Les Echos, 17 mars 2008
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Les Echos, 17 mars 2008
Veille stratégique _ Avril 2008 Sommaire 1 La nouvelle physionomie des dirigeants (Les Echos, 17 mars 2008) 2 Ressources humaines : les priorités des patrons (Les Echos, 21 avril 2008) 3 Comment les agences gèrent la pression ? (Stratégies, 17 avril 2007) 4 Les agences doivent-elles créer une offre développement durable ? (Stratégies, 10 avril 2008) 5 La communication financière des entreprises passée au crible (L’expression d’entreprise, 10 avril 2008) 6 L'info économique 2.0 (Stratégies, 13 mars 2008) 7 Out of Print : The death and life of the American newspaper. (The New Yorker, 31 mars 2008) 8 Livre : le numérique à l'assaut de l'édition (Les Echos, 13 mars 2008) 9 Texte sur écran (Courrier International, 13 mars 2008) 10 Les quatorze qualités que j’attends d’un e-book (Courrier international, 13 mars 2008) 11 Écrire une histoire à 1500 mains (Courrier International, 13 mars 2008) 12 Cinq outils dernier cri à savoir maîtriser (Stratégies, 27 mars 2008) 13 Le son, un nouvel élément d'expérience sensorielle sur le Net (Les Echos, 18 avril 2008) 1 1) La nouvelle physionomie des dirigeants (Les Echos, 17 mars 2008) Les mutations technologiques et les pressions multiples exercées par les actionnaires ont considérablement changé les qualités des PDG. La bataille entre le Medef et l'Union des industries des métiers de la métallurgie (UIMM), dont deux des anciens hauts dirigeants sont mis en examen, illustre le fossé qui sépare les tenants d'une conception ancienne de la direction d'entreprise et les « modernes », issus d'une génération montante de nouveaux dirigeants. Ces dernières années, la conjonction de la mondialisation, du rythme soutenu des évolutions technologiques et des pressions multiples exercées sur eux par les actionnaires a considérablement changé la physionomie des « CEO ». Ces derniers doivent - selon le franglais de rigueur - toujours davantage « délivrer » des résultats rapides. Conséquence : faute de performances à court terme, un nombre grandissant d'entre eux sont poussés vers la porte. De 15 % en 2006, le pourcentage est passé à 16,2 % à la fin de 2007, selon Weber Shandwick Worldwide (15 % pour l'Europe et l'Amérique du Nord contre 21 % en région Asie-Pacifique). Et quand les durées des mandats raccourcissent (6 ans aujourd'hui contre 6 ans et 5 mois en 2005 et 2006, toujours selon la même source), les caractéristiques requises pour atteindre le sommet de la hiérarchie évoluent aussi. Rajeunissement des leaders L'une des toutes premières, la plus flagrante, est le rajeunissement. Ce qui sous-entend aussi l'ouverture internationale et la réactivité. En France, des Jean-Pascal Tricoire (Schneider Electric), Franck Riboud (Danone), Arnaud Lagardère (Lagardère), Patrick Kron (Alstom), José Luis Duran (Carrefour) sont sensiblement plus jeunes que la génération précédente. Outre-Manche aussi, où le patron de HMV, par exemple, n'a pas 50 ans et où celui de BP est tout juste quinquagénaire. Ou encore aux Etats-Unis, où Uli Becker (44 ans) s'apprête à remplacer Paul Harrington (46 ans) à la tête de Reebok à partir du 1er avril. L'autre tendance - propre à la France cette fois-ci et confirmée par des chasseurs de têtes - est que désormais appartenir à un grand corps (Polytechnique, les Mines, l'ENA) peut apparaître nécessaire mais ne suffit plus à conférer illico la stature de grand leader. Comme ses homologues anglo-saxons, le patron français tend à ne plus être jugé que sur ses seuls résultats. Autres qualités requises : une appétence pour l'innovation (sans perdre pour autant de vue le principe de précaution) et une plus forte conscience 2 de la multitude des problématiques qui lient l'entreprise à la société. L'art de raconter la « bonne » histoire se fait aussi crucial pour motiver les équipes, d'après Rosabeth Moss Kanter, professeur à l'université de Harvard. Et, comme dans le milieu politique, le « storytelling » se propage aussi en entreprise. Il revient donc au PDG de trouver les phrases et les mots clefs pour susciter l'enthousiasme, insuffler de l'énergie, donner du sens au travail, traduire la stratégie en résultats et insérer les valeurs clefs du groupe dans les comportements quotidiens. Plus de transparence Un exercice délicat car il s'agit de trouver LE thème mobilisateur pour l'avenir ou de se gargariser de succès passés. « L'histoire doit être simple, courte et mémorisable à coups d'images visuelles et/ou via un maximum de deux ou trois personnages », explique un expert du « storytelling » à la « Harvard Business Review ». Enfin, le « CEO », qui désormais ne peut plus vivre dans un superbe isolement, doit montrer plus de transparence et avoir l'art de commander tout en donnant un sentiment de proximité et d'intimité. Une gageure, là encore, à l'heure où certains font la une des journaux du monde entier en raison de leurs rémunérations toujours plus élevées, que les milieux économiques justifient par la guerre mondiale des talents et le désir des entreprises de s'attacher les meilleurs éléments. Des dirigeants qui doivent savoir jongler avec une toujours plus grande complexité, et surtout savoir anticiper. D'où l'émergence de quantités de plans « Visions 2010 », de « Cap 2015 » et autres « Ambitions 2020 » alors que tout - les marchés, le comportement des consommateurs, l'exposition médiatique, etc. - reste impalpable et empreint d'incertitude. Résultat : dotés de davantage de responsabilités que de pouvoir, les PDG ont tendance à entourer leur prise de mandat de solides garanties juridiques. Ils sont en effet conscients de naviguer à vue, de n'avoir quasiment plus droit à l'erreur et de devoir restaurer une image, ces derniers temps, partout mise à mal. En France, par les déboires entre Medef et l'UIMM. Outre-Rhin, par les perquisitions au domicile du patron de la Deutsche Post soupçonné de fraude fiscale. Ou encore aux EtatsUnis, par les limogeages fracassants de nombre de « CEO » des secteurs de la finance, de la santé et des nouvelles technologies. 2) Ressources humaines : les priorités des patrons (Les Echos, 21 avril 2008) La gestion des talents figure en tête de liste des agendas des sociétés du monde entier. La France, elle, privilégie la mesure de la performance RH. 3 Tout le monde le dit : la gestion des talents est la priorité des priorités des entreprises. Et de fait, elle figure en tête de liste des agendas des sociétés du monde entier. Le contexte de concurrence mondiale acharnée n'a en effet jamais autant nécessité non seulement d'attirer et de développer de nouveaux talents, mais surtout de les retenir. Les entreprises doivent désormais mieux communiquer sur les opportunités de carrière et la grande quantité de packages sur mesure qu'elles proposent. Tout comme contribuer au rééquilibrage des vies professionnelle et privée (autre grande priorité). Il leur faut aussi de plus en plus tôt identifier des candidatures de valeur en vue de la constitution en amont de pools de talents. Développement du leadership Mais, contrairement à leurs homologues étrangers, les groupes français n'inscrivent la gestion des talents qu'au quatrième rang de leurs priorités, derrière - préoccupation numéro 1 - la mesure de la performance RH, les mesures de déploiement de l'engagement des salariés et la gestion des problématiques démographiques (*). Les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Japon, l'Espagne mais aussi l'Inde, Singapour et l'Afrique du Sud la placent, eux, au tout premier rang de leurs préoccupations, d'après une enquête exclusive - et non encore diffusée - menée par The Boston Consulting Group et World Federation of Personnel Management Association. Corollaire de la gestion des talents, le développement du leadership joue, lui aussi, au jour le jour un rôle crucial dans la performance des entreprises. Car ce sont les leaders qui servent de modèle, incarnent la mission du groupe, et qui, par leur action, donnent du sens aux orientations choisies, participent au développement des talents en interne. Diffuser les connaissances Autre chantier de taille : le changement. Une transformation qui tient aux écarts démographiques, aux modifications culturelles et à la mondialisation. Majeures, les questions démographiques vont notamment amener deux fois plus d'entreprises - hors pays émergents d'Asie - à modifier leur politique de santé et de prévention des accidents. Enfin, l'organisation elle-même se modifie pour se faire continuellement apprenante. Autrement dit, pour développer et diffuser les connaissances en interne (bases de données, universités d'entreprise, réseaux d'experts, organisation de transferts de savoir-faire, etc.) Et replacer la fonction RH au sein d'un partenariat stratégique global d'entreprise. Il n'empêche cependant. Seulement 40 % des entreprises interviewées ont commencé à s'investir de façon sérieuse dans l'une des priorités recensées. 4 La raison ? « Cela nécessite une remise en cause fondamentale, car il faut lever des freins culturels et organisationnels », explique Jean-Michel Caye, directeur associé au Boston Consulting Group. Et les choses ne sauraient changer sans prise de conscience sérieuse et urgente à leur plus haut niveau. Des groupes aussi divers que Daimler, E.ON ou encore Tata Group dont le développement est soutenu, l'ont parfaitement compris. Tout, comme en France, des Danone, L'Oréal, Schneider Electric ou encore Véolia. Tous ceux-là ont fini par tisser un lien étroit entre stratégie d'entreprise et stratégie RH. Et, parce que la compétence est de toute évidence devenue la ressource la plus rare et la plus convoitée au monde, les autres entreprises sont tôt ou tard condamnées à suivre leur exemple. *) Au sein d'une liste de préoccupations pas forcément des plus prioritaires mais bien hexagonales où figurent aussi l'engagement des salariés, la responsabilité sociale d'entreprise et l'individualisation du traitement. Les 8 chantiers des entreprises du monde entier : · Développer et retenir les talents 1. Gérer les talents 2. Améliorer le développement du leadership 3. Gérer l'équilibre vie professionnelle/vie privée · Anticiper le changement 4. Gérer les écarts démographiques 5. Gérer le changement et la transformation culturelle 6. Gérer la mondialisation · Optimiser l'organisation 7. Devenir une organisation apprenante 8. Faire des RH un partenaire stratégique 3) Comment les agences gèrent la pression ? (Stratégies, 17 avril 2007) Horaires élastiques, recours aux free-lances, travail dans l'urgence... les agences de communication doivent jongler avec les exigences croissantes de leurs clients. Journaux d'entreprises, sites Web et créations publicitaires se vendent toujours bien. Mais les directions des achats exigent d'en avoir toujours plus pour le même prix. Une tendance que l'évolution récente du paysage médiatique vient renforcer. « Depuis le tournant numérique de 2006, l'offre de supports s'est multipliée, constate Éric Trousset, directeur marketing de TNS Media Intelligence. Aujourd'hui, un annonceur a le choix entre une centaine de chaînes de télévision pour lancer une campagne 5 plus ou moins ciblée, sans parler d'Internet et du téléphone mobile. » Difficile dans ces conditions de résister à la tentation de demander plus, et toujours plus vite, à des équipes de prestataires réputées corvéables à merci. « Il y a une accélération des exigences, confirme Cécile Roger, éditriceconseil chez Euro RSCG C & O, qui pilote la confection de plusieurs magazines internes de grands groupes. Désormais, tout se fait en parallèle et non plus consécutivement. Il faut sans cesse réinjecter de la méthodologie. » Résultat : nombre de validations se font sur la maquette finale, les retards s'accumulent et tout se précipite vers la fin du parcours. Les origines du mal sont pourtant parfaitement identifiées : tout découle d'un manque de réflexion en amont . Pour Élisabeth Coutureau, viceprésidente de TBWA Corporate, le client qui met les budgets sous pression n'est « pas un cas fréquent ». La solution réside dans un savant mélange d'anticipation et de formation : « La question budgétaire doit être réglée en amont pour garantir au client que chaque euro sera investi au mieux. Et lors des discussions avec les acheteurs, nous nous fondons sur des grilles tarifaires précises issues de la comptabilité analytique et nous expliquons pourquoi telle mission exige tel profil. Dans ce domaine, je crois beaucoup à la pédagogie. » Louable, le remède présente néanmoins un défaut majeur dans les petites agences : ses effets s'estompent rapidement et il est toujours nécessaire d'en rajouter une dose. Car les structures légères n'ont souvent pas d'autres choix, pour satisfaire leurs clients, que de rallonger les horaires. « Avant, je faisais des semaines de 45 à 50 heures. Maintenant, je suis dans une moyenne de 55-60 heures et je finis tous les soirs à 21 heures », témoigne une salariée. À ce temps désormais « normal » viennent régulièrement se greffer des « rushs » qui entraînent le compteur au-delà de minuit et dévorent les week-ends. Difficilement compatible avec une vie de mère de famille, notamment. La fatigue s'accumule et les arrêts maladie deviennent la soupape de sécurité, quand ce n'est pas la seule échappatoire possible. Quant à la vie sociale, elle s'étiole : « Les gens ne m'en veulent pas, mais ils ne comprennent pas et, à force, ils finissent par se passer de moi. » Quand le management fait la sourde oreille ou de simples promesses, un véritable ras-le-bol s'installe et pousse les talents au départ. Sous-traitance et partenariat Soucieuse de garder leur potentiel, la plupart des agences préfèrent faire appel à la sous-traitance plutôt que d'assister à une hémorragie continuelle de leurs salariés. Simple et rapide à mettre en œuvre, le recours accru aux free-lances constitue une option efficace pour absorber la pression des clients. Chez Verbe, agence de communication éditoriale du groupe Publicis, c'est une « pratique significative », reconnaît Laurent 6 Borrell, directeur de la stratégie et des nouvelles offres. Le partenariat est une autre possibilité. Souple et pratique, il assure une mutualisation des moyens qui permet d'amortir le choc budgétaire tout en répondant à l'ensemble des desiderata du client. Verbe s'est ainsi associée à Lonely Planet pour injecter des contenus « tourisme » dans les intranets de ses clients et collabore régulièrement avec d'autres structures de Publicis pour proposer une offre globale. Moins avouable, le recours aux juniors ou aux stagiaires. Contre toute attente, la qualité est souvent au rendez-vous. Le problème, c'est qu'elle ne dure jamais longtemps. « Les stagiaires restent deux ou trois mois. Après, c'est la roulette russe », confie une responsable de projet d'une agence parisienne coutumière du fait. Utile, le recours à des ressources humaines supplétives ne peut cependant servir que d'appoint et l'essentiel de la réponse provient encore et toujours de l'intérieur. Deux stratégies sont alors possibles, qui peuvent être mises en œuvre complémentairement. La première consiste à jouer la transparence totale en interne. Chez By The Way-Créacom, agence de communication corporate, les chefs de projet et le « middle management » ont tous les chiffres une ou deux fois par semaine. Budgets, marges, rentabilité, tout est mis sur la table. « Il vaut mieux qu'ils aient des repères et qu'on en discute plutôt que des bribes qui les amènent à se faire une fausse opinion », assure Patrick Miot, vice-président de cette agence d'une cinquantaine de collaborateurs. Une transparence qui s'accompagne d'une politique de rémunération et de gestion du temps lucides : « Il faut savoir récompenser les collaborateurs qui mouillent la chemise et faire preuve de souplesse quand ils ont besoin de temps... » Le conseil au lieu de la quantité Deuxième stratégie : sortir de la quantité pour s'orienter vers le conseil. Chez By The Way-Créacom, l'organigramme parle de lui-même : si une moitié des collaborateurs se consacre à la création, l'autre planche uniquement sur le conseil et le suivi des clients. Le système est d'autant plus efficace que les équipes sont renforcées en profils « seniors ». Plus cher ? Un argument que Patrick Miot écarte sans hésiter : « Même s'il coûte 30 % plus cher, un senior sera plus efficace. Il boucle le dossier deux fois plus rapidement parce qu'il est plus pertinent et plus rapide. » Une logique imparable que Verbe a décidé de porter à son terme en reformatant complètement équipes et métiers. La centaine de collaborateurs de l'agence a donc été invitée à participer à six chantiers qui doivent bousculer tous les a priori et mener à des formations sur mesure. « Nous sommes en train de basculer du statut de prestataire vers celui de partenaire », confirme Laurent Borrell. Discrète, la manœuvre a cependant peu de chance d'échapper aux directions des achats. Même en changeant d'objet, les discussions budgétaires resteront donc encore très serrées. 7 4) Les agences doivent-elles créer une offre développement durable ? (Stratégies, 10 avril 2008) Les annonceurs sont de plus en plus demandeurs de conseil en développement durable. Pour autant, créer des offres et des entités spécifiques au sein des agences pose question : est-ce un simple alibi ou un réel argument de vente ? Le développement durable est devenu une préoccupation majeure des annonceurs. En témoigne la vague de nominations de directeurs ou directrices chargés d'y veiller. « Il n'y a plus un brief où le développement durable ne soit pas un présupposé », constate un professionnel. Au sein des agences, c'est donc le branle-bas de combat. Depuis la rentrée 2007, l'Association des agences-conseils en communication leur propose une série de formations sur le sujet. De même, l'Anaé, qui regroupe les agences événementielles, a lancé un grand chantier « DD », sous la houlette de Benoît Desveaux, directeur général du Public Système, qui vient de créer Namaska, une agence événementielle solidaire et durable. D'autres agences ont nommé des responsables du développement durable : Olivia Grégoire chez DDB France, Alice Audouin, membre du collectif Adwiser, chez Havas, Quitterie Delmas, ancienne de l'association Déclic Solidarité, chez Heaven. Et Publicis Groupe a acheté en février Act Now, pionnier américain du conseil en développement durable. Au-delà des bonnes volontés affichées, est-il vraiment nécessaire de créer des entités et des offres consacrées au développement durable ? La plupart des agences reconnaissent qu'elles n'en sont encore qu'au début du processus. « Dès lors que les annonceurs sont demandeurs, il faut anticiper », affirme Catherine Michaud, présidente de K Agency 360, qui a créé en janvier dernier K Développement durable (KDD), une structure proposant des campagnes écoconçues et écoréalisées. A contrario, Benoît Héry, président de Draft-FCB, estime que « placer le développement durable à part alors qu'il ne fait déjà plus débat, c'est prendre le train en retard et s'acheter une étiquette verte qui ne recouvre aucune offre véritable. » L'agence, qui avait annoncé il y a un an une série de mesures en la matière, avait recruté un Monsieur développement durable, Stéphane Pocrain. Celui-ci a quitté l'agence, mais le chantier se poursuit au quotidien, assure-t-on chez Draft-FCB. Changer les habitudes Reste, enfin, à appliquer concrètement dans les agences les recommandations faites aux clients. Bilan carbone, mesure de l'impact écologique, plan de formation aux « écogestes », changements d'attitude au travail : là aussi, le chantier est en marche. Même si, à ce jour, les conseilleurs ne sont pas (encore) les payeurs. 8 5) La communication financière des entreprises passée au crible (L’expression d’entreprise, 10 avril 2008) L’uniformisation des supports de communication favorise une meilleure compréhension de l’information. L’IFop a mené une étude auprès des analystes financiers et des actionnaires individuels pour mesurer leurs attentes en matière de rapport annuel. « Le rapport annuel est un support-clef dans la communication institutionnelle et financière des entreprises cotées. Il doit séduire et convaincre », déclare Jean-François Le Rochais, président-directeur général de l’agence en communication Terre de Sienne. Pour cela, il doit être le plus clair possible. La multiplication des supports de communication en facilitant pas la compréhension de l’information. L’IFop a mené l’enquête auprès d’analystes financiers et d’actionnaires majoritaires. Il en ressort une forte adhésion à un regroupement de deux documents, rapport financier et rapport annuel, en un seul. Les analystes financiers à 78 % et les actionnaires à 75 % sont favorables à cette issue. Outre ce premier constat, l’aspect esthétique joue aussi un rôle. Près d’une personne interrogée sur deux estime y être très sensible. Les analystes financiers avouent y être attentifs à 66 % et les actionnaires individuels à 64 %. Une attention particulière est portée sur la partie institutionnelle. En troisième lieu, viennent les informations dites « extra financières ». Elles se glissent dans la communication financière et institutionnelle des entreprises cotées. L’éthique, la présentation de la stratégie, le mot du président… sont donc autant d’éléments qui entrent en compte dans la rédaction des rapports. Près de neuf analystes financiers et actionnaires individuels sur dix y sont vigilants (85 % des sondés). Enfin, pour se faire une idée de la performance des entreprises, ces mêmes financiers et actionnaires s’appuient sur les textes, les commentaires, les données chiffrées… Ils affirment (à 49 %) être très sensibles aux ratios, aux chiffres clefs, aux textes et commentaires. Les visuels et les schémas remportent aussi leurs intéressés puisque près de sept sondés sur dix y sont attentifs. Les entreprises doivent donc être soucieuses de leur communication financière d’autant plus que l’uniformisation de la législation européenne, par la directive transparence du 8 mars 2007, leur impose de fournir un rapport financier annuel rigoureusement normé. 6) L'info économique 2.0 (Stratégies, 13 mars 2008) Pour la presse économique et financière, le web est une priorité. Entre information en continu et interactivité avec les internautes, 9 les journaux et magazines montent en puissance sur le net. Reste à inventer un modèle économique viable. L'info économique 2.0 Jeudi 24 janvier 2008. Branle-bas de combat dans la presse économique et financière : un jeune trader aurait fait perdre 5 milliards d’euros à la Société générale. Les journalistes financiers du figaro.fr sont sur le pont : interviews exclusives, rebondissements, décryptages. « Le lendemain, Le Figaro papier a pris le relais avec des analyses. Résultat, au bout de quatre jours, nous avions déjà trente articles sur l’affaire Kerviel : de quoi monter un dossier sur le Web », raconte Christophe Mazzoleni, directeur de la « chaîne Finance » (rubriques Bourse, Patrimoine, Placement, etc.) du figaro.–fr. Rue Galvani, chez Capital, on peste : « Nous avions bouclé le mensuel l’avant-veille !, raconte Jean-Joël Gurviez, éditeur du pôle économique de Prisma Presse. Heureusement, grâce à notre site, nous avons pu couvrir l’événement au quotidien. Avant l’ère Internet, Capital serait passé à côté de cette info cruciale. » La presse économique et financière l’a bien compris : exister sur le Web est désormais une priorité. Mais comment trouver le bon accord entre une info très ciblée, parfois pointue, et un média qui ouvre le champ des possibles ? Les sites de journaux économiques tâtonnent… mais vont plutôt dans le bon sens. La preuve : des chiffres plus qu’encourageants. Lesechos.fr reste leader des sites économiques, avec 1,148 million de visiteurs uniques, juste devant la « chaîne Finance » du figaro.fr (1,138 million). Latribune.fr affiche 800 000 visiteurs uniques, quand challenges.fr a quadruplé ses visites en un an (450 000). Lexpansion.com a, lui, gagné 30 % de fréquentation depuis sa nouvelle formule. Autre signe de bonne santé : des rénovations de sites prévues avant l’été chez Challenges et chez Capital, le lancement du journaldesfinances.fr par Le Figaro et celui de BFM News, portail d’information généraliste et économique, prévu pour mai prochain au sein de Nextradio TV. Transversalité Quel est le modèle économique de ces sites de presse ? Le tout publicité et la gratuité s’imposent, même si le print reste comme partout ultra majoritaire dans les recettes publicitaires (lire en page 42). À lexpansion.com, on aimerait développer les partenariats et le commerce en ligne pour diversifier les revenus, « mais l’accès à l’information restera gratuit », précise Yves Adaken, rédacteur en chef. Du côté des magazines, seul capital.fr a lancé une offre payante, il y a deux ans. « L’abonné reçoit chaque semaine la lettre boursière par courriel et sous forme papier, ainsi que la newsletter First Morning par courrier chaque matin, détaille JeanJoël Gurviez. Il a aussi accès à des conseils boursiers sur plus de 130 valeurs. » Une offre qui plaît… mais qui reste chère : 39 euros par mois. 10 « Le cas de la presse économique est particulier : sa cible (les entreprises et les cadres) a les moyens de se payer un abonnement sur le Net et veut des informations sérieuses provenant d’une marque média reconnue, explique Patrick Eveno, spécialiste des médias et maître de conférences à la Sorbonne. Voici en théorie le cercle vertueux du modèle payant. » Côté quotidiens, seul lesechos.fr a pris le parti d’un modèle mixte, où 30 % des contenus sont payants (journal du jour, archives, microéconomie). « Nous avons 20 000 abonnés, dont la moitié sont des entreprises, et notre chiffre d’affaires est parfaitement équilibré », affirme Philippe Janet, directeur général Internet de DI Group (qui a racheté Les Échos à Pearson). Pour garantir une info continue de qualité, les sites se sont tous dotés de rédactions Web à part entière… avec plus ou moins de moyens. Lesechos.fr, pionnier depuis 1996, dispose d’une équipe de 24 journalistes. Les rédactions financières du figaro.fr, de latribune.fr et de capital.fr comptent chacune une dizaine de journalistes, alors qu’à lexpansion.com et à challenges.fr, on en recense deux fois moins. « Certes, mais la rédaction du magazine est entièrement bimédia et fournit six à sept papiers quotidiens au Web », précise Pierre-Henri de Menthon, rédacteur en chef de Challenges. « BFM News aura évidemment sa rédaction propre, précise Alain Weill, PDG de Nextradio TV. Mais, pour moi, le modèle idéal, ce serait quelques journalistes se consacrant à un seul support et des experts transversaux intervenant aussi bien sur BFM, BFM TV, BFM News ou La Tribune. » Lefigaro.fr peut quant à lui compter sur le soutien des 70 journalistes économiques du quotidien. Quant aux rédacteurs du mensuel Capital, ils alimentent les « indiscrétions » du site, qui se veut aussi le prolongement de certaines enquêtes papier. La culture bimédia semble donc mieux intégrée que lors des débuts du Web. L’intérêt premier étant évidemment de pouvoir informer en temps réel, quand le temps du papier est, lui, figé. « En économie plus qu’ailleurs, on est sur une problématique de marchés. Plus on est informé tôt, plus on est efficace », lance Joël Ronez, consultant en stratégie Web pour les médias au cabinet Cup of Tea. Pour beaucoup, c’est là qu’est la valeur ajoutée : « Notre ambition est d’apporter une hiérarchisation journalistique de l’info à instant “t”», précise Pierre-Henri de Menthon. Pour Yves Adaken, cette exigence de vitesse et de direct est à mêler avec « le gène premier de L’Expansion : celui de la pédagogie ». « Expliquer une information complexe, c’est l’un de nos axes de développement sur la chaîne finances, renchérit Christophe Mazzoleni. Sur la partie Bourse, nous avons une vertu pédagogique. Nous allons par exemple expliquer ce que veut dire une augmentation de capital, ce qu’elle peut changer pour le portefeuille de l’internaute, etc. » 11 Ouverture à l’interactivité Si le Web 2.0 permet d’être en flux continu, il ouvre aussi les portes de l’interactivité. Comment les sites économiques gèrent-ils le lien avec les internautes ? « Informer sur l’économie requiert des compétences, des contacts. Le journalisme citoyen est moins possible que dans la presse généraliste », analyse Joël Ronez. Les sites hésitent donc à lancer des forums. « Au début, nous étions réticents à accueillir les réactions des internautes. Qu’est-ce qu’elles apportaient ? Depuis la refonte du site en septembre, nous avons lancé la rubrique “Café de l’économie”, où les internautes commentent les papiers. Et le résultat est intéressant », détaille Yves Adaken. Le site du Journal des finances devrait bientôt leur permettre d’envoyer leur propre analyse économique. La meilleure sera publiée dans l’édition papier. « Notre public est une nouvelle source d’information », constate Christophe Mazzoleni. Pour le directeur général du groupe Nouvel Observateur, Louis Dreyfus, « le secteur de l’économie se prête davantage à une interactivité avec des spécialistes qu’à du participatif pur ». D’où le développement des blogs d’experts et de journalistes sur de nombreux sites. L’étude réalisée par Think out pour la marque L’Expansion le montre : les internautes attendent du participatif qu’il « donne de la valeur au lecteur », et qu’il « valorise les éclairages d’experts ». Autre rendez-vous interactif très suivi : le tchat quotidien avec un invité du monde économique organisé par la rédaction des echos.fr. Pour Joël Ronez, « l’autre enjeu du 2.0, c’est qu’il permet aux internautes de jouer sur l’ergonomie du site, de choisir ses infos ». Créer sa propre page, avec ses rubriques préférées et son portefeuille boursier, est déjà possible sur lesechos.fr, via un partenariat avec Netvibes. Cap sur la vidéo C’est l’atout supplémentaire des sites économiques : les services offerts à l’internaute. Avec en tête la gestion du portefeuille boursier. Aucun site n’échappe à cet outil : cours en direct, graphiques, points Bourse matin et soir, conseils d’analystes internationaux, etc. « Notre objectif est d’être aussi performant que Boursorama », affirme Christophe Mazzoleni. « Nous pouvons même alerter nos internautes par courriel quand l’une de leurs actions dépasse un seuil. C’est un outil de fidélisation formidable », poursuit Philippe Janet. Pour Jean-Joël Gurviez, de Capital, ces services doivent rester liés à l’information : « Nous mettons en ligne des annonces immobilières, des offres d’emploi, des conseils en placements, etc. Mais il faut du contenu autour pour donner un sens éditorial à tout cela. » D’autres services sont-ils en développement ? Les acteurs du Web avouent qu’il ne s’agit pas pour l’instant de leur priorité en termes d’investissements. 12 C’est plutôt le développement de la vidéo qui devient prioritaire. Après une tendance à l’achat, comme les Points Bourse de l’agence New York French Press qu’on retrouve sur lefigaro.fr et –lexpansion.com, les sites se mettent à produire leurs propres contenus. Dans l’entresol du Figaro, un studio télé vient d’être inauguré. Loge de maquillage, fond bleu, lumière rouge… rien ne manque : « J’ai hâte que mon équipe puisse réaliser des vidéos », se réjouit Christophe Mazzoleni. Lesechos.fr et latribune.fr (qui « bénéficiera bientôt de toutes les vidéos de BFM TV », précise Alain Weill) ont déjà leur studio depuis quelques années. « Ce qui fonctionne bien, ce sont les interviews ou les petits magazines, comme les font les journalistes d’Enjeux », témoigne Philippe Janet. Difficile pourtant d’être créatif sur des sujets économiques ou financiers. Un journaliste sur un fond gris qui débite les infos éco de la journée… Rien de très original. La vidéo apporte-t-elle réellement une valeur ajoutée ? « Nous savons que les internautes valorisent beaucoup les contenus vidéo. C’est ce qui les fidélise sur un site, estime Louis Dreyfus. Mais nous devons inventer un langage. » –Lexpansion.com a déjà tenté de petits sketchs vidéo en partenariat avec Théâtre à la carte. Ils décrivaient des métiers de manière décalée. « Des prestataires nous proposent de plus en plus de petits dessins animés pour expliquer les rouages de la gestion de patrimoine », note Christophe Mazzoleni. Développer l’outil vidéo, c’est aussi miser sur la mobilité qu’offre le 2.0. Aux echos.fr, on se positionne dès à présent sur la télévision mobile personnelle, prévue pour la fin de l’année, bien que le site dispose déjà d’une version mobile. Même stratégie chez Nextradio TV : « Il faut être présent sur tous les supports, radio, télévision, Web, mobile, pour suivre le lecteur en demande d’infos économiques dans sa journée », analyse Alain Weill. « La forme graphique du journaldesfinances.fr se prête très bien au design de l’Iphone », avance Christophe Mazzoleni. « L’info économique sur mobile ? C’est du gadget, proteste Patrick Eveno. Ces sites n’ont aucun intérêt à imiter ce que font les autres sur le Net. Leur valeur ajoutée, c’est ce qu’ils savent faire de mieux, leur compétence première : l’analyse journalistique. » L’un et l’autre sont-ils incompatibles ? Peut-être pas. Télévision : LCI en pointe BFM TV, seule chaîne à se présenter comme économique, ne propose aux internautes que les pod-casts des émissions et une fenêtre pour regarder la chaîne en direct. Le site d’I-Télé est encore plus minimaliste. L’entrée «économie» permet seulement de poser des questions par courriel aux émissions. Y a pas que le CAC et Le Journal de l’économie. Dans ce paysage, lci.fr fait figure de précurseur, surfant sur l’expertise de son grand frère TF1. La rubrique économique se veut pédagogique: on y 13 trouve des infographies explicatives, comme «le prix de l’essence décortiqué», des vidéos insolites, mais aussi des blogs d’experts hightech et auto. La rubrique Bourse n’a rien à envier à celle des sites de quotidiens: accès aux cours en temps réel, indices, vidéos et gestion de portefeuille. Radio : BFM se distingue Du côté des ondes, on reste timide sur le Web, surtout en matière d’information économique. Le site de BFM, radiobfm.com, est le plus abouti, avec les podcasts des émissions, une rubrique Bourse, des informations économiques et des dossiers. Mais une grande partie du contenu provient de… capital.fr. Ouvrez la page d’accueil -d’eu-rope1.-fr, et vous ne verrez le mot «économie» nulle part. La rubrique financière de rtl.fr propose, elle, des interviews, des portraits et une rubrique «décryptage» par un expert. Quant au site de RMC, il mise sur la pédagogie, avec une galerie de photos et d’infographies offrant des tableaux explicatifs plutôt réussis sur la hausse. 7) Out of Print : The death and life of the American newspaper. (The New Yorker, 31 mars 2008) The American newspaper has been around for approximately three hundred years. Benjamin Harris’s spirited Publick Occurrences, Both Forreign and Domestick managed just one issue, in 1690, before the Massachusetts authorities closed it down. Harris had suggested a politically incorrect hard line on Indian removal and shocked local sensibilities by reporting that the King of France had been taking liberties with the Prince’s wife. It really was not until 1721, when the printer James Franklin launched the New England Courant, that any of Britain’s North American colonies saw what we might recognize today as a real newspaper. Franklin, Benjamin’s older brother, refused to adhere to customary licensing arrangements and constantly attacked the ruling powers of New England, thereby achieving both editorial independence and commercial success. He filled his paper with crusades (on everything from pirates to the power of Cotton and Increase Mather), literary essays by Addison and Steele, character sketches, and assorted philosophical ruminations. Three centuries after the appearance of Franklin’s Courant, it no longer requires a dystopic imagination to wonder who will have the dubious distinction of publishing America’s last genuine newspaper. Few believe that newspapers in their current printed form will survive. Newspaper companies are losing advertisers, readers, market value, and, in some cases, their sense of mission at a pace that would have been barely 14 imaginable just four years ago. Bill Keller, the executive editor of the Times, said recently in a speech in London, “At places where editors and publishers gather, the mood these days is funereal. Editors ask one another, ‘How are you?,’ in that sober tone one employs with friends who have just emerged from rehab or a messy divorce.” Keller’s speech appeared on the Web site of its sponsor, the Guardian, under the headline “NOT DEAD YET.” Perhaps not, but trends in circulation and advertising––the rise of the Internet, which has made the daily newspaper look slow and unresponsive; the advent of Craigslist, which is wiping out classified advertising––have created a palpable sense of doom. Independent, publicly traded American newspapers have lost forty-two per cent of their market value in the past three years, according to the media entrepreneur Alan Mutter. Few corporations have been punished on Wall Street the way those who dare to invest in the newspaper business have. The McClatchy Company, which was the only company to bid on the Knight Ridder chain when, in 2005, it was put on the auction block, has surrendered more than eighty per cent of its stock value since making the $6.5-billion purchase. Lee Enterprises’ stock is down by three-quarters since it bought out the Pulitzer chain, the same year. America’s most prized journalistic possessions are suddenly looking like corporate millstones. Rather than compete in an era of merciless transformation, the families that owned the Los Angeles Times and the Wall Street Journal sold off the majority of their holdings. The New York Times Company has seen its stock decline by fifty-four per cent since the end of 2004, with much of the loss coming in the past year; in late February, an analyst at Deutsche Bank recommended that clients sell off their Times stock. The Washington Post Company has avoided a similar fate only by rebranding itself an “education and media company”; its testing and prep company, Kaplan, now brings in at least half the company’s revenue. Until recently, newspapers were accustomed to operating as high-margin monopolies. To own the dominant, or only, newspaper in a mid-sized American city was, for many decades, a kind of license to print money. In the Internet age, however, no one has figured out how to rescue the newspaper in the United States or abroad. Newspapers have created Web sites that benefit from the growth of online advertising, but the sums are not nearly enough to replace the loss in revenue from circulation and print ads. Most managers in the industry have reacted to the collapse of their business model with a spiral of budget cuts, bureau closings, buyouts, layoffs, and reductions in page size and column inches. Since 1990, a quarter of all American newspaper jobs have disappeared. The columnist Molly Ivins complained, shortly before her death, that the newspaper companies’ solution to their problem was to make “our product smaller and less helpful and less interesting.” That may help explain why the 15 dwindling number of Americans who buy and read a daily paper are spending less time with it; the average is down to less than fifteen hours a month. Only nineteen per cent of Americans between the ages of eighteen and thirty-four claim even to look at a daily newspaper. The average age of the American newspaper reader is fifty-five and rising. Philip Meyer, in his book “The Vanishing Newspaper” (2004), predicts that the final copy of the final newspaper will appear on somebody’s doorstep one day in 2043. It may be unkind to point out that all these parlous trends coincide with the opening, this spring, of the $450-million Newseum, in Washington, D.C., but, more and more, what Bill Keller calls “that lovable old-fashioned bundle of ink and cellulose” is starting to feel like an artifact ready for display under glass. Taking its place, of course, is the Internet, which is about to pass newspapers as a source of political news for American readers. For young people, and for the most politically engaged, it has already done so. As early as May, 2004, newspapers had become the least preferred source for news among younger people. According to “Abandoning the News,” published by the Carnegie Corporation, thirty-nine per cent of respondents under the age of thirty-five told researchers that they expected to use the Internet in the future for news purposes; just eight per cent said that they would rely on a newspaper. It is a point of ironic injustice, perhaps, that when a reader surfs the Web in search of political news he frequently ends up at a site that is merely aggregating journalistic work that originated in a newspaper, but that fact is not likely to save any newspaper jobs or increase papers’ stock valuation. Among the most significant aspects of the transition from “dead tree” newspapers to a world of digital information lies in the nature of “news” itself. The American newspaper (and the nightly newscast) is designed to appeal to a broad audience, with conflicting values and opinions, by virtue of its commitment to the goal of objectivity. Many newspapers, in their eagerness to demonstrate a sense of balance and impartiality, do not allow reporters to voice their opinions publicly, march in demonstrations, volunteer in political campaigns, wear political buttons, or attach bumper stickers to their cars. In private conversation, reporters and editors concede that objectivity is an ideal, an unreachable horizon, but journalists belong to a remarkably thin-skinned fraternity, and few of them will publicly admit to betraying in print even a trace of bias. They discount the notion that their beliefs could interfere with their ability to report a story with perfect balance. As the venerable “dean” of the Washington press corps, David Broder, of the Post, puts it, “There just isn’t enough ideology in the average reporter to fill a thimble.” 16 Meanwhile, public trust in newspapers has been slipping at least as quickly as the bottom line. A recent study published by Sacred Heart University found that fewer than twenty per cent of Americans said they could believe “all or most” media reporting, a figure that has fallen from more than twenty-seven per cent just five years ago. “Less than one in five believe what they read in print,” the 2007 “State of the News Media” report, issued by the Project for Excellence in Journalism, concluded. “CNN is not really more trusted than Fox, or ABC than NBC. The local paper is not viewed much differently than the New York Times.” Vastly more Americans believe in flying saucers and 9/11 conspiracy theories than believe in the notion of balanced—much less “objective”— mainstream news media. Nearly nine in ten Americans, according to the Sacred Heart study, say that the media consciously seek to influence public policies, though they disagree about whether the bias is liberal or conservative. No less challenging is the rapid transformation that has taken place in the public’s understanding of, and demand for, “news” itself. Rupert Murdoch, in a speech to the American Society of Newspaper Editors, in April, 2005— two years before his five-billion-dollar takeover of Dow Jones & Co. and the Wall Street Journal—warned the industry’s top editors and publishers that the days when “news and information were tightly controlled by a few editors, who deigned to tell us what we could and should know,” were over. No longer would people accept “a godlike figure from above” presenting the news as “gospel.” Today’s consumers “want news on demand, continuously updated. They want a point of view about not just what happened but why it happened. . . . And finally, they want to be able to use the information in a larger community—to talk about, to debate, to question, and even to meet people who think about the world in similar or different ways.” One month after Murdoch’s speech, a thirty-one-year-old computer whiz, Jonah Peretti, and a former A.O.L. executive, Kenneth Lerer, joined the ubiquitous commentator-candidate-activist Arianna Huffington to launch a new Web site, which they called the Huffington Post. First envisaged as a liberal alternative to the Drudge Report, the Huffington Post started out by aggregating political news and gossip; it also organized a group blog, with writers drawn largely from Huffington’s alarmingly vast array of friends and connections. Huffington had accumulated that network during years as a writer on topics from Greek philosophy to the life of Picasso, as the spouse of a wealthy Republican congressman in California, and now, after a divorce and an ideological conversion, as a Los Angeles-based liberal commentator and failed gubernatorial candidate. Almost by accident, however, the owners of the Huffington Post had discovered a formula that capitalized on the problems confronting newspapers in the Internet era, and they are convinced that they are 17 ready to reinvent the American newspaper. “Early on, we saw that the key to this enterprise was not aping Drudge,” Lerer recalls. “It was taking advantage of our community. And the key was to think of what we were doing through the community’s eyes.” On the Huffington Post, Peretti explains, news is not something handed down from above but “a shared enterprise between its producer and its consumer.” Echoing Murdoch, he says that the Internet offers editors “immediate information” about which stories interest readers, provoke comments, are shared with friends, and generate the greatest number of Web searches. An Internet-based news site, Peretti contends, is therefore “alive in a way that is impossible for paper and ink.” Though Huffington has a news staff (it is tiny, but the hope is to expand in the future), the vast majority of the stories that it features originate elsewhere, whether in print, on television, or on someone’s video camera or cell phone. The editors link to whatever they believe to be the best story on a given topic. Then they repurpose it with a catchy, often liberalleaning headline and provide a comment section beneath it, where readers can chime in. Surrounding the news articles are the highly opinionated posts of an apparently endless army of both celebrity (Nora Ephron, Larry David) and non-celebrity bloggers—more than eighteen hundred so far. The bloggers are not paid. The over-all effect may appear chaotic and confusing, but, Lerer argues, “this new way of thinking about, and presenting, the news, is transforming news as much as CNN did thirty years ago.” Arianna Huffington and her partners believe that their model points to where the news business is heading. “People love to talk about the death of newspapers, as if it’s a foregone conclusion. I think that’s ridiculous,” she says. “Traditional media just need to realize that the online world isn’t the enemy. In fact, it’s the thing that will save them, if they fully embrace it.” It’s an almost comically audacious ambition for an operation with only forty-six full-time employees—many of whom are barely old enough to rent a car. But, with about eleven million dollars at its disposal, the site is poised to break even on advertising revenue of somewhere between six and ten million dollars annually. What most impresses advertisers—and depresses newspaper-company executives—is the site’s growth numbers. In the past thirty days, thanks in large measure to the excitement of the Democratic primaries, the site’s “unique visitors”—that is, individual computers that clicked on one of its pages––jumped to more than eleven million, according to the company. And, according to estimates from Nielsen NetRatings and comScore, the Huffington Post is more popular than all but eight newspaper sites, rising from sixteenth place in December. 18 Arthur Miller once described a good newspaper as “a nation talking to itself.” If only in this respect, the Huffington Post is a great newspaper. It is not unusual for a short blog post to inspire a thousand posts from readers—posts that go off in their own directions and lead to arguments and conversations unrelated to the topic that inspired them. Occasionally, these comments present original perspectives and arguments, but many resemble the graffiti on a bathroom wall. The notion that the Huffington Post is somehow going to compete with, much less displace, the best traditional newspapers is arguable on other grounds as well. The site’s original-reporting resources are minuscule. The site has no regular sports or book coverage, and its entertainment section is a trashy grab bag of unverified Internet gossip. And, while the Huffington Post has successfully positioned itself as the place where progressive politicians and Hollywood liberal luminaries post their antiBush Administration sentiments, many of the original blog posts that it publishes do not merit the effort of even a mouse click. Additional oddities abound. Whereas a newspaper tends to stand by its story on the basis of an editorial process in which professional reporters and editors attempt to vet their sources and check their accuracy before publishing, the blogosphere relies on its readership—its community—for quality control. At the Huffington Post, Jonah Peretti explains, the editors “stand behind our front page” and do their best to insure that only trusted bloggers and reliable news sources are posted there. Most posts inside the site, however, go up before an editor sees them. Only if a post is deemed by a reader to be false, defamatory, or offensive does an editor get involved. The Huffington Post’s editorial processes are based on what Peretti has named the “mullet strategy.” (“Business up front, party in the back” is how his trend-spotting site BuzzFeed glosses it.) “User-generated content is all the rage, but most of it totally sucks,” Peretti says. The mullet strategy invites users to “argue and vent on the secondary pages, but professional editors keep the front page looking sharp. The mullet strategy is here to stay, because the best way for Web companies to increase traffic is to let users have control, but the best way to sell advertising is a slick, pretty front page where corporate sponsors can admire their brands.” This policy is hardly without its pitfalls. During the Hurricane Katrina crisis, the activist Randall Robinson referred, in a post, to reports from New Orleans that some people there were “eating corpses to survive.” When Arianna Huffington heard about the post, she got in touch with Robinson and found that he could not support his musings; she asked Robinson to post a retraction. The alacrity with which the correction took place was 19 admirable, but it was not fast enough to prevent the false information from being repeated elsewhere. The tensions between the leaders of the mainstream media and the challengers from the Web were presaged by one of the most instructive and heated intellectual debates of the American twentieth century. Between 1920 and 1925, the young Walter Lippmann published three books investigating the theoretical relationship between democracy and the press, including “Public Opinion” (1922), which is credited with inspiring both the public-relations profession and the academic field of media studies. Lippmann identified a fundamental gap between what we naturally expect from democracy and what we know to be true about people. Democratic theory demands that citizens be knowledgeable about issues and familiar with the individuals put forward to lead them. And, while these assumptions may have been reasonable for the white, male, property-owning classes of James Franklin’s Colonial Boston, contemporary capitalist society had, in Lippmann’s view, grown too big and complex for crucial events to be mastered by the average citizen. Journalism works well, Lippmann wrote, when “it can report the score of a game or a transatlantic flight, or the death of a monarch.” But where the situation is more complicated, “as for example, in the matter of the success of a policy, or the social conditions among a foreign people—that is to say, where the real answer is neither yes or no, but subtle, and a matter of balanced evidence,” journalism “causes no end of derangement, misunderstanding, and even misrepresentation.” Lippmann likened the average American—or “outsider,” as he tellingly named him—to a “deaf spectator in the back row” at a sporting event: “He does not know what is happening, why it is happening, what ought to happen,” and “he lives in a world which he cannot see, does not understand and is unable to direct.” In a description that may strike a familiar chord with anyone who watches cable news or listens to talk radio today, Lippmann assumed a public that “is slow to be aroused and quickly diverted . . . and is interested only when events have been melodramatized as a conflict.” A committed élitist, Lippmann did not see why anyone should find these conclusions shocking. Average citizens are hardly expected to master particle physics or post-structuralism. Why should we expect them to understand the politics of Congress, much less that of the Middle East? Lippmann’s preferred solution was, in essence, to junk democracy entirely. He justified this by arguing that the results were what mattered. Even “if there were a prospect” that people could become sufficiently wellinformed to govern themselves wisely, he wrote, “it is extremely doubtful whether many of us would wish to be bothered.” In his first attempt to 20 consider the issue, in “Liberty and the News” (1920), Lippmann suggested addressing the problem by raising the status of journalism to that of more respected professions. Two years later, in “Public Opinion,” he concluded that journalism could never solve the problem merely by “acting upon everybody for thirty minutes in twenty-four hours.” Instead, in one of the oddest formulations of his long career, Lippmann proposed the creation of “intelligence bureaus,” which would be given access to all the information they needed to judge the government’s actions without concerning themselves much with democratic preferences or public debate. Just what, if any, role the public would play in this process Lippmann never explained. John Dewey termed “Public Opinion” “perhaps the most effective indictment of democracy as currently conceived ever penned,” and he spent much of the next five years countering it. The result, published in 1927, was an extremely tendentious, dense, yet important book, titled “The Public and Its Problems.” Dewey did not dispute Lippmann’s contention regarding journalism’s flaws or the public’s vulnerability to manipulation. But Dewey thought that Lippmann’s cure was worse than the disease. While Lippmann viewed public opinion as little more than the sum of the views of each individual, much like a poll, Dewey saw it more like a focus group. The foundation of democracy to Dewey was less information than conversation. Members of a democratic society needed to cultivate what the journalism scholar James W. Carey, in describing the debate, called “certain vital habits” of democracy—the ability to discuss, deliberate on, and debate various perspectives in a manner that would move it toward consensus. Dewey also criticized Lippmann’s trust in knowledge-based élites. “A class of experts is inevitably so removed from common interests as to become a class with private interests and private knowledge,” he argued. “The man who wears the shoe knows best that it pinches and where it pinches, even if the expert shoemaker is the best judge of how the trouble is to be remedied.” Lippmann and Dewey devoted much of the rest of their lives to addressing the problems they had diagnosed, Lippmann as the archetypal insider pundit and Dewey as the prophet of democratic education. To the degree that posterity can be said to have declared a winner in this argument, the future turned out much closer to Lippmann’s ideal. Dewey’s confidence in democracy rested in significant measure on his “faith in the capacity of human beings for intelligent judgment and action if proper conditions are furnished.” But nothing in his voluminous writings gives the impression that he believed these conditions—which he defined expansively to include democratic schools, factories, voluntary associations, and, particularly, newspapers—were ever met in his lifetime. (Dewey died in 1952, at the age of ninety-two.) 21 The history of the American press demonstrates a tendency toward exactly the kind of professionalization for which Lippmann initially argued. When Lippmann was writing, many newspapers remained committed to the partisan model of the eighteenth- and nineteenth-century American press, in which editors and publishers viewed themselves as appendages of one or another political power or patronage machine and slanted their news offerings accordingly. (Think of Thomas Jefferson and Alexander Hamilton battling each other through their competing newspapers while serving in George Washington’s Cabinet.) The twentieth-century model, in which newspapers strive for political independence and attempt to act as referees between competing parties on behalf of what they perceive to be the public interest, was, in Lippmann’s time, in its infancy. As the profession grew more sophisticated and respected, in part owing to Lippmann’s example, top reporters, anchors, and editors naturally rose in status to the point where some came to be considered the social equals of the senators, Cabinet secretaries, and C.E.O.s they reported on. Just as naturally, these same reporters and editors sometimes came to identify with their subjects, rather than with their readers, as Dewey had predicted. Aside from biennial elections featuring smaller and smaller portions of the electorate, politics increasingly became a business for professionals and a spectator sport for the great unwashed—much as Lippmann had hoped and Dewey had feared. Beyond the publication of the occasional letter to the editor, the role of the reader was defined as purely passive. The Lippmann model received its initial challenge from the political right. Many conservatives regarded the major networks, newspapers, and newsweeklies—the mainstream media—as liberal arbiters, incapable of covering without bias the civil-rights movement in the South or Barry Goldwater’s Presidential campaign. They responded by building think tanks and media outlets designed both to challenge and to bypass the mainstream media. The Reagan revolution, which brought conservatives to power in Washington, had its roots not only in the candidate’s personal appeal as a “great communicator” but in a decades-long campaign of ideological spadework undertaken in magazines such as William F. Buckley, Jr.,’s National Review and Norman Podhoretz’s Commentary and in the pugnacious editorial pages of the Wall Street Journal, edited for three decades by Robert Bartley. The rise of what has come to be known as the conservative “counter-establishment” and, later, of media phenomena such as Rush Limbaugh, on talk radio, and Bill O’Reilly, on cable television, can be viewed in terms of a Deweyan community attempting to seize the reins of democratic authority and information from a Lippmann-like élite. 22 A liberal version of the Deweyan community took longer to form, in part because it took liberals longer to find fault with the media. Until the late nineteen-seventies, many in the mainstream media did, in fact, exhibit the “liberal bias” with which conservatives continue to charge them, regarding their unquestioned belief both in a strong, activist government and in its moral responsibility to insure the expansion of rights to women and to ethnic and racial minorities. But a concerted effort to recruit pundits from the new conservative counter-establishment, coupled with investment by wealthy right-wing activists and businessmen in an interlocking web of counter-establishment think tanks, pressure groups, periodicals, radio stations, and television networks, operated as a kind of rightward gravitational pull on the mainstream’s reporting and helped to create a far more sympathetic context for conservative candidates than Goldwater supporters could have imagined. Duncan Black, a former economics professor who writes a popular progressive blog under the name Atrios, explains that he, too, believed in what he calls “the myth of the liberal media.” He goes on, “But watching the press’s collective behavior during the Clinton impeachment saga, the Gore campaign, the post-9/11 era, the run-up to the Iraq war, and the Bush Administration’s absurd and dangerous claims of executive power rendered such a belief absurd. Sixty-five per cent of the American public disapproves of the Bush Administration, but that perspective, even now, has very little representation anywhere in the mainstream media.” The birth of the liberal blogosphere, with its ability to bypass the big media institutions and conduct conversations within a like-minded community, represents a revival of the Deweyan challenge to our Lippmann-like understanding of what constitutes “news” and, in doing so, might seem to revive the philosopher’s notion of a genuinely democratic discourse. The Web provides a powerful platform that enables the creation of communities; distribution is frictionless, swift, and cheap. The old democratic model was a nation of New England towns filled with wellmeaning, well-informed yeoman farmers. Thanks to the Web, we can all join in a Deweyan debate on Presidents, policies, and proposals. All that’s necessary is a decent Internet connection. What put the Huffington Post on the map was a series of pieces during the summer and autumn of 2005, in which Arianna Huffington relentlessly attacked the military and foreign-affairs reporting of the Times’ Judith Miller. Huffington was fed by a steady stream of leaks and suggestions from Times editors and reporters, even though much of the newspaper world considered her journalistic credentials highly questionable. The Huffington Post was hardly the first Web site to stumble on the technique of leveraging the knowledge of its readers to challenge the mainstream media narrative. For example, conservative bloggers at sites 23 like Little Green Footballs took pleasure in helping to bring down Dan Rather after he broadcast dubious documents allegedly showing that George W. Bush had received special treatment during his service in the Texas Air National Guard. Long before the conservatives forced out Dan Rather, a liberal freelance journalist named Joshua Micah Marshall had begun a site, called Talking Points Memo, intended to take stories well beyond where mainstream newspapers had taken them, often by relying on the voluntary research and well-timed leaks of an avid readership. His site, begun during the 2000 Florida-recount controversy, ultimately spawned several related sites, which are collectively known as TPM Media, and which are financed through a combination of reader donations and advertising. In the admiring judgment of the Columbia Journalism Review, Talking Points Memo “was almost single-handedly responsible for bringing the story of the fired U.S. Attorneys to a boil,” a scandal that ultimately ended with the resignation of Attorney General Alberto Gonzales and a George Polk Award for Marshall, the first ever for a blogger. Talking Points Memo also played a lead role in defeating the Bush Social Security plan and in highlighting Trent Lott’s praise for Strom Thurmond’s 1948 segregationist Presidential campaign. Lott was eventually forced to step down as Senate Majority Leader. According to Marshall, “the collaborative aspect” of his site “came about entirely by accident.” His original intention was merely to offer his readers “transparency,” so that his “strong viewpoint” would be distinguishable from the facts that he presented. Over time, however, he found that the enormous response that his work engendered offered access to “a huge amount of valuable information”––information that was not always available to mainstream reporters, who tended to deal largely with what Marshall terms “professional sources.” During the Katrina crisis, for example, Marshall discovered that some of his readers worked in the federal government’s climate-and-weather-tracking infrastructure. They provided him and the site with reliable reporting available nowhere else. Marshall’s undeniable achievement notwithstanding, traditional newspaper men and women tend to be unimpressed by the style of journalism practiced at the political Web sites. Operating on the basis of a Lippmannlike reverence for inside knowledge and contempt for those who lack it, many view these sites the way serious fiction authors might view the “novels” tapped out by Japanese commuters on their cell phones. Real reporting, especially the investigative kind, is expensive, they remind us. Aggregation and opinion are cheap. And it is true: no Web site spends anything remotely like what the best newspapers do on reporting. Even after the latest round of new cutbacks and buyouts are carried out, the Times will retain a core of more than 24 twelve hundred newsroom employees, or approximately fifty times as many as the Huffington Post. The Washington Post and the Los Angeles Times maintain between eight hundred and nine hundred editorial employees each. The Times’ Baghdad bureau alone costs around three million dollars a year to maintain. And while the Huffington Post shares the benefit of these investments, it shoulders none of the costs. Despite the many failures at newspapers, the vast majority of reporters and editors have devoted years, even decades, to understanding the subjects of their stories. It is hard to name any bloggers who can match the professional expertise, and the reporting, of, for example, the Post ’s Barton Gellman and Dana Priest, or the Times’ Dexter Filkins and Alissa Rubin. In October, 2005, at an advertisers’ conference in Phoenix, Bill Keller complained that bloggers merely “recycle and chew on the news,” contrasting that with the Times’ emphasis on what he called “a ‘journalism of verification,’ ” rather than mere “assertion.” “Bloggers are not chewing on the news. They are spitting it out,” Arianna Huffington protested in a Huffington Post blog. Like most liberal bloggers, she takes exception to the assumption by so many traditional journalists that their work is superior to that of bloggers when it comes to ferreting out the truth. The ability of bloggers to find the flaws in the mainstream media’s reporting of the Iraq war “highlighted the absurdity of the knee jerk comparison of the relative credibility of the so-called MSM and the blogosphere,” she said, and went on, “In the run-up to the Iraq war, many in the mainstream media, including the New York Times, lost their veneer of unassailable trustworthiness for many readers and viewers, and it became clear that new media sources could be trusted—and indeed are often much quicker at correcting mistakes than old media sources.” But Huffington fails to address the parasitical relationship that virtually all Internet news sites and blog commentators enjoy with newspapers. The Huffington Post made a gesture in the direction of original reporting and professionalism last year when it hired Thomas Edsall, a forty-year veteran of the Washington Post and other papers, as its political editor. At the time he was approached by the Huffington Post, Edsall said, he felt that the Post had become “increasingly driven by fear—the fear of declining readership, the fear of losing advertisers, the fear of diminishing revenues, the fear of being swamped by the Internet, the fear of irrelevance. Fear drove the paper, from top to bottom, to corrupt the entire news operation.” Joining the Huffington Post, Edsall said, was akin to “getting out of jail,” and he has written, ever since, with a sense of liberation. But such examples are rare. 25 And so even if one agrees with all of Huffington’s jabs at the Times, and Edsall’s critique of the Washington Post, it is impossible not to wonder what will become of not just news but democracy itself, in a world in which we can no longer depend on newspapers to invest their unmatched resources and professional pride in helping the rest of us to learn, however imperfectly, what we need to know. In a recent episode of “The Simpsons,” a cartoon version of Dan Rather introduced a debate panel featuring “Ron Lehar, a print journalist from the Washington Post.” This inspired Bart’s nemesis Nelson to shout, “Haw haw! Your medium is dying!” “Nelson!” Principal Skinner admonished the boy. “But it is!” was the young man’s reply. Nelson is right. Newspapers are dying; the evidence of diminishment in economic vitality, editorial quality, depth, personnel, and the over-all number of papers is everywhere. What this portends for the future is complicated. Three years ago, Rupert Murdoch warned newspaper editors, “Many of us have been remarkably, unaccountably complacent . . . quietly hoping that this thing called the digital revolution would just limp along.” Today, almost all serious newspapers are scrambling to adapt themselves to the technological and community-building opportunities offered by digital news delivery, including individual blogs, video reports, and “chat” opportunities for readers. Some, like the Times and the Post, will likely survive this moment of technological transformation in different form, cutting staff while increasing their depth and presence online. Others will seek to focus themselves locally. Newspaper editors now say that they “get it.” Yet traditional journalists are blinkered by their emotional investment in their Lippmann-like status as insiders. They tend to dismiss not only most blogosphere-based criticisms but also the messy democratic ferment from which these criticisms emanate. The Chicago Tribune recently felt compelled to shut down comment boards on its Web site for all political news stories. Its public editor, Timothy J. McNulty, complained, not without reason, that “the boards were beginning to read like a community of foul-mouthed bigots.” Arianna Huffington, for her part, believes that the online and the print newspaper model are beginning to converge: “As advertising dollars continue to move online—as they slowly but certainly are—HuffPost will be adding more and more reporting and the Times and Post model will continue with the kinds of reporting they do, but they’ll do more of it originally online.” She predicts “more vigorous reporting in the future that will include distributed journalism—wisdom-of-the-crowd reporting of the kind that was responsible for the exposing of the Attorneys General firing scandal.” As for what may be lost in this transition, she is untroubled: “A 26 lot of reporting now is just piling on the conventional wisdom—with important stories dying on the front page of the New York Times.” The survivors among the big newspapers will not be without support from the nonprofit sector. ProPublica, funded by the liberal billionaires Herb and Marion Sandler and headed by the former Wall Street Journal managing editor Paul Steiger, hopes to provide the mainstream media with the investigative reporting that so many have chosen to forgo. The Center for Independent Media, headed by David Bennahum, a former writer at Wired, recently hired Jefferson Morley, from the Washington Post, and Allison Silver, a former editor at both the Los Angeles Times and the New York Times, to oversee a Web site called the Washington Independent. It’s one of a family of news-blogging sites meant to pick up some of the slack left by declining staffs in local and Washington reporting, with the hope of expanding everywhere. But to imagine that philanthropy can fill all the gaps arising from journalistic cutbacks is wishful thinking. And so we are about to enter a fractured, chaotic world of news, characterized by superior community conversation but a decidedly diminished level of first-rate journalism. The transformation of newspapers from enterprises devoted to objective reporting to a cluster of communities, each engaged in its own kind of “news”––and each with its own set of “truths” upon which to base debate and discussion––will mean the loss of a single national narrative and agreed-upon set of “facts” by which to conduct our politics. News will become increasingly “red” or “blue.” This is not utterly new. Before Adolph Ochs took over the Times, in 1896, and issued his famous “without fear or favor” declaration, the American scene was dominated by brazenly partisan newspapers. And the news cultures of many European nations long ago embraced the notion of competing narratives for different political communities, with individual newspapers reflecting the views of each faction. It may not be entirely coincidental that these nations enjoy a level of political engagement that dwarfs that of the United States. The transformation will also engender serious losses. By providing what Bill Keller, of the Times, calls the “serendipitous encounters that are hard to replicate in the quicker, reader-driven format of a Web site”—a difference that he compares to that “between a clock and a calendar”— newspapers have helped to define the meaning of America to its citizens. To choose one date at random, on the morning of Monday, February 11th, I picked up the paper-and-ink New York Times on my doorstep, and, in addition to the stories one could have found anywhere—Obama defeating Clinton again and the Bush Administration’s decision to seek the death penalty for six Guantánamo detainees—the front page featured a unique combination of articles, stories that might disappear from our collective consciousness were there no longer any institution to generate and publish them. These included a report from Nairobi, by Jeffrey Gettleman, 27 on the effect of Kenya’s ethnic violence on the country’s middle class; a dispatch from Doha, by Tamar Lewin, on the growth of American university campuses in Qatar; and, in a scoop that was featured on the Huffington Post’s politics page and excited much of the blogosphere that day, a story, by Michael R. Gordon, about the existence of a study by the RAND Corporation which offered a harsh critique of the Bush Administration’s performance in Iraq. The juxtaposition of these disparate topics forms both a baseline of knowledge for the paper’s readers and a picture of the world they inhabit. In “Imagined Communities” (1983), an influential book on the origins of nationalism, the political scientist Benedict Anderson recalls Hegel’s comparison of the ritual of the morning paper to that of morning prayer: “Each communicant is well aware that the ceremony he performs is being replicated simultaneously by thousands (or millions) of others of whose existence he is confident, yet of whose identity he has not the slightest notion.” It is at least partially through the “imagined community” of the daily newspaper, Anderson writes, that nations are forged. Finally, we need to consider what will become of those people, both at home and abroad, who depend on such journalistic enterprises to keep them safe from various forms of torture, oppression, and injustice. “People do awful things to each other,” the veteran war photographer George Guthrie says in “Night and Day,” Tom Stoppard’s 1978 play about foreign correspondents. “But it’s worse in places where everybody is kept in the dark.” Ever since James Franklin’s New England Courant started coming off the presses, the daily newspaper, more than any other medium, has provided the information that the nation needed if it was to be kept out of “the dark.” Just how an Internet-based news culture can spread the kind of “light” that is necessary to prevent terrible things, without the armies of reporters and photographers that newspapers have traditionally employed, is a question that even the most ardent democrat in John Dewey’s tradition may not wish to see answered. 8) Livre : le numérique à l'assaut de l'édition (Les Echos, 13 mars 2008) Les éditeurs ne savent pas encore précisément quand le marché décollera. Mais tous se préparent activement à l'arrivée du numérique. Après les industries musicale et cinématographique, c'est l'ensemble de la chaîne du livre qui va devoir s'adapter à la dématérialisation des contenus. Simple évolution ? Ou plus probablement révolution ? Cette industrie, dont les acteurs se retrouvent à partir de demain au Salon du livre de Paris, va devoir trouver de nouveaux modèles. 28 Le jour de son lancement aux Etats-Unis, le 19 novembre 2007, le lecteur de livres numériques d'Amazon, baptisé « Kindle », a été épuisé en quelques heures. L'effet de curiosité pour la petite machine blanche capable d'emmagasiner l'équivalent d'une bibliothèque de 200 livres a joué à plein. Ce d'autant que, sur Amazon.com, des milliers de titres étaient prêts à être téléchargés. Pour l'instant, l'américain se montre peu disert au sujet des chiffres de vente de son Kindle. Et, en apparence, le marché n'a pas changé en profondeur... Mais toute l'édition mondiale se prépare désormais d'arrache-pied à l'émergence du livre dématérialisé. Aux yeux des différents maillons de la chaîne, le moment où le lecteur découvrira sur une tablette électronique le dernier Michael Connelly se rapproche... Nouvelle concurrence pour les libraires L'avenir s'annonce plutôt sombre pour la librairie en France. La Toile est en effet en train de s'imposer comme un acteur majeur dans le circuit de la distribution de livres. En 2007, sa part de marché est estimée à 5 %. Mais, avec un taux moyen de progression supérieur à 25 % par an, la vente en ligne d'ouvrages devrait très vite s'approcher du niveau atteint aux Etats-Unis, soit 12 %. Les grands gagnants ? Pour l'instant, l'américain Amazon, Fnac.com ou Alapage, filiale de France Télécom. Les libraires, en revanche, risquent à terme de se retrouver affaiblis par cette concurrence nouvelle, qui empiète sur leur territoire et commence à utiliser leur arme de prédilection, le conseil. Ainsi, grâce à des algorithmes puissants, un site comme Amazon.fr indique-t-il désormais lui aussi au lecteur de « L'Elégance du hérisson », de Muriel Barbery, d'autres romans susceptibles de lui plaire. Autre défi pour la librairie : l'arrivée du livre téléchargeable. Sur ce marché également, de nouveaux acteurs ont commencé à s'installer. Mobipocket, la librairie en ligne d'Amazon, Cyberlibris ou Numilog. Pour ne rien arranger, avec la dématérialisation, les libraires risquent de perdre l'une de leur principale protection : la loi Lang sur le prix unique du livre. En effet, elle ne s'applique pas aux supports numériques. Sur Numilog, par exemple, on peut télécharger « Le Théâtre des opérations », de Maurice Dantec, pour 6,40 euros, soit 12,66 euros de moins que son prix dans la collection blanche de Gallimard. Et pourtant, le taux de TVA est de 19,6 % pour le fichier numérique, contre 5,5 % pour le livre papier. La Commission sur le livre numérique confiée par la ministre de la Culture, Christine Albanel, à Bruno Patino, président du Monde interactif, devra sans doute dire s'il convient ou non de légiférer pour harmoniser les régimes du livre papier et du livre dématérialisé. Face au nouveau paysage qui s'esquisse, les libraires cherchent à organiser une riposte. Avec quelles chances de succès ? Aux Etats-Unis, la chaîne Barnes and Noble vend désormais des livres papier et des livres dématérialisés... 29 L'offre gratuite des bibliothèques virtuelles Grâce aux bibliothèques numériques, l'internaute aura bientôt accès gratuitement aux millions d'oeuvres tombées dans le domaine public, à savoir celles dont les auteurs sont morts depuis plus de soixante-dix ans. « Le numérique affranchit de la contrainte physique. Depuis Valparaiso, par exemple, il sera possible de consulter tous les textes libres de droits de la Bibliothèque nationale de France », reconnaît Bruno Racine, le président de la BNF. L'énorme trafic qu'une telle disponibilité est susceptible de générer a donné des idées à des géants comme Microsoft ou le moteur de recherche Google. Face au comportement mercenaire de ce dernier, qui scanne sans autorisation des textes protégés, les éditeurs sont allés en justice. Pour le reste, ils évaluent mal encore l'impact sur les ventes de classiques de toute cette offre dématérialisée et gratuite. D'un clic, « Les Mémoires d'outre-tombe », de Chateaubriand, « La Chartreuse de Parme », de Stendhal, ou « Les Essais », de Montaigne, pourront être téléchargés dans leur intégralité. « Les éditions récentes de ces textes, annotés et commentés, elles, ne seront pas accessibles gratuitement », relativise Bruno Racine. Sans attendre, ce dernier avance ses pions pour bâtir Gallica 2, une bibliothèque virtuelle proposant à la fois le fonds numérisé de la BNF et des oeuvres d'éditeurs encore sous droits. Les plus grands noms français de la profession ont accepté de participer à l'expérience, qui va être menée pendant un an, et au travers de laquelle un internaute pourra accéder, moyennant finances, à des textes protégés. Pour les quelque 2.000 à 3.000 titres qui seront apportés par les éditeurs, tous les modèles existants, de la vente à la location, seront proposés. Un test qui permettra de mesurer l'attractivité de cette offre nouvelle. Des ouvrages imprimés à la demande Pour les éditeurs, c'est le premier grand changement annoncé : bouleversant toutes les techniques traditionnelles, le numérique va favoriser le développement de l'impression à la demande. Une véritable innovation grâce à laquelle les maisons pourront exploiter les livres de leur fonds sans limite dans le temps. Jusqu'à présent, un éditeur n'avait pas intérêt financièrement à réimprimer un ouvrage s'il n'était pas certain d'écouler dans un délai raisonnable l'intégralité du tirage, soit entre 1.500 et 2.000 exemplaires. De ce fait, des milliers d'ouvrages n'ont jamais été réédités. « Au risque pour l'éditeur de perdre les droits sur l'ouvrage «de jure» », explique l'un d'entre eux. Avec des prix en baisse régulière, l'impression à la demande va remédier à cette situation. Le public devrait y trouver son compte : le lecteur de Marcel Jouhandeau, qui, s'il voulait avoir une chance de mettre la main sur les « Journaliers », épuisé dans le commerce, devait s'en remettre aux bouquinistes ou à des sites spécialisés dans les livres introuvables, sera désormais assuré de se le 30 procurer, neuf qui plus est. La notion même de rupture de stock disparaîtra. Les auteurs devraient en être les grands bénéficiaires, puisque leurs titres se vendront beaucoup plus longtemps. En revanche, les sites spécialisés dans les livres épuisés risquent de souffrir de cette évolution. Seule ombre au tableau pour les maisons qui ont pignon sur rue : avec le développement de l'impression à la demande, le secteur de l'autoédition va prospérer. La Toile a déjà suscité de multiples initiatives. Emblématique, le site Lulu.com a réservé cette année un espace au Salon du livre de Paris. « Avec 80.000 manuscrits publiés en 2007 en France, nous sommes devenus les premiers éditeurs français », claironne son PDG fondateur, Bob Young. Le marketing migre sur Internet Pour toutes les maisons de Saint-Germain-des-Prés, la Toile est devenue l'un des lieux où promouvoir un ouvrage, un auteur. Depuis plusieurs années déjà, Internet capte une partie de la vie littéraire. Entre les blogs outils modernes de la critique -, les clubs de lecture virtuels et les revues spécialisées, un espace culturel nouveau s'est développé dans lequel se sont engouffrés les éditeurs. « Une partie de nos dépenses de promotion et de marketing a migré vers le Net », reconnaît Stéphanie Van Duin, directrice de la stratégie et du développement d'Hachette Livre. Des sites comme Babelio, le réseau social destiné aux amateurs de littératures en tous genres, alimentent le « buzz » sur Internet. Et se révèlent de puissants générateurs de trafic pour les sites officiels des éditeurs. Toutes les maisons en possèdent désormais un. Elles y présentent leurs nouveautés, y publient des interviews de leurs auteurs, quand elles ne renvoient pas vers leurs sites. La plupart des « plumes » d'Albin Michel ont ainsi créé leur espace sur le Net, qui le plus souvent permet à l'internaute d'engager un dialogue avec eux. Par ailleurs, le « teasing » sur la Toile est couramment utilisé lors du lancement d'un ouvrage. Ou, plus simplement, pour faire découvrir un livre. Sur le Web de la collection Pocket (groupe Editis), on peut ainsi lire gratuitement le premier chapitre du roman « L'Art de la joie », de Goliarda Sapienza. Un avant-goût qui doit inciter l'internaute à passer à l'étape suivante : la commande d'un clic chez l'un des cyberlibraires référencés par le site. Les éditeurs en voie de conversion Le numérique a déjà fait des ravages dans au moins un secteur de l'édition française, les encyclopédies. Gratuite, l'encyclopédie en ligne Wikipédia a balayé des marques aussi connues qu'Universalis ou le Quid. Même le célèbre Petit Larousse s'interroge sur son avenir. Heureusement, les effets de la dématérialisation ne sont pas aussi dévastateurs pour tous les pans du marché. L'édition médicale et juridique ainsi que le livre technique et scientifique, grâce à d'importants efforts d'adaptation, ont 31 mieux négocié leur virage. Ils proposent désormais des contenus numériques. Et le passage au Net s'accompagne de nouvelles formes de rémunérations : vente d'ouvrages à l'unité, à la page, formules d'abonnement, etc. Enfin, de leur côté, les livres scolaires et universitaires ont commencé à migrer sur le Net. N'empêche, même chez les grands éditeurs américains tels Harper & Collins ou Random House, le chiffre d'affaires réalisé avec des contenus dématérialisés est marginal : moins de 1 % pour l'instant. En France, l'existence de centaines de milliers de titres disponibles sous forme numérique n'a pas jusqu'ici créé un marché. A un horizon mal défini encore, la percée du livre téléchargeable paraît pourtant inévitable. Des domaines comme les ouvrages pratiques (livres de cuisine, de bricolage), les guides touristiques, mais aussi la bande dessinée, que les Japonais et les Coréens dévorent déjà sur téléphone mobile, n'y échapperont pas. « Une des grandes difficultés est de faire payer pour tous ces contenus », reconnaît Stéphanie Van Duin. Restent la littérature, le livre pour la jeunesse ou les essais qui, ensemble, représentent un bon tiers du chiffre d'affaires de l'édition tricolore. Un jour, les amoureux du papier se convertiront-ils à l'écran pour lire Patricia Cornwell ou Simone Veil ? Aux Etats-Unis, Amazon fait ce pari et propose près de 100.000 livres à télécharger à des prix variant de 80 cents pour une pièce de théâtre à quelques dollars pour des classiques de la littérature, et jusqu'à 10 dollars pour un best-seller récent ! Encore sceptiques il y a deux ans, les acteurs du marché hexagonal se préparent à ce bouleversement, convaincus que l'échéance se rapproche. « Le livre numérique décollera le jour où un support de lecture convaincant aura émergé sur le marché », pronostique Gilles Haéri, chez Flammarion. Dans une belle unanimité, les éditeurs estiment que le livre numérique ne supprimera pas le papier. En revanche, son arrivée va obliger les maisons à une grande créativité pour inventer des formats nouveaux : ouvrages avec bonus, comme pour les DVD, formats courts, etc. Trois menaces pour l'industrie Le sujet est tabou, ou presque, mais chacun y pense. La dématérialisation du livre risque de bousculer l'économie des éditeurs français. Trois menaces pèsent sur eux. Première d'entre elles : la déstabilisation de la distribution. Les grands groupes sont tous à la tête d'importantes platesformes de distribution, très rentables - c'est par exemple plus de 35 % de la marge opérationnelle d'Editis -, car elles perçoivent des commissions sur l'acheminement du livre en librairie, et sur son retour en cas de mévente. Or, avec le livre dématérialisé, il n'y a plus de stockage ni de transport. D'où un manque à gagner prévisible pour les éditeurs. Il faudra cependant des distributeurs numériques pour assurer la gestion des 32 fichiers. Un des enjeux est de savoir qui gérera la relation avec le client : l'éditeur ? Le libraire ? Le fournisseur de technologie ? Deuxième menace : le piratage. Dès lors que le marché du livre numérique existera bel et bien, le fléau du téléchargement illicite sera inévitable, quels que soient les systèmes de protection imaginés. Avec, à la clef, une perte de chiffre d'affaires pour les maisons. Enfin, troisième menace pour les éditeurs : le brouillage de la relation avec les auteurs. A court terme, l'objectif est de clarifier à qui appartiennent les droits numériques des oeuvres publiées sous forme papier. Sont-ils propriété à parité de l'auteur et de l'éditeur, ou seulement celle de l'auteur ? Les deux écoles s'affrontent. Autre sujet à venir : sur quelles bases les auteurs des oeuvres écrites collectivement (les manuels scolaires, par exemple) seront-ils rémunérés ? Ces questions sont d'autant plus sensibles que l'édition française veut éviter à tout prix le scénario du pire : celui où des écrivains à succès décideraient un beau jour de se passer d'éditeur pour publier directement leurs textes sur la Toile... 9) Texte sur écran (Courrier International, 13 mars 2008) Après le cinéma, la photographie et la musique, est-ce au tour du livre d’entrer dans la révolution numérique ? L’usage d’Internet et des nouvelles technologies oblige à repenser les pratiques d’écriture, d’édition et de lecture. C’est l’objet de notre dossier. Des écrivains débutants n’ayant pas la moindre chance d’être publiés trouvent désormais leur public sur le Net et finissent souvent par attirer l’attention des éditeurs par ce biais. Quant aux romanciers reconnus, ils sont toujours plus nombreux- à l’instar de la Prix Nobel Elfriede Jelinek – à investir le web pour en explorer les possibilités de création et d’interaction avec les lecteurs, posant les jalons d’une « littérature numérique ». Grâce aux progrès de l’encre électronique, de nouveaux appareils de lecture portables enfin en mesure de concurrencer le papier ont vu le jour ces derniers mois. La tablette Kindle, lancée en novembre 2007 aux EtatsUnis par la librairie en ligne Amazon – qui en a vendu près de 10 000 exemplaires-, est aujourd’hui en rupture de stock. Et, au Japon, la lecture sur écran est à l’origine d’un des phénomènes culturels les plus étonnants de ces dernières années, le keitai shosetsu, roman écrit et diffusé sur téléphone portable. Bonne lecture. La fin du livre n’est pas pour demain Blogs, papier électronique, librairies en ligne, impression à la demande… Autant de nouveautés qui bouleversent l’économie du livre et modifient les rapports entre ses principaux acteurs. 33 D’aussi loin que s’en souviennent les observateurs du fait littéraire, il y a toujours eu des Cassandre pour prédire la fin du livre : la radio allait supplanter la lecture ; ensuite ce fut le cinéma, puis la télévision, et les jeux vidéo. Aujourd’hui, nous dit-on, c’est l’objet livre lui-même qui est appelé à sombrer dans l’obsolescence. Mais le livre se d ébat comme un beau diable. Les ventes continuent de progresser. Certains ouvrages (la série Harry Potter, les autobiographies de célébrités) battent même records. Et, la fiction littéraire, ce genre qu’on dit démodé et élitiste continue de trouver un vaste électorat. Cette résilience du livre n’est guère surprenante au vu des avantages qu’il présente comme moyen de divertissement : on peut l’emporter avec soi, le lire au lit, feuilleter ses pages dans tous les sens, sans avoir à se soucier d’une batterie qui se décharge ou d’une défaillance électronique. On s’intéresse moins, en revanche, au livre comme source d’information. Dans ce domaine, les nouvelles technologies ont une incidence considérable sur les modèles traditionnels de l’édition. Les ventes de dictionnaires et de guides pratiques ont chuté de 40 % depuis 2003, et la demande faiblit également pour les cartes, atlas et encyclopédies. Dans le secteur encore moins glamour de l’édition scientifique et technique, la révolution technologique est d’ores et déjà en marche. Les ventes électroniques du groupe d’édition professionnelle Reed Elsevier ont atteint 3,7 milliards de dollars en 2006. « En 2000, explique son PDG Crispi Davis au quotidien The Times, Reed Elsevier était avant tout un éditeur papier, qui fournissait du contenu par le biais de livres, de revues et de magazines. En 2004, nous étions déjà largement passés à la diffusion en ligne de ces mêmes contenus. » On comprend aisément pourquoi les ouvrages professionnels et de référence se prêtent bien à la diffusion numérique et pas le dernier roman D’Ian McEwan ( du moins dans l’état actuel des choses). En octobre 2006, Sony a lancé en fanfare son Reader, le lecteur de livres électroniques, le plus avancé du moment. Il repose sur la technologie de l’encre et du papier électroniques, qui offre un plus grand confort de lecture que les écrans normaux rétro éclairés ; il peut stocker des centaines d’ouvrages et a une longue autonomie. En novembre 2007, la librairie en ligne Amazon a lancé à son tour aux Etats-Unis son propre appareil de lecture, le Kindle. Pour l’instant leurs ventes restent modestes mais, avec le temps, ces appareils de lecture vont se perfectionner et seront de plus en plus prisés, et il est plus que probable que les lecteurs du futur trouveront tout naturel de lire sur un écran. Au Japon, il y a des auteurs spécialisés dans la fiction à lire sur les téléphones portables. Un roman écrit sous le nom de plume de Chaco a ainsi été téléchargé plus d’un million de fois. Ces expériences devraient toutefois rester un phénomène éditorial marginal encore quelque temps. Si les nouvelles technologies ne bouleversent pas encore nos habitudes de lecture, elles transforment déjà le secteur qui y pourvoit. La manifestation 34 la plus visible en est la croissance du commerce électronique de livres. Amazon représente aujourd’hui 10 % des ventes de livres en GrandeBretagne. Ce site propose un nombre de titres comme personne n’en a jamais proposé. Il a aussi, avec la grande distribution (dont les ventes de livres ont progressé de 70 % entre 2003 et 2007), fait perdre des ventes aux chaînes et aux librairies indépendantes. Et, toujours avec les supermarchés, il a contribué à l’essor d’une culture de prix réduit qui creuse l’écart entre le nombre record d’exemplaires vendus par les bestsellers et celui de titres dit de « midlist », qui mettent plus de temps à trouver un public. Le chiffre d’affaires colossal que génèrent ces livres à prix réduit a accentué la concurrence pour en acheter les droits et les commercialiser. Cela s’est traduit par une concentration du secteur, qui a rendu la concurrence plus rude encore. Aujourd’hui, seuls les plus gros éditeurs peuvent débourser les avances qu’il faut verser pour ces titres et se payer les budgets de marketing qui vont avec ; et seuls les plus gros distributeurs peuvent se permettre de pratiquer les rabais auxquels le consommateur s’attend désormais. Ces distributeurs sont Amazon et les supermarchés. La chaîne de librairies américaine Borders a ainsi annoncé début 2007 qu’elle mettait en vente ses magasins au Royaume-Uni, et même Waterstone’s, le plus grand libraire britannique spécialisé, commence à faire grise mine. Mais, dans le secteur de l’édition, chaque tendance (ou presque) s’accompagne d’une autre qui la contrebalance. Tandis que le secteur poursuit sa concentration, l’optimisme prévaut chez des éditeurs indépendants et dynamiques comme Atlantic Books et Profile Books, convaincus de pouvoir proposer des titres dont les géants de l’édition ne font aucun cas, obnubilés comme ils le sont par le marché de masse. Et même si nombre de libraires indépendants ont mis la clé sous la porte, beaucoup d’autres n’ont pas de souci à se faire. Le progrès technologique donne lieu à un phénomène semblable. Si les coûts d’édition d’auteurs comme Dawn French (actrice comique très célèbre en Grande-Bretagne) s’envolent (l’éditeur Random House aurait payé 2 millions de libres 2,64 millions d’euros pour publier ses mémoires a paraître cette année), diffuser un livre ne coûte en revanche presque plus rien. Il fut un temps où ceux qui aspiraient à devenir écrivains et qui ne trouvaient pas d’éditeur devaient débourser jusqu'à 6 000 livres (un peu moins de 8000 euros) pour publier à compte d’auteur ; aujourd’hui, ils peuvent mettre leur texte sur Lulu.com, site spécialisé dans l’autoédition en ligne, et cela ne leur coûte pas un sou. Et, grâce au numérique, les coûts d’impression et de reliure ont eux aussi chuté. Par ailleurs, des sites comme MySpace ou YouTube offrent un moyen de faire de la promotion à moindre coût, comme s’en sont rendu compte les gros éditeurs. La biographie Kate Williams évoquait ainsi dernièrement ses prouesses sur MySpace, où elle échange avec ses lecteurs potentiels à la fois sous sa propre identité et sous celle de Lady Emma Hamilton (la 35 maîtresse de l’amiral Nelson), à qui elle a consacré son livre England’s Mistress. Dans la même veine, un clip faisait la promotion de Quirkology, le livre du psychologue britannique Richard Wiseman, s’est classé en 2007 parmi les vidéos les plus regardées sur YouTube. Et puis, il y a bien sûr le blog, la forme d’autoédition la plus en vogue. Si certains lui reprochent d’être souvent un moyen de plus pour empêcher les auteurs de gagner de l’argent, il arrive aussi qu’il débouche sur la signature d’un contrat d’édition. L’éditeur The Friday Project est ainsi spécialisé dans les livres tirés de textes publiés en ligne, et certaines blogueuses très lues, comme Petite Anglaise, Wife in the North et Belle de Jour, se sont vu verser des avances conséquentes par des éditeurs traditionnels. Mais il y a plus significatif que ces signatures de contrats : c’est l’effet qu’ont sur la culture littéraire les blogs et autres formes de commentaires sur Internet. Le discours culturel n’est plus élaboré exclusivement par un petit groupe de critiques professionnels et d’auteurs écrivant dans les quotidiens et les revues ; d’autres acteurs exercent désormais une influence. Les rubriques littéraires n’en ont pas encore pris acte. Ainsi, quotidiens et revues se sont largement fait l’écho de la biographie récente d’Edith Warton par Hermione Lee. À juste titre, car il s’agit d’un ouvrage important. Mais il ne s’est probablement pas vendu à plus de quelques milliers d’exemplaires. Le marché dictant sa loi dans l’édition comme partout ailleurs, pendant combien de temps encore le contenu des pages littéraires pourra - t - il être si peu en phase avec ce qui se vend ? Sans compter que ces lecteurs qui souhaitent lire des critiques éclectiques et écrites de façon plus accessible sont aussi ceux que les journaux courtisent à coups de clubs du livre et invitent à poster des commentaires en ligne. Le passage à une critique littéraire moins élitiste semble inéluctable. La numérisation de l’écrit est la plus grande révolution à l’oeuvre dans l’édition, mais pas tant parce qu’elle permet la lecture à l’écran. À l’heure actuelle, environ 150 000 nouveaux titres paraissent chaque année en Grande-Bretagne, et ce chiffre est en progression. Beaucoup de ces ouvrages ne sont destinés qu’à un public extrêmement ciblé. Pourtant tous sont imprimés sur papier, reliés, expédiés dans des entrepôts puis aux librairies – avant d’en repartir très souvent pour aller au pillon. C’est une activité qui implique beaucoup de gaspillage, mais jusqu’ici c’était le seul moyen d’assurer la variété qui fait la prospérité de l’édition. Eviter à tout prix le sort des maisons de disques Tout cela est appelé à changer. Comme nous l’avons dit, le fossé entre les livres à succès et les autres se creuse. Les grands éditeurs et libraires voudront toujours publier et vendre des auteurs comme Dawn French ou (le célèbre biologiste darwinien ) Richard Dawkins, car la demande est 36 plus forte que jamais. Ils voudront aussi continuer à publier et vendre des ouvrages s'adressent à un public plus restreint pour toute une série de raisons (avoir un large vivier de talents, attirer une clientèle variée...). Mais ils vont chercher de nouvelles façons de diffuser ces titres. Les technologies d'impression à la demande sont en passe d'atteindre un niveau de qualité qui permettra aux lecteurs de demander que des livres soient imprimées spécialement pour eux et de les obtenir en quelques minutes, le temps d'une courte attente dans une librairie. Une évolution qui pourrait bien sonner le glas de gros libraires aux stocks importants, qui sont déjà à la peine. Le lecteur n'aura plus la possibilité de fureter dans les rayons, ni de manipuler les livres avant de les acheter, mais il aura accès à un choix de titres plus vaste que jamais. Avec l'arrivée des technologies d'impression à la demande et, dans une moindre mesure, du livre électronique, le contrôle des contenus numériques s'annonce comme la grande bataille de l'édition ces prochaines années. Les éditeurs ont vu ce qui est arrivé aux maisons de disques une fois que la diffusion électronique de la musique s'est répandue – et ils tiennent à ne pas connaître le même sort. Beaucoup prennent déjà des mesures, tel Bloomsbury, qui a lancé la construction d'un « entrepôt numérique », comme l'ont fait avant lui Harper Collins et Random House. Mais ils sont confrontés à un rival potentiel, Google, déjà attelé au projet pour le moins titanesque de mettre en ligne toute l'information de la planète. Les premiers résultats sont visibles sur « Google Recherche de livres ». A terme, l'objectif de Google est de bâtir une bibliothèque numérique contenant tous les livres publiés; pour l'heure, il en aurait numerisé plus d'un million. Certains éditeurs se méfient des ambitions de Google. Nigel Newton, PDG de Bloomsbury, y voit une politique d'« annexion absolument indécente » et craint que Google ne s'érige en diffuseur concurrent de textes numériques sur lesquels il s'arrogerait son propre droit d'auteur. Pour l'heure, le moteur de recherche se contente de fournir de courts extraits encore protégés par le droit d'auteur. Mais si les fichiers numériques lui appartiennent, pourquoi ne se jugerait-il pas autorisé à l'avenir à diffuser des extraits plus longs, voire l'intégralité de ces oeuvres ? Google aurait affirmé qu'il sera le titulaire des droits d'auteur sur les fichiers numériques qu'il produit (information qu'il n'a jamais confirmée ni infirmée). Les années à venir ne seront pas faciles pour l'industrie du livre. Beaucoup d'éditeurs n'ont pas encore trouvé le modèle qui leur permettra de gagner de l'argent avec la fourniture de contenus en ligne, et ne savent toujours pas comment ils s'adapteront à la distribution électronique de leurs titres qui marchent le mieux. Les libraires, eux, constatent déjà que les changements induits par les nouvelles technologies condamnent les grandes librairies, où les livres qui s'écoulent lentement sont aussi ceux qui occupent le plus de place. Quant au livre lui-même, les nouvelles technologies ne l'ont pas mis en danger mais l'ont renforcé. 37 10) Les quatorze qualités que j’attends d’un e-book (Courrier international, 13 mars 2008) Avec beaucoup d’humour et un peu de mauvaise foi, un journaliste britannique raconte pourquoi il n’est pas encore prêt à adopter le livre électronique. N’allez pas imaginer que je suis un de ces réacs ronchons qui font preuve d’un fétichisme irrationnel à l’égard de l’objet livre. Bien au contraire ! Dans l’espoir de hâter l’avènement de l’excitante révolution du livre électronique, je liste ci-dessous les caractéristiques minimales que devra posséder un lecteur de livre électronique pour avoir du succès. Lui demander qu’il ait les mêmes fonctionnalités que le livre papier est une exigence somme toute raisonnable. Voici donc à quoi ressemblera le livre électronique du futur : 1. Il disposera d’une source d’énergie inépuisable et n’aura jamais besoin d’être rechargé. 2. Sa lisibilité sera aussi bonne que celle de la page imprimée. ( Non, Amazon, vraiment aussi bonne que la page imprimée !) 3. Il devra pouvoir résister à du vin ou à du café renversés, à l’exposition au soleil, à l’eau de mer, et tomber en morceaux tout en restant parfaitement lisible. 4. On devra pouvoir y griffonner des annotations ou des gribouillis dans la marge, au crayon de papier ou au stylo noir à pointe fibre. (NB : Ecrire dans la marge à l’aide d’un clavier pouce minable n’est pas une solution satisfaisante.) 5. On devra pouvoir en feuilleter les pages afin de se faire une idée rapide du fil argumentatif ou narratif du texte. 6. On devra pouvoir déchirer un coin de page pour y noter son numéro de téléphone (ou celui de quelqu’un d’autre). 7. Le titre de ce que l’on est en train de lire devra apparaître de façon très visible, afin qu’on puisse faire étalage de son érudition ou de son sens de l’humour dans les cafés et les transports publics. 8. Ce devra être un bel objet, pas un machin hideux. (Note à l’attention d’Amazon : par pitié, la prochaine fois, essayez de débaucher des gens de chez Sony ou Apple.) 9. Les livres qu’il contiendra devront continuer à être conçus par des typographes et des graphistes afin de satisfaire notre plaisir esthétique. 10. On devra pouvoir encore prêter des livres ou en donner à ses amis, ou bien en prendre et en abandonner dans ces bibliothèques de cafés de bord de mer alimentées par les clients. 11. On devra pouvoir utiliser l’e-book comme support stable pour rouler une cigarette ou toute autre gâteries à base de feuilles sans craindre que les débris n’endommagent la carte mère. 38 12. Lorsqu’on on recevra la nouvelle édition mise à jour du dictionnaire Oxford de philosophie, on devra pouvoir utiliser l’édition précédente pour rehausser l’enceinte gauche sur son bureau. 13. L’e-book devra, en outre, faire office de tapette à insectes et de chapeau improvisé. A la plage, posé sur le visage, il fera un parfait pare-soleil. 14. On devra pouvoir lancer violemment un livre débile comme « Print Is Dead » [ le texte imprimé est mort ], de Jeff Gomez, sans pour autant se priver de la possibilité de lire d’autres livres. Voilà. Juste Quatorze petites conditions à remplir pour que nous puissions renoncer au papier. Ce n’est pas trop demandé, non ? 11) Écrire une histoire à 1500 mains (Courrier International, 13 mars 2008) Une expérience de roman collaboratif menée en 2007 par l’éditeur britannique Penguin a tourné en eau de boudin. La preuve que l’imagination a besoin de rigueur et de structure. La créativité collective est un concept séduisant. Si l’imagination d’une seule personne est capable de produire une œuvre d’art, que peuvent donner plusieurs cerveaux travaillant de concert ? On retrouve sur Internet plusieurs phénomènes fondés sur le savoir collectif, le plus célèbre étant l’encyclopédie en ligne Wikipédia, dont le contenu est crée et modifié par des milliers d’internautes. Et pourtant, alors que les expériences littéraires abondent sur Internet, aucune œuvre de fiction [en anglais] n’avait encore été écrite par la collectivité des internautes avant que quelques petits futés de la maison d’édition britannique Penguin n’aient l’idée de s’associer à des spécialistes des nouveaux médias de l’université De Monfort, à Leicester [au Royaume-Uni]. Utilisant la méthode Wikipédia, ils ont lancé en février 2007 un « wikiroman » intitulé A Million Penguins. Tout le monde pouvait y apporter sa contribution, tout le monde pouvait le modifier – c’était une expérience d’écriture collective sans restriction aucune. Le projet s’est étalé sur plusieurs semaines, et on peut lire le résultat sur amillionpenguins.com. Jeremy Ettinghausen, responsable des éditions numériques chez Penguins, a été le premier à repérer le filon. « ça semblait être une bonne idée car on n’arrête pas de parler de toutes ces communautés qui se créent sur Internet. Nous voulions voir s’il était possible d’appliquer cette mise en commun des idées et des technologies à la rédaction d’un roman. » Mais Ettinghausen a eu la sagesse de ne pas en attendre trop : « La qualité ne dépend pas de moi. Elle dépend des gens qui écrivent. » Il reconnaît toutefois qu’il est rarement impressionné par ce qu’il lit sur Internet. John Sutherland, professeur émérite de littérature anglaise au University College de Londres, est plus désabusé. Le roman collectif, « ça ne marche 39 jamais », assène-t-il, rappelant plusieurs expériences ratées datent d’avant Internet. Indépendamment de leurs attentes, les initiateurs du projet n’ont pu qu’être surpris. Des centaines de bonnes idées mais aucune cohérence L’écho rencontré par ce wikiman, qui a attiré près de 1500 contributeurs. Le résultat esr un texte fleuve assez surréaliste et partant dans tous les sens. A un moment, l’histoire se divise en « roman A » et « roman B », le site propose des liens vers des fins alternatives. Personnages et intrigues apparaissent et disparaissent dans une masse de textes parfois incompréhensibles. Kate Pullinger, une romancière qui anime un atelier d’écriture et a collaboré au projet, souligne son caractère novateur : « C’est la première fois que j’étais confrontée à un projet d’écriture collective ouvert au monde entier. » Mais le résultat vaut-il quelque chose ? « Mon sentiment, c’est que cela n’a aucune valeur en tant que livre. Sans vouloir être snob, je ne vois pas comment les gens auraient envie de lire ça », juge Scott Pack, un ancien de la chaîne de librairies Waterstone qui dirige la maison d’édition en ligne The Friday Project. Difficile de dire le contraire. Les possibilités infinies du net ne font pas forcément éclore des romans. L’imagination a besoin de discipline ? de limites et de structures. Dans le wikiroman, de nombreuses imaginations travaillent en même temps, mais pas ensemble. Il y a des centaines de bonnes idées et de personnages convaincants, mais aucune cohérence. Comme chacun pouvait apporter sa contribution, petite ou grande, il s’est trouvé un trop grand nombre de personnes un petit bout sans songer à l’ensemble. Des utilisations plus structurées d’Internet peuvent donner de meilleurs résultats, par exemple quand des écrivains proposent des ébauches de textes pour avoir les réactions d’experts ou d’internautes. Le chercheur Charles Leadbeater, spécialiste des innovations, a mis son dernier livre, We-think, en ligne et autorisé les lecteurs à y apporter ajouts et modifications. Sur le site youwriteon.com, les premiers chapitres de livres écrits par des auteurs débutants sont notés par les lecteurs. Un professionnel de l’écriture fait mois la critique des cinq chapitres les mieux notés, et les deux textes les plus apprécies sont publiés chaque année. Désormais, il n’y a pas de texte que les gens ne puissent commenter, modifier, récrire à leur façon ou auquel ils ne puissent imaginer une suite. Cette créativité foisonnante peut parfois prendre un tour bizarre, mais c’est aussi quelque chose de salutaire et stimulant. 40 12) Cinq outils dernier cri à savoir maîtriser (Stratégies, 27 mars 2008) L'entreprise s'ouvre aux nouveaux usages de ses salariés et de ses clients. Avec des supports qui visent à créer du lien, mais qu'il faut apprendre à utiliser à bon escient. Les usages privés ont fini par influencer le monde de l'entreprise. Les salariés et les consommateurs sont en effet devenus de grands utilisateurs, à titre personnel, de blogs, de vidéos ou du téléphone mobile. Appliqués à l'entreprise, ces outils s'appuyant sur le modèle collaboratif servent à créer du lien et du dialogue. Résultat, les budgets de nombreuses agences d'édition se partagent à présent entre 70 % pour le papier et 30 % pour les nouveaux médias. Et ce n'est qu'un début. Nicolas Cheyrouze, directeur associé de l'agence Because, met toutefois les marques en garde : « Il ne faut pas penser sa communication éditoriale en termes de support, mais en termes de contenu. Ce dernier doit rester au cœur du dispositif de communication. Peu importe sur quels médias il sera décliné. » Un refrain repris en chœur par l'ensemble des agences de communication éditoriale. « Avant de s'intéresser aux outils, il faut d'abord penser à ce que l'on a à dire, au message de la marque. Et pour cela, il faut d'abord l'écrire », ajoute par exemple Olivier Breton, directeur de l'agence All Contents. La charte éditoriale remplace désormais la charte graphique et influence le discours de l'entreprise en interne comme en externe. Tour d'horizon des nouveaux outils de communication éditoriale. Le blog Premier avantage pour un usage professionnel : un blog d'entreprise ne coûte pas cher. Il permet aussi de moderniser l'image de la marque. La banque Accord a ainsi récemment tenté l'expérience. Son objectif : « Créer une communauté de passionnés de cartes bancaires », explique Édouard –Rencker, PDG de Sequoia, qui a également développé des blogs internes pour La Poste et –Bouygues Construction, à l'instar de My SFR, le blog interne collaboratif lancé par SFR (lire page 62). Autre point fort du blog : sa simplicité d'usage, qui en fait une sorte d'Internet pour les nuls. Certains patrons français se sont laissé tenter par ce nouveau canal de communication, souvent avec succès. Comme Michel-Édouard Leclerc, qui tient régulièrement son blog, De quoi je me MEL. En 2005, Guillaume Pepy, alors numéro deux de la SNCF, lançait le sien, accessible aux cheminots depuis l'intranet de l'entreprise publique. Seul vraie contrainte : le patron ou l'entreprise doit –accepter de recevoir des commentaires critiques. « Il ne faut pas en avoir peur car tout cela se modère. En s'ouvrant aux commentaires, les entreprises permettent de casser le schéma unique d'une communication descendante, de la direction de l'entreprise vers les salariés », estime Édouard Rencker. Mais publier 41 régulièrement une note ou un article est un exercice astreignant. Car pour que le blog fonctionne, il faut l'alimenter –régulièrement. La web-TV Cela fait longtemps que la vidéo a du succès dans la sphère de l'entreprise. En diminuant le temps nécessaire à sa réalisation et le coût de production, le Web l'a rendue plus accessible. Habitués à regarder des vidéos sur You Tube ou Daily Motion, les salariés sont devenus demandeurs. Le groupe BNP Paribas a ainsi mis au point Starlight, un journal TV interne diffusé en trois langues (français, anglais et italien). Un rendez-vous bimestriel adressé aux 150 000 collaborateurs du groupe. Audi a également innové avec myaudi.fr, un site privatif pour les clients de la marque. Il s'agit concrètement de quatre chaînes TV en ligne (sports, design, cinéma et actualité de l'entreprise). « La mondialisation a accéléré le besoin, pour les grands groupes, d'outils leur permettant de parler instantanément à toutes leurs équipes disséminées sur la planète », constate Yannick Le Bourdonnec, directeur général de l'agence Verbe (Publicis). La web-TV est aussi un excellent moyen de mettre en valeur les métiers de l'entreprise. C'est ce qu'a choisi de faire Ubisoft en réalisant des reportages en interne sous l'impulsion de l'agence Textuel (TBWA). Accenture, elle, s'apprête à diffuser début avril une web-TV, réalisée avec Entrecom, à destination des directions des services informatiques (DSI). « Le métier des DSI subit de profonds changements, justement sous l'impulsion des nouvelles technologies. Nous voulions les aider à vivre cette mutation », explique Caroline Tanguy, directrice marketing et communication chez Accenture. My DSI TV balaiera peut-être les dernières réticences de ces services quant au développement des nouveaux médias dans l'entreprise. « Il y a encore un gros travail à faire auprès d'eux, mais aussi des directions générales, pour les convaincre de l'utilité des outils multimédias dans l'entreprise », remarque Xavier Cazard, directeur associé d'Entrecom. Cela va d'ailleurs de pair avec le renouvellement du matériel informatique. Ainsi, beaucoup de salariés ne disposent pas encore d'un ordinateur muni d'une carte son. L’intranet 2.0 Vidéos, derniers posts du blog de l'entreprise, tchats internes... Bienvenue dans l'ère de l'intranet 2.0. « Pour sortir de l'intranet 1.0, il faut désormais créer des rendez-vous avec ses salariés », estime François Vogel, responsable du développement nouveaux médias chez Textuel. Cela n'empêche pas de conserver sur ce portail interne les informations essentielles à la vie de l'entreprise. Exemple réussi d'intranet nouvelle génération : My News, du groupe L'Oréal. « La marque voulait instaurer un dialogue permanent entre ses collaborateurs autour des derniers 42 événements de la planète L'Oréal », précise Alain Roussel, associé de l'agence La Chose, qui a mené ce lourd projet à bien. Les responsables de communication alimentent de façon autonome le contenu éditorial du site. Le plus de My News ? Chaque salarié est symbolisé par un avatar. « Attention toutefois à ne pas basculer dans la surinformation, ce qui rendrait votre intranet illisible. L'éditorialiser reste nécessaire », souligne Éric Camel, de l'agence Angie. Le réseau social Un Facebook interne pour mieux communiquer au sein de l'entreprise ? L'idée peut sembler pertinente. Xavier Cazard, de l'agence Entrecom, confirme : « La demande sur les réseaux sociaux est toute récente, mais elle va croissant. » Le souhait des entreprises est, par ce biais, de faire communiquer plus facilement les métiers entre eux. Because vient par exemple tout juste de lancer pour un client un mini-Facebook fédérant une communauté de 1 200 personnes. « Ce projet fera office de test pour nous. Ce qui est sûr, c'est que l'on est désormais loin du simple annuaire en ligne », souligne Nicolas Cheyrouze, de Because. Le wiki À la différence d'un blog, un wiki est un site écrit et géré par les internautes eux-mêmes. L'exemple le plus célèbre est bien sûr l'encyclopédie en ligne Wikipédia. Cet espace de partage d'information peut aussi servir la communication des marques, en interne comme en externe. « Ce n'est pas un outil adapté à toutes les entreprises. Il est surtout pertinent pour des marques référentes dans leur secteur », avertit François Vogel, de Textuel. Ou pour des marques qui fédèrent une importante communauté. Comme Rip Curl, qui a lancé en 2006 wikiriders.com, un outil à destination des passionnés de glisse. Pour ses clients tentés par l'expérience, Textuel propose ainsi l'appui d'un « manager de communauté » pour animer l'outil, clé du succès du wiki. 13) Le son, un nouvel élément d'expérience sensorielle sur le Net (Les Echos, 18 avril 2008) Emotion. Le son est à la Toile ce que le goût est à la gastronomie. Avec les images irréprochables, c'est le nouvel enjeu des sites de marque les plus pointus du moment. Celui d'Hermès, là encore, innove, avec un orchestre dont chaque instrument permet de reproduire le son d'un des outils de l'artisan façonnier. Libre à l'internaute de composer sa symphonie en sélectionnant ses préférés. De même, l'image de la vitrine de la boutique de New York s'accompagne du bruit des sirènes de police caractéristiques de Manhattan ou celle de la carte de postale du Taj Mahal laisse percevoir l'imperceptible frémissement de l'eau. 43 Plus amusant : les fermetures Eclair d'une pochette en cuir jouent à « zip et zap » en s'ouvrant et se fermant dans un joyeux bruit. « C'est un peu comme si l'on faisait ce que l'on ne s'autoriserait pas dans un magasin », s'amuse Menehould de Bazelaire, directrice du patrimoine culturel d'Hermès. Les professionnels des sites Web sont formels : « L'essentiel est de rester dans l'émotion tout en délivrant un message hyperprécis », souligne Ilan Haddad, « sound designer » chez Duke, agence conseil en stratégie Internet dotée d'un studio son. Ainsi, pour le joailler Van Cleef, l'agence a créé des mélodies que l'on découvre par le biais d'une boîte à musique, et sur le site de McDonald's, elle s'est servie du son comme levier comique pour rendre le produit plus attrayant. Ainsi chaque sauce est accompagnée d'un style musical, du R'N'B pour le fromage, du rock pour le poivre, etc. « Le type de son correspond à ce que les jeunes écoutent, pour maintenir le lien entre la cible et la marque », ajoute Branislav Peric, directeur de clientèle chez Duke. L'importance prise par la musique et les sites de vidéo comme YouTube ou MySpace auprès des jeunes y sont bien sûr pour quelque chose. Mais pas seulement. « Sur Internet, les individus font des choses utiles, s'informent, parlent avec des amis, donc il est très important de bien rester dans la réalité. Un son ne doit pas être gratuit, il faut offrir quelque chose de vrai », poursuit Ilan Haddad. Ainsi à un clic droit devra répondre un son à droite de l'écran, s'il s'agit d'un événement important le volume devra être en conséquence assez fort, ou inversement, enfin les graves proviennent plutôt du haut de l'écran et les aigus du bas, comme dans un orchestre traditionnel. Autant de subtilités qui participent à la cohérence du discours. 44