Nous sommes en train de basculer du statut de prestataire vers
celui de partenaire », confirme Laurent Borrell. Discrète, la manœuvre a
cependant peu de chance d'échapper aux directions des achats. Même en
changeant d'objet, les discussions budgétaires resteront donc encore très
serrées.
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4) Les agences doivent-elles créer une offre développement
durable ?
(Stratégies, 10 avril 2008)
Les annonceurs sont de plus en plus demandeurs de conseil en
développement durable. Pour autant, créer des offres et des
entités spécifiques au sein des agences pose question : est-ce un
simple alibi ou un réel argument de vente ?
Le développement durable est devenu une préoccupation majeure des
annonceurs. En témoigne la vague de nominations de directeurs ou
directrices chargés d'y veiller. « Il n'y a plus un brief où le développement
durable ne soit pas un présupposé », constate un professionnel.
Au sein des agences, c'est donc le branle-bas de combat. Depuis la
rentrée 2007, l'Association des agences-conseils en communication leur
propose une série de formations sur le sujet. De même, l'Anaé, qui
regroupe les agences événementielles, a lancé un grand chantier « DD »,
sous la houlette de Benoît Desveaux, directeur général du Public Système,
qui vient de créer Namaska, une agence événementielle solidaire et
durable. D'autres agences ont nommé des responsables du
développement durable : Olivia Grégoire chez DDB France, Alice Audouin,
membre du collectif Adwiser, chez Havas, Quitterie Delmas, ancienne de
l'association Déclic Solidarité, chez Heaven. Et Publicis Groupe a acheté en
février Act Now, pionnier américain du conseil en développement durable.
Au-delà des bonnes volontés affichées, est-il vraiment nécessaire de créer
des entités et des offres consacrées au développement durable ? La
plupart des agences reconnaissent qu'elles n'en sont encore qu'au début
du processus. « Dès lors que les annonceurs sont demandeurs, il faut
anticiper », affirme Catherine Michaud, présidente de K Agency 360, qui a
créé en janvier dernier K Développement durable (KDD), une structure
proposant des campagnes écoconçues et écoréalisées. A contrario, Benoît
Héry, président de Draft-FCB, estime que « placer le développement
durable à part alors qu'il ne fait déjà plus débat, c'est prendre le train en
retard et s'acheter une étiquette verte qui ne recouvre aucune offre
véritable. » L'agence, qui avait annoncé il y a un an une série de mesures
en la matière, avait recruté un Monsieur développement durable,
Stéphane Pocrain. Celui-ci a quitté l'agence, mais le chantier se poursuit
au quotidien, assure-t-on chez Draft-FCB.
Changer les habitudes
Reste, enfin, à appliquer concrètement dans les agences les
recommandations faites aux clients. Bilan carbone, mesure de l'impact
écologique, plan de formation aux « écogestes », changements d'attitude
au travail : là aussi, le chantier est en marche. Même si, à ce jour, les
conseilleurs ne sont pas (encore) les payeurs.
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5) La communication financière des entreprises passée au crible
(L’expression d’entreprise, 10 avril 2008)
L’uniformisation des supports de communication favorise une
meilleure compréhension de l’information. L’IFop a mené une
étude auprès des analystes financiers et des actionnaires
individuels pour mesurer leurs attentes en matière de rapport
annuel.
« Le rapport annuel est un support-clef dans la communication
institutionnelle et financière des entreprises cotées. Il doit séduire et
convaincre », déclare Jean-François Le Rochais, président-directeur
général de l’agence en communication Terre de Sienne. Pour cela, il doit
être le plus clair possible. La multiplication des supports de
communication en facilitant pas la compréhension de l’information. L’IFop
a mené l’enquête auprès d’analystes financiers et d’actionnaires
majoritaires. Il en ressort une forte adhésion à un regroupement de deux
documents, rapport financier et rapport annuel, en un seul. Les analystes
financiers à 78 % et les actionnaires à 75 % sont favorables à cette issue.
Outre ce premier constat, l’aspect esthétique joue aussi un rôle. Près
d’une personne interrogée sur deux estime y être très sensible. Les
analystes financiers avouent y être attentifs à 66 % et les actionnaires
individuels à 64 %. Une attention particulière est portée sur la partie
institutionnelle. En troisième lieu, viennent les informations dites « extra
financières ». Elles se glissent dans la communication financière et
institutionnelle des entreprises cotées. L’éthique, la présentation de la
stratégie, le mot du président… sont donc autant d’éléments qui entrent
en compte dans la rédaction des rapports. Près de neuf analystes
financiers et actionnaires individuels sur dix y sont vigilants (85 % des
sondés). Enfin, pour se faire une idée de la performance des entreprises,
ces mêmes financiers et actionnaires s’appuient sur les textes, les
commentaires, les données chiffrées… Ils affirment (à 49 %) être très
sensibles aux ratios, aux chiffres clefs, aux textes et commentaires.
Les visuels et les schémas remportent aussi leurs intéressés puisque près
de sept sondés sur dix y sont attentifs.
Les entreprises doivent donc être soucieuses de leur communication
financière d’autant plus que l’uniformisation de la législation européenne,
par la directive transparence du 8 mars 2007, leur impose de fournir un
rapport financier annuel rigoureusement normé.
6) L'info économique 2.0
(Stratégies, 13 mars 2008)
Pour la presse économique et financière, le web est une priorité.
Entre information en continu et interactivité avec les internautes,
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les journaux et magazines montent en puissance sur le net. Reste
à inventer un modèle économique viable.
L'info économique 2.0
Jeudi 24 janvier 2008. Branle-bas de combat dans la presse économique
et financière : un jeune trader aurait fait perdre 5 milliards d’euros à la
Société générale. Les journalistes financiers du figaro.fr sont sur le pont :
interviews exclusives, rebondissements, décryptages. « Le lendemain, Le
Figaro papier a pris le relais avec des analyses. Résultat, au bout de
quatre jours, nous avions déjà trente articles sur l’affaire Kerviel : de quoi
monter un dossier sur le Web », raconte Christophe Mazzoleni, directeur
de la « chaîne Finance » (rubriques Bourse, Patrimoine, Placement, etc.)
du figaro.–fr. Rue Galvani, chez Capital, on peste : « Nous avions bouclé
le mensuel l’avant-veille !, raconte Jean-Joël Gurviez, éditeur du pôle
économique de Prisma Presse. Heureusement, grâce à notre site, nous
avons pu couvrir l’événement au quotidien. Avant l’ère Internet, Capital
serait passé à côté de cette info cruciale. »
La presse économique et financière l’a bien compris : exister sur le Web
est désormais une priorité. Mais comment trouver le bon accord entre une
info très ciblée, parfois pointue, et un média qui ouvre le champ des
possibles ? Les sites de journaux économiques tâtonnent… mais vont
plutôt dans le bon sens. La preuve : des chiffres plus qu’encourageants.
Lesechos.fr reste leader des sites économiques, avec 1,148 million de
visiteurs uniques, juste devant la « chaîne Finance » du figaro.fr (1,138
million). Latribune.fr affiche 800 000 visiteurs uniques, quand
challenges.fr a quadruplé ses visites en un an (450 000). Lexpansion.com
a, lui, gagné 30 % de fréquentation depuis sa nouvelle formule. Autre
signe de bonne santé : des rénovations de sites prévues avant l’été chez
Challenges et chez Capital, le lancement du journaldesfinances.fr par Le
Figaro et celui de BFM News, portail d’information généraliste et
économique, prévu pour mai prochain au sein de Nextradio TV.
Transversalité
Quel est le modèle économique de ces sites de presse ? Le tout publicité
et la gratuité s’imposent, même si le print reste comme partout ultra
majoritaire dans les recettes publicitaires (lire en page 42). À
lexpansion.com, on aimerait développer les partenariats et le commerce
en ligne pour diversifier les revenus, « mais l’accès à l’information restera
gratuit », précise Yves Adaken, rédacteur en chef. Du côté des magazines,
seul capital.fr a lancé une offre payante, il y a deux ans. « L’abonné reçoit
chaque semaine la lettre boursière par courriel et sous forme papier, ainsi
que la newsletter First Morning par courrier chaque matin, détaille JeanJoël Gurviez. Il a aussi accès à des conseils boursiers sur plus de 130
valeurs. » Une offre qui plaît… mais qui reste chère : 39 euros par mois.
10
« Le cas de la presse économique est particulier : sa cible (les entreprises
et les cadres) a les moyens de se payer un abonnement sur le Net et veut
des informations sérieuses provenant d’une marque média reconnue,
explique Patrick Eveno, spécialiste des médias et maître de conférences à
la Sorbonne. Voici en théorie le cercle vertueux du modèle payant. » Côté
quotidiens, seul lesechos.fr a pris le parti d’un modèle mixte, où 30 % des
contenus sont payants (journal du jour, archives, microéconomie). « Nous
avons 20 000 abonnés, dont la moitié sont des entreprises, et notre
chiffre d’affaires est parfaitement équilibré », affirme Philippe Janet,
directeur général Internet de DI Group (qui a racheté Les Échos à
Pearson).
Pour garantir une info continue de qualité, les sites se sont tous dotés de
rédactions Web à part entière… avec plus ou moins de moyens.
Lesechos.fr, pionnier depuis 1996, dispose d’une équipe de 24
journalistes. Les rédactions financières du figaro.fr, de latribune.fr et de
capital.fr comptent chacune une dizaine de journalistes, alors qu’à
lexpansion.com et à challenges.fr, on en recense deux fois moins.
« Certes, mais la rédaction du magazine est entièrement bimédia et
fournit six à sept papiers quotidiens au Web », précise Pierre-Henri de
Menthon, rédacteur en chef de Challenges. « BFM News aura évidemment
sa rédaction propre, précise Alain Weill, PDG de Nextradio TV. Mais, pour
moi, le modèle idéal, ce serait quelques journalistes se consacrant à un
seul support et des experts transversaux intervenant aussi bien sur BFM,
BFM TV, BFM News ou La Tribune. » Lefigaro.fr peut quant à lui compter
sur le soutien des 70 journalistes économiques du quotidien. Quant aux
rédacteurs du mensuel Capital, ils alimentent les « indiscrétions » du site,
qui se veut aussi le prolongement de certaines enquêtes papier.
La culture bimédia semble donc mieux intégrée que lors des débuts du
Web. L’intérêt premier étant évidemment de pouvoir informer en temps
réel, quand le temps du papier est, lui, figé. « En économie plus
qu’ailleurs, on est sur une problématique de marchés. Plus on est informé
tôt, plus on est efficace », lance Joël Ronez, consultant en stratégie Web
pour les médias au cabinet Cup of Tea. Pour beaucoup, c’est là qu’est la
valeur ajoutée : « Notre ambition est d’apporter une hiérarchisation
journalistique de l’info à instant “t”», précise Pierre-Henri de Menthon.
Pour Yves Adaken, cette exigence de vitesse et de direct est à mêler avec
« le gène premier de L’Expansion : celui de la pédagogie ». « Expliquer
une information complexe, c’est l’un de nos axes de développement sur la
chaîne finances, renchérit Christophe Mazzoleni. Sur la partie Bourse,
nous avons une vertu pédagogique. Nous allons par exemple expliquer ce
que veut dire une augmentation de capital, ce qu’elle peut changer pour le
portefeuille de l’internaute, etc. »
11
Ouverture à l’interactivité
Si le Web 2.0 permet d’être en flux continu, il ouvre aussi les portes de
l’interactivité. Comment les sites économiques gèrent-ils le lien avec les
internautes ? « Informer sur l’économie requiert des compétences, des
contacts. Le journalisme citoyen est moins possible que dans la presse
généraliste », analyse Joël Ronez. Les sites hésitent donc à lancer des
forums. « Au début, nous étions réticents à accueillir les réactions des
internautes. Qu’est-ce qu’elles apportaient ? Depuis la refonte du site en
septembre, nous avons lancé la rubrique “Café de l’économie”, où les
internautes commentent les papiers. Et le résultat est intéressant »,
détaille Yves Adaken. Le site du Journal des finances devrait bientôt leur
permettre d’envoyer leur propre analyse économique. La meilleure sera
publiée dans l’édition papier. « Notre public est une nouvelle source
d’information », constate Christophe Mazzoleni.
Pour le directeur général du groupe Nouvel Observateur, Louis Dreyfus, «
le secteur de l’économie se prête davantage à une interactivité avec des
spécialistes qu’à du participatif pur ». D’où le développement des blogs
d’experts et de journalistes sur de nombreux sites. L’étude réalisée par
Think out pour la marque L’Expansion le montre : les internautes
attendent du participatif qu’il « donne de la valeur au lecteur », et qu’il
« valorise les éclairages d’experts ». Autre rendez-vous interactif très suivi
: le tchat quotidien avec un invité du monde économique organisé par la
rédaction des echos.fr. Pour Joël Ronez, « l’autre enjeu du 2.0, c’est qu’il
permet aux internautes de jouer sur l’ergonomie du site, de choisir ses
infos ». Créer sa propre page, avec ses rubriques préférées et son
portefeuille boursier, est déjà possible sur lesechos.fr, via un partenariat
avec Netvibes.
Cap sur la vidéo
C’est l’atout supplémentaire des sites économiques : les services offerts à
l’internaute. Avec en tête la gestion du portefeuille boursier. Aucun site
n’échappe à cet outil : cours en direct, graphiques, points Bourse matin et
soir, conseils d’analystes internationaux, etc. « Notre objectif est d’être
aussi performant que Boursorama », affirme Christophe Mazzoleni. « Nous
pouvons même alerter nos internautes par courriel quand l’une de leurs
actions dépasse un seuil. C’est un outil de fidélisation formidable »,
poursuit Philippe Janet. Pour Jean-Joël Gurviez, de Capital, ces services
doivent rester liés à l’information : « Nous mettons en ligne des annonces
immobilières, des offres d’emploi, des conseils en placements, etc. Mais il
faut du contenu autour pour donner un sens éditorial à tout cela. »
D’autres services sont-ils en développement ? Les acteurs du Web
avouent qu’il ne s’agit pas pour l’instant de leur priorité en termes
d’investissements.
12
C’est plutôt le développement de la vidéo qui devient prioritaire. Après
une tendance à l’achat, comme les Points Bourse de l’agence New York
French Press qu’on retrouve sur lefigaro.fr et –lexpansion.com, les sites
se mettent à produire leurs propres contenus. Dans l’entresol du Figaro,
un studio télé vient d’être inauguré. Loge de maquillage, fond bleu,
lumière rouge… rien ne manque : « J’ai hâte que mon équipe puisse
réaliser des vidéos », se réjouit Christophe Mazzoleni. Lesechos.fr et
latribune.fr (qui « bénéficiera bientôt de toutes les vidéos de BFM TV »,
précise Alain Weill) ont déjà leur studio depuis quelques années.
« Ce qui fonctionne bien, ce sont les interviews ou les petits magazines,
comme les font les journalistes d’Enjeux », témoigne Philippe Janet.
Difficile pourtant d’être créatif sur des sujets économiques ou financiers.
Un journaliste sur un fond gris qui débite les infos éco de la journée…
Rien de très original. La vidéo apporte-t-elle réellement une valeur
ajoutée ? « Nous savons que les internautes valorisent beaucoup les
contenus vidéo. C’est ce qui les fidélise sur un site, estime Louis Dreyfus.
Mais nous devons inventer un langage. » –Lexpansion.com a déjà tenté
de petits sketchs vidéo en partenariat avec Théâtre à la carte. Ils
décrivaient des métiers de manière décalée. « Des prestataires nous
proposent de plus en plus de petits dessins animés pour expliquer les
rouages de la gestion de patrimoine », note Christophe Mazzoleni.
Développer l’outil vidéo, c’est aussi miser sur la mobilité qu’offre le 2.0.
Aux echos.fr, on se positionne dès à présent sur la télévision mobile
personnelle, prévue pour la fin de l’année, bien que le site dispose déjà
d’une version mobile. Même stratégie chez Nextradio TV : « Il faut être
présent sur tous les supports, radio, télévision, Web, mobile, pour suivre
le lecteur en demande d’infos économiques dans sa journée », analyse
Alain Weill. « La forme graphique du journaldesfinances.fr se prête très
bien au design de l’Iphone », avance Christophe Mazzoleni. « L’info
économique sur mobile ? C’est du gadget, proteste Patrick Eveno. Ces
sites n’ont aucun intérêt à imiter ce que font les autres sur le Net. Leur
valeur ajoutée, c’est ce qu’ils savent faire de mieux, leur compétence
première : l’analyse journalistique. » L’un et l’autre sont-ils incompatibles
? Peut-être pas.
Télévision : LCI en pointe
BFM TV, seule chaîne à se présenter comme économique, ne propose aux
internautes que les pod-casts des émissions et une fenêtre pour regarder
la chaîne en direct. Le site d’I-Télé est encore plus minimaliste. L’entrée
«économie» permet seulement de poser des questions par courriel aux
émissions. Y a pas que le CAC et Le Journal de l’économie. Dans ce
paysage, lci.fr fait figure de précurseur, surfant sur l’expertise de son
grand frère TF1. La rubrique économique se veut pédagogique: on y
13
trouve des infographies explicatives, comme «le prix de l’essence
décortiqué», des vidéos insolites, mais aussi des blogs d’experts hightech et auto. La rubrique Bourse n’a rien à envier à celle des sites de
quotidiens: accès aux cours en temps réel, indices, vidéos et gestion de
portefeuille.
Radio : BFM se distingue
Du côté des ondes, on reste timide sur le Web, surtout en matière
d’information économique. Le site de BFM, radiobfm.com, est le plus
abouti, avec les podcasts des émissions, une rubrique Bourse, des
informations économiques et des dossiers. Mais une grande partie du
contenu provient de… capital.fr. Ouvrez la page d’accueil -d’eu-rope1.-fr,
et vous ne verrez le mot «économie» nulle part. La rubrique financière de
rtl.fr propose, elle, des interviews, des portraits et une rubrique
«décryptage» par un expert. Quant au site de RMC, il mise sur la
pédagogie, avec une galerie de photos et d’infographies offrant des
tableaux explicatifs plutôt réussis sur la hausse.
7) Out of Print : The death and life of the American newspaper.
(The New Yorker, 31 mars 2008)
The American newspaper has been around for approximately three
hundred years. Benjamin Harris’s spirited Publick Occurrences, Both
Forreign and Domestick managed just one issue, in 1690, before the
Massachusetts authorities closed it down. Harris had suggested a
politically incorrect hard line on Indian removal and shocked local
sensibilities by reporting that the King of France had been taking liberties
with the Prince’s wife.
It really was not until 1721, when the printer James Franklin launched the
New England Courant, that any of Britain’s North American colonies saw
what we might recognize today as a real newspaper. Franklin, Benjamin’s
older brother, refused to adhere to customary licensing arrangements and
constantly attacked the ruling powers of New England, thereby achieving
both editorial independence and commercial success. He filled his paper
with crusades (on everything from pirates to the power of Cotton and
Increase Mather), literary essays by Addison and Steele, character
sketches, and assorted philosophical ruminations.
Three centuries after the appearance of Franklin’s Courant, it no longer
requires a dystopic imagination to wonder who will have the dubious
distinction of publishing America’s last genuine newspaper. Few believe
that newspapers in their current printed form will survive. Newspaper
companies are losing advertisers, readers, market value, and, in some
cases, their sense of mission at a pace that would have been barely
14
imaginable just four years ago. Bill Keller, the executive editor of the
Times, said recently in a speech in London, “At places where editors and
publishers gather, the mood these days is funereal. Editors ask one
another, ‘How are you?,’ in that sober tone one employs with friends who
have just emerged from rehab or a messy divorce.” Keller’s speech
appeared on the Web site of its sponsor, the Guardian, under the headline
“NOT DEAD YET.”
Perhaps not, but trends in circulation and advertising––the rise of the
Internet, which has made the daily newspaper look slow and
unresponsive; the advent of Craigslist, which is wiping out classified
advertising––have created a palpable sense of doom. Independent,
publicly traded American newspapers have lost forty-two per cent of their
market value in the past three years, according to the media entrepreneur
Alan Mutter. Few corporations have been punished on Wall Street the way
those who dare to invest in the newspaper business have. The McClatchy
Company, which was the only company to bid on the Knight Ridder chain
when, in 2005, it was put on the auction block, has surrendered more
than eighty per cent of its stock value since making the $6.5-billion
purchase. Lee Enterprises’ stock is down by three-quarters since it bought
out the Pulitzer chain, the same year. America’s most prized journalistic
possessions are suddenly looking like corporate millstones. Rather than
compete in an era of merciless transformation, the families that owned
the Los Angeles Times and the Wall Street Journal sold off the majority of
their holdings. The New York Times Company has seen its stock decline by
fifty-four per cent since the end of 2004, with much of the loss coming in
the past year; in late February, an analyst at Deutsche Bank
recommended that clients sell off their Times stock. The Washington Post
Company has avoided a similar fate only by rebranding itself an
“education and media company”; its testing and prep company, Kaplan,
now brings in at least half the company’s revenue.
Until recently, newspapers were accustomed to operating as high-margin
monopolies. To own the dominant, or only, newspaper in a mid-sized
American city was, for many decades, a kind of license to print money. In
the Internet age, however, no one has figured out how to rescue the
newspaper in the United States or abroad. Newspapers have created Web
sites that benefit from the growth of online advertising, but the sums are
not nearly enough to replace the loss in revenue from circulation and print
ads.
Most managers in the industry have reacted to the collapse of their
business model with a spiral of budget cuts, bureau closings, buyouts,
layoffs, and reductions in page size and column inches. Since 1990, a
quarter of all American newspaper jobs have disappeared. The columnist
Molly Ivins complained, shortly before her death, that the newspaper
companies’ solution to their problem was to make “our product smaller
and less helpful and less interesting.” That may help explain why the
15
dwindling number of Americans who buy and read a daily paper are
spending less time with it; the average is down to less than fifteen hours a
month. Only nineteen per cent of Americans between the ages of eighteen
and thirty-four claim even to look at a daily newspaper. The average age
of the American newspaper reader is fifty-five and rising.
Philip Meyer, in his book “The Vanishing Newspaper” (2004), predicts that
the final copy of the final newspaper will appear on somebody’s doorstep
one day in 2043. It may be unkind to point out that all these parlous
trends coincide with the opening, this spring, of the $450-million
Newseum, in Washington, D.C., but, more and more, what Bill Keller calls
“that lovable old-fashioned bundle of ink and cellulose” is starting to feel
like an artifact ready for display under glass.
Taking its place, of course, is the Internet, which is about to pass
newspapers as a source of political news for American readers. For young
people, and for the most politically engaged, it has already done so. As
early as May, 2004, newspapers had become the least preferred source
for news among younger people. According to “Abandoning the News,”
published by the Carnegie Corporation, thirty-nine per cent of respondents
under the age of thirty-five told researchers that they expected to use the
Internet in the future for news purposes; just eight per cent said that they
would rely on a newspaper. It is a point of ironic injustice, perhaps, that
when a reader surfs the Web in search of political news he frequently ends
up at a site that is merely aggregating journalistic work that originated in
a newspaper, but that fact is not likely to save any newspaper jobs or
increase papers’ stock valuation.
Among the most significant aspects of the transition from “dead tree”
newspapers to a world of digital information lies in the nature of “news”
itself. The American newspaper (and the nightly newscast) is designed to
appeal to a broad audience, with conflicting values and opinions, by virtue
of its commitment to the goal of objectivity. Many newspapers, in their
eagerness to demonstrate a sense of balance and impartiality, do not
allow reporters to voice their opinions publicly, march in demonstrations,
volunteer in political campaigns, wear political buttons, or attach bumper
stickers to their cars.
In private conversation, reporters and editors concede that objectivity is
an ideal, an unreachable horizon, but journalists belong to a remarkably
thin-skinned fraternity, and few of them will publicly admit to betraying in
print even a trace of bias. They discount the notion that their beliefs could
interfere with their ability to report a story with perfect balance. As the
venerable “dean” of the Washington press corps, David Broder, of the
Post, puts it, “There just isn’t enough ideology in the average reporter to
fill a thimble.”
16
Meanwhile, public trust in newspapers has been slipping at least as quickly
as the bottom line. A recent study published by Sacred Heart University
found that fewer than twenty per cent of Americans said they could
believe “all or most” media reporting, a figure that has fallen from more
than twenty-seven per cent just five years ago. “Less than one in five
believe what they read in print,” the 2007 “State of the News Media”
report, issued by the Project for Excellence in Journalism, concluded.
“CNN is not really more trusted than Fox, or ABC than NBC. The local
paper is not viewed much differently than the New York Times.” Vastly
more Americans believe in flying saucers and 9/11 conspiracy theories
than believe in the notion of balanced—much less “objective”—
mainstream news media. Nearly nine in ten Americans, according to the
Sacred Heart study, say that the media consciously seek to influence
public policies, though they disagree about whether the bias is liberal or
conservative.
No less challenging is the rapid transformation that has taken place in the
public’s understanding of, and demand for, “news” itself. Rupert Murdoch,
in a speech to the American Society of Newspaper Editors, in April, 2005—
two years before his five-billion-dollar takeover of Dow Jones & Co. and
the Wall Street Journal—warned the industry’s top editors and publishers
that the days when “news and information were tightly controlled by a few
editors, who deigned to tell us what we could and should know,” were
over. No longer would people accept “a godlike figure from above”
presenting the news as “gospel.” Today’s consumers “want news on
demand, continuously updated. They want a point of view about not just
what happened but why it happened. . . . And finally, they want to be able
to use the information in a larger community—to talk about, to debate, to
question, and even to meet people who think about the world in similar or
different ways.”
One month after Murdoch’s speech, a thirty-one-year-old computer whiz,
Jonah Peretti, and a former A.O.L. executive, Kenneth Lerer, joined the
ubiquitous commentator-candidate-activist Arianna Huffington to launch a
new Web site, which they called the Huffington Post. First envisaged as a
liberal alternative to the Drudge Report, the Huffington Post started out by
aggregating political news and gossip; it also organized a group blog, with
writers drawn largely from Huffington’s alarmingly vast array of friends
and connections. Huffington had accumulated that network during years
as a writer on topics from Greek philosophy to the life of Picasso, as the
spouse of a wealthy Republican congressman in California, and now, after
a divorce and an ideological conversion, as a Los Angeles-based liberal
commentator and failed gubernatorial candidate.
Almost by accident, however, the owners of the Huffington Post had
discovered a formula that capitalized on the problems confronting
newspapers in the Internet era, and they are convinced that they are
17
ready to reinvent the American newspaper. “Early on, we saw that the key
to this enterprise was not aping Drudge,” Lerer recalls. “It was taking
advantage of our community. And the key was to think of what we were
doing through the community’s eyes.”
On the Huffington Post, Peretti explains, news is not something handed
down from above but “a shared enterprise between its producer and its
consumer.” Echoing Murdoch, he says that the Internet offers editors
“immediate information” about which stories interest readers, provoke
comments, are shared with friends, and generate the greatest number of
Web searches. An Internet-based news site, Peretti contends, is therefore
“alive in a way that is impossible for paper and ink.”
Though Huffington has a news staff (it is tiny, but the hope is to expand in
the future), the vast majority of the stories that it features originate
elsewhere, whether in print, on television, or on someone’s video camera
or cell phone. The editors link to whatever they believe to be the best
story on a given topic. Then they repurpose it with a catchy, often liberalleaning headline and provide a comment section beneath it, where readers
can chime in. Surrounding the news articles are the highly opinionated
posts of an apparently endless army of both celebrity (Nora Ephron, Larry
David) and non-celebrity bloggers—more than eighteen hundred so far.
The bloggers are not paid. The over-all effect may appear chaotic and
confusing, but, Lerer argues, “this new way of thinking about, and
presenting, the news, is transforming news as much as CNN did thirty
years ago.” Arianna Huffington and her partners believe that their model
points to where the news business is heading. “People love to talk about
the death of newspapers, as if it’s a foregone conclusion. I think that’s
ridiculous,” she says. “Traditional media just need to realize that the
online world isn’t the enemy. In fact, it’s the thing that will save them, if
they fully embrace it.”
It’s an almost comically audacious ambition for an operation with only
forty-six full-time employees—many of whom are barely old enough to
rent a car. But, with about eleven million dollars at its disposal, the site is
poised to break even on advertising revenue of somewhere between six
and ten million dollars annually. What most impresses advertisers—and
depresses newspaper-company executives—is the site’s growth numbers.
In the past thirty days, thanks in large measure to the excitement of the
Democratic primaries, the site’s “unique visitors”—that is, individual
computers that clicked on one of its pages––jumped to more than eleven
million, according to the company. And, according to estimates from
Nielsen NetRatings and comScore, the Huffington Post is more popular
than all but eight newspaper sites, rising from sixteenth place in
December.
18
Arthur Miller once described a good newspaper as “a nation talking to
itself.” If only in this respect, the Huffington Post is a great newspaper. It
is not unusual for a short blog post to inspire a thousand posts from
readers—posts that go off in their own directions and lead to arguments
and conversations unrelated to the topic that inspired them. Occasionally,
these comments present original perspectives and arguments, but many
resemble the graffiti on a bathroom wall.
The notion that the Huffington Post is somehow going to compete with,
much less displace, the best traditional newspapers is arguable on other
grounds as well. The site’s original-reporting resources are minuscule. The
site has no regular sports or book coverage, and its entertainment section
is a trashy grab bag of unverified Internet gossip. And, while the
Huffington Post has successfully positioned itself as the place where
progressive politicians and Hollywood liberal luminaries post their antiBush Administration sentiments, many of the original blog posts that it
publishes do not merit the effort of even a mouse click.
Additional oddities abound. Whereas a newspaper tends to stand by its
story on the basis of an editorial process in which professional reporters
and editors attempt to vet their sources and check their accuracy before
publishing, the blogosphere relies on its readership—its community—for
quality control. At the Huffington Post, Jonah Peretti explains, the editors
“stand behind our front page” and do their best to insure that only trusted
bloggers and reliable news sources are posted there. Most posts inside the
site, however, go up before an editor sees them. Only if a post is deemed
by a reader to be false, defamatory, or offensive does an editor get
involved.
The Huffington Post’s editorial processes are based on what Peretti has
named the “mullet strategy.” (“Business up front, party in the back” is
how his trend-spotting site BuzzFeed glosses it.) “User-generated content
is all the rage, but most of it totally sucks,” Peretti says. The mullet
strategy invites users to “argue and vent on the secondary pages, but
professional editors keep the front page looking sharp. The mullet strategy
is here to stay, because the best way for Web companies to increase
traffic is to let users have control, but the best way to sell advertising is a
slick, pretty front page where corporate sponsors can admire their
brands.”
This policy is hardly without its pitfalls. During the Hurricane Katrina crisis,
the activist Randall Robinson referred, in a post, to reports from New
Orleans that some people there were “eating corpses to survive.” When
Arianna Huffington heard about the post, she got in touch with Robinson
and found that he could not support his musings; she asked Robinson to
post a retraction. The alacrity with which the correction took place was
19
admirable, but it was not fast enough to prevent the false information
from being repeated elsewhere.
The tensions between the leaders of the mainstream media and the
challengers from the Web were presaged by one of the most instructive
and heated intellectual debates of the American twentieth century.
Between 1920 and 1925, the young Walter Lippmann published three
books investigating the theoretical relationship between democracy and
the press, including “Public Opinion” (1922), which is credited with
inspiring both the public-relations profession and the academic field of
media studies. Lippmann identified a fundamental gap between what we
naturally expect from democracy and what we know to be true about
people. Democratic theory demands that citizens be knowledgeable about
issues and familiar with the individuals put forward to lead them. And,
while these assumptions may have been reasonable for the white, male,
property-owning classes of James Franklin’s Colonial Boston,
contemporary capitalist society had, in Lippmann’s view, grown too big
and complex for crucial events to be mastered by the average citizen.
Journalism works well, Lippmann wrote, when “it can report the score of a
game or a transatlantic flight, or the death of a monarch.” But where the
situation is more complicated, “as for example, in the matter of the
success of a policy, or the social conditions among a foreign people—that
is to say, where the real answer is neither yes or no, but subtle, and a
matter of balanced evidence,” journalism “causes no end of derangement,
misunderstanding, and even misrepresentation.”
Lippmann likened the average American—or “outsider,” as he tellingly
named him—to a “deaf spectator in the back row” at a sporting event: “He
does not know what is happening, why it is happening, what ought to
happen,” and “he lives in a world which he cannot see, does not
understand and is unable to direct.” In a description that may strike a
familiar chord with anyone who watches cable news or listens to talk radio
today, Lippmann assumed a public that “is slow to be aroused and quickly
diverted . . . and is interested only when events have been
melodramatized as a conflict.” A committed élitist, Lippmann did not see
why anyone should find these conclusions shocking. Average citizens are
hardly expected to master particle physics or post-structuralism. Why
should we expect them to understand the politics of Congress, much less
that of the Middle East?
Lippmann’s preferred solution was, in essence, to junk democracy
entirely. He justified this by arguing that the results were what mattered.
Even “if there were a prospect” that people could become sufficiently wellinformed to govern themselves wisely, he wrote, “it is extremely doubtful
whether many of us would wish to be bothered.” In his first attempt to
20
consider the issue, in “Liberty and the News” (1920), Lippmann suggested
addressing the problem by raising the status of journalism to that of more
respected professions. Two years later, in “Public Opinion,” he concluded
that journalism could never solve the problem merely by “acting upon
everybody for thirty minutes in twenty-four hours.” Instead, in one of the
oddest formulations of his long career, Lippmann proposed the creation of
“intelligence bureaus,” which would be given access to all the information
they needed to judge the government’s actions without concerning
themselves much with democratic preferences or public debate. Just what,
if any, role the public would play in this process Lippmann never
explained.
John Dewey termed “Public Opinion” “perhaps the most effective
indictment of democracy as currently conceived ever penned,” and he
spent much of the next five years countering it. The result, published in
1927, was an extremely tendentious, dense, yet important book, titled
“The Public and Its Problems.” Dewey did not dispute Lippmann’s
contention regarding journalism’s flaws or the public’s vulnerability to
manipulation. But Dewey thought that Lippmann’s cure was worse than
the disease. While Lippmann viewed public opinion as little more than the
sum of the views of each individual, much like a poll, Dewey saw it more
like a focus group. The foundation of democracy to Dewey was less
information than conversation. Members of a democratic society needed
to cultivate what the journalism scholar James W. Carey, in describing the
debate, called “certain vital habits” of democracy—the ability to discuss,
deliberate on, and debate various perspectives in a manner that would
move it toward consensus.
Dewey also criticized Lippmann’s trust in knowledge-based élites. “A class
of experts is inevitably so removed from common interests as to become a
class with private interests and private knowledge,” he argued. “The man
who wears the shoe knows best that it pinches and where it pinches, even
if the expert shoemaker is the best judge of how the trouble is to be
remedied.”
Lippmann and Dewey devoted much of the rest of their lives to addressing
the problems they had diagnosed, Lippmann as the archetypal insider
pundit and Dewey as the prophet of democratic education. To the degree
that posterity can be said to have declared a winner in this argument, the
future turned out much closer to Lippmann’s ideal. Dewey’s confidence in
democracy rested in significant measure on his “faith in the capacity of
human beings for intelligent judgment and action if proper conditions are
furnished.” But nothing in his voluminous writings gives the impression
that he believed these conditions—which he defined expansively to include
democratic schools, factories, voluntary associations, and, particularly,
newspapers—were ever met in his lifetime. (Dewey died in 1952, at the
age of ninety-two.)
21
The history of the American press demonstrates a tendency toward
exactly the kind of professionalization for which Lippmann initially argued.
When Lippmann was writing, many newspapers remained committed to
the partisan model of the eighteenth- and nineteenth-century American
press, in which editors and publishers viewed themselves as appendages
of one or another political power or patronage machine and slanted their
news offerings accordingly. (Think of Thomas Jefferson and Alexander
Hamilton battling each other through their competing newspapers while
serving in George Washington’s Cabinet.) The twentieth-century model, in
which newspapers strive for political independence and attempt to act as
referees between competing parties on behalf of what they perceive to be
the public interest, was, in Lippmann’s time, in its infancy.
As the profession grew more sophisticated and respected, in part owing to
Lippmann’s example, top reporters, anchors, and editors naturally rose in
status to the point where some came to be considered the social equals of
the senators, Cabinet secretaries, and C.E.O.s they reported on. Just as
naturally, these same reporters and editors sometimes came to identify
with their subjects, rather than with their readers, as Dewey had
predicted. Aside from biennial elections featuring smaller and smaller
portions of the electorate, politics increasingly became a business for
professionals and a spectator sport for the great unwashed—much as
Lippmann had hoped and Dewey had feared. Beyond the publication of the
occasional letter to the editor, the role of the reader was defined as purely
passive.
The Lippmann model received its initial challenge from the political right.
Many conservatives regarded the major networks, newspapers, and
newsweeklies—the mainstream media—as liberal arbiters, incapable of
covering without bias the civil-rights movement in the South or Barry
Goldwater’s Presidential campaign. They responded by building think
tanks and media outlets designed both to challenge and to bypass the
mainstream media. The Reagan revolution, which brought conservatives
to power in Washington, had its roots not only in the candidate’s personal
appeal as a “great communicator” but in a decades-long campaign of
ideological spadework undertaken in magazines such as William F.
Buckley, Jr.,’s National Review and Norman Podhoretz’s Commentary and
in the pugnacious editorial pages of the Wall Street Journal, edited for
three decades by Robert Bartley. The rise of what has come to be known
as the conservative “counter-establishment” and, later, of media
phenomena such as Rush Limbaugh, on talk radio, and Bill O’Reilly, on
cable television, can be viewed in terms of a Deweyan community
attempting to seize the reins of democratic authority and information from
a Lippmann-like élite.
22
A liberal version of the Deweyan community took longer to form, in part
because it took liberals longer to find fault with the media. Until the late
nineteen-seventies, many in the mainstream media did, in fact, exhibit
the “liberal bias” with which conservatives continue to charge them,
regarding their unquestioned belief both in a strong, activist government
and in its moral responsibility to insure the expansion of rights to women
and to ethnic and racial minorities. But a concerted effort to recruit
pundits from the new conservative counter-establishment, coupled with
investment by wealthy right-wing activists and businessmen in an
interlocking web of counter-establishment think tanks, pressure groups,
periodicals, radio stations, and television networks, operated as a kind of
rightward gravitational pull on the mainstream’s reporting and helped to
create a far more sympathetic context for conservative candidates than
Goldwater supporters could have imagined.
Duncan Black, a former economics professor who writes a popular
progressive blog under the name Atrios, explains that he, too, believed in
what he calls “the myth of the liberal media.” He goes on, “But watching
the press’s collective behavior during the Clinton impeachment saga, the
Gore campaign, the post-9/11 era, the run-up to the Iraq war, and the
Bush Administration’s absurd and dangerous claims of executive power
rendered such a belief absurd. Sixty-five per cent of the American public
disapproves of the Bush Administration, but that perspective, even now,
has very little representation anywhere in the mainstream media.”
The birth of the liberal blogosphere, with its ability to bypass the big
media institutions and conduct conversations within a like-minded
community, represents a revival of the Deweyan challenge to our
Lippmann-like understanding of what constitutes “news” and, in doing so,
might seem to revive the philosopher’s notion of a genuinely democratic
discourse. The Web provides a powerful platform that enables the creation
of communities; distribution is frictionless, swift, and cheap. The old
democratic model was a nation of New England towns filled with wellmeaning, well-informed yeoman farmers. Thanks to the Web, we can all
join in a Deweyan debate on Presidents, policies, and proposals. All that’s
necessary is a decent Internet connection.
What put the Huffington Post on the map was a series of pieces during the
summer and autumn of 2005, in which Arianna Huffington relentlessly
attacked the military and foreign-affairs reporting of the Times’ Judith
Miller. Huffington was fed by a steady stream of leaks and suggestions
from Times editors and reporters, even though much of the newspaper
world considered her journalistic credentials highly questionable.
The Huffington Post was hardly the first Web site to stumble on the
technique of leveraging the knowledge of its readers to challenge the
mainstream media narrative. For example, conservative bloggers at sites
23
like Little Green Footballs took pleasure in helping to bring down Dan
Rather after he broadcast dubious documents allegedly showing that
George W. Bush had received special treatment during his service in the
Texas Air National Guard.
Long before the conservatives forced out Dan Rather, a liberal freelance
journalist named Joshua Micah Marshall had begun a site, called Talking
Points Memo, intended to take stories well beyond where mainstream
newspapers had taken them, often by relying on the voluntary research
and well-timed leaks of an avid readership. His site, begun during the
2000 Florida-recount controversy, ultimately spawned several related
sites, which are collectively known as TPM Media, and which are financed
through a combination of reader donations and advertising. In the
admiring judgment of the Columbia Journalism Review, Talking Points
Memo “was almost single-handedly responsible for bringing the story of
the fired U.S. Attorneys to a boil,” a scandal that ultimately ended with
the resignation of Attorney General Alberto Gonzales and a George Polk
Award for Marshall, the first ever for a blogger. Talking Points Memo also
played a lead role in defeating the Bush Social Security plan and in
highlighting Trent Lott’s praise for Strom Thurmond’s 1948 segregationist
Presidential campaign. Lott was eventually forced to step down as Senate
Majority Leader.
According to Marshall, “the collaborative aspect” of his site “came about
entirely by accident.” His original intention was merely to offer his readers
“transparency,” so that his “strong viewpoint” would be distinguishable
from the facts that he presented. Over time, however, he found that the
enormous response that his work engendered offered access to “a huge
amount of valuable information”––information that was not always
available to mainstream reporters, who tended to deal largely with what
Marshall terms “professional sources.” During the Katrina crisis, for
example, Marshall discovered that some of his readers worked in the
federal government’s climate-and-weather-tracking infrastructure. They
provided him and the site with reliable reporting available nowhere else.
Marshall’s undeniable achievement notwithstanding, traditional newspaper
men and women tend to be unimpressed by the style of journalism
practiced at the political Web sites. Operating on the basis of a Lippmannlike reverence for inside knowledge and contempt for those who lack it,
many view these sites the way serious fiction authors might view the
“novels” tapped out by Japanese commuters on their cell phones. Real
reporting, especially the investigative kind, is expensive, they remind us.
Aggregation and opinion are cheap.
And it is true: no Web site spends anything remotely like what the best
newspapers do on reporting. Even after the latest round of new cutbacks
and buyouts are carried out, the Times will retain a core of more than
24
twelve hundred newsroom employees, or approximately fifty times as
many as the Huffington Post. The Washington Post and the Los Angeles
Times maintain between eight hundred and nine hundred editorial
employees each. The Times’ Baghdad bureau alone costs around three
million dollars a year to maintain. And while the Huffington Post shares
the benefit of these investments, it shoulders none of the costs.
Despite the many failures at newspapers, the vast majority of reporters
and editors have devoted years, even decades, to understanding the
subjects of their stories. It is hard to name any bloggers who can match
the professional expertise, and the reporting, of, for example, the Post ’s
Barton Gellman and Dana Priest, or the Times’ Dexter Filkins and Alissa
Rubin.
In October, 2005, at an advertisers’ conference in Phoenix, Bill Keller
complained that bloggers merely “recycle and chew on the news,”
contrasting that with the Times’ emphasis on what he called “a ‘journalism
of verification,’ ” rather than mere “assertion.”
“Bloggers are not chewing on the news. They are spitting it out,” Arianna
Huffington protested in a Huffington Post blog. Like most liberal bloggers,
she takes exception to the assumption by so many traditional journalists
that their work is superior to that of bloggers when it comes to ferreting
out the truth. The ability of bloggers to find the flaws in the mainstream
media’s reporting of the Iraq war “highlighted the absurdity of the knee
jerk comparison of the relative credibility of the so-called MSM and the
blogosphere,” she said, and went on, “In the run-up to the Iraq war, many
in the mainstream media, including the New York Times, lost their veneer
of unassailable trustworthiness for many readers and viewers, and it
became clear that new media sources could be trusted—and indeed are
often much quicker at correcting mistakes than old media sources.”
But Huffington fails to address the parasitical relationship that virtually all
Internet news sites and blog commentators enjoy with newspapers. The
Huffington Post made a gesture in the direction of original reporting and
professionalism last year when it hired Thomas Edsall, a forty-year
veteran of the Washington Post and other papers, as its political editor. At
the time he was approached by the Huffington Post, Edsall said, he felt
that the Post had become “increasingly driven by fear—the fear of
declining readership, the fear of losing advertisers, the fear of diminishing
revenues, the fear of being swamped by the Internet, the fear of
irrelevance. Fear drove the paper, from top to bottom, to corrupt the
entire news operation.” Joining the Huffington Post, Edsall said, was akin
to “getting out of jail,” and he has written, ever since, with a sense of
liberation. But such examples are rare.
25
And so even if one agrees with all of Huffington’s jabs at the Times, and
Edsall’s critique of the Washington Post, it is impossible not to wonder
what will become of not just news but democracy itself, in a world in
which we can no longer depend on newspapers to invest their unmatched
resources and professional pride in helping the rest of us to learn,
however imperfectly, what we need to know.
In a recent episode of “The Simpsons,” a cartoon version of Dan Rather
introduced a debate panel featuring “Ron Lehar, a print journalist from the
Washington Post.” This inspired Bart’s nemesis Nelson to shout, “Haw
haw! Your medium is dying!”
“Nelson!” Principal Skinner admonished the boy.
“But it is!” was the young man’s reply.
Nelson is right. Newspapers are dying; the evidence of diminishment in
economic vitality, editorial quality, depth, personnel, and the over-all
number of papers is everywhere. What this portends for the future is
complicated. Three years ago, Rupert Murdoch warned newspaper editors,
“Many of us have been remarkably, unaccountably complacent . . . quietly
hoping that this thing called the digital revolution would just limp along.”
Today, almost all serious newspapers are scrambling to adapt themselves
to the technological and community-building opportunities offered by
digital news delivery, including individual blogs, video reports, and “chat”
opportunities for readers. Some, like the Times and the Post, will likely
survive this moment of technological transformation in different form,
cutting staff while increasing their depth and presence online. Others will
seek to focus themselves locally. Newspaper editors now say that they
“get it.” Yet traditional journalists are blinkered by their emotional
investment in their Lippmann-like status as insiders. They tend to dismiss
not only most blogosphere-based criticisms but also the messy democratic
ferment from which these criticisms emanate. The Chicago Tribune
recently felt compelled to shut down comment boards on its Web site for
all political news stories. Its public editor, Timothy J. McNulty, complained,
not without reason, that “the boards were beginning to read like a
community of foul-mouthed bigots.”
Arianna Huffington, for her part, believes that the online and the print
newspaper model are beginning to converge: “As advertising dollars
continue to move online—as they slowly but certainly are—HuffPost will be
adding more and more reporting and the Times and Post model will
continue with the kinds of reporting they do, but they’ll do more of it
originally online.” She predicts “more vigorous reporting in the future that
will include distributed journalism—wisdom-of-the-crowd reporting of the
kind that was responsible for the exposing of the Attorneys General firing
scandal.” As for what may be lost in this transition, she is untroubled: “A
26
lot of reporting now is just piling on the conventional wisdom—with
important stories dying on the front page of the New York Times.”
The survivors among the big newspapers will not be without support from
the nonprofit sector. ProPublica, funded by the liberal billionaires Herb and
Marion Sandler and headed by the former Wall Street Journal managing
editor Paul Steiger, hopes to provide the mainstream media with the
investigative reporting that so many have chosen to forgo. The Center for
Independent Media, headed by David Bennahum, a former writer at
Wired, recently hired Jefferson Morley, from the Washington Post, and
Allison Silver, a former editor at both the Los Angeles Times and the New
York Times, to oversee a Web site called the Washington Independent. It’s
one of a family of news-blogging sites meant to pick up some of the slack
left by declining staffs in local and Washington reporting, with the hope of
expanding everywhere. But to imagine that philanthropy can fill all the
gaps arising from journalistic cutbacks is wishful thinking.
And so we are about to enter a fractured, chaotic world of news,
characterized by superior community conversation but a decidedly
diminished level of first-rate journalism. The transformation of
newspapers from enterprises devoted to objective reporting to a cluster of
communities, each engaged in its own kind of “news”––and each with its
own set of “truths” upon which to base debate and discussion––will mean
the loss of a single national narrative and agreed-upon set of “facts” by
which to conduct our politics. News will become increasingly “red” or
“blue.” This is not utterly new. Before Adolph Ochs took over the Times, in
1896, and issued his famous “without fear or favor” declaration, the
American scene was dominated by brazenly partisan newspapers. And the
news cultures of many European nations long ago embraced the notion of
competing narratives for different political communities, with individual
newspapers reflecting the views of each faction. It may not be entirely
coincidental that these nations enjoy a level of political engagement that
dwarfs that of the United States.
The transformation will also engender serious losses. By providing what
Bill Keller, of the Times, calls the “serendipitous encounters that are hard
to replicate in the quicker, reader-driven format of a Web site”—a
difference that he compares to that “between a clock and a calendar”—
newspapers have helped to define the meaning of America to its citizens.
To choose one date at random, on the morning of Monday, February 11th,
I picked up the paper-and-ink New York Times on my doorstep, and, in
addition to the stories one could have found anywhere—Obama defeating
Clinton again and the Bush Administration’s decision to seek the death
penalty for six Guantánamo detainees—the front page featured a unique
combination of articles, stories that might disappear from our collective
consciousness were there no longer any institution to generate and
publish them. These included a report from Nairobi, by Jeffrey Gettleman,
27
on the effect of Kenya’s ethnic violence on the country’s middle class; a
dispatch from Doha, by Tamar Lewin, on the growth of American
university campuses in Qatar; and, in a scoop that was featured on the
Huffington Post’s politics page and excited much of the blogosphere that
day, a story, by Michael R. Gordon, about the existence of a study by the
RAND Corporation which offered a harsh critique of the Bush
Administration’s performance in Iraq. The juxtaposition of these disparate
topics forms both a baseline of knowledge for the paper’s readers and a
picture of the world they inhabit. In “Imagined Communities” (1983), an
influential book on the origins of nationalism, the political scientist
Benedict Anderson recalls Hegel’s comparison of the ritual of the morning
paper to that of morning prayer: “Each communicant is well aware that
the ceremony he performs is being replicated simultaneously by
thousands (or millions) of others of whose existence he is confident, yet of
whose identity he has not the slightest notion.” It is at least partially
through the “imagined community” of the daily newspaper, Anderson
writes, that nations are forged.
Finally, we need to consider what will become of those people, both at
home and abroad, who depend on such journalistic enterprises to keep
them safe from various forms of torture, oppression, and injustice.
“People do awful things to each other,” the veteran war photographer
George Guthrie says in “Night and Day,” Tom Stoppard’s 1978 play about
foreign correspondents. “But it’s worse in places where everybody is kept
in the dark.” Ever since James Franklin’s New England Courant started
coming off the presses, the daily newspaper, more than any other
medium, has provided the information that the nation needed if it was to
be kept out of “the dark.” Just how an Internet-based news culture can
spread the kind of “light” that is necessary to prevent terrible things,
without the armies of reporters and photographers that newspapers have
traditionally employed, is a question that even the most ardent democrat
in John Dewey’s tradition may not wish to see answered.
8) Livre : le numérique à l'assaut de l'édition
(Les Echos, 13 mars 2008)
Les éditeurs ne savent pas encore précisément quand le marché
décollera. Mais tous se préparent activement à l'arrivée du
numérique. Après les industries musicale et cinématographique,
c'est l'ensemble de la chaîne du livre qui va devoir s'adapter à la
dématérialisation des contenus. Simple évolution ? Ou plus
probablement révolution ? Cette industrie, dont les acteurs se
retrouvent à partir de demain au Salon du livre de Paris, va devoir
trouver de nouveaux modèles.
28
Le jour de son lancement aux Etats-Unis, le 19 novembre 2007, le lecteur
de livres numériques d'Amazon, baptisé « Kindle », a été épuisé en
quelques heures. L'effet de curiosité pour la petite machine blanche
capable d'emmagasiner l'équivalent d'une bibliothèque de 200 livres a
joué à plein. Ce d'autant que, sur Amazon.com, des milliers de titres
étaient prêts à être téléchargés. Pour l'instant, l'américain se montre peu
disert au sujet des chiffres de vente de son Kindle. Et, en apparence, le
marché n'a pas changé en profondeur... Mais toute l'édition mondiale se
prépare désormais d'arrache-pied à l'émergence du livre dématérialisé.
Aux yeux des différents maillons de la chaîne, le moment où le lecteur
découvrira sur une tablette électronique le dernier Michael Connelly se
rapproche...
Nouvelle concurrence pour les libraires
L'avenir s'annonce plutôt sombre pour la librairie en France. La Toile est
en effet en train de s'imposer comme un acteur majeur dans le circuit de
la distribution de livres. En 2007, sa part de marché est estimée à 5 %.
Mais, avec un taux moyen de progression supérieur à 25 % par an, la
vente en ligne d'ouvrages devrait très vite s'approcher du niveau atteint
aux Etats-Unis, soit 12 %. Les grands gagnants ? Pour l'instant,
l'américain Amazon, Fnac.com ou Alapage, filiale de France Télécom. Les
libraires, en revanche, risquent à terme de se retrouver affaiblis par cette
concurrence nouvelle, qui empiète sur leur territoire et commence à
utiliser leur arme de prédilection, le conseil. Ainsi, grâce à des algorithmes
puissants, un site comme Amazon.fr indique-t-il désormais lui aussi au
lecteur de « L'Elégance du hérisson », de Muriel Barbery, d'autres romans
susceptibles de lui plaire.
Autre défi pour la librairie : l'arrivée du livre téléchargeable. Sur ce
marché également, de nouveaux acteurs ont commencé à s'installer.
Mobipocket, la librairie en ligne d'Amazon, Cyberlibris ou Numilog. Pour ne
rien arranger, avec la dématérialisation, les libraires risquent de perdre
l'une de leur principale protection : la loi Lang sur le prix unique du livre.
En effet, elle ne s'applique pas aux supports numériques. Sur Numilog,
par exemple, on peut télécharger « Le Théâtre des opérations », de
Maurice Dantec, pour 6,40 euros, soit 12,66 euros de moins que son prix
dans la collection blanche de Gallimard. Et pourtant, le taux de TVA est de
19,6 % pour le fichier numérique, contre 5,5 % pour le livre papier. La
Commission sur le livre numérique confiée par la ministre de la Culture,
Christine Albanel, à Bruno Patino, président du Monde interactif, devra
sans doute dire s'il convient ou non de légiférer pour harmoniser les
régimes du livre papier et du livre dématérialisé. Face au nouveau
paysage qui s'esquisse, les libraires cherchent à organiser une riposte.
Avec quelles chances de succès ? Aux Etats-Unis, la chaîne Barnes and
Noble vend désormais des livres papier et des livres dématérialisés...
29
L'offre gratuite des bibliothèques virtuelles
Grâce aux bibliothèques numériques, l'internaute aura bientôt accès
gratuitement aux millions d'oeuvres tombées dans le domaine public, à
savoir celles dont les auteurs sont morts depuis plus de soixante-dix ans.
« Le numérique affranchit de la contrainte physique. Depuis Valparaiso,
par exemple, il sera possible de consulter tous les textes libres de droits
de la Bibliothèque nationale de France », reconnaît Bruno Racine, le
président de la BNF. L'énorme trafic qu'une telle disponibilité est
susceptible de générer a donné des idées à des géants comme Microsoft
ou le moteur de recherche Google. Face au comportement mercenaire de
ce dernier, qui scanne sans autorisation des textes protégés, les éditeurs
sont allés en justice. Pour le reste, ils évaluent mal encore l'impact sur les
ventes de classiques de toute cette offre dématérialisée et gratuite. D'un
clic, « Les Mémoires d'outre-tombe », de Chateaubriand, « La Chartreuse
de Parme », de Stendhal, ou « Les Essais », de Montaigne, pourront être
téléchargés dans leur intégralité. « Les éditions récentes de ces textes,
annotés et commentés, elles, ne seront pas accessibles gratuitement »,
relativise Bruno Racine.
Sans attendre, ce dernier avance ses pions pour bâtir Gallica 2, une
bibliothèque virtuelle proposant à la fois le fonds numérisé de la BNF et
des oeuvres d'éditeurs encore sous droits. Les plus grands noms français
de la profession ont accepté de participer à l'expérience, qui va être
menée pendant un an, et au travers de laquelle un internaute pourra
accéder, moyennant finances, à des textes protégés. Pour les quelque
2.000 à 3.000 titres qui seront apportés par les éditeurs, tous les modèles
existants, de la vente à la location, seront proposés. Un test qui permettra
de mesurer l'attractivité de cette offre nouvelle.
Des ouvrages imprimés à la demande
Pour les éditeurs, c'est le premier grand changement annoncé :
bouleversant toutes les techniques traditionnelles, le numérique va
favoriser le développement de l'impression à la demande. Une véritable
innovation grâce à laquelle les maisons pourront exploiter les livres de
leur fonds sans limite dans le temps. Jusqu'à présent, un éditeur n'avait
pas intérêt financièrement à réimprimer un ouvrage s'il n'était pas certain
d'écouler dans un délai raisonnable l'intégralité du tirage, soit entre 1.500
et 2.000 exemplaires. De ce fait, des milliers d'ouvrages n'ont jamais été
réédités. « Au risque pour l'éditeur de perdre les droits sur l'ouvrage «de
jure» », explique l'un d'entre eux. Avec des prix en baisse régulière,
l'impression à la demande va remédier à cette situation. Le public devrait
y trouver son compte : le lecteur de Marcel Jouhandeau, qui, s'il voulait
avoir une chance de mettre la main sur les « Journaliers », épuisé dans le
commerce, devait s'en remettre aux bouquinistes ou à des sites
spécialisés dans les livres introuvables, sera désormais assuré de se le
30
procurer, neuf qui plus est. La notion même de rupture de stock
disparaîtra. Les auteurs devraient en être les grands bénéficiaires, puisque
leurs titres se vendront beaucoup plus longtemps. En revanche, les sites
spécialisés dans les livres épuisés risquent de souffrir de cette évolution.
Seule ombre au tableau pour les maisons qui ont pignon sur rue : avec le
développement de l'impression à la demande, le secteur de l'autoédition
va prospérer. La Toile a déjà suscité de multiples initiatives.
Emblématique, le site Lulu.com a réservé cette année un espace au Salon
du livre de Paris. « Avec 80.000 manuscrits publiés en 2007 en France,
nous sommes devenus les premiers éditeurs français », claironne son PDG
fondateur, Bob Young.
Le marketing migre sur Internet
Pour toutes les maisons de Saint-Germain-des-Prés, la Toile est devenue
l'un des lieux où promouvoir un ouvrage, un auteur. Depuis plusieurs
années déjà, Internet capte une partie de la vie littéraire. Entre les blogs outils modernes de la critique -, les clubs de lecture virtuels et les revues
spécialisées, un espace culturel nouveau s'est développé dans lequel se
sont engouffrés les éditeurs. « Une partie de nos dépenses de promotion
et de marketing a migré vers le Net », reconnaît Stéphanie Van Duin,
directrice de la stratégie et du développement d'Hachette Livre. Des sites
comme Babelio, le réseau social destiné aux amateurs de littératures en
tous genres, alimentent le « buzz » sur Internet. Et se révèlent de
puissants générateurs de trafic pour les sites officiels des éditeurs. Toutes
les maisons en possèdent désormais un. Elles y présentent leurs
nouveautés, y publient des interviews de leurs auteurs, quand elles ne
renvoient pas vers leurs sites. La plupart des « plumes » d'Albin Michel
ont ainsi créé leur espace sur le Net, qui le plus souvent permet à
l'internaute d'engager un dialogue avec eux. Par ailleurs, le « teasing »
sur la Toile est couramment utilisé lors du lancement d'un ouvrage. Ou,
plus simplement, pour faire découvrir un livre. Sur le Web de la collection
Pocket (groupe Editis), on peut ainsi lire gratuitement le premier chapitre
du roman « L'Art de la joie », de Goliarda Sapienza. Un avant-goût qui
doit inciter l'internaute à passer à l'étape suivante : la commande d'un clic
chez l'un des cyberlibraires référencés par le site.
Les éditeurs en voie de conversion
Le numérique a déjà fait des ravages dans au moins un secteur de
l'édition française, les encyclopédies. Gratuite, l'encyclopédie en ligne
Wikipédia a balayé des marques aussi connues qu'Universalis ou le Quid.
Même le célèbre Petit Larousse s'interroge sur son avenir. Heureusement,
les effets de la dématérialisation ne sont pas aussi dévastateurs pour tous
les pans du marché. L'édition médicale et juridique ainsi que le livre
technique et scientifique, grâce à d'importants efforts d'adaptation, ont
31
mieux négocié leur virage. Ils proposent désormais des contenus
numériques. Et le passage au Net s'accompagne de nouvelles formes de
rémunérations : vente d'ouvrages à l'unité, à la page, formules
d'abonnement, etc. Enfin, de leur côté, les livres scolaires et universitaires
ont commencé à migrer sur le Net.
N'empêche, même chez les grands éditeurs américains tels Harper &
Collins ou Random House, le chiffre d'affaires réalisé avec des contenus
dématérialisés est marginal : moins de 1 % pour l'instant. En France,
l'existence de centaines de milliers de titres disponibles sous forme
numérique n'a pas jusqu'ici créé un marché. A un horizon mal défini
encore, la percée du livre téléchargeable paraît pourtant inévitable. Des
domaines comme les ouvrages pratiques (livres de cuisine, de bricolage),
les guides touristiques, mais aussi la bande dessinée, que les Japonais et
les Coréens dévorent déjà sur téléphone mobile, n'y échapperont pas. «
Une des grandes difficultés est de faire payer pour tous ces contenus »,
reconnaît Stéphanie Van Duin. Restent la littérature, le livre pour la
jeunesse ou les essais qui, ensemble, représentent un bon tiers du chiffre
d'affaires de l'édition tricolore. Un jour, les amoureux du papier se
convertiront-ils à l'écran pour lire Patricia Cornwell ou Simone Veil ? Aux
Etats-Unis, Amazon fait ce pari et propose près de 100.000 livres à
télécharger à des prix variant de 80 cents pour une pièce de théâtre à
quelques dollars pour des classiques de la littérature, et jusqu'à 10 dollars
pour un best-seller récent !
Encore sceptiques il y a deux ans, les acteurs du marché hexagonal se
préparent à ce bouleversement, convaincus que l'échéance se rapproche.
« Le livre numérique décollera le jour où un support de lecture
convaincant aura émergé sur le marché », pronostique Gilles Haéri, chez
Flammarion. Dans une belle unanimité, les éditeurs estiment que le livre
numérique ne supprimera pas le papier. En revanche, son arrivée va
obliger les maisons à une grande créativité pour inventer des formats
nouveaux : ouvrages avec bonus, comme pour les DVD, formats courts,
etc.
Trois menaces pour l'industrie
Le sujet est tabou, ou presque, mais chacun y pense. La dématérialisation
du livre risque de bousculer l'économie des éditeurs français. Trois
menaces pèsent sur eux. Première d'entre elles : la déstabilisation de la
distribution. Les grands groupes sont tous à la tête d'importantes platesformes de distribution, très rentables - c'est par exemple plus de 35 % de
la marge opérationnelle d'Editis -, car elles perçoivent des commissions
sur l'acheminement du livre en librairie, et sur son retour en cas de
mévente. Or, avec le livre dématérialisé, il n'y a plus de stockage ni de
transport. D'où un manque à gagner prévisible pour les éditeurs. Il faudra
cependant des distributeurs numériques pour assurer la gestion des
32
fichiers. Un des enjeux est de savoir qui gérera la relation avec le client :
l'éditeur ? Le libraire ? Le fournisseur de technologie ?
Deuxième menace : le piratage. Dès lors que le marché du livre
numérique existera bel et bien, le fléau du téléchargement illicite sera
inévitable, quels que soient les systèmes de protection imaginés. Avec, à
la clef, une perte de chiffre d'affaires pour les maisons.
Enfin, troisième menace pour les éditeurs : le brouillage de la relation
avec les auteurs. A court terme, l'objectif est de clarifier à qui
appartiennent les droits numériques des oeuvres publiées sous forme
papier. Sont-ils propriété à parité de l'auteur et de l'éditeur, ou seulement
celle de l'auteur ? Les deux écoles s'affrontent. Autre sujet à venir : sur
quelles bases les auteurs des oeuvres écrites collectivement (les manuels
scolaires, par exemple) seront-ils rémunérés ? Ces questions sont d'autant
plus sensibles que l'édition française veut éviter à tout prix le scénario du
pire : celui où des écrivains à succès décideraient un beau jour de se
passer d'éditeur pour publier directement leurs textes sur la Toile...
9) Texte sur écran
(Courrier International, 13 mars 2008)
Après le cinéma, la photographie et la musique, est-ce au tour du livre
d’entrer dans la révolution numérique ? L’usage d’Internet et des
nouvelles technologies oblige à repenser les pratiques d’écriture, d’édition
et de lecture. C’est l’objet de notre dossier.
Des écrivains débutants n’ayant pas la moindre chance d’être publiés
trouvent désormais leur public sur le Net et finissent souvent par attirer
l’attention des éditeurs par ce biais. Quant aux romanciers reconnus, ils
sont toujours plus nombreux- à l’instar de la Prix Nobel Elfriede Jelinek – à
investir le web pour en explorer les possibilités de création et d’interaction
avec les lecteurs, posant les jalons d’une « littérature numérique ».
Grâce aux progrès de l’encre électronique, de nouveaux appareils de
lecture portables enfin en mesure de concurrencer le papier ont vu le jour
ces derniers mois. La tablette Kindle, lancée en novembre 2007 aux EtatsUnis par la librairie en ligne Amazon – qui en a vendu près de 10 000
exemplaires-, est aujourd’hui en rupture de stock. Et, au Japon, la lecture
sur écran est à l’origine d’un des phénomènes culturels les plus étonnants
de ces dernières années, le keitai shosetsu, roman écrit et diffusé sur
téléphone portable. Bonne lecture.
La fin du livre n’est pas pour demain
Blogs, papier électronique, librairies en ligne, impression à la demande…
Autant de nouveautés qui bouleversent l’économie du livre et modifient les
rapports entre ses principaux acteurs.
33
D’aussi loin que s’en souviennent les observateurs du fait littéraire, il y a
toujours eu des Cassandre pour prédire la fin du livre : la radio allait
supplanter la lecture ; ensuite ce fut le cinéma, puis la télévision, et les
jeux vidéo. Aujourd’hui, nous dit-on, c’est l’objet livre lui-même qui est
appelé à sombrer dans l’obsolescence. Mais le livre se d ébat comme un
beau diable. Les ventes continuent de progresser. Certains ouvrages (la
série Harry Potter, les autobiographies de célébrités) battent même
records. Et, la fiction littéraire, ce genre qu’on dit démodé et élitiste
continue de trouver un vaste électorat. Cette résilience du livre n’est
guère surprenante au vu des avantages qu’il présente comme moyen de
divertissement : on peut l’emporter avec soi, le lire au lit, feuilleter ses
pages dans tous les sens, sans avoir à se soucier d’une batterie qui se
décharge ou d’une défaillance électronique.
On s’intéresse moins, en revanche, au livre comme source d’information.
Dans ce domaine, les nouvelles technologies ont une incidence
considérable sur les modèles traditionnels de l’édition. Les ventes de
dictionnaires et de guides pratiques ont chuté de 40 % depuis 2003, et la
demande faiblit également pour les cartes, atlas et encyclopédies. Dans le
secteur encore moins glamour de l’édition scientifique et technique, la
révolution technologique est d’ores et déjà en marche. Les ventes
électroniques du groupe d’édition professionnelle Reed Elsevier ont atteint
3,7 milliards de dollars en 2006. « En 2000, explique son PDG Crispi Davis
au quotidien The Times, Reed Elsevier était avant tout un éditeur papier,
qui fournissait du contenu par le biais de livres, de revues et de
magazines. En 2004, nous étions déjà largement passés à la diffusion en
ligne de ces mêmes contenus. »
On comprend aisément pourquoi les ouvrages professionnels et de
référence se prêtent bien à la diffusion numérique et pas le dernier roman
D’Ian McEwan ( du moins dans l’état actuel des choses). En octobre 2006,
Sony a lancé en fanfare son Reader, le lecteur de livres électroniques, le
plus avancé du moment. Il repose sur la technologie de l’encre et du
papier électroniques, qui offre un plus grand confort de lecture que les
écrans normaux rétro éclairés ; il peut stocker des centaines d’ouvrages et
a une longue autonomie. En novembre 2007, la librairie en ligne Amazon
a lancé à son tour aux Etats-Unis son propre appareil de lecture, le Kindle.
Pour l’instant leurs ventes restent modestes mais, avec le temps, ces
appareils de lecture vont se perfectionner et seront de plus en plus prisés,
et il est plus que probable que les lecteurs du futur trouveront tout naturel
de lire sur un écran. Au Japon, il y a des auteurs spécialisés dans la fiction
à lire sur les téléphones portables. Un roman écrit sous le nom de plume
de Chaco a ainsi été téléchargé plus d’un million de fois. Ces expériences
devraient toutefois rester un phénomène éditorial marginal encore
quelque temps.
Si les nouvelles technologies ne bouleversent pas encore nos habitudes de
lecture, elles transforment déjà le secteur qui y pourvoit. La manifestation
34
la plus visible en est la croissance du commerce électronique de livres.
Amazon représente aujourd’hui 10 % des ventes de livres en GrandeBretagne. Ce site propose un nombre de titres comme personne n’en a
jamais proposé. Il a aussi, avec la grande distribution (dont les ventes de
livres ont progressé de 70 % entre 2003 et 2007), fait perdre des ventes
aux chaînes et aux librairies indépendantes. Et, toujours avec les
supermarchés, il a contribué à l’essor d’une culture de prix réduit qui
creuse l’écart entre le nombre record d’exemplaires vendus par les bestsellers et celui de titres dit de « midlist », qui mettent plus de temps à
trouver un public.
Le chiffre d’affaires colossal que génèrent ces livres à prix réduit a
accentué la concurrence pour en acheter les droits et les commercialiser.
Cela s’est traduit par une concentration du secteur, qui a rendu la
concurrence plus rude encore. Aujourd’hui, seuls les plus gros éditeurs
peuvent débourser les avances qu’il faut verser pour ces titres et se payer
les budgets de marketing qui vont avec ; et seuls les plus gros
distributeurs peuvent se permettre de pratiquer les rabais auxquels le
consommateur s’attend désormais. Ces distributeurs sont Amazon et les
supermarchés. La chaîne de librairies américaine Borders a ainsi annoncé
début 2007 qu’elle mettait en vente ses magasins au Royaume-Uni, et
même Waterstone’s, le plus grand libraire britannique spécialisé,
commence à faire grise mine.
Mais, dans le secteur de l’édition, chaque tendance (ou presque)
s’accompagne d’une autre qui la contrebalance. Tandis que le secteur
poursuit sa concentration, l’optimisme prévaut chez des éditeurs
indépendants et dynamiques comme Atlantic Books et Profile Books,
convaincus de pouvoir proposer des titres dont les géants de l’édition ne
font aucun cas, obnubilés comme ils le sont par le marché de masse. Et
même si nombre de libraires indépendants ont mis la clé sous la porte,
beaucoup d’autres n’ont pas de souci à se faire.
Le progrès technologique donne lieu à un phénomène semblable. Si les
coûts d’édition d’auteurs comme Dawn French (actrice comique très
célèbre en Grande-Bretagne) s’envolent (l’éditeur Random House aurait
payé 2 millions de libres 2,64 millions d’euros pour publier ses mémoires
a paraître cette année), diffuser un livre ne coûte en revanche presque
plus rien. Il fut un temps où ceux qui aspiraient à devenir écrivains et qui
ne trouvaient pas d’éditeur devaient débourser jusqu'à 6 000 livres (un
peu moins de 8000 euros) pour publier à compte d’auteur ; aujourd’hui,
ils peuvent mettre leur texte sur Lulu.com, site spécialisé dans
l’autoédition en ligne, et cela ne leur coûte pas un sou. Et, grâce au
numérique, les coûts d’impression et de reliure ont eux aussi chuté.
Par ailleurs, des sites comme MySpace ou YouTube offrent un moyen de
faire de la promotion à moindre coût, comme s’en sont rendu compte les
gros éditeurs. La biographie Kate Williams évoquait ainsi dernièrement ses
prouesses sur MySpace, où elle échange avec ses lecteurs potentiels à la
fois sous sa propre identité et sous celle de Lady Emma Hamilton (la
35
maîtresse de l’amiral Nelson), à qui elle a consacré son livre England’s
Mistress. Dans la même veine, un clip faisait la promotion de Quirkology,
le livre du psychologue britannique Richard Wiseman, s’est classé en 2007
parmi les vidéos les plus regardées sur YouTube.
Et puis, il y a bien sûr le blog, la forme d’autoédition la plus en vogue. Si
certains lui reprochent d’être souvent un moyen de plus pour empêcher
les auteurs de gagner de l’argent, il arrive aussi qu’il débouche sur la
signature d’un contrat d’édition. L’éditeur The Friday Project est ainsi
spécialisé dans les livres tirés de textes publiés en ligne, et certaines
blogueuses très lues, comme Petite Anglaise, Wife in the North et Belle de
Jour, se sont vu verser des avances conséquentes par des éditeurs
traditionnels.
Mais il y a plus significatif que ces signatures de contrats : c’est l’effet
qu’ont sur la culture littéraire les blogs et autres formes de commentaires
sur Internet. Le discours culturel n’est plus élaboré exclusivement par un
petit groupe de critiques professionnels et d’auteurs écrivant dans les
quotidiens et les revues ; d’autres acteurs exercent désormais une
influence. Les rubriques littéraires n’en ont pas encore pris acte. Ainsi,
quotidiens et revues se sont largement fait l’écho de la biographie récente
d’Edith Warton par Hermione Lee. À juste titre, car il s’agit d’un ouvrage
important. Mais il ne s’est probablement pas vendu à plus de quelques
milliers d’exemplaires. Le marché dictant sa loi dans l’édition comme
partout ailleurs, pendant combien de temps encore le contenu des pages
littéraires pourra - t - il être si peu en phase avec ce qui se vend ? Sans
compter que ces lecteurs qui souhaitent lire des critiques éclectiques et
écrites de façon plus accessible sont aussi ceux que les journaux
courtisent à coups de clubs du livre et invitent à poster des commentaires
en ligne. Le passage à une critique littéraire moins élitiste semble
inéluctable.
La numérisation de l’écrit est la plus grande révolution à l’oeuvre dans
l’édition, mais pas tant parce qu’elle permet la lecture à l’écran. À l’heure
actuelle, environ 150 000 nouveaux titres paraissent chaque année en
Grande-Bretagne, et ce chiffre est en progression. Beaucoup de ces
ouvrages ne sont destinés qu’à un public extrêmement ciblé. Pourtant
tous sont imprimés sur papier, reliés, expédiés dans des entrepôts puis
aux librairies – avant d’en repartir très souvent pour aller au pillon. C’est
une activité qui implique beaucoup de gaspillage, mais jusqu’ici c’était le
seul moyen d’assurer la variété qui fait la prospérité de l’édition.
Eviter à tout prix le sort des maisons de disques
Tout cela est appelé à changer. Comme nous l’avons dit, le fossé entre les
livres à succès et les autres se creuse. Les grands éditeurs et libraires
voudront toujours publier et vendre des auteurs comme Dawn French ou
(le célèbre biologiste darwinien ) Richard Dawkins, car la demande est
36
plus forte que jamais. Ils voudront aussi continuer à publier et vendre des
ouvrages s'adressent à un public plus restreint pour toute une série de
raisons (avoir un large vivier de talents, attirer une clientèle variée...).
Mais ils vont chercher de nouvelles façons de diffuser ces titres. Les
technologies d'impression à la demande sont en passe d'atteindre un
niveau de qualité qui permettra aux lecteurs de demander que des livres
soient imprimées spécialement pour eux et de les obtenir en quelques
minutes, le temps d'une courte attente dans une librairie. Une évolution
qui pourrait bien sonner le glas de gros libraires aux stocks importants,
qui sont déjà à la peine. Le lecteur n'aura plus la possibilité de fureter
dans les rayons, ni de manipuler les livres avant de les acheter, mais il
aura accès à un choix de titres plus vaste que jamais.
Avec l'arrivée des technologies d'impression à la demande et, dans une
moindre mesure, du livre électronique, le contrôle des contenus
numériques s'annonce comme la grande bataille de l'édition ces
prochaines années. Les éditeurs ont vu ce qui est arrivé aux maisons de
disques une fois que la diffusion électronique de la musique s'est
répandue – et ils tiennent à ne pas connaître le même sort. Beaucoup
prennent déjà des mesures, tel Bloomsbury, qui a lancé la construction
d'un « entrepôt numérique », comme l'ont fait avant lui Harper Collins et
Random House. Mais ils sont confrontés à un rival potentiel, Google, déjà
attelé au projet pour le moins titanesque de mettre en ligne toute
l'information de la planète. Les premiers résultats sont visibles sur
« Google Recherche de livres ». A terme, l'objectif de Google est de bâtir
une bibliothèque numérique contenant tous les livres publiés; pour
l'heure, il en aurait numerisé plus d'un million.
Certains éditeurs se méfient des ambitions de Google. Nigel Newton, PDG
de Bloomsbury, y voit une politique d'« annexion absolument indécente »
et craint que Google ne s'érige en diffuseur concurrent de textes
numériques sur lesquels il s'arrogerait son propre droit d'auteur. Pour
l'heure, le moteur de recherche se contente de fournir de courts extraits
encore protégés par le droit d'auteur. Mais si les fichiers numériques lui
appartiennent, pourquoi ne se jugerait-il pas autorisé à l'avenir à diffuser
des extraits plus longs, voire l'intégralité de ces oeuvres ? Google aurait
affirmé qu'il sera le titulaire des droits d'auteur sur les fichiers numériques
qu'il produit (information qu'il n'a jamais confirmée ni infirmée).
Les années à venir ne seront pas faciles pour l'industrie du livre. Beaucoup
d'éditeurs n'ont pas encore trouvé le modèle qui leur permettra de gagner
de l'argent avec la fourniture de contenus en ligne, et ne savent toujours
pas comment ils s'adapteront à la distribution électronique de leurs titres
qui marchent le mieux. Les libraires, eux, constatent déjà que les
changements induits par les nouvelles technologies condamnent les
grandes librairies, où les livres qui s'écoulent lentement sont aussi ceux
qui occupent le plus de place. Quant au livre lui-même, les nouvelles
technologies ne l'ont pas mis en danger mais l'ont renforcé.
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10) Les quatorze qualités que j’attends d’un e-book
(Courrier international, 13 mars 2008)
Avec beaucoup d’humour et un peu de mauvaise foi, un journaliste
britannique raconte pourquoi il n’est pas encore prêt à adopter le
livre électronique.
N’allez pas imaginer que je suis un de ces réacs ronchons qui font preuve
d’un fétichisme irrationnel à l’égard de l’objet livre. Bien au contraire !
Dans l’espoir de hâter l’avènement de l’excitante révolution du livre
électronique, je liste ci-dessous les caractéristiques minimales que devra
posséder un lecteur de livre électronique pour avoir du succès. Lui
demander qu’il ait les mêmes fonctionnalités que le livre papier est une
exigence somme toute raisonnable. Voici donc à quoi ressemblera le livre
électronique du futur :
1. Il disposera d’une source d’énergie inépuisable et n’aura jamais
besoin d’être rechargé.
2. Sa lisibilité sera aussi bonne que celle de la page imprimée. ( Non,
Amazon, vraiment aussi bonne que la page imprimée !)
3. Il devra pouvoir résister à du vin ou à du café renversés, à
l’exposition au soleil, à l’eau de mer, et tomber en morceaux tout en
restant parfaitement lisible.
4. On devra pouvoir y griffonner des annotations ou des gribouillis
dans la marge, au crayon de papier ou au stylo noir à pointe fibre.
(NB : Ecrire dans la marge à l’aide d’un clavier pouce minable n’est
pas une solution satisfaisante.)
5. On devra pouvoir en feuilleter les pages afin de se faire une idée
rapide du fil argumentatif ou narratif du texte.
6. On devra pouvoir déchirer un coin de page pour y noter son numéro
de téléphone (ou celui de quelqu’un d’autre).
7. Le titre de ce que l’on est en train de lire devra apparaître de façon
très visible, afin qu’on puisse faire étalage de son érudition ou de
son sens de l’humour dans les cafés et les transports publics.
8. Ce devra être un bel objet, pas un machin hideux. (Note à
l’attention d’Amazon : par pitié, la prochaine fois, essayez de
débaucher des gens de chez Sony ou Apple.)
9. Les livres qu’il contiendra devront continuer à être conçus par des
typographes et des graphistes afin de satisfaire notre plaisir
esthétique.
10. On devra pouvoir encore prêter des livres ou en donner à ses amis,
ou bien en prendre et en abandonner dans ces bibliothèques de
cafés de bord de mer alimentées par les clients.
11. On devra pouvoir utiliser l’e-book comme support stable pour
rouler une cigarette ou toute autre gâteries à base de feuilles sans
craindre que les débris n’endommagent la carte mère.
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12. Lorsqu’on on recevra la nouvelle édition mise à jour du dictionnaire
Oxford de philosophie, on devra pouvoir utiliser l’édition précédente
pour rehausser l’enceinte gauche sur son bureau.
13. L’e-book devra, en outre, faire office de tapette à insectes et de
chapeau improvisé. A la plage, posé sur le visage, il fera un parfait
pare-soleil.
14. On devra pouvoir lancer violemment un livre débile comme « Print
Is Dead » [ le texte imprimé est mort ], de Jeff Gomez, sans pour
autant se priver de la possibilité de lire d’autres livres. Voilà. Juste
Quatorze petites conditions à remplir pour que nous puissions
renoncer au papier. Ce n’est pas trop demandé, non ?
11) Écrire une histoire à 1500 mains
(Courrier International, 13 mars 2008)
Une expérience de roman collaboratif menée en 2007 par l’éditeur
britannique Penguin a tourné en eau de boudin. La preuve que
l’imagination a besoin de rigueur et de structure.
La créativité collective est un concept séduisant. Si l’imagination d’une
seule personne est capable de produire une œuvre d’art, que peuvent
donner plusieurs cerveaux travaillant de concert ? On retrouve sur
Internet plusieurs phénomènes fondés sur le savoir collectif, le plus
célèbre étant l’encyclopédie en ligne Wikipédia, dont le contenu est crée et
modifié par des milliers d’internautes. Et pourtant, alors que les
expériences littéraires abondent sur Internet, aucune œuvre de fiction [en
anglais] n’avait encore été écrite par la collectivité des internautes avant
que quelques petits futés de la maison d’édition britannique Penguin
n’aient l’idée de s’associer à des spécialistes des nouveaux médias de
l’université De Monfort, à Leicester [au Royaume-Uni].
Utilisant la méthode Wikipédia, ils ont lancé en février 2007 un
« wikiroman » intitulé A Million Penguins. Tout le monde pouvait y
apporter sa contribution, tout le monde pouvait le modifier – c’était une
expérience d’écriture collective sans restriction aucune. Le projet s’est
étalé sur plusieurs semaines, et on peut lire le résultat sur
amillionpenguins.com.
Jeremy Ettinghausen, responsable des éditions numériques chez Penguins,
a été le premier à repérer le filon. « ça semblait être une bonne idée car
on n’arrête pas de parler de toutes ces communautés qui se créent sur
Internet. Nous voulions voir s’il était possible d’appliquer cette mise en
commun des idées et des technologies à la rédaction d’un roman. » Mais
Ettinghausen a eu la sagesse de ne pas en attendre trop : « La qualité ne
dépend pas de moi. Elle dépend des gens qui écrivent. » Il reconnaît
toutefois qu’il est rarement impressionné par ce qu’il lit sur Internet.
John Sutherland, professeur émérite de littérature anglaise au University
College de Londres, est plus désabusé. Le roman collectif, « ça ne marche
39
jamais », assène-t-il, rappelant plusieurs expériences ratées datent
d’avant Internet.
Indépendamment de leurs attentes, les initiateurs du projet n’ont pu
qu’être surpris.
Des centaines de bonnes idées mais aucune cohérence
L’écho rencontré par ce wikiman, qui a attiré près de 1500 contributeurs.
Le résultat esr un texte fleuve assez surréaliste et partant dans tous les
sens. A un moment, l’histoire se divise en « roman A » et « roman B », le
site propose des liens vers des fins alternatives. Personnages et intrigues
apparaissent et disparaissent dans une masse de textes parfois
incompréhensibles.
Kate Pullinger, une romancière qui anime un atelier d’écriture et a
collaboré au projet, souligne son caractère novateur : « C’est la première
fois que j’étais confrontée à un projet d’écriture collective ouvert au
monde entier. » Mais le résultat vaut-il quelque chose ? « Mon sentiment,
c’est que cela n’a aucune valeur en tant que livre. Sans vouloir être snob,
je ne vois pas comment les gens auraient envie de lire ça », juge Scott
Pack, un ancien de la chaîne de librairies Waterstone qui dirige la maison
d’édition en ligne The Friday Project. Difficile de dire le contraire.
Les possibilités infinies du net ne font pas forcément éclore des romans.
L’imagination a besoin de discipline ? de limites et de structures. Dans le
wikiroman, de nombreuses imaginations travaillent en même temps, mais
pas ensemble. Il y a des centaines de bonnes idées et de personnages
convaincants, mais aucune cohérence. Comme chacun pouvait apporter sa
contribution, petite ou grande, il s’est trouvé un trop grand nombre de
personnes un petit bout sans songer à l’ensemble.
Des utilisations plus structurées d’Internet peuvent donner de meilleurs
résultats, par exemple quand des écrivains proposent des ébauches de
textes pour avoir les réactions d’experts ou d’internautes. Le chercheur
Charles Leadbeater, spécialiste des innovations, a mis son dernier livre,
We-think, en ligne et autorisé les lecteurs à y apporter ajouts et
modifications. Sur le site youwriteon.com, les premiers chapitres de livres
écrits par des auteurs débutants sont notés par les lecteurs. Un
professionnel de l’écriture fait mois la critique des cinq chapitres les mieux
notés, et les deux textes les plus apprécies sont publiés chaque année.
Désormais, il n’y a pas de texte que les gens ne puissent commenter,
modifier, récrire à leur façon ou auquel ils ne puissent imaginer une suite.
Cette créativité foisonnante peut parfois prendre un tour bizarre, mais
c’est aussi quelque chose de salutaire et stimulant.
40
12) Cinq outils dernier cri à savoir maîtriser
(Stratégies, 27 mars 2008)
L'entreprise s'ouvre aux nouveaux usages de ses salariés et de ses
clients. Avec des supports qui visent à créer du lien, mais qu'il faut
apprendre à utiliser à bon escient.
Les usages privés ont fini par influencer le monde de l'entreprise.
Les salariés et les consommateurs sont en effet devenus de grands
utilisateurs, à titre personnel, de blogs, de vidéos ou du téléphone mobile.
Appliqués à l'entreprise, ces outils s'appuyant sur le modèle collaboratif
servent à créer du lien et du dialogue. Résultat, les budgets de
nombreuses agences d'édition se partagent à présent entre 70 % pour le
papier et 30 % pour les nouveaux médias. Et ce n'est qu'un début.
Nicolas Cheyrouze, directeur associé de l'agence Because, met toutefois
les marques en garde : « Il ne faut pas penser sa communication
éditoriale en termes de support, mais en termes de contenu. Ce dernier
doit rester au cœur du dispositif de communication. Peu importe sur quels
médias il sera décliné. » Un refrain repris en chœur par l'ensemble des
agences de communication éditoriale. « Avant de s'intéresser aux outils,
il faut d'abord penser à ce que l'on a à dire, au message de la marque.
Et pour cela, il faut d'abord l'écrire », ajoute par exemple Olivier Breton,
directeur de l'agence All Contents. La charte éditoriale remplace
désormais la charte graphique et influence le discours de l'entreprise en
interne comme en externe. Tour d'horizon des nouveaux outils de
communication éditoriale.
Le blog
Premier avantage pour un usage professionnel : un blog d'entreprise ne
coûte pas cher. Il permet aussi de moderniser l'image de la marque. La
banque Accord a ainsi récemment tenté l'expérience. Son objectif : «
Créer une communauté de passionnés de cartes bancaires », explique
Édouard –Rencker, PDG de Sequoia, qui a également développé des blogs
internes pour La Poste et –Bouygues Construction, à l'instar de My SFR, le
blog interne collaboratif lancé par SFR (lire page 62). Autre point fort du
blog : sa simplicité d'usage, qui en fait une sorte d'Internet pour les nuls.
Certains patrons français se sont laissé tenter par ce nouveau canal de
communication, souvent avec succès. Comme Michel-Édouard Leclerc, qui
tient régulièrement son blog, De quoi je me MEL. En 2005, Guillaume
Pepy, alors numéro deux de la SNCF, lançait le sien, accessible aux
cheminots depuis l'intranet de l'entreprise publique. Seul vraie contrainte :
le patron ou l'entreprise doit –accepter de recevoir des commentaires
critiques. « Il ne faut pas en avoir peur car tout cela se modère. En
s'ouvrant aux commentaires, les entreprises permettent de casser le
schéma unique d'une communication descendante, de la direction de
l'entreprise vers les salariés », estime Édouard Rencker. Mais publier
41
régulièrement une note ou un article est un exercice astreignant. Car pour
que le blog fonctionne, il faut l'alimenter –régulièrement.
La web-TV
Cela fait longtemps que la vidéo a du succès dans la sphère de
l'entreprise. En diminuant le temps nécessaire à sa réalisation et le coût
de production, le Web l'a rendue plus accessible. Habitués à regarder des
vidéos sur You Tube ou Daily Motion, les salariés sont devenus
demandeurs. Le groupe BNP Paribas a ainsi mis au point Starlight, un
journal TV interne diffusé en trois langues (français, anglais et italien). Un
rendez-vous bimestriel adressé aux 150 000 collaborateurs du groupe.
Audi a également innové avec myaudi.fr, un site privatif pour les clients
de la marque. Il s'agit concrètement de quatre chaînes TV en ligne
(sports, design, cinéma et actualité de l'entreprise). « La mondialisation a
accéléré le besoin, pour les grands groupes, d'outils leur permettant de
parler instantanément à toutes leurs équipes disséminées sur la planète »,
constate Yannick Le Bourdonnec, directeur général de l'agence Verbe
(Publicis).
La web-TV est aussi un excellent moyen de mettre en valeur les métiers
de l'entreprise. C'est ce qu'a choisi de faire Ubisoft en réalisant des
reportages en interne sous l'impulsion de l'agence Textuel (TBWA).
Accenture, elle, s'apprête à diffuser début avril une web-TV, réalisée avec
Entrecom, à destination des directions des services informatiques (DSI).
« Le métier des DSI subit de profonds changements, justement sous
l'impulsion des nouvelles technologies. Nous voulions les aider à vivre
cette mutation », explique Caroline Tanguy, directrice marketing et
communication chez Accenture. My DSI TV balaiera peut-être les
dernières réticences de ces services quant au développement des
nouveaux médias dans l'entreprise. « Il y a encore un gros travail à faire
auprès d'eux, mais aussi des directions générales, pour les convaincre de
l'utilité des outils multimédias dans l'entreprise », remarque Xavier
Cazard, directeur associé d'Entrecom. Cela va d'ailleurs de pair avec le
renouvellement du matériel informatique. Ainsi, beaucoup de salariés ne
disposent pas encore d'un ordinateur muni d'une carte son.
L’intranet 2.0
Vidéos, derniers posts du blog de l'entreprise, tchats internes... Bienvenue
dans l'ère de l'intranet 2.0. « Pour sortir de l'intranet 1.0, il faut désormais
créer des rendez-vous avec ses salariés », estime François Vogel,
responsable du développement nouveaux médias chez Textuel. Cela
n'empêche pas de conserver sur ce portail interne les informations
essentielles à la vie de l'entreprise. Exemple réussi d'intranet nouvelle
génération : My News, du groupe L'Oréal. « La marque voulait instaurer
un dialogue permanent entre ses collaborateurs autour des derniers
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événements de la planète L'Oréal », précise Alain Roussel, associé de
l'agence La Chose, qui a mené ce lourd projet à bien. Les responsables
de communication alimentent de façon autonome le contenu éditorial du
site. Le plus de My News ? Chaque salarié est symbolisé par un avatar.
« Attention toutefois à ne pas basculer dans la surinformation, ce qui
rendrait votre intranet illisible. L'éditorialiser reste nécessaire », souligne
Éric Camel, de l'agence Angie.
Le réseau social
Un Facebook interne pour mieux communiquer au sein de l'entreprise ?
L'idée peut sembler pertinente. Xavier Cazard, de l'agence Entrecom,
confirme : « La demande sur les réseaux sociaux est toute récente, mais
elle va croissant. » Le souhait des entreprises est, par ce biais, de faire
communiquer plus facilement les métiers entre eux. Because vient par
exemple tout juste de lancer pour un client un mini-Facebook fédérant
une communauté de 1 200 personnes. « Ce projet fera office de test pour
nous. Ce qui est sûr, c'est que l'on est désormais loin du simple annuaire
en ligne », souligne Nicolas Cheyrouze, de Because.
Le wiki
À la différence d'un blog, un wiki est un site écrit et géré par les
internautes eux-mêmes. L'exemple le plus célèbre est bien sûr
l'encyclopédie en ligne Wikipédia. Cet espace de partage d'information
peut aussi servir la communication des marques, en interne comme en
externe. « Ce n'est pas un outil adapté à toutes les entreprises.
Il est surtout pertinent pour des marques référentes dans leur secteur »,
avertit François Vogel, de Textuel. Ou pour des marques qui fédèrent une
importante communauté. Comme Rip Curl, qui a lancé en 2006
wikiriders.com, un outil à destination des passionnés de glisse. Pour ses
clients tentés par l'expérience, Textuel propose ainsi l'appui d'un
« manager de communauté » pour animer l'outil, clé du succès du wiki.
13) Le son, un nouvel élément d'expérience sensorielle sur le Net
(Les Echos, 18 avril 2008)
Emotion. Le son est à la Toile ce que le goût est à la gastronomie. Avec
les images irréprochables, c'est le nouvel enjeu des sites de marque les
plus pointus du moment. Celui d'Hermès, là encore, innove, avec un
orchestre dont chaque instrument permet de reproduire le son d'un des
outils de l'artisan façonnier. Libre à l'internaute de composer sa
symphonie en sélectionnant ses préférés. De même, l'image de la vitrine
de la boutique de New York s'accompagne du bruit des sirènes de police
caractéristiques de Manhattan ou celle de la carte de postale du Taj Mahal
laisse percevoir l'imperceptible frémissement de l'eau.
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Plus amusant : les fermetures Eclair d'une pochette en cuir jouent à « zip
et zap » en s'ouvrant et se fermant dans un joyeux bruit. « C'est un peu
comme si l'on faisait ce que l'on ne s'autoriserait pas dans un magasin »,
s'amuse Menehould de Bazelaire, directrice du patrimoine culturel
d'Hermès.
Les professionnels des sites Web sont formels : « L'essentiel est de rester
dans l'émotion tout en délivrant un message hyperprécis », souligne Ilan
Haddad, « sound designer » chez Duke, agence conseil en stratégie
Internet dotée d'un studio son. Ainsi, pour le joailler Van Cleef, l'agence a
créé des mélodies que l'on découvre par le biais d'une boîte à musique, et
sur le site de McDonald's, elle s'est servie du son comme levier comique
pour rendre le produit plus attrayant. Ainsi chaque sauce est
accompagnée d'un style musical, du R'N'B pour le fromage, du rock pour
le poivre, etc. « Le type de son correspond à ce que les jeunes écoutent,
pour maintenir le lien entre la cible et la marque », ajoute Branislav Peric,
directeur de clientèle chez Duke. L'importance prise par la musique et les
sites de vidéo comme YouTube ou MySpace auprès des jeunes y sont bien
sûr pour quelque chose. Mais pas seulement. « Sur Internet, les individus
font des choses utiles, s'informent, parlent avec des amis, donc il est très
important de bien rester dans la réalité. Un son ne doit pas être gratuit, il
faut offrir quelque chose de vrai », poursuit Ilan Haddad. Ainsi à un clic
droit devra répondre un son à droite de l'écran, s'il s'agit d'un événement
important le volume devra être en conséquence assez fort, ou
inversement, enfin les graves proviennent plutôt du haut de l'écran et les
aigus du bas, comme dans un orchestre traditionnel. Autant de subtilités
qui participent à la cohérence du discours.
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