La représentation des femmes à la télévision italienne

Transcription

La représentation des femmes à la télévision italienne
Université de Lyon
Université lumière Lyon 2
Institut d'Études Politiques de Lyon
La représentation des femmes à la
télévision italienne
Léa VULLO
Mémoire de Séminaire
Violence et médias
Sous la direction de : Isabelle Hare
(Soutenu le : 5 septembre 2011)
Membres du jury : - Isabelle Hare - Isabelle Garcin-Marrou
Table des matières
Remerciements . .
Introduction . .
Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne . .
Chapitre 1 – Patriarcat, traditions et Vatican : des freins à l'émancipation des femmes en
Italie . .
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Section 1 – Un tiraillement entre modernité et traditions patriarcales : retour sur les
textes et progrès tardifs des dernières décennies . .
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Section 2 – L'influence du Vatican sur la politique italienne et sur les mœurs : les
femmes, premières victimes . .
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Chapitre 2 – Sexe et utilisation du corps : la réussite socio-professionnelle des femmes
dans l'Italie de Berlusconi . .
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Section 1 – Exhibition et beauté : le modèle de la réussite sociale chez les
Italiennes aujourd'hui . .
Section 2 – De show-girl à femme politique : le « vélinisme politique » . .
Conclusion de la première partie . .
Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité . .
Chapitre 1 – Discours littéraire et discours médiatique : la transmission du stéréotype de la
« femme idéale »... . .
Section 1 – La femme dans la littérature italienne . .
Section 2 – Le discours médiatique : une différenciation genrée inévitable . .
Chapitre 2 - … Mais une réalité tout autre : la « rébellion » du 13 février 2011 . .
Section 1 – Berlusconi, blagues sexistes et médias . .
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Section 2 – La manifestation du 13 février et le mouvement « Se Non Ora
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Quando ? »
..
Conclusion de la deuxième partie . .
Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme . .
Chapitre 1 – L'objectification du corps féminin par l'érotisation . .
Section 1 – La caméra : le corps féminin sous toutes ses coutures . .
Section 2 – Une confrontation récurrente entre les physiques masculins et féminins
mise en scène à la télévision italienne . .
Chapitre 2 – Rôles et processus de domination . .
Section 1 – Homme puissant et femme subordonnée : discours, rôles et
comportements à la télévision italienne . .
Section 2 – Similitudes et différences : une comparaison entre la télévision italienne
et la télévision française : le cas de la Roue de la Fortune . .
Conclusion de la troisième partie . .
Conclusion . .
Bibliographie . .
Revues, articles, rapports . .
Ouvrages . .
Ouvrages en italien . .
Ouvrages en français . .
Sites internet . .
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Annexes . .
Première annexe . .
Traduction de l'article tiré de La Stampa sur le RU 486 . .
Seconde annexe . .
Traduction de l'article de la Repubblica Web sur l'ambition des jeunes filles à
devenir veline . .
Troisième annexe . .
Traduction de l'article tiré de Corriere della Sera relatif aux propos de Mara
Carfagna sur les quotas féminins . .
Quatrième annexe . .
Discours de Flavia Vento lors de la fête de la Margherita (28/09/04) . .
Cinquième annexe . .
Traduction de l'article tiré de Corriere della Sera sur les veline en politique et leurs
relations avec le Président du Conseil . .
Sixième annexe . .
Traduction de l'article tiré de La Repubblica sur des violences faites aux femmes
qualifiées de « crimes passionnels » . .
Septième annexe . .
Les blagues de Silvio Berlusconi classées selon leur thème . .
Huitième annexe . .
Traduction de l'article tiré de Corriere della Sera, relatif à l'infantilisation des
ministres de sexe féminin de la part de Silvio Berlusconi . .
Neuvième annexe . .
Traduction de l'article de la Repubblica sur la défense de Silvio Berlusconi durant le
Rubygate . .
Berlusconi se défend : « Trente-trois femmes, c'est trop pour moi ». Et attaque :
« J'irai me défendre à la télévision, et je serai présent à toutes les audiences ».
L'explication : « Il y avait toujours ma petite amie près de moi ». . .
Dixième annexe . .
Traduction de l'article extrait de Il Fatto Quotidiano sur le retour des journaux
télévisés à propos de la manifestation de femmes du 13 février 2011 . .
Onzième annexe . .
Grille d'analyse des différentes émissions : . .
Douzième annexe . .
Traduction des extraits vidéo de Striscia la Notizia (Canale 5) . .
Treizième annexe . .
Traduction des extraits vidéo de Prendere o Lasciare (Italia 1) . .
Quatorzième annexe . .
Traduction des extraits vidéo de Il Mercante in Fiera . .
Quinzième annexe . .
Traduction des extraits vidéo de Apprescindere (Rai 3) . .
Seizième annexe . .
Traduction des extraits vidéos de la Ruota della Fortuna (Italia 1) . .
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Remerciements
Remerciements
Je tiens à remercier Isabelle Hare et Isabelle Garcin-Marrou pour les conseils et l'aide précieuse
qu'elles m'ont apporté tout au long de l'année.
Je remercie également Marcello De Caro de m'avoir soutenue dans ce projet de mémoire et de
m'avoir apportée des informations supplémentaires utiles à mes recherches.
Enfin, un grand merci également à mes amies et amis rencontré-e-s lors de mon année
d'Erasmus à Rome, qui se sont prêté-e-s à des débats et qui ont répondu à mes nombreuses questions
sur l'image des femmes à la télévision italienne : Jessie, Garance, Julia, Lorena, Sonia, Claudia,
Annarita, Lukas, Mauro, Gianni, Claudio, Felice...
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La représentation des femmes à la télévision italienne
Introduction
Un homme élégamment vêtu et un peu enveloppé s'adresse en souriant à la caméra, l'air
sympathique et jovial. Il se retourne, appelle quelqu'un. La caméra zoome sur une échelle,
de laquelle descend une jeune femme d'une vingtaine d'années. Elle porte une petite jupette
bleue qui lui arrive à mi-fesses, dévoilant des sous-vêtements blancs peu couvrants. La
caméra se place au-dessous d'elle, se rapprochant et adoptant ses mouvements, offrant
ainsi une pleine vue au téléspectateur sur son intimité. Il est environ 20 heures, nous
sommes en Italie, devant le jeu télévisé Prendere o Lasciare, diffusé sur la chaîne de
télévision Italia 1.
C'est au cours de la même période (à la fin de l'année 2009) que paraissent de
nombreux et controversés articles dans la presse nationale sur une jeune femme provenant
de Bari, la première à utiliser la pilule abortive RU 486 en Italie.
Le point de départ de ce travail de recherche est donc le constat d'un pays entretenant
une relation particulière avec le genre féminin, tant au niveau de la société qu'au niveau des
médias. D'un côté, une vision répétitive, quasi obsessionnelle du corps des femmes dans
leur intimité à la télévision. Qu'importe la chaîne de télévision, le format de l'émission, son
sujet, ou son but... La présence d'une femme dénudée ou muette semble être une évidence,
voire une norme dans la très grande majorité des émissions proposées. Une représentation
télévisuelle de la femme souvent considérée comme aberrante pour les étrangers amenés
à allumer la télévision en Italie, mais ressentie par les Italiens, habitués à regarder de telles
images depuis leur plus jeune âge, comme une manifestation normale, banale de la femme
dans la sphère audiovisuelle. D'un autre côté, un retard accumulé dans l'accès des femmes
à leurs droits fondamentaux et à la liberté de disposer de leur corps, et une influence toujours
omniprésente de l'État du Vatican dans une démocratie européenne moderne.
Ce travail ne s'est pas fait dans la perspective d'une déconstruction pure du genre,
telle que l'entend par exemple Judith Butler, bien que ses outils d'analyse aient participé à
une compréhension de la tendance naturaliste de la société italienne à l'égard des femmes
(notamment en ce qui concerne leur rôle maternel). Il est une mise en relation d'éléments
caractérisant une société avec le plus important et le plus puissant de ses médias, la
télévision, dans une perspective féministe.
La problématisation de telles observations est donc simple et se base sur la
reconnaissance d'un lien extrêmement ténu entre le « traitement » des femmes dans la
société italienne en général et leur traitement médiatique, et particulièrement, télévisuel. La
principale interrogation face à cette spécificité de la société et des médias italiens dans leur
relation avec le genre féminin est donc la suivante : l'image et la représentation des femmes
à la télévision découlent-elles directement d'une vision et d'un rôle assignés aux femmes
dans la société italienne ? La société italienne est très complexe, de par son histoire (une
unité tardive...), son régionalisme exacerbé ou encore la présence toujours plus importante
du Vatican malgré les transformations des sociétés occidentales des dernières décennies,
et est également connue pour ses paradoxes et contradictions, dont les femmes sont la
première représentation. La télévision italienne et l'image de la femme qu'elle véhicule sont
souvent perçues de manière très négative par les autres pays européens, mais une analyse
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Introduction
et une étude approfondie de ce traitement médiatique du genre féminin s'avère essentielle
pour comprendre cette « anomalie ».
La première difficulté de l'analyse demeure dans la visibilité restreinte du traitement
d'un tel sujet en Italie, et encore plus en France. Seules quelques auteures et professeures
italiennes abordent la question des femmes dans les médias et la récurrence du modèle de
la velina, cette jeune femme dénudée présente partout à la télévision italienne, et aucun livre
n'est traduit en français. Le phénomène de la velina était par ailleurs, avant la manifestation
des Italiennes survenue en février dernier, quasiment inconnu en France. Une autre
difficulté, qui demeure encore aujourd'hui, malgré l'augmentation des voix discordantes, est
le tabou qui règne en Italie sur le sujet. De plus en plus de critiques se font entendre sur les
veline, sans que le monde de la télévision ne prenne de mesures pour réduire leur visibilité.
Un exemple de ce tabou est la réaction des présentateurs de Striscia la Notizia, émission
connue pour avoir lancé la mode les veline à la télévision italienne, face aux critiques contre
les propres veline de l'émission : il a ainsi été annoncé que les deux jeunes femmes seraient
supprimées du programme seulement si la Rai arrêtait de diffuser Miss Italia. Leur réaction
particulièrement violente face aux critiques de Lorella Zanardo, auteure du documentaire et
du livre Il Corpo delle Donne, est une des illustrations de la controverse qui existe sur ce
sujet et de l'attachement du monde de la télévision à la figure de la velina.
Pour répondre au mieux à la question portant sur ce lien entre la société et la télévision
italienne dans leurs relations avec le genre féminin, un regard d'ensemble sur les paradoxes
caractérisant la société Italienne est nécessaire dans un premier temps. Il est indispensable
d'étudier et de prendre conscience de la spécificité et de la complexité de la société
italienne à travers la cohabitation d'une Italie influencée par le Vatican et les traditions
patriarcales (qui ont eu pour résultat des retards dans l'émancipation des femmes) et une
Italie berlusconienne, où le culte du corps et de la beauté féminine prévalent. La diffusion
de stéréotypes portant sur le genre féminin, autant dans le discours littéraire que dans
le discours médiatique en général est également une donnée importante nécessitant une
analyse approfondie, dans un second temps. Les répartitions des rôles et des fonctions
suivant le sexe, dans la littérature et dans les médias, est ainsi une piste essentielle
de l'analyse. Enfin, un intérêt tout particulier sera porté sur l'analyse d'extraits de vidéos
provenant de différentes émissions de télévision italiennes, avec une ouverture sur la France
et le constat d'une domination masculine à la télévision ailleurs qu'en Italie. Une telle analyse
permettra ainsi d'établir quel est le lien entre la société et la télévision italienne et quel impact
cela engendre l'une pour l'autre.
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La représentation des femmes à la télévision italienne
Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les
paradoxes de la société italienne
La société italienne est remplie de modèles contradictoires, comme le montre la coexistence
du pape et de Silvio Berlusconi qui sont clairement deux personnages en tous points
opposés. D'anciennes traditions patriarcales et catholiques, encore visibles dans les grands
textes régissant le Bel Paese, comme la Constitution, cohabitent avec les veline, ces
célèbres jeunes femmes dénudées qui ont colonisé le petit écran au cours des vingt
dernières années, et qui commencent peu à peu à coloniser le monde de la politique.
Si l'on suit la tendance traditionaliste de la société italienne, la femme se doit d'être une
mère admirable, se sacrifiant pour ses enfants et son époux, ou une jeune vierge ayant
conscience de l'importance du mariage et de la vie. En revanche, si l'on suit l'idée que Silvio
Berlusconi se fait de la femme, idée largement exposée par l'intermédiaire des médias,
celle-ci se doit avant tout d'être disponible pour l'homme ; elle est clairement un objet de
désir et est incitée à « miser » sur son corps pour parvenir à la réussite sociale. C'est
selon la philosophe Michela Marzano une contradiction récurrente en Italie, la contradiction
1
« Madonne e puttane » .
La journaliste Caterina Soffici tente avec des mots simples de résumer une situation
qui semble proche de la schizophrénie en Italie :
« Da una parte c'è l'Italia porcellona dove una minorenne viene spinta a vendere
il suo corpo per fare carriera e si fa fotografare in pose volgari e sessualmente
ammiccanti, e dall'altra parte l'Italia clericale che si mette il velo in testa e
sbandiera il vessillo della verginità e della purezza. L'aspirante velina e l'aspirante
vergine convivono nello stesso corpo, che ha come unico destinatario l'uomo,
2
fruitore finale di tali grazie. La tentatrice e la madonna.»
Nous allons ainsi voir comment se manifeste ces contradictions, entre l'Italie du pape et
l'Italie du Cavaliere : quels ont été les retards dans les avancées pour les droits des femmes,
quelle est la situation actuelle des jeunes femmes, poussées à exhiber leur intimité pour
s'accomplir socialement... Et comment ces deux « systèmes » parviennent à cohabiter au
sein d'une seule et même société.
1
2
Michela MARZANO, Sii bella e stai zitta, Ed. Mondadori, Milan, 2010, p.39.
« Il y a d'une part l'Italie dépravée où une mineure est poussée à vendre son corps pour faire carrière et se fait
photographier dans des poses vulgaires et sexuellement explicites, et d'autre part une Italie cléricale qui se couvre la tête
d'un voile et brandit l'étendard de la virginité et de la pureté. L'aspirante velina et l'aspirante vierge vivent dans le même
corps, qui a pour unique destinataire l'homme, consommateur final de telles grâces. La tentatrice et la madone. », Caterina
SOFFICI, Ma le Donne No, Ed. Feltrinelli, p.138.
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Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne
Chapitre 1 – Patriarcat, traditions et Vatican : des
freins à l'émancipation des femmes en Italie
Malgré de grandes avancées constatées dans le domaine des droits des femmes
ces dernières décennies, notamment avec l’accès à la contraception, au divorce et à
l’avortement, l’Italie semble demeurer un pays en retard sur de nombreux points. Lorsque
l’on compare le pays à ses voisins européens, comme par exemple l’Espagne, très
influencée également par une culture traditionnelle issue d’un fervent catholicisme, l’Italie
semble accumuler de nombreux retards au niveau des avancées constitutionnelles et
pénales, mais également au niveau de la séparation effective entre l'Église et l'État. La
perpétuation d’une culture patriarcale fondée sur le catholicisme influence grandement la
vision du rôle et des responsabilités des femmes qu’ont les médias, les hommes politiques
et la société italienne en général. Aujourd’hui considérée comme l’un des pays les plus
puissants au monde, l’Italie semble hésiter entre la modernité (parfois imposée au niveau
européen et international) et la tradition patriarcale et catholique, largement issue des idées
du Vatican...
Section 1 – Un tiraillement entre modernité et traditions patriarcales :
retour sur les textes et progrès tardifs des dernières décennies
L'Italie a depuis de nombreuses années et de par le monde acquis une réputation de
3
pays « le plus machiste d'Europe » (ainsi le qualifie Caterina Soffici ), s'appuyant sur de
vieilles traditions chrétiennes et patriarcales et faisant de la famille l'institution suprême et
la base du pays. Une situation que ne connaitraient plus aujourd'hui ses voisins européens
comme la France.
Il n'est cependant pas utile de se baser sur des clichés souvent peu représentatifs
de la réalité des choses pour résumer la situation que connaissent les femmes italiennes
actuellement.
En effet, l'Italie fait partie des Nations unies, a été l'un des six pays fondateurs de
la Communauté européenne et est aujourd'hui l'un des huit pays du monde les plus
développés. En ce sens, elle se doit donc de respecter certaines règles et lois édictées en
matière de lutte contre les discriminations sexistes et de respect des droits des femmes,
aussi bien à des niveaux nationaux qu'internationaux. Elle s'est par ailleurs officiellement
engagée dans ce domaine d'action en signant notamment la Convention de l'ONU sur
l'élimination de toute discrimination contre les femmes (CEDAW) en 1985, qui vise à
« élargir la conception que l'on a des droits de l'Homme, car [la Convention]
reconnaît officiellement que la culture et la tradition peuvent contribuer à
restreindre l'exercice, par les femmes, de leurs droits fondamentaux. Ces
influences se manifestant sous forme de stéréotypes, d'habitudes et de normes
qui donnent naissance à la multitude des contraintes juridiques, politiques et
4
économiques qui freinent le progrès des femmes »
3
4
Caterina SOFFICI, Ma le Donne No, Ed. Feltrinelli, Milan.
http://www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/text/fconvention.htm
9
La représentation des femmes à la télévision italienne
Malgré cet engagement de l'État italien à l'échelle internationale, le pays a paradoxalement
accumulé de nombreux retards au niveau interne, qui ont fortement affecté l'évolution des
mentalités à l'égard des femmes, de leurs droits et de leur rôle dans la société.
Ainsi, outre les batailles pour obtenir le droit de vote (en 1946, mais en étaient exclues
les prostituées n'exerçant pas dans les maisons closes), le droit au divorce (en 1970,
confirmé par référendum en 1974), le droit à la contraception (en 1971) et le droit à
l'avortement (obtenu en 1978 et confirmé par référendum en 1981), les femmes italiennes
ont dû attendre de nombreuses années pour voir des siècles de traditions patriarcales,
considérant notamment leur corps comme propriété de l'État (en cas de viol, la société était
lésée, non la femme, par exemple) disparaître.
Le code pénal
C'est en 1981 qu'est finalement abrogé un article majeur du Codice Rocco, le code pénal
italien. Cet article, n°544, stipulait ainsi :
«
Causa speciale di estinzione del reato. Per i delitti preveduti dal capo primo e
dall'articolo 530, il matrimonio, che l'autore del reato contragga con la persona
offesa, estingue il reato, anche riguardo a coloro che sono concorsi nel reato
medesimo; e, se vi è stata condanna, ne cessano l'esecuzione e gli effetti penali
5
»
.
L'article, issu de traditions patriarcales datant des années 30, présentait le viol d'une
femme, majeure ou non, non pas comme un crime contre une personne mais comme la
perte d'honneur de celle-ci et de sa famille entière, honneur pouvant être récupéré par un
mariage avec l'agresseur, sans prise en compte de la souffrance subie par la victime. Seize
années se sont ainsi écoulées entre la première dénonciation de ce principe de « mariage
réparateur » par Franca Viola, violée en 1965 à l'âge de 17 ans par un prétendant éconduit
qui espérait ainsi l'épouser, et l'abrogation de l'article.
Dans la continuité de l'abrogation de cet article 544, un autre article, le n°587 du même
code pénal, abroge la particularité du délit dit « d'honneur » :
« Omicidio e lesione personale a causa di onore. Chiunque cagiona la morte
del coniuge, della figlia o della sorella, nell'atto in cui ne scopre la illegittima
relazione carnale e nello stato d'ira determinato dall'offesa recata all'onor suo
o della famiglia, è punito con la reclusione da tre a sette anni. Alla stessa pena
soggiace chi, nelle dette circostanze, cagiona la morte della persona, che sia in
6
illegittima relazione carnale col coniuge, con la figlia o con la sorella (...) »
5
http://www.altalex.com/index.php?idnot=36770 « Cause spéciale d'extinction d'un délit. Pour les délits prévus par le
chapitre premier [délits contre la liberté sexuelle] et par l'article 530 [corruption de mineurs] le mariage, que l'auteur du
délit contracte avec la personne offensée, éteint le délit, également pour les personnes ayant contribué au même délit ; et,
s'il y a eu condamnation, l'exécution et les effets pénaux cessent ».
6
http://www.altalex.com/index.php?idnot=36774 « Homicides et dommages personnels pour cause d'honneur.
Quiconque cause la mort du conjoint, de la fille ou de la sœur dans l'acte de découverte de relations sexuelles illégitimes
et dans l'état de colère provoqué par l'offense portée à l'honneur personnel ou de la famille, est puni d'une réclusion de
trois à sept ans. Est puni de la même peine qui, dans les dites circonstances, cause la mort de la personne ayant des
relations sexuelles illégitimes avec le conjoint, la fille ou la sœur. »
10
Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne
Comme le montre cet article, trente années auparavant, quiconque commettait un
crime d'honneur bénéficiait donc en Italie d'une peine réduite (comme dans des pays ne
respectant pas les droits des femmes, tels que l'Iran aujourd'hui), qui souvent, était inférieure
à trois ans, le minimum requis par cet article 587. Cela avait notamment été le cas de Luigi
Millefiorini , qui tua sa femme en 1954. Condamné dans un premier temps à trois ans et
7
demi de prison, sa peine fut abaissée à sept mois de réclusion en appel
. En revanche,
les cas de meurtre à l'encontre de l'époux de la part d'une femme ne sont pas répertoriés.
Caterina Soffici affirme que dans ces cas particuliers, une peine de réclusion criminelle à
8
perpétuité était prononcée contre celle qui avait tué son mari pour cause d'adultère
.
Il est à noter que l'article, neutre en ce qui concerne le meurtre des conjoints (il pouvait
aussi bien s'appliquer à l'épouse qu'au mari, bien que l'histoire ait montré que les femmes
ont été beaucoup plus souvent les victimes de cette loi), cite « la fille » et « la sœur »,
sans évoquer une seule fois « le fils » ou « le frère », témoignant donc d'une discrimination
majeure à l'égard du sexe féminin. L'adultère de la femme ayant été considéré jusqu'en
1968 comme passible de prison ferme (jusqu'à deux années, tandis que l'homme adultère
était condamné uniquement si ses actes portaient atteinte à l'honneur de la famille), une
femme ayant des relations extra-conjugales risquait soit la mort, soit la prison.
Cette différence de traitement pénalisante pour les femmes et qui a subsisté pendant
de nombreuses années était pourtant contraire à l'article 3 de la Constitution italienne entrée
en vigueur en 1948. Celui-ci stipule notamment que tous les citoyens sont égaux devant la
loi et disposent de la même dignité sociale qu'importe leur sexe, et qu'il est du devoir de la
République de veiller à ce que les barrières économiques et sociales empêchant une pleine
égalité entre les citoyens soient levées.
De même, avant la loi n°66 du 15 février 1996, le viol et les violences sexuelles en
général n'étaient pas considérés en Italie comme des crimes contre une personne mais
comme des délits contre la morale de la famille et la société, comme le stipulait le Codice
Rocco .
La Constitution
La Constitution italienne elle-même, base de toute loi du pays, garde les stigmates de
l'époque à laquelle elle a été écrite. Cela s'explique en partie par le manque de femmes
présentes à l'Assemblée Constituante (vingt et une femmes sur cinq-cent cinquante-six
personnes) et également par le rôle de « vigilance » (et non de proposition d'articles) qu'elles
9
ont tenu dans la formulation des articles
.
Malgré des révisions constitutionnelles qui ont permis aux femmes de gagner du terrain
en termes de parité, comme la réforme de 1963 leur permettant d'accéder aux carrières
publiques, ou la réforme majeure du droit de la famille en 1975 (qui établit notamment la
parité des conjoints), certains articles restent troublants dans leur formulation et laissent
penser à une différenciation marquée des deux sexes, notamment dans la sphère familiale.
C'est en particulier le cas des articles 29 et 37 :
7
8
9
http://www.storiaproibita.it/blog/?p=34
Ma le Donne No, Come si vive nel paese più maschilista d'Europa, Caterina Soffici, Ed. Feltrinelli, 2010, p.22
Maria Federici, qui avait fait partie du groupe de femmes élues à l'Assemblée Constituante, avait d'ailleurs affirmé : « La donna non
avrebbe nella Costituzione il posto che vi ha, se non vi fosse stato alla Costituente quel gruppo di donne... » (« La femme n'aurait pas
eu dans la Constitution le rôle qu'elle y a s'il n'y avait pas eu ce groupe de femmes à la Constituante... »), Marina GIGANTE, I Diritti
delle Donne nella Costituzione, Ed. Editoriale Scientifica, Milan, 2007, p.26.
11
La représentation des femmes à la télévision italienne
Ainsi, selon l'article 29 :
«
La Repubblica riconosce i diritti della famiglia come società naturale fondata
sul matrimonio. Il matrimonio è ordinato sull'eguaglianza morale e giuridica dei
10
coniugi, con i limiti stabiliti dalla legge a garanzia dell'unità familiare »
.
Malgré la proclamation de l'égalité des droits et des devoirs entre les deux époux (avant la
réforme du droit de la famille de 1975, le père était le seul détenteur de l'autorité parentale
et possédait également l'autorité maritale), l'article trouve une limite dans cette affirmation :
celle de la garantie de l'unité familiale, qui, comme cela est rappelé dans les premières
lignes de l'article, est fondée avant tout sur le mariage. On parle ainsi d'exceptions au
principe d'égalité des conjoints, et même si celles-ci ne doivent s'appliquer qu'en certaines
circonstances, cela n'empêche pas leur interprétation différente d'une personne à l'autre.
Dans tous les cas, l'unité familiale reste la valeur dominante aux yeux de la Constitution
italienne et peut justifier une inégalité entre les époux.
Quant à l'article 37, il stipule que :
«
La donna lavoratrice ha gli stessi diritti e, a parità di lavoro, le stesse
retribuzioni che spettano al lavoratore.
Le condizioni di lavoro devono
consentire l'adempimento della sua essenziale funzione familiare e assicurare
11
alla madre e al bambino una speciale adeguata protezione
»
.
L'article définit la femme comme une personne ayant une « fonction familiale essentielle »,
donc une importance majeure au sein de la cellule familiale, fondée en grande partie sur
sa capacité à engendrer des enfants. Cela lui conférerait des compétences particulières,
considérées comme « naturelles » sur la manière de les élever et de les éduquer,
compétences que les hommes ne posséderaient pas. Un certain anachronisme ressort
de
l'étude de cet article, qui semble ainsi favoriser la maternité, en lui donnant une
protection spécifique (au même rang que l'enfance elle-même), au détriment de l'égalité des
parents, égalité qui pourrait s'exprimer par l'affirmation d'une protection de la parentalité en
général. De plus, en survalorisant les « fonctions familiales » de la femme par rapport à
ses compétences de travailleuse, l'article 37 induit que la force de travail féminine serait
inférieure à celle masculine et que le salaire des femmes ayant eu des enfants ne serait
qu'un appoint par rapport à celui de l'homme. Si cela pouvait être le cas au moment de la
rédaction de la Constitution italienne, à l'aube des années 50, il n'en va pas de même
aujourd'hui : les femmes représentent une large part de la population active (même si le
12
taux des femmes actives italiennes est le plus bas de l'Union européenne après Malte
) et touchent le même salaire que les hommes pour un même travail (d'après les textes, qui
sont rarement appliqués, tout comme en France).
10
http://www.governo.it/Governo/Costituzione/1_titolo2.html « La République reconnaît le droit de la famille comme
société naturelle fondée sur le mariage. » « Le mariage est fondé sur l'égalité morale et juridique des époux, dans les
limites établies par la loi pour assurer l'unité familiale. »
11
http://www.governo.it/Governo/Costituzione/1_titolo3.html « La femme qui travaille a les mêmes droits, et, à travail
égal, la même rétribution qui incombent au travailleur. Les conditions de travail doivent consentir l'adaptation de son
essentielle fonction familiale et assurer à la mère et à l'enfant une protection spéciale et adaptée. »
12
46,60% des femmes italiennes entre 15 et 64 ans travaillent (contre 68,60% des hommes). La moyenne européenne est de
58,60%. Courrier International n°1061, dossier Italie, extrait de MicroMega, p.23.
12
Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne
Ces derniers articles mettent donc en lumière une façon très traditionnelle de penser
le rôle de la femme, qui serait avant tout responsable de l'éducation et du bien-être affectif
des enfants au sein de la cellule familiale.
Malgré des progrès observés ces dernières années en ce qui concerne l'acquisition de
plus de droits de la part des femmes en Italie, de nombreux retards demeurent aujourd'hui.
Le pays peine encore à accepter que les femmes puissent avoir un rôle conséquent
en-dehors de la famille. Des réformes doivent encore être entreprises, notamment au
niveau politique, pour respecter les exigences européennes : aucun quota de femme
n'est imposé au Parlement en Italie, ce qui en fait l'un des pays de l'Union européenne
où la représentation des femmes en politique est la plus basse. Cette vision du rôle de
la femme, extrêmement présente dans le pays au point de laisser inchangés les textes
constitutionnels, est très largement influencée par le Vatican et les valeurs traditionnelles
chrétiennes de la famille qu'il véhicule, jusqu'à en influencer les politiques...
Section 2 – L'influence du Vatican sur la politique italienne et sur les
mœurs : les femmes, premières victimes
Par sa position géographique spécifique, le Vatican a des relations privilégiées avec l'Italie
et notamment avec les gouvernements qui se sont succédés depuis son indépendance
13
effective en 1929 . Malgré l'affirmation de la séparation de l'Église et de l'État dans l'article
7 de la Constitution italienne, donc de la non-reconnaissance des lois catholiques par le
gouvernement italien, l'État pontifical n'a de cesse d'exercer son influence sur la politique
italienne et sur les mœurs de la population.
Manlio Graziano explique ce rapport privilégié entre catholicisme et formation du
14
sentiment d'appartenance nationale en Italie par quatre tendances différentes
: dans
un premier temps, certains considèrent que la religion catholique est l'élément majeur de
l'identité italienne, qui a permis la constitution de cette identité nationale récente. Dans un
second temps, d'autres considèrent que le catholicisme, sans être l'élément principal de
l'identité nationale italienne, joue un rôle important dans la construction de celle-ci ; c'est
cette vision qui prime le plus souvent dans la politique italienne. Dans un troisième temps,
d'autres encore pensent au contraire que c'est la religion catholique qui a entravé (et qui
entrave encore) la mise en place d'une identité nationale forte, partagée par l'ensemble de
la population italienne. Enfin, il y a ceux qui estiment qu'une opposition nette s'est formée
entre religion et identité nationale en Italie.
Les dirigeants, qu'ils soient de droite ou de gauche, qu'ils aient une vie privée
irréprochable ou parsemée de scandales financiers ou sexuels, « pactisent » avec le
pape, recherchent son approbation dans la mise en œuvre de certains projets de loi
(conformément à l'idée d'association entre identité italienne et identité catholique, définie
par Graziano). Dans son livre Il Corpo delle Donne, Lorella Zanardo fait d'ailleurs remarquer
que l'Église, tant qu'elle conserve sa sphère d'influence dans le monde politique, n'est
pas très regardante quant à la morale du gouvernement (et plus particulièrement, des
gouvernements conservateurs, qu'elle s'efforce de soutenir, car partage avec eux des
valeurs communes sur les valeurs familiales et l'avortement) : la forme semble en effet plus
importante que le fond. Ainsi, le pape Benoît XVI et Silvio Berlusconi se sont rencontrés en
13
Accords du Latran entre Mussolini et le cardinal Gasparri signés le 11 février 1929.
14
Manlio GRAZIANO, Identité catholique et identité italienne, Ed. L'Harmattan, Paris, 2007, p.125.
13
La représentation des femmes à la télévision italienne
2009 afin d'échanger sur des sujets tels que l'importance des valeurs familiales, alors que
quelques temps auparavant, le quotidien espagnol El Pa í s publiait les photographies des
fêtes orgiaques du même Berlusconi dans sa villa sarde.
Les femmes sont le plus souvent les premières à pâtir de cette forte influence religieuse
qui n'a pas lieu d'être dans un pays se déclarant laïc comme l'Italie. Le Vatican est en grande
partie responsable du retard des avancées dans l'émancipation des femmes italiennes
15
aujourd'hui : ses prises de position sur la contraception, le divorce, les valeurs familiales
(et, en particulier, le rôle de la mère dans la famille), la fécondation assistée et sa régulière
remise en cause de la legge 194 (loi légalisant l'avortement) contribuent aux difficultés que
rencontrent les femmes italiennes à faire valoir leurs droits.
Bioéthique et avortement : une « invasion » cléricale
Pour illustrer cette ingérence de l'État pontifical sur la politique italienne, il est possible de
se référer à des affaires récentes, qui ont touché en particulier le contrôle de la procréation
et du corps des femmes. Ces exemples de l'influence du Vatican sur la politique italienne
sont d'autant plus représentatifs de la persistance de ce phénomène à une époque où les
pratiques religieuses catholiques sont en diminution.
La mise en place d'une loi extrêmement restrictive encadrant la procréation assistée
en 2004 a été considérée comme particulièrement rétrograde au regard de la dignité et du
respect du corps de la femme. La dite loi freine nettement les possibilités qui s'ouvrent à elles
d'avoir recours à ce procédé, et met également en danger le droit à l'avortement car sépare
l'embryon du corps de la femme qui le porte, lui donnant une personnalité propre. Cette loi,
(legge 40 – loi n°40 –) promulguée malgré une vive opposition le 19 février 2004 est qualifiée
d'inédite en Europe : des pays pourtant connus pour leur fervent catholicisme, tels que
l'Espagne, n'ont jamais atteint un tel degré de réglementation. La legge 40 est considérée
par de nombreux Italiens et Italiennes non seulement comme une atteinte aux libertés des
femmes à disposer de leur corps et à répondre à leur liberté de concevoir un enfant, mais
également comme une atteinte à la laïcité. Le Vatican a en effet pesé de tout son poids pour
l'adoption d'une loi encadrant la procréation assistée, arguant la valeur de « l'inviolabilité
16
de la vie humaine » . Le lobby de l'Église catholique s'est montré très présent lors des
débats houleux qui ont eu lieu lors de l'adoption de la loi (notamment par l'intermédiaire du
Forum delle Associazioni familiari, qui influence les parlementaires), et a fortement appuyé
les parlementaires catholiques de droite pour une adoption rapide de la legge 40, pourtant
très fortement rejetée par bon nombre d'hommes et de femmes politiques. Le texte de loi
ne s'adapte pas aux progrès scientifiques qui ont été faits ces dernières années ; ainsi, le
pays qui avait vu accoucher en 1994 une madre-nonna (« mère-grand-mère ») de plus de
60 ans, Rosanna della Corte de Canino, s'est aligné sur la pensée dominante du souverain
pontife selon laquelle la fécondation non naturelle serait illicite ou adultère (dans le cas de
gamètes hétérologues, dont le recours est interdit par cette nouvelle loi).
La loi instaure notamment une protection de l'embryon, interdisant ainsi toute
expérimentation sur les embryons humains, l'eugénisme, la congélation et la destruction
des embryons, ainsi que la réduction des grossesses multiples (sauf cas exceptionnels).
Le diagnostique pré-implantatoire lui-même n'est pas autorisé par la loi car constitue une
modification du patrimoine génétique de l'embryon, alors même qu'il est d'une importance
15
16
14
Dans Veline, Nyokke e Cilici, Giovanna CAMPANI parle de « backlash » contre les femmes de la part du Vatican.
Evangelium Vitae, Lettre encyclique du Souverain pontife Jean-Paul II sur la valeur et l'inviolabilité de la vie humaine.
Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne
capitale pour la dignité et la santé des femmes, qui ont le droit de connaître les risques
qu'encoure leur futur enfant, et qui pourraient ainsi éviter un avortement futur. La femme
est donc considérée par la loi comme passive, n'ayant aucune décision à prendre sur un
phénomène touchant son propre corps. L'article 14-3, est un exemple de cette passivité
imposée :
«
(…) il trasferimento nell'utero degli embrioni non risulti possibile per grave
e documentata causa di forza maggiore relativa allo stato di salute della donna
non prevedibile al momento della fecondazione è consentita la crioconservazione
degli embrioni stessi fino alla data del trasferimento, da realizzare non appena
17
possibile. »
Ces différents aspects de la loi, dont l'apparition d'une personnalité de l'embryon distincte
de la femme qui le porte, lui donnant quasiment autant de droits (si ce n'est plus) qu'elle,
entrent ainsi en conformité avec le « droit à la vie » revendiqué par le souverain pontife : un
droit s'appliquant dès la conception, au détriment des décisions des femmes.
Plus récemment, et dans son habituel rejet de la legge 194 (loi n°194) qui a autorisé
l'avortement en Italie, le Vatican s'est opposé à la mise à disposition de la pilule abortive
pour les femmes souhaitant avorter par méthode médicamenteuse. Cette pilule a été
mise sur le marché en France en 1988, tandis que l'Italie a dû attendre juillet 2009 pour
finalement autoriser ce nouveau moyen de mettre fin à une grossesse non désirée. L'une
des principales raisons de ce retard propre à l'Italie (la grande majorité des pays membres
de l'Union européenne ont adopté cette pilule dès 1999, dont la Grèce et l'Espagne, où la
religion tient également une place importante dans la société) était l'opposition du Vatican et
de nombreuses figures politiques catholiques, parfois également opposées à l'avortement
chirurgical. La méthode médicamenteuse leur paraissait en effet dédramatiser l'avortement,
le faisant passer pour un geste insignifiant et banal, dans une optique de culpabilisation des
femmes qui y ont recours.
Certains absolutistes moraux arguent que l'avortement médicamenteux ne devrait pas
être consenti car justement pas assez traumatisant pour les femmes qui le subissent,
leur refusant ainsi un service essentiel, au nom du droit à la vie de l'embryon. En effet,
l'avortement chirurgical est plus invasif pour le corps des femmes et considéré comme
18
plus brutal et violent d'un point de vue psychologique . C'est une position que partage
Eugenia Roccella, sous-secrétaire au Ministère de la Santé italien, jouant donc un rôle
important au sein du gouvernement, ex-féministe devenue une très fervente catholique.
Dans un livre intitulé La Favola dell'aborto facile. Miti e realtà della pillola RU 486 (« Le
conte de l'avortement facile. Mythes et réalité de la pilule RU 486 »),Eugenia Roccella
tente de présenter l'avortement médicamenteux comme plus dangereux pour la santé
(se contredisant ainsi, puisqu'elle soutenait que la commercialisation du RU 486 en
Italie équivaudrait à la banalisation de l'avortement) : elle y liste des effets secondaires
dévastateurs, dont la mort, afin de convaincre les femmes de ne pas y avoir recours. En cela,
elle est contredite par Michela Marzano, qui prend pour exemple les statistiques françaises :
depuis la mise en place de la pilule RU 486 en France, les complications post-avortement
17
« (…) Dans le cas d'une impossibilité de transfert des embryons dans l'utérus, due à un cas de force majeur grave et
documenté, relatif à l'état de santé de la femme et non prévu au moment de la fécondation, la congélation des embryons
est consentie jusqu'à la date de l'implantation, à réaliser dès que possible ». Cet alinéa de l'article 14 a été considéré
illégitime par la Cour constitutionnelle en avril 2009.
18
Europaquotidiano.it : 14/08/09 : « Abortirai con dolore » (« Tu avorteras dans la douleur »), Roberto Mordacci.
15
La représentation des femmes à la télévision italienne
auraient largement diminué
2003 :
19
. L'OMS elle-même suit ce raisonnement en affirmant en
« Mifepristone with misoprostol or gemeprost has been proved to be highly
effective, safe and acceptable for early first trimester abortions (RCOG 2000).
20
Efficacy rates up to 98% are reported (Trussell and Ellertson 1999) »
et en incluant la pilule abortive dans la liste des médicaments essentiels pour les pays du
monde.
Le Vatican a clairement fait savoir, au sujet de l'avortement médicamenteux (et de
l'avortement en général), et par le biais du cardinal Elio Sgreccia dans le journal La Stampa
21
qu'il s'agissait d'un « delitto e peccato in senso morale e giuridico » . A noter qu'il emploie
le terme « juridique », témoignant de sa volonté d'interférer avec les affaires de l'État italien
et de s'immiscer dans la sphère publique, qu'il confirme dans cette citation tirée du même
article :
« Per voce di monsignor Elio Sgreccia, emerito presidente dell’Accademia per
la vita, il Vaticano auspica “un intervento da parte del governo e dei ministri
22
competenti”. Perché - spiega - non “è un farmaco, ma un veleno letale” »
Le Vatican fait donc clairement appel au pouvoir italien pour le soutenir dans sa démarche
de rejet de la mise en circulation du RU 486, en « espérant une intervention » de la part
du gouvernement italien, qu'il sait conservateur, donc plus enclin à prendre en compte ses
prises de position. Des réactions aussi controversées, tant au niveau de l'État pontifical
qu'au niveau des hommes et femmes politiques italien-ne-s témoignent donc clairement
des polémiques et débats virulents qui ont toujours lieu en Italie sur le sujet. Cela est
représentatif d'une culture de culpabilisation des femmes, dont le corps possède une place
inférieur à celui de l'embryon, revenant à un rôle passif de simple « incubateur ».
L'Italie s'est finalement résignée à commercialiser le RU 486 le 30 juillet 2009, n'ayant
pas d'autre choix que de s'aligner sur les autres pays européens, mais en posant l'obligation
d'une hospitalisation de trois jours suite à la prise du médicament.
Les femmes selon le Vatican : la mère et la vierge
« Ces pays [l'Allemagne, l'Italie et le Japon] aux fortes traditions patriarcales
sont restés attachés, plus longtemps que d'autres, au modèle de la
complémentarité des sexes qui commande une stricte séparation des univers
19
20
Michela MARZANO, Sii bella e stai zitta, Ed. Mondadori, Milan, 2010, p. 25.
Safe Abortion : technical and policy guidance for health systems, World Health Organization, Department of
Reproductive Health and Research. L'OMS réitère cette affirmation jusqu'à douze semaines d'aménorrhée.
21
http://www.lastampa.it/redazione/cmsSezioni/cronache/200907articoli/45987girata.asp
(cf. première annexe). « Un
délit et un péché au sens moral et juridique ». Jean-Paul II avait par ailleurs précisé dans son Evangelium Vitae que les lois autorisant
l'IVG étaient « privées d'une authentique validité juridique ».
22
http://www.lastampa.it/redazione/cmsSezioni/cronache/200907articoli/45987girata.asp « Selon Monseigneur Elio
Sgreccia, président émérite de l'Académie pour la vie [Pontifica Accademia Pro Vita], le Vatican souhaite “une intervention
du gouvernement et des ministres compétents”. Parce que -explique-t-il- “ce n'est pas un médicament, mais un poison
mortel” ».
16
Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne
masculins et féminins. (…). Aux femmes reviennent les soins de l'enfant, du mari
et de la maison, aux hommes tout le reste (…). Les trois pays en question ont en
commun d'avoir survalorisé le rôle maternel au point d'y engloutir toute identité
féminine. La Mutter allemande, la mamma italienne et la kenbo japonaise donnent
une image mythique de la mère, à la fois sacrificielle et toute puissante (…). Les
femmes ainsi identifiées à la mère admirable, se sont retrouvées prisonnières de
23
ce rôle qui les assignait à résidence. »
La société italienne est connue pour survaloriser la mère, considérée comme le pilier de la
famille traditionnelle. Ce modèle reste inchangé, contrairement aux autres pays européens :
l'Italie reste marquée par l'empreinte très traditionnelle du rôle et de la valeur de la mère
véhiculée par le Vatican, secondé par la politique des gouvernements qui se sont succédés
depuis les années soixante. Peu de politiques permettant aux femmes de concilier un emploi
et une vie de famille ont été mises en place en Italie, ce qui encourage la population (aussi
bien masculine que féminine) à ignorer ou à ne pas accepter une possible émancipation
des femmes au travail et dans la sphère domestique. Les Italiens et Silvio Berlusconi en
tête aiment à penser que la femme est l'angelo del focolare (« l'ange du foyer »). Ainsi, le
Président du Conseil affirmait en 2008 : « Quando voi entrate nel vostro dominio, la casa,
24
.
noi uomini diventiamo sudditi. (…) Voi siete le nostre padrone, fra le mura domestiche »
Cette vision du rôle des femmes dans la société italienne est très influencée par le
discours du pape, qui place la mère au rang de « madone », d'autant plus si elle se consacre
exclusivement à ses enfants, sans travail extérieur au foyer familial. Jean-Paul II déclarait
ainsi :
« Dieu manifeste la dignité de la femme de la façon la plus élevée possible en
assumant Lui-même la chair de la Vierge Marie, que l'Église honore comme la
Mère de Dieu en l'appelant la nouvelle Ève et en la proposant comme modèle de
25
la femme rachetée. »
La Mère est élevée à un rang supérieur et l'identité féminine s'en retrouve confondue avec
l'identité maternelle, dont le symbole par excellence est Marie, qui accepte la grossesse
et l'enfantement avec joie et résignation. La fonction de mère est d'ailleurs considérée par
l'Église catholique comme un sacrifice tout entier de la femme à ses enfants, du moment
de la conception (le corps de la femme étant considéré comme un « lieu de processus
26
biologique sur lequel il n'est pas possible d'intervenir » ) jusqu'à la fin de sa vie. Paola
Binetti, sénatrice membre de l'Opus Dei, résume l'idée du rôle de la mère en Italie, largement
influencée par la religion catholique : elle a ainsi déclaré en 2007 porter régulièrement
un cilice car cela « contraint à prendre conscience de la difficulté de la vie, comme le
23
24
Élisabeth BADINTER, Le Conflit, la femme et la mère, Ed. Fammarion, Paris, 2010, p.161.
« Lorsque vous entrez dans votre royaume, la maison, nous les hommes devenons des sujets. (…) Vous êtes nos patronnes,
entre les murs du foyer ». Caterina SOFFICI, Ma le Donne No,Ed. Feltrinelli, Milan, 2010, p.146
25
Exhortation apostolique Familiaris Consortio de Jean-Paul II à l'épiscopat, au clergé et aux fidèles sur les tâches de la
famille chrétienne dans le monde d'aujourd'hui.
26
Michela Marazano.
17
La représentation des femmes à la télévision italienne
sacrifice d'une mère qui se lève la nuit parce que son bébé pleure »
28
27
. A cela s'ajoute des
voix toujours plus nombreuses s'élevant contre la péridurale , dont Eugenia Roccella :
la péridurale ferait « perdre le contrôle de l'accouchement » aux femmes, et entraînerait
29
des effets secondaires . Le corps de la femme et ses souffrances sont relégués à un
plan inférieur. Porter un enfant, le mettre au monde et l'élever est un sacrifice auquel elle
doit se soumettre. Le sacrifice doit également inclure, selon les préceptes du Vatican, le
renoncement à la carrière professionnelle :
« […] Par ailleurs la vraie promotion de la femme exige que soit clairement
reconnue la valeur de son rôle maternel et familial face à toutes les autres
fonctions publiques et à toutes les autres professions [...] la société doit pourtant
se structurer d'une manière telle que les épouses et les mères ne soient pas
obligées concrètementà travailler hors du foyer. […] Il faut par ailleurs dépasser
la mentalité selon laquelle l'honneur de la femme vient davantage du travail à
l'extérieur que de l'activité familiale […] et que la société crée et développe des
30
conditions adaptées pour le travail à la maison. »
De plus en plus de femmes renoncent à entrer sur le marché du travail, aujourd'hui en Italie
31
et ce, malgré des études brillantes . Les femmes italiennes, confrontées à la difficulté
de concilier vie familiale et travail, renoncent ainsi à leur carrière, quand elles ne pensent
pas elles-même que rester auprès des enfants et se consacrer entièrement à eux est le
devoir de toute bonne mère : selon l'association World Values Survey, plus de 80% de la
32
population italienne serait convaincue qu'un enfant souffre si sa mère travaille . Cette idée
est très influencée par le fait que c'est la femme qui porte les enfants : « l'instinct maternel »
prend une place considérable dans la justification du retour de la mère dans le foyer, ce qui
est pourtant démenti par Pierre Bourdieu :
27
http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/1545019/I-use-spiked-chain-says-senator-in-Opus-Dei.html
http://www.corriere.it/
Primo_Piano/Cronache/2007/03_Marzo/08/cilicio.shtml
28
Phénomène qui n'a pas lieu qu'en Italie : « A-t-on le droit d'aseptiser les naissances ? De diminuer la joie en enlevant la douleur ? »,
Le Conflit, la femme et la mère, Élisabeth BADINTER, Ed. Flammarion, Paris, 2010, p.54.
29
Giovanna CAMPANI, Veline, nyokke e cilici, Ed.Odoya, Bologne 2009, p.159. Beaucoup d'hôpitaux italiens ne pratiquent pas la
péridurale, ce que rapporte Adrian Michaels, dans un article du Financial Times (13 juillet 2007) : « There are not many hospitals in
the Milan area where women giving birth can have an epidural, and some units prefer to offer no pain relief at all. Hospitals emphasis
that birth should be a natural process (...) ».
30
Exhortation apostolique Familiaris Consortio de Jean-Paul II à l'épiscopat, au clergé et aux fidèles sur les tâches de la
famille chrétienne dans le monde d'aujourd'hui.
31
Les femmes représentent la majorité de la population universitaire italienne : 60% ( Courrier International
n°1061, dossier
Italie, extrait de l'Espresso ). A Milan, on estime que deux femmes sur dix délaissent leur emploi après la naissance de leur premier
enfant ; le taux des femmes célibataires travaillant est de 86,5%, celui des femmes vivant en couple est de 71,0% et celui des femmes
en couple ayant des enfants est de seulement 51,5% ( Ma le Donne No , Caterina Soffici). Le taux d'inactivité des femmes italiennes
est le plus haut d'Europe, après Malte ( Courrier International
n°1061, dossier Italie, extrait de
MicroMega ), tandis que les
tâches ménagères sont effectuées presque exclusivement par les femmes : les hommes italiens auraient 81,5 minutes de temps libre
en plus que les femmes par jour ( Ma le Donne No , Caterina Soffici).
32
18
Courrier International n°1061, dossier Italie, extrait de El Pa í s, p.22.
Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne
« La force particulière sociodicée masculine lui vient de ce qu'elle cumule
et condense deux opérations : elle légitime une relation de domination en
l'inscrivant dans une nature biologique qui est elle-même une construction
33
sociale naturalisée. »
Lorsque la femme n'est pas mère, elle se doit d'être illibata (mot désuet signifiant en italien
plus que vierge, « pure », « exemplaire »), expression utilisée par le père de Noemi Letizia
après la révélation de la participation de la jeune fille encore mineure aux fêtes orgiaques
du Cavaliere organisées dans la villa Certosa. Pour sauver l'honneur de sa fille, accusée
d'avoir eu des rapports sexuels avec le Président du Conseil en 2009, le père a fait savoir
que sa fille était vierge. Noemi Letizia est par la suite intervenue en ajoutant que « la virginité
34
est une valeur importante » . Qu'importe le fait qu'elle ait fait des photographies de mode
très dénudées étant mineure, le plus important restait aux yeux de tous et surtout de sa
famille, que son hymen soit intact. L'Église catholique fait de la virginité une valeur absolue
et précieuse, mais elle semble rester plus importante pour les femmes que pour les hommes
en Italie, au vu de ces différentes anecdotes.
L'influence du Vatican en Italie tient donc une place importante, notamment sur les
représentations du genre féminin qu'il propose et sur le contrôle du corps des femmes qu'il
impose. Pour conclure, on pourrait citer Giovanna Campani dans Veline, Nyokke e Cilici,
au sujet de la justification du Vatican comme un protecteur de la dignité des femmes face
à ses nombreuses attaques sur leurs droits :
« Si tratta soprattutto di costruzioni identitarie e ideologiche che definiscono
le frontiere di un gruppo, per una battaglia che è politica, prima che morale : se
fosse davvero questione di morale, di dignità della donna, se fosse questione
della concezione tradizionale cattolica della sessualità, il vaticano e i suoi
sostenitori si scaglierebbero contro le veline, le letterine, l'uso del corpo della
35
donna. »
En résumé, l’Italie d’aujourd’hui se situe toujours dans une vision patriarcale et traditionnelle
du rôle de la femme. Le contrôle du corps des femmes par le pouvoir et par les hommes
demeure extrêmement présent, illustré par les avancées tardives du code pénal dans la
reconnaissance du corps des femmes comme indépendant de l’autorité de l'État ; une
Constitution situant clairement la femme comme ayant une fonction familiale supérieure,
donc inférieure dans la vie publique ; et un Vatican omniprésent, influençant négativement
la société et les politiques favorables à la libération du corps des femmes et à une nouvelle
vision de leur rôle au sein de la société. L’Italie demeure ainsi un pays où il n’est pas illégitime
de penser la femme comme ayant des rôles et fonctions spécifiques, clairement séparées
de celles des hommes (rester vierge, être mère...), fonctions souvent considérées comme
inférieures et passives, à l’image des femmes. Cette passivité est par ailleurs pensée à un
33
34
Pierre BOURDIEU, La Domination masculine, Ed. Seuil, Paris, 2002, p.40.
Caterina SOFFICI, Ma le Donne No, Ed. Feltrinelli, Milan, 2010, p.135.
35 « On parle surtout de constructions identitaires et idéologiques qui définissent les frontières d'un groupe, pour une
bataille qui est avant tout politique et non morale : s'il s'agissait véritablement d'une question morale, de la dignité de la
femme, s'il était question de la conception traditionnelle catholique de la sexualité, le Vatican et ses partisans se lancerait
contre le phénomène des veline , letterine , l'utilisation du corps de la femme. », Giovanna CAMPANI, Veline, Nyokke
e Cilici , Ed. Odoya, Bologne , 2009, p.161
19
La représentation des femmes à la télévision italienne
autre niveau : bien qu’on demande à la femme d’être « illibata »(pour reprendre l’expression
du père de Noemi Letizia), elle se doit également de montrer ses « attributs ».
Chapitre 2 – Sexe et utilisation du corps : la réussite
socio-professionnelle des femmes dans l'Italie de
Berlusconi
La période Silvio Berlusconi, qui s’étend du début des années 90 à aujourd’hui, a vu se
développer une augmentation de femmes dénudées et promues exclusivement pour leurs
atouts physiques, tant au niveau du paysage médiatique qu’au niveau du monde politique
italien. Les jeunes filles vivant dans l’Italie de Berlusconi sont fortement influencées par ces
modèles de réussite sociale, qui n’hésitent pas à montrer toujours plus leur corps dans les
médias et principalement, à la télévision. Une telle exhibition du corps des femmes, dans
un pays où les traditions patriarcales et catholiques prônant la virginité et la maternité sont
toujours fortement présentes au sein de la société, constitue le célèbre paradoxe italien.
Cependant, il est important de constater que de ces deux paradoxes naît un lien commun :
celui de l’emprise du corps des femmes par des hommes (particulièrement les hommes
issus du paysage médiatique et les hommes politiques), rappelant le rôle passif du sexe
féminin au sein de la société italienne.
Section 1 – Exhibition et beauté : le modèle de la réussite sociale chez
les Italiennes aujourd'hui
Le phénomène de réclame sexuelle par l'exhibition du corps féminin par les médias et
plus spécifiquement par la télévision est présent dans la plupart des pays du monde,
notamment les pays occidentaux. Cependant, en ce qui concerne l'Italie, ce phénomène est
particulièrement développé, et ce depuis les années 90, mettant en scène des femmes à
moitié nues, de plus en plus jeunes au fil des années, belles, minces, souriantes et surtout,
muettes. Cette particularité de l'Italie, qui place des femmes dénudées même dans des
programmes où une telle présence est tout à fait exclue et éloignée de l'objet de l'émission,
« L'invasione di donne spogliate è
a conduit à parler d'une « anomalie italienne » :
un'anomalia tipicamente italiana. L'immagine della donna veicolata dalla televisione è un
susseguirsi di corpi, gambe e seni scoperti. »
36
,
selon
Caterina Soffici.
Giuliano Amato, ancien Président du Conseil de gauche et prédécesseur de Silvio
Berlusconi, n'hésite pas à parler quant à lui de «
» (littéralement, « télévision
“
seins -fesses
televisione
”
»)
37
“
tette-culi
”
, mais qui a toujours plus de
succès et sert toujours plus de modèle aux jeunes Italiens et Italiennes.
36
« L'invasion de femmes dénudées est une anomalie typiquement italienne. L'image de la femme véhiculée par la télévision est
une succession de corps, jambes et seins découverts. », Caterina SOFFICI, Ma le Donne No, Ed. Feltrinelli, Milan, 2010, p.108.
37
20
Giovanna CAMPANI, Veline, Nyokke e Cilici, Ed Odoya, Bologne, 2009, p.74.
Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne
La télévision, synonyme de réussite
Selon le Censis
38
, les Italiens et Italiennes, et en particulier les plus jeunes, ont pour
modèle de réussite la télévision. Ainsi, le rêve de ces jeunes gens (et plus particulièrement,
de ces jeunes filles) est de réussir en passant à la télévision, plutôt qu'en faisant des études
ou en rêvant à un travail stable « normal » (en-dehors des caméras de télévision), considéré
par eux comme monotone et peu intéressant. L'organisme, dans un rapport datant de 2009,
reconnaît une tendance globale de ce phénomène dans les autres pays, mais remarque
également qu'en Italie, à l'inverse des autres nations, le passage par la télévision est vu
comme le seul futur possible et le seul vecteur de réussite sociale chez les jeunes :
« Tutti i
giovani d'Italia vedono nella televisione l'unica forma di mobilità sociale o annettono a fattori
estetici l'unica molla possibile di avanzamento. »
39
L'étude montre également qu'à la question : « Que veux-tu faire plus tard ? », la majeure
partie des jeunes répondent qu'ils veulent passer à la télévision.
L'étude de la Società Italiana di Pediatria (Société Italienne de Pédiatrie) réalisée en
40
2003 est encore plus édifiante : 8% des jeunes Italiens interrogés veulent devenir célèbres
lorsqu'ils seront adultes (sans mentionner en quoi ils le seront), chiffre atteignant plus
de 11% pour les jeunes Italiennes. 5,2% d'entre elles souhaiteraient devenir velina à la
télévision plus tard. Paradoxalement, dans le même temps, ces jeunes filles estiment que
la profession de velina à la télévision n'est pas un travail gratifiant. Une grande part de
ces jeunes interrogés souhaiterait se faire connaître notamment par des émissions de téléréalité, qui ont beaucoup de succès en Italie (l'émission Grande Fratello, la version italienne
de Loft Story, a terminé sa onzième saison en avril 2011). Une nouvelle enquête faite en
41
2006
par la même société confirme cette tendance : chez les filles, « être célèbre » et
« être velina » sont les premières réponses à la question « Que veux-tu faire plus tard ? »,
avant la réponse « Je ne sais pas ». Les parents eux-mêmes, provenant le plus souvent des
classes populaires (mais pas seulement), encouragent leurs enfants, et plus spécifiquement
leurs filles (par des books photographiques, etc.) à se diriger vers la « voie télévisée », y
voyant également un modèle de réussite idéal pour leurs enfants. C'est ce qu'affirme Lorella
Zanardo, dans son ouvrageIl Corpo delle Donne, prenant pour exemple les familles des
42
participants à l'émission de télé-réalité Grande Fratello
. « Passer dans les journaux, à
la télé, c'est quelque chose dont toutes les mères rêvent pour leur fille », affirme également
une mère italienne dans un documentaire intitulé Les femmes-objets de Berlusconi, diffusé
38
39
Centro Studi Investimenti Sociali, « Centre d'Études des Investissements Sociaux ».
http://www.censis.it
« Tous les jeunes italiens voient dans la télévision l'unique forme de mobilité sociale ou attachent aux facteurs esthétiques l'unique
ressort de promotion », Caterina SOFFICI, Ma le Donne No, Ed. Feltrinelli, Milan, 2010, p.107.
40
41
42
Bambini e adolescenti : l'ambiente in cui vivono, Maurizio Tucci
http://sip.it
http://dweb.repubblica.it/dettaglio/Sexyspot-generation/54786?page=2 (cf. seconde annexe).
Lorella ZANARDO, Il Corpo delle Donne, Ed. Feltrinelli, Milan, 2010, p.138.
21
La représentation des femmes à la télévision italienne
43
sur Arte . Le mot d'ordre semble donc devenu en Italie depuis quelques années : « si tu
n'apparais pas, tu n'existes pas ».
44
,
Dans une société où le taux de chômage chez les jeunes frôle les 29%
où le
taux d'inactivité des femmes est l'un des plus élevés d'Europe (48,9%, et ce, malgré un
45
nombre d'étudiantes plus important que les étudiants à l'université)
et où les diplômes
universitaires ne semblent plus avoir aucune valeur, les jeunes Italiennes préfèrent donc
choisir une voie plus facile, qui pourra les mener vers une carrière de journaliste, ou même
de femme politique, et bien mieux payée qu'un travail « normal ». Ainsi, Franca Valeri,
célèbre actrice italienne, disait à propos de ces jeunes femmes : « Star lì un paio d'anni
ben pagata a ballonzolare mezza nuda è molto più semplice che impegnarsi in banca »
46
. Passer dans une émission de télé-réalité ou concourir à Miss Italia devient ainsi la
voie royale pour bon nombre de jeunes filles, qui peuvent par la suite espérer une certaine
visibilité et la promesse d'une carrière dans le monde du show-business italien. En témoigne
ainsi l'engouement et le succès de l'émission Veline, créée en 2002, qui a pour seul objectif
de choisir les deux nouvelles veline de l'émission satirique Striscia la Notizia, tant les deux
jeunes « ballerines » de l'émission ont acquis une popularité en Italie au cours des dernières
années.
Pour parler de ce phénomène en pleine expansion, les Italiens ont inventé un nouveau
terme : « velinismo » (« vélinisme »), qui qualifie ainsi l'engouement et l'ambition de plus
en plus forte des jeunes filles italiennes d'accéder à la profession de velina. Le journaliste
américain Adrian Michaels, venu vivre en Italie, parle quant à lui de « naked ambition » dans
un article du Financial Times :« Young girls envy showgirls, they link beauty to success...
47
.
Many young women still have the example of their mother who don't work. »
Adrian Michaels, en s'appuyant sur les témoignages de femmes italiennes (comme la
politicienne Emma Bonino), fait le lien entre la discrimination dont sont victimes les Italiennes
au travail, ainsi que le poids des traditions patriarcales et cette « ambition du nu », propre à
l'Italie. De nombreuses voix (surtout féminines) se font entendre dans le pays à propos du
manque de politiques en faveur des femmes qui travaillent, ne leur permettant pas ainsi de
concilier travail et vie de famille et les reléguant à un rôle de mère et de « patronne de la
maison » (pour reprendre les mots de Silvio Berlusconi), sans possibilité d'accéder à des
43
Italie : les femmes-objets de Berlusconi, diffusé sur Arte le 6 avril 2011 (extrait :
http://videos.arte.tv/fr/videos/
italie_les_femmes_objets_de_berlusconi-3821326.html )
44
45
46
Sources : Istat (Istituto nazionale di Statistica – Institut national de statistiques), chiffres 2011 (provisoires).
Courrier International n°1061, dossier Italie, extrait de MicroMega.
« Rester là pendant plusieurs années bien payée à dansoter à moitié nue est beaucoup plus facile que s'impliquer dans
un métier de banquière ». Extrait d'une interview accordée à la Sette en 2002, dans Norma RANGERI, Chi l'ha vista?, Rizzoli, Milan,
2007, p.17.
47
« Naked ambition », Adrian Michaels, Financial Times, 13 juillet 2007. http://www.ft.com/intl/cms/s/2/7d479772-2f56-11dc-
b9b7-0000779fd2ac.html#axzz1TWqrOU1C A noter que les deux actuelles et célèbres veline de la très populaire émission Striscia la
Notizia, Federica Nargi et Costanza Caracciolo, ont toutes les deux une mère au foyer.
22
Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne
48
fonctions élevées et prestigieuses, ou au monde de la politique . Les femmes dévêtues
dans les émissions de télévision sont donc victimes, tout comme leur mère, confinée à la
cuisine et au foyer familial, des traditions patriarcales qui présentent les femmes comme
des êtres passifs, dont la seule qualité est soit d'être mère, soit d'être belle. Tout comme
la célèbre casalinga ou comme la mamma italienne, la velina ne peut espérer avoir un rôle
important et significatif dans la société, et ce même si sa carrière télévisée la porte vers des
fonctions plus gratifiantes, telles que journaliste ou femme politique. Son rôle se cantonne
au paraître et à la passivité, faisant office de « décoration télévisuelle », ce qui n'est pas
sans rappeler ce que qu'écrivait Pierre Bourdieu à propos de la « fonctionnalité » du corps
féminin dominé et de son « utilisation » par le genre masculin dominant :
« Les régularités de l'ordre physique et de l'ordre social imposent et inculquent
les dispositions en excluant les femmes des tâches les plus nobles [une carrière
professionnelle/la présentation d'émissions...] [...], en leur assignant des places
inférieures [la maison/ la « décoration »] […], en leur enseignant comment se
tenir avec leur corps [protection des enfants et maternité/exhibition des parties
49
intimes] […]. »
Des modèles imposés
Les jeunes femmes aspirant à devenir des veline intègrent des codes particuliers : la réussite
dépend pour elles de leur physique et se doivent donc de reproduire les critères esthétiques
imposés, qui envahissent aussi bien la télévision publique que privée. Leur corps doit donc
être idéal et répondre aux « besoins » télévisuels pour atteindre la perfection, quitte à avoir
recours à des artifices tels que la chirurgie esthétique :
« [Il corpo femminile] viene ripetutamente mostrato un corpo ideale – un corpo
sempre giovane, tenuto sotto controllo, artificiale e plastificato – che diventa
modello normativo per le spettatrici e soprattutto per le donne che lavorano in
50
televisione, dalle soubrette alle giornaliste. »
Les jeunes filles italiennes n'ont pratiquement pas d'autres modèles de « réussite au
féminin » que les show-girls qui passent en boucle à la télévision. Comme le fait remarquer
Michela Marzano, l'injonction qui leur est faite par le biais de ces programmes télévisés
est toujours la même : contrôler son corps afin d'être belle et désirable, et ce, dans le but
unique de réussir sa vie personnelle et surtout professionnelle. La réussite ne passe donc
plus par les études et un diplôme, mais par un book et un passage à la télévision. Lorella
Zanardo regrette cette carence de modèles positifs alternatifs qui pousseraient ces jeunes
femmes vers des carrières plus gratifiantes, qui leur permettraient de mettre à contribution
leur savoir intellectuel et leurs compétences acquises au cours de leurs études.
48
Dans Courrier International n°1061, dossier Italie, extrait de El Pa í s, p.22, Daniela Delboca, une économiste italienne,
déplore que « vingt ans se [soient] écoulés sans politiques sérieuses de conciliation emploi-famille ni de politique d'égalité entre les
hommes et les femmes. »
49
Pierre BOURDIEU, La Domination Masculine, Ed. Seuil, Paris, 2002, p.41.
50
« [Le corps féminin] est toujours représenté comme un corps idéal – un corps toujours jeune, sous contrôle, artificiel
et plastifié – qui devient une norme pour les spectatrices et surtout pour les femmes qui travaillent à la télévision, de la
soubrette [velina] aux journalistes ». Saveria CAPECCHI, Identità di Genere e Media, Ed. Carocci, Rome, p.78.
23
La représentation des femmes à la télévision italienne
Les femmes intègrent ainsi un modèle de représentation propre au genre masculin et
prennent conscience dès leur plus jeune âge (et en particulier, par le biais de la télévision) du
pouvoir de leurs corps et de leur apparence sur les hommes et de la possibilité d'utiliser leur
physique pour réussir professionnellement. Les codes véhiculés et intégrés par la société
italienne sont donc les suivants : être jeune, mince, mais avoir des formes généreuses,
un visage harmonieux, de préférence avec des lèvres charnues, de longues jambes et
une longue chevelure. Les codes vestimentaires, quant à eux, se résument à être le plus
dénudée possible, afin d'exposer ses charmes. Ce diktat de la beauté auquel une femme
échappe difficilement en Italie est résolument axé sur un regard masculin du corps féminin et
sur l'expression d'un désir purement masculin (hétérosexuel), mettant en scène des femmes
belles et passives. Ce modèle est largement intégré et reproduit par les jeunes Italiennes,
qui ont rarement conscience de la domination qui s'exerce sur elles : elles sont le plus
souvent nées avec, ont grandi avec et n'ont pas acquis les outils pour avoir une analyse et
un regard critique sur la façon dont est utilisé leur corps dans les médias et la société, selon
Lorella Zanardo. Les Italiennes ont donc un regard masculin sur leur corps : « Men look
51
, comme l'assurait John Berger,
at women. Whom watch themselves being looked at »
ce qui est confirmé par l'analyse sociologique de Pierre Bourdieu, qui qualifie par ailleurs
« le désir masculin comme désir de possession », par opposition au « désir féminin comme
désir de possession de la domination masculine », désirs socialement construits.
« La domination masculine, qui constitue les femmes en objets symboliques,
dont l'être (esse) est un être-perçu (percipi), a pour effet de les placer dans un
état permanent d'insécurité corporelle ou, mieux, de dépendance symbolique :
elles existent d'abord par et pour le regard des autres, c'est-à-dire en tant
qu'objets accueillants, attrayants, disponibles. On attend d'elles qu'elles soient
« féminines », c'est-à-dire souriantes, sympathiques, attentionnées, soumises,
52
discrètes, retenues, voire effacées. »
Ce modèle féminin a été particulièrement impulsé par Silvio Berlusconi, lors de la
construction de son empire médiatique Mediaset (au départ Fininvest), dans les années
70, modèle rapidement suivi par la Rai, inquiète de la concurrence des nouvelles chaînes
privées, qui se devait pourtant d'assurer un rôle culturel et éducatif, du fait de son caractère
public. Le Président du Conseil n'hésite pas à parler du physique des femmes qui l'entourent,
mettant parfois en doute leurs capacités et leurs compétences professionnelles, surtout
lorsqu'il s'agit de femmes politiques. Ainsi, sa protégée Mara Carfagna est la « ministre la
plus belle du monde » et s'il n'était pas déjà marié, il l'épouserait ; Rosy Bindi, députée de
l'opposition, est « plus belle qu'intelligente » (cf. infra partie 2, chapitre 2, section 1) ; quant
aux femmes politiques membres du gouvernement espagnol, le Cavaliere en parle en ces
termes :
« Le donne? Siete il regalo più bello che Dio ha dato a noi uomini. Il governo
Zapatero troppo rosa? Come potevate pensare che il presidente italiano, la patria
dei grandi amatori, la patria dei Casanova, la patria dei playboy, diciamolo chiaro,
51
52
24
John BERGER, Ways of Seeing.
Pierre BOURDIEU, La Domination Masculine, Ed. Seuil, Paris, 2002, p.94.
Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne
potesse dire qualcosa di negativo nei confronti di donne che fanno il ministro? »
53
.
Pourtant, cela n'empêche pas de nombreuses jeunes femmes italiennes d'entrer sur la
scène politique, sans pour autant avoir des compétences en la matière. Ce phénomène,
nommé « vélinisme politique » se démocratise de plus en plus en Italie, faisant parfois perdre
toute crédibilité au pays et à ses dirigeants...
Section 2 – De show-girl à femme politique : le « vélinisme politique »
Depuis de nombreuses années, le monde du spectacle et de la télévision et le monde de la
politique entretiennent des liens très étroits en Italie. Le Président du Conseil italien, Silvio
Berlusconi, en est l'exemple le plus significatif : aujourd'hui homme le plus puissant d'Italie, il
a bâti un immense empire médiatique avant de se lancer en politique et à l'assaut de la tête
du pays. Cet empire médiatique, Mediaset, dont les chaînes Canale 5, Italia 1 et Retequattro
font partie, détient le monopole de l'émission télévisuelle privée. Si aujourd'hui Mediaset
n'est plus officiellement la propriété privée du Cavaliere, elle reste aux mains de ses proches
(son président, Fedele Confalonieri, est un ami proche et le vice-président n'est autre que
son fils, Pier Silvio Berlusconi), par le biais de la holding Fininvest, lui appartenant. De
nombreux hommes politiques ont également des rapports très étroits avec les personnalités
du petit écran, en particulier les veline. Le scandale de Vallettopoli en juin 2006 a d'ailleurs
révélé que des hommes politiques recommandaient des show-girls à la télévision d'État en
échange de faveurs sexuelles de leur part : cela a notamment été le cas de Salvatore Sottile
(alors porte-parole de Gianfranco Fini, le ministre des Affaires étrangères de l'époque) et
Elisabetta Gregoraci, éloignée de la Rai suite à l'affaire, mais consacrée par Mediaset.
L'apparition de « starlettes » du petit écran choisies par Berlusconi et ses collaborateurs
dans le monde de la politique italienne n'est donc qu'un pas de plus vers un resserrement
du lien entre médias audiovisuels et politique.
Les chiffres de la représentation des femmes en politique
Dans un premier temps, il est nécessaire de rappeler les chiffres de la représentation des
femmes en politique en Italie. Le pays a clairement accumulé un immense retard dans le
domaine de la parité femme-homme en politique par rapport à ses voisins européens, ce
qui a de nombreuses conséquences sur la mise en place de lois qui participent à une mise
à l'écart des femmes (legge 40, comme on l'a vu...) et sur le discours politique, qui relègue
les femmes à la famille et à l'apparence physique. Les compétences des femmes dans le
domaine de la politique sont souvent remises en cause : en témoigne les réflexions de Silvio
Berlusconi, durant les élections d'avril 2008, affirmant que l'Italie n'était « pas prête » pour
53
« Les femmes ? Vous êtes le plus beau cadeau que Dieu nous ait donné, à nous, les hommes. Trop de femmes dans
le gouvernement Zapatero ? Comment pouviez-vous penser que le président italien, la patrie des grands amateurs, la
patrie des Casanova, la patrie des playboy, disons-le clairement, aurait pu dire quelque chose de négatif à l'égard de
femmes ministres ? », suite à ses déclarations en 2008 : il avait en effet fait savoir qu'il y avait trop de femmes dans le
gouvernement Zapatero et qu'en conséquence, ce nouveau gouvernement serait « difficile à gérer ». Caterina SOFFICI, Ma
le Donne No, Ed. Feltrinelli, Milan, 2010, p.143.
25
La représentation des femmes à la télévision italienne
54
voir un pourcentage de femmes candidates sur les listes équivalent aux hommes . Cela
en dit donc long sur la préférence qu'a le Popolo della Libertà, parti de Silvio Berlusconi, de
privilégier des femmes belles et sans compétences afin d'attirer plus d'électeurs (appliquant
ainsi les mêmes méthodes que pour les chaînes de télévision du groupe Mediaset) : le
parti peut ainsi se targuer d'avoir une présence féminine en augmentation, sans pour autant
confier de réelles responsabilités à ces jeunes femmes inexpérimentées (les envoyant le
plus souvent au Parlement européen, loin de la vie politique italienne).
L'Union européenne a fixé un taux de représentation féminine dans la vie politique des
pays membres de 24%, estimant qu'une représentation féminine trop basse constituait une
55
diminution de la qualité de la démocratie des pays . L'Italie, quant à elle, est bien endessous de ce taux, même si les femmes sont plus présentes dans la vie politique du pays :
21,3% des député-e-s sont de sexe féminin, quant aux membres du Sénat, 17,4% d'entre
56
eux sont des femmes
. L'exécutif est tout aussi peu représenté : sur les vingt-quatre
ministres membres du gouvernement Berlusconi IV, cinq sont des femmes (toutes âgées
de moins de 45 ans), dont deux sont issues du monde de la télévision et des concours de
beauté (Mara Carfagna et Michela Vittoria Brambilla)
57
.
L'une des causes estimées de cette représentation des femmes en politique très
inférieure aux exigences de l'Union européenne est l'absence de quotas instituant la parité
entre femmes et hommes (les quote rosa, littéralement, « quotas rose », en Italie), que la
plupart des pays voisins ont adopté depuis de nombreuses années. Ces fameuses quote
rosa avaient été adoptées en 1992 et avaient permis une augmentation significative du
nombre de femmes dans les deux Chambres. Contre toute attente et en parfaite opposition
avec ses les pays voisins, l'Italie n'a pu bénéficier de ces quotas plus de deux ans : la Cour
Constitutionnelle a en effet jugé ces dispositions en faveur de la parité inconstitutionnelles
et contraires à l'égalité des sexes, ce qui a eu pour conséquences une nouvelle baisse de
la représentation des femmes dans les assemblées. Des dispositions en faveur de la mise
en place de quotas de femmes lors des élections n'ont toujours pas été prise, et ce, malgré
la modification de l'article 51 de la Constitution italienne, qui prend en compte la possibilité
de recourir à des « mesures adéquates » depuis 2003 :
« Tutti i cittadini dell'uno o dell'altro sesso possono accedere agli uffici pubblici
e alle cariche elettive in condizioni di eguaglianza, secondo i requisiti stabiliti
dalla legge. A tal fine la Repubblica promuove con appositi provvedimenti le pari
58
opportunità tra donne e uomini . »
54
En réponse à l'attaque de Walter Veltroni, son adversaire membre du Parti Démocratique (PD) : 43,1% des candidat-e-s présenté-e-
s sur les listes du PD étaient des femmes, contre 22,6% pour le Popolo della Libertà (PdL), le parti de Berlusconi. Sources : Gianfranco
BALDINI et Anna CENTO BULL, Politica in Italia, Edizione 2009, Ed. Il Mulino, Bologne, 2009, p.209.
55
Ibid., p.208-209. Des chiffres sensiblement identiques à ceux de la France, en retard également selon l'Union européenne :
18,5% à l'Assemblée Nationale et 21,9% au Sénat.
56
57
58
Ibid., p.210.
http://www.governo.it/governo/ministeri/ministri_gov.html
« Tous les citoyens, quelque soit leur sexe, peuvent accéder aux emplois publics et charges électives dans d'égales
conditions d'accès, selon les conditions fixées par la loi. Pour ce faire, la République promeut la parité entre hommes et
femmes par des mesures adéquates ». http://www.governo.it/Governo/Costituzione/1_titolo4.html
26
Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne
Les mesures en question n'ont jamais ni été précisées, ni mises en œuvre. La ministre
de l'Égalité des Chances de l'époque, Stefania Prestigiacomo, a tenté d'introduire des
quotas en faveur des femmes en 2005, sans jamais y parvenir, fondant en larmes devant
les résistances des hommes politiques et en premier lieu, Berlusconi, pourtant du même
parti qu'elle. Depuis, Stefania Prestigiacomo n'est plus ministre de l'Égalité des Chances,
remplacée par Mara Carfagna, plus docile et se prononçant contre les quote : « Io sono
un piccolo ma eloquente esempio vivente che [le quote] non servono » (« Je suis un petit
59
mais significatif exemple que [les quotas] n'ont aucune utilité ») . Seules les députées
européennes italiennes représentent un nombre significatif dans la représentation féminine
en politique (même si leur nombre reste en-deçà des exigences de l'Union européenne), leur
pourcentage ayant augmenté rapidement au cours des dernières années, jusqu'à atteindre
60
20,5% en 2004
. Toutefois, ce chiffre n'est pas anodin : la classe politique italienne,
relativement peu tournée vers les affaires européennes, estime trop souvent et à tort que
l'importance du Parlement européen est moindre que celle des chambres nationales. C'est
par ailleurs au Parlement européen que les candidatures d'ex show-girls ont été les plus
nombreuses (elles sont ainsi qualifiées d'« Euroveline » par Caterina Soffici), avant d'envahir
progressivement la scène politique italienne.
De la Cicciolina à Mara Carfagna : parcours de femmes politiques atypiques
Lorsqu'il s'agit d'évoquer l'entrée en politique de stars féminines du show-business, à la
plastique parfaite et au comportement provoquant, un nom ressort en permanence : celui
de Ilona Staller, dite la Cicciolina. Considérée comme un ovni de la politique à l'époque
de son ascension au sein du parti vert Lista del Sole(elle entre sur les listes du parti dès
1979, dans une Italie qui ne connaissait pas encore l'hyper-sexualisation des femmes à
la télévision et les frasques sexuelles de ses dirigeants), puis du Partito Radicale, elle est
aujourd'hui un exemple parmi tant d'autres du phénomène italien de « vélinisation » de la
politique. Si Ilona Staller provenait d'un milieu encore plus éloigné de la politique que les
actuelles veline (le milieu des films pornographiques, notamment), c'est une précurseure
de l'entrée des femmes au physique « attrayant » dans le monde de la politique, jouant de
son physique et de son passé sulfureux pour se faire élire et entendre de ses homologues,
principalement masculins. N'hésitant pas à se « donner intégralement » en faveur de la
paix dans le monde (ce qu'elle avait affirmé en 1990 et 2002, offrant ses services sexuels
à Saddam Hussein pour maintenir la paix dans le monde) ou à montrer ses seins pour
manifester son engagement en politique. Bien qu'elle n'ait pas fait d'études et que ses
compétences en la matière n'aient jamais été très développées, sa carrière politique a été
relativement couronnée de succès, puisqu'elle est parvenue à obtenir un siège à la Chambre
des Députés italiennes grâce à un nombre assez important de votes, et fait toujours entendre
sa voix sur des sujets qu'elle défendait pendant sa carrière, comme la défense de la liberté
sexuelle, la mise en place de cours d'éducation sexuelle à l'école ou l'abolition de la censure.
Toutefois, la situation des « veline politiques », arrivées plus tardivement sur la scène
politique italienne, est différente de celle de la Cicciolina : si cette dernière avait des idéaux
qui l'ont poussée à entrer en politique et à y faire carrière (comme par exemple, l'écologie
et la promotion de la paix dans le monde), les nouvelles politiciennes provenant du petit
écran ont un unique but : celui de faire une belle carrière, qu'importe le parti dans lequel
59
Article de Fabrizio Roncone paru dans Corriere della Sera le 31 mai 2006.
http://www.corriere.it/Primo_Piano/
Politica/2006/05_Maggio/31/carfagna.shtml (cf. troisième annexe).
60
Gianfrano BALDINI et Anna CENTO BULL, Politica in Italia, Edizione 2009, Ed. Il Mulino, Bologne, 2009, p.217.
27
La représentation des femmes à la télévision italienne
elles seront actives (qui est, en l'occurrence, toujours le Popolo della Libertà, parti de Silvio
Berlusconi). La passivité est donc de mise également pour ces nouvelles femmes politiques :
leur beauté prend le pas sur leurs compétences, le problème étant moins leur carrière
passée de show-girls (bien que les photographies dénudées de ces jeunes filles circulant
sur Internet notamment, puissent nuire à leur crédibilité), mais le fait que le plus souvent,
elles n'aient pas ou peu fait d'études (ou bien des études inadéquates à une carrière de
politicienne). Le système de promotion et de cooptation de ces nouvelles recrues de la
politique par Silvio Berlusconi favorise ainsi largement l'accès à des carrières politiques
par la beauté plutôt que par la connaissance. Ces jeunes femmes ayant l'ambition de faire
une carrière brillante, leur apportant une certaine stabilité, et le parti du Cavaliere étant le
seul à proposer une telle « voie d'accès », nombreuses sont celles qui s'y engagent sans
nécessairement adhérer aux idées politiques du parti.
Selon Michela Marzano, de nombreuses jeunes filles répondent à la question « Que
veux-tu faire comme métier plus tard ? » par « Velina ou femme politique », deux
carrières aux compétences et connaissances très éloignées dans n'importe quel pays
du monde, mais pas en Italie, où aujourd'hui, les femmes ne doivent plus être belles et
attirantes uniquement pour réussir dans le monde de la télévision, mais également en
politique. La « naked ambition » dénoncée par Adrian Michaels dans son article du Financial
Times et imposée au jeunes femmes pour se faire une place dans la société envahit ainsi
progressivement la sphère politique italienne. Selon Caterina Soffici, la velinaFlavia Vento
est celle qui a changé la donne en matière de vélinisme politique : « E' lei l'anello di
61
congiunzione tra la soubrette e la velina candidata » , affirme-t-elle. Flavia Vento, qui jouait
le rôle du pied de table dans l'émission télévisée Libero sur la Rai (elle passait la plus grande
partie de l'émission dans une sorte de cage en plastique transparent faisant office de table,
« avec des trous pour respirer », selon le présentateur de l'émission, Teo Mammuccari), et
62
qui pensait que la chute du Mur de Berlin avait eu lieu en 1968 , avait ainsi tenté en 2004
de se lancer dans une carrière politique. Son ignorance flagrante et un discours désastreux
63
(mêlant des affirmations telles que le constat que la guerre était une chose triste et que
la prendre de la drogue était stupide) eurent raison de ses ambitions politiques. Depuis,
de nombreuses veline se sont portées candidates à diverses élections et nombreuses
ont été celles qui ont pu percer dans le milieu de la politique (notamment, au Parlement
européen et dans les conseils de régions). Toutes ont un point commun : leur affiliation
au parti de droite de Silvio Berlusconi, le Popolo della Libertà. Nombre d'entre elles sont
des proches ou ont été très proches de Silvio Berlusconi, comme Angela Sozio, propulsée
candidate aux élections européennes de 2009, sans aucune autre expérience qu'avoir été
candidate à l'émission de télé-réalité Grande Fratello et photographiée main dans la main
64
avec le Cavaliere dans sa villa sarde , parmi d'autres jeunes femmes. Lors de ces mêmes
élections, trois autres veline avaient été propulsées candidates : Eleonora Gaggioli, Camilla
Ferranti et Barbara Matera, finalement élue, fortement soutenue par Berlusconi qui, devant
les réticences de la population italienne avait déclaré : « Barbara Matera è laureata in
61
« C'est elle le point de ralliement entre la soubrette et la velina candidate», Caterina SOFFICI, Ma le Donne No, Ed. Feltrinelli,
Milan, 2010, p.79.
62
63
64
rouges.
28
Lors d'une interview avec le journaliste Mario Adinolfi en novembre 2008 (cf. quatrième annexe).
Discours datant du 28 septembre 2004, lors d'une rencontre du parti politique la Margherita.
Couverture de Oggi, « L'Harem di Berlusconi », datant du 17 avril 2007 : Angela Sozio est reconnaissable à ses cheveux
Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne
scienze politiche, me l’ha consigliata Gianni Letta, è la fidanzata del figlio di un prefetto suo
amico. Ecco, ha fatto una parte in Carabinieri 7 su Canale 5, ma mai la velina. »
65
La sphère médiatique et la sphère politique commencent donc à se confondre avec
l'apparition de candidatures politiques de veline, ainsi que la sphère publique et la sphère
privée (propre au Cavaliere), ce qui semble compromettre non seulement l'efficacité du
gouvernement et du pouvoir législatif (marqués par l'incompétence de la grande majorité
des veline nommées ou élues), mais également la crédibilité de l'Italie dans le reste du
monde et notamment, en Europe, où les Euroveline présentes au Parlement européen sont
accueillies avec des réticences, voire même, de l'amusement. En effet, comme le rappelle
Michela Marzano, « Ogni democrazia liberale si fonda sulla necessaria separazione fra sfera
pubblica e sfera privata per permettere a ciascuno di preservare le sue libertà individuali »
66
et nombreux sont les voisins européens de l'Italie qui sont dans l'incompréhension totale
face à une telle situation, unique en Europe et dans la plupart des pays du monde :
« In tutti questi paesi [Stati Uniti ed Europa dei Ventisette] le donne per fare
politica non hanno bisogno di relazioni particolari col capo e le donne che
cominciano la carriera facendo servizi particolari al capo di solito non entrano in
67
politica »
.
L'argument de poids de Silvio Berlusconi est le suivant : donner un visage plus jeune à
l'Europe et à la politique en général en se servant de femmes belles et attirantes, prêtes à
tout pour avoir une certaine visibilité, et attirer l'électeur (et plus particulièrement, l'électeur
masculin) vers son parti.
Maria Rosaria Carfagna, mieux connue sous son nom d'artiste Mara Carfagna, est une
preuve que cette stratégie de l'utilisation du corps des femmes pour s'attirer des électeurs
fonctionne : ainsi, l'actuelle ministre de l'Égalité des Chances et favorite de Silvio Berlusconi
a été élue députée en 2006, sans s'être jamais présentée à des élections auparavant et
sans avoir les compétences requises, puis réélue en 2008 et nommée ministre par la même
occasion. Cette nomination éclair de Mara Carfagna au poste de Ministre de la Parité est
tout à fait représentative de l'idée que se font les actuels dirigeants du rôle et de la place
de la femme dans la société italienne : la velina est le symbole-même de la passivité et
de l'utilisation du corps féminin, un symbole en contradiction totale avec l'idée d'égalité
des chances et de parité entre les hommes et les femmes. Pour Caterina Soffici, cette
nomination est une véritable provocation de la part du Président du Conseil italien :
« Calare dall'alto – quindi in modo assolutamente impari – un'ex velina sulla
poltrona che rappresenta il luogo della parità femminile (e non solo) è una
65
« Barbara Matera est diplômée de sciences politiques, Gianni Letta me l'a conseillée, elle est fiancée au fils d'un
de ses plus proches amis. Voyez, elle a joué dans la septième saison de Carabinieri sur Canale 5, mais elle n'a jamais été
velina ». Barbara Matera n'est en fait pas diplômée de sciences politiques mais de sciences de l'éducation, il a par ailleurs affirmé,
comme cela est relaté dans un article de Corriere della Sera, que toutes les veline dont il avait soutenu la candidature étaient
diplômées.
http://www.corriere.it/politica/09_maggio_04/berlusconi_veronica_scuse_divorzio_veline_noemi_6ccc9956-3869-11de-
a257-00144f02aabc.shtml (cf. cinquième annexe).
66
67
Michela MARZANO, Sii Bella e stai Zitta, Ed. Mondadori, Milan, 2010, p.95.
« Dans tous ces pays [États-Unis et Europe des vingt-sept] le femmes, pour entrer en politique n'ont pas besoin
d'entretenir des relation particulières avec le chef, et les femmes qui commencent une carrière en rendant des services
particuliers au chef n'entrent généralement pas en politique ». Giovanna CAMPANI, Veline, Nyokke e Cilici, Ed. Odoya,
Bologne, 2009, p.137.
29
La représentation des femmes à la télévision italienne
provocazione : una scorciatoia troppo facile, troppo vistosa, troppo lontana da
68
quel che ancora resta della democrazia per non provocare reazioni indignate ».
Beaucoup de femmes se sont indignées de cette nomination inattendue, notamment des
femmes politiques, considérant ainsi que la mise en place de plus en plus fréquente de
veline à des postes politiques discrédite les femmes politiques déjà peu présentes en Italie.
Mais, comme le rappelle Caterina Soffici, la velina s'est institutionnalisée au fil du temps et
la femme italienne est tellement vue à travers ce prisme que peu de personnes s'indignent
de voir l'une d'entre elle atteindre la fonction de ministre.
Les dirigeants italiens préfèrent ainsi mettre à des postes politiques des femmes qui
n'ont pas les compétences pour y accéder, mais possédant un physique avantageux, plutôt
que d'imposer des quote rosa, arguant qu'il serait injuste qu'une femme soit choisie pour son
sexe plutôt que pour son intelligence. L'intelligence et les compétences des femmes sont
donc toujours remises en question, et la politique n'est qu'un exemple parmi tant d'autres
en Italie. Le résultat obtenu est donc le suivant : la promotion de la beauté (plutôt que de
l'intelligence) dans tous les domaines, dont celui de la politique, pousse les jeunes filles à
se servir de leur corps et de leur charme pour arriver à des carrières prestigieuses. Ainsi
une velina peut devenir une femme politique en Italie, passant de décoration médiatique à
décoration politique.
Pour conclure ce chapitre, illustrant clairement la montée du « vélinisme » aussi bien à
la télévision que dans la politique italienne, la promotion des femmes uniquement par leurs
attraits physiques marque une nouvelle étape dans le contrôle des femmes, et surtout le
contrôle de leur corps. Sans rejet perceptible du modèle traditionnel prôné par le Vatican
(et comme vu dans le premier chapitre), ce nouveau modèle cohabite avec les traditions
catholiques ancestrales, renforçant une domination masculine et une idée de passivité de
la femme, considérée comme ayant de plus grandes qualités physiques qu’intellectuelles.
Conclusion de la première partie
Qu'il s'agisse du poids des traditions issues (ou non) du catholicisme encore très présent
en Italie (de par l'imposante présence du Vatican dans ses affaires), ou des nouveaux
modèles de réussite imposés aux Italiennes à travers la figure de la velina, à la télévision
ou en politique, les femmes sont présentées comme ayant un rôle subsidiaire dans la
société italienne. Leur corps est encore perçu comme une propriété de l'État ou comme
une propriété masculine, notamment à travers les restrictions observées sur leur liberté
de concevoir ou non des enfants, de montrer leur corps ou non pour pouvoir réussir leur
carrière professionnelle... Ces deux « mondes », celui de l'Italie traditionnelle et celui de
l'Italie « dépravée » (pour reprendre les termes de Caterina Soffici) parviennent à coexister
de par leur seul point commun : celui d'une domination masculine sur leur corps et leur
esprit, les faisant apparaître comme des êtres passifs ayant un rôle moins important au sein
de la société italienne.
68
« Faire tomber d'on ne sait où – donc, de manière absolument inférieure – une ex velina sur le fauteuil qui représente
le lieu de la parité féminine (et pas seulement) est une provocation : un raccourci trop facile, trop voyant, trop loin de ce
qui reste encore de la démocratie pour ne pas provoquer des réactions indignées ». Caterina SOFFICI, Ma le Donne No, Ed.
Feltrinelli, Milan, 2010, p.84.
30
Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne
On observe ainsi non pas le remplacement d'un modèle par un autre mais l'addition
de ces deux modèles par ce lien qui les unit, exerçant une double pression sur le genre
féminin. La femme est disponible tout en étant vierge, la femme est mère tout en ayant un
comportement proche de la « puttana », mais dans tous les cas de figure ici énoncés, elle
est effacée et à disposition de l'homme.
De tels traits de la société italienne se retrouvent forcément dans les médias, qui
sont, selon la reflection hypothesisde Tuchman, rapportée par Milly Buonanno, les reflets
69
des valeurs et idées dominantes d'une société . Toutefois, on observe une tendance à
l'exagération de ces valeurs propres à la société italienne, comme en témoigne le monde
de la littérature et des médias.
69
Milly BUONANNO dans Cultura di Massa e Identità femminile, Ed. RAI-ERI, Rome, 1991, p.18.
31
La représentation des femmes à la télévision italienne
Partie 2 – Rôle et représentation de la
femme en Italie : entre mythe et réalité
La littérature italienne et les médias (en-dehors de leur représentation purement physique
des femmes) sont jalonnés de stéréotypes portant sur le rôle que les femmes se doivent
d'avoir dans la société. Ces stéréotypes sont l'occasion de créer un idéal féminin, que les
femmes doivent atteindre afin d'espérer provoquer l'amour chez l'homme (comme cela est
le cas dans la littérature, du XXème siècle ou de la Renaissance) ou une carrière dans les
médias (et principalement, à la télévision). La littérature italienne insiste particulièrement sur
les attraits physiques des femmes, et fait une différence nette entre la madonna et la puttana
(pour reprendre les termes de Michela Marzano) : l'une est digne de l'amour de l'homme,
tandis que l'autre n'est digne que de son désir ; une situation beaucoup plus complexe dans
la réalité. Les médias, quant à eux, qu'il s'agisse de média audiovisuel ou de presse écrite,
tendent à présenter une femme passive, liée à des sujets tels que la mode ou le monde du
spectacle, sans réelles compétences professionnelles ou journalistiques. Dans la littérature
ou les médias, les clichés sur le comportement féminin sont souvent grossis et parfois peu
représentatifs d'une réalité plus vaste et complexe : « L'immagine della donna […] non è
quindi il ritratto di una condizione reale, ma la rappresentazione simbolica di un modello
consonante con gli ideali e le aspirazioni collettive, di cui gli addetti alla produzione sono
70
mediatori e interpreti » , selon Milly Buonanno.
La preuve en est la rébellion récente des femmes italiennes contre leur représentation
dans les médias, largement soutenue et entretenue par le Président du Conseil, adepte de
blagues sexistes dans une période de scandale sexuel...
Chapitre 1 – Discours littéraire et discours
médiatique : la transmission du stéréotype de la
« femme idéale »...
Par de nombreux aspects, le discours littéraire (ancien ou récent) et le discours médiatique
ont intégré les stéréotypes issus des traditions patriarcales de la société italienne, et, dans
le même temps, grossissent les traits de ces stéréotypes (qui concernent principalement
les femmes). Qu’il s’agisse de littérature ou des médias dans leur intégralité (la télévision
n’est pas la seule concernée : il s’agira également d’évoquer la presse écrite, ou la
publicité), de nombreux stéréotypes portent sur le physique et le rôle des femmes, souvent
considéré comme de moindre importance que les hommes (comme en témoignent par
exemple les sujets qui leur sont réservés dans les médias). Par ailleurs, qu’il s’agisse du
discours littéraire ou du discours médiatique, une vision de la femme, considérée comme
70
« L'image de la femme […] n'est donc pas le portrait d'une condition réelle, mais la représentation symbolique d'un modèle
consonant avec les idéaux et les aspirations collectives, desquels les adeptes de la production sont les médiateurs et les interprètes »,
Milly BUONANNO, Cultura di Massa e Identità femminile, Ed. RAI-ERI, Rome, 1991,p.19.
32
Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité
idéale, est largement véhiculée, notamment à travers des caractéristiques physiques et des
comportements (douceur, soumission, passivité...) qu’elles se devraient d’avoir pour s’attirer
les faveurs ou la protection des hommes.
Section 1 – La femme dans la littérature italienne
La littérature italienne abonde de stéréotypes propres au genre féminin, mettant en scène
une image fantasmée de la femme idéale en lui prêtant des qualités exceptionnelles, quelle
que soit l'époque ou le genre littéraire concerné. Ainsi connaît-on la célèbre Béatrice de
Dante, ou Laure, inspiration des poèmes de Pétrarque à l'époque de la Renaissance, qui
sont encore considérées comme des modèles en termes de féminité, de par leurs attraits
physiques et la noblesse de leur âme. Il en va de même à des époques plus récentes,
à travers les écrits de Gabriele d'Annunzio, grand amateur de femmes et de leur beauté,
des futuristes ou d'Alberto Moravia (notamment à travers le personnage de Carla, dans son
roman Les Indifférents). La femme n'est que très peu créatrice jusqu'à une certaine époque,
elle reste cantonnée au rôle de la muse, se retrouvant sublimée par un regard masculin et
ne pouvant donc contribuer à l'élaboration de nouveaux modèles féminins :
« En évoquant la femme dans la littérature italienne, il est impossible de faire
abstraction de l'inspiratrice au profit de la créatrice. (…) Le rôle d'inspiratrice,
71
semble d'ailleurs, plus que l'autre, féminin, plus normal. (...) »
De nombreux auteurs italiens se sont donc penchés sur la représentation et le rôle que
devaient tenir les femmes dans leurs textes et poèmes, faisant apparaître un modèle
de femme idéalisée, qui a marqué la société italienne et la marque encore aujourd'hui.
L'idée première est qu'une femme, pour parvenir à obtenir l'amour et la considération d'un
homme, se doit de posséder des qualités physiques exceptionnelles, par l'expression d'une
beauté hors-normes, la faisant se démarquer de ses semblables. Toutefois, cette beauté
physique n'est pas suffisante : les qualités morales de la femme doivent également être
très marquées, la confrontation entre la Femme et la « femme de petite vertu », qui s'attire
les plaisirs des hommes mais non leur amour étant récurrente dans les œuvres littéraires
italiennes.
Ces « exigences masculines » à l'égard des femmes ne sont donc pas sans rappeler les
impératifs auxquels sont confrontées les Italiennes aujourd'hui. Ainsi, la « femme littéraire »
mêlant à la fois des attraits physiques et des qualités morales renvoie à l'image de la
« femme médiatique », répondant à des critères de beauté masculins stricts, sans jamais
oublier la valeur de la maternité ou de la virginité, comme l'avait entre autre montré l'exemple
de Noemi Letizia (voir supra partie 1, chapitre 1, section 2).
La femme belle et passive
Les poèmes des auteurs de la Renaissance (et, en particulier, du courant du Dolce Stil
Novo) sont très représentatifs de l'importance de la beauté de la femme dans la rencontre
et le jeu amoureux. Les poèmes évoquent souvent la rencontre amoureuse, l'apparition
physique de la femme, sans qu'il n'y ait eu aucun contact au préalable ou par la suite. Cela
est notamment une particularité de la poésie de Dante dans Vita Nuova : il y décrit son
amour passionnel pour Béatrice et sa souffrance lors de la mort de cette dernière, alors
71
Silvia CONTARINI, La Femme futuriste, Ed. Presses Universitaires de Paris 10, Paris, 2006, p. 48. Extrait de l'article « La
femme dans la littérature italienne » de Valentine de Saint-Point, paru dans La Nouvelle revue en janvier 1911.
33
La représentation des femmes à la télévision italienne
que les deux protagonistes ne s'étaient jamais parlés. Par les attraits physiques de cette
72
femme, qu'il n'hésite pas à identifier à un ange , il en déduit des qualités intellectuelles et
morales, faisant de la beauté l'origine des qualités de la femme et la base du sentiment
amoureux. La femme est « réceptacle de la beauté, et à ce titre, initiatrice par excellence
73
de l'ascèse amoureuse » . La beauté est élevée à un rang supérieur, presque surnaturel,
et est assimilée à une création divine, angélique, en particulier chez Dante, Pétrarque et
Guido Cavalcanti. Les termes « angelo » (ange), « divina » (divine), « spirito celeste » (esprit
céleste) sont récurrents dans les poèmes de ces trois auteurs pour qualifier la beauté de la
femme aimée, associant ainsi la beauté physique à une qualité supérieure, inégalable. Une
telle conception de la beauté se retrouve aujourd'hui en Italie, qu'il s'agisse de la beauté
féminine propre aux médias ou de la beauté édictée aux femmes dans la société italienne
en général (et correspondant, le plus souvent, à la velina aperçue à la télévision). La
beauté prend ainsi une place plus conséquente que les qualités intellectuelles et permet une
reconnaissance (pour les femmes, car « la beauté est généralement qualité qui appartient
74
davantage aux femmes qu'aux hommes » ) au sein de la société. Bien que provenant de
deux époques éminemment différentes, les poètes de la Renaissance italienne et Berlusconi
(et les Italiens partageant sa conception du rôle et de la représentation de la femme) peuvent
être rapprochés par cette vision de la femme tronquée, appréciée uniquement pour sa
beauté (toutefois, la femme se doit d'avoir de sérieuses qualités morales, sans quoi elle ne
pourra s'attirer l'amour de l'homme, mais ces qualités sont parfois surestimées et déduites
de qualités purement physiques, cf. infra sur les qualités morales) : la phrase « si je n'étais
pas déjà marié, je t'épouserai immédiatement » adressée par Silvio Berlusconi à Mara
Carfagna peu de temps avant de la nommer ministre, se base uniquement sur sa beauté
et fait écho à une Béatrice mille fois complimentée pour ses qualités physiques et morales,
sans jamais une parole échangée préalablement.
La femme, pour être belle et considérée comme telle par le poète ou l'écrivain, doit se
plier à des caractéristiques et à des règles de beautés strictes. Ainsi, la beauté naturelle
est primordiale, ce qui limite donc fortement le nombre de femmes pouvant prétendre à
provoquer le sentiment amoureux chez l'homme. La femme ne doit donc pas abuser du
75
fard, mêler esthétisme et négligé et « offrir et refuser tout à la fois ses charmes » . Des
règles strictes en matière d'esthétisme auxquelles les femmes doivent encore répondre en
Italie aujourd'hui, avec pour différence la possibilité de remédier à ce que la nature n'a pu
donner par la chirurgie esthétique.
La passivité de la femme et son aspect « décoratif » est plus prononcé chez les écrivains
italiens récents, qui mettent l'accent sur la description physique de la femme. Cela est tout
particulièrement le cas chez Gabriele d'Annunzio, considéré comme l'un des plus grands
auteurs italiens du début du XXème siècle, qui, à travers son double Andrea Spinelli, héros
76
du roman Il Piacere , décrit son amour de l'art et du Beau. Selon Spinelli, le seul véritable
72
« (…) e pa r che sia una cosa venuta da cielo in terra a miracol mostrare », « (…) et comme une créature venue du ciel sur la terre
pour montrer les miracles » (traduction du florentin), Vita Nuova, cap.XXVI, Dante Alighieri.
73
José HUIDI, Marie-Françoise PIEJUS et Adelon-Charles FIORATO, Images de la Femme dans la Littérature italienne de la
Renaissance, Ed. Université de la Sorbonne Nouvelle, Paris, p. 78.
74
Ibid. p.60, propos tiré de la deuxième rédaction du Courtisan de Castiglione (III, XCIX) : « Questa graziosa e sacra bellezza, la
qual generalmente è ancora qualità più propria delle donne che delli omini » ; « Cette beauté gracieuse et sacrée, qui généralement
est plus une qualité propre aux femmes qu'aux hommes ».
75
76
34
Ibid., p.50-51.
L'Enfant de Volupté (titre français).
Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité
amour qui vaille la peine d'être vécu est celui de l'art, car éternellement jeune et fidèle,
contrairement aux femmes. La vie se doit d'être vécue telle une œuvre d'art, et la femme
aimée se doit donc d'être elle-même une œuvre d'art. En conséquences, il lui faut atteindre
un niveau de beauté physique le plus proche de la perfection. Le jeune dandy est en quête
perpétuelle de beauté et de perfection esthétique et ne peut donc s'entourer de femmes
« communes », et encore moins trouver l'amour chez une femme qui ne possède ni des
caractéristiques esthétiques précises, ni des qualités morales supérieures à la normale.
Cette femme parfaite est incarnée par le personnage d'Elena Muti, modèle qui se révèle
impossible à atteindre pour les autres femmes, nombreuses à graviter autour du jeune
homme, sans jamais le satisfaire de par leur beauté ou leur esprit. Le jugement de l'homme
sur l'aspect physique de la femme est donc exacerbé et omniprésent dans le roman (et
dans de nombreuses œuvres de Gabriele d'Annunzio, passionné par la beauté, l'art et
la perfection esthétique) et introduit l'idée qu'une femme se doit de toujours suivre et
intégrer les préférences esthétiques masculines, de les reproduire et de les faire sienne.
Elle doit donc être jeune (à l'instar de Carla, personnage des Indifférents d'Alberto Moravia,
préférée par l'amant de sa mère car plus jeune et passive, se laissant aisément manipuler),
naturellement belle et savoir mettre ses charmes en valeur, afin de trouver grâce aux yeux
du genre masculin.
Toutefois, bien que la beauté soit un élément essentiel, pour ne pas dire l'élément
fondateur de l'intérêt de l'homme pour la femme, et la base du sentiment amoureux dans
la littérature italienne, la femme convoitée ne peut être pleinement « achevée » sans
posséder également de grandes qualités morales (comme l'humilité, la bonté, la noblesse
et la chasteté, l'intelligence ne constituant pas une donnée importante). C'est dans l'addition
des qualités physiques et morales que la femme atteint la perfection, la beauté étant, pour
de nombreux auteurs (et notamment, les auteurs de la Renaissance) la base des qualités
morales. Ainsi Castiglione pense-t-il que la beauté physique est le reflet de la beauté de
77
l'âme, il fait « […] l'éloge de la beauté du corps, ornement et reflet de celle de l'âme » ,
tandis que Camillo Paleotto affirme que certains traits physiques propres à la beauté sont
78
des signes évidents d'une belle âme et de grandes qualités morales . Castiglione, dans Le
Courtisan, écrira par ailleurs, dans la continuité de Paleotto : « Rare volte Dio mette mala
79
anima in un bel corpo » ...
Des qualités morales indispensables
Les qualités morales de la femme sont extrêmement valorisées dans la littérature italienne,
de la Renaissance aux œuvres du XXème siècle, et tout particulièrement dans la poésie
traitant de l'amour courtois (chez des auteurs tels que Dante, ou Cavalcanti, appartenant au
courant du Dolce Stil Novo). Elles y sont en effet très explicitement énumérées : humilité,
grâce, honnêteté, vertu, courtoisie, noblesse de cœur, chasteté sont autant de qualités que
cherche le poète chez la femme. Ainsi,
77
José HUIDI, Marie-Françoise PIEJUS et Adelon-Charles FIORATO, Images de la Femme dans la Littérature italienne de
la Renaissance, Ed. Université de la Sorbonne Nouvelle, Paris, 1980, p.76. Il est précisé que dans l'œuvre Le Courtisan (IV, LIX),
Baldassarre Castiglione affirme : « però la bellezza è il vero trofeo della vittoria dell'anima, quando essa con la virtù divina signoreggia
la natura materiale, e col suo lume vince le tenebre del corpo » ; « toutefois la beauté est le vrai trophée de la victoire de l'âme, quand
avec la vertu divine celle-ci domine la nature matérielle, et par sa lumière vainc les ténèbres du corps ».
78
79
Ibid. p.59-60.
Ibid. p.60 (note 270), extrait de la seconde écriture du Cortegiano III, XCV : « Dieu a rarement mis une mauvaise âme
dans un beau corps ».
35
La représentation des femmes à la télévision italienne
« On exige habituellement d'une femme “modestia”, “onestà”, “perché... Questo
è quel che fiorisce ogni azione d'una donna”. Si le terme d'onore a suscité au
XVIème siècle de nombreuses discussions, pour celui d'onestà, en revanche,
lorsqu'il évoque la conduite féminine, aucune ambiguïté n'est possible : il a le
80
sens de chasteté, et, dans le cas d'une femme mariée, de fidélité à son époux » .
Ces différentes qualités sont recherchées chez la femme, afin de mettre en place une
81
très claire différence entre la donn accia (« femmes de petite vertu ») et la vraie dame,
que le héros (ou l'auteur) peut aimer. Dans Les Indifférents d'Alberto Moravia, une telle
confrontation est particulièrement remarquable entre le personnage de Carla et celui de
sa mère, Mariagrazia. La jeune femme, bien que faisant partie d'une famille bourgeoise
ouvertement définie par l'auteur comme décadente et amorale, possède néanmoins des
qualités qui la présentent comme diamétralement opposée à sa mère. Sa beauté et sa
jeunesse mises à part, elle est effectivement présentée comme une personne calme et
douce, parfois à la limite de la soumission, et qualité la plus remarquable de toutes : elle n'est
pas mariée, donc vierge. Par opposition, le personnage de la mère est immature, colérique,
possessif, jaloux, égoïste et ne bénéficie pas des charmes de sa fille ; à cela s'ajoute le fait
que Mariagrazia vive une relation avec un homme sans être mariée. Sans que le sentiment
amoureux à l'égard de Carla se développe chez cet homme, sa préférence va toutefois se
porter progressivement sur la jeune femme, dans un désir fort de possession, délaissant
ainsi la mère, moins manipulable et soumise.
Cette qualité de la chasteté et de la virginité est récurrente dans les œuvres littéraires
italiennes. Si cette disposition de la femme était clairement recherchée à l'époque des
poètes du Dolce Stil Novo, elle l'est relativement moins chez des auteurs plus récents,
comme d'Annunzio, qui n'hésite pas à prêter à son héros Andrea Spinelli des relations
amoureuses avec des femmes mariées, le style du Decadentismo étant beaucoup plus
porté sur les qualités esthétiques que sur les qualités morales. Toutefois, Moravia, dans
Les Indifférents, fait une nette opposition entre la femme respectable vierge (ou mariée) et
celle qui vit des relations charnelles en-dehors de tout engagement. Ainsi, lorsque le frère
de Carla apprend que celle-ci a eu des relations physiques avec l'amant de leur mère, il
décide d'aller tuer ce dernier pour sauver l'honneur de la famille (bien que peu convaincu
par son geste, il « se doit » de le faire). Les mots « pure », « perdue », « possédée » sont
ainsi répétés plusieurs fois pour appuyer l'idée que la jeune femme a perdu sa « valeur »
82
par cet acte .
Quant aux amours des poètes de la Renaissance (mais également ceux des auteurs
plus récents, comme Ugo Foscolo ou Grazia Deledda, chez lesquels les femmes n'ont aucun
moyen d'influer d'une quelconque manière sur leur destin, déjà tracé par leur famille, entre
virginité et mariage) sont dans la grande majorité des cas des amours platoniques, voire
parfois seulement contemplatifs (c'est notamment le cas du plus célèbre d'entre eux, Dante,
qui n'avait jamais adressé la parole à sa muse). L'amour est courtois et naît seulement à
travers le regard, sans relations charnelles entre les protagonistes.
« En même temps commence à se profiler, non sans quelque incongruité de
la part du futur auteur de la Calandria [Bernardo Bibbiena], une conception
80
Ibid. p.128. Traduction des termes italiens : « modestie », « honneur », « C'est ce qui embellit chaque action d'une
femme ».
81
Terme notamment employé par Alberto MORAVIA à plusieurs reprises dans Gli Indifferenti, Ed. Bompani, Milan, 2008, p. 225 et 259.
82
36
Ibid. p.259.
Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité
de l'amour fort idéalisée, qui fait fi de toute jouissance charnelle pour mieux
83
s'assurer de la possession idéale de l'être aimé »
La femme convoitée n'est pas mariée (ou du moins, ne l'est pas lors de sa rencontre avec
l'auteur) et donc considérée comme pure, car nécessairement vierge. Chez la plupart des
auteurs italiens, par ailleurs, la femme perd de son intérêt après ses noces, car elle se doit de
se soumettre et de se consacrer exclusivement à son mari ainsi qu'aux tâches domestiques ;
« (…) la chasteté constitue, pour la femme mariée, une absolue nécessité, puisque seule
84
de nature à garantir la pureté de la descendance » , et « interdiction :[leur] est faite […] de
85
participer à un jeu galant qui ne peut manquer de ternir leur réputation » . Le mariage n'est
donc pas jugé propice à la naissance du sentiment amoureux, mais est dans le même temps
considéré par les écrivains italiens comme une institution à respecter scrupuleusement. La
virginité est donc représentée comme une qualité morale indispensable, érigée comme un
modèle pour les jeunes femmes, qui peuvent toutefois se permettre l'amour courtois endehors du mariage. Un tel modèle, extrêmement présent dans les plus grandes œuvres de
la littérature italienne, semble encore influencer la société actuelle, faisant écho aux paroles
de Noemi Letizia sur l'importance de la valeur qu'est la virginité (cf. supra partie 1, chapitre
1, section 2).
La maternité reste également une donnée importante, même si relativement peu
évoquée lorsqu'il est question du sentiment amoureux dans la littérature italienne. La mère
joue un rôle essentiel, souvent celui d'une femme courage, qui se sacrifie elle-même et tout
ce qu'elle possède pour le bien-être de ses enfants, qui voient en elle un modèle de femme
proche de celui de la Madone. Le personnage de Monna Giovanna dans Le Décaméron de
86
Boccace en est un parfait exemple : en plus d'y être décrite comme une épouse modèle,
soumise à son mari et à la mémoire de celui-ci, même devenue veuve, elle est présentée
comme une mère exemplaire, dévouée à son fils. Elle choisit sans hésiter de satisfaire tous
les désirs de ce fils malade, risquant de mettre en péril l'amour qu'elle porte au personnage
de Federigo. Un « duel » se forme ainsi entre le fils et l'homme aimé, plutôt qu'entre deux
hommes convoitant l'amour de la même femme, symbolisant ainsi la force et le sacrifice
de l'amour maternel de Monna Giovanna. Il est à noter que les deux amoureux (Monna
Giovanna et Federigo) ne pourront vivre leur amour qu'une fois le fils mort...
La présentation de la maternité et du rôle de la mère comme valeur absolue de la
femme dans la littérature italienne acquiert toutefois une importance considérable chez des
auteurs plus récents (début du XXème siècle), les futuristes. C'est en effet à cette époque
qu'est remise en question l'« utilité » de la femme, qui à part des qualités physiques non
négligeables, ne semble pas apporter quoi que ce soit à l'homme, si ce n'est que du malheur.
Il y a un rejet total de l'« idéal féminin » de d'Annunzio, présenté comme cruel, séducteur,
dépourvu d'intelligence. Seul le rôle mystique de la mère persiste, considéré comme moral ;
rôle qui semble aujourd'hui perdurer dans la société italienne, tant l'élément de la maternité
se trouve confondu avec la féminité en général, et associé à des qualités morales qui
différencieraient ainsi les femmes mères des femmes qui ne le sont pas.
83
José HUIDI, Marie-Françoise PIEJUS et Adelon-Charles FIORATO, Images de la Femme dans la Littérature italienne de
la Renaissance, Ed. Université de la Sorbonne Nouvelle, Paris, 1980, p.38.
84
85
Ibid., p.37.
Ibid. p.70.
86
Extrait de la Cinquième journée, neuvième nouvelle.
37
La représentation des femmes à la télévision italienne
« Ce douloureux cri du cœur [Maman !... Maman !... Petite mère, si douce et
si triste, où es-tu ?], cet appel très touchant à la mère décédée, qui répercute
certainement le deuil encore récent du jeune Marinetti, (…) contribue à consolider
l'idée que la mère reste la seule et unique Femme qu'aucune autre femme ne peut
87
égaler »
La représentation de la femme, et plus particulièrement, de l'existence d'une essence
féminine dans la littérature italienne est donc extrêmement limitée et assez similaire à la
vision des femmes italiennes aujourd'hui. La beauté y joue un rôle primordial et semble
même avoir acquis de plus en plus d'importance au fil des siècles, de Dante Alighieri
à Alberto Moravia, et constitue aujourd'hui (et tout particulièrement, dans les médias
audiovisuels comme la télévision) une qualité essentielle qu'une femme se doit d'avoir. Si
une telle aptitude était auparavant considérée comme indispensable pour conquérir le cœur
des hommes, elle régit aujourd'hui également la réussite professionnelle des Italiennes. Le
discours reste double également dans le monde de la littérature : ainsi, des qualités telles
que la virginité et la maternité (certes importantes à la Renaissance) demeurent toujours
aujourd'hui indispensables et fortement véhiculées par les médias.
Section 2 – Le discours médiatique : une différenciation genrée
inévitable
L'image de la femme véhiculée par les médias italiens (et plus particulièrement, par les
médias audiovisuels) est centrée en premier lieu sur l'aspect physique. La présence de
femmes à la télévision est numériquement extrêmement importante, surtout s'agissant des
émissions de divertissement et des jeux télévisés, mais la plupart du temps, de « basse
qualité ». Ce ne sont en effet pas les femmes qui tirent les rennes des émissions et journaux,
restant ainsi cantonnées à un rôle subalterne (qui est souvent inexistant chez les autres
pays européens, à l'instar de la speakerine en France, disparue des écrans aussi bien de la
télévision privée que de la télévision publique depuis le début des années 90) lorsqu'elles
sont jeunes, et perdant de la visibilité une fois leur visage et leur corps ne correspondant
plus aux critères esthétiques stricts auxquels elles doivent se conformer.
La représentation de la femme dans les médias italiens ne s'arrête cependant pas
à l'aspect physique ; si l'on fait fi de l'aspect récurrent de la femme dénudée à la
télévision, le discours médiatique, aussi bien en ce qui concerne les médias audiovisuels
(télévision en tête) que la presse écrite, véhicule de nombreux stéréotypes ne se basant
pas exclusivement sur le corps des femmes. A côté des nombreuses veline qui peuplent
le monde médiatique italien et des femmes dénudées utilisées dans les publicités pour
venter les mérites de produits, la ménagère idéale côtoie les nombreuses femmes victimes
de crimes sordides et autres faits divers qui font la première page des journaux. Les
hommes quant à eux, présentent (ou écrivent, le cas échéant) les émissions (ou rubriques)
culturelles.
Le Global Monitoring Media Project 2010 consacré à l'Italie résume ainsi la situation
des femmes et leur participation dans les médias italiens en quelques chiffres :
« Italy has adopted European provisions inviting to a more balanced and less
sexist representation of women in all media, transposed into the ‘Testo Unico
87
Silvia CONTARINI, La Femme futuriste, Ed. Presses Universitaires de Paris 10, Paris, 2006, p.69. Cf. scène tirée de l'acte
II du Roi Bombance, de Marinetti.
38
Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité
della Radiotelevisione’ in 2005. Conducted in the very same year, the GMMP 2005
edition made explicit and visible the gap between aspirations and reality: • Only
14% of cited or interviewed individuals were women; • 55% of female subjects in
the news clustered in the category of violence and crime, against 33% for men; •
Up to 58% of women mentioned in the news appeared as victims, confronted to
11% of men; • Women in general resulted less represented in their professional
88
profiles and social status than men ».
Les femmes dans le monde médiatique ont donc une place spécifique, une visibilité
non négligeable certes, mais « une visibilité sans pouvoir », déplore la sociologue Milly
Buonanno, du fait de l'absence de femmes dans les postes de pouvoir des grandes
chaînes et journaux (pour exemple, il y a 2% de directrices de quotidiens, et sur la Rai,
89
9%, chiffre plus faible chez les chaînes privées ) et de leur image stéréotypée qui est
véhiculée par ces canaux : « (…) la televisione fa propria e offre come modello un'immagine
90
stereotipata e marginalizzante della donna » . Diffuser de tels stéréotypes participe ainsi
à l'instrumentalisation de la femme, aussi bien de son corps que de son être, et à la
progression d'une image prédéfinie et associée au genre féminin. L'établissement de rôles
spécifiques associés à la féminité dans les médias audiovisuels ou dans la presse écrite
participe ainsi à un renforcement de certains clichés (la femme victime, la femme passive,
la femme au foyer, épouse et mère modèle...) au sein de la société, de nouveau reproduits
et amplifiés par les médias, dans un véritable cercle vicieux.
« (…) la televisione, assumendo le funzioni un tempo svolte soprattutto dalla
religione […], è divenuta nella società contemporanea l'agente più efficace
ed autorevole di costruzione e diffusione di “concezioni della realtà” volte al
mantenimento dell'ordine e del consenso, una sorta di “braccio culturale” del
potere costituito. Come tale, e cioè come istituzione cui è delegata la funzione di
riprodurre e rafforzare la cultura dominante, la televisione non può accogliere né
91
contribuire a determinare il mutamento. »
Des « conceptions de la réalité » associées à des intérêts particuliers qu'entretiendraient
les femmes pour certaines thématiques, ou associées plus généralement à un certain rôle
dans la société, amplifié par l'intermédiaire que sont les médias.
La femme protagoniste dans les médias : thématiques spécifiques et
cloisonnement des genres
Selon Milly Buonanno, appuyée par le Global Monitoring Media Project de 2010 relatif à la
situation des femmes dans les médias italiens, les femmes médiatiques seraient cantonnées
88
89
90
Italy – Global Monitoring Media Report 2010 – National Report, p.5.
Saveria CAPECCHI, Identità di Genere e Media, Ed. Carocci, Rome, 2006, p.66.
« (…) la télévision fabrique elle-même et offre comme modèle une image stéréotypée et marginalisante de la femme »Milly
BUONANNO, Cultura di Massa e Identità femminile, Ed. RAI-ERI, Rome, 1991, p.18.
91
« (…) la télévision, en assumant les fonctions réservées à la religion fut un temps […], est devenue dans la société
contemporaine l'agent le plus efficace et influent de construction et de diffusion de "conceptions de la réalité" dédiées
au maintien de l'ordre et du consensus, une sorte de "bras culturel" du pouvoir constitué. Comme telle, est donc comme
comme institution à laquelle est déléguée la fonction de reproduire et de renforcer la culture dominante, la télévision ne
peut accueillir ni contribuer à provoquer le changement », Ibid., p.19.
39
La représentation des femmes à la télévision italienne
à certaines thématiques récurrentes, auxquelles les hommes (qu'il s'agisse de journalistes
ou de simples intervenants dans des émissions ou des articles) ne seraient que très
rarement, voire jamais associés. Ainsi :
« Women in Italy feature as subjects in the news only 19 times every 100 news
story. The ‘hard news’ of the politics and economy continue to give higher
visibility to men (respectively 85% and 87% vs 15% and 17% for women); with
women becoming relatively visible on issues like Science and health (22%), Crime
and violence (where they mostly feature as victims, 22%) and Celebrity, arts and
92
media (21%) » .
Que ce soient des femmes intervenant dans des émissions ou des articles en qualité de
journalistes, d'expertes ou de témoins, ou la simple évocation d'individus de sexe féminin,
les thématiques associées sont souvent les mêmes : spectacle, célébrité (étant les thèmes
les plus abordés dans le média télévisuel, les femmes y ont une présence beaucoup plus
forte qu'à la radio ou dans la presse écrite, même si cette présence est la plupart du temps
beaucoup plus de quantité que de qualité), beauté (avec notamment une forte propension
à vanter les bienfaits de la chirurgie esthétique), famille, enfants et relations sociales...
Thématiques qui contrastent fortement avec celles réservées aux hommes et considérées
comme purement « masculines », introduisant ainsi une véritable hiérarchisation médiatique
entre les deux sexes et l'idée d'une inclinaison « naturelle » des genres pour des thèmes
spécifiques. Ainsi les hommes sont-ils des experts en politique, économie, sciences...
Comme le résume le tableau présenté par le GMMP :
93
Sex of news subjects by topic
Tout média confondu, les hommes restent très majoritairement représentés dans les
domaines évoqués lors d'émissions ou dans des articles, avec une nette avance en ce qui
concerne les thèmes dits « nobles » comme la politique ou l'économie. En ce qui concerne
les informations dans leur globalité, par ailleurs, les hommes y figurent en tant que sujet dans
92
Italy – GMMP – 2010, p.6.
93
Ibid. p.13.
40
Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité
94
81% des cas, contre seulement 19% pour les femmes (en comparaison, en France, les
hommes en tant que sujets des nouvelles des médias atteignent un taux oscillant entre 65%
95
e 79% , ce qui bien qu'inférieur aux chiffres italiens, reste relativement élevé ). La tendance
à la ségrégation des sexes (terme fort, mais largement utilisé par Milly Buonanno pour
illustrer la séparation de genre dans les médias italiens) selon des domaines et thématiques
médiatiques prédéfinis entraîne également une véritable ségrégation « spatiale » : de
nombreux programmes télévisés italiens développent ainsi une tendance à cloisonner les
sexes en fonction de leurs émissions. Ainsi, environ 55% des femmes et 70% des hommes
apparaîtraient dans des émissions et situations médiatiques où elles et ils n'auraient
96
d'interactions qu'avec des membres du même sexe . Ainsi, actuellement, on observe par
exemple sur le service public un fort cloisonnement avec des émissions telles que Presa
97
Diretta, L'Ultima Parola ou Annozero traitant essentiellement de politique et quasiment
exclusivement masculines, et d'autres émissions comme Le Amiche del Sabato, Domenica
98
in Amori ou Tuttobenessere traitant de sujets plus légers, en grande majorité présentées
par des femmes. La présentation de l'émission, les décors sont eux aussi représentatifs
d'une séparation entre des univers dits masculins et d'autres féminins.
Quant aux professions des femmes dans les médias, écrits ou audiovisuels, qu'il
s'agisse des professionnelles de l'information ou simplement de femmes invitées sur des
plateaux de télévision ou interviewées dans les journaux, elles sont souvent socialement
inférieures à celles des hommes (journalistes et invitées confondues) ou ignorées, lorsqu'il
s'agit de simples invitées.
En effet, si l'on trouve de nombreuses présentatrices télévisées, notamment en ce
qui concerne les journaux télévisés, les journalistes d'opinion, expertes en politique ou
en économie sont beaucoup plus rares (ou moins visibles) que les hommes exerçant
également le métier de journaliste : « […] molta presenza delle speaker del telegiornale
e delle conduttrici, ma pressoché assenza di opinioniste e di esperte o di semplici “donne
99
ospiti in studio” [...] » . Les journalistes italiennes n'ont donc pas de visibilité en tant que
leader d'opinion et sont cantonnées à des rôles plus superficiels que les hommes.
Concernant les femmes invitées ou interrogées dans les médias, la majorité d'entre
elles ne ont pas des expertes à qui on demande leur avis professionnel (contrairement aux
hommes invités) :
94
95
96
97
Italy – GMMP – 2010, p.12.
France – GMMP – 2010, p.9.
Chiffres révélés par Milly BUONANNO dans Cultura di Massa e Identità femminile, Ed. RAI-ERI, Rome, 1991, p.38.
Presa Diretta (« Prise Directe ») est un journal d'approfondissement de l'actualité sur Rai 3, assez similaire à Complément
d'Enquête sur France 2, L 'Ultima Parola (« Le Dernier Mot ») est une émission politique de la Rai 2 et Annozero, diffusé sur Rai 2
également, traite exclusivement de sujets politiques.
98
Le Amiche del Sabato (« Les Amies du Samedi », à noter l'usage du féminin pour le mot « amies ») est une émission où
sont mélangés thèmes d'actualité, spectacle et people, sur Rai 1, Domenica in... Amori (« Dimanche en Amour ») est un programme
de divertissement dominical également diffusé sur Rai 1 Tuttobenessere (« Tout le Bien-être »), diffusée sur Rai 1 est quant à elle
consacrée à la beauté (elle fait cependant intervenir des hommes, mais exclusivement en tant qu'experts).
99
« […] présence forte des présentatrices de journaux télévisés ou d'animatrices, mais pratiquement absence de journalistes
d'opinion et d'expertes, ou de simples “femmes invitées sur le plateau” », Identità di Genere e Media, Saveria Capecchi, Ed. Carocci,
p.68.
41
La représentation des femmes à la télévision italienne
« […] women are most likely to appear in the news in a personal and
“anonymous” capacity : either as representatives of popular opinion (57%) or to
report their personal experience (40%). This result is consistent with the result
about social position or occupations of subjects in the news. Women often
appear in the news as representatives ordinary people. Men, instead, appear in
the news with various functions mostly like expert or commentator or subjects,
100
people on whom the story. »
Quant aux expertes, lorsqu'elles sont sollicitées, bien que leur titre et leur profession soient
clairement présentés, leur vie privée est également largement évoquée, ce qui n'est pas
le cas des hommes (Milly Buonanno estime que pour 25% des femmes invitées en tant
101
qu'expertes et seulement 8% des hommes, des éléments de la vie privées sont évoqués ).
Ainsi, leur rôle de mère ou d'épouse est rappelé, lorsqu'il ne s'agit pas de compliments sur
leur physique de la part de présentateurs. Un comportement qui tend donc à associer des
rôles spécifiques aux femmes à travers le discours médiatique...
La femme représentée dans les médias : ménagère accomplie et cronaca
102
nera
Lorsque les femmes apparaissent dans les médias non pas en tant que professionnelles de
l'information mais en tant que sujets de celle-ci, les stéréotypes véhiculés semblent en tous
points correspondre à la place assignée au sexe féminin dans la société italienne (cf. supra,
partie 1, chapitre 1). Ainsi, la parfaite ménagère, épouse et mère attentionnée ; la femme
cherchant à atteindre un modèle de jeunesse et de perfection esthétique ; la femme douce
et sans défense continuellement victime dans les faits divers sont des modèles récurrents
dans le discours médiatique italien, qui, d'après les études menées par le GMMP et Milly
Buonanno, aurait une forte tendance à grossir et exagérer ces traits déjà profondément
ancrés dans la société. Outre l'image récurrente et devenue monnaie courante de la femmeobjet modèle de perfection physique (cf. infra, partie 3), il est intéressant de se pencher plus
amplement sur le phénomène de la « ménagère », particulièrement associée aux médias
audiovisuels et à la publicité, et sur celui de la victime des faits divers en première page
des grands quotidiens nationaux...
Dans un premier temps, une image récurrente et particulièrement visible dans la
publicité est celle de la ménagère, la célèbre casalinga, chère à Silvio Berlusconi. Mais
si la publicité (qu'il s'agisse de la publicité télévisée ou de la publicité présente dans la
presse écrite) reste le moyen privilégié pour faire apparaître l'image de la casalinga, celleci est néanmoins inévitable également dans le domaine des fictions (bien que, d'après le
Censis, celles-ci soient les seules émissions en Italie où les femmes sont représentées de
manière véritablement positive) et des émissions de divertissement. Milly Buonanno fait
ainsi remarquer que dans la grande majorité des cas, lors de l'apparition des femmes en
tant que sujet dans le discours médiatique, celles-ci sont présentées comme mariées, tandis
103
que les hommes sont au contraire, présentés plus souvent en qualité de célibataires .
Ces épouses dont il est question exercent rarement une activité professionnelle, ou lorsque
100
101
102
Italy – GMMP – 2010, p.15.
Milly BUONANNO, Cultura di Massa e Identità femminile,Ed. RAI-ERI, Rome, 1991 p.44.
Littéralement : « chronique noire », signifiant « faits divers ».
103
42
Milly BUONANNO, Cultura di Massa e Identità femminile, Ed. RAI-ERI, Rome, 1991, p.15.
Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité
c'est le cas, des professions associées au sexe féminin et relatives au domaine social :
infirmières, enseignantes, etc.
« Neanche a metà dei personaggi femminili della televisione svolge un lavoro
remunerato extra-familiare, mentre è possibile identificare una occupazione per i
tre quarti dei personaggi maschili. […] Inoltre, i lavori svolti dalle donne rientrano
in massima parte nella categoria delle occupazioni tipicamente femminili e di
104
basso prestigio […]. »
La publicité est la plus représentative de ces rôles assignés aux femmes : celles-ci sont dans
la plupart des cas représentées dans leur vie domestique, ou parmi leurs enfants, dans le
but de véhiculer une image a priori « normale » de la société italienne, tout en en grossissant
fortement les représentations : cette femme au foyer idéale et idéalisée par les médias et
de nombreux Italiens, est toujours souriante, jeune et belle, paraissant satisfaite du travail
accompli, et heureuse de se dévouer à sa famille : « Italiani soddisfatti della mamma : 82%
105
[…], Italiani soddisfatti di Fineco : 91% » clame ainsi une publicité imagée par une pile de
chemises d'homme fraîchement repassée... Publicité d'autant plus « dangereuse » si elle
est télévisée, car s'adressant à la population dans son intégralité et perpétuant ainsi l'idée
d'une compétence féminine exclusivement associée au foyer et soumise à la tradition.
La femme « victime » est également une donnée importante du discours médiatique
italien actuel. S'il est évident que les femmes subissent plus de violences et que cette celleci est dans la majorité des cas perpétrée par des individus de sexe masculin, la tendance
à la sur-médiatisation de faits divers mettant en scène des crimes commis sur des femmes
est une spécificité du discours médiatique propre à l'Italie.
« Constructing “victims” in the news. Women are less likely than men to appear
in the news but are more likely than men to appear as victims: 25% of female
cases vs 8% of male cases. Better said, women rarely make the news and when
they do one time out of four this happens because they are victims (of crimes,
106
robbery, rape…). »
Lorsque les grands quotidiens font état d'actes de violence de la part des femmes, ils
sont dans la grande majorité des cas perpétrés sur leurs enfants, mais dans la grande
majorité des cas, ce sont les femmes qui sont présentées comme les victimes d'actes
sordides, meurtres, violence conjugale et viols. Cette tendance à insister lourdement sur le
sexe féminin en tant que victime, par divers détails démontrant la faiblesse de la femme
(souvent victime de son conjoint ou de son ex-conjoint), porte à croire que la femme ne
peut qu'être soumise à la force de l'homme et représentée comme un être inférieur. De
nombreux articles de journaux, dont certains tirés du très sérieux quotidien La Repubblica
n'hésitent pas à qualifier cette violence exercée par certains conjoints sur leur compagne de
104
« Moins de la moitié des personnages féminins à la télévision est impliqué dans un travail rémunéré extra-familial,
alors qu'il est possible d'identifier une profession pour les trois quarts des personnages masculins. […] En outre, les
professions occupées par les femmes entrent en grande partie dans la catégorie des professions typiquement féminines
et peu prestigieuses », Ibid., p.16.
105
« Italiens satisfaits de leur maman : 82% […], Italiens satisfaits de Fineco : 91% », Caterina SOFFICI, Ma le Donne No, Ed.
Feltrinelli, Milan, 2010, p.129.
106
Italy – GMMP – 2010, p.15.
43
La représentation des femmes à la télévision italienne
107
« crimes passionnels » , minimisant ainsi la portée de la violence exercée sur les femmes
victimes, tout en évoquant des détails sordides assortis de remarques portant à croire à une
certaine responsabilité de la victime : « […] delitti passionali nati da situazioni di stalking
108
non denunciate o sottovalutate [...] » ...
Ce qui résulte de ce chapitre est donc une forte propension des médias (dans lesquels
nous pouvons inclure les livres et tout l’imaginaire qu’ils véhiculent sur les femmes et leur
rôle dans la société) à faire entrer les genres dans des catégories bien définies et non
perméables. Les femmes sont souvent reléguées à leur aspect physique et à la passivité,
tandis que les hommes apparaissent comme des figures solides et intellectuelles auxquelles
se référer. La littérature italienne montre des femmes disponibles et passives, soignant leur
aspect physique afin de s’attirer l’amour des hommes ; les médias montrent des femmes
n’ayant ni pouvoir de décision, ni compétences professionnelles socialement valorisées et
reconnues. Cependant, ces modèles, bien qu’inspirés d’une réalité se situant à la base de
la société italienne et influencés par des siècles de tradition patriarcale, ne tiennent que
peu compte des avancées majeures dont ont bénéficié les femmes dans la société (niveau
d’études élevé, accès à des professions prestigieuses, etc.). La diffusion de ces modèles
partiaux, aux traits souvent exagérés, n’est pas sans avoir des conséquences sur la société
elle-même et la représentation qu’elle se fait des femmes.
Les médias, bien que pouvant être considérés par certains aspects comme véhiculant
des images représentatives de la société (selon la reflection hypothesis de Tuchman, la
télévision révèlerait les idées et valeurs dominantes de la société) tendent à fortement
accentuer des rôles et des représentations de genre, qui ne sont pas toujours représentatifs
de la société actuelle, comme le résume ainsi Milly Buonanno :
« Questa marginalità [delle donne], è vero, è un dato di fatto preesistente
nella realtà sociale, ma che tuttavia non si presta più a riassumere lo stato,
ben altrimenti articolato a vario, della condizione femminile nella società
contemporanea. La televisione si rivelerebbe dunque più sessista della
109
società »
Chapitre 2 - … Mais une réalité tout autre : la
« rébellion » du 13 février 2011
Depuis de nombreuses années, les médias italiens sont très influencés par le pouvoir
politique. Cela est particulièrement visible depuis l’ère Berlusconi, où le Président du Conseil
107
http://www.repubblica.it/cronaca/2010/07/11/news/un_mese_di_stalking_e_sangue_quando_il_delitto_passionale-5515706/(cf.
sixième annexe). Le journaliste n'hésite ainsi pas à faire passer des hommes connus pour exercer des violences (comme le
harcèlement) sur leur conjointe ou ex-conjointe pour des victimes de leur amour, ou l'assassinat d'une femme battue à mort par un
homme qu'elle connaissait à peine pour un crime passionnel.
108
109
« […] crimes passionnels nés de situations de harcèlement non dénoncées ou sous-évaluées [...] », Ibid.
« Cette marginalité [des femmes], il est vrai, est une donnée de fait préexistante de la réalité sociale, mais qui
toutefois ne se prête plus à résumer l'état, par ailleurs bien différemment articulée, de la condition féminine de la société
contemporaine. La télévision se révèlerait donc plus sexiste que la société », Milly BUONANNO, Cultura di Massa e Identità
femminile, Ed. RAI-ERI, Rome, 1991, p.18.
44
Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité
a joué un rôle prépondérant dans le paysage médiatique, notamment par la construction
d’un empire télévisuel et le rachat de nombreux journaux. Cette influence a pu en partie se
traduire par une présence médiatique importante et une certaine « confiance » du Cavaliere
à l’égard des médias, qu’il utilise fréquemment pour justifier ses actions politiques, se
défendre face à des scandales ou plaisanter sur divers sujets (notamment, les femmes).
Une telle relation entre le pouvoir politique et le pouvoir médiatique a eu pour conséquences
une perte de visibilité de certains de ses opposants, et notamment, des féministes. Le peu
de visibilité de ces dernières et de leurs protestations face à l’usage du corps des femmes
dans les médias a en partie encouragé une sur-représentation du modèle de la velina dans
les médias, sans en développer d’autres. Le mouvement du 13 février 2011 contre le nonrespect de la dignité des femmes (notamment à la télévision) a cependant changé la donne
en mettant au cœur des médias cette réalité...
Section 1 – Berlusconi, blagues sexistes et médias
Silvio Berlusconi est connu dans le monde entier pour ses blagues et autres jeux de mots
qualifiés de mauvais goût, frôlant souvent les limites imposées par la société en termes de
respect de la dignité humaine. Le magazine en ligne Slate s'est ainsi amusé à répertorier
les blagues du Cavaliere en plusieurs catégories, révélant sa préférence pour le sexisme
110
(22,8%) .
Comme cela a déjà été abordé en première partie, notamment concernant l'image des
femmes politiques selon Berlusconi (utiles lorsqu'elles sont belles, afin de s'attirer le vote
des électeurs, mais « incontrôlables » en grand nombre, comme il l'avait laissé entendre à
propos du gouvernement espagnol de Zapatero, cf. supra, partie 1, chapitre 1, section 1),
les femmes ne sont guère appréciées que pour leur beauté physique et considérées comme
des objets, des trophées, pour cet homme politique qui n'hésite pas à se vanter en public de
ses multiples (jeunes) conquêtes. Par le biais de son empire médiatique Mediaset, et par les
pouvoirs que lui confère sa fonction de Chef du gouvernement, Silvio Berlusconi bénéficie
d'une visibilité et d'une liberté de parole tout à fait inédites dans une démocratie européenne
moderne. Il use et abuse donc de ce pouvoir politique et médiatique (largement décrié et
111
critiqué par Sabina Guzzanti ), n'hésitant ainsi pas à montrer, voire imposer (il n'hésite pas
à affirmer lui-même que la plupart des Italiens voudraient lui ressembler) son modèle de
femme idéale, rêvée, qui une fois sortie de la sphère télévisuelle semble loin de refléter la
vie quotidienne des Italiennes. Ce modèle qui inclut, en plus de la beauté, la passivité de la
femme, laisse donc à penser que celle-ci est à disposition des hommes et que sa parole, son
opinion ou ses sentiments n'ont pas à être pris en compte. Ainsi, Silvio Berlusconi n'hésite
pas à lancer quelques « taquineries » sur les femmes dans les médias, notamment sur ses
consœurs les femmes politiques, quel que soit leur bord. Des remarques sexistes et pour
le moins irrespectueuses et largement acceptées de tous jusqu'à récemment...
Le discours sexiste de l'homme le plus puissant d'Italie largement relayé par
les médias
« Lei è più bella che intelligente » (« Vous êtes plus belle qu'intelligente ») a déclaré Silvio
Berlusconi à Rosy Bindi, sur le plateau de l'émission Porta a Porta, sur Rai 1, en octobre
110
http://www.slate.fr/story/36879/infographie-conneries-de-berlusconi(cf. septième annexe)
111
Notamment dans le film Viva Zapatero !(2005), où déguisée en Berlusconi, elle dénonce le manque de liberté d'expression
en Italie et la concentration du pouvoir médiatique entre les mains d'un seul homme, à la tête du pays.
45
La représentation des femmes à la télévision italienne
2009. Cette affirmation de la part de Silvio Berlusconi n'était pas même un compliment
caché derrière un reproche sur le manque d'intelligence de l'actuelle vice-Présidente de la
Chambre des Députés italienne, la politicienne ne répondant pas aux « critères de beauté »
du Chef du gouvernement. Cette phrase, qui tournée plus simplement, aurait ouvertement
signifié « Vous êtes laide », est intervenue de manière inattendue non pas lors d'un débat
sur le physique des femmes à la télévision, mais suite aux déclarations du Cavaliere sur
le Président de la République italienne, qui selon lui aurait usé de son influence pour faire
déclarer inconstitutionnelle une loi lui donnant l'immunité pénale. Seule femme invitée lors
de cette émission, Rosy Bindi n'a pu compter que sur elle-même pour répondre à cette
attaque verbale gratuite : « Sono una donna che non è a Sua disposizione » (« Je ne suis
pas une femme à votre disposition »). L'attaque sur le physique de la députée en plein débat
politique est ainsi extrêmement représentative de l'idée que se fait le Cavaliere de l'utilité
autre que physique des femmes.
Si cet épisode est l'un des plus marquants de ces dernières années en termes de
violence verbale et sexiste de Berlusconi envers une femme, et qui plus est, envers une
femme ayant des responsabilités et compétences politiques reconnues, il n'est clairement
pas le premier. Giovanna Campani fait par ailleurs remarquer avec ironie que « L'elenco
delle battute sessiste del presidente del Consiglio italiano riempirebbe il numero di volumi
112
dell'Enciclopedia britannica »
(« La liste des blagues sexistes du Président du Conseil
remplirait le même nombre de volumes que l'Encyclopedia britannica »). Margaret Thatcher
elle-même s'était ainsi vue qualifiée en 2007 de « gnocca » (terme vulgaire employé pour
113
qualifier une femme, traduit par The Independent par « piece of pussy ») . Une telle
appellation pour une femme politique ayant marqué une partie de l'histoire témoigne ainsi de
la vulgarité avec laquelle Silvio Berlusconi traite les femmes, vulgarité qu'il entend propager
à travers les médias.
Le langage politique relaté par les médias (et en particulier, les médias audiovisuels)
est depuis les années 90, période correspondant à l'« ère Berlusconi », fortement
connoté sexuellement. Paradoxalement, ce sont le plus souvent les dirigeants des partis
conservateurs comme le Popolo della Libertà, l'Alleanza Nazionale ou la Lega del Nord
qui utilisent des termes ouvertement vulgaires et sexistes pour parler de politique, profitant
de médias comme la télévision qui leur laissent une entière liberté de parole, sans jamais
réfréner leur discours dépassant les limites du convenable. Umberto Bossi, à la tête du parti
de la Lega del Nord, s'est ainsi illustré en 1993 et en 2006 par des phrases pour le moins
sexistes et vulgaires : « Ehi Boniver, bonazza, la Lega è sempre armata, ma di manico ! »
114
(« Hé Boniver , bonnasse, la Ligue est toujours armée, mais d'un manche ! ») ; « Silvio, te
l'avevo detto che ce l'abbiamo duro, ed è per questo che oggi è pieno di donne ! » (« Silvio,
je te l'avais dit que nous l'avions dure, c'est pour ça qu'il y a tant de femmes, aujourd'hui ! »),
proclamées dans des lieux de réunions ou lors de meetings, s'assurant ainsi de l'attention
d'un large public et des médias. Le terme « gnocca » dont Silvio Berlusconi avait affublé la
Dame de Fer est devenu monnaie courante chez les hommes politiques (et en particulier,
chez le Président du Conseil) pour qualifier les femmes qui les entourent et notamment, les
belles femmes, l'expression étant utilisée de manière ironique pour les « autres ». Un terme
tellement usité par les politiques et diffusé par la télévision qu'il est devenu un mot courant,
incontournable dans les médias, tout en restant vulgaire et offensant pour les femmes. Silvio
112
Giovanna CAMPANI, Veline, Nyokke e Cilici, Ed. Odoya, Bologne, 2009, p.114.
113
http://www.independent.co.uk/news/world/europe/vulgar-berlusconi-pays-tribute-to-the-sex-appeal-of-the-iron-
lady-455996.html
114
46
Umberto Bossi s'adressait à la politicienne Margherita Boniver, socialiste à l'époque.
Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité
Berlusconi et la plupart de ses confrères politiciens posent ainsi clairement une différence
entre la « gnocca », digne d'intérêt grâce à ses qualités esthétiques, et les autres femmes,
celles considérées comme étant « laides » telles que Rosy Bindi.
Les « gnocche » politiciennes, quant à elles, ont droit à des traitements de faveur (cf.
supra partie 1, chapitre 2, section 2) de la part de Berlusconi, qui, appréciant leur beauté,
les considère ainsi dignes d'intérêt. Ainsi aurait-il voulu, selon ses dires, épouser sa ministre
et ex-velina Mara Carfagna, la « plus belle ministre du monde », et quant à l'intégralité
des femmes faisant partie de son gouvernement, celles-ci sont des « bambine » (« petites
115
filles ») à « svezzare » (« sevrer ») et à protéger, expressions largement reportées dans les
médias et à l'origine de nouvelles indignations de la part de nombreuses femmes. Berlusconi
est ainsi parvenu depuis de nombreuses années, de par la couverture médiatique et le poids
politique qu'il possède, à mettre au centre des qualités féminines la beauté et la passivité,
même chez les femmes politiques. Le sexisme concerne cependant bien toutes les femmes
qu'il côtoie : les femmes compétentes ne correspondant pas à ses critères de beauté sont
ainsi considérées comme laides et sans aucun intérêt, tandis que les belles jeunes femmes
sans expérience sont présentées comme des petites filles à la limite de la stupidité, mais
dignes d'intérêt de par leurs attraits physiques.
Ces nombreuses blagues et remarques cinglantes de la part du Président du Conseil,
qui ne concernent par ailleurs pas que les femmes politiques, ont été à l'origine de réactions
et parfois de polémiques (certes plus souvent et de manière plus virulente à l'étranger qu'en
Italie). Toutefois, cela n'a pas empêché le Cavaliere de récidiver d'années en années, en
toute impunité (n'hésitant pas à exagérer, surtout lorsque de telles blagues offraient une
certaine visibilité médiatique) et à revendiquer ces boutades qualifiées de vulgaires comme
une « marque de fabrique », au risque de franchir certaines limites.
Le Rubygate ou l'affaire de trop
La dernière affaire en date mêlant le Président du Conseil italien à un affaire sexuelle, le
« Rubygate » est, selon les dires de nombreuses féministes italiennes, la goutte d'eau qui a
fait déborder le vase. L'affaire a éclaté, en mai 2010, suite à l'arrestation pour vol de Karima
El Mahroug (« Ruby Rubacuori ») et de l'intervention de Silvio Berlusconi en personne
pour la faire relâcher, prétextant que le jeune fille était la nièce d'Hosni Moubarak. En plus
d'user de son influence politique pour faire relâcher la jeune danseuse et de mentir aux
autorités, Berlusconi aurait payé Ruby pour avoir des relations sexuelles avec elle, alors
que celle-ci n'était pas encore majeure. Toutefois, le Cavaliere n'a pas semblé, dans un
premier temps, se rendre compte de la gravité de ses actes et de la possibilité qu'il pourrait
être puni par la Justice italienne, tant sa vision et sa perception de la femme (qu'elle soit
majeure ou mineure, comme le Rubygate le démontre, mais également l'« affaire Noemi
Letizia » en juin 2009 – cf. supra, partie 1, chapitre 1, section 2 –) semblait être focalisée sur
116
la « disponibilité » de celle-ci, et en particulier, de son corps . Il n'a cessé ainsi de répéter,
dans les premières semaines suivant la révélation de l'« affaire » qu'il n'était pas inquiet,
voire pas du tout inquiet, et qu'il n'agissait que dans l'intérêt de son pays et pour le bienêtre de ses habitants.
115
http://archiviostorico.corriere.it/2008/maggio/08/posti_decisi_tutti_ora_svezzero_co_9_080508068.shtml (cf. huitième
annexe).
116
Concita De Gregorio, en parlant de la tendance du Chef du Conseil et de ses proches à user et abuser des « services » de jeunes
femmes au cours de leurs soirées « bunga-bunga » : « puttane portate a domicilio come pizze » (« des prostituées livrées à domicile
comme des pizzas »), dans L'Unità, « Le altre donne » du 19 janvier 2011.
47
La représentation des femmes à la télévision italienne
A cette occasion, le Cavaliere a de nouveau endossé son rôle d'homme sympathique
et « blagueur », pour lequel il est connu dans le monde entier et a profité de son exposition
médiatique due à cette nouvelle affaire pour déclamer quelques boutades. Ainsi, selon sa
vision des choses, « [il] aime la vie, [il] aime les femmes » et « mieux vaut avoir la passion
des belles femmes qu'être gay », ajoutant ainsi l'homophobie au sexisme entourant l'affaire.
Cette dernière phrase, proclamée en novembre 2010, toujours à l'occasion d'une rencontre
assurant un public nombreux et un maximum de visibilité médiatique (en l'occurrence, la
Rai, télévision publique d'État, était présente), n'a pas eu l'effet escompté : en voulant
dédramatiser la situation, le Chef du gouvernement italien s'est attiré les foudres des
femmes, de la communauté homosexuelle et de la presse étrangère. En insinuant pas
ailleurs lors de la même intervention que son travail de Président du Conseil lui demandait
beaucoup d'énergie et d'efforts, et qu'en conséquences, regarder de jolies jeunes filles lui
apportait réconfort après une longue journée, il laissait poindre l'idée selon laquelle les
117
femmes ne seraient qu'un divertissement, un loisirs . Une fois de plus, et, au vu des
réactions en Italie et dans le monde entier, une fois de trop, Silvio Berlusconi a exprimé
dans les médias italiens son idée de la femme et de son rôle : un bel objet à la disposition
de l'homme, une source de divertissement dont l'abus (comme c'est le cas ici, Ruby n'ayant
pas été majeure au moment des faits) n'a pas lieu d'être puni.
Toutefois, les semaines passant et le scandale faisant rage, le Cavaliere a semblé
par la suite se rendre peu à peu compte de la portée de ses actes et ses paroles, et
de la gravité de sa situation. Dans une interview accordée au quotidien La Repubblica et
publiée le 16 mars 2011, Silvio Berlusconi a ainsi fait savoir qu'il se défendrait jusqu'au bout
contre les dénonciations calomnieuses dont il se jugeait victime. Une affirmation tout à fait
normale et légitime pour n'importe quelle personne accusée de tels faits, homme politique
ou non. Seulement, cette volonté du Président du Conseil de se défendre et de donner des
explications n'impliquait pas les tribunaux, mais bien la télévision :
« Ma, lo ripeto, non c'è un solo motivo che giustifichi un reato. È fatto tutto solo
per gettare fango sull'immagine di queste ragazze. Che rischiano di passare
il resto della loro vita con una macchia indelebile. Per questo andrò in tv: per
spiegare tutto questo, per difendermi e difendere quelle ragazze. E parteciperò a
118
tutte le udienze dei processi. Anche se non sarà facile » .
La défense de l'homme le plus puissant d'Italie et des filles ayant participé à ses célèbres
soirées « bunga-bunga » passe donc en premier lieu par la télévision, puis de manière
secondaire, par la Justice italienne. Cela est extrêmement représentatif de l'importance des
médias en Italie, et tout particulièrement, de la télévision, ainsi que du rôle prépondérant
de Berlusconi dans l'usage de cet outil médiatique. Il y exerce une grande puissance et en
conséquences, une grande influence, ce qui participe à véhiculer une image de la femme
correspondant à son idée personnelle : jeune, belle, disponible, passive. C'est par ailleurs
cette puissance de l'image incarnée par Mediaset qui a amené la Rai à copier ce modèle
féminin récurrent.
117
Cf. la vidéo de l'intervention de Silvio Berlusconi au salon de la moto de Milan, le 2 novembre 2010 : http://lci.tf1.fr/monde/
europe/mieux-vaut-avoir-la-passion-des-belles-femmes-qu-etre-gay-6123578.html
118
Silvio Berlusconi, à propos du Rubygate : « Mais, je le répète, il n'y a pas un seul motif justifiant un délit. Tout est
fait pour jeter de la boue sur l'image de ces filles. Qui risquent de passer le reste de leur vie avec une marque indélébile.
Pour cela, j'irai à la télévision : pour expliquer tout cela, pour me défendre et défendre ces filles. Et je participerai à
toutes les audiences des procès. Même si ce ne sera pas facile ». http://www.repubblica.it/politica/2011/03/16/news/
accuse_allucinanti_andr_in_tv_a_difendermi_i_bonifici_solo_aiuti-13663479/(cf. neuvième annexe).
48
Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité
Le Rubygate, bien qu'étant une affaire d'une gravité majeure (on ne peut que penser
en France à la portée de l'« affaire Zahia », qui ne concernait que des footballeurs français,
et non des hommes politique, mais qui a eu une couverture médiatique extrêmement
importante), a permis aux femmes italiennes d'ouvrir les yeux sur leur situation et au
féminisme italien de se réveiller d'une longue hibernation. Cette affaire, dont on ne sait pas
encore l'issue à l'heure d'aujourd'hui, a marqué une rupture : elle a mis en évidence la
dissolution existant entre les femmes de la télévision et les femmes de la réalité, confrontées
à des problèmes réels. Des femmes refusant, pour la plupart d'entre elles, de se faire
entretenir ou d'être à l'entière disposition d'un homme, ou ne jugeant pas gratifiant de n'être
jugée et de n'avoir de valeur que par leur aspect physique.
Section 2 – La manifestation du 13 février et le mouvement « Se Non
119
Ora Quando ? »
La date du 13 février 2011 a marqué un tournant majeur pour les femmes en Italie. La
mobilisation de femmes provenant d'horizons et d'origines sociales en tous points divers,
mais également d'hommes se revendiquant comme respectueux de leur dignité et en
faveur d'un changement profond de la société italienne, a été extrêmement importante ce
jour-là. Un tel engouement paraissait d'autant plus inattendu que les féministes italiennes
semblaient s'être tues depuis une trentaine d'années et ne plus être en capacité d'exiger
quoi que ce soit des dirigeants du pays. Cet événement, qui avait pour principal sujet la
représentation des femmes dans le pays, qu'il s'agisse aussi bien de leur représentation
sociale et du rôle qui leur est assigné par la société italienne, que de leur représentation
médiatique (et plus particulièrement, télévisuelle), est le premier depuis les luttes féministes
des années 70 et du début des années 80 a avoir été aussi médiatisé, aussi bien en Italie
que dans les médias étrangers.
Le 13 février a ainsi marqué le « grand retour » des féministes italiennes, qui semblaient
avoir disparu malgré les attaques incessantes aux droits des femmes (notamment dues
à l'ingérence croissante du Vatican dans les affaires politiques italiennes et à la politique
berlusconienne), et à leur dignité, par l'imposition du modèle télévisé de la velina et « il
120
totalitarismo dell'inquadratura ginecologica » (« le totalitarisme du plan gynécologique »)
(cf. supra, partie 1, chapitre 2, section 1). Toutefois, il est important de rappeler que ce
mouvement féministe italien, connu pour sa force et sa puissance lors des « grandes
batailles » féministes des années 70 (le droit à la contraception, au divorce, à l'avortement...)
n'avait pas totalement disparu et qu'il était représentatif d'une réalité différente de celle de
la télévision pour les femmes. Même si la velina semble plus que jamais s'imposer comme
un modèle chez les jeunes filles, le mouvement féministe italien, le développement des
gender studies dans les universités italiennes, la manifestation du 13 février et la création
du mouvement Se Non Ora Quando sont autant de preuves que les Italiennes aspirent à la
prise en compte des problèmes et des situations auxquels elles sont confrontées.
Un mouvement féministe muet ?
119
Littéralement, « Si pas maintenant, quand ? ».
120
En parlant de la manière de filmer les femmes à la télévision italienne, Norma RANGIERI, Chi l'ha Vista ?, Ed. Rizzoli,
Milan, 2007, p.13.
49
La représentation des femmes à la télévision italienne
Le mouvement féministe italien a pourtant était reconnu comme un mouvement fort,
combatif, qui a réussi l'exploit d'imposer des changements radicaux dans la société italienne
très catholique des années 60 et 70, en contribuant notamment à l'instauration de lois
donnant accès à la contraception, au divorce et à l'avortement (chirurgical). Le Movimento
per la Liberazione della Donna, ou MLD (qui porte le même nom que le MLF français)
a ainsi eu une importance majeure dans l'accès des femmes italiennes à leurs droits les
plus fondamentaux, avant de s'essouffler au début des années 80. L'une des dernières
interventions du MLD étant parvenue à mobiliser de manière efficace la société civile
date de 1981, lors du référendum qui visait l'abrogation de la célèbre legge 194 sur
l'avortement, soldé contre toute attente par un « non » massif et ce, malgré la présence
encore forte du catholicisme chez les Italiens. La division du mouvement, l'essoufflement
des manifestations et des revendications féministes dans les autres pays occidentaux et
l'institutionnalisation latente du féminisme a par la suite contribué à sa quasi-disparition
sur la scène publique. La mise en place de lois européennes sur la protection des droits
des femmes et sur l'application de la parité par les États membres a par ailleurs largement
contribué (même si leur mise en place a cependant été largement bénéfique tant aux
Italiennes qu'aux autres Européennes) à diminuer l'intensité du mouvement. Des requêtes
et des attentes qui auraient dû être adressées par les Italiennes elles-mêmes à l'État ont été
« automatiquement » mises en place grâce à la législation européenne, sans qu'aucun débat
ou prise de conscience nécessaires à la reconnaissance des droits des femmes n'aient eu
lieu au sein du pays. Enfin, le début des années 80 marque en Italie (contrairement à ses
voisins européens) l'entrée dans les « années de plomb », marquées par le terrorisme et
de nouvelles préoccupations tant de la part des politiques que de la population.
Contrairement à ce qui a été vu en France, les gender studies se sont développées de
manière importante en Italie. Le plus célèbre des centres de recherches italiens consacré
à ce sujet, le CIRSDe (Centro Interdisciplinare di Ricerche e Studi delle Donne, « Centre
Interdisciplinaire de Recherches et d'Études des Femmes »), dépendant de l'Université
de Turin, s'est développé dès la fin des années 80, suivi par les universités de la plupart
des grandes villes italiennes : à Milan (avec notamment, la célèbre Libera Università delle
Donne), Rome, Bologne, Florence, Padoue... En ce qui concerne la France, bien que le
Centre d'Études féminines et d'Études de Genre de Paris VIII ait été un pionnier en la
matière dans le pays, la discipline a eu jusqu'à très récemment du mal à s'imposer dans
les universités. On ne compte que peu de masters consacrés au gender studies en France,
concentrés essentiellement à Paris. Ce sujet d'études ayant longtemps été considéré
121
comme peu légitime, voire inutile , est aujourd'hui vu comme une nouveauté, notamment
grâce à la mise en place d'une chaire dédiée au genre à Sciences Po Paris en 2010. Par la
précocité de la mise en place de formations universitaires solides dédiées au genre, l'Italie
s'est donc illustrée comme une pionnière en la matière. Elle a ainsi témoigné d'une certaine
ouverture d'esprit et d'une influence du féminisme dans le domaine universitaire, contrastant
ainsi avec l'image et le rôle assignés aux femmes socialement et médiatiquement à la même
époque.
Mais c'est également dans le même temps que se développe largement l'image de la
femme-objet à la télévision italienne, d'abord sur les chaînes privées, rapidement suivies par
la Rai, avec une forte tendance pour ces veline (le terme vient alors de faire son apparition
dans le langage courant, avec notamment le succès de l'émission Striscia la Notizia, cf. infra,
partie 3) à enlever des vêtements au fil des années. Le contenu des émissions de télévision
121
Selon Juliette Rennes et Marie-Rose Lagrave, il a fallu « batailler » pour imposer la discipline : http://www2.univ-paris8.fr/
RING/spip.php?article1293
50
Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité
perd dans le même temps sa visée culturelle et éducative, et continue de transmettre, malgré
les avancées féministes des dernières décennies, les stéréotypes de genre de la société
italienne, en les exagérant. La velina dénudée se met ainsi à côtoyer dans une sorte de
122
schizophrénie totale la TeleVaticano (« Télé-Vatican ») et son idée de la femme vierge
ou mère de famille. Une époque qui aurait donc été propice à de nouvelles revendications
de la part des féministes italiennes, portant essentiellement sur les aspects culturels de la
société italienne et des dangers de leur reproduction exagérée par les médias.
« “Perché le donne italiane non reagiscono ?” mi chiedeva la giornalista del
New York Times […], “Come mai in Italia non vi ribellate a questo maschilismo
evidente ?” chiedevano dalla tv austriaca, dal quotidiano svedese […]. I
giornalisti esteri si chiedevano come mai un paese che aveva espresso un
movimento femminista importante come quello italiano non riuscisse più a
123
esprimere un pensiero femminista autorevole » .
De nombreux étrangers se sont ainsi interrogés sur le sort que réserve la télévision italienne
aux femmes, sans comprendre comment une telle situation a pu se mettre en place dans
un pays ayant une forte tendance à être sous la coupe du Vatican, et sans que cela ait été
dénoncé, que ce soit par les femmes ou par les catholiques eux-mêmes. Dans la plupart
des pays occidentaux, le corps des femmes est instrumentalisé à des fins commerciales
pour vendre des produits en tout genre, mais toujours dans une certaine mesure : ainsi, la
Meute en France veille-t-elle à dénoncer le sexisme dans la publicité, tandis que l'Autorité
de Régulation Professionnelle de la Publicité peut recevoir les plaintes contre de potentiels
messages publicitaires à caractère sexiste et dégradante pour l'image des femmes. En
Italie, cependant, cette instrumentalisation ne s'est pas restreinte uniquement à la publicité
et a envahi toute la sphère médiatique, avec une intensité sans commune mesure avec ses
voisins européens. Lorella Zanardo fait toutefois remarquer qu'il est également possible en
Italie de signaler des contenus portant notamment atteinte à la dignité des femmes, mais
que les organismes en charge de traiter ces dossiers sont confrontés à de multiples conflits
d'intérêts : « […] l'impegno delle istituzioni varia in base agli orientamenti politici, ideologici
124
ed economici di chi prende il potere [...] » (« […] l'engagement des institutions varie sur
la base des orientations politiques, idéologiques et économiques de qui détient le pouvoir
[...] »).
Par ailleurs, l'auteure de Il Corpo delle Donne signale que de nombreuses plaintes,
des signalements, ainsi que des pétitions avaient été transférés à ces organismes, révélant
ainsi une part croissante d'individus (aussi bien de sexe féminin que de sexe masculin)
opposés à l'utilisation systématique de la nudité féminine dans les médias. Selon elle, les
féministes et les personnes engagées dans la lutte pour le respect des femmes n'ont pas
toujours été muettes depuis la fin des grandes luttes féministes, mais plutôt muselées. Pour
illustrer son propos, elle prend pour exemple deux événements survenus en 2009 : un débat
sur le corps des femmes, et un autre sur le maintien ou non des crucifix dans les écoles.
122
123
Ainsi la nomme Norma RANGIERI dans Chi l'ha Vista ?, Ed. Rizzoli, Milan, 2007, p.79.
« �Pourquoi les femmes italiennes ne réagissent-elles pas ? ” me demandait une journaliste du New York Times […],
“ Pourquoi en Italie vous ne vous rebellez pas contre ce machisme évident ? ” demandaient la télévision autrichienne,
les journaux suédois […]. Les journalistes étrangers se demandaient comment il était possible qu'un pays qui avait eu
un mouvement féministe aussi important que celui italien ne réussisse plus à exprimer une pensée féministe d'autorité ».
Lorella ZANARDO, Il Corpo delle Donne, Ed. Feltrinelli, Milan, 2010, p.121.
124
Ibid. p.100.
51
La représentation des femmes à la télévision italienne
Tandis que ce dernier bénéficiait d'une large visibilité médiatique dépassant les frontières
de l'Italie, le débat concernant les femmes était passé sous silence, n'intéressant que peu
de médias italiens, et aucun média étranger. Ces divers éléments sont pour Lorella Zanardo
une preuve du peu d'importance accordé à la question du respect du corps des femmes et
du féminisme en Italie, souvent considéré comme dépassé et haineux envers les hommes.
Toutefois, les récents événements qui ont défrayé la chronique italienne et les propos
de Silvio Berlusconi dans le cadre de l'affaire du Rubygate ont redonné une certaine vigueur
au mouvement féministe italien. D'un mutisme supposé, les intervention des féministes
italiennes sont passées à un état de médiatisation de grande ampleur. La réalité de la vie des
femmes italiennes a ainsi été révélée à toute l'Italie et à une grande partie du monde lors de
la manifestation du 13 février 2011, qui a impulsé la constitution d'un nouveau mouvement,
Se Non Ora Quando.
Le 13 février 2011
Suite aux propos sexistes et homophobes de Silvio Berlusconi lors du scandale du Rubygate
à la fin de l'année 2010, un mouvement de femmes italiennes exaspérées du comportement
de la classe politique italienne et des médias s'est mis en place début 2011 : Se Non Ora
Quando (SNOQ). Ce groupe se présentant en défenseur de la dignité des femmes en Italie
n'avait pas pour vocation première de perdurer dans le temps, mais d'organiser un grand
rassemblement de femmes et d'hommes pour réagir à l'immobilisme du pays face à la
situation et à la représentation des femmes. Suite l'organisation de cette mobilisation le 13
février 2011 et à son succès retentissant aussi bien en Italie qu'à l'étranger, SNOQ a continué
ses actions en faveur des femmes, par l'organisation d'autres manifestations partout dans
le pays et par une présence accrue sur internet.
Le rassemblement organisé par SNOQ le 13 février 2011 partout en Italie portait en
son sein de nombreuses revendications en faveur de la dignité des femmes, face à une
situation de « crise » et d'immobilisme ayant contribué à la dégradation de leurs droits et
de leur dignité depuis une vingtaine d'années (années du « berlusconisme »). Parmi ces
revendications, la lutte contre la précarité et pour le travail des femmes, mais surtout, la
lutte contre les stéréotypes véhiculés par les médias, et par Silvio Berlusconi. Des femmes
d'âges, de professions et partis politiques différents, des mères de famille, des étudiantes
et des religieuses se sont ainsi réunies sur les places d'environ deux cent cinquante villes
italiennes, accompagnées de nombreux hommes, pour protester contre l'instrumentalisation
du corps des femmes à la télévision et contre l'utilisation de femmes issues du monde
du spectacle en politique. La plupart des slogans et des intervenantes demandaient la fin
d'un modèle féminin exclusivement basé sur la beauté, et incitant les jeunes adolescentes
à utiliser leur corps comme gagne-pain, mais également la fin d'un modèle masculin
présentant l'homme comme avide de femmes et incapables de leur témoigner du respect. Le
constat ressortant de cette manifestation exceptionnelle (estimée comme le premier grand
rassemblement de femmes depuis l'arrivée de Silvio Berlusconi au pouvoir) est que de
nombreuses femmes ne se reconnaissent pas dans le modèle de la femme-objet imposé par
le Chef du Gouvernement et par la télévision. La population féminine italienne actuelle a de
nouvelles attentes et aspirations, dont celle de pouvoir travailler et d'être reconnue comme
compétente sans avoir besoin d'utiliser son corps, ou celle d'être mère tout en exerçant
une profession. Le rassemblement du 13 février aura ainsi amassé un million de personnes
en Italie, femmes et hommes (sans compter les manifestations de soutien à l'étranger) et
donné une nouvelle voix féministe à l'Italie.
52
Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité
La télévision et le gouvernement italien étaient clairement visés le 13 février 2011,
même si SNOQ avait revendiqué sa totale indépendance vis-à-vis des partis politiques.
Malgré la visibilité donné au mouvement sur internet et dans la presse écrite de gauche, ainsi
qu'à l'étranger, la télévision italienne a relativement peu relayé l'événement. Ainsi, d'après le
journal d'opinion Il Fatto Quotidiano, les deux journaux télévisés les plus regardés en Italie,
TG1 (Rai Uno) et TG5 (Canale 5, chaîne de Mediaset) ont purement et simplement cherché
à « cacher » la manifestation : « Dalla visione dei due filmati risulta evidente il tentativo
di nascondere la notizia della manifestazione
a cui hanno preso parte centinaia
125
di migliaia di persone in Italia e all’estero. »
(« Après le visionnage des deux films, il
en résulte la tentative évidente de cacher l'information de la manifestation à laquelle ont
participé une centaine de milliers de personnes en Italie et à l'étranger »). Le TG5 n'a ainsi
pas relaté la présence d'une mobilisation sur la piazza del Popolo à Rome dans son édition
de treize heures, et a fait figurer l'événement après les informations internationales, de
manière peu objective et très orientée politiquement dans son édition de vingt heures : « Più
per le donne o contro il governo ? » (« Plus pour les femmes ou contre le gouvernement ? »).
126
Quant au TG1, seulement une minute et demi a été consacrée à l'événement . A titre de
comparaison, TF1, dans son édition du vingt heures du même jour, a accordé un temps
127
légèrement supérieur à la manifestation (une minute quarante) , incluant l'interview des
organisatrices, leur activité sur internet et le rappel de la situation médiatique des femmes
en Italie.
Le gouvernement, quant à lui, et en particulier, Silvio Berlusconi, a relativement
mal réagi à ce mouvement de femmes. Il a ainsi été évoqué à plusieurs reprises une
manipulation des femmes par l'opposition de gauche dans le but de créer du tort à la majorité
actuelle. Silvio Berlusconi et ses ministres (dont des femmes, telles que la Ministre en charge
de l'Égalité des Chances, Mara Carfagna) ont qualifié ces manifestations partout en Italie
de bourgeoises, puritaines et moralistes, de la part de femmes sous la coupe de la gauche.
Le monde médiatique est donc très influencé par l'image que les hommes politiques
donnent des femmes. La relation proche de l'amitié et de la complicité qu'entretiennent
certains dirigeants (souvent conservateurs) avec les médias, les poussent parfois à tenir
des propos déplacés et à faire des blagues de mauvais goût, souvent sexistes, sans pour
autant se préoccuper des réactions qu'ils savent inexistantes. L'influence de ces propos sur
les femmes, la façon de mettre en doute leurs compétences est d'autant plus grande sur le
public qui les entend que ces hommes ont du pouvoir et ont acquis une certaine légitimité.
Bien que la réaction de Se Non Ora Quando ait paru tardive pour de nombreux journalistes
étrangers, elle a pu révéler au monde entier une réalité que les médias italiens ont omis de
représenter depuis de nombreuses années : toutes les femmes ne suivent pas le modèle
de la velina et refusent de vivre dans la passivité.
Conclusion de la deuxième partie
125
126
http://www.ilfattoquotidiano.it/2011/02/14/tg1tg5-linformazione-a-scalette-unificate/91907/ (cf. dixième annexe).
http://www.rai.tv/dl/RaiTV/programmi/media/ContentItem-bd3db554-97b1-4e4c-a202-a5ee3a916d6f-tg1.html (à partir de
11'35).
127
http://videos.tf1.fr/jt-we/le-20-heures-du-13-fevrier-2011-6275598.html (à partir de 03'28).
53
La représentation des femmes à la télévision italienne
Ce qui résulte de cette analyse des discours littéraires et médiatiques est l'intégration par
la société de clichés sur les femmes, formant un cercle vicieux, ces stéréotypes largement
grossis et exagérés s'étant dans un premier temps appuyés sur des valeurs propres à la
société italienne.
Ces clichés ont par ailleurs été largement soutenus par les instances politiques, qui
bénéficient d'une très large visibilité médiatique, renforçant ainsi leurs poids et leur impact
sur la société italienne. Le mouvement féministe italien, connu pour avoir été très puissant,
s'est alors retrouvé muselé et confronté à une hostilité à la fois politique, médiatique et
sociétale. Le modèle féminin est donc resté pendant de nombreuses années celui de la
velina (et encore aujourd'hui, les veline étant plus que jamais présentes dans le paysage
audiovisuel italien, comme nous le verrons dans une troisième partie), faute de voir les
médias en véhiculer d'autres. Milly Buonanno résume leur attitude, et en particulier, l'attitude
de la télévision comme une « résistance culturelle » face à la possibilité de la continuité de
l'émancipation féminine :
« […] per quanto riguarda l'immagine della donna, si tratta se mai di mutamenti
“per il peggio”, poiché in presenza di movimenti sociali, come il movimento
femminista, impegnati nella trasformazione di determinati assetti di relazioni, i
128
mass media pongono in atto “dinamiche di resistenza culturale” [...] »
Il est cependant intéressant de se pencher plus précisément sur ces images que véhiculent
la télévision, ce qui sera l'occasion dans une troisième partie d'analyser ces images et les
sous-entendus qu'elle véhiculent, ainsi que leur impact sur les personnes les regardant...
128
« […] en ce qui concerne l'image de la femme, on peut traiter de mouvements “pour le pire”, puisqu'en présence de
mouvements sociaux, comme le mouvement féministe, impliqués dans la transformation d'organisations de relations, les
mass media mettent en œuvre des “dynamiques de résistance culturelle” », Milly BUONANNO, Cultura di Massa e Identità
femminile, Ed. RAI-ERI, Rome, 1991, p.19.
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Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme
Partie 3 – Femmes et télévision en Italie :
érotisme, jeunisme et mutisme
Pour illustrer ce lien entre société et télévision en Italie, et pour regarder plus en
profondeur comment l’une influence l’autre, nous allons nous pencher plus en détail sur
diverses émissions italiennes, notamment des émissions très appréciées du grand public
et bénéficiant de bonnes audiences. Toutes sont des émissions se déroulant sur un plateau
de télévision autour duquel est présent un public, s’exprimant souvent bruyamment lors
de l’arrivée d’une velina. Deux de ces émissions sont des jeux, deux autres sont des
émissions d’information. Il ne s’agira pas d’analyser les émissions en elles-mêmes, c’est-àdire leur contenu et leur fonds, souvent assez similaires au type d’émissions vues en France
(information satirique, jeux à prix, etc.), mais d’analyser leur forme : comment sont placés
les personnages l’un par rapport à l’autre, comment sont-ils présentés, de quelle visibilité
bénéficient-ils, comment sont hiérarchisés leurs rôles, que nous révèle leur discours...
Quatre émissions seront ainsi analysées et deux autres, l’une italienne, l’autre
françaises, seront comparées. Afin d’améliorer l’analyse et la portée de ces émissions sur
les téléspectateurs italiens, une présentation succincte est nécessaire.
Strisica la Notizia est un programme d’information satirique extrêmement populaire
en Italie, autant par son caractère hors norme (les journalistes n'hésitent pas à dénoncer
arnaques, manœuvres politiques ou escroqueries liées à la classe dirigeante) que par ses
célèbres veline. C’est d’ailleurs cette émission qui a créé le concept de veline, et qui, depuis
la fin des années 80, met en scène ces deux jeunes femmes, l’une brune, l’autre blonde, en
début et fin d’émission, lors de petits numéros de danse. Striscia la Notizia est diffusée sur
Canale 5 (Mediaset) après le journal télévisé, vers 21 heures, ce qui lui assure d’excellentes
audiences.
Prendere o Lasciare est un jeu télévisé présenté par Enrico Papi, accompagné de sa
velina issue de la télé-réalité Raffaella Fico et diffusé sur Italia 1 (Mediaset) vers environ
129
vingt heures , chaque soir. Le jeu consiste en diverses propositions faites aux candidats,
qui doivent deviner le prix de deux objets, puis les prendre ou les laisser.
Il Mercante in Fiera est également un jeu télévisé diffusé sur Italia 1 jusqu’en 2009 et
qualifié de « familial » car extrêmement regardé par les parents en compagnie de leurs
enfants. Le jeu consiste en l’échange et l’achat de cartes, qui amènent à plusieurs situations
visant à éliminer un à un les candidats. La velina de l’émission, Ainett Stephens, intervient
dans le rôle de la Chatte Noire : si l’un des candidats possède la même carte qu’elle, il est
éliminé.
Enfin, Apprescindere, qui a un statut particulier : il s’agit d’une émission traitant de
divers thèmes d’actualité diffusée le matin sur Rai 3, plutôt à destination d’un public âgé.
L’émission est considérée comme très sérieuse et de qualité, en présence d’un animateur
omnipotent, Michele Mirabella.
129
Le programme a été dénoncé par le MOIGE (Movimento Italiano Genitori), une associations de parents, car considérée
comme offensante en raison de l’attitude de la velina à une heure de grande écoute.
55
La représentation des femmes à la télévision italienne
Dans un dernier temps, la Roue de la Fortune et la Ruota della Fortuna, respectivement
diffusées sur TF1 et Italia 1 seront comparées, ce qui amènera à s’interroger sur la possibilité
d’un « vélinisme » à la française.
Chapitre 1 – L'objectification du corps féminin par
l'érotisation
Les émissions ici analysées (Striscia la Notizia, Prendere o Lasciare, Il Mercante in Fiera
et Apprescindere), malgré leurs différences (certaines portent sur l'actualité, d'autres sont
simplement des émissions de divertissement), ont toutes un point commun : de jolies
femmes, plus ou moins dénudées, sont introduites dans les émissions afin de fidéliser le
public, et en particulier, le public masculin. Les jeux de caméra sur leur corps ou leur visage,
le contraste créé entre leur physique et celui des animateurs de sexe masculin présents
dans les émissions, sont une nette représentation de la domination masculine issue d'une
société patriarcale, et de la passivité de la femme. Malgré des réactions féministes qui
commencent à se faire entendre en Italie, ces modèles féminins sont très en vogue chez
les femmes italiennes, parfois très jeunes, comme en témoignent celles présentes dans ces
émissions...
Section 1 – La caméra : le corps féminin sous toutes ses coutures
La grande majorité des émissions italiennes, qu'il s'agisse d'émissions de divertissement
ou d'information, du service public ou de la télévision privée, proposent une image de la
femme presque exclusivement basée sur son physique. Le rôle de la « potiche », la plupart
du temps, la velina, qui se décline en plusieurs formes : la grechina, notamment, apparaît
ainsi dans un grand nombre d'émissions télévisées. Leur présence n'a pas d'autre utilité que
130
celle de fidéliser un public, et plus particulièrement, un public masculin : les émissions
sont ainsi faites pour et par les hommes, avec une vision tronquée de la femme et du rôle
qu'elle tient.
Leur corps, principal outil de leur représentation télévisée, est perçu comme un objet,
sur lequel la caméra s'attarde, zoome et revient régulièrement. La manière de placer la
caméra (notamment, par des angles de vue en plongée et en contre-plongée), les façons
de se mouvoir et de se tenir des jeunes femmes filmées vont permettre des cadrages
sur les zones du corps féminin les plus « intéressantes » pour le spectateur devant sa
télévision. Une manière de filmer « sous toutes les coutures », qui provoque la fascination
du spectateur (exposée par des plans réguliers sur les visages de membres masculins du
public, filmés bouche bée et les yeux écarquillés) et du téléspectateur, derrière son écran.
Cette manière de filmer le corps des femmes ; les « plans gynécologiques » dénoncés par
Norma Rangeri et Lorella Zanardo, omniprésents à la télévision italienne, la fascination qu'ils
provoquent chez le spectateur sont autant d'éléments permettant de faire un lien entre la
dictature de la beauté dans les médias et la dictature de la beauté dans la société italienne.
Par la fascination que procure la transmission visuelle de ces images, le téléspectateur se
130
Pourtant, dans Il Corpo delle Donne, Lorella Zanardo rappelle que 60% des personnes regardant la télévision en Italie sont des
femmes, mais qui s'accommodent et enregistrent des codes masculins.
56
Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme
trouve ainsi confronté au risque de perdre toute distance entre l'événement en lui-même et
ce qu'il en voit à travers le prisme de la télévision.
La plupart des émissions ici analysées ont recours aux veline, des « potiches »
télévisuelles dénudées, sexy et provocantes, prenant des postures laissant à la caméra le
loisir de filmer les parties les plus intimes de leur corps. C'est ainsi le cas pour Prendere
o Lasciare, Il Mercante in Fiera et Striscia la Notizia, qui possèdent toutes leur velina.
D'autres modèles de « femmes décoration » sont nés dans le sillage de cette célèbre
131
figure de la velina, notamment, la grechina
(pour reprendre le terme de Lorella Zanardo),
qui sans être nullement provocante, n'a que peu de responsabilités dans les émissions et
accompagne souvent un présentateur de sexe masculin. Sans que la caméra ne la filme
dans son intimité comme la velina , la grechina est une jolie femme qui casse la monotonie
du programme télévisé par son sourire et sa beauté, rappelés par de nombreux plans,
notamment de son visage, pendant toute la durée de l'émission. Plus utilisées par la Rai, il
est possible d'en croiser une dans l'émission d'information Apprescindere.
Veline et « Inquadrature ginecologiche »
Divers jeux de caméra et manières de filmer ont permis à des émissions différentes de
placer le corps des veline au centre de leur contenu. Ainsi, Striscia la Notizia, Prendere
o Lasciare ou Il Mercante in Fiera utilisent toutes des méthodes différentes de filmer les
jeunes femmes dénudées présentes mais parviennent toujours à un seul et même résultat :
des plans sur les parties intimes (comprendre, poitrines, fesses et parfois même, dans les
cas les plus extrêmes, entre-jambe) des femmes et une transformation de celles-ci en un
objet qui se regarde minutieusement et dans les moindres détails. Toutes les veline de ces
programmes sont en interaction avec au moins un homme, qui présente l'émission. Les
manières de filmer les personnages de sexe féminin et les personnages de sexe masculin
diffèrent totalement ; l'homme-présentateur n'est filmé que de face, en angle plat, sans zoom
sur aucune partie de son corps, si ce n'est le visage, lorsqu'il prend la parole.
L'émission satirique d'information Striscia la Notizia (sur la chaîne Canale 5, groupe
Mediaset), dont les sujets abordés et le mode de présentation se rapprochent du Petit
Journal de Yann Barthès sur Canal + (dans un format plus long, d'environ une demi heure)
est certainement la plus représentative du phénomène de « vélinisation » des médias
italiens. Si elle est l'émission qui a révélé et mis à la mode ces jeunes femmes, qui, ayant
rencontré un grand succès auprès du public, ont peu à peu colonisé le petit écran, elle
est également celle où leur présence est la moins « nécessaire ». Striscia est en effet une
émission satirique, qui n'hésite pas à dénoncer des faits graves (parfois en rapport avec les
mafias), la corruption ou les arrangements des politiques. La présence de veline peut alors
paraître paradoxale dans le cadre d'une telle émission : elle dénonce les failles du système
italien, tout en se conformant à celui-ci, l'utilisation du corps dénudé des femmes étant l'une
de ses spécificités et l'un des sujets de critiques. Les deux jeunes filles jouant le rôle des
veline à Striscia la Notizia, Costanza Caracciolo (la blonde) et Federica Nargi (la brune), 21
ans et veline dans l'émission depuis 2008, suite à leur victoire à Veline, doivent effectuer un
petit spectacle de danse de moins d'une minute au début et à la fin de l'émission. Entre les
deux ballets qu'elles effectuent, divers reportages, interviews et enquêtes menés sur un ton
humoristique et satirique ont lieu, sans que leur présence ne soit requise, et elles restent
131
Le mot « grechina » pourrait se traduire par « décoration », et correspondrait donc plus que la velina, autant par son
appellation que par sa fonction, à la « vraie » potiche connue en France.
57
La représentation des femmes à la télévision italienne
hors champ durant tout ce temps. Ainsi, par exemple, dans l'émission du 26 novembre
132
2008 , sur environ 26 minutes d'émission, elles apparaissent moins de deux minutes.
Les extraits vidéo (cf. vidéo « Striscia la Notizia – Veline ballets »), qui ont été recueillis
pour la majorité d'entre eux en 2009 et 2010 se focalisent sur la manière de filmer ces
célèbres représentations de danse qui font la renommée de Striscia et des deux veline.
On peut ainsi remarquer dans les six séquences composant cette première vidéo une forte
tendance de la caméra à filmer en contre-plongée pour pouvoir avoir un meilleur aperçu
des fesses des deux jeunes filles ou pour pouvoir filmer le dessous de leur jupe (cela est
particulièrement visible dans la cinquième séquence, – à partir de 02'18 – où la caméra se
situe quasiment en-dessous des deux veline), ainsi que de fréquents zooms. L'utilisation
d'accessoires comme des chaises (01'42), une barre de pole dance (00'57, 01'06) ou une
piscine gonflable pour la « douche » (02'45) augmente l'effet d'érotisation des danses
lascives de Costanza Caracciolo et Federica Nargi ; plus la caméra s'approche du corps
des jeunes femmes et scrutent leur intimité, plus les cris du public se font entendre (cela est
particulièrement visible dans la sixième et dernière séquence, lorsque Federica Nargi retire
sa serviette pour dévoiler son maillot de bain, à 02'53).
Les chorégraphies sont pensées exclusivement dans l'objectif de faciliter l'accès des
caméras à certaines parties du corps : ainsi, dans la majorité des séquences (exception
faite des deux dernières), les deux danseuses lèvent au moins une fois une jambe (00'16,
0'57, 00'59, 01'04, 01'53), laissant entrevoir leur entre-jambe à la caméra (les plans sont
également facilités par les vêtements extrêmement succincts et moulants). Les jeunes filles
se penchent (par exemple, Costanza Caracciolo dans la première séquence, 00'12) ou
dansent sur la barre de pole dance en sachant parfaitement où est la caméra et comment
se comporter lorsqu'elle s'approche (on voit ainsi Costanza regarder derrière elle lorsqu'elle
se penche en avant dans la première séquence, de même que Federica dans les troisième
et dernière séquences – 01'12 et 02'56 –). Les plans de Federica dans la cage (première
séquence – 00'05 –) ou au début de la deuxième séquence (00'32) sont typiques de ce que
Lorella Zanardo appelle les « plans gynécologiques » : la jeune femme écarte clairement
les jambes devant la caméra.
Une telle manière de filmer et de dévoiler leurs « charmes » de la part des deux veline
laisse sous-entendre une certaine passivité, mais surtout une disponibilité de ces jeunes
filles pour le spectateur et téléspectateur qui peut interpréter cela comme une généralité
s'appliquant aux femmes en général.
En ce qui concerne l'émission Prendere o Lasciare, dans laquelle la velina, Raffaella
Fico, s'exhibe particulièrement et de manière extrêmement provocante en début de soirée
sur Italia 1, les plans en contre-plongée sont là aussi de mise. Tout comme pour les veline de
Striscia la Notizia, le rôle tenu par Raffaella Fico dans Prendere o Lasciare n'est pas d'une
importance majeure et l'émission pourrait parfaitement « survivre » sans son intervention
(c'est par ailleurs le cas : l'émission, qui existe depuis 2007, n'a intégré les interventions
de Raffaella Fico qu'en 2009), mais contrairement à elles, elle est sollicitée tout au long
de l'émission, faisant de nombreuses apparitions et ayant des interactions seulement avec
le présentateur, Enrico Papi. Son rôle consiste en effet à donner les « propositions » aux
concurrents, propositions intervenant six fois dans le jeu. Cependant, le présentateur fait
également appel à elle sans aucune raison, pour donner une touche « sexy » à un jeu
télévisé assez morne et à l'opposé de cet univers (pour Lorella Zanardo, des émissions
telles que Prendere o Lasciare ont un contenu qu'elle qualifie de « pauvre » mais qui
132
58
http://www.striscialanotizia.mediaset.it/template/template_puntata26novembre2008.shtml
Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme
133
ont du succès, seulement grâce à l'utilisation de belles jeunes femmes ). Ces diverses
interventions sont l'occasion de nombreux plans sur l'intimité de la jeune femme et de
« stacchetti » (petits ballets) provocants.
Tous les extraits vidéos de Prendere o Lasciare montrent une Raffaella Fico
extrêmement dénudée et prenant des poses lascives et suggestives, tout en regardant
la caméra et jouant avec. Les moments de discours avec Enrico Papi (cf. corpus vidéo
Prendere o Lasciare – Raffaella Fico – Discours) ne sont pas dissociés des moments
de danse et sont filmés de la même façon. Seule la manière de filmer entre les deux
personnages est différente : tandis que divers plans sont faits de manière obsédante sur les
fesses de Raffaella Fico, la caméra est fixe lorsqu'elle filme Enrico Papi (la première et la
quatrième séquence – 01'35 – sont particulièrement représentatives de ce phénomène). Il
est également à noter que Raffaella n'est pas en contact physique avec le présentateur, les
candidats participant au jeu ou le public : elle est en effet filmée dans une pièce à part et ses
interventions sur le plateau télévisé sont retransmises par l'intermédiaire d'un écran géant.
La taille de l'écran permet ainsi au public, tant sur le plateau de l'émission que devant sa
télévision d'avoir pleine vue sur la jeune femme.
L'utilisation d'accessoires tels qu'une échelle et un escabeau (cf. toutes les séquences
de la vidéo Prendere o Lasciare – Raffaella Fico – Echelle) est clairement faite pour être
au plus près de l'intimité de Raffaella et permet à la caméra de faire des zooms à loisir
non seulement sur les fesses, mais également sur les parties génitales de la jeune femme,
cachée par des sous-vêtements succincts et parfois la jupette de son costume de scène
(cela est particulièrement visible à la cinquième séquence, lorsque Raffaella est déguisée
en ange – 00'27 –, ainsi qu'aux septième et dernière séquences : 00'46 et 01'24). Durant
presque toute la durée de ses interventions, Raffaella Fico monte et descend inlassablement
une échelle. Le « plan gynécologique » est donc utilisé de manière très excessive, et le
visage de la jeune femme n'est que très peu filmé, son corps étant très clairement privilégié.
D'autres accessoires sont visibles (dans la vidéo Prendere o Lasciare – Raffaella Fico
– Danse) tels que qu'un cerceau de hula-hoop (deuxième séquence, 00'23), permettant
également à la caméra de s'attarder sur le déhanché et le postérieur de la velina. Le
placement de la « boîte aux lettres » dans laquelle Raffaella Fico glisse les propositions
aux candidats n'est pas non plus anodin : la jeune femme se voit dans l'obligation de se
pencher en avant pour pouvoir glisser les enveloppes, ce qui permet un zoom de la caméra
sur son décolleté (particulièrement visible à 00'37, 00'56 et 02'05). La manière de filmer en
général donne l'impression au spectateur de se trouver dans la même pièce que Raffaella
Fico. L'attitude de cette dernière envers la caméra, ses poses suggestives ou ses danses
lascives accentuées de coups d'œil et de tentatives de séduction (00'12, 01'53, 02'06, pour
ne citer que ces passages...) laissent penser une entière disponibilité de la jeune femme, et
la possibilité de la « posséder » pour le spectateur (comme le montre le plan à 00'11 dans
la vidéo Prendere o Lasciare – Raffaella Fico – Discours) téléspectateur, qui interprète ces
images comme une forme d'invitation.
Une autre velina, un peu plus particulière, Ainett Stephens, apparaît dans le jeu télévisé
très apprécié des familles et des enfants (des éditions spéciales pour les enfants ont été
faites, mais contrairement aux autres diffusions, le décolleté vertigineux d'Ainett Stephens
disparaît) Il Mercante in Fiera. Bien que ses apparitions soient très succinctes et qu'elle
133
« Sono trasmissioni dal contenuto povero, di solito quiz banali, dove, in assenza di creatività, l'attrattiva principale consiste
nella ripetizione ossessiva delle inquadrature di parti intime di una ragazza », « Ce sont des transmissions au contenu pauvre,
habituellement, des quiz banals, où, en l'absence de créativité, l'attractivité principale consiste en la répétition de plans sur les parties
intimes d'une fille », Lorella ZANARDO, Il Corpo delle Donne, Ed. Feltrinelli, Milan, 2010.
59
La représentation des femmes à la télévision italienne
reste couchée sur un sofa pendant pratiquement toute la durée de l'émission (son rôle
consiste seulement à garder une carte essentielle au jeu, puis à la redonner au présentateur
une fois arrivé le moment de révéler cette carte), tout comme pour les veline de Striscia
la Notizia et Prendere o Lasciare, sa nudité et ses parties intimes ne sont pas filmées
directement. La jeune femme, dans son rôle de Gatta Nera (Chatte Noire), ne semble pas
tenter de séduire la caméra et à travers elle, les téléspectateurs ; elle ne sourit pas, n'est pas
avenante, contrairement à son double la Gatta Bianca (Chatte Blanche), qui n'est apparue
dans l'émission que beaucoup plus tard et qui ne joue aucun rôle important. La Chatte Noire
(cf. vidéo Ainett Stephens – Chatte Noire – Il Mercante in Fiera) porte une combinaison de
latex noir du même style que les vêtements sado-maso, qui sans laisser voir ses fesses et
parties intimes, dévoile un décolleté laissant apparaître son nombril (tout comme la Chatte
Blanche, qui est pourtant censée représenter la pureté, l'opposé de la Chatte Noire : cf. vidéo
Ainett Stephens – Chatte Blanche – Il Mercante in Fiera). Contrairement à Federica Nargi,
Costanza Caracciolo et Federica Fico, Ainett Stephens, dans son rôle de Chatte Noire, est
présentée comme une dominatrice, non une femme soumise.
Le jeu des caméras, tout comme pour les deux autres émissions vues auparavant, se
fait beaucoup en plans en contre-plongée (au début de la vidéo de la Chatte Noire, par
exemple, lorsqu'elle se lève dans une attitude lascive). Lorsque dans la première séquence
le présentateur et la velina se rencontrent, la caméra remonte lentement des pieds à la
tête de la jeune femme, afin de faire un plan serré sur son décolleté, puis s'arrête en angle
plat pour pouvoir filmer le présentateur à côté d'elle. On remarque ainsi qu'il s'agisse de
la première ou de la deuxième séquence, la jeune femme n'est filmée « normalement »
que lorsqu'elle a des interactions avec le présentateur. Lorsqu'il s'agit du rôle de la Chatte
Blanche, la façon de filmer diffère (cf. vidéo Ainette Stephens – Chatte Blanche – Il Mercante
in Fiera) : c'est la seule fois où Ainett Stephens est filmée comme le présentateur, de
face (exception faite du générique qui alterne tour à tour zooms sur le décolleté et sur le
postérieur de la velina). Toutefois, il est à noter que la jeune femme entre dans un plan à
mi-chemin entre le plan rapproché (jusqu'à la taille) et le plan poitrine ; l'intérêt réside en
effet dans la possibilité pour le téléspectateur d'avoir une vue sur le décolleté.
Enfin, Ainett Stephens n'offrant pas de « stacchetto » durant l'émission, des
« danseuses » sont mises à disposition au début, à la fin et lors de l'annonce la page de
publicité (cf. vidéo Danseuses – Il Mercante in Fiera). Filmées elles aussi en contre-plongée
(à 00'06, cela est particulièrement visible), leurs vêtements succincts et leur chorégraphie
relativement peu recherchée indiquent clairement une volonté de donner au spectateur ce
qui lui a manqué avec Ainett Stephens.
Qu'il s'agisse de Striscia la Notizia, de Prendere o Lasciare ou du Mercante in Fiera,
les trois émissions présentent une manière de filmer commune, qui s'attarde notamment
par des plans en contre-plongée et des zooms sur certaines parties du corps des femmes.
L'attitude que les jeunes femmes se doivent d'avoir face à la caméra est révélatrice d'une
volonté de montrer des femmes disponibles, sans inhibitions et entièrement à la disposition
du spectateur. L'image n'étant pas seulement image mais également un symbole avec
une représentation derrière, elle transmet un message spécifique sur le rôle physique de
la femme à la télévision. Elle n'est pas une représentation de la réalité mais peut être
interprétée comme telle.
La grechina : le cas de Apprescindere
Les grechine, très présentes également dans le paysage télévisé italien, sont souvent moins
visibles que les veline, du fait de leur réelle fonction de décoration. Ce sont souvent de
60
Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme
très jolies jeunes femmes, qui n'ont rien de provoquant. Elles entourent le présentateur
(qui est toujours un homme) et rendent l'émission plus « agréable » à regarder, sans
tomber dans la provocation, voire la vulgarité. Les grechine peuvent aussi bien n'avoir
aucune responsabilité autre que de se tenir à côté du présentateur sans ouvrir la bouche,
qu'intervenir pour compléter ses propos. Eva Crosetta, qui présente l'émission de société
Apprescindere aux côté de Michele Mirabella en est un parfait exemple, malgré ses
brillantes études.
Contrairement aux veline Costanza Caracciolo, Federica Nargi, Raffaella Fico et Ainett
Stephens, Eva Crosetta a une attitude tout à fait professionnelle, des vêtements « normaux »
et n'est jamais filmée en contre-plongée pour pouvoir faire apparaître certaines parties de
son corps aux téléspectateur. En revanche, des plans réguliers sont faits sur son visage
tout au long de l'émission, sans que cela ne soit jamais le cas pour le présentateur Michele
Mirabella, filmé à distance durant des séquences très courtes. Sur la vidéo Apprescindere
- Plans visage Eva Crosetta, on peut ainsi voir à 00'14, 00'24 et 00'40 des plans très serrés
sur le visage de la jeune femme lors de l'interview d'un invité par le présentateur (ces plans
apparaissent ainsi régulièrement sur une interview d'environ dix minutes). En revanche,
lorsque c'est au tour de la jeune femme d'interroger un invité, il est très rare que Michele
134
Mirabella entre dans le champ de la caméra (dans la même émission , il n'apparaît pas une
135
seule fois durant l'interview effectuée par Crosetta ). Par ailleurs, seule la jeune femme est
filmée en gros plan, voire parfois en très gros plan (cf. vidéo Apprescindere - Plans visage
Eva Crosetta) : la caméra zoome tellement sur le visage de la grechina que son visage
entier ne peut entrer dans le champ : cela est tout particulièrement frappant à 00'24, 00'40
et surtout, 00'58. La caméra s'approche toujours plus du visage de la jeune femme, jusqu'à
couper une partie de son front et de son menton, chose d'autant plus surprenante qu'elle
est filmée de face.
Veline ou grechine, la manière de filmer les femmes à la télévision italienne est très
représentative d'un rôle purement décoratif qu'on leur assigne également dans la société.
Elles se doivent d'être belles, agréables à regarder, sans avoir aucun autre rôle que celui qui
leur est confié. Les manières de filmer et de positionner la caméra lorsqu'il s'agit de capturer
l'image d'un personnage féminin sont extrêmement différenciées de celles mises en place
dans le cas d'un personnage masculin. L'homme représente un tout, tandis que la femme
est réduite à certaines parties de son corps, considérées comme plaisantes à regarder. La
confrontation entre les deux sexes à la télévision italienne ne s'arrête cependant pas là. En
effet, les différences résident surtout dans le physique des personnages des deux sexes.
Section 2 – Une confrontation récurrente entre les physiques
masculins et féminins mise en scène à la télévision italienne
Les différentes manières de filmer les personnages masculins et les personnages féminins
à la télévision italienne ne représentent ainsi qu'une part de la différenciation des rôles des
deux sexes. Qu'il s'agisse de la manière de se vêtir, de l'attitude, de la beauté physique ou
même de l'âge des hommes et des femmes à la télévision italienne, tout semble différer
et opposer diamétralement les deux sexes. L'homme est élégamment vêtu, d'âge mûr, il
n'est pas forcément beau, mais qu'importe, ce n'est pas sa première fonction. Il n'est en
effet présent sur le plateau que pour ses compétences intellectuelles, non esthétiques.
134
135
http://giuliainnocenzi.blogspot.com/search/label/Apprescindere
A partir de 23'37.
61
La représentation des femmes à la télévision italienne
La femme, quant à elle, est dénudée, jeune, belle ; et il peut sembler évident pour le
téléspectateur, durant la rencontre des deux sexes lors d'émissions télévisées, que la
femme a un rôle et une utilité télévisuelle secondaire, entièrement basée sur le physique,
tandis que l'homme, de par son attitude et son allure, semble incarner l'autorité et la
connaissance.
« In Tv il problema non è dunque la nudità in sé e, dopotutto, nemmeno
l'erotizzazione delle immagini […]. Il problema italiano non è certo il nudo o
l'erotismo […]. Il problema è il modo in cui è presentata la relazione di genere
attraverso la ragazzetta nuda e ancheggiante accanto al maestro di cerimonia (il
136
conduttore) che la sorveglia (paragonabile all'eunuco dell'harem del Topkapi). »
Cette relation de genre est présentée en deux temps : une opposition entre le physique des
personnages et une opposition entre leur âge.
Une confrontation entre les physiques masculins et féminins
Dans les quatre émissions figurant dans le corpus (Striscia la Notizia, Prendere o Lasciare,
Il Mercante in Fiera et Apprescindere) la différence entre l'allure et l'aspect physique des
présentateurs et des veline/grechine est flagrante et récurrente (il est à noter que cet
échantillon de vidéos est extrêmement représentatif d'une réalité à la télévision italienne,
dans laquelle les femmes sont extrêmement belles et les hommes « normaux »). Lorella
Zanardo qualifie le présentateur de « bruttino » (c'est-à-dire laid, ou du moins, ayant un
physique peur remarquable), aux attraits physiques « inférieurs » à celui des jeunes femmes
137
qui l'entourent .
Dans Striscia la Notizia, les deux présentateurs, Ezio Greggio et Enzo Iacchetti (et,
selon les saisons, Salvo Ficarra et Valentino Picone) sont en tous points opposés à leurs
« collègues » Federica Nargi et Costanza Caracciolo. Dans la vidéo Striscia la Notizia
– Veline présentation issue du corpus, il est possible de voir les quelques minutes de
l'émission où les veline sont filmées à côté des deux présentateurs. La différence entre les
deux sexes paraît alors frappante, non seulement, dans un premier temps, par la différence
d'âge des protagonistes (cf. infra) et toutes les conséquences physiques qu'elle induit, mais
également par l'aspect esthétique en général. Le passage que fait la caméra du visage
de Ezio Greggio à Costanza Caracciolo à 01'16 est révélatrice des disparités physiques
entre le modèle féminin et le modèle masculin que propose la télévision italienne : on passe
d'un homme élégamment vêtu et dont seuls les mains et le visage sont « mis à nus »,
à la jeune femme maquillée, coiffée et arborant un sourire figé. Les deux présentateurs
sont par ailleurs, habillés (ce qui est le cas des veline, mais dans une moindre mesure
étant donnés leurs costumes de scène succincts) : leurs vêtements sont élégants, sobres,
souvent noirs et blancs et ils portent parfois même la cravate (c'est le cas de Enzo Iacchetti
en première séquence et de Ezio Greggio à 01'12). Les vestes sont de rigueur, créant ainsi
un contraste avec les bras et les jambes dénudées de Costanza Caracciolo et Federica
Nargi, particulièrement lorsqu'elles se trouvent agenouillées sur le bureau, de chaque côté
des deux présentateurs (par exemple, à 02'48 : les veline portent un mini-short avec
136
« A la télévision, le problème n'est donc pas la nudité en soi, et, après tout, n'est pas non plus l'érotisation des images
[…]. Le problème italien n'est pas le nu ou l'érotisme […]. Le problème est la manière dont est présentée la relation de
genre à travers la petite jeune fille nue et aguicheuse à côté du maître de cérémonie (le présentateur) qui la surveille (tel
l'eunuque du harem de Topkapi). », Giovanna CAMPANI, Veline, Nyokke e Cilici, Ed. Odoya, Bologne, 2009, p.86.
137
62
Lorella ZANARDO, Il Corpo delle Donne, Ed. Feltrinelli, Milan, 2010, p.78.
Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme
un débardeur échancré, laissant nus leurs bras, jambes et poitrine, tandis que les deux
hommes portent des vestes et chemises bien fermées). Les deux hommes ne sont par
ailleurs visibles qu'à moitié, le bureau masquant le bas de leur corps, tandis que les veline
sont clairement exposées, au premier plan, malgré leur non-participation aux discussions
qui ont lieu entre les deux animateurs.
C'est le même constat qui est fait avec l'émission Prendere o Lasciare : Enrico Papi,
présentateur connu pour toujours avoir à ses côtés des veline parfois très provocantes
dans ses émissions, ne peut être objectivement qualifié de bel homme : relativement petit,
portant des lunettes sur un visage rond et poupon, il est loin du « niveau esthétique »
qu'atteint Raffaella Fico. Dans la vidéo Prendere o Lasciare – Raffaella Fico – Discours,
la confrontation entre les physiques des deux personnages principaux est d'autant plus
flagrante que Raffaella apparaît sur un écran géant, tandis qu'Enrico Papi semble encore
plus petit face à elle. Tout comme Ezio Greggio et Enzo Iacchetti, les présentateurs de
Striscia la Notizia, Enrico Papi est élégamment vêtu d'un pantalon et d'une chemise tout à
fait classiques (sa tenue change d'ailleurs très peu d'un épisode à l'autre de son émission,
alors que Raffaella Fico alterne plusieurs fois dans un même épisode entre son « uniforme »
habituel composé d'une jupette et d'un débardeur échancré et divers ensembles de lingerie
sexy), une tenue « normale » pour un présentateur de télévision. En revanche, Raffaella
Fico apparaît beaucoup plus souvent dévêtue qu'habillée (et, lorsqu'elle se montre habillée
à certains moments de l'émission, il s'agit d'un costume comprenant une jupe arrivant à
mi-fesses). Cela crée un net rapport de domination entre les deux personnages : l'homme
apparaît raisonnable, telle une figure, un modèle auquel se référer, tandis que la jeune
femme apparaît au contraire comme une figure subalterne, un objet qui s'expose. Le
contraste entre les deux tenues des personnages se fait d'autant plus lors des quelques
interactions directes (c'est-à-dire, sans l'intermédiaire d'un écran) qui ont lieu entre eux (le
plus souvent, en début d'émission) : dès la première séquence de la vidéo Prendere o
Lasciare – Raffaella Fico – Echelle, un choc entre les deux genres se produit : d'un côté
un homme habillé, chemise boutonnée jusqu'au cou, une veste à la main, et de l'autre, une
femme à moitié nue, laissant apercevoir jusqu'à ses fesses. Ce jeu de contrastes entre les
deux personnages, Raffaella Fico et Enrico Papi perdure ainsi pendant toute l'émission, de
manière quasi obsessionnelle, au risque d'une accoutumance du téléspectateur et d'une
banalisation de telles différenciations de genres.
Il en va de même entre la velina Ainett Stephens et le présentateur Pino Insegno dans
l'émission Il Mercante in Fiera (cf. la vidéo Ainett Stephens – Chatte Noire – Il Mercante
in Fiera). Lorsque les deux personnages se retrouvent l'un à côté de l'autre (c'est-à-dire,
deux fois dans chaque émission, le rôle de la Gatta Nera étant relativement restreint),
les différences physiques, qui étaient déjà évidentes entre les deux personnages pris
séparément, deviennent flagrantes. Ainett Stephens est une femme plantureuse et très
grande, connue notamment dans le paysage audiovisuel italien pour avoir été parmi les
finalistes de Miss Venezuela. Pino Insegno, quant à lui, entre dans la même « catégorie »
qu'Enrico Papi, présentateur de Prendere o Lasciare : petit et sans charme, les cheveux
gris et le visage rond, il est bien loin des canons de beauté exigés pour sa velina. Son rôle
n'est en effet pas basé sur son physique, comme cela est le cas dans la grande majorité des
émissions italiennes, mais sur ses compétences d'acteur et de présentateur. Qu'elle tienne
le rôle de la Chatte Blanche (qui représente la pureté et la gentillesse) ou celui de la Chatte
Noire (l'exact opposée de sa « sœur » de couleur blanche), Ainett Stephens porte toujours
une combinaison de latex très moulante, extrêmement échancrée dans le dos (comme elle
le laisse apercevoir dans la vidéo Ainett Stephens – Chatte Noire – Il Mercante in Fiera, à
00'03), avec un décolleté plongeant jusqu'au nombril (d'autant plus lorsque c'est la Chatte
63
La représentation des femmes à la télévision italienne
Noire qui entre en jeu), ne laissant aucun doute quant à son utilité télévisuelle. L'image de
« porno-soft » que dégage Ainett Stephens culmine à 00'20, lorsque les deux personnages
se retrouvent côte à côte, pour le « passage de carte ». En plus de sa combinaison de latex
moulante échancrée, Ainett Stephens porte un collier très près du cou, et surtout, de longs
gants noirs munis de griffes acérées, afin de rappeler son personnage félin. A côté d'elle, le
présentateur a l'air d'un homme simple, vêtu d'un costume gris, tel qu'on pourrait en croiser
dans la rue. Cette scène, inimaginable dans les pays du Nord de l'Europe selon Lorella
138
Zanardo , semble renvoyer un message net aux téléspectateurs, et plus particulièrement,
aux téléspectateurs masculins : il est tout à fait possible, normal, voire même obligatoire,
qu'un homme plutôt laid et sans charme puisse avoir à sa disposition de belles femmes
beaucoup plus jeunes, en tenue légère ou tout droit sortie d'un film pour adultes. Par ailleurs,
le présentateur Pino Insegno n'ignore pas ces différences flagrantes existant entre les
physiques masculin et féminin : ainsi, dans la vidéo Danseuses – Il Mercante in Fiera (cf. la
traduction « danseuses » en quatorzième annexe) : à 00'21, il plaisante avec les danseuses
de son émission : « Vous êtes jalouse de mon corps »...
Une nuance peut cependant être apportée concernant Eva Crosetta, la grechina
apparaissant dans Apprescindere, aux côtés du présentateur Michele Mirabella. Du fait de
son rôle particulier, qui diffère quelque peu de celui, plus classique, de la velina, la grechina
n'a pas une fonction purement érotique, et n'est donc pas habillée en conséquence (même
si elle a souvent une tendance à porter des jupes et des robes, parfois assez courtes). Ainsi,
dans toutes les vidéos du corpus consacrées à l'émission Apprescindere, aucune différence
majeure n'apparaît dans la façon de se vêtir entre Eva Crosetta et Michele Mirabella ; les
deux personnages sont élégants. Seule différence à constater entre les deux animateurs
(l'âge mis à part) est le soin apporté à chaque détail du visage. Les gros plans sur le
visage d'Eva Crosetta sont en effet récurrents tout au long de l'émission, aussi bien lors
de ses interventions que lorsqu'elle ne devrait pas entrer dans le champ de la caméra
(cf. vidéo Apprescindere – Plans visage Eva Crosetta). La coiffure et le maquillage sont
ainsi extrêmement soignés, jusqu'à outrance (à 01'05, par exemple) : on ne distingue plus
les traits de la jeune femme, ni ses expressions faciales, tant le travail de maquillage est
méticuleux ; les rides éventuelles, petites imperfections ou cernes sont totalement invisibles,
tant est si bien que les différences de carnation entre le cou et le visage ou entre la bouche
et le reste du visage ne se distinguent également plus.
Cependant, un détail majeur dans la différenciation physique des personnages
masculins et féminins est visible dans chacun des émissions constituant le corpus : l'âge des
personnages. Un détail physique en premier lieu, mais qui induit une certaine domination
masculine des présentateurs, qui peut entraîner par la suite un comportement paternaliste
et infantilisant à l'égard des jeunes femmes, vidéos à l'appui (cf. infra, chapitre 2, section 1).
Homme mûr et femme jeune : une différence d'âge récurrente
Un élément essentiel apparaît lors du visionnage d'émissions italiennes en tout genre
(du quiz télévisé aux émissions d'informations) : lorsque nous sommes en présence de
programmes présentés par un personnage de chaque sexe, l'homme est toujours beaucoup
plus âgé que la femme. Dans les quatre émissions composant les extraits vidéo du corpus,
cette réalité est particulièrement visible. Aucune des jeunes femmes présentes dans ces
138
Dans Il Corpo delle Donne, l'auteure imagine quelles seraient les réactions de ses amies norvégiennes à la vue de Ainett
Stephens à la télévision, à l'heure où les enfants ne sont pas encore couchés, dans son costume de dominatrice sado-maso (p.43
et 44).
64
Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme
émissions ne dépassent de loin la trentaine, tandis que les présentateurs de sexe masculin
se tenant à leurs côtés n'ont jamais moins de 45 ans.
1982, 1988 et 1990 sont les dates de naissance des veline présentes dans les vidéos
du corpus. 1965, 1959, 1954, 1952 et 1943 sont, en revanche, les dates de naissance
des présentateurs des différentes émissions. De telles différences d'âge n'induisent pas
seulement des disparités physiques ; en effet, elles s'accompagnent, de par le symbole
et le message qu'elles retransmettent, d'une vision de la femme comme un être fragile,
juvénile, immature et mineur (comme les « bambine » de Silvio Berlusconi, c'est-à-dire,
ses jeunes ministres de sexe féminin, cf. huitième annexe). La figure rassurante, paternelle
de l'homme (le présentateur) s'accompagne ainsi de la figure infantile, nécessiteuse
d'une protection virile, de la femme (la velina). Ce que semblent transmettre ces images
répétitives, obsessionnelles et parfois proches du matraquage médiatique, c'est que la
télévision italienne n'offre pas d'autre possibilité aux femmes qu'être jeunes. Ce message
est celui qu'elles donnent à un public nombreux, aussi bien féminin que masculin, dès la
plus tendre enfance, à un âge où l'esprit critique est absent et où les images sont absorbées
et intégrées à une vitesse déconcertante.
Striscia la Notizia est probablement l'émission la plus représentative de ce phénomène :
avant même une domination par le sexe s'opère une domination par l'âge entre les deux
présentateurs proches de la soixantaine et les deux jeunes femmes à peine sorties de
l'adolescence (Costanza Caracciolo et Federica Nargi allaient encore au lycée lorsqu'elles
ont pris leur fonction de veline). Une domination qui entraîne, en plus d'une différenciation
physique, une attitude des présentateurs en conséquences : attitude condescendante et
paternaliste, infantilisation des deux jeunes femmes, mais avec, paradoxalement, quelques
allusions sexuelles agrémentées de jeux de mots tout aussi allusifs (cf. la vidéo du corpus
Striscia la Notizia – Veline présentation et sa traduction en douzième annexe), qui feront
l'objet d'une étude plus approfondie dans un deuxième chapitre car également représentatifs
d'une nette infériorisation du genre féminin. Les deux animateurs, Ezio Greggio et Enzo
Iacchetti, sans être très âgés, ne peuvent être qualifiés de « jeunes » : les cheveux sont gris,
le visage est naturel et reflète leur expérience de la vie par des rides et des cernes, un visage
parfois un peu empâté (comme c'est le cas de Enzo Iacchetti) ; le contraste est flagrant dès
les premiers visionnages, pour devenir ensuite commun : à 01'16, la caméra fait un plan sur
le visage de Ezio Greggio, puis sur celui de Costanza Caracciolo et de Federica Nargi: si
les deux jeunes femmes n'étaient pas agenouillées sur le bureau de l'animateur et vêtues
de mini-shorts, l'image du père et de ses filles pourrait être la première à venir à l'esprit
du téléspectateur. De même, l'apparition de son collègue Enzo Iacchetti à 01'25 entouré
de trois jeunes femmes ayant largement l'âge d'être ses filles montre de toute évidence
une réalité commune à la télévision italienne (et par ailleurs, largement entretenue dans le
monde de la politique, avec Silvio Berlusconi en premier lieu) : les hommes mûrs peuvent
sans aucune difficulté séduire des jeunes filles, sans que cela puisse apparaître malsain ou
n'étant pas dans l'ordre des choses.
Le même comportement est par ailleurs observé chez Il Mercante in Fiera : le
présentateur, Pino Insegno tente (en vain) de séduire Ainett Stephens, de vingt-trois ans
sa cadette. Les deux personnages n'ont pas besoin d'être filmés de près pour que le
téléspectateur prenne conscience de leur différence d'âge : les cheveux blancs de Pino
Insegno contrastent clairement avec les cheveux bruns de la jeune femme (cf. vidéo Ainett
Stephens – Chatte Noire – Il Mercante in Fiera) à 00'19 et 01'12. Quant à la différence d'âge
existante entre le présentateur de Apprescindere Michele Mirabella, et Eva Crosetta, elle
est évidente et tout à fait caractéristique du fait qu'il soit possible en Italie qu'un homme
65
La représentation des femmes à la télévision italienne
âgé de presque 70 ans continue à être présentateur sans que sa carrière ne connaisse de
frein en raison de son âge ou de son physique. Chose qui n'est pas le cas pour une femme,
aucun visage ridé féminin n'apparaissant sur les vidéos du corpus. Michele Mirabella et Eva
Crosetta sont en tout point opposés physiquement, tant est si bien que l'homme semble
être le grand-père de la jeune femme (cf. vidéo Apprescindere – Discours Eva Crosetta
présentateur, dès la première séquence, la caméra passe du visage juvénile et lisse de la
jeune femme à un vieux monsieur ridé, créant un contraste tout à fait détonnant).
Seule l'émission Prendere o Lasciare peut faire exception à cette règle, Enrico Papi
paraissant physiquement plus jeune que son âge, de part son visage quelque peu enfantin.
Le présentateur a pourtant vingt-trois ans d'écart avec sa velina Raffaella Fico, c'est-à-dire la
même différence d'âge existant entre Pino Insegno et Ainett Stephens. La mise en évidence
de cette différence d'âge réelle, même si plus « compréhensible », l'animateur n'ayant que
quarante-six ans, se fait principalement par l'attitude et la manière de se vêtir (le discours
étant, en lui-même, loin de la maturité du présentateur, la plupart de ses discours avec la
velina étant centré sur des allusions sexuelles, cf. la traduction vidéo en treizième annexe).
Les images s'alternant entre les visages juvéniles des jeunes filles et les visages
vieillissant des animateurs induisent donc une forme de violence symbolique, notamment
de par leur systématisme ; les vidéos présentes dans le corpus ne représentant qu'un
échantillon minime de la situation des femmes à la télévision en Italie. Elles peuvent laisser
penser à un public dénué d'instruments permettant une approche critique de l'image et de
son message qu'il est un chose normale que des filles très jeunes, parfois à la frontière entre
adolescence et âge adulte, soient à la disposition d'hommes ayant dépassé la cinquantaine.
Par l'absence de modèles féminins plus âgés et par la récurrence de ces modèles masculins
d'un certain âge, la télévision sous-entend par ailleurs que l'existence d'une femme ayant
dépassé quarante ans est impossible (du moins, à la télévision), exerçant ainsi une véritable
pression et un conditionnement des femmes Italiennes soumises à ces images.
Pour conclure brièvement, la récurrence de ces images zoomant sur des parties
du corps spécifiques de la femme, à laquelle s'ajoute un contraste flagrant entre les
personnages de sexe féminin et les personnages de sexe masculin fait arriver à un constat :
les rôles dans lesquels sont censées être cantonnées les femmes dans la société italienne
sont largement véhiculés par les médias. La répétition constante de ces images peut laisser
penser qu'une telle représentation de la femme n'est ni anormale, ni exagérée. Bien que
de nombreuses sociétés occidentales usent et abusent de l'érotisation voire de ce que
l'on appelle couramment le « porno-soft », les manières de filmer les femmes et de les
« encadrer » par des présentateurs de sexe masculin plus âgés semblent être tout à
fait spécifique de la société italienne. Des images qui sont par ailleurs accompagnées de
discours, qui illustrent une nouvelle fois les dissensions entre les sexes à la télévision
italienne.
Chapitre 2 – Rôles et processus de domination
Dans chacune des émissions analysées, le rôle de la femme est toujours celui de la
subordonnée : l'animateur de sexe masculin semble clairement en position de force, et
constitue le « maître de cérémonie », tandis que la femme n'a soit aucune utilité informative,
66
Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme
139
ou n'est qu'« animateur secondaire » . Son rôle consiste souvent à apporter une touche
« sexy » à l'émission, sans que ses compétences ne soient directement sollicitées.
Cependant, cette domination n'est pas forcément exclusivement propre à l'Italie. Ainsi, il
sera l'occasion d'effectuer une comparaison entre deux émissions très similaires dans deux
pays à la culture proche : la Roue de la Fortune en Italie et en France.
Section 1 – Homme puissant et femme subordonnée : discours, rôles
et comportements à la télévision italienne
Si l'on sait déjà que chaque émission induit un cadre situationnel particulier et qu'en
conséquences, ses protagonistes ont des rôles spécifiques à tenir et des contraintes
auxquelles se plier, leur statut médiatique et leur rôle communicationnel dépend le plus
140
souvent de leur situation sociale et/ou professionnelle, et non de leur sexe .
Comme nous l'avons entre-aperçu en deuxième partie (premier chapitre, deuxième
section), les femmes à la télévision italienne sont majoritairement représentées dans
certains domaines, souvent considérés comme de moindre importance, comme le monde
du spectacle ou la mode. Elle sont par ailleurs, comme le confirme le GMMP 2010 sur
l'Italie, souvent reléguées à des postes marginaux, subalternes, surtout lorsqu'elles sont
en présence d'hommes ; leur fonction ne se réduit alors qu'à de simples assistantes, et
souvent, des assistantes de « charme ». C'est ce que nous avons vu avec les veline,
la façon dont elles sont filmées, et leurs disparités physiques avec les présentateurs de
sexe masculin, qui sous-entendent une domination de ces derniers, et principalement, une
domination intellectuelle.
La domination masculine et la violence symbolique dont sont victimes les femmes à la
télévision italienne ne s'arrêtent pas aux attraits physiques et au jeunisme qu'on leur impose.
Ce n'est même que le commencement de la domination qui s'exerce sur elles et les assigne
à un rôle subalterne, tant au niveau de leur positionnement par rapport au présentateur, par
exemple, qu'au niveau de leur comportement et discours. Tandis qu'elles restent souvent
muettes, ne « détenant » pas les informations les plus importantes, les présentateurs
masculins n'hésitent pas à adopter des comportements paternalistes et infantilisant à leur
égard, voire à connotations sexuelles. Pierre Bourdieu résume ainsi ce phénomène de
domination à la télévision (sans toutefois mettre en cause directement l'Italie, mais qui,
à travers les images du corpus vidéo, semble particulièrement mettre l'accent sur le rôle
subalterne des femmes) :
« Ainsi, sur les plateaux de télévision, les femmes sont presque toujours
cantonnées dans des rôles mineurs, qui sont autant de variantes de la fonction
d'“hôtesse”, traditionnellement impartie au “sexe faible” ; quand elles ne sont
pas flanquées d'un homme, auquel elles servent de faire-valoir, et qui joue
souvent, par des plaisanteries et des allusions plus ou moins appuyées, de
toutes les ambiguïtés inscrites dans la relation de “couple”, elles ont du mal à
141
s'imposer et à imposer leur parole [...] »
139
140
141
Guy LOCHARD, L'Information télévisée, Ed. Vuibert, Paris, 2005, p.95.
Cf. Guy LOCHARD, L'Information télévisée, Ed. Vuibert, 2005.
Pierre BOURDIEU, La Domination masculine, Ed. Seuil, Paris, 2002, p.84 et 85.
67
La représentation des femmes à la télévision italienne
Des rôles répartis en fonction des sexes dans chaque émission
Plusieurs facteurs laissent à penser, après le visionnage des vidéos composant le corpus,
que les rôles sont clairement séparés, répartis entre les personnages féminins et masculins,
et ce, quelque soit le type d'émission proposé. De l'émission d'information au talkshow, en
passant par les jeux télévisés, le rôle subalterne des femmes peut s'observer à travers leur
comportement (souvent obéissant et docile à l'égard du présentateur), leur positionnement
(en retrait), le temps qui est consacré à leur image/discours ou leur présentation (par
exemple, la place qu'elles occupent dans les génériques).
Le positionnement du personnage féminin dans l'émission et par rapport au personnage
masculin est dans un premier temps une donnée significative de la présence d'une certaine
domination masculine. La femme est souvent en retrait, se fait plutôt discrète pendant les
temps de parole du présentateur, bien que son rôle premier soit de rendre visible son
corps. Ainsi, les temps de visibilité du personnage féminin sont clairement détachés de ceux
masculins ; chacun a un rôle et doit s'y tenir. Les émissions Apprescindere et Il Mercante in
Fiera en sont un exemple significatifs. Dans le premier cas, la présentatrice n'a un temps de
142
parole que très limité : si on prend pour exemple l'émission du 20 juin 2011 , Eva Crosetta
a un temps d'intervention et de parole de moins de sept minutes sur une émission d'environ
cinquante-cinq minutes. La parole et les informations essentielles sont monopolisées par
Michele Mirabella, qui est donc le centre de l'attention, le pilier de l'émission (seuls les gros
plans réguliers sur le visage de sa collègue nous rappellent la présence de cette dernière).
Puisque le temps de parole et de visibilité « réelle » (c'est-à-dire, hormis ces plans sur son
visage) d'Eva Crosetta sont très limités au cours de l'émission, sa position est, logiquement,
en retrait. Divers plans d'ensemble effectués par la caméra nous rappellent cette place
qu'elle occupe : (cf. vidéo Apprescindere – Position Eva Crosetta présentateur) durant la
majeure partie de l'émission, elle reste assise à un bureau, relativement à l'écart de la partie
du plateau où se déroule l'interview, à regarder et écouter Michele Mirabella sans jamais
intervenir elle-même. 01'20, 01'45, 01'59 et 02'38 sont diverses séquences d'Apprescinere
qui illustrent particulièrement bien la position d'Eva Crosetta par rapport au présentateur.
De même, en début et fin d'émission Eva Crosetta reste en retrait : à 00'14, bien qu'étant
intervenue la première, elle laisse sa place au présentateur, et est filmée très à l'écart, de
loin, tandis que Michele Mirabella semble être imposant. Quant aux interviews effectuées
par les deux personnages, celles de Mirabella se font au centre du plateau (cf. vidéo
Apprescindere – Position Eva Crosetta présentateur , notamment à 00'41) ou à un bureau
offrant une certaine visibilité (dans la même vidéo, cela est visible notamment à 01'46),
tandis que la seule interview d'Eva Crosetta se fait au pied du public, dans un coin offrant
peu de visibilité pour la présentatrice, contrairement à son homologue masculin (01'28). A
chaque fin d'émission (ici, à 02'56), elle se place entre le présentateur et l'invité, toujours
en retrait, et attend sans dire un mot que l'interview se termine. Quant au cas de Ainett
Stephens dans Il Mercante in Fiera, sans être similaire (notamment, de par une fonction
quelque peu différente de celle d'Eva Crosetta), reste néanmoins ressemblant : durant toute
l'émission, la velina reste couchée sur le divan d'où on la voit se lever au début et à 00'47
dans la vidéo Ainett Stephens – Chatte Noire – Il Mercante in Fiera, attendant d'être appelée
par le présentateur pour intervenir. Quant à la Chatte Blanche (cf. vidéo Ainett Stephens
– Chatte Blanche – Il Mercante in Fiera), elle se situe dans une pièce totalement séparée
du plateau de l'émission.
Tout comme Ainett Stephens, Raffaella Fico n'a pas un rôle prépondérant dans
l'émission Prendere o Lasciare, en dehors de ses interventions « sexy ». Dans les vidéos du
142
68
http://www.rai.tv/dl/RaiTV/programmi/media/ContentItem-d3c20651-ff0d-4ef2-9afc-d2b6388092c0.html#p=0
Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme
corpus, elle intervient ponctuellement, à la demande du présentateur. L'écran géant (que l'on
peut voir sur les vidéos du corpus) ne fait apparaître la pièce séparée du plateau où se trouve
Raffaella Fico que lorsqu'Enrico Papi a besoin des enveloppes contenant les propositions à
faire aux candidats. Le reste du temps, la jeune femme n'apparaît pas pendant l'émission.
De même pour les deux veline de Striscia la Notizia : même si leur intervention se fait
directement sur le plateau de l'émission, celle-ci est minime : deux ballets, une présentation
succincte assortie de quelques plaisanteries des deux présentateurs et leurs apparitions
143
s'arrêtent. Dans l'émission du 26 novembre 2008 , leur temps d'apparition à l'écran est
ainsi d'une minute et demi, sur une durée totale de plus de 25 minutes, sans un seul mot
prononcé de leur part. Par ailleurs, leur habituelle position agenouillée sur le bureau, de
chaque côté des deux présentateurs (cf. la vidéo Striscia la Notizia – Veline présentation,
00'01, 00'15, 01'22 et 02'49) est représentative du rôle qui leur est attribué : celui de jolies
décorations posées sur un bureau, au grand plaisir de Ezio Greggio et de son collègue Enzo
Iacchetti.
Une dernière chose émerge de ce rapport homme-femme si particulier à la télévision
italienne. D'après les vidéos, les hommes ne semblent en effet pas seulement être aux
commandes de leurs émissions, en détenant informations essentielles et en étant en
interactions directes avec les candidats et spectateurs, mais également aux commandes
des femmes qui « présentent » à leur côté. Un tel comportement à l'égard de ces femmes
qui les entourent laisse à penser à la passivité, voire à la soumission de ces dernières :
les vidéos présentent des images récurrentes de situations où les femmes obéissent aux
hommes sans aucune objection de leur part. Un tel comportement est en revanche invisible
lorsqu'il s'agit de femmes donnant des ordres ou des instructions aux hommes. La naturemême du rôle des femmes dans la plupart des émissions sous-entend une hiérarchisation
claire des rapports entre les individus des deux sexes. Ainsi, les présentateurs font appel
à elles (en les appelant, en leur donnant des ordres, des instructions, etc.) lorsque la
nécessité d'un intermède de charme se fait sentir (avec Raffaella Fico et ses numéros en
lingerie dans Prendere o Lasciare, ou les danseuses du Mercante in Fiera...), ou pour une
tâche subalterne (les propositions dans les enveloppes pour Raffaella Fico, la carte de la
Chatte Noire pour Ainett Stephens...). Les apparitions des femmes se faisant de manière
ponctuelle, la tâche de leur donner une visibilité à l'écran revient aux hommes présentateurs.
Seules les veline de Striscia la Notizia peuvent échapper à cette règle, leurs
interventions ne se faisant qu'en début et fin d'émission (bien que dans certains cas, ce
soient les deux présentateurs qui les appellent pour les rejoindre lorsque leur numéro de
danse ne s'est pas achevé sur leur bureau). Eva Crosetta, quant à elle, en-dehors de son
interview habituelle lors de chaque émission, a également pour fonction d'être une sorte
d'assistante pour Michele Mirabella : ainsi, cela peut être visible dans la vidéo Apprescindere
– Discours Eva Crosetta présentateur (cf. également la traduction en quinzième annexe) :
à 00'11, le présentateur demande avec autorité à Eva Crosetta de donner des informations
précisant son propos sur la mobilité sociale en Italie, laquelle s'applique immédiatement à
le faire.
Ces rôles, très clairement différenciés selon le genre de la personne concernée, et
manifestement de moindre importance ou de moindre responsabilité pour les femmes,
s'accompagnent de discours stéréotypés, où le paternalisme est omniprésent chez les
hommes, tandis que le mutisme et la futilité sont des composantes essentiels de la parole
féminine.
143
http://www.striscialanotizia.mediaset.it/template/template_puntata26novembre2008.shtml
69
La représentation des femmes à la télévision italienne
Des discours genrés et stéréotypés
Comme nous l'avons vu, ce sont les présentateurs de sexe masculin qui, dans la
majorité des cas, détiennent les rennes des émissions de télévision italienne et qui,
en conséquences, sont également les détenteurs des informations essentielles au bon
déroulement de chacune d'entre elles. Lorsqu'il s'agit de jeux télévisés tels que Il Mercante
in Fiera ou Prendere o Lasciare, le discours de l'animateur ne porte quasiment que sur les
informations concernant son fonctionnement (sauf dans le cas de ses interactions avec les
veline), alors que celui des femmes (lorsque le discours existe) porte sur des sujets qui
n'ont souvent que peu à voir avec le déroulement du jeu (comme Raffaella Fico, qui parle
plus souvent de shopping que des candidats de Prendere o Lasciare), lorsqu'il n'est pas
inexistant (à l'instar d'Ainett Stephens dans son rôle de Chatte Noire, toujours silencieuse).
En ce qui concerne des émissions d'information telles qu'Apprescindere ou Striscia la
Notizia, là aussi on observe soit un mutisme total (les veline de Striscia la Notizia ne
parle absolument jamais) soit un discours portant sur des sujets et informations subsidiaires
et clairement présentés comme de moindre importance par rapport au présentateur de
sexe masculin (c'est le cas d'Eva Crosetta, qui, en plus d'avoir un temps de parole
extrêmement limité, ne reçoit que très peu de personnalités importantes lors de ses
interviews, contrairement à Michele Mirabella).
A la vue des vidéos du corpus, plusieurs situations sont possibles pour les veline (et
grechine) en ce qui concerne leur discours : le mutisme, ou la futilité.
Les deux veline de Striscia la Notizia, Costanza Caracciolo et Federica Nargi sont
connues pour ne jamais ouvrir la bouche durant leurs temps d'apparition sur le plateau de
l'émission. Cela paraît d'autant plus étonnant que les deux présentateurs, Ezio Greggio et
Enzo Iacchetti parlent souvent d'elles en début d'émission, après le numéro de danse des
deux jeunes femmes, sans que jamais elles ne répondent quoi que ce soit, se contentant
seulement de mimiques adressées à la caméra et de sourires : à 00'40 de la vidéo du
corpus Striscia la Notizia – Veline présentation (cf. traduction en douzième annexe), mais
également à 01'00, 01'59 ou 03'20, entre autres. Par ailleurs, la coutume veut que les
présentateurs de Striscia aient pour habitude de faire quelques blagues et jeux de mots
à chaque début d'émission, lorsque les deux jeunes femmes sont encore présentes (cf.
toujours la même vidéo et sa traduction en douzième annexe) : à 00'50, 02'22 et 03'06, Enzo
Iacchetti s'adresse directement aux veline (il dit ainsi clairement « qu'en pensez-vous, les
filles ? ») lorsqu'il raconte des blagues, sans que jamais il n'obtienne de réponse de leur part,
Costanza et Federica se contentant de rire et de sourire. Quant à Ainett Stephens, dans son
costume de Chatte Noire, elle non plus ne parle jamais, mais elle diffère des deux veline
de Striscia la Notizia dans le fait qu'elle reste impassible, sans jamais sourire, durant toute
l'émission, tandis que le présentateur Pino Insegno tente par tous les moyens de mettre fin
à son rictus. Là non plus, personne n'entend jamais le son de sa voix (comme le confirme
le monologue de Pino Insegno dans la première séquence de la vidéo Ainett Stephens –
Chatte Noire – Il Mercante in Fiera et sa traduction en quatorzième annexe).
Raffaella Fico, quant à elle, semble être l'exacte opposée des deux jeunes veline et
de la Chatte Noire : lorsque Enrico Papi la sollicite au cours de son émission Prendere o
Lasciare, la velina se montre très loquace, bavardant de sujets sans aucun rapport avec le
déroulement du jeu télévisé, et largement encouragée dans cette voie par le présentateur
(cf. vidéo Prendere o Lasciare – Raffaella Fico – Discours et la traduction en treizième
annexe). Raffaella fait la fête et danse le mambo, passe son temps à faire du shopping,
veut aller à Zanzibar, ne sait pas quelles chaussures choisir pour partir en vacances... Ce
sont les différents sujets de conversation qui ressortent de ses nombreux dialogues avec
70
Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme
Enrico Papi au cours du jeu. Le lieu-même où se trouve la velina lors de ses interventions
semble être l'incarnation de ses paroles : une maison de poupées aux couleurs vives remplie
de boîtes et de chaussures. Son discours est par ailleurs un condensé de clichés sur des
comportements considérés comme spécifiquement féminins : elle parle beaucoup, surtout
de chaussures et de shopping, se montre séductrice et insistante envers le présentateur
(notamment à partir de 01'10, lorsqu'elle supplie Papi et tente de le convaincre de partir
à Zanzibar avec elle) et fait le ménage en petite tenue. Il est également à noter qu'Ainett
Stephens, lorsqu'elle endosse le rôle de la Chatte Blanche dans Il Mercante in Fiera véhicule
également régulièrement des clichés associés au genre féminin. La vidéo du corpus Ainett
Stephens – Chatte Blanche – Il Mercante in Fiera (et sa traduction en quatorzième annexe)
est l'un des nombreux exemples de ces stéréotypes : Ainett Stephens, dans sa combinaison
moulante blanche et largement échancrée vante les mérites d'être mère, en affirmant
notamment à 00'30 qu'être mère est le plus beau cadeau qui puisse exister au monde. Cette
image est particulièrement représentative du paradoxe italien cité en première partie, et
144
largement dénoncé par Michela Marzano comme le paradoxe « Madonne e puttane »
Dans une moindre mesure, Eva Crosetta, lors de ses quelques minutes d'interview
dans Apprescindere, est cantonnée à des sujets tels que les cosmétiques (comme on peut
le voir dans la vidéo Apprescindere – Discours Eva Crosetta présentateur et la traduction en
quinzième annexe, en troisième séquence, à 01'33) ou à des témoignages de personnalités
peu connues ou peu prestigieuses (comme c'est le cas en cinquième séquence, à 03'38,
où elle interroge un inconnu témoignant de ses difficultés à trouver un emploi après ses
études). En comparaison, Michele Mirabella interroge des sociologues (Aldo Bonomi en
deuxième séquence, à 01'17), des écrivains (Diego Dalla Palma en quatrième séquence, à
02'04), ou des journalistes (cf. vidéo Apprescindere – Position Eva Crosetta présentateur :
Giulia Innocenzi à 01'43), c'est-à-dire des personnes ayant une certaine renommée et des
compétences professionnelles et intellectuelles reconnues.
Les hommes présentant les émissions citées ci-dessus ont tendance à avoir un
discours relativement paternaliste, infantilisant, voire même parfois moqueur à l'égard des
femmes les assistant dans leur tâche. Ce comportement est particulièrement visible dans
Striscia la Notizia, lorsque les deux animateurs présentent les veline (cf. vidéo Striscia
la Notizia – Veline présentation et la traduction en annexe douze). Elles ne sont ainsi
jamais appelées par leur prénom et nom, mais seulement par leur prénom (à noter que
les deux collègues, à l'inverse, ont leur nom clairement notifié en lettres capitales devant
eux, sur le bureau). Toutefois, Federica Nargi et Costanza Caracciolo sont plus souvent
présentées comme « Costy et Fedé » (00'02, 02'55, ou 03'38), voire même comme « Coco et
Féfé » (01'14). Par ailleurs, Ezio Greggio et Enzo Iacchetti ont un comportement clairement
moqueur à leur égard : les deux veline ayant pour tradition de ne jamais parler, elles ne
peuvent répondre aux nombreuses blagues que leur adresse Iacchetti à chaque début
d'émission, ce qui occasionne quelques moqueries de la part des deux compères : les veline
ont-elles répondu ? Oui, mais personne n'a entendu, d'après eux (01'06 et 03'26). Michele
Mirabella a parfois également un comportement infantilisant à l'égard de sa collègue Eva
Crosetta : son ton bienveillant et paternel à l'égard de la jeune femme est récurrent durant
les épisodes d'Apprescindere, ce qui peut induire le doute chez le téléspectateur quant
à la crédibilité de la jeune femme, félicitée en premier lieu pour son physique plutôt que
pour ses compétences (cf. vidéo Apprescindere – Discours Eva Crosetta présentateur et
traduction en quinzième annexe : à 04'10, en sixième séquence, dans laquelle la jeune
femme est longuement complimentée par le présentateur et son invité). Par ailleurs, la jeune
144
Michela MARZANO, Sii Bella e Stai Zitta, Ed. Mondadori, Milan, 2010, p.39.
71
La représentation des femmes à la télévision italienne
femme n'est jamais présentée en début d'émission, en revanche, c'est elle-même qui se
charge d'introduire le présentateur au public (cf. Apprescindere – Positions Eva Crosetta
présentateur : à 00'12). On peut remarquer par ailleurs dans le générique de l'émission que
seul Michele Mirabella est présenté comme étant l'animateur de l'émission.
Une telle présentation des deux personnages est également visible dans Prendere o
Lasciare. L'émission se distingue également par des allusions sexuelles récurrentes du
présentateur (qui sont également quelques fois visibles dans Striscia la Notizia) : dans les
extraits de Prendere o Lasciare – Raffella Fico – Discours (cf. également traduction en
treizième annexe), Enrico Papi lui demande de venir faire le ménage en petite tenue chez
lui, ou de prendre diverses poses allusives pour un calendrier... Le tout accompagné d'une
musique langoureuse caractéristique des apparitions de Raffaella Fico lors de l'émission.
Les différences de comportements, langages et discours entre les hommes et les
femmes à la télévision italienne sont, à la vue du corpus vidéo et après visionnage d'autres
émissions, aussi bien sur le service public que sur les chaînes privées, récurrents. La portée
de ces comportements associés à des images explicites et la récurrence des stéréotypes
de genre (passivité de la femme, mutisme lorsque le présentateur s'exprime, temps de
parole limité et associé à des sujets pensés comme féminins, paternalisme de la part des
personnages de sexe masculin...) est très grande sur le public et laisse à penser qu'une
intégration de ces stéréotypes (beaucoup plus présents dans la société italienne que chez
ses voisins français, allemands ou espagnols, par exemple) se fait par les téléspectateurs
qui regardent ces émissions chaque jour. Cependant, avant d'émettre tout jugement sur la
télévision italienne et l'objectification du corps féminin qui, comme on l'a vu, est récurrente,
une comparaison avec un autre pays latin pourrait s'avérer éclairante...
Section 2 – Similitudes et différences : une comparaison entre la
télévision italienne et la télévision française : le cas de la Roue de la
Fortune
Il est assez aisé d'analyser et de comparer l'émission française la Roue de la Fortune avec
la Ruota della Fortuna italienne, les deux émissions étant similaires. Le même format, le
même principe, le même décor et la même hôtesse : Victoria Silvstedt caractérisent les deux
émissions dans deux pays latins à la culture relativement proche.
Les ressemblances entre les deux émissions ne s'arrêtent cependant pas là. Ainsi,
il est intéressant de se pencher sur le personnage commun qu'est celui de Victoria
Silvstedt : quelles sont les interactions qu'elle entretient avec l'animateur français Christophe
Dechavanne et le présentateur italien Enrico Papi, son rôle est-il en tout point similaire ? Le
discours et la façon de filmer sont également des éléments importants de l'analyse et de
la comparaison. Mais il est aussi intéressant de se pencher sur les disparités qui existent
entre les deux émissions, et qui peuvent, à terme, nous éclairer sur les différences existant
dans les médias de chacun des deux pays.
Il est également important de préciser que les extraits vidéo de la version française de
la Roue de la Fortune sont pratiquement introuvables autre part que sur le site de la chaîne
TF1, ce qui n'est pas le cas de ceux concernant la Ruota della Fortuna, qui pullulent sur
Youtube avec d'autres vidéos de veline provenant d'autres émissions italiennes.
72
Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme
Des éléments communs entre la Roue de la Fortune et la Ruota della Fortuna
: des rôles, fonctions et discours définis selon le sexe...
Dans les deux émissions (cf. les vidéos du corpus dans Ruota della Fortuna et Roue de
la Fortune), la place de chacun des protagonistes est clairement définie en fonction de
son sexe : ainsi, Victoria Silvstedt, qu'il s'agisse de la version française ou de la version
italienne, a les mêmes fonctions : celle d'hôtesse ou de « potiche ». Sa présence est
requise seulement pour faire apparaître les lettres sur le tableau, tandis que les animateurs
Christophe Dechavanne et Enrico Papi ont une position dominante et essentielle au bon
déroulement du jeu. Ce rôle de moindre importance conféré à Victoria Silvstedt dans les
deux versions est par ailleurs visible dès les génériques : dans la version française, il est
indiqué « animée par Christophe Dechavanne », qui est donc clairement identifié comme
le seul présentateur de l'émission, puis est ensuite mentionnée la présence de Victoria
Silvstedt : « avec Victoria », sans qu'apparaisse son nom de famille. Il en va de même pour
la Ruota della Fortuna (« condotto da Enrico Papi », puis « con Victoria »).
Par ailleurs, Victoria Silvstedt est la « touche sexy » de chacune des deux émissions.
Ainsi, tout comme c'est le cas pour n'importe quelle autre émission italienne (cf. supra et
corpus vidéo), le physique de Victoria Silvstedt, exagérément grande, blonde et plantureuse,
est en contradiction totale avec les physiques de Christophe Dechavanne et d'Enrico Papi,
tous deux petits et « normaux », sans charme particulier. Ses tenues sont relativement
similaires d'une émission à l'autre : des talons très hauts et des robes colorées très
décolletées et souvent courtes, qui ne laissent pas de doute sur la fonction de la jeune
femme dans l'émission : celle de la rendre attractive par ses charmes. Les tenues
masculines, quant à elles, sont plutôt classiques et n'ont rien d'excentrique. Victoria Silvstedt
prend par ailleurs soin, dans chacune des deux émissions, de surjouer son rôle, en se faisant
passer pour une « blonde écervelée », créant ainsi un fort contraste avec les animateurs de
sexe masculin : par cette appropriation d'un rôle d'« idiote » de la part de Victoria Silvstedt,
les deux hommes paraissent intellectuellement supérieurs et plus compétents. Ainsi, dans la
vidéo Victoria Silvstedt – Discours – Ruota della Fortuna (cf. traduction en seizième annexe),
en cinquième séquence (à partir de 01'19) la jeune femme a du mal à prononcer certains
mots en italien, se reprend plusieurs fois, puis finit par demander de l'aide au présentateur,
qui s'amuse de ses difficultés. La même chose est observée (cf. sixième séquence de la
vidéo) à 01'39 : Victoria demande à Enrico Papi comment prononcer certains mots en se
caricaturant elle-même et en l'appelant « Signore Professore » (« Monsieur le professeur »),
puis à 01'51 (septième séquence), où un quiproquo dû aux difficultés de la jeune femme
à s'exprimer en italien se crée entre les deux personnages. Cela se remarque également
dans la version française ; Victoria Silvstedt semble y accentuer encore plus son rôle du
fait de son absence de difficultés (ou de moindres difficultés) à s'exprimer en français, par
rapport à l'italien. Ainsi, dans la vidéo du corpus Roue de la Fortune – Victoria Silvstedt –
Discours, à 00'12, 00'20, ou 00'39 (entre autres), la jeune femme grossit ses traits et force la
caricature de la « blonde écervelée », tandis que l'animateur se moque ouvertement d'elle (il
n'hésite pas non plus à l'imiter en se moquant, comme c'est le cas à 05'41, dans l'émission
145
du 3 juin 2011 ). Les divers surnoms données à la jeune femme par les deux présentateurs
(« Vicky », « la mia perla »- « ma perle » - en ce qui concerne Enrico Papi, « roupinette »,
« choupinette », ou encore « darling » pour Christophe Dechavanne) témoignent également
d'une attitude relativement infantilisante des deux hommes à l'égard de Victoria Silvstedt,
confirmant l'idée de son infériorité.
145
http://videos.tf1.fr/la-roue-de-la-fortune/l-emission-du-3-juin-2011-6477938.html
73
La représentation des femmes à la télévision italienne
Un autre trait commun entre les deux émissions, extrêmement présent et récurrent, est
celui des allusions sexuelles, adressées le plus souvent par les présentateurs à Victoria
Silvstedt. Qu'il s'agisse de la version française ou de la version italienne, plusieurs allusions
sexuelles ont lieu à chaque émission (allusions qui semblent avoir lieu plus souvent dans la
Roue de la Fortune que dans la Ruota della Fortuna), même lorsque l'occasion ou les propos
ne s'y prêtent pas. Par exemple, dans la vidéo du corpus Roue de la Fortune – Victoria
Silvstedt – Discours, en première séquence : lorsque Christophe Dechavanne demande à
la jeune femme si cela lui plairait de tourner la roue de la fortune, le ton du présentateur se
veut allusif et la réaction du public ne laisse pas de doute sur la nature de ces allusions.
La situation peut être volontiers beaucoup plus explicite : ainsi, Christophe Dechavanne ne
se gène-t-il pas pour jeter des regards sans équivoque sur certaines parties du corps de la
jeune femme (01'17), pour la complimenter sur son décolleté ou pour tenter de l'embrasser
(00'18 et 01'38). La version italienne n'est cependant pas en reste : toutes les occasions sont
propices à glisser quelques propos ambigus à l'attention de Victoria Silvstedt, comme en
témoignent des passages de la vidéo tirée du corpus Victoria Silvstedt – Discours – Ruota
della Fortuna. Dans la deuxième séquence (à 00'25), la question d'Enrico Papi à Victoria
(est-ce que son fiancé lui réchauffe les pieds ?) se transforme d'emblée en conversation à
connotations sexuelles ; de même, lorsqu'il s'agit de parler d'astrologie (troisième séquence,
00'51), la conversation devient à double sens dès le moment où Victoria annonce que son
signe est la vierge.
Au vu des nombreuses similitudes qui caractérisent les deux émissions, il serait
possible de conclure que la France et l'Italie se servent du corps des femmes et se
comportent à leur égard d'une manière plutôt similaire à la télévision (même s'il est évident
qu'une seule émission ne peut être représentative de la réalité télévisuelle de la France à
ce sujet). Cependant, il demeure de nombreuses disparités dans la même émission selon
que l'on se trouve en Italie ou en France...
… Mais des disparités dans la visibilité de la femme sur le petit écran
La première grande disparité entre les deux émissions est très clairement la manière dont
est filmé le personnage de sexe féminin, Victoria Silvstedt. Dans la version française, la
Roue de la Fortune, la jeune femme est filmée en angle plat, de face et est relativement
peu souvent filmée de près, sauf à de rares exceptions. Ainsi, tout au long de la vidéo
Roue de la Fortune – Victoria Silvstedt – Marche, on peut apercevoir la jeune femme faire
des allers et retours devant le tableau où apparaissent les lettres de l'énigme. La caméra
donne une vue d'ensemble de son mouvement de va et vient régulier d'un point à l'autre du
tableau, sans jamais faire de gros plans ou la filmer de près (sauf quelques rares exceptions
comme à 00'39, où Victoria Silvstedt est filmée en plan italien – jusqu'aux genoux – ou
lorsqu'elle parle à la caméra, comme on peut le voir à 17'53 dans la vidéo de l'émission
146
datant du 3 juin 2011 , où elle est filmée en plan américain, sans que jamais la caméra
ne s'approche plus d'elle). Cette façon de filmer ce personnage, toujours de loin, ne lui
accordant que peu d'importance malgré son rôle consistant à attirer l'attention sur lui, donne
une impression d'« appartenance » au décors. Dans la version française, Victoria Silvstedt
peut véritablement être qualifiée de « potiche », car elle se fond dans le décor, ne se
déplaçant jamais hors du tableau ; elle est par ailleurs filmée avec le tableau, comme si cet
élément et elle-même ne faisaient qu'un.
146
74
http://videos.tf1.fr/la-roue-de-la-fortune/l-emission-du-3-juin-2011-6477938.html
Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme
Cette manière de filmer est en totale contradiction avec celle constatée dans la Ruota
della Fortuna italienne. Ainsi, dans l'émission animée par Enrico Papi, la jeune femme n'est
pratiquement jamais filmée de face (exception faite lors des conversations qu'elle entretient
avec Enrico Papi, cf. vidéo du corpus Victoria Silvstedt – Discours – Ruota della Fortuna),
et encore moins de loin. Les plans en contre-plongée observés dans Striscia la Notizia,
Prendere o Lasciare ou Il Mercante in Fiera sont de nouveau visibles dans cette version
italienne de l'émission (cf. les vidéos Victoria Silvstedt – Danse – Ruota della Fortuna et
Victoria Silvtedt – Marche – Ruota della Fortuna). Lors des numéros de danse, la jeune
femme est encadrée de toute part par des caméras qui scrutent son intimité. Une caméra
se trouve au-dessus d'elle et filme en plongée afin de pouvoir offrir au téléspectateur une
vue sur son décolleté (comme on peut le voir dans la vidéo Victoria Silvstedt – Danse –
Ruota della Fortuna à 00'20, 00'45, 00'57, ou 01'32), agrémentée de nombreux zooms et
ralentis. Une autre caméra est quant à elle chargée de zoomer par des contre-plongées
sous la robe de la jeune femme (robe qui, comme on peut le voir, est toujours légère et à
volants afin de faciliter la tâche de la caméra lorsque Victoria Silvstedt danse ou fait ses
habituelles allées et venues de chaque côté du tableau, la jupe s'envolant au moindre de ses
mouvements, cf. par exemple à 00'20, sur la vidéo Victoria Silvtedt – Marche – Ruota della
Fortuna) : ce mouvement de caméra est extrêmement récurrent, la jeune femme faisant
de très nombreux allers-retours d'un point à l'autre du tableau (comme cela est également
visible dans la version française). De nombreux zooms sont également visibles de la part de
cette caméra, surtout lors des numéros de danse de Victoria Silvstedt (cf. Victoria Silvstedt –
Danse – Ruota della Fortuna, à00'34, 01'08, ou encore 01'58). Toutefois, comme on peut le
constater, toujours dans la même vidéo, la jeune femme n'est pas la seule à être filmée avec
insistance : les jeunes femmes du public dansant en rythme avec elle durant ses nombreux
numéros bénéficient également de plans récurrents de la part de la caméra (cf. 00'39 ou
00'47).
Par ces nombreux mouvements de caméra qui reviennent de façon récurrente sur le
personnage de Victoria, les multiples numéros de danse qu'elle effectue au cours d'une
seule émission (en comparaison, la version française fait pâle figure, comme en témoigne
la vidéo Roue de la Fortune – Victoria Silvstedt – Danse : les petits « ballets » de la jeune
femme ont le plus souvent lieu en début d'émission, quelques secondes durant lesquelles
elle est souvent accompagnée par Christophe Dechavanne, et ne sont jamais propices aux
mouvements de caméra tels qu'aperçus dans la version italienne) et la sollicitation constante
du présentateur (cf. vidéo Victoria Silvstedt – Discours – Ruota della Fortuna et sa traduction
en seizième annexe), la jeune femme semble finalement avoir une fonction différente de
celle rencontrée dans la version française. Elle a beaucoup plus de visibilité dans la Ruota
della Fortuna (elle est même présentée par ses prénom et nom en début d'émission par
le présentateur) et un jeu de séduction semble s'opérer entre elle et Enrico Papi (ce qui
n'est pas le cas avec Christophe Dechavanne), qui engage régulièrement des conversations
avec elle sur des sujets plutôt futiles (les poupées Barbie, sa vie sentimentale...) ou pour
corriger ses erreurs de langage, tel un professeur avec son élève, renforçant sa dominance
sur la jeune femme. Bien que des propos allusifs aient lieu dans les deux émissions,
seul l'animateur italien semble entretenir ce rapport de séduction avec Victoria Silvstedt.
Christophe Dechavanne, certes à l'origine également de phrases à double sens à l'égard de
sa collègue, porte davantage attention aux candidats, et principalement, aux candidates, ce
qu'on peut voir dans Roue de la Fortune – Victoria Silvstedt – Discours à 01'41, par exemple,
par d'explicites allusions au décolleté de la candidate s'apprêtant à tourner la roue. Le couple
Silvstedt – Dechavanne ne semble pas, contrairement au couple Silvstedt – Papi, basé sur
la séduction mais sur l'humour ; chacun des deux personnages force ses traits de caractère
75
La représentation des femmes à la télévision italienne
et est constamment dans l'exagération (cela est particulièrement visible et récurrent dans
147
l'introduction de l'émission, ou un sketch est préparé par les deux personnages).
Les deux émission, bien que très similaires, ont donc également de nombreux éléments
propres à chacune, propre à chacun des deux présentateurs, mais également propres au
pays dans lequel elle se trouve. Ainsi, la version italienne n'est guère éloignée d'autres
émissions déjà étudiées auparavant en ce qui concerne sa représentation du personnage
féminin. Victoria Silvstedt y est principalement sollicitée pour des dialogues proche de la
séduction avec l'animateur Enrico Papi, et son corps est la proie de nombreuses caméras,
placées en des endroits « stratégiques » du plateau, afin d'effectuer zooms, plans et ralentis
sur le décolleté et le dessous de la jupe de la jeune femme. Sa fonction est donc la même
que la velina, celle d'une femme attractive sexuellement et principalement sollicitée pour
ses attraits physique. En ce qui concerne la version française, Victoria Silvstedt semble
être plus effacée, placée comme une décoration dans un plateau de télévision, sans que
l'attention ne soit constamment portée sur elle, soit par le discours, soit par les mouvements
de caméra. Son comportement de « potiche » est accentué par ses attitudes et mimiques,
ainsi que celui de Christophe Dechavanne, qui forcent tout deux leurs traits de caractère
jusqu'à sembler être un duo de comique, basé sur une certaine complicité. Cependant, une
domination masculine est bel et bien présente dans les deux émissions. Elle ne s'exprime
cependant pas de la même manière : d'un côté, on observe une instrumentalisation du
corps féminin à des fins sexuelles, tandis que de l'autre, on observe une accentuation de
l'« inutilité » de ce personnage.
La femme est donc, après analyse des rôles et fonctions de chaque émission,
clairement présentée comme subordonnée au présentateur. Une fois de plus, le genre
féminin est caractérisé par la passivité, voire même, la docilité face au genre masculin.
D'après la comparaison entre l'Italie et la France, on observe toutefois que ces
représentations des rôles masculins et féminins ne sont pas inhérents à l'Italie et peuvent
concerner également la France. Néanmoins, l'Italie ne semble pas proposer de modèle
féminin autre que celui de la velina ou de la grechina à la télévision, comme peut en
témoigner la récurrence de leur présence et de leurs fonctions, basées exclusivement sur
leur physique.
Conclusion de la troisième partie
Après analyse de ces émissions, de la manière de filmer et de différencier les personnages
de sexe masculin et ceux de sexe féminin, et après une comparaison avec la France, il est
possible de s’interroger sur la portée de ces images (qu’il s’agisse des plans sur l’intimité
des jeunes filles filmées ou de la perpétuation d’une idée de passivité de la femme, à travers
la promotion de son physique ou la moindre importance de son rôle au sein de l’émission)
sur un public de masse, ne possédant pas toujours d’outils de critique, de recul ou d’autres
modèles de femmes ou de télévision. Ces images ne concernent par ailleurs pas seulement
un public adulte, mais bien souvent également un public jeune, voire très jeune, qui s’inspire
de ces modèles, à l’instar de ces jeunes collégiennes qui rêvent de devenir veline (cf.
supra, partie 1, chapitre 2, section 1), vivement encouragées par une société accordant une
importance majeure à la beauté féminine.
147
Cf. par exemple l'émission du 2 juin 2011, durant les huit premières secondes. http://videos.tf1.fr/la-roue-de-la-fortune/l-
emission-du-1-juin-2011-6477926.html
76
Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme
Tout comme l’image non animée représente plus qu’une analogie avec le monde réel et
la société (notamment selon l’idée de Roland Barthes), l’image animée possède elle aussi
des connotations, des symboles. Son aspect récurrent en Italie (par exemple, à travers
les zooms constants sur l’intimité de Raffaella Fico durant toute l’émission de Prendere
o Lasciare) tent à faire intégrer au télespectateur l’idée d’une femme disponible, passive,
désirant être possédée ou filmée dans son intimité. La jeunesse de ces jeunes femmes
semble par ailleurs rappeler une figure virginale ; comme le disait Caterina Soffici : la velina
et la vierge habitent un même corps (cf. supra, introduction de la première partie).
77
La représentation des femmes à la télévision italienne
Conclusion
Au vu des éléments ressortant de cette étude, il est donc possible d'affirmer que la société
italienne influence grandement le rôle secondaire et subsidiaire des femmes à la télévision.
Un certain nombre de manquements à leurs droits est observé depuis des décennies au sein
de l'État italien, associés à une vision traditionnelle du rôle de la femme, influencée par des
traditions catholiques très largement relayées par les instances de l'État et les politiques.
Toutefois, au regard de notre analyse consacrée aux médias et au rôle qu'ils assignent
aux femmes par des fonctions, sujets, ou représentations qui diffèrent en tout point des
hommes, il est possible de constater que le phénomène d'influence a également lieu
dans l'autre sens. Les médias, et en particulier, la télévision, qui est le principal outil
d'information pour la majorité des Italiens (et certainement, le plus puissant), en reproduisant
des stéréotypes puisés initialement dans la société, en offrant des images télévisuelles
manquant à la dignité des femmes, entretient fortement les stéréotypes déjà présents au
sein de la société, allant même jusqu'à les exacerber (la preuve pas le succès des veline
et leur accès aux plus hautes instances de l'État). Marc Aurèle affirmait la chose suivante :
« Ta manière de penser s'orientera d'après la nature des objets que tu représentes le plus
souvent, car c'est de la représentation que l'âme prend sa couleur ». Cette pensée, datant
pourtant du IIème siècle après Jésus-Christ, semble particulièrement bien s'adapter à la
situation de l'Italie dans son rapport avec les femmes, aussi bien dans la société réelle
que dans les médias. L'intégration d'images présentant la femme de manière passive,
cantonnée soit à un rôle de mère, soit à un rôle purement sexuel rappelant à la fois la pureté
virginale (de par leur très jeune âge, la plupart d'entre elles ayant entre 18 et 25 ans) et la
prostituée contribue au développement tronqué d'une idée du rôle et du physique que les
femmes se doivent d'avoir en sein de la société.
L'Italie semble donc représenter une anomalie dans son traitement médiatique et
surtout télévisuel des femmes, allant même à l'encontre des textes internationaux veillant au
respect de la femme. Toutefois, l'Italie n'est pas le seul pays concerné par ce phénomène,
même s'il n'en demeure pas moins le plus visible. D'autre démocratie européennes
véhiculent une image plus ou moins stéréotypée des femmes, tant au niveau des contenus
ou des rôles qu'elles tiennent dans les émissions télévisées, qu'au niveau d'exigences
physiques auxquelles elles doivent se conformer. C'est ainsi le cas de la France (comme
l'étude l'a démontré), dans une moindre mesure, ainsi que du Royaume-Uni, où Miriam
O'Reilly, journaliste à la BBC, s'était vue licenciée à cause de son âge après s'être fait
conseiller des injections de botox par son supérieur, et remplacée par un animateur de 68
ans.
78
Bibliographie
Bibliographie
Revues, articles, rapports
Dossier Italie, « Le Pays qui n'aimait pas les Femmes », Courrier International, n°1061,
du 3 au 9 mars 2011, p. 22-25.
« La Politique de l'Obscène », Courrier International, n°1047, du 25 novembre au 1er
décembre 2010, p.16-21.
Global Media Monitoring Project 2010 – Italy.
Evangelium Vitae.
« Le Altre Donne », Concita de Gregorio, L'Unità, 19 janvier 2011.
Safe Abortion : Technical and Policy Guidance for Health System (cf. site de l'OMS).
http://droitcultures.revues.org/904
http://dweb.repubblica.it/dettaglio/Sexyspot-generation/54786?page=2
http://www.lastampa.it/redazione/cmsSezioni/cronache/200907articoli/45987girata.asp
http://www.corriere.it/cronache/09_luglio_30/
pillola_ru486_decisione_aifa_a8d8701a-7d1e-11de-898a-00144f02aabc.shtml
http://www.corriere.it/cronache/07_novembre_20/
arachi_ragazzine_sesso_12_anni.shtml
http://www.corriere.it/Primo_Piano/Cronache/2007/03_Marzo/08/cilicio.shtml
http://www.corriere.it/politica/09_maggio_04/
berlusconi_veronica_scuse_divorzio_veline_noemi_6ccc9956-3869-11dea257-00144f02aabc.shtml
http://www.ft.com/cms/s/2/7d479772-2f56-11dcb9b7-0000779fd2ac.html#axzz1PAHWCKex
http://www.independent.co.uk/news/world/europe/vulgar-berlusconi-pays-tribute-to-thesex-appeal-of-the-iron-lady-455996.html
http://www.slate.fr/story/36879/infographie-conneries-de-berlusconi
http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/1545019/I-use-spiked-chain-says-senatorin-Opus-Dei.html
http://www2.univ-paris8.fr/RING/spip.php?article1293
Ouvrages
Ouvrages en italien
79
La représentation des femmes à la télévision italienne
Gabriele d'ANNUNZIO Il Piacere, éditions Garzanti, Milan, 2007.
Gianfranco BALDINI et Anna CENTO BULL, Politica in Italia. I fatti dell'anno e le
interpretazioni, edizione 2009, éditions il Mulino, Bologne, 2009.
Milly BUONANNO, Cultura di Massa e Identità Femminile. L'Immagine della Donna in
televisione, éditions RAI-ERI, Rome, 1991.
Milly BUONANNO,Visibilità senza Potere.Le sorti progressive ma non magnifiche delle
donne giornaliste italiane, éditions Liguori, Naples, 2005.
Giovanna CAMPANI, Veline, Nyokke e Cilici, éditions Odoya, Bologne, 2009.
Saveria CAPECCHI,Identità di Genere e Media, éditions Carocci, Rome, 2006.
Marina GIGANTE, I Diritti delle Donne nella Costituzione, éditions Editoriale Scientifica,
Milan, 2007.
Michela MARZANO, Sii Bella e Stai Zita.Perché l'Italia di oggi offende le donne, éditions
Mondadori, Milan, 2010.
Alberto MORAVIA, Gli Indifferenti, éditions Bompani, Milan, 2008.
Norma RANGERI, Chi l'ha vista ? Tutto il Peggio della TV da Berlusconi a Prodi (o
viceversa), éditions Rizzoli, Milan, 2007.
Caterina SOFFICI, Ma le Donne No. Come si vive nel paese più maschilista d'Europa,
éditions Feltrinelli, Milan, 2010.
Lorella ZANARDO, Il Corpo delle Donne, éditions Feltrinelli, Milan, 2010.
Ouvrages en français
Élisabeth BADINTER, Le Conflit, la Femme et la Mère, éditions Flammarion, Paris,
2010.
Pierre BOURDIEU, La Domination masculine, éditions du Seuil, Paris, 2002.
Judith BUTLER, Trouble dans le Genre, le Féminisme et la Subversion de l'Identité,
éditions La Découverte/Poche, Paris, 2006.
Silvia CONTARINI, La Femme futuriste. Mythes, Modèles et Représentation de la
Femme dans la Théorie et la Littérature futuristes, éditions Presses Universitaires de
Paris 10, Paris, 2006.
Manlio GRAZIANO, Identité catholique et Identité italienne, l'Italie laboratoire de l'Église,
éditions L'Harmattan, Paris, 2007.
José GUIDI, Marie-Françoise PIEJUS, Adelin-Charles FIORATO, Images de la Femme
dans la Littérature italienne de la Renaissance, Préjugés misogynes et Aspirations
nouvelles, éditions Universités de la Sorbonne Nouvelle, Paris, 1980.
Guy LOCHARD, L'Information télévisée, éditions Vuibert, Paris, 2005.
Guy LOCHARD et Jean-Claude SOULAGES, La Communication télévisuelle, éditions
Armand Colin, Paris, 1998.
Vincenzo SUSCA, A l'ombre de Berlusconi. Les médias, l'imaginaire et les catastrophes
de la modernité, L'Harmattan, Paris, 2006.
80
Bibliographie
Sites internet
http://giuliainnocenzi.blogspot.com/search/label/Apprescindere
http://comunicazionedigenere.wordpress.com
http://www.altalex.com
http://www.censis.it/
http://donnaproletaria.blog.tiscali.it/2003/12/12/
http://dweb.repubblica.it
http://senonoraquando13febbraio2011.wordpress.com/
http://www.corriere.it
http://www.governo.it/
http://www.ilcorpodelledonne.net
http://www.independent.co.uk
/
http://www.lastampa.it
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http://www.noidonne.org
http://www.rai.it/
http://www.slate.fr/
http://www.storiaproibita.it/blog/
http://www.striscialanotizia.mediaset.it/
http://www.telegraph.co.uk/
http://www.tf1.fr
http://www.vatican.va/
http://www.who.int/fr/
http://www.whomakesthenews.org
http://www.youtube.com/
81
La représentation des femmes à la télévision italienne
Annexes
Première annexe
Traduction de l'article tiré de La Stampa sur le RU 486
http://www.lastampa.it/redazione/cmsSezioni/
cronache/200907articoli/45987girata.asp
La voie est libre pour le RU 486, ce que n'avait pas prévu le Vatican :
« Excommunication pour qui l'utilisera »
Séance fleuve de l'agence italienne du médicament pour examiner le dossier.
ROME La pilule abortive RU 486 est un « poison mortel, pas un médicament »: elle
est la même chose que l'avortement chirurgical, donc « un péché, un délit » qui induit
l'excommunication de la part de l'Église pour quiconque l'utilisera, la prescrira, ou participera
sous n'importe quel prétexte à « la procédure ». Le Vatican lance son offensive le jour du
rendu de la décision tant attendue de l'Agence italienne du Médicament (AIFA) sur le RU
486. Le CA de l'AIFA doit décider de l'autorisation ainsi que de la commercialisation en
Italie de cette pilule. Une décision tout autre que celle attendue, et dans la soirée, après
une séance fleuve prolongée durant des heures, les membres du CA étaient encore réunis
pour examiner le dossier relatif au médicament.
Une décision qui, la vielle, paraissait
donnée pour évidente – à la lumière de l'avis déjà exprimé comme positif de la part du
Comité technico-scientifique de la même AIFA ces dernières semaines – mais pas pour
la Sous-Secrétaire d'État à la Santé Eugenia Roccella, qui avait averti que la décision ne
serait pas une quelconque « pratique bureaucratique ». Car – même si la pilule RU 486
est déjà commercialisée dans de nombreux pays européens et aux États-Unis, et même si
l'OMS l'a incluse en 2005 sur sa liste des médicaments – sur ce médicament, l'a rabâché
Roccella, pèsent « des zones d'ombre, comme le démontrent les 29 morts recensées dans
différents pays ». LA CONDANNATION DU VATICAN, C'EST UN DELIT QUI PORTE
A
L'EXCOMMUNICATION Selon monseigneur Elio Sgreccia, président émérite de
l'Académie pour la Vie, le Vatican souhaite « une intervention de la part du gouvernement
et des ministres compétents ». Car – explique-t-il – ce n'est « pas un médicament, c'est
un poison mortel » qui mine aussi la vie des mères, comme le démontrent les 29 cas de
décès. Le RU 486 – affirme monseigneur Sgreccia – est la même chose, comme le répète
l'Église depuis longtemps, que l'avortement chirurgical : un « délit et un péché au sens moral
et juridique » et induit donc l'excommunication latae sententiae, traduire automatique.
ROCCELLA, RISQUE D'AVORTEMENTS DANS LA « CLANDESTINITE LEGALE »
Le danger qui épouvante la Sous-Secrétaire d'État à la Santé Eugenia Roccella
est que la pilule abortive RU 486 puisse arriver à une « clandestinité légalisée » des
avortements. La méthode de l'avortement médicamenteux du RU 486, a-t-elle affirmé,
« porte intrinsèquement la femme à avorter à domicile, car le moment de l'expulsion est
imprévisible », dans une sorte de « clandestinité légale ». En effet, a-t-elle ajouté, « on
82
Annexes
devrait mettre en place une politique d'hospitalisation, qui serait très coûteuse car on ne
peut pas savoir jusqu'à quand doit durer l'hospitalisation-même ». « Clairement – a soutenu
Roccella – une telle utilisation est promue par une organisation sanitaire pour qui les
avortements dans les structures publiques est un poids, et qui tend à chercher à s'en
libérer ». CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE, HOPITAL JUSQU'A LA FIN EFFECTIVE
DE L'AVORTEMENT
Avec l'utilisation de l'avortement médicamenteux à travers la pilule abortive RU 486,
la femme « doit être maintenue » à l'hôpital ou dans une autre structure prévue « jusqu'à
la fin effective de l'avortement ». C'est ce qu'a affirmé le Conseil Supérieur de Santé
(CSS) dans deux avis en 2004 et 2005. Les avis du CSS, en effet, ne prévoyaient pas le
recours à l'hôpital de jour en cas d'avortement médicamenteux avec la pilule RU 486, à
l'inverse de ce qui a été effectué de 2005 à aujourd'hui dans les quelques instituts sur la
base des protocoles régionaux. Selon l'avis de 2004, en effet, « les risques connectés à
l'interruption médicamenteuse de grossesse peuvent être considérés comme équivalents à
ceux de l'interruption chirurgicale seulement si l'interruption de grossesse se fait dans un
lieu hospitalier ». Parmi les motivations adoptées, il y a la « non prévisibilité du moment
durant lequel arrive l'avortement » et le « respect de la législation en vigueur qui prévoit
que l'avortement doit se faire dans un lieu hospitalier ». Selon l'avis suivant de 2005,
« l'association de mifépristone et de misoprostol doit être administrée dans un hôpital public
ou une autre structure prévue par la loi et la femme doit y être maintenue jusqu'à la fin de
l'avortement ».
Seconde annexe
Traduction de l'article de la Repubblica Web sur l'ambition des jeunes
filles à devenir veline
http://dweb.repubblica.it/dettaglio/Sexyspot-generation/54786?page=1
Sexyspot generation
« Ce sont les femmes qui achètent les patates ! ». Le marketing télévisé les considère
148
comme une marchandise purement féminine. C'est peut-être l'ambigu jeu de mot qui
encourage les publicitaires à pointer la spécialisation de genre, pour pousser à l'acquisition
des tubercules. De fait, dans ce spot à succès, le filet de pommes de terre vole finalement
sur un type étourdi, bouche ouverte : il semble ne pas avoir compris pourquoi lui ne peut
pas les choisir. Les spots sont peuplés de belles ménagères souriantes entre des étendues
de draps blancs : un lieu commun imprimé depuis des années dans l'imaginaire collectif.
Comme l'homme toujours impeccable qui conduit, satisfait, des voitures puissantes. Selon
le Parlement européen, pourtant, cette méthode de communication va être abolie. Ainsi,
en septembre, il a approuvé à une large majorité une résolution pour l'élimination des
stéréotypes de genre dans la publicité. Parce qu'ils influencent la société, les rapports entre
les personnes, pas seulement la consommation. « La publicité et le marketing créent de la
148
Note : en italien, le mot « patate » désigne vulgairement le sexe féminin.
83
La représentation des femmes à la télévision italienne
culture, ils n'en sont pas seulement le reflet », lit-on dans la résolution proposée par l'eurodéputée suédoise Eva-Britt Svensson . Et ils contribuent au maintien des inégalités de
genre : salaires, professions, rôles de dirigeant, division des travaux domestiques. Et si le
marketing a sa responsabilité, chez nous, la télévision y est aussi pour quelque chose, sur
la question des rôles.
Patrie des veline et des vallette touchées elles aussi par des scandales,
l'Italie réussit à conquérir la dernière place en Europe sur la question de la parité,
selon la classification de 2007 Gender Gap du World Economic Forum. Derniers en
Europe, et encore plus derrière, donc peut-être pire, si on considère la graduation à l'échelle
mondiale : sur 128 nations, nous sommes 84ème. Cette distance entre les hommes et les
femmes se répercute aussi sur le choix des matières étudiées. Selon une étude américaine
de la Northwestern University, dans les sociétés où les rôles de genre sont plus rigides,
les femmes sont plus portées sur les matières humanistes, et les hommes, sur celles
scientifiques. Et les « tests Pisa » élaborés par l'OCDEpour évaluer le rendement scolaire
ne montrent qu'une légère ou inexistante différence dans les pays scandinaves, alors qu'elle
est majeure en Turquie, par exemple. « Un stéréotype est comme une lentille à travers
laquelle nous regardons la réalité », observe Bruno Mazzara, docteur en psychologie de
la consommation et de la publicité à Rome, « il nous fait voir quelques aspects et en
occulte d'autres. Quand il prend racine dans une culture, il devient normal d'interpréter la
réalité à travers cette distorsion ». On s'y habitue, aux lieux communs. On les absorbe et
on se comporte en conséquences. Tout aussi fréquents que les spots à base de rôles de
genre, il y a ceux sexy, qui mettent l'accent sur l'anatomie, principalement féminine, utilisée
pour promouvoir tout et n'importe quoi. « Une abondance martelante qui rend normale
et quotidienne la réduction du corps à un objet », soutient Catiuscia Marini, députée au
Parlement de Strasbourg dans le parti des socialistes européens.
« Les spots ont un très grand pouvoir persuasif, en particulier sur les enfants et les
adolescents, car ils y trouvent des modèles à imiter », observe Francesca Romana Puggelli,
qui enseigne la psychologie sociale à Milan et Pavie, auteure du livre Spot Generation
(Franco Angeli). « Dans le contexte odieux de la crise des figures traditionnelles, il ne reste
que la télévision pour les jeunes, et ils y absorbent tout, indistinctement. Les éventuels
stéréotypes qu'ils contiennent, également : et il y en a beaucoup », souligne-t-elle. « Pas
seulement dans les publicités à destination des adultes, mais aussi, par exemple, dans
celles des jouets, où les petits garçons sont toujours représentés en mouvement, en
extérieur et vêtus de manière plus différenciée par rapport aux petites filles, souvent
blondes, aux cheveux longs, vêtues de vêtements colorés. Elles se trouvent pratiquement
tout le temps dans des lieux clos et la musique qui accompagne les spots est plus douce par
rapport à celle choisie pour les garçonnets ». Des particularités qui finissent pas indiquer
qui sera où, « quelle est la place de l'homme et quelle est celle de la femme », observe
Puggelli. « Bien sûr, il y a aussi des cas beaucoup moins prévisibles, mais ils sont rares.
Habituellement, la publicité parle à de nombreuses personnes, pas à quelques unes. Elle
est faite pour rassembler un public le plus large possible, elle montre donc des aspects
connus, que nous pouvons tous comprendre sans aucun effort intellectuel. C'est pour cela
qu'est maintenu le statu quo : la publicité n'anticipe pas les temps, elle reste plutôt un pas en
arrière ». Et elle s'auto-alimente. Si en Europe on discute de sexisme dans les messages
publicitaires, que dire, chez nous, de la télévision en général ? Elle est remplie de veline,
letterine, de filles sexy avec des costumes très succincts et de ballets allusifs qui sont
désormais en expansion à la télévision généraliste, dans les programmes de divertissement,
à n'importe quelle heure. Cela plaît au public, il apprécie, dit-on. Sous entendu, le public
masculin. Pourtant, dans le rapport de 2008 de Censis-Ucsi sur la communication, il ressort
84
Annexes
au contraire que 73% des personnes interrogées cite la vulgarité comme défaut principal
de la télévision généraliste, celle pour tous. En 2006, la Société italienne de Pédiatrie a
publié une étude qui a été qualifiée de choquante, comme si personne ne s'était rendu
compte du tour qu'étaient en train de prendre les choses : parmi les filles de douze ans
interrogées, à la question « Que veux-tu faire quand tu seras grande ? », la velina était en
première position. En seconde position, « je ne sais pas ». L'année dernière au contraire, la
velina a été remplacée par un plus versatile « personnage célèbre », comme on le lit dans
le rapport. Alors que les garçons rêvent surtout de devenir footballeur. La même année,
le Censis a publié une étude approfondie et spécifique de l'image de la femme dans la
communication, intitulé Women and Media in Europe. « La femme qui prévaut à la télévision
est celle du spectacle, alors que les femmes ayant une belle carrière professionnelle ou
les intellectuelles ont un espace seulement dans les fictions », explique Elisa Manna,
responsable du secteur culture du Censis et parmi les membres ayant participé à l'écriture
du rapport.
« Il y a des femmes magnifiques, très jeunes, parfaites, toujours filmées avec une
tendance certaine au voyeurisme ». Il n'y a pas de femmes mûres, très peu d'âge
moyen, toutes toujours de hautes classes sociales, et jamais handicapées. « Des modèles
irréels, et pas seulement dans les programmes de divertissement. Également dans les
JT, la figure féminine s'alterne entre une présence accrue dans les faits divers et les
mannequins de défilés, souvent introduites à la fin des JT pour donner une touche plus
légère : un basculement absurde », observe Manna. En effet, chiffres à part, la solution est
véritablement à portée de télécommande. Ainsi, il y a un an, deux motions sur la question
de l'image des femmes à la télévision, bi-partisanes, avaient été présentées au Parlement.
On demandait, en substance, de ne faire passer pas seulement le corps, mais aussi le point
de vue féminin, faire également parler les femmes. Peut-être laisser de l'espace aux vraies
professionnelles de l'information, de manière à offrir des modèles culturels intéressants pour
les jeunes.
Motions restées lettre morte. « Bien sûr que votre pays est terrible », commente sans y
aller par quatre chemins Florence Montreynaud , activiste de “La meute” , groupe français
qui depuis 2000 s'occupe de sexisme dans la communication et le marketing. « Nous, au
contraire, nous protestons, nous distribuons des tracts devant les grands magasins, nous
demandons de ne pas acheter les jouets et les objets publicitaires incorrectes, nous écrivons
aux entreprises. Et habituellement, ils nous écoutent, les multinationales également, qui
ont peur de notre publicité négative », explique-t-elle. « Mais nous demandons également
l'intervention normative de la politique, car seule la loi peut protéger tout le monde, même
les plus faibles ». De plus, deux prix sont organisés : un du spot le pire, et un du meilleur.
C'est un peu ce que fait l’ Observatorio andaluz de la publicidad no sexista en Espagne
, qui recueille les signalements des citoyens sur les contenus offensifs des spots. Résultat :
la majeure partie des missives concerne les jouets et leur publicité. « Le problème avec
les stéréotypes est véritablement qu'ils commencent très tôt », affirme Puggelli. Le mois
dernier en Suède, le comité éthique a rappelé à l'ordre une célèbre marque de jouets à cause
du contenu stéréotypé des jeux et de la publicité. Sur internet, la nouvelle a reçu une certaine
attention, également en Italie, mais pratiquement toujours avec un ton ironique, moqueur.
L'initiative a été aussi qualifiée d'affaires féministes hyper-critiques. Mais Puggelli souligne
ne pas se définir féministe : « Cela ne concerne pas seulement les femmes, les hommes
aussi se créent des schémas rigides desquels ils ont du mal à sortir. La publicité est un
média très puissant, qui doit être utilisé avec préparation et sensibilité ». Quelques initiatives
dignes d'être notées semblent maintenant arriver aussi chez nous. L'année dernière, le
bureau de la parité de la Mairie de Turin a lancé une campagne contre les marques qui
85
La représentation des femmes à la télévision italienne
utilisent des images sexistes pour vendre leurs produits : sur les panneaux publicitaires et
en ville, il y avait l'image d'une jeune fille dans un emballage de cellophane, et un énorme
code barres au-dessus.
Cette année également a été lancée une campagne, « La parité multiplie les
opportunités. Pour tous », avec un spot transmis au niveau national. Dans l'attente de
l'Europe : « La résolution du Parlement européen », explique Marini, « est un document
politique où sont encouragés des institutions et les États membres à prendre des mesures
sérieuses pour le retrait des obstacles qui empêchent la réalisation de l'égalité des genres.
Il y est dit surtout de faire attention aux messages adressés aux plus petits, et également
à l'utilisation de mannequins trop maigres. On parle de plus des institutions d'organismes
nationaux spécifiques pour le monitoring des contenus discriminatoires des publicités. Tout
cela n'a pas qu'un aspect normatif, punitif : ainsi, il est question dans la résolution de prix
pour les publicités qui véhiculent des messages positifs ».
(Publié le 26 novembre 2008)
Troisième annexe
Traduction de l'article tiré de Corriere della Sera relatif aux propos de
Mara Carfagna sur les quotas féminins
http://www.corriere.it/Primo_Piano/Politica/2006/05_Maggio/31/carfagna.shtml
Débat à Forza Italia
149
sur la présence féminine dans le gouvernement.
Quotas féminins, querelle Carfagna-Prestigiacomo
« Je suis l'exemple que les quotas ne servent à rien ». L'ex-ministre de la Parité :
« Elle ne parle pas pour le parti »
« Qui a dit cela ? ». Mara Carfagna. « Qui ? ». L'honorable Mara Carfagna, la jeune députée
de Forza Italia qui travaillait pour la télévision avec Giancarlo Magalli... « Ah, oui... Bien
sûr. Et elle l'a vraiment dit de cette manière ? ». Vraiment : les quotas féminins ne sont
pas la solution pour les femmes. Même, si possible, il faut les maintenir à l'intérieur d'un
champ clôturé. « Eh bien, si elle pense et dit cela, il est clair que Mara Carfagna exprime
une opinion personnelle. Strictement personnelle, même ». Vraiment, Carfagna soutient
l'idée qu'à l'intérieur de Forza Italia... « J'exclue que Carfagna puisse parler pour le parti.
Nous n'en avons pas discuté, ce n'est pas une ligne officielle. Comment peut-elle utiliser ce
ton ? ». Stefania Prestigiacomo est glaciale. Un filet de voix, pour elle, ex-responsable de
la Parité, qui s'impliqua sur les quotas féminins jusqu'aux larmes et aux sanglots, lors d'un
Conseil des Ministres dramatique il y a presque six mois. Parmi ceux qui n'avaient pas envie
de l'entendre, certains lui avaient ri au nez, d'autres avaient soupiré, et elle, rien, entêtée,
qui insistait. Jusqu'à ce que Berusconi lui dise clairement : « Allez, Stefania, ne fais pas
l'enfant ». Puis lui présente ses excuses, puis le dessin de la loi qui impose aux partis de
réserver 50% des bulletins de liste aux femmes entra avec force dans l'agenda politique
149
86
Parti politique de Silvio Berlusconi dissout dans le Popolo della Libertà en 2009.
Annexes
et ainsi, la solidarité, la complicité arrivèrent également pour Stefania Prestigiacomo, ainsi
que l'entente transversale avec les députées et les sénatrices du Parlement entier. « C'est
justement à cause de cela – ajoute l'ex-ministre de Forza Italia – que la semaine dernière,
j'ai représenté la proposition de loi. Non, je n'abandonne pas. Et même : j'annonce à partir
de maintenant que j'ai l'intention de collaborer avec la ministre Pollastrini, avec la socialiste
Pollastrini. Avec Barbara [Pollastrini], nous nous battrons dans chaque recoin du Parlement
sur ce thème si important pour nous toutes ». Et vous, honorable Carfagna ? « Moi,
naturellement, avec une infinie modestie, je reste fidèle à mes idées, qui sont par ailleurs
aussi partagées à l'intérieur du parti. Nous avons le sentiment que les quotas féminins ne
sont pas une solution aux racines du problème, et qu'ils finissent même par enfermer les
femmes dans une sorte de salon politique de quelques privilégiées qui se rencontrent et
parlent entre elles sans réussir à influer réellement sur la vie des partis et du Parlement ».
Quelle solution alternative suggérez-vous ? « Il serait plus utile, à mon... à notre avis, de
commencer à sélectionner par le bas, dans l'organisation de base du parti, les femmes les
meilleures et les plus compétentes... C'est seulement à cette condition que pourra naître
une classe dirigeante au féminin, enracinée sur le territoire et légitimée par un consensus
populaire. A ce propos, si je puis ajouter... » Si vous pouvez ? Vous devez... « Je suis un petit
mais significatif exemple vivant de mon raisonnement ». Pouvez-vous être plus précise ?
« Depuis deux ans, je suis la coordinatrice des femmes de Forza Italia en Campanie et,
si je puis dire, voilà, c'est une responsabilité qui ne m'a certainement pas été attribuée
par les quotas féminins... ». Stefania Prestigiacomo écoute et soupire. « Carfagna n'est
pas une femme naïve... Bien au contraire... Elle sait raisonner... ». Et ? « C'est pourquoi
j'imagine qu'elle se rend bien compte de ce qu'elle dit et du poids politique qu'elle assume ».
Honorable Prestigiacomo, ne seriez pas en train de vous énerver, par hasard ? « Moi ?
M'énerver ? Et pourquoi donc ? Pour ce que moi j'en sais, c'est quelque chose, comment
dire ? Sur l'argumentaire, je le sais, Silvio Berlusconi n'a pas changé d'opinion. Donc je
ne pense pas qu'il y ait quoique ce soit à ajouter. Sinon que j'aurais évidemment préféré
entendre un autre genre de raisonnement de la part de ma jeune collègue Mara Carfagna.
Je ne sais pas, un espoir qu'entre femmes... Et pourtant... ».
Fabrizio Roncone
31 mai 2006
Quatrième annexe
Discours de Flavia Vento lors de la fête de la Margherita (28/09/04)
Avant toute chose, je suis très contente d'être ici aujourd'hui, dans un lieu aussi beau que
les Pouilles : j'y vais toujours volontiers.
Euh... Dernièrement, mon rapport avec la politique s'est énormément développé,
surtout après le 11 septembre, je regarde vraiment les journaux télévisés : tous les jours, je
regarde le TG1, le TG2, le TG4 et le TG5, donc... Vraiment... [rit, ovation du public] donc,
je dois dire que... Voilà... La politique me plaît vraiment beaucoup... [bruits dans le public],
excusez-moi, pouvez-vous faire silence, s'il-vous-plaît, parce que ce n'est pas très gentil de
rire comme ça ! Merci, hein !
Euh... Donc je suis très contente.
87
La représentation des femmes à la télévision italienne
Alors, avant tout le rapport des jeunes avec la politique, je crois qu'il y a beaucoup de
difficultés. Cela parce que, clairement, en lisant le journal, beaucoup de titres sont faits de
manière illisible pour un adolescent de 14 ans, qui passe sûrement à la page sportive, plutôt
que lire... Voilà, j'ai pris avec moi quelques coupures... Voilà, par exemple, ce titre : « Les
150
primaires : l'alarme... l'alarme de la Quercia . Fassino et Veltroni : Prodi leader, mais pas
de petits jeux, un sommet servirait ». Alors, un garçon de quatorze ans, clairement, il ne
sait pas... il ne sait pas ce que veut dire [rires dans la salle] « primaires », « l'alarme de la
Quercia » non plus, donc il va sûrement lire la page sportive. Donc je crois qu'il faudrait...
Justement, comme le disait... [montre la personne à côté d'elle, mais ne se rappelle pas de
son nom]... Oui, Bruna [elle rit]... Je crois qu'il faudrait vraiment faire une heure de politique à
l'école : enseigner aux jeunes la politique à l'école. Même une heure : pour savoir comment
est née la politique, comment est l'histoire de la politique... Et donc, je crois que c'est une
chose... Enfin bref, qui servirait sûrement aux jeunes. Et puis, hum... Voilà, je suis prête
à m'impliquer tout entière pour... Pour des idéaux... Qui sont, justement, la guerre. Je suis
vraiment contre la guerre. Je crois que ce qui se passe en Irak est une chose vraiment...
Triste. Et je crois que l'Italie est un peuple catholique, un peuple qui croit en l'Église, et
alors si on croit en l'Église, la Bible dit que... Hum... Pratiquement... [elle ne se rappelle pas
de la citation] « tend l'autre joue » : donc, vraiment, je ne crois pas en la vengeance et la
haine. Donc, la première chose qu'il faudrait faire en Italie est... Retirer immédiatement les
troupes d'Irak. Et une autre... [applaudissements] Merci ! Espérons que pour les prochaines
élections, Bush ne gagnera pas, parce que sinon nous resterons encore quatre ans dans la
terreur [elle rit, applaudissements]. Et puis, une autre information que je voulais donner, vu
qu'ici il y a sûrement des jeunes de mon âge... Euh... Contre la drogue. Je crois vraiment
que la drogue est une chose vraiment... Stupide... Je sais que beaucoup de jeunes sont
influencés par des personnes plus âgées, qui sûrement le samedi soir en discothèque
prennent de l'ecstasy ou se droguent. Je crois que c'est vraiment une erreur, parce que...
On a qu'une vie et il faut la réussir du mieux qu'on peut. Et donc, vraiment, un « non » à
la drogue [applaudissements].
Et puis... Je suis... J'aime beaucoup les animaux [bruits, elle s'interrompt]... Excusezmoi : c'est vraiment de mauvais goût, ce bruit... Hum... Je sais qu'en Italie il y a beaucoup
de combats d'animaux... De chiens... Et c'est une chose qui ne devrait vraiment plus
exister. Donc : une loi plus sévère pour les animaux... Parce que vraiment les animaux sont
les meilleurs amis de l'Homme... Moi... Je tiens beaucoup aux chiens, surtout, je fais du
volontariat dans les chenils... Et je crois que c'est très important de sauvegarder, justement,
les animaux. C'est tout ce que je voulais vous dire, merci ! [applaudissements]
Cinquième annexe
Traduction de l'article tiré de Corriere della Sera sur les veline en
politique et leurs relations avec le Président du Conseil
150
88
Le chêne, symbole du Partito Democratico della Sinistra (un parti de gauche italien)
Annexes
http://www.corriere.it/politica/09_maggio_04/
berlusconi_veronica_scuse_divorzio_veline_noemi_6ccc9956-3869-11dea257-00144f02aabc.shtml
La colère du Cavaliere : « C'est la troisième fois qu'elle [sa femme, Veronica Lario] me
fait des blagues de ce genre pendant une campagne »
« Des veline sur les listes ? Non, elles sont diplômées. Voici la vérité sur la
fête de Noemi »
Berlusconi: « Veronica est tombée dans un piège, elle devra me présenter publiquement
ses excuses »
Arcore, dimanche soir. Un dimanche très différent de tous les autres. Silvio Berlusconi
est amer. « Je suis indigné ». Il a lu, surpris, la décision de demander le divorce de sa
femme. Il n'en savait rien avant, affirme-t-il. « Veronica est tombée dans un piège. Et moi,
je sais par qui elle a été conseillée. Mieux, incitée. La vérité éclatera, soyez tranquilles ».
Président, vous pensez qu'on peut, comme pour d'autres choses, réparer des rapports qui
durent depuis presque trente ans, dont dix-neuf de mariage ? « Je ne crois pas, je ne sais
pas si je le veux, cette fois. Veronica devra me présenter des excuses publique. Et je ne sais
pas si cela suffira. C'est la troisième fois qu'elle me fait ce genre de blagues en campagne
électorale. Trop c'est trop ».
Et les enfants ? Ne devez-vous pas penser aux trois enfants, et ce petit fils qui va
bientôt arriver ? « Mes enfants me soutiennent ». « Vous savez comme j'appelle tout ce qui
est arrivé ces derniers jours ? Criminalité médiatique ». N'exagérez-vous pas, Président,
La Repubblica et La Stampa ont simplement fait leur travail. Et je ne vous dis pas ma
souffrance. Non, soutient le Cavaliere, il y a un dessein. Une manœuvre pour le mettre en
difficulté et l'exposer et même, le tourner en ridicule, particulièrement au moment où sa
côte de popularité est au maximum. Et sa femme en serait devenue une complice sans
le savoir. « Veronica est simplement tombée dans un piège médiatique ». Oui, mais les
veline, vous les avez mises sur les listes puis, après une lettre de votre femme à l'ANSA [la
principale agence de presse italienne] (« Détritus sans pudeur, mes enfants et moi sommes
des victimes... ») ne les avez-vous pas retirées ? « Écoutez, directeur, je vais vous le dire
une bonne fois pour toutes et clairement, nous n'avions mis aucune velina sur les listes, et
ces trois qui ont été exclues au dernier moment étaient des filles très bien, qui avaient fait
de bonnes études. Pas des veline . Veronica a cru à toutes les choses inexactes écrites
dans la presse, malheureusement ». Et les trois jeunes femmes effectivement entrées
sur les listes pour les candidatures aux européennes ? « Lara Comi a deux diplômes, elle a
coordonné les jeunes du Popolo della Libertà en Lombardie, elle dirige Giochi Preziosi. Elle
n'a jamais travaillé à la télévision. Licia Ronzulli est une manager de la santé de très haut
niveau, elle est responsable des professions de la santé et des salles d'opération de l'Institut
Galeazzi ; l'entrepreneur de la santé Giuseppe Rotelli a beaucoup d'estime pour elle, elle
va deux fois par an au Bangladesh. Barbara Matera est diplômée de sciences politiques,
Gianni Letta me l'a conseillée, c'est la petite amie du fils de l'un de ses meilleurs amis. Elle a
tourné dans Carabinieri 7 sur Canale 5, mais elle n'a jamais été velina. En somme, croyezmoi, c'est un coup monté. Nous parlons de trois jeunes femmes présentes sur soixantedouze candidats. Quel mal y a-t-il à ce qu'elles soient jolies ? On ne peut pas présenter
toutes les Rosy Bindi... ».
Président, il y a aussi la fête napolitaine de la très jeune Noemi Letizia, à laquelle vous
avez participé, en faisant une surprise. « Là aussi des choses inexactes ont été écrites. Je
89
La représentation des femmes à la télévision italienne
vais vous raconter comment cela s'est réellement passé. Ce jour-là, son père m'a téléphoné,
un ami de longue date. Et quand il a su que je serais sur Naples le soir, pour contrôler
l'état d'avancement du projet pour l'incinérateur, il a insisté pour que je passe au moins un
moment à l'anniversaire de sa fille. Seulement deux minutes, m'a-t-il assuré. La maison
est à côté de l'aéroport. Tu me ferais un beau cadeau. Il insiste. Je ne sais pas dire non.
Nous étions en avance d'une heure et nous y sommes allés. Il n'y avait rien d'étrange,
cela est arrivé d'autres fois pour des anniversaires ou des mariages. Vous pensez bien
que j'ai fait des photographies avec tous les participants, les serveurs et les cuisiniers. Chi
les publiera dans son prochain numéro car ces messieurs me l'ont demandé ». D'accord,
Président, mais pourquoi cette jeune fille, Noemi, vous appelle Papounet ? « Mais c'est une
blague, elle voulait m'appeler grand-père, Papounet, c'est mieux, vous ne croyez pas ? ».
Cet épisode, dit Berusconi, a été monté de toute pièce. Et Veronica aurait cru a bien des
versions, fausses, sur cette soirée napolitaine, dimanche 26 avril, conclue par une rencontre
avec Aurelio De Laurentiis. Ce soir-là Naples avait battu l'Inter de Milan, faisant une faveur à
Milan dans sa poursuite possible à la tête du championnat. « J'ai remercié De Laurentiis qui
s'est fait à moitié pardonner l'élimination de la Champions League qu'il nous avait infligé, en
nous battant lors du précédant championnat ». Amer et déçu, Silvio Berlusconi ne pense
pas cette fois qu'il soit possible de se réconcilier avec sa femme. Arcore et Macherio, où
réside sa femme, sont voisines. Les amis communs souhaitent une réconciliation. Il suffirait
de peu. Une explication franche, comme il en arrive dans un couple. Mais en ce dimanche
quasi estival d'Arcore, l'air est très différent des autres jours. Et le Cavaliere est offensé.
Ceux qui le connaissent bien disent cette fois que pour reconquérir Veronica, il n'ira pas
lui faire une surprise pour son anniversaire à Marrakesh, l'approchant vêtu tel un Berbère
pour ensuite se dévoiler d'un coup avec pour cadeau un bijou. Mais on ne sait jamais. Notre
modeste augure est que cela arrivera. Peut-être dans le privé.
(f.de b.)
04 mai 2009
Sixième annexe
Traduction de l'article tiré de La Repubblica sur des violences faites
aux femmes qualifiées de « crimes passionnels »
http://www.repubblica.it/cronaca/2010/07/11/news/
un_mese_di_stalking_e_sangue_quando_il_delitto_passionale-5515706/
Un mois de harcèlement et de sang. La folie du crime passionnel
Dix cas en moins d'un mois, quelques uns conclus avec le suicide de l'agresseur. Tous les
homicides ont pour motif la rage d'une séparation non acceptée
ROME
–
Le 17 juin à Cerignola, province de Foggia, Vito Calefato, un homme
de 33 ans, a appris par sa petite amie polonaise de 17 ans Michelina Ewa Wojcicka que la
jeune fille avait trouvé un travail dans une entreprise de fruits et légumes de San Ferdinando
dans les Pouilles. Une bonne nouvelle, mais qui signifiait également, pour elle, la possibilité
de sortir seule, de rencontrer des gens, de se faire de nouveaux amis. Une telle chose
90
Annexes
est apparue intolérable pour Vito (qui avait par ailleurs été arrêté plusieurs fois pour trafic).
Et ainsi, il l'a tuée dans le garage de la maison, avec une balle de 7,65, pour ensuite se
tirer une autre balle dans la tête. Vito et Michelina avaient depuis environ cinq mois une
relation à laquelle la jeune fille voulait mettre fin. Leur histoire est seulement l'une des huit
qui ont entaché de sang la chronique italienne depuis un mois, crimes passionnels nés de
situations de harcèlement non dénoncé ou sous-évalué, qui ont dégénéré en homicide et
parfois, comme dans ce cas, en suicide de l'agresseur. Le harcèlement ne doit pas toujours
faire penser à une victime de sexe féminin : deux jours plus tard, à Palerme, les gendarmes
ont par exemple arrêté un homme de 42 ans, accusé de l'homicide de son ex compagnon,
un acteur de films pornographiques gay, Jaime Salvador Tagliavia. L'homme ne se serait
pas résigné à la fin de leur relation et aurait cherché à étrangler son ex, jusqu'à lui asséner
des coups de couteau mortels.
Dans la majeure partie des cas, toutefois, se sont les ex petites amies qui sont prises
pour cible, victimes d'hommes qui vivent la séparation comme une blessure brûlante de
portée leur orgueil. Fin juin, par exemple, l'histoire de Gaetano DeCarlo, 55 ans, des Pouilles
et résidant à Bergamo. Il avait déjà été à l'origine de sept plaintes pour harcèlement, mais
il a continué jusqu'à la fin à importuner ses ex amantes. Sonia Balconi, 42 ans, et Maria
Montanaro, 36 ans, ont toutes les deux été tuées à Riva di Chieri, vers Turin, à 11 heures
d'écart. Après les avoir tuées, DeCarlo s'est suicidé, laissant une note sur la table de
l'appartement, dans laquelle il demandait pardon. Et le 2 juillet, une zone de campagne
tranquille entre Crema et Treviglio a encore été le témoin d'une tragédie : un routier de 28
ans, Riccardo Regazzetti, s'est tiré dans la tempe après avoir tué de trois coups de feu son
ex, Debora Palazzo, 19 ans, étudiante qui travaillait dans l'entreprise de son père. Depuis
quelques temps, elle avait confié à sa mère et à sa sœur son intention de rompre avec
l'homme, mais la décision n'a naturellement pas été acceptée.
Le 3 juillet, un autre homicide à Novara : la victime de 25 ans, Simona Melchionda,
disparue un mois auparavant de sa maison de Oleggio, est retrouvée morte à San Giorgio
Pombia, enchevêtrée dans les ronces, sur l'une des berges du Ticino. Un gendarme de
28 ans a confessé l'assassinat, racontant ainsi qu'il lui avait tirée dessus avant de jeter le
corps dans le fleuve. Les deux personnes, qui par le passé avaient eu une relation, s'étaient
rencontrées ce soir-là, malgré les réticences de la jeune fille.
Et à Spinea, dans la province de Venise, un magasin d'aliments « bio » s'est transformé
en théâtre d'une histoire d'amour à la fin ensanglantée. La propriétaire, Roberta Vanin, 43
ans, est morte après avoir reçu plusieurs coups de couteau de son ex compagnon, Andrea
Donaglio, 47 ans, qui après son délit a tenté de se suicider.
Chiara Brandonisio, 34 ans, ne connaissait en revanche quasiment pas son assassin :
la jeune femme, qui jeudi dernier à six heures a été massacrée dans la région de Bari à
coups de barre de fer, était séparée depuis 2004 et vivait avec sa grand-mère. Selon les
enquêteurs, l'assassin pourrait être un « ami » connu sur un tchat. L'identité de l'assassin
aurait déjà était relevée par les forces de l'ordre, il s'agirait d'un homme de 60 ans d'origine
calabraise, résident dans le Piacentino.
Même atmosphère de frisson également pour
un autre homicide à Ostie, contre Anna Maria Tarantino, qui avant d'être tuée à coups de
poing dans la figure, allait faire ses courses chez Ikea, à Rome. La femme avait demandé
à Leopoldo Ferrucci, rencontré peu de temps auparavant de l'y conduire. L'homme s'était
pourtant montré gentil et disponible et ce jour-là, l'avait même aidée à transporter des
meubles. Mais au cours du trajet, il lui a fait des avances qu'elle a refusées, puis il a
commencé à la frapper jusqu'à la tuer.
91
La représentation des femmes à la télévision italienne
Cette traînée de sang s'est prolongée jusqu'à aujourd'hui, avec l'homicide-suicide de
Mestre, rue Alfani. Un jeune homme a tiré trois coups de pistolet sur sa petite amie de 16
ans, puis a retourné l'arme sur sa poitrine. Les deux jeunes gens s'étaient quittés le samedi
soir après s'être disputés. Ce matin, à bord de sa moto, il s'est approché de la jeune fille,
Eleonora Noventa, qui était à vélo, a sorti son pistolet et lui asséné trois coups.
11 juillet 2010
Septième annexe
Les blagues de Silvio Berlusconi classées selon leur thème
Le sexisme est en première position avec 22,8% :
Lieux où sont proclamées les blagues :
92
Annexes
Sources : http://www.slate.fr/story/36879/infographie-conneries-de-berlusconi
Huitième annexe
Traduction de l'article tiré de Corriere della Sera, relatif à
l'infantilisation des ministres de sexe féminin de la part de Silvio
Berlusconi
http://archiviostorico.corriere.it/2008/maggio/08/
posti_decisi_tutti_ora_svezzero_co_9_080508068.shtml
Dans les coulisses, la stratégie de Silvio et de ses alliés
« J'ai moi-même choisi les postes et maintenant, je sèvre les petites filles »
Rome – Il a fait un petit discours à Umberto Bossi et Gianfranco Fini qui a raisonné
comme cela, et qui n'admettait aucune réplique : « Je n'ai aucune envie de négocier ou
de faire des tractations avec vous. Donnez-moi des noms, je vous contenterai, mais je
décide moi-même à quel poste je place ces personnes. Vous pouvez aussi donner Tizio
et Caio. Les destinations, les portefeuilles des ministres, je décide ce qu'ils feront ». Silvio
Berlusconi a à cœur de décider et de gouverner. La volonté qui découle de la force de la
majorité, des expériences du passé (qui l'ont souvent contraint à renoncer, ou à ne rien
décider, ou seulement après une infinité exténuante de négociations), peut-être aussi de
l'âge. La volonté également de le faire seul, au prix d'écarter tout le monde, y compris
ses collaborateurs les plus proches. Les trois dernières semaines de tractations sur le
gouvernement démontrent ceci : le Cavaliere écoute toujours les conseils, mais il a pris goût
93
La représentation des femmes à la télévision italienne
de décider seul. Il est conscient de sa force. Si un temps il lui venait de l'urticaire à propos
de détails de la « politique politicienne », comme il l'appelle, aujourd'hui, apparemment, il va
très bien : il a renoncé à ces détails. L'accélération sur la formation du gouvernement, hier
soir, en est un signe. Le mot « décisionnisme » est le mot d'ordre au Palais Grazioli, chez
le staff du Président, quelques heures avant la montée au Quirinal. « Ce sera l'un des traits
distinctifs du nouvel exécutif », annonce le Président du Sénat, Renato Schifani, qui ces
derniers jours n'a cessé d'entrer et de sortir du Palais Grazioli. Les journaux ont raconté,
151
exagérant les détails, des présupposées rencontres entre Berlusconi et AN , ou encore
avec la Ligue ; d'infinies résistances de ses alliés ou affiliés. Dommage que Berlusconi,
pendant le weekend, se soit dédié à ses affaires personnelles, et décidé que le Welfare
ne serait pas donné à AN une minute après la victoire d'Alemanno à Rome. « Maintenant,
j'ai 100 jours pour ne pas décevoir les attentes des Italiens et cinq ans pour changer le
pays », ceci est l'état d'esprit dans lequel il se prépare à franchir le seuil du Palais Chigi
pour la quatrième fois, et il le fait en pensant à Thatcher ou Schröder, à ces femmes et
hommes d'État qui ont gouverné durant au moins deux législatures et qui seulement la
deuxième fois ont laissé leur siège, en ayant réalisé les réformes qu'ils avaient en tête. Et
quand on pense qu'en tant qu'homme ou femme d'État il est difficile de réitérer quelques
imprécisions, les indécisions des néophytes de la politique, et même les complexes que le
Cavaliere a porté avec lui, maintenant, à partir de son arrivée sur le champs de bataille. La
somme des métamorphoses de Berlusconi, qui plaît ou non, réelle ou apparence de ces
premières semaines, se voit même dans les détails : Gianni Letta reste irremplaçable, il
est son premier collaborateur, il sera le moteur du gouvernement ; et pourtant, Berlusconi
le suit sur le Quirinal, par deux fois en peu de temps, le contentant, avec la certitude que
les mots du Président de la République sont parfois aussi les pensées de Letta, et qu'il est
possible de continuer quelques heures à écouter toutes ses exigences, « et après, c'est moi
qui décide ». Il est arrivé avec Angelino Alfano, nouveau ministre de la Justice, un diplôme
de droit en poche, sans aucune expérience politique, fidèle au Cavaliere. Pour certains, le
Garde des Sceaux aurait dû être le beaucoup plus « institutionnel » Marcello Pera. Il s'est
retrouvé avec les deux « fillettes », comme affectueusement, presque comme un père, le
Cavaliere appelle parfois Mara Carfagna ou Stefania Prestigiacomo. Jeunes femmes, trop
pour certains, qu'il a fortement voulu à l'exécutif, mais également au Conseil des Ministres,
et même avec un portefeuille important comme celui de la blonde Sicilienne. « Des petites
filles à sevrer, protéger », comme il l'a recommandé à qui travaillera avec elles, démontrant
que le physique peut compter plus que les compétences (comprises celles des techniciens
« sacrifiés » au dernier moment), mais aussi que la tête de Berlusconi écoute tout le monde,
mais décide seule. Cela peut sembler évident, mais cela ne l'a pas été jusqu'à hier, cela ne l'a
pas été non plus au cours de la dernière législature. Et l'un des traits de ce « decisionnisme »
est faire grandir une nouvelle génération de politiciens, même contre toute logique politique
romaine, des triangulations des palais, des suggestions des conseillers les plus anciens.
« Il n'est jamais arrivé que le Président du Conseil reçoive son mandat avec la liste de ses
ministres en main », observe le staff du Cavaliere. La rapidité, remarqué également par le
chef de l'État, fait écho à la volonté de décider. Et de gouverner.
Galluzzo Marco
(8 mai 2008) - Corriere della Sera
Neuvième annexe
151
94
Alleanza Nazionale, Alliance Nationale, parti d'extrême droite
Annexes
Traduction de l'article de la Repubblica sur la défense de Silvio
Berlusconi durant le Rubygate
http://www.repubblica.it/politica/2011/03/16/news/
accuse_allucinanti_andr_in_tv_a_difendermi_i_bonifici_solo_aiuti-13663479/
« Accusations hallucinantes, j'irai me défendre à la télévision. Les virements pour
les filles ? C'était seulement une aide »
Berlusconi se défend : « Trente-trois femmes, c'est trop pour moi ».
Et attaque : « J'irai me défendre à la télévision, et je serai présent à
toutes les audiences ». L'explication : « Il y avait toujours ma petite
amie près de moi ».
Rome « Je sais que nous sommes différents. Des barrières nous séparent.
Mais je vous parle la main sur le cœur. Cette fois, je suis mon instinct et je veux
expliquer comment sont vraiment les choses ». Enfermé au Palais Grazioli, il lit les
nouvelles qui annoncent la l'ouverture des enquêtes sur le procès « Minetti-FedeMora ». Les flash des agences de presse s'abattent sur la table de Silvio Berlusconi.
Et offrent le résumé de ce qu'ont relevé les magistrats de Milan. L'agenda des soirées
du Président du Conseil semble complètement changer à partir de maintenant. Son
attention est focalisée sur l'enquête. Il décide de se confier, même avec ceux qui « se
trouvent sur l'autre bord ». Et il annonce : « J'irai me défendre à la télévision. J'irai
à toutes les audiences ».
Les représentants de « Forza Sud », le parti fondé par Gianfranco Micciché au sein du
PdL, viennent d'arriver rue du Plebiscito. Peu avant, Claudio Scajola et le « responsable »
Saverio Romano avaient franchi la rue du Plebiscito. L'objet du colloque : le remaniement
qui devrait aboutir au transfert de Galan à la Culture et à la nomination du même Romano
à l'Agriculture.
Mais pour le Cavaliere , maintenant, l'urgence est tout autre. Et il a
décidé d'offrir à La Repubblica son interprétation personnelle de ces nouvelles. Il met sur
la table sa stratégie de défense. Il est comme une rivière en crue. Et même lorsqu'il dépasse
la ligne, il reprend son discours. « Alors que je lisais les nouvelles – dit-il immédiatement
– je n'en croyais pas mes yeux. Je pensais que c'était une blague de Bonaiuti ».
Les
documents du Ministère Public, en réalité, ne sont pas une blague.
« Mais cela vous parait-il possible ? Est-il possible que ces choses soient vraies ? Ils ont
étalé en la place publique trente-trois jeunes femmes qui passeront le reste de leur vie avec
la marque de la prostituée. Alors qu'elles ne sont que des jeunes filles qui ont eu le seul tort
de participer à un dîner avec le Président du Conseil, chez qui il y avait trois musiciens et
six serveurs. De ces six serveurs, trois provenaient d'une agence et ne dépendaient donc
pas de moi. Des dîners sans arrière pensées, élégants. Les filles allaient danser quelques
instants en discothèque. Seules, car je n'ai jamais aimé danser. Rien de plus. Et maintenant,
je vois ces choses hallucinantes ».
Mais, Président, il émerge du procès verbal un
climat bien différent.
« Mais aucun témoin ne le confirme. Je ne peux pas croire à une utilisation de la justice
aussi barbare et aussi loin de la réalité. De plus, j'ai 75 ans et même si je suis un coquin...
95
La représentation des femmes à la télévision italienne
Trente-trois filles en deux mois, ça me semble trop, même pour un trentenaire. C'est trop
pour n'importe qui. Et puis, il y a un obstacle en plus ».
Lequel ?
« J'avais toujours ma petite fiancée à côté de moi, que par chance, j'ai réussi à tenir
loin de toute cette boue. Si j'avais fait tout ce qu'ils disent, elle m'aurait crevé les yeux. Et
il est certain qu'elle a les ongles longs. La vérité est que la justice de ces messieurs n'a
aucun sens ».
Et alors, à quoi servaient tous ces virements du comptable Spinelli ?
« Mais pour cette histoire aussi, j'ai vu des choses hallucinantes. Je n'ai jamais payé
une fille de toute ma vie. Et puis, est-il possible que quelqu'un paie des prestations sexuelles
par carte bancaire ? Mais où a-t-on vu ça ? Je suis comme la Charité quotidienne. Je paie
des interventions chirurgicales, le dentiste, les frais universitaires à tous ceux qui en ont
besoin. Je suis en mesure de le faire et je suis heureux de pouvoir le faire. Quelques-uns de
ces virements serviront à payer l'assurance des parents de l'une de ces filles. Des gens en
difficulté. Il est clair que ces personnes sont aussi attirées par le fait que je suis une personne
qui a des moyens. Mais j'ai toujours aidé et je l'ai fait également avec d'autres personnes ».
Mais il y aussi des écoutes téléphoniques qui ont confirmé les accusations du
Ministère Public.
« Mais aucune de ces filles ne dit avoir été payée. Parce que ça n'est jamais arrivé.
Et puis des versements bancaires... Mais comment ? Plus de 130 000 euros pour une
prestation sexuelle... Je suis indigné. Dans les autres pays, les écoutes téléphoniques
ne peuvent pas être publiées, seulement chez nous peut arriver une barbarie de ce
genre ».
Mais vous referiez cet appel téléphonique à la Préfecture de Milan ?
« Je peux jurer qu'une semaine auparavant, j'avais parlé avec Moubarak au moins
15 minutes de cette fille. J'ai tous les témoignages. Les interprètes et les invités
peuvent le confirmer. Ces jours-ci je m'occupais de la crise entre la Libye et la Suisse.
J'ai pensé : et si chez nous aussi une parente d'un homme d'État étranger, dans ce
cas, Moubarak, allait en prison ? Que se passerait-il ? Nous avons alors envoyé une
personne au casier judiciaire vierge pour régler le problème. Sans compter que le
Président du Conseil a le droit d'intervenir dans le domaine administratif. On m'a
expliqué que Craxi avait fait des choses similaires pour le cas Sigonella ».
Mais pour le Ministère Public, il s'agissait de plus qu'une intervention administrative.
« J'ai seulement demandé des informations, aucune pression. Les fonctionnaires de
police le disent également. Il n'y a pas eu de victime ni de traitement de faveur. C'est
seulement un coup monté, un scandale ».
Pourquoi serait-ce un coup monté ?
« Parce que les gens, vous savez, sont mauvais. Pensez que les parents de quelquesunes de ces filles ont été licenciés seulement parce qu'il y a cette enquête. Toutes ces filles
ne peuvent plus travailler, ne peuvent plus faire de défilés, personne ne leur offrent plus de
contrats. Je veux les défendre publiquement. »
Pourquoi en ressentez-vous le besoin ?
« Parce que pendant 14 mois, les téléphones ont été mis sur écoute. Mes avocats m'ont
imposé de ne plus répondre au téléphone. Et justement, quelques uns d'entre eux ont pensé
que je devais les décharger. Mais, je le répète, il n'y a aucun motif qui justifie un délit. Tout
est fait pour jeter de la boue sur l'image de ces filles. Qui risquent de passer le reste de leur
96
Annexes
vie avec une trace indélébile. C'est pour cela que j'irai à la télévision : pour expliquer tout
cela, pour me défendre et défendre ces filles. Et j'irai à toutes les audiences des procès.
Même si ce ne sera pas facile ».
Pourquoi ce ne sera pas facile ?
« Parce qu'il n'est en rien facile d'affronter quatre procès et d'être à la fois Président
du Conseil ».
16 mars 2011
Dixième annexe
Traduction de l'article extrait de Il Fatto Quotidiano sur le retour des
journaux télévisés à propos de la manifestation de femmes du 13
février 2011
http://www.ilfattoquotidiano.it/2011/02/14/tg1tg5-linformazione-a-scalette-unificate/91907/
TG1 e TG5 : l'information à la grille unifiée
A 20 heures chaque soir, plus de 11 millions d'Italiens s'informent chez Augusto Minzoli
et chez Clemente Mimum et, pour beaucoup d'entre eux, le TG1 et le TG5 représentent
l'unique source de l'information. Une légère majorité préfère encore le TG1, mais, comme
le démontre la grille de dimanche 13 février 2011, entre le TG1 et le TG5, sur les horaires
où prime le premier, il n'y a aucune différence.
Les titres d'ouvertures sont identiques, ainsi que leur emplacement, tellement que cela
fait naître le doute que les deux chaînes se mettent d'accord. Comment est-il possible que
les débarquements à Lampedusa, la situation en Égypte, les manifestations de femmes et
le congrès FLI se retrouvent dans la même séquence ?
Identique également le nombre des titres (huit) si on prend en considération
l'incorporation de la manifestation des femmes avec le congrès de Fini faite par le TG1,
identique la position de la nouvelle sur les petites jumelles disparues, identique aussi la
nouvelle de la Saint Valentin, tout comme l'immanquable intervention de Maurizio Gasparri.
La pleine liberté des deux rédactions semble être garantie seulement en matière
d'infotaintment, les journalistes du TG1 et du TG5 sont libres de raconter comme ils le
souhaitent la Saint Valentin avec tous les amoureux.
La rubrique « pop », celle que Augusto Minzolini nous offre et qu'il définit de « bonbon »,
est celle par laquelle le TG1 se démarque au niveau mondial et là aussi le TG5 de Clemente
Mimun ne suit pas.
En ce jour où les femmes ont protesté pour défendre leur dignité, le « bonbon »
si important pour être inséré entre les titres d'ouverture nous parle des interventions de
chirurgie esthétique « light », légers, un peu comme les cigarettes ou le Coca-Cola de
Carlo Rossella. « Quelques petites piqûres suffisent » (mais seulement sur les pommettes),
de petites interventions sont recommandées à la place des « liftings invasifs » et une
97
La représentation des femmes à la télévision italienne
« intervention rapide également pour les seins, avec de l'acide hyaluronique au lieu de vraies
prothèses ».
Après le visionnage des deux films, il en résulte la tentative évidente de cacher
l'information de la manifestation à laquelle ont participé une centaine de milliers de
personnes en Italie et à l'étranger. Le TG5 annonce même dans les titres importants : « Le
Popolo della Libertà : les femmes instrumentalisées, l'opposition les utilise comme boucliers
humains » et le reportage est transmis après au moins 16 minutes.
Le TG1 réussit à occulter la nouvelle pendant 12 minutes, le reportage dure moins
d'une minute et demi et verse sur la manifestation pratiquement une minute de déclarations
enflammées d'au moins cinq pasionarias du PdL : Bernini (la manifestation est « une bombe
à retardement »), Gelmini (radical-chic), Santanché (la place est instrumentalisée par la
gauche), Carfagna (une occasion de débattre gâchée car seulement anti-berlusconienne),
Prestigiacomo (une manifestation non pas pour la dignité, mais contre le gouvernement).
Sur la situation dramatique dans laquelle se trouve la liberté d'information en Italie, il y a
presque un an, Freedom House avait écrit dans rapport annuel : « Berlusconi, the first head
of Italian government to take legal action against Italian and European media, continued to
interfere in journalists’ efforts to cover conflicts between his private and political life. »
En 2010, Freedom House plaçait le sultanat du Bunga-Bunga au 72ème rang du
classement mondial (unique pays occidental « partly free ») après les Iles Tonga et au même
rang que le Bénin. Dans quelques semaines sortira le rapport 2011 sur la liberté de la presse
dans le monde : la Namibie, au 76ème rang en 2010, n'a jamais été aussi proche.
Italie,
dimanche 13 février 2011, 20 heures, les grilles unifiées des journaux télévisés les
plus regardés :
TG1 1. Urgence débarquements, Maroni : l'Europe doit intervenir. 2.
Égypte, l'armée dissout le Parlement. 3. Les femmes sur la place. La proposition de Fini.
4. L'appel de la mère des jumelles. 5. Plus en forme avec des interventions légères. 6.
Saint Valentin, le menu des amoureux. 7. Belen au TG1: j'en ai la chair de poule. TG5
1. L’ accusation de Maroni: l’Union Européenne nous laisse seuls. 2. L'Égypte sous la loi
martiale. 3. Fini : oui à des élections. Bocchino divise le FLI. 4. Plus pour les femmes ou
contre le gouvernement ? 5. « Je les ai vues vivantes en Corse ». 6. Le cours du cuivre. 7.
SMS pour la Saint Valentin ? Non merci. 8. Lazio et Udinese à la coupe des Champions.
Onzième annexe
Grille d'analyse des différentes émissions :
98
Annexes
Informations
majeures ou
nécessaires
données par
le personnage
masculin
Mutisme
ou futilité,
ou moindre
importance du
discours du
personnage
féminin
Oui
Mutisme
Plus ou moins Oui
Oui
La Ruota
Oui
della Fortuna
Non
Oui
Oui
Il Mercante in Oui
Fiera
Apprescindere Oui
Oui
Oui
Oui
Futilité des
propos et
allusions
sexuelles
répétitives
Futilité et
allusions
sexuelles
répétitives
Mutisme
Oui
Peu
Les
informations
les plus
« pointues »
sont toujours
prises en
charge par le
personnage
masculin
Striscia la
Notizia
Prendere o
Lasciare
Cadrages
répétitifs et
plans serrés
sur certaines
parties du
corps et/ou
le visage du
personnage
féminin
Confrontation
physique
entre les
personnages
féminins et
masculins en
fonction de
l'âge
Oui
Oui
Oui
Confrontation
physique
entre les
personnages
féminins et
masculins
en fonction
de l'allure
(vêtements,
nudité,
beauté)
Oui
Le
personnage
féminin
s'occupe
surtout de
témoignages
et
d'informations
futiles ; temps
de parole
moins élevé
et mise en
retrait par
rapport au
personnage
masculin
Douzième annexe
Traduction des extraits vidéo de Striscia la Notizia (Canale 5)
99
La représentation des femmes à la télévision italienne
Présentation et blagues
Première séquence :
Ezio Greggio : Qu'est-ce que je peux dire de Costy et de Fede ? (s'adresse à Iacchetti)
La Fede est notre préférée, hein ? Qu'elles sont belles, mais qu'elles sont aussi très
talentueuses ! (Applaudissements).
(A Iacchetti) : Il y a quelque chose que tu voulais dire ?
Deuxième séquence :
Ezio Greggio : Très bien, très bien... (s'adresse à Iacchetti) Tu as vu ? Costanza et
Federica, les veline (applaudissements) ! Qui ne s'arrêtent jamais...
Enzo Iacchetti : C'est surtout ce vent, qu'elles apportent avec elles...
Ezio Greggio : C'est vrai, c'est vrai, c'est vrai...
Enzo Iacchetti : Ça me rend tout ébouriffé ! (rires dans le public)
Ezio Greggio : Regarde, tu as vu, aujourd'hui, les veline portent des chaînes, on ne
sait jamais ! (rires et applaudissements dans le public) (s'adresse à Iacchetti) Qu'est-ce que
tu voudrais demander par une journée si froide ?
Enzo Iacchetti : Hoooo oui, j'ai quelque chose à demander ! Selon vous, les filles, à
la fin de la journée, mon employé, oui, disons, le mien (rires dans le public) s'en va avant
152
parce qu'il ne voit pas l'heure ? (applaudissements)
Ezio Greggio : Elles sont aussi un peu populistes, hein...
Enzo Iacchetti : Elles savent la réponse ?
Ezio Greggio : Oui, elles la savent, elles ont répondu de manière, euh...
Enzo Iacchetti : Je n'ai pas entendu.
Ezio Greggio : Tu devrais te faire soigner...
Enzo Iacchetti : Oui, je dois me faire soigner la trompe d'eustache. (se gratte l'oreille)
Ezio Greggio : Deux et deux à droite, trois et trois à gauche...
Troisième séquence :
Ezio Greggio : Ah, vous êtes belles les filles, pimpantes... Coco et Fede, les veline
! (applaudissements) (fait mine de se débarrasser de quelque chose) Il n'est pas là ! (en
parlant de son collègue)
(Cris dans le public, Iacchetti apparaît avec trois jeunes femmes)
Ezio Greggio : Je le savais, le voilà, mais que fait-il ? Comment fait-il ? Ce sont des
scènes qu'un homme ne devrait pas voir...
Enzo Iacchetti : Je sais... Mais je ne suis pas ici à embrasser des mannequins...
(embrasse les mannequins) (s'adresse aux trois jeunes filles) Attendez-moi dans ma loge...
Ezio Greggio : Bien, bien...
Enzo Iacchetti : Ce sont des mannequins...
152
avoir hâte.
100
« Non vedo l'ora » en italien se traduit littéralement en français par « je ne vois pas l'heure », ce qui signifie être impatient,
Annexes
Ezio Greggio : Oui je n'avais pas compris... Je pensais que c'étaient trois plombiers...
(applaudissements)
Enzo Iacchetti (s'adressant aux trois jeunes filles) : Vous pouvez y aller...
Ezio Greggio (à Iacchetti, le voyant chercher son micro) : Eh oui... Il a perdu...
Enzo Iacchetti (trouve le micro) : Ah, le voilà ! Je ne savais pas que je serais là à faire
danser des mannequins...
Ezio Greggio : Bien sûr, bien sûr... (applaudissements)
Enzo Iacchetti : J'ai une question ! Alors, ma question est la suivante : attendez que
je la retrouve (cris dans le public)
Ezio Greggio : Tu l'as ?
Enzo Iacchetti (s'adressant aux à Federica Nargi et Costanza Caracciolo) : blague
incompréhensible en français.
Quatrième séquence :
Enzo Iacchetti : (en parlant de Federica et Costanza) : On ne sait pas où elles
atterrissent !
Ezio Greggio : C'est fou, c'est fou...
Enzo Iacchetti : On ne sait pas où elles atterrissent, mais elles atterrissent.
Ezio Greggio : Mais vous êtes comme des pouliches ! Floup, flap, flip ! Je le dis, la
Fede, la Costy, nos one, two, three veline ! (applaudissements) (s'adresse à Iacchetti) Tu
voulais dire quelque chose aux filles...
Enzo Iacchetti : Une opinion...
Ezio Greggio : Oui...
Enzo Iacchetti : Voilà, en Italie, cette année par exemple, on a atteint le record de
consommation de stupéfiants, mais également celui de visions d'OVNI. Selon vous, les filles,
les deux informations sont-elles en corrélation ? (applaudissements) Elles ont répondu ?
Ezio Greggio : Oui, très bien... (à la caméra) Alors, mes amis, la crise est passée ou
non, dans le doute (…)
Cinquième séquence :
Ezio Greggio (en parlant de Federica et Costanza) : Qu'elles sont mignonnes ! Cet
enthousiasme, chaque soir, la Costy et la Fede, talentueuses, pimpantes, les veline !
Enzo Iacchetti : Bien, bien, bien !
Treizième annexe
Traduction des extraits vidéo de Prendere o Lasciare (Italia 1)
Discours
101
La représentation des femmes à la télévision italienne
Première séquence :
Enrico Papi : Raffaella !
Raffaella Fico : Enrico !
Enrico Papi : Eeeh euh... Je voulais dire... Qu'est-ce que tu es en train de faire ?
Raffaella Fico : Je faisais un peu de ménage car après l'émission, Maria vient chez
moi avec toute sa famille.
Enrico Papi : Ah oui...
Raffaella Fico : Eh bien sûr, nous allons danser le mambo...
Enrico Papi : Ah, j'ai compris... Tu vas faire la fête !
Raffaella Fico : Oui, toi aussi tu peux venir...
Enrico Papi : Non, je pense que je vais me défiler, sinon, c'est ma femme qui va me
faire ma fête, tu comprends... Mais écoute, je voulais te dire quelque chose... Mais toi, quand
tu fais le ménage, tu es toujours habillée comme ça ?
Raffaella Fico : Ben, quand je suis chez moi, je me mets à l'aise.
Enrico Papi : Tu sais, mais maison est très sale... Il y a beaucoup de ménage
à faire... Bon, tu peux faire quelque chose ? Donne-moi la prochaine proposition !
(applaudissements) Merci, hein !
Raffaella Fico : Je t'en prie !
Enrico Papi : C'est très gentil !
Deuxième séquence :
Raffaella Fico : Je suis allée à via del Corso, j'ai fait un peu de shopping, j'ai acheté
cet ensemble de lingerie...
Enrico Papi : Ah, c'est bien... J'aime bien !
Raffaella Fico : et toutes ces chaussures que tu vois...
Enrico Papi : Bien, bien !
Troisième séquence :
Enrico Papi : Eh Raffaella !
Raffaella Fico : Enrico !
Enrico Papi : Je voulais te demander quelque chose... Tu n'as jamais été à Zanzibar ?
Raffaella Fico : Non... Mais vu que la concurrente a jeté le prix à la poubelle, je (enlève
sa serviette) suis prête pour aller à Zanzibar.
Enrico Papi : Tu es prête pour aller à Zanzibar ?
Raffaella Fico : Mmmh mmh.
Enrico Papi : Et qui y va avec toi ?
Raffaella Fico : Tu m'accompagnes ?
Enrico Papi : Et, je ne savais pas, je ne peux pas, malheureusement, je ne peux pas.
Raffaella Fico : Allez ! On se roulera dans le sable !
Enrico Papi : Je sais, j'irais volontiers, mais je ne peux pas !
102
Annexes
Raffaella Fico : Allez ! S'il-te-plaît ! Nous nous baignerons dans la mer de cristal !
Enrico Papi : Je sais, mais... Je ne peux pas me cristalliser, je ne peux pas...
Raffaella Fico : Allez, s'il-te-plaît ! Nous prendrons le soleil ensemble !
Enrico Papi : Je sais, mais je ne peux pas ! Essaie de comprendre !
Raffaella Fico : Allez ! Tu m'étaleras de la crème solaire...
Quatrième séquence :
Enrico Papi : La voilà... Qu'est-ce que tu fais, Raffaella ?
toi...
Raffaella Fico : Je suis en train de faire janvier 2010... C'est un calendrier vidéo pour
Enrico Papi : Aaah... Et ça c'est janvier ?
Raffaella Fico : Tu aimes ?
Enrico Papi : Ah oui, j'aime, c'est beau !
Raffaella Fico : Tu veux que je te fasse au février ?
Enrico Papi : Oui, oui, oui... Février, février... Fais-nous voir... C'est bien février, c'est
un bon mois, février, il fait froid, mais... On est à cheval... On est à cheval... Ça c'est beau !
C'est février ?
Raffaella Fico: Oui !
Enrico Papi : Tu me fais mars ?
Raffaella Fico : Bien sûr !
Enrico Papi : Ah, il y a aussi mars... Voyons un peu... Parce que mars, c'est le
printemps, ça commence... Ah, ah, voilà le printemps, c'est beau, mars... Et avril ? Avril !
Avril ! Avril, tu as avril ? Ah, ça c'est avril... Écoute, et l'été ? Juin ? Juin ! Comment est
juin ? Eeh, il fait chaud en juin... Ah, celui-là me plaît ! Ce calendrier vidéo est beau, j'aime
beaucoup !
Cinquième séquence :
Raffaella Fico : Enrico !
Enrico Papi : Pourquoi ce déguisement ? Tu es magnifique...
Raffaella Fico : C'est parce que moi et tes putti, nous sommes tes anges gardiens !
Enrico Papi : Ah, vraiment ? Bien, irremplaçable ! Vole et apporte-moi l'enveloppe,
vole, mon ange gardien !
Sixième séquence :
Enrico Papi : Hum... Raffaella ! Raffaella ? Raffaella !
Raffaella Fico : Enrico !
Enrico Papi : Quand les femmes regardent les chaussures... Raffella, je voulais savoir
si tu pensais que le concurrent avait fait le bon choix...
Raffaella Fico : Je m'en fiche, de son choix, aide-moi moi à faire un choix, plutôt !
Enrico Papi : Et quel choix veux-tu faire ? Dis-moi...
Raffella Fico : Ces chaussures...
103
La représentation des femmes à la télévision italienne
Enrico Papi : Eh !
Raffaella Fico: Pour la première promenade que nous ferons toi et moi à New-York...
Je les prends ou je les laisse ?
Enrico Papi : Prends-les, prends-les !
Quatorzième annexe
Traduction des extraits vidéo de Il Mercante in Fiera
La Chatte blanche
Ainett Stephens : « Il y a une future maman en finale ! Si elle gagne, je promets d'être
la marraine de son enfant... Mais elle doit obtenir tellement d'argent, un enfant qui grandit
coûte cher... Mais pourquoi a t-elle renoncé à continuer le jeu ? Bien sûr, 14 000 €, c'est
beaucoup, mais nous espérons que tu ne te mordras pas les doigts si nous découvrons
qu'en fait tu avais gagné le premier prix ! Mamma mia... Mais elle gagnera bientôt un enfant,
ce qui est le plus beau prix qui existe dans la vie. En revanche, mon premier prix serait
de voir le marchand perdre beaucoup d'argent, car vous le savez, la chatte qui va voir le
marchand ne lui laisse que ses sous-vêtements ! ».
La Chatte noire
Première séquence :
Pino Insegno : C'est beau de se connaître... Je suis pratiquement aussi grand qu'un
de tes fémurs, Chatte Noire...
Ainett Stephens : …
Pino Insegno : Je m'appelle Pino... Et toi ?
Ainett Stephens : …
Pino Insegno : C'est un très joli nom...
Ainett Stephens : …
Pino Insegno (claque des doigts) : Je suis là...
Ainett Stephens : …
Pino Insegno : C'est bon... Merci de ton amitié, au revoir, Chatte Noire. »
Deuxième séquence :
Pino Insegno (s'adresse à Ainett) : Je peux révéler la carte ?
Ainett Stephens : …
Pino Insegno (s'adressant toujours à Ainett Stephens, en désignant le candidat) : Tu
as vu Leonardo di Caprio, là ?
Ainette Stephens : …
104
Annexes
Pino Insegno : Il a un regard un peu sauvage, comme moi...
Les danseuses
Pino Insegno (s'adresse aux danseuses) : « Haha ! Regardez, jalouses ! Jalouses de ce
corps ! Et quel corps ! Bienvenue sur le plateau du Mercante in Fiera ! ».
Quinzième annexe
Traduction des extraits vidéo de Apprescindere (Rai 3)
Discours
Première séquence :
Michele Mirabella : (…) Dans l'article 3 de la Constitution, donc parmi les premières
pensées du législateur constituant, du père de la Patrie... Voilà, Eva, que nous disent les
chiffres ?
Eva Crosetta : Les données ont été fournies par le rapport sur la mobilité sociale publié
par Italia Futura. La question initiale était : « Sommes-nous dans une meilleure situation que
nos parents ? ». 41% des plus de 60 ans, des personnes ayant plus de 60 ans répondent
« oui », alors que la donnée intéressante, justement est que ce pourcentage descend à 25%
quand on parle des plus de 40 ans, et seulement 6% des plus de 25 ans, des personnes
ayant dépassé 25 ans, jusqu'à 30 ans et plus, disent se trouver dans une meilleure situation
que leurs parents, et avoir un meilleur travail. Toujours chez les plus de 25 ans, 20% affirment
ne pas avoir réussi à faire un bond social.
Deuxième séquence :
Michele Mirabella : (…) Je l'espère car on ne peut pas descendre plus bas, comme
le disait un humoriste tchèque ou polonais... Quand on arrive au fond, on ne peut que
remonter... Donc, espérons que nous allions dans cette direction... Qui sait ce qu'en pense le
sociologue Aldo Bonomi, qui est venu nous rendre visite. Avant, professeur, Papa et Maman
disaient « On s'en fiche, de ce bout de papier ! » puis il y a eu les Papa et Maman un peu plus
consciencieux, qui disaient au contraire « Étudie ! Comme ça, tu deviendras quelqu'un ».
Troisième séquence :
Eva Crosetta : Nous cherchons donc à savoir si nous sommes plus ou moins vaniteux...
D'après les derniers sondages, les hommes semblent être beaucoup plus vaniteux, plus
attachés à l'aspect physique, que les femmes. Cette donnée a aussi été confirmée par
l'augmentation des ventes de cosmétiques pour les hommes. Une personne qui s'occupe
depuis des années de la beauté nous en parle, avec nous, la cosmétologue et esthéticienne
Alessia Ferini. Bonjour. (applaudissements)
Quatrième séquence :
Michele Mirabella : Dans votre livre, il est révélé un personnage...
Diego Dalla Palma (invité) : Oui...
105
La représentation des femmes à la télévision italienne
Michele Mirabella : Qui est ce prêtre ?
Diego Dalla Palma : C'est un prêtre qui s'est occupé de mon corps pendant deux ans
et demi... Mais...
Michele Mirabella : Un peu trop, peut-être...
Diego Dalla Palma : Un peu trop, un peu trop... En compensation, il m'a enseigné la
musique... Mais je ne veux pas parler de cette histoire plus longtemps car...
Michele Mirabella : Mais c'est dans le livre...
Diego Dalla Palma : Bien sûr, non, non... Je me comprends, car cela a déjà été dit dans
les autres livres, et ce thème est très actuel, mais c'est que je ne veux pas m'embarquer
à la télévision dans cette histoire avec le prêtre... Et je veux aussi scinder les deux choses
[entre l'agression du prêtre et le fait qu'il soit bisexuel] parce que dans ce contexte, on parle
de pédophilie, mais ma sexualité aurait tout de même pris cette direction, indépendamment
de ce prêtre. Il est évident que ce prêtre a été pour moi d'une part un incubateur, c'était une
situation que je vivais très mal, tous les soirs pendant pratiquement deux ans et demi. D'une
autre part, je dirais, Mirabella, que cela a été aussi une espèce de laisser passer inconscient
pour ne pas me sentir coupable, parce que c'était un prêtre. Donc moi je partais du principe
que si un prêtre me faisait cela, je pouvais vivre avec tranquillité tout le reste, chose qui
malheureusement n'est pas comme ça, nous savons tous le nombre de problèmes que peut
créer une situation de ce genre. Moi, grâce au ciel, je l'ai dépassée, et je suis parvenu à
pardonner à ce prêtre...
Michele Mirabella : Quand vous dites merci au ciel, cela veut dire que... Vous vous
êtes réconcilié avec... (regarde en l'air) Non ?
Cinquième séquence :
Eva Crosetta : Comme la jeune femme que nous venons de voir dans ce film, notre
prochain invité, après avoir étudié, après avoir tenté diverses voies, a décidé de changer
de vie. Accueillons Marco le cordonnier avec un diplôme en poche. Après de nombreux
entretiens et concours, il décide de monter sa propre boutique. Souhaitons la bienvenue à
Apprescindere à Marco Grazietti ! Bonjour, Marco.
Sixième séquence :
Michele Mirabella : (…) une personne experte en cosmétiques et qui est aussi à côté
de d'une... Eva Crosetta, j'allais dire d'une magnifique Eva Crosetta car...
Eva Crosetta : Merci...
Michele Mirabella : Car elle est plus souriante et solaire que jamais aujourd'hui.
Diego Dalla Palma : Elle est rassurante et élégante, comme je l'ai déjà dit... C'est une
figure féminine vraiment positive. On voudrait en voir plus souvent (regarde longuement la
jeune femme).
Michele Mirabella : Tout à l'heure, nous parlerons plus en détails de cosmétiques et
nos auditeurs pourront s'ils veulent, approfondir ce sujet...
Seizième annexe
106
Annexes
Traduction des extraits vidéos de la Ruota della Fortuna (Italia 1)
Discours
Première séquence :
Victoria Silvstedt : Bonsoir, bonsoir !
Enrico Papi : Bonsoir, Vicky, comment vas-tu ? Ce soir, je dois dire que tu ressembles
à une poupée...
Victoria Silvstedt : Je me sens comme une Barbie, ce soir, je ne sais pas pourquoi...
Enrico Papi : Une petite poupée !
Victoria Silvstedt : Exactly !
Enrico Papi : Une petite poupée de céramique...
Victoria Silvstedt : Oui.
Enrico Papi : De terre cuite...
Victoria Silvstedt : Huh huh... Encore, encore, encore...
Enrico Papi : De... De... De... De tout ce qui peut faire une poupée !
Victoria Silvstedt : Encore, encore, encore !
Deuxième séquence :
Enrico Papi
pieds » ?
: Vicky, tu n'as jamais dit à ton petit ami « j'ai froid, réchauffe-moi les
Victoria Silvstedt : Noooon... Je réchauffe le cœur, avec les deux mains, je réchauffe
le cœur.
Enrico Papi : Parce que Vicky, avec ton 44 et demi, il faudrait un radiateur...
Victoria Silvstedt : Oui, on a besoin de grandes mains !
Enrico Papi : De quoi parlons-nous ?
Victoria Silvstedt : Le plus « cliché » sur internet...
Enrico Papi : Non, non...
Victoria Silvstedt : Cliqué ! Clic, clic, clic, clic...
Troisième séquence :
Enrico Papi : Tu es vierge ?
Victoria Silvstedt : Oui.
Enrico Papi (s'adressant à la candidate) : Et la vierge ? Comment ça va se passer
pour la vierge ?
Candidate : C'est une bonne année... Pour le travail.
Victoria Silvstedt : Et pour l'amour ?
Enrico Papi : Oui, elle veut savoir pour l'amour... La vierge, pour l'amour....?
Candidate : Il faut regarder pour chaque cas... Mais pour vous (elle s'adresse à
Victoria), tout ira toujours bien... Vous pouvez bien être de n'importe quel signe...
107
La représentation des femmes à la télévision italienne
Quatrième séquence :
Enrico Papi : De quoi parlons-nous ?
Victoria Silvstedt : Nous parlons des « déserts non réalistes ».
Enrico Papi : Non, non... « désirs »...
Victoria Silvstedt : « réalisés » !
Enrico Papi : Très bien !
Cinquième séquence :
Enrico Papi : De quoi parlons-nous ?
Victoria Silvstedt : « Dans les “quodatiens” et les revues »...
Enrico Papi : Je n'ai pas compris...
Victoria Silvstedt : Eh bah, euh...
Enrico Papi : Je n'ai pas compris !
Victoria Silvstedt : « Dans les “quoditiens” et les revues »...
Enrico Papi : Non, non !
Victoria Silvstedt : Alors aide-moi, s'il-te-plaît.
Enrico Papi : (murmure) « Dans les quotidiens et les revues ».
Victoria Silvstedt : « Dans les quotidiens et les revues »
Enrico Papi : Très bien !
Victoria Silvstedt : Yes ! One-zero !
Sixième séquence :
Victoria Silvstedt : Eeeeuuuuuh... Comment avez-vous dit, Monsieur le professeur ?
Enrico Papi : « Infirmités »...
Victoria Silvstedt : « Infirmités »... « sportifs »...
Enrico Papi : Bravo, regardez cette élève, comme elle s'implique...
Septième séquence :
Victoria Silvstedt : J'y joue encore...
Enrico Papi : Tu joues encore à la poupée ?
Victoria Silvstedt : Oui, j'aime bien !
Enrico Papi : Quel genre de poupée ?
Victoria Silvstedt : Euh, ha, ha... Poilues... (vu ses gestes, elle voulait dire
« plantureuses »)
Enrico Papi : Poilues ? Des poupées poilues ?
Victoria Silvstedt : Oh yes... Grosses...
Enrico Papi : Les nounours ? Les nounours !
Victoria Silvstedt : Oui ! (elle n'a pas l'air d'avoir compris)
Enrico Papi : Les nounours avec des touffes ? Des touffes de poils ?
108
Annexes
Victoria Silvstedt : Oui, oui...
Enrico Papi : Aah, c'est laborieux, Madonna...
109