demandes d`asile liées à l`orientation sexuelle et à l`identité sexuelle
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demandes d`asile liées à l`orientation sexuelle et à l`identité sexuelle
D E M A N D E S D 'A S I L E L I É E S À L' O R I E N TAT I O N S E X U E L L E E T À L' I D E N T I T É S E X U E L L E E N E U R O P E S A B I N E J A N S E N et T H O M A S S P I J K E R B O E R SABINE JANSEN ET THOMAS SPIJKERBOER COC NEDERLAND | VRIJE UNIVERSITEIT AMSTERDAM | SEPTEMBRE 2011 Fleeing Homophobia e s t u n p r o j e t d u C O C Pa y s - B a s e t d e l ' U n i v e r s i t é L i b r e d 'A m s t e r d a m , en coopération avec le Comité Helsinki-Hongrie , Av vo c at u ra p e r i d i r i t t i LG BT / R e te Le n f o rd, et le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés. Fleeing Homophobia est financé par le Fonds européen pour les réfugiés, le ministère néerlandais de l'Intérieur et des Relations au sein du Royaume ainsi que par les organisations participantes. Remerciements To u t a u l o n g d e s r e c h e r c h e s e x p o s é e s d a n s l e p r é s e n t r a p p o r t , Caco Verhees a appor té aux auteurs une assistance logistique inestimable. S a n s s a c o n t r i b u t i o n , c e p ro j e t n’a u r a i t p a s p u v o i r l e j o u r. Dans la dernière phase du projet, Louis M iddelkoop et Veeni Naganathar ont contribué à la rédaction des notes de bas de page. La traduction a été effectuée par Astrid Aïdolan-Ague en collaboration avec Nicolas Braun. Les éventuelles erreurs restantes sont le fait des auteurs. Graphisme : anoukjohanson.nl Table des matières Ta b l e d e s m at i è r e s Sommaire 7 1 I n t r o d u c t i o n 13 2 23 L a c r i m i n a l i s at i o n 3 L a p r o t e c t i o n é t a t i q u e c o n t r e l e s ag e n ts d e p e r s é c u t i o n n o n é tat i q u e s 31 4 L’ e x i g e n c e d e d i s c r é t i o n 37 5 La protection interne 45 6 La crédibilité 51 7 L a r é v é l at i o n ta r d i v e 69 8 L e s i n f o r m a t i o n s s u r l e p a y s d’origine 75 9 83 L’a c c u e i l R e co m m a n dat i o n s 87 A n n e x e I : L i s t e d e s e x p e r ts n at i o n au x 91 A n n e x e II : C o m i t é c o n s u l t a t i f 93 5 6 Sommaire Résumé Chaque année, des milliers de demandeurs d’asile lesbiennes, gays, bisexuel(le)s, transgenres et intersexué(e)s (LGBTI) cherchent à bénéficier de la protection internationale en Europe. L’Union européenne et les Etats européens ont déjà pris des mesures positives concrètes, telle que la reconnaissance de l’orientation sexuelle comme un motif de persécution à l’article 10 de la directive qualification. Certains Etats membres ont également explicitement ajouté l’identité de genre comme un motif de persécution dans leur législation nationale (Portugal, Espagne) ou leurs documents de politique (Autriche, Royaume-Uni) ; la directive qualification pourrait être modifiée afin d’inclure l’identité de genre. Dans certains cas, les demandeurs d’asile LGBTI persécutés sont reconnus comme réfugiés, obtiennent une protection subsidiaire ou bénéficient d’une autre forme de protection au sein des Etats membres de l’Union européenne. C o n s tat g é n é r a l Ce rapport établit néanmoins qu’il existe des différences considérables dans la manière dont les Etats européens examinent les demandes d’asile des personnes LGBTI, ce qui est hautement problématique dans la mesure où l’Europe a pour objectif de créer un Système européen commun d’asile avec un statut uniforme. Le système de Dublin, selon lequel un seul pays membre de l’UE examine une demande d’asile, suppose une norme commune pour l’application du droit des réfugiés malheureusement inexistante. Afin de lutter contre ces différences de traitement entre les demandes d’asile, le Bureau européen d’appui en matière d’asile devrait privilégier la promotion et la coordination de l’identification et de la mise en commun des bonnes pratiques concernant l’examen des demandes d’asile des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées. Un deuxième constat général suite à la présente étude comparative : sur de nombreux plans, la pratique des Etats européens est en deçà des normes requises par les droits de l’homme internationaux et européens ainsi que par le droit des réfugiés. La pratique européenne montre clairement que les autorités nationales s’appuient dans de nombreux cas sur des stéréotypes lorsqu’ils examinent les demandes d’asile des personnes LGBTI. Ainsi, les décisions de justice reposent encore souvent sur l’idée que l’orientation sexuelle du demandeur d’asile ne doit être prise au sérieux que lorsque celui-ci ressent un besoin « impérieux et irréversible » d’avoir des relations sexuelles avec une personne du même sexe. De tels stéréotypes interdisent aux bisexuels faisant l’objet de persécutions l’accès à une protection internationale, ainsi qu’à d’autres personnes LGBTI dont le comportement ne correspond pas aux stéréotypes des décideurs, qui ne tiennent pas nécessairement compte des lesbiennes qui ne se comportent pas de manière masculine, des gays non efféminés, ou des personnes ayant été mariées ou qui ont des enfants. De plus, le caractère fondamental des droits de l’homme spécifiques aux personnes LGBTI est souvent nié dans la pratique des Etats européens en matière d’asile. Les demandeurs d’asile LGBTI sont fréquemment renvoyés vers leur pays d’origine au motif qu’ils seraient censés pouvoir prévenir la persécution en cachant leur identité de genre. C’est là leur refuser la notion fondamentale au cœur du droit des réfugiés : si ces personnes ont une crainte fondée d’être persécutées en raison de l’exercice légitime d’un droit fondamental, elles peuvent prétendre à une protection internationale. Leur demander de renoncer à leurs droits fondamentaux afin de se « protéger » nie la fonction même de ces droits. De la même manière, les demandeurs d’asile LGB sont régulièrement renvoyés vers des pays où ils ont une crainte fondée d’être emprisonnés ou condamnés à mort pour avoir eu des relations sexuelles avec une personne du même sexe. Enfin, les graves violations des droits de l’homme à l’encontre des personnes transgenres se produisant à grande échelle dans de nombreuses régions du monde ne conduisent que rarement à l’octroi de l’asile. Les questions ciblées Nous nous sommes penchés au cours de cette étude sur huit questions en particulier : 1. La criminalisation De nombreux demandeurs d’asile LGBTI sont originaires de pays dans lesquels leur orientation sexuelle ou leur identité de genre est criminalisée. Cette criminalisation peut prendre différentes formes et concerner les relations sexuelles entre adultes consentants de même sexe, les actes « contre nature », ce qui peut concerner les personnes transgenres ou les personnes ayant des relations sexuelles avec une personne du même sexe. Dans cinq pays européens, les demandeurs d’asile LGBTI originaires de ces pays voient leur demande rejetée même lorsque ces dispositions pénales sont appliquées. Dans la plupart des pays, le fait que la criminalisation soit appliquée (avec poursuites) suffit en théorie à ce que le statut de réfugié soit reconnu. En pratique, une telle protection est cependant refusée car un manque d’information 7 Sommaire sur l’application des dispositions pénales visant les personnes LGBTI est souvent considéré comme une absence d’application. En Italie, la criminalisation est un motif suffisant pour obtenir le statut de réfugié. La situation demeure néanmoins problématique dans les autres pays européens. Selon l’article 4(3)(a) de la directive qualification, le fait qu’une certaine orientation sexuelle ou identité de genre soit criminalisée dans un pays devrait signifier que les personnes LGBTI fuyant ce pays ont une crainte fondée d’être persécutées sur la base de leur orientation sexuelle ou identité de genre. 2. La protection de l’Etat contre les persécutions non étatiques Lorsque des personnes LGBTI font ou ont fait l’objet de persécution de la part d’agents non étatiques (tels que des proches ou des gangs), il peut être raisonnable d’appliquer l’idée selon laquelle avant de se tourner vers la protection extérieure garantie par la Convention sur les réfugiés, celles-ci devraient se tourner vers les autorités de leur pays afin de bénéficier d’une protection interne. Du point de vue des droits des personnes LGBTI, le principe qui sous-tend cette idée est positif, car il exprime une obligation de la part des autorités nationales de protéger les citoyens LGBTI contre les violences exercées par les autres citoyens. Cependant, la pratique européenne devrait reconnaître de façon plus réaliste qu’une telle protection risque de ne pas exister dans un futur proche. Dans dix Etats européens, les demandeurs d’asile LGBTI doivent se tourner vers les autorités de protection de leur pays d’origine, même lorsque l’orientation sexuelle ou l’identité de genre y est criminalisée ; dans quatre pays, cela n’est pas obligatoire si le demandeur d’asile vient d’un pays qui criminalise les personnes sur la base de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre. Dans la plupart des pays européens, les demandeurs d’asile LGBTI doivent se tourner vers les autorités de protection de leur pays, même lorsqu’il est notoire que celles-ci sont homophobes ou transphobes ; cela n’est pas le cas dans seulement deux pays européens. Il est peu probable qu’une protection soit assurée par les autorités nationales (et dans de nombreux cas, il est possible que cela débouche sur des persécutions, cette fois de la part des autorités) lorsque : (a) Les personnes LGBTI sont criminalisées dans le pays en question ; même si ces lois ne sont pas appliquées, leur seule existence rend une protection des autorités peu probable pour les personnes confrontées à la persécution de la part d’agents non étatiques pour avoir commis des actes criminalisés ; ou lorsque (b) la police est homophobe ou transphobe. 8 3. La dissimulation de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre La dissimulation, également appelée exigence de discrétion, n’est pas une exigence formelle mais est utilisée sans fondement juridique clair dans les cas où un risque de persécution est en principe reconnu. Cependant, c’est le demandeur d’asile lui-même qui est censé prévenir les persécutions en faisant preuve de « discrétion » quant à son orientation sexuelle ou son identité de genre. En d’autres termes, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de la personne concernée devrait rester ou redevenir inavouée, ce qui constitue une autre possibilité de protection interne. Dans certains pays européens, l’exigence de discrétion a été abolie. Mais elle demeure fréquemment appliquée dans une grande majorité des Etats européens. Les autorités compétentes en matière d’asile de ces Etats estiment en général que l’on peut raisonnablement attendre du demandeur qu’il dissimule son orientation sexuelle ou son identité de genre afin de prévenir les persécutions. Cette idée pose problème pour deux raisons : tout d’abord, il n’est pas raisonnable d’attendre des personnes de ne pas exprimer leur orientation sexuelle ou leur identité de genre (ou qu’elles ne l’expriment que dans le plus grand secret), car cela équivaut à une négation de l’exercice légitime de leurs droits fondamentaux. En utilisant cet argument, les autorités européennes compétentes en matière d’asile se rendent complices des acteurs homophobes et transphobes du pays d’origine en bafouant l’expression des droits des personnes LGBTI. En dehors de ce problème normatif fondamental, l’exigence de discrétion a une autre limite, cette fois empirique : la dissimulation de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre est liée à une très forte insécurité. L’orientation sexuelle ou l’identité de genre des personnes LGBTI peut en effet être rendue publique contre leur volonté, et le risque que cela se produise est permanent. Cela peut être le fait de partenaires sexuels, ou de proches ou voisins émettant des soupçons. Ce risque permanent implique un risque permanent de persécution. Par ailleurs, même lorsqu’une personne LGBTI réussit à cacher avec succès son orientation sexuelle ou son identité de genre, la situation d’angoisse et de peur permanente que constitue le fait de dissimuler un aspect fondamental de sa vie est inhumaine et dégradante en soi. L’exigence de discrétion devrait donc être abolie dans les Etats où elle est encore en vigueur. 4. La protection interne Bien que non signataires de la Convention de 1951 sur les réfugiés, de nombreux Etats s’appuient sur ce qu’on appelle la possibilité de refuge interne ou la possibilité de protection interne pour refuser une protection internationale. A nouveau, il n’y a pas de problème à appliquer aux personnes LGBTI comme aux autres l’idée Sommaire que si une crainte de persécution fondée est cantonnée à une région du pays d’origine, un demandeur d’asile devrait fuir vers une autre région de son pays d’origine, où il sera à l’abri des persécutions. Cependant, il faut rappeler que la protection interne n’est appliquée que dans les cas où le demandeur d’asile est présumé avoir une crainte fondée d’être persécuté par des agents non étatiques dans une partie du pays. En d’autres termes, la personne a besoin d’être protégée. La protection dont elle a besoin et à laquelle elle peut prétendre doit donc pour cette raison être efficace. Cela exclut l’application de la possibilité de protection interne dans les pays où certaines orientations ou identités sexuelles sont criminalisées, car aucune protection n’y sera disponible, ainsi que dans les situations où la « discrétion » du demandeur est requise pour prévenir des problèmes futurs. Toutefois, 16 pays européens appliquent la protection interne aux personnes LGBTI, et dans 9 d’entre eux, celleci s’accompagne de l’exigence de discrétion. 5. L’évaluation de la crédibilité Les questions liées à la crédibilité, c’est-à-dire lorsque l’authenticité du récit du demandeur d’asile est évaluée, sont au cœur de nombreuses, voire de la plupart des demandes d’asile. Il n’est plus à démontrer qu’il est difficile d’évaluer la crédibilité d’un tel récit car en raison de l’absence de familiarité et de sensibilité de la part de l’évaluateur, son appréhension subjective d’une réalité vécue est utilisée comme point de référence pour l’évaluation de la crédibilité des déclarations d’une personne originaire d’un autre pays, souvent d’une autre culture, avec d’autres codes de communication et un système de valeurs différent. Dans de nombreux cas concernant des personnes LGBTI relatés dans cette étude, l’évaluation de la crédibilité se concentre sur l’appartenance du demandeur d’asile à l’identité LGBTI. Deux éléments viennent ajouter à la complexité de l’évaluation de la crédibilité dans les demandes d’asile de personnes LGBTI. D’une part, dans de nombreux Etats européens l’idée que les identités LGBTI sont déviantes d’un point de vue médical, psychiatrique ou psychologique reste très vive dans le contexte de l’asile, bien qu’elle ait été formellement récusée en ce qui concerne l’orientation sexuelle, et qu’elle ait été contestée chez les personnes transgenres et intersexuées. Les identités LGBTI n’étant pas des catégories médicales, psychiatriques ou psychologiques légitimes, la prise en compte de l’opinion d’experts des domaines précités afin d’établir l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’un demandeur d’asile n’est ni légitime ni appropriée. Formuler de telles opinions consiste en une intrusion dans la vie privée du demandeur d’asile pouvant causer une souffrance intense, en particulier chez les demandeurs ayant déjà été confrontés à de tels interrogatoires dans leur pays d’origine. Ce type d’opinion ne répond à aucun objectif légitime, et l’intrusion dans la vie privée du demandeur constitue donc une violation injustifiée du droit au respect de la vie privée. Nous rappelons que cela ne concerne pas uniquement le fameux « test de phallométrie », mais également d’autres méthodes d’examen médical, psychiatrique ou psychologique. Inversement, les opinions des experts des domaines précités concernant les conséquences que l’homophobie ou la transphobie pourraient avoir eues sur les demandeurs d’asile LGBTI peuvent se révéler utile dans la procédure de détermination d’asile. Cependant, de telles enquêtes ne devraient pas être menées dans le but de « prouver » une identité LGBTI. L’orientation sexuelle et l’identité de genre sont une question d’auto-identification et non de médecine, de psychiatrie ou de psychologie. La deuxième limite venant ajouter à la complexité de l’évaluation de la crédibilité dans les demandes d’asile de personnes LGBTI est le recours à des stéréotypes. Ceux-ci sont utilisés afin de structurer les impulsions sensorielles reçues. Ils peuvent être inexacts, mais cela est souvent sans importance : ainsi, si nous pensons que tous les suédois préfèrent la glace à la vanille, la possibilité que cela soit inexact ne nous posera de problème que si nous prévoyons de lancer des glaces à la vanille sur le marché suédois. Il est en revanche problématique que les autorités en matière d’asile pensent que tous les hommes homosexuels originaires d’Irak sont efféminés ; ou que toutes les lesbiennes du Sierra Leone doivent savoir que les relations sexuelles lesbiennes sont des actes criminels dans leur pays ; ou qu’un homme égyptien qui ne connaît pas le meilleur bar gay de Dublin n’est pas homosexuel ; qu’une femme mariée à un homme avec des enfants ne peut pas être lesbienne ou bisexuelle. Bien qu’il n’existe aucune « solution » toute faite contre le recours aux stéréotypes, il est très important que les autorités compétentes en matière d’asile soient conscientes de leur tendance à s’appuyer sur des stéréotypes dans la pratique ; des stéréotypes en particulier sur lesquels elles s’appuient lorsqu’elles examinent les demandes ; de la nécessité d’être ouvertes à la remise en question du/des stéréotypes qu’elles utilisent. A cette fin, un module de formation devrait être consacré aux questions relatives à l’asile des personnes LGBTI au début de la formation des pourvoyeurs d’asile, et les questions relatives aux personnes LGBTI devraient faire partie de leur formation continue générale. Le Bureau européen d’appui en matière d’asile a un rôle majeur à jouer sur ce point. 6. La révélation tardive Il arrive régulièrement que les demandeurs d’asile ne révèlent leur orientation sexuelle ou leur identité de genre aux autorités compétentes en matière d’asile que plus tard au cours de la procédure initiale, ou lors d’une demande successive. Cela peut 9 Sommaire s’expliquer par un sentiment de peur ou de honte ou même par une homophobie ou une transphobie intériorisée ; le demandeur peut ne pas être en mesure de mettre un nom sur son orientation sexuelle ou son identité de genre, quelle que soit son expérience de vie, ou celui-ci peut redouter que des personnes de sa communauté l’apprennent et en informent sa famille ou des personnes de sa communauté dans le pays d’accueil ; celui-ci peut également n’avoir pris conscience de son orientation sexuelle ou de son identité de genre qu’une fois dans son pays d’accueil, ou n’avoir au départ pas avoir été au courant que celle-ci était pertinente dans le cadre de sa demande d’asile. Cela peut susciter la prudence ou le doute chez les autorités compétentes, en particulier lorsque les demandes proviennent de pays pour lesquels celles-ci ont reconnu la possibilité d’obtenir le statut de réfugié aux demandeurs LGBTI. Cela ne justifie cependant aucunement des pratiques écartant d’office les demandeurs LGBTI qui n’inventent en rien leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, mais qui ne la révèlent que sur le tard et ont besoin d’une protection. Ces honteuses pratiques éliminatoires peuvent prendre deux formes : deux pays européens utilisent un principe d’autorité de la chose jugée permettant aux autorités compétentes en matière d’asile d’ignorer des informations ou des preuves qui pourraient (théoriquement) avoir été soumises plus tôt. Ce principe peut être appliqué avec flexibilité, comme c’est le cas en Autriche, de façon à permettre aux autorités d’examiner les raisons de cette révélation tardive, dans notre contexte, de l’orientation sexuelle ou de l’identité lesbienne, gay, transgenre ou intersexuée. Une telle application du principe d’autorité de la chose jugée n’est pas problématique en soi. Cependant, la jurisprudence néerlandaise exclut totalement les révélations tardives de l’examen judiciaire, sans tenir compte d’aucune explication. Une application aussi rigide de ce principe est inacceptable, car elle ne peut que conduire au refus de l’asile à des demandeurs LGBTI ayant désespérément besoin de protection. Le second problème est lié à la crédibilité. Comme précisé ci-dessous, cela n’est pas inacceptable en soi tant que l’on ne part pas du principe qu’une révélation tardive conduit à un jugement négatif de manque de crédibilité. Le moment auquel les faits sont révélés n’est qu’un des nombreux éléments à prendre en compte dans l’évaluation de la crédibilité, et les raisons de cette révélation tardive devraient toujours peser dans la balance. 7. Les informations sur le pays d’origine Les informations sur le pays d’origine (IPO) sont cruciales dans la détermination des demandes d’asile. Celles-ci devraient être objectives, complètes et fiables. Il est donc nécessaire que tous les rapports sur les pays contiennent des informations sur la situation des personnes LGBTI. Ces informations ne devraient pas concerner uniquement ou se concentrer principalement sur les hommes 10 homosexuels, mais également traiter la question des lesbiennes, des bisexuels, des personnes transgenres et intersexuées. De plus, ces informations ne devraient pas uniquement traiter des dispositions pénales, mais également fournir des indications sur la situation juridique des personnes LGBTI en matière de droit de la famille, du travail et de la sécurité sociale, de discrimination positive, ou encore sur la possibilité de protection, en théorie comme en pratique, des personnes LGBTI contre les discriminations et les violences. Le Bureau européen d’appui en matière d’asile peut jouer un rôle crucial sur cette question. De plus, il est essentiel que les informations disponibles sur le pays d’origine soient utilisées à bon escient. Il est clair qu’il peut être difficile d’avoir accès aux informations sur les personnes LGBTI dans certains pays d’origine, précisément en raison du non respect de leurs droits fondamentaux. L’absence d’informations (par exemple sur l’application de la criminalisation, ou sur la situation des lesbiennes, des personnes transgenres ou intersexuées) ne devrait notamment pas porter à la conclusion qu’il n’existe pas de risques. Dans de tels cas, il convient de collecter des informations supplémentaires, émanant par exemple d’organisations LGBTI présentes sur le terrain dans le pays d’origine ; lorsque c’est impossible, les décisions devraient prendre en compte le manque d’informations exactes, en particulier en s’appuyant sur le principe du « bénéfice du doute ». 8. L’accueil Dans les centres d’accueil et de détention en Europe, les demandeurs d’asile LGBTI sont souvent confrontés à un comportement homophobe et transphobe, allant de la discrimination à la maltraitance et la violence. Ces informations nous ont été fournies par d’autres demandeurs d’asile et, dans certains cas, par les autorités d’accueil ou d’asile. Les besoins et les questions spécifiques aux demandeurs d’asile LGBTI devraient être pris en compte en mettant sur pied de nouvelles procédures et lignes directrices. Parmi ces mesures, la création d’un système efficace de plainte est fondamentale, tout comme le fait de donner aux personnes LGBTI une forme de contrôle sur leur situation d’hébergement, ou encore la formation du personnel des centres d’accueil, d’hébergement et de détention. Sommaire R e c o m m a n d at i o n s p r i n c i pa l e s Le présent rapport fournit des recommandations sur les points suivants, dont certains sont très précis. Ces recommandations figurent au sein du texte de chaque chapitre, et le texte complet peut être consulté à la page 87. Les principales recommandations sont les suivantes. 1. Le statut de réfugié devrait être accordé aux demandeurs d’asile lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués originaires de pays où l’orientation sexuelle ou l’identité de genre sont criminalisées ou où les dispositions pénales sont utilisées afin de poursuivre ou de persécuter les personnes sur ce motif. 2. Les demandeurs d’asile lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués ne devraient pas avoir à demander une protection étatique contre les agents de persécution non étatiques lorsque l’orientation sexuelle ou l’identité de genre sont criminalisées dans leur pays d’origine, ou lorsque les autorités sont homophobes ou transphobes. 3. Les demandeurs d’asile lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués ne devraient pas avoir à cacher ou être supposés avoir caché leur orientation sexuelle ou leur identité de genre afin de prévenir les persécutions. 7. Les informations sur le pays d’origine devraient toujours inclure des renseignements sur la situation des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées, et non uniquement sur les dispositions pénales. Lorsqu’aucune information sur le pays d’origine n’est disponible concernant le respect des droits fondamentaux des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres ou intersexuées dans un pays en particulier, cela ne devrait pas être considéré comme un signe qu’il n’y a pas de violation des droits de l’homme à l’encontre de ces groupes. Le principe de bénéfice du doute est tout particulièrement important dans de telles situations. 8. Dans les centres d’accueil, d’hébergement et de détention, des mesures doivent être prises afin de protéger les demandeurs d’asile lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués contre la violence homophobe et transphobe. 9. Le Bureau européen d’appui en matière d’asile devrait renforcer la promotion et la coordination de l’identification et de la diffusion des bonnes pratiques en matière d’examen des demandes d’asiles formulées par des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées. 4. Une possibilité de protection interne ne devrait pas être soulevée pour les demandeurs d’asile lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués originaires de pays qui criminalisent l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. 5. La détermination de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre devrait en principe être basée sur l’autoidentification ; il ne s’agit pas de catégories médicales ou psychiatriques. Les enquêteurs, preneurs de décisions, les assistants judiciaires et juridiques devraient être formés afin d’avoir une meilleure connaissance de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, évitant ainsi de s’appuyer sur des stéréotypes inopportuns. 6. La révélation tardive de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre ne devrait pas conduire à un rejet de la demande d’asile. Cela ne devrait advenir ni en conséquence d’une application inflexible d’un principe d’autorité de la chose jugée, ni du fait de considérer une révélation tardive comme une indication de non crédibilité en soi de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre d’un demandeur d’asile. 11 12 IN T RODUC T ION 1 I n t r o d u c t i o n HT, un homme homosexuel originaire du Cameroun a eu une relation de trois ans avec un autre homme. Après qu’un voisin les a vus s’embrasser dans son jardin de derrière, il a fait l’objet de violences graves infligées par une foule appliquant sa propre vision de la « justice ». Au lieu de l’aider, la police a rejoint le cortège des agresseurs. Les autorités britanniques compétentes en matière d’asile on refusé sa demande, au motif qu’il aurait pu se réfugier dans une autre région du Cameroun où personne ne le connaissait. Il serait raisonnablement tolérable pour lui d’y cacher son identité de genre. Cependant, la cour suprême a cassé cette décision, estimant que les personnes lesbiennes, gays et bisexuelles ont le droit de vivre librement et ouvertement.1 1 . 1 P o u r q u o i l e s p e r s o n n e s LGB T I d e m a n d e n t e l l e s l’a s i l e ? La présente étude expose les résultats des premières recherches comparées jamais effectuées sur la manière dont les demandes d’asile des personnes LGBTI sont examinées en Europe. Chaque année, des milliers de personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) font une demande d’asile dans l’un des Etats membres de l’UE. Comme l’illustre l’exemple ci-dessus, les décisions d’asile peuvent être fondées sur des conceptions problématiques, dont la rectification nécessite une attention particulière aux aspects liés à la question LGBTI des demandes d’asile concernées. On sait pourtant peu de choses sur les différentes manières dont sont traitées les demandes d’asile des personnes LGBTI au sein des différents pays de l’UE. L’agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) a publié plusieurs rapports sur l’homophobie et les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre dans les Etats membres de l’UE.2 L’une des conclusions du rapport social de la FRA était la suivante : « Il y a un manque important de recherches universitaires et de données officieuses des ONG concernant l’homophobie, la transphobie et les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle 1 2 Cour suprême du Royaume-Uni, 7 juillet 2010, HJ (Iran) et HT (Cameroun) c. Secrétaire d’Etat à l’Intérieur, [2010] UKSC 31 ; [2011] 1 A.C. 596.569. Agence européenne des droits fondamentaux, Homophobie et discrimination fondée sur l’orientation sexuelle dans les États membres de l’UE, Partie I Analyse juridique, 2008 ; Agence européenne des droits fondamentaux, Homophobie et discrimination fondée sur l’orientation sexuelle dans les États membres de l’UE Partie II – La situation sociale, 2009 ; Agence européenne des droits fondamentaux, Homophobie, transphobie et discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, analyse juridique comparative (version mise à jour) FRA 2010; Agence européenne des droits fondamentaux, Homophobia, transphobia and discrimination on grounds of sexual orientation and gender identity in the EU Member States, Summary of findings, trends, challenges and promising practices, 2010. et l’identité de genre dans tous les Etats membres au niveau de l’UE. (...) L’analyse de cet écart de données montre qu’il y a un manque sérieux de recherches et de statistiques quantitatives et qualitatives sur toutes les thématiques couvertes par ce rapport. » Selon ce rapport, l’étude de l’asile est l’une des questions qui semble les plus « négligées dans tous les Etats membres de l’UE. »3 La présente étude a pour objectif d’aider à combler cette lacune en fournissant des recherches plus approfondies et qualitatives à l’aide de données fournies par des avocats, des gouvernements, des universitaires et des ONG, décrivant les politiques et les pratiques concernant les demandeurs d’asile LGBTI. Sur la base de ces informations, nous avons tenté d’identifier : –– les questions sur lesquelles les politiques et les pratiques concernant les demandeurs d’asile sont similaires ou divergentes dans les différents Etats membres de l’UE ; –– les problèmes et dilemmes des Etats membres de l’UE lorsqu’ils tentent d’examiner les demandes d’asile de personnes LGBTI d’une manière juste et efficace ; –– les solutions trouvées par les Etats membres à ces problèmes et dilemmes : les « bonnes pratiques » ; –– les recommandations, qui s’appuient sur les bonnes pratiques des Etats membres de l’UE, ainsi que sur les droits de l’homme internationaux et européens et le droit des réfugiés. Nous souhaitons ainsi contribuer à mettre sur pied une pratique européenne d’examen des demandes d’asile de personnes LGBTI qui soit (a) en conformité totale avec le droit international et européen, et (b) harmonisée. L’intérêt porté aux droits fondamentaux des personnes LGBTI s’est considérablement accru ces dernières années. En témoigne la publication en 2008 du premier rapport complet sur l’homophobie dans les Etats membres de l’UE.4 A l’échelle mondiale, les principes de Yogyakarta sur l’application des normes internationales relatives aux droits de l’homme en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre ont été rédigés en 2007.5 En 2006, 54 Etats membres 3 4 5 Agence européenne des droits fondamentaux, Homophobie et discrimination fondée sur l’orientation sexuelle dans les États membres de l’UE Partie II – La situation sociale, (version mise à jour), 2009, p. 129. Supra, note 2. Panel international d’experts en législation internationale des droits humains et de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, Principes sur l’application du droit international des droits humains en matière d’orientation sexuelle et 13 IN T RODUC T ION ont présenté une déclaration commune au Conseil des droits de l’homme (HRC) sur la violence fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.6 Le Brésil avait précédemment tenté de faire adopter une résolution par la Commission des droits de l’homme en 2003. En 2008, la France et les Pays-Bas ont pris l’initiative d’une déclaration commune à l’Assemblée générale des Nations unies, soutenue par 66 Etats.7 En mars 2011, 85 pays ont appuyé une résolution condamnant ce type de violence, sans atteindre néanmoins la majorité des Etats membres de l’HRC.8 Ce n’est que trois mois plus tard que l’Afrique du Sud a réussi à faire adopter une résolution par l’HRC exigeant une étude sur la discrimination et l’orientation sexuelle.9 Ces évolutions étant récentes, il n’est pas surprenant que les questions liées à l’asile des personnes LGBTI n’aient commencé que récemment à attirer l’attention. La note d’orientation du HCR sur les demandes d’asile liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre a été publiée en 2008. Le commissariat aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a publié un rapport sur les discriminations à l’encontre des personnes LGBT en juin 2011. Au paragraphe sur l’asile, ce rapport qualifie de défis et d’obstacles à surmonter les questions suivantes : la manière dont la criminalisation des personnes LGBT dans leur pays d’origine est traitée, et notamment l’exigence pour ces personnes de dissimuler leur orientation sexuelle ou leur identité de genre ; les conclusions quant à la crédibilité ; ainsi que la situation des demandeurs d’asile LGBT dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile.10 Les trois premiers sujets sont largement traités dans cette étude. A l’heure actuelle, seules deux décisions de recevabilité ont été prises par la Cour européenne des droits de l’homme, toutes deux concluant qu’il n’y avait pas de mauvais traitements systématiques des hommes homosexuels en Iran.11 La seule demande en cours à nous avoir été communiquée concerne un demandeur d’asile iranien homosexuel.12 d’identité de genre (2007), www.yogyakartaprinciples.org. Norvège et al., Déclaration conjointe sur la fin des actes de violence et des violations des droits de l’homme qui y sont liées fondés sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, 1e r décembre 2006, Conseil des droits de l’homme 3e session. 7 Argentine et al., Déclaration conjointe sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, 18 décembre 2008, Assemblée générale des Nations unies, 70e séance plénière. 8 Colombie et al., Déclaration conjointe sur la fin des actes de violence et des violations des droits de l’homme qui y sont liées fondés sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, 22 mars 2011, Conseil des droits de l’homme 16e session. 9 Conseil des droits de l’homme, Résolution sur les droits de l’homme, l’orientation sexuelle et l’identité de genre, A/HRC/17/L.9/Rev.1 (17 juin 2011). 10 Commissariat européen aux droits de l’homme : Discrimination on grounds of sexual orientation and gender identity in Europe, Editions du Conseil de l’Europe, Strasbourg, juin 2011, p. 62-69. 11 CEDH (Dec) 22 juin 2004, F. c. Royaume-Uni, Demande N°. 17431/03; CEDH (Dec) 20 décembre 2004, I.I.N. c. Pays-Bas, Demande. N°. 2035/04. 12 CEDH K.N. c. France, Demande N°. 47129/09 (gay iranien) ; CEDH D.B.N. c. Royaume-Uni, Demande N°. 26550/10 (lesbienne originaire du Zimbabwe) le Le rapport du commissariat aux droits de l’homme attire également l’attention sur le fait que l’identité de genre n’est pas traitée explicitement dans la législation européenne ou celle des Etats membres de l’UE.13 Cependant, la présente étude montre que « l’identité de genre » est explicitement mentionnée dans le contexte de l’appartenance à un groupe social particulier dans le droit des réfugiés au Portugal et en Espagne, ainsi que dans les lignes directrices en matière de politiques en Autriche et au RoyaumeUni.14 Bien que l’identité de genre puisse être englobée dans les « aspects liés aux questions de genre » mentionnés à l’Article 10(1) (d) de la directive qualification, il s’agit là d’une lacune évidente dans la mesure où les Etas membres pourraient alors considérer que l’identité de genre n’est pas un motif de persécution pertinent. Les dernières propositions de refonte de la directive qualification mentionnent explicitement l’identité de genre.15 Les demandes d’asile de personnes LGBTI n’ayant commencé à faire l’objet d’un débat que récemment, il n’est pas surprenant que différentes pratiques coexistent sur ce point en Europe, comme le fait remarquer le commissariat aux droits de l’homme,16 et comme cette étude se propose de le démontrer. Ces divergences peuvent s’approcher d’une non-application de la législation européenne.17 Cela est problématique du point de vue de la politique européenne. Une interprétation et une application harmonisées des concepts du statut de réfugié et de la protection internationale sont au cœur de la politique européenne d’asile. Mais il s’agit également d’une question relative aux droits de l’homme. Si l’interprétation et l’application du droit des réfugiés dans un ou plusieurs Etats européens est en deçà du niveau requis par la législation européenne, non seulement il s’agit d’une violation de la législation européenne elle-même, mais le transfert des demandeurs d’asile vers ces Etats peut également constituer une violation de la législation européenne. Cela a déjà été démontré en matière de droits de l’homme : lorsque la norme dans un pays est en deçà du niveau minimum fixé par la Convention européenne des droits de l’homme, le transfert d’un demandeur d’asile vers cet Etat peut constituer une violation de la Convention.18 La présente étude indique également qu’en ce qui concerne les 6 14 demandeur a été éloigné suite à une décision du Royaume-Uni. 13 Commissaire aux droits de l’homme : Discrimination on grounds of sexual orientation and gender identity in Europe, Editions du Conseil de l’Europe, Strasbourg, juin 2011, p. 65. 14 Voir Ministère de l’Intérieur britannique, Asylum Instruction: Sexual Orientation and Gender Identity in the Asylum Claim, 6 octobre2010, révisé le 13 juin 2011 ; L’Autriche a mentionné explicitement l’identité de genre comme constituant un groupe social dans le « Regierungsvorlage », un document juridiquement contraignant. 15 Conseil de l’Union européenne, Presidency’s Note to the Permanent Representatives Committee, Bruxelles, 6 juillet 2011, 2009/0164 (COD), ASILE 56, CODEC 1133. 16 Supra, p. 62-69. 17 Notre expert national nous a indiqué que la Bulgarie n’applique pas l’article 10(1)(d) de la directive qualification définissant l’orientation sexuelle comme un motif de persécution dans la législation nationale sur l’asile et les réfugiés. 18 CEDH 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, Dem. N°. 30696/09. IN T RODUC T ION demandes de personnes LGBTI, les divergences entre les Etats membres peuvent interférer avec le transfert d’un demandeur d’asile vers l’Etat membre responsable de l’examen de la demande.19 Il est donc urgent de trouver une solution à ces divergences, et ce non seulement en ce qui concerne les demandeurs d’asile LGBTI, mais également à l’échelle des Etats membres et de l’Union européenne dans son ensemble. 1 . 2 L e n o m b r e d e d e m a n d e u r s d ’a s i l e LGB T I ; l e s pay s d ’o r i g i n e La grande majorité des Etats membres de l’UE ne collectent pas de données statistiques sur le nombre de demandeurs d’asile LGBTI. Il est donc impossible de fournir des informations précises sur le nombre de personnes concernées dans l’UE. Cependant, la Belgique et la Norvège établissent quant à elles de telles statistiques.20 Tableau 1 : Décisions concernant les personnes LGBTI en Belgique Année Nombre total de décisions d’asile Décisions d’asile concernant les personnes LGBTI Pourcentage de décisions concernant les personnes LGBTI 2008 8.964 226 2,52% 2009 8.883 362 4,08% 2010 13.170 522 3,96% Total 2008-2010 31.017 1.110 3,58% Source : Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides, Rapports annuels, www.cgra.be/fr/Publications/2_Rapport_annuel/, consulté le 28 juillet 2011 Tableau 2 : Décisions concernant les personnes LGBT en Norvège Année Total des décisions d’asile Décisions d’asile concernant les personnes LGBT LGBT % 2008 9.700 2 1 3 2009 15.686 17 0 17 0,03% 0,11% 2010 16.455 19 7 26 0,15% Total 2008-2010 41.841 38 8 46 0,11% Source : Direction générale de l’immigration norvégienne, www.udi.no/Norwegian-Directorate-of-Immigration/Oversiktsider/Statistikk-/Asylum/Asylum-decisions-infirst-instance-by-outcome-and-nationality--/, consulté le 28 juillet 2011 19 Nous ne rajoutons rien à ce propos car nous n’avons pas pu réunir suffisamment d’informations empiriques sur les affaires LGBTI de Dublin. Cependant, nous vous invitons à consulter le questionnaire (un demandeur d’asile tchétchène n’ayant pas été renvoyé en Pologne en raison d’un grand nombre de tchétchènes homophobes) ; le questionnaire allemand (Verwaltungsgericht (cour administrative) Schleswig-Holstein 7 septembre 2009, 6 B 32/09 : mesure temporaire acceptant de surseoir le transfert d’un demandeur d’asile gay iranien, car il risquait de subir un test de phallométrie, dont la « conformité » avec les normes en matières de droits de l’homme est au moins sérieusement mise en doute ».) le questionnaire néerlandais (contentieux concernant la sécurité physique de deux demandeurs d’asiles gays en Slovénie), Rechtbank (cour régional) Zwolle, 15 décembre 2008, 08/27847 ; 08/27850 ; Afdeling bestuursrechtspraak van de Raad van State (division de la juridiction administrative du Conseil d’Etat) 7 septembre 2009, 200809455/1/V3 ; un demandeur gay originaire d’Iran a vu sa demande rejetée par le Royaume-Uni ; Les Pays-Bas n’ont pas assumé la responsabilité, la décision a été maintenue par les cours, Rechtbank (cour régionale) Zwolle, 14 décembre 2007, n°. 07/38475, Afdeling bestuursrechtspraak van de Raad van State (division judiciaire du Conseil d’Etat) 11 mars 2008, 200800250/1. Le demandeur a obtenu l’asile au Royaume-Uni après un réexamen ultérieur en conséquence de pressions du Parlement européen http://www.unhcr.org/ refworld/docid/47da75002.html. En Finlande, un demandeur d’asile intersexué n’a pas été éloigné pour des raisons de santé ; celui-ci avait besoin d’un traitement hormonal et psychologique, qu’il avait commencé en Finlande ; cela semble sans lien avec la non disponibilité du traitement en Italie. Il existe des données plus approximatives. En 2002, l’Office suédois des migrations estimait le nombre de personnes ayant fait une demande d’asile en Suède fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre à environ 300 par an. Au Pays-Bas, les demandes d’asile de personnes homosexuelles ou transgenres s’élèvent à environ 200 par an. En Italie, d’après le Ministère de l’Intérieur, au moins 54 demandes ont été enregistrées dans la période allant de 2005 au début de l’année 2008, dont au moins 29 ont débouché sur l’octroi du statut de réfugié ou sur une protection humanitaire.21 Il y a lieu de penser que le nombre de demandeurs d’asile LGBTI est plus élevé. Tout au long de ce rapport (voir plus particulièrement le 20 Du 1er juillet 2011, le Royaume-Uni a également recueilli des statistiques dans sa base de donnée relative au traitement des affaires (source : Bill Brandon, Vice-directeur de l’autorité compétente en matière d’asile, 9 juin 2011). 21 Commissariat aux droits de l’homme : Discrimination on grounds of sexual orientation and gender identity in Europe, Editions du Conseil de l’Europe, Strasbourg, juin 2011, p. 66. 15 IN T RODUC T ION Chapitre 7) nous rencontrons des exemples de demandeurs d’asile LGBTI révélant leur orientation sexuelle ou leur identité de genre aux autorités compétentes en matière d’asile seulement une fois leur demande d’asile initiale rejetée. Les autorités d’asile se demandent donc naturellement si ces demandeurs ne feignent pas une identité LGBTI afin d’obtenir le statut de réfugié. Il est cependant indéniable que certaines personnes fuient réellement leur pays d’origine en raison de la persécution liée à leur identité LGBTI mais tentent d’obtenir le statut de réfugié sur d’autres motifs. Ils peuvent au départ avoir tu leurs problèmes liés à l’identité LGBTI par honte, par peur ou parce qu’ils ignoraient que cela pouvait constituer un motif de demande de protection. Comme nous l’avons déjà mentionné, d’autres peuvent avoir obtenu l’asile sur des motifs non liés au fait d’être LGBTI, avec pour conséquence l’invisibilité du réel motif de leur demande. Bien que cela se produise sûrement également dans le cas de demandeurs gays, la probabilité est plus forte chez les demandeurs lesbiennes, bisexuels, transgenres et intersexués, en raison de leur sous-représentation (voir paragraphe 1.6. ci-dessous). Il faut également prendre en compte les personnes qui vivent dans le pays illégalement et ne feront jamais de demande en raison de la honte, de la stigmatisation et de la peur. Nous pensons donc que le nombre de personnes concernées ne peut être déterminé avec exactitude. La différence entre le nombre de demandeurs d’asile LGBTI en Norvège et en Belgique est frappante, et difficile à expliquer. En rapportant le pourcentage moyen pour la Belgique de 3,58 % des décisions au nombre total de demandeurs d’asile dans l’Union européenne en 2010 (qui s’élevait à 235 90022), nous pourrions estimer qu’il y a environ 8450 demandeurs d’asile LGBTI dans l’UE chaque année. En revanche, si nous nous appuyons sur le pourcentage moyen en Norvège, qui est de 0,11 %, nous arrivons à la conclusion qu’il y a eu 260 demandeurs LGBTI en Europe. Il est toutefois improbable que le nombre de demandeurs LGBTI soit aussi bas dans la mesure où les autorités d’asile suédoises et néerlandaises ont estimé respectivement que le nombre de demandeurs d’asile LGBT était de 300 et de 200 par an. Des recherches plus approfondies sur cette question sont donc nécessaires. Pour le moment, le pourcentage belge devrait être considéré comme l’indicateur le plus fiable du nombre de demandeurs LGBTI. Par ailleurs, le nombre probable de personnes non comptabilisées doit être pris en compte. Sur la base de ces suppositions, une estimation grossière nous mène à 10 000 demandes de personnes LGBTI par an dans l’Union européenne. 22 HCR, Asylum Levels and Trends in Industrialized Countries 2010, Statistical overview of asylum applications in Europe and selected non-European countries, 2011, consultable à l’adresse http://www.unhcr.org/4d8c5b109.html. 16 En l’absence de statistiques fiables, il est impossible de déterminer le nombre de demandeurs d’asile LGBTI par pays d’origine. En revanche, il ressort des exemples mentionnés par les experts nationaux ayant pris part à cette étude que les demandeurs LGBTI étaient originaires d’au moins 104 pays dans le monde.23 Il est impossible de connaître leur nombre exact dans la mesure où les données collectées sur les pays d’origines dans cette étude ne l’étaient pas dans un but quantitatif, et ne peuvent donc pas être utilisées dans ce but. 1 . 3 L a m é t h o d o l o g i e En octobre 2010, un questionnaire24 a été envoyé aux experts nationaux de tous les Etats membres afin d’identifier les pratiques existantes dans l’UE, à l’exception de l’Estonie, de la Lettonie et du Luxembourg, où les experts que nous avons contactés nous ont indiqué qu’ils n’étaient pas en mesure de fournir des informations sur les demandeurs d’asile LGBTI. Nous avons inclus la Norvège, qui, si elle n’est pas un Etat membre de l’Union européenne, participe sur certains aspects aux acquis communautaires en matière d’asile, et le Danemark, qui est membre de l’UE mais ne participe actuellement pas à l’acquis25. Les experts nationaux ont été sélectionnés parmi les réseaux du COC Pays-Bas, du Programme de recherche sur le droit migratoire de l’Université libre d’Amsterdam et des partenaires de ce projet : le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (ECRE, et le Réseau juridique européen sur l’asile, ELENA), le Comité Helsinki hongrois et l’association d’avocats italiens de défense des droits LGBT Avvocatura per i diritti LGBT/ Rete Lenford. Le groupe régional européen de l’Association internationale des lesbiennes et des gays (ILGA-Europe) ainsi que le bureau du Haut-commissariat 23 Ces pays comprennent l’Afghanistan, l’Albanie, l’Algérie, l’Angola, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Bangladesh, la Barbade, la Biélorussie, la Bolivie, la BosnieHerzégovine, le Brésil, le Burundi, le Cameroun, la République centrafricaine, le Chili, la Chine, la Colombie, la République démocratique du Congo (RDC), le Costa Rica, la Croatie, Cuba, la Dominique, l’Equateur, l’Egypte, l’Erythrée, l’Estonie*, l’Ethiopie, la Gambie, la Géorgie, le Ghana, le Guatemala, la GuinéeConakry, le Guyana, le Honduras, l’Inde, l’Indonésie, l’Iran, l’Irak, Israël, la Côte d’Ivoire, la Jamaïque, la Jordanie, le Kazakhstan, le Kenya, le Kosovo, le Liban, le Libéria, la Libye, la Lituanie*, la Macédoine, le Malawi, la Malaisie, le Mali, la Mauritanie, l’Ile Maurice, le Mexique, la Moldavie, la Mongolie, le Maroc, le Népal, le Nicaragua, le Niger, le Nigéria, le Pakistan, la Palestine, le Panama, le Paraguay, le Pérou, les Philippines, le Qatar, la Roumanie*, la Russie, le Rwanda, l’Arabie saoudite, le Sénégal, la Serbie, le Sierra Leone, la Slovaquie*, la Somalie, l’Afrique du Sud, le Sri Lanka, Saint- Vincent-et-les-Grenadines, le Soudan, la Syrie, le Tadjikistan, la Tanzanie, la Thaïlande, le Togo, Trinité et Tobago, la Tunisie, la Turquie, le Turkménistan, l’Ouganda, l’Ukraine, les Emirats arabes unis, les Etats-Unis, l’Ouzbékistan, le Venezuela, le Vietnam, le Yémen, la Yougoslavie (FRY), la Zambie, le Zimbabwe. Les pays qui font maintenant partie de l’UE ont été marqués d’un astérisque. 24 Publié à l’adresse www.rechten.vu.nl/fleeinghomophobiareport. 25 La Suisse n’a que partiellement répondu à notre questionnaire. Israël, qui est un Etat associé, a également été inclus car il se trouve que nous connaissons des défenseurs actifs de l’asile pour les personnes LGBTI dans ce pays, et avons décidé de l’inclure afin de montrer la situation d’un Etat dont le système de détermination du droit d’asile n’est aucunement influencé par les directives et règlements européens. IN T RODUC T ION des Nations unies pour les réfugiés de Genève nous ont assisté sur ce projet.26 Chaque questionnaire national mentionne les sources sur lesquelles il se fonde. La plupart de ces questionnaires seront publiés sur le site internet du projet.27 Pour certains Etats membres, les experts nationaux ont estimé ne pas être ne mesure de publier le questionnaire, même de façon anonyme, sans divulguer des informations confidentielles, et ont pour cette raison refusé la publication concernant leur pays. Les questionnaires concernant la Finlande, l’Irlande, la Roumanie et l’Espagne n’ont ainsi pas été publiés. Les lecteurs souhaitant consulter nos sources peuvent contacter les experts nationaux de ces pays pour plus d’informations. Dans le présent rapport, lorsqu’une information concernant un pays en particulier ne renvoie pas à une note de bas de page, cela signifie qu’elle s’appuie sur le questionnaire national du pays concerné, auquel les lecteurs peuvent se référer. L’un des grands avantages de la méthode du questionnaire est de couvrir une large zone géographique. C’est le cas de la présente étude. Le projet inclut de nombreux pays que nous n’aurions pas pu traiter sans travailler sur des questionnaires. Les recherches s’appuyant sur les questionnaires se caractérisent par deux types de problèmes : d’une part, la manière dont les experts nationaux ont compris le contenu du questionnaire est difficile à contrôler. Les différences de contexte peuvent les avoir conduits à ne pas interpréter les questions comme nous les avions entendues ; ou il se peut que nous ayons mal interprété les informations présentées dans le questionnaire par les experts. Nous avons tenté de parer à ce risque de mauvaise interprétation en (a) utilisant le droit d’asile européen comme cadre de référence du questionnaire ; (b) encourageant les experts nationaux à soumettre leurs questions concernant le questionnaire dans des discussions collectives via courrier électronique afin de créer un cadre conceptuel commun ; (c) posant des questions supplémentaires sur le questionnaire national que nous avons reçu, et en demandant aux experts nationaux d’adapter leur questionnaire lorsque cela leur semblait approprié ; (d) en organisant une rencontre de deux jours sur une première mouture du rapport de recherche avec les experts nationaux, afin de garantir une certaine cohérence ; et (e) en leur transmettant la version finale du rapport, afin de leur permettre de corriger d’éventuelles erreurs ou inexactitudes concernant leur pays. Le second aspect problématique de ce type de recherche est que les questionnaires nationaux sont nécessairement différents les uns des autres. Ces différences sont dues à divers facteurs, et en particulier aux écarts entre les environnements de recherche (dans certains pays, les informations les plus pertinentes étaient 26 La liste des experts nationaux sur laquelle nous nous sommes appuyés figure à l’Annexe I. Les membres du comité facultatifs sont quant à eux cités à l’Annexe II. 27 www.rechten.vu.nl/fleeinghomophobiareport disponibles dans des bases de données en ligne comprenant les lignes directrices de politique ainsi que la jurisprudence, tandis que dans d’autres les experts nationaux ont dû commencer à collecter les premières données sur la question) et au type d’expertise et de milieu des experts (universitaires, avocats, ONG). Cette méthode nous a néanmoins permis de rédiger la première étude globale à l’échelle européenne sur les demandes d’asile de personnes LGBTI. Les limites inhérentes à notre approche indiquent que d’autres recherches recourant à d’autres méthodes sont nécessaires pour faire face au manque de données sur les questions liées à l’asile des personnes LGBTI en Europe. Comme nous l’avons déjà mentionné, de nombreux experts ont participé à la rédaction de ce questionnaire. Nous tenons cependant à préciser que l’analyse présentée ici est celle des deux auteurs uniquement. Nous avons discuté nos analyses avec les experts nationaux et notre comité consultatif, et nous avons essayé d’inclure le plus de points de vue possible. Le présent texte ne reflète pas pour autant nécessairement les opinions des personnes consultées ou de celles des organisations pour lesquelles elles travaillent. 1 . 4 L a t e r m i n o l o g i e Dans ce rapport, trois catégories de termes sont utilisées. La première sert à classifier ce qui se produit dans les Etats membres. La seconde concerne les questions LGBTI. La troisième concerne la question de l’asile. 1.4.1 L a l é g i s l at i o n , l e s p o l i t i q u e s , l a p r at i q u e Le questionnaire comprenait des questions sur la législation, les politiques et la pratique de l’Etat membre concerné. Par législation nous entendons tout d’abord les règles juridiques écrites et contraignantes adoptées au cours d’une procédure impliquant les parlements nationaux. Cependant, dans la plupart des pays européens, les instruments législatifs adoptés par le parlement donnent le pouvoir à l’exécutif d’adopter des règles juridiques écrites contraignantes, que nous classons également en tant que législation. Nous pouvons citer en exemple la loi néerlandaise sur les étrangers (adoptée par le Parlement), sur laquelle s’appuient le décret et le règlement sur les étrangers (tous deux adoptés par l’exécutif ). Nous utilisons le terme politiques pour désigner la manière dont l’exécutif utilise le pouvoir de prise de décision accordé par la législation. Souvent, celles-ci existent sous forme écrite, mais n’on pas été adoptées par le parlement de la même manière que la législation formelle ; nous employons dans ce cas l’expression lignes directrices en matière de politiques. Dans certaines juridictions, le terme politiques peut également être utilisé pour désigner une pratique 17 IN T RODUC T ION effective des fonctionnaires si constante qu’en raison du principe de l’égalité de traitement, il est exigé que cette pratique établie soit également suivie dans les autres cas. Il ne nous a pas semblé que cela soit pertinent dans notre contexte. Cela nous amène néanmoins au troisième terme utilisé : pratique. Le terme est employé dans son sens large dans la présente étude. Il se réfère aux cas individuels et couvre tant les cas particuliers que les comportements répétés. Dans ce dernier cas, cela sera précisé dans le texte. Bonnes pratiques se réfère à la législation, aux politiques ou aux pratiques favorisant la réalisation des droits des personnes LGBTI. La prise de conscience de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre fait référence à l’acceptation de soi des personnes LGBTI. Les personnes commencent par se construire une identité lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre ou intersexuée pour eux-mêmes, qu’ils peuvent par la suite révéler ou non aux autres. Nous tenons à insister sur le fait que l’auto-identification est primordiale. Une personne engagée dans un mariage monogame et hétérosexuel peut toutefois se considérer comme lesbienne, gay, ou bisexuelle. S’identifier publiquement comme étant LGBTI peut faire partie ou non du processus de prise de conscience. 1.4.2 LGB T I L’orientation sexuelle et l’identité de genre sont des concepts centraux dans cette étude28. L’orientation sexuelle se réfère à la capacité d’une personne à éprouver une attirance émotionnelle, affective ou sexuelle pour, ou à avoir des relations intimes avec des individus d’un sexe différent (dans ce cas la personne a une orientation hétérosexuelle), du même sexe (dans ce cas la personne est lesbienne ou gay) ou des deux sexes (dans ce cas la personne est bisexuelle). Nous nous efforçons de ne pas rentrer dans les débats politiques et théoriques concernant ces termes, mais cela est parfois impossible. Dans certains cas d’asile, il peut être essentiel de déterminer par exemple si une personne qui s’identifie comme lesbienne ou gay et qui se marie et a des enfants est effectivement lesbienne ou gay, ou si elle est bisexuelle ou hétérosexuelle. La criminalisation est un terme que nous utiliserons fréquemment au cours de cette étude. Nous entendons par là les lois définissant les actes sexuels entre des personnes de même sexe (entre personnes consentantes ayant atteint la majorité sexuelle) comme des crimes. Les actes sexuels précisément concernés par la criminalisation sont rarement énumérés dans la législation, mais sont en général considérés par la justice comme tout acte incluant un contact sexuel jugé immoral. Les actes homosexuels consentis entre des personnes ayant atteint la majorité sexuelle sont illégaux dans 76 pays dans le monde ; dans 40 d’entre eux, seules les relations sexuelles entre hommes sont explicitement interdites par la loi. L’identité de genre se réfère au vécu d’une personne quant à son genre, qui peut correspondre ou non au sexe assigné à la naissance. Ce concept comprend la perception personnelle du corps (qui peut inclure, si elles ont été choisies librement, les modifications de l’apparence ou des fonctions physiques par intervention médicale, chirurgicale ou par tout autre moyen) et d’autres expressions du genre telles que la manière de s’habiller, de parler ou de se comporter. Dans cette étude, nous utilisons l’expression identité de genre comme un terme générique pour les personnes transgenres et intersexuées. Intersexué se réfère à une personne dont le corps n’est pas considéré comme rentrant dans la norme masculine ou féminine. Ce terme peut être utilisé de manière générique pour couvrir des différences de développement sexuel, qui peuvent consister en une affection congénitale pouvant être diagnostiquée dans laquelle le développement du sexe chromosomique, gonadique ou anatomique est atypique. 28 Nous nous sommes appuyés sur les principes de Yogyakarta pour les termes « orientation sexuelle et identité de genre. Pour d’autres termes, nous avons essayé de suivre la terminologie de l’ILGA-Europe. 18 1.4.3 L’a s i l e Dans ce sous-paragraphe, nous souhaitons introduire quelques notions centrales du droit européen et international des réfugiés. Nous n’avons pas l’intention de rappeler les débats concernant ces notions clés, mais de fournir des informations de base concernant les termes que nous utilisons dans cette étude. Il existe une ample littérature fournissant des informations plus approfondies.29 Le droit d’asile prévoit que les personnes qui, si elles retournaient dans leur pays d’origine, seraient confrontées à un type particulier de danger pour leur vie ou leur liberté, sont protégées d’un renvoi dans leur pays. Le concept central au droit d’asile est celui de réfugié. Tel que défini par la Convention de 1951 sur les réfugiés,30 un réfugié est une personne se trouvant hors de son pays de nationalité ou de résidence habituelle, ayant une crainte fondée d’être persécutée en raison de sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un groupe social particulier ou ses opinions politiques.31 L’application de 29 Quelques ouvrages généraux sur le droit d’asile : James C. Hathaway, The Law of Refugee Status, Toronto/Vancouver: Butterworths 1991; James C. Hathaway: The Rights of Refugees under International Law, Cambridge: Cambridge University Press 2005; Guy S. Goodwin-Gill and Jane McAdam: The Refugee in International Law, Oxford: Oxford University Press 2007 (3e Edition). Le livre de référence sur le droit d’asile européen : Hemme Battjes, European Asylum and International Law, Leiden: Brill 2006. 30 Recueil des Traités des Nations Unies 189, p. 137. 31 La définition du réfugié comprend d’autres éléments, qui ne sont cependant pas pertinents dans notre contexte. IN T RODUC T ION cette définition dans les Etats membres de l’UE est harmonisée à un niveau minimal par la directive qualification.32 Une personne réfugiée ne peut être renvoyée dans son pays d’origine ; cela constituerait un refoulement, qui est interdit par l’Article 33 (1) de la Convention de 1951 sur les réfugiés. Ces dernières décennies, l’autorisation de rester sur le territoire a également été accordé sur d’autres motifs.33 Il est notamment interdit de renvoyer une personne vers son pays d’origine si celle-ci est confrontée à un danger réel d’être soumise à la peine de mort, à la torture ou à un traitement ou une peine inhumains ou dégradants. Cela a été explicitement stipulé dans une convention (Convention contre la Torture de l’ONU, article 3), tandis que dans d’autres cas les organismes internationaux de surveillance ont exprimé une règle à cet effet sur la base des normes interdisant la peine de mort, la torture ou des traitements inhumains et dégradants.34 Afin d’harmoniser et de modifier cette pratique, la directive qualification a introduit le concept de protection subsidiaire. Il s’agit de la protection à accorder sur la base de l’article 15 de la directive qualification aux personnes qui, si elles étaient renvoyées dans leur pays d’origine seraient confrontées à un risque réel d’être soumise à –– la peine de mort ou l’exécution capitale ; –– la torture ou les traitements ou punitions inhumains ou dégradants ; –– ou à une menace individuelle sérieuse à la vie ou à la personne d’un civil en raison d’une violence généralisée en situation de conflit armé interne ou international.35 32 La directive 2004/83/EC du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, Journal officiel, L 304, 30 septembre 2004, p. 12-23. La dernière version de la refonte de la directive qualification a été rédigée par le Conseil, Conseil de l’Union européenne, Presidency’s Note to the Permanent Representatives Committee, Bruxelles, 6 juillet 2011, 2009/0164 (COD), ASILE 56, CODEC 1133. 33 Certains pensent que cette protection a été accordé à la place de la protection offerte par le statut de réfugié (c’est-à-dire pour les personnes qui auraient été reconnues formellement comme des réfugiés selon les critères définis par la Convention) tandis que d’autres pensent qu’elle a été accordée en plus de la protection induite par le statut de réfugié (c’est-à-dire les personnes qui n’ont pas pu obtenir le statut de réfugié et auraient été renvoyées vers leur pays d’origine). Dans le contexte qui nous intéresse, ce débat peut être mis de côté. 34 Par exemple, CEDH 20 mars 1991, Cruz Varas c. Suède, Ser. A vol. 201 sur l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme du Conseil de l’Europe ; Comité des droits de l’homme, 13 novembre 2002, C. c. Australie, n° 900/1999 sur l’article 7 de la Convention internationale des Nations unies sur les droits civils et politiques. 35 La formulation de cette dernière provision est problématique : voir pour un premier jugement de la Cour de justice européenne CoJ 17 février 2009, Elgafaji c. Staatssecretaris van Justitie, C-465/07. Dans le cadre de la définition du réfugié, le terme persécution fait référence à des menaces à la vie ou la liberté (cf. article 33(1) de la Convention de Genève de 1951). La notion de « menace à la liberté » est vague. Au fil des ans, le concept de persécution a été de plus en plus souvent interprété et appliqué en référence aux normes des droits de l’homme. Cela est perceptible dans la directive qualification, qui définit à l’Article 9(1)(a) les actes de persécution comme des actes suffisamment graves par leur nature ou leur répétition pour constituer une violation sévère des droits humains fondamentaux. La provision (b) du même paragraphe mentionne la possibilité qu’une accumulation de faits d’importance variable constitue une persécution lorsque ceux-ci sont suffisamment graves pour affecter un individu de manière similaire. Les cas classiques de persécution consistent en des actes réalisés par des représentants de l’Etat (comme la police ou les agents des services secrets qui torturent des suspects) en tant qu’agents de persécution. En revanche, lorsque les violations des droits de l’homme n’émanent pas d’autorités officielles ou de fait, mais d’agents non étatiques (comme les proches ou des gangs), elles peuvent également être pertinentes dans l’octroi du statut de réfugié ou d’une protection subsidiaire. Dans ce type de cas, les violations des droits de l’homme sont considérées comme des actes de persécution si les autorités ne sont pas disposées à fournir une protection contre de tels actes (article 6(c) et 7 de la directive qualification), ou incapables de le faire. Si un demandeur d’asile a établi une crainte fondée d’être persécuté, cela ne veut pas nécessairement dire qu’il peut prétendre au statut de réfugié. La crainte fondée d’être persécuté devrait avoir pour « motif » (article 1A-2 de la Convention sur les réfugiés de 1951) la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un groupe social particulier ou les opinions politiques. Dans le concept de réfugié, la discrimination est un élément central. Dans notre contexte, deux aspects de cette exigence en matière de motif de persécution sont pertinents. Le premier : l’article 10(1)(d) de la directive qualification dispose que, selon la situation dans le pays d’origine, le concept de groupe social particulier dans la définition du réfugié peut s’appliquer à un groupe reposant sur la caractéristique commune de l’orientation sexuelle. Bien que cela soit reconnu dans au moins un Etat membre depuis 1981,36 cette disposition signifie que le statut de réfugié ne saurait être refusé à des demandeurs d’asile LGB au motif que l’exigence d’un motif de persécution n’est pas satisfaite.37 36 Le premier pays à reconnaître l’orientation sexuelle comme un motif de persécution a été les Pays-Bas, dans Afdeling rechtspraak van de Raad van State (Division judiciaire du Conseil d’Etat) 13 août 1981, Rechtspraak Vreemdelingenrecht 1981, 5, Gids Vreemdelingenrecht (oud) D12-51. 37 L’influence du droit européen peut être perçue à travers l’exemple d’Israël, qui n’est pas un membre de l’UE et n’est pas lié par la directive qualification ; selon les experts israéliens avec qui nous avons travaillé, Israël refuse de reconnaître 19 IN T RODUC T ION L’identité de genre n’a pas été explicitement intégrée à la directive qualification, bien qu’elle devrait être considérée comme étant couverte par les « aspects liés au genre » mentionnés à l’article 10(1) (d), et sera probablement inscrite explicitement dans la version révisée de ladite directive. Deuxièmement, à l’article 10(2), la directive qualification codifie un autre aspect largement reconnu des motifs de persécution : les motifs de persécution imputés. Dans notre contexte, il peut arriver qu’une personne soit victime de violence homophobe ou transphobe car celle-ci est perçue de façon erronée comme étant lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre ou intersexuée. Il faut également prendre en compte le cas d’une personne LGBTI qui serait considérée comme enfreignant des normes religieuses ou comme allant à l’encontre de l’idéologie officielle. Dans les deux cas, la personne redoute des actes de persécution en raison d’un motif de persécution attribué, et peut prétendre au statut de réfugié. Il n’existe pas de norme de droit international explicite pour la procédure d’asile. Dans la directive procédures38, l’Union européenne a fixé des normes minimales pour la procédure d’asile, auxquelles la pratique dans les Etats membres devrait être conforme. 1 . 5 L e s o b j e c t i f s d u p r o j e t ; l e s g r o u p e s c i b l é s Ce projet est né du constat qu’il existe un manque de données concernant la manière dont les demandes d’asile de personnes LGBTI sont traitées dans l’Union européenne. Nous souhaitons combler ce vide en regroupant et en diffusant les informations collectées au cours de ce travail. Afin de traiter ces deux problèmes, nous avons tenté d’identifier les bonnes pratiques déjà en application dans certains Etats membres et pouvant servir de référence aux autres Etats membres. L’adoption de telles pratiques par les autres Etats irait dans le sens d’une harmonisation des pratiques des Etats membres concernant l’asile des personnes LGBTI. Afin d’identifier ces bonnes pratiques, nous nous sommes appuyés sur les droits de l’homme internationaux ainsi que sur le droit des réfugiés. L’un des principaux groupes ciblés par ce rapport sont les décideurs politiques de l’Union européenne, tant au niveau communautaire que national. Le terme de décideur politique est utilisé ici dans son acception la plus large, et comprend le Bureau européen d’appui en matière d’asile, la société civile, qui est souvent impliquée dans l’élaboration des politiques, ou encore des organisations telles que le HCR. Pour autant, les politiques ne doivent pas seulement être mises au point mais également appliquées dans la pratique quotidienne. C’est pourquoi nous entendons également informer et sensibiliser les preneurs de décision, les avocats, le corps judiciaire ainsi que la société civile au niveau national. En ce qui concerne la société civile, nous souhaitons plus particulièrement sensibiliser la communauté LGBTI sur la question de l’asile, et la communauté de l’asile aux questions LGBTI. De plus, nous souhaitons que les informations présentées dans ce rapport ainsi que dans les questionnaires nationaux publiés sur le site internet correspondant puissent être utilisées comme ressources à visée formative, et comme point de départ à une analyse et à des recherches plus approfondies. 1 . 6 L’ i n v i s i b i l i t é d e s p e r s o n n e s LB T I Les informations collectées nous ont conduits à deux conclusions majeures : 1. Il y a un décalage considérable entre les différents Etats membres de l’Union européenne dans le traitement des demandes d’asile de personnes LGBTI. 2. Certaines pratiques des Etats membres de l’Union européenne sont problématiques d’un point de vue du droit international des droits de l’homme, et notamment du droit international des réfugiés. les personnes LGBTI comme un groupe social potentiel ; cela est antérieur à la directive qualification, et reflète des évolutions juridiques internes plutôt que le droit européen. 38 La directive 2005/85/EC du Conseil du 1er décembre 2005 sur les normes minimales pour les procédures nationales d’octroi et de retrait du statut de réfugié au niveau de l’UE, Journal officiel L 326, 13 décembre 2005, p. 13-34. Le texte le plus récent sur la refonte de la directive procédures est la proposition modifiée de la Commission, COM (2011) 319 final, Bruxelles, 1er juin 2011. 20 Les publications concernant les questions liées à l’asile des personnes LGBTI ont tendance à se concentrer sur les hommes homosexuels. Nous avons pour cette raison formulé les questions de notre questionnaire de façon neutre, afin de couvrir tous les cas de figure. Nous avons également posé des questions plus explicites et approfondies sur les cas d’asile concernant les demandeurs lesbiennes, bisexuels, transgenres et intersexués. Nous espérions de cette manière éviter de nous concentrer sur les cas d’asile d’hommes homosexuels. Malgré cet effort, les informations concernant les personnes LBTI demeurent rares, et peu de cas ont été rapportés. 39 Bien que ce manque d’informations puisse être interprété comme le reflet d’une plus faible occurrence de la persécution des personnes LBTI dans les pays d’origine, une telle explication semble peu 39 Douze cas de personnes intersexuées ont été rapportés au cours de cette étude. Nous n’avons malheureusement presque pu obtenir aucune autre information à leur propos au-delà de leur simple existence. Le nombre d’affaires concernant des personnes transgenres nous ayant été rapportées est de 67. IN T RODUC T ION plausible. L’idée que la violence anti-gay soit plus courante dans les différents pays concernés que celle visant les personnes lesbiennes, bisexuelles, transgenre et intersexuées n’est tout simplement pas convaincante. fiables sur les questions liées aux personnes transgenres, et encore plus aux personnes intersexuées, sont généralement faibles ; l’invisibilité des demandeurs d’asile transgenres et intersexués peut refléter cet état de fait. Il existe des explications plus plausibles au fait qu’il y ait moins de données disponibles sur les demandes de personnes LBTI. Tout d’abord, les personnes LBTI peuvent être moins enclines à faire une demande d’asile sur le motif de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Il peut y avoir des raisons pour lesquelles ces personnes sont moins ouvertes sur la question, ou moins portées à présenter les questions LBTI aux autorités compétentes en matière d’asile.40 La seconde explication repose sur le fait que le modèle de persécution des personnes LBTI est moins mis en évidence que celui concernant les hommes homosexuels. Lorsque le militant LGBTI David Kato a été assassiné en Ouganda le 26 janvier 2011, les médias, les organisations de la société civile ainsi que les autorités en ont immédiatement été informés, et ont condamné cet acte. A l’inverse, peu d’entre eux tiennent compte du nombre de personnes transgenres assassinées dans le monde ; de janvier 2008 à décembre 2020, 539 personnes transgenres ont été assassinées.41 L’invisibilité des demandeurs d’asile LBTI dans ce rapport peut avoir différentes explications que celles que nous fournissons ci-dessus. Cependant, sans que cela soit notre intention, il est possible que ce rapport reflète l’invisibilité générale des cas de demandes d’asile de personnes LBTI. Nous avons tenté de contrer cela en nous concentrant plus spécifiquement sur les cas de personnes LBTI lorsque cela était possible, et en utilisant plus d’exemples de personnes LBTI que ce qui serait représentatif des informations à notre disposition. Nous pensons que l’invisibilité des cas d’asile de personnes LBTI devrait faire l’objet de recherches plus approfondies. Une autre approche consiste à ne pas s’intéresser aux explications générales quant à l’invisibilité des demandeurs d’asile LBTI, mais plutôt aux différents groupes eux-mêmes. La plus faible fréquence des demandes d’asile déposées par des lesbiennes peut être liée au fait que, d’une manière générale, seulement un tiers de tous les demandeurs d’asile dans les pays occidentaux sont des femmes, et qu’un pourcentage encore plus faible sont des femmes seules. Cette dernière donnée peut expliquer en partie le faible nombre de demandeuses d’asile lesbiennes. Les informations fournies par nos experts nationaux indiquent que la proportion d’hommes homosexuels par rapport à celle des lesbiennes chez les demandeurs d’asile n’est pas de deux pour un, mais que le pourcentage de demandeuses d’asile lesbiennes est bien inférieur. La faible fréquence des demandeurs d’asile bisexuels peut refléter l’invisibilité générale des bisexuels, qui sont à tort catalogués comme lesbiennes/gays ou hétérosexuels, selon les circonstances. La visibilité et les informations 40 Dans les pays occidentaux, une grande partie des personnes transgenres et intersexuées ne révèle pas publiquement son identité de genre. Une étude réalisée sur un échantillon représentatif de 27 000 personnes au Danemark a révélé que 2 personnes transgenres sur 3 n’avaient jamais parlé à personne de leur identité de genre, voir Leyla Gransell et Henning Hansen, Equal and unequal? The living conditions and well being of gay and lesbian people, bisexuals and transgenders in Denmark, Copenhague : Casa 2009, consultable à l’adresse www.casa-analyse.dk/default.asp?Action=Details&Item=387. Il est peu probable que parmi les demandeurs d’asile au sein de l’UE, plus de personnes transgenres le soient publiquement que parmi les personnes sur lesquelles a été effectuée cette étude. 41 Transgender Europe, Trans Murder Monitoring Project: March 2011 Update, consultable à l’adresse http://www.transrespect-transphobia.org/en_US/tvtproject/tmm-results/tmm-march-2011.htm, consulté le 28 juin 2011. 21 IN T RODUC T ION 22 L a criminalisation 2 L a c r i m i n a l i s a t i o n 2 . 1 I n t r o d u c t i o n Dans 76 pays du monde, avoir des relations sexuelles consenties entre adultes avec une personne du même sexe est un acte criminel42, parfois pour les personnes des deux sexes43 et parfois seulement pour les rapports sexuels entre deux hommes.44 Dans sept de ces pays, les actes homosexuels sont passibles de la peine de mort (en Iran, dans les Etats du nord du Nigéria, en Mauritanie, en Arabie Saoudite, dans la région sud de la Somalie, au Soudan et au Yémen). Dans certains de ces 76 pays, les actes sexuels entre personnes du même sexe en ellesmêmes ne sont pas explicitement criminalisés, mais les dispositions criminalisant les comportements « contre nature » ou indécents (ou des appellations similaires) sont appliquées afin de poursuivre les actes sexuels entre personnes du même sexe.45 Nous utiliserons le terme « criminalisation » pour désigner de telles législations. La criminalisation explicite ciblant principalement l’orientation sexuelle et non l’identité de genre, ce chapitre traite principalement de demandes d’asile formulées par des personnes LGB. 46 Cependant, le fait que l’orientation sexuelle soit criminalisée devrait être considéré comme un indicateur que la situation des personnes transgenres et intersexuées est sûrement également problématique. De la même manière, dans certains pays ne criminalisant pas explicitement les actes sexuels lesbiens mais en revanche les actes sexuels gays, il y a des indications 42 Eddie Bruce-Jones et Lucas Paoli Itaborahy: State-sponsored Homophobia, A world survey of laws prohibiting same sex activity between consenting adults, International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association, mai 2011, www.ilga.org, consulté le 5 juillet 2011. 43 Par exemple, le code pénal gambien de 1965, tel que révisé en 2005, article 144 : « Crimes contre-nature. (1) Toute personne qui— (a) a des relations charnelles avec une autre personne contre-nature, ou (b) a des relations charnelles avec un animal, ou (c) permettra à un homme d’avoir des relations charnelles contre-nature avec lui ou elle ; est coupable d’un crime et est passible d’une peine d’emprisonnement de quatorze (14) ans ». (2) Dans cet article - « la connaissance charnelle contre nature » d‘une personne comprend - (a) la connaissance charnelle d‘une personne par l‘anus ou la bouche d‘une personne ; (b) insérer un quelconque objet ou chose dans la vulve ou l‘anus de la personne dans le but de la stimuler sexuellement ; et (c) commettre tout autre acte homosexuel avec la personne ». 44 Un exemple tiré du code pénal ouzbek de 1994, article 120 : « Une Besoqolbozlik, c‘est-à-dire une relation sexuelle volontaire entre deux hommes, sera passible d‘une peine d‘emprisonnement allant jusqu‘a trois ans. » Consultable à l’adresse : http://www.legislationline.org/documents/ id/8931 45 Par exemple le code pénal libanais de 1943, article 534 : « Toute relation sexuelle contre nature est punie d’emprisonnement pour une durée maximale d‘un mois à un an. » 46 En plus des 76 pays criminalisant l’homosexualité mentionnés dans la liste de l’ILGA, dans certains pays les personnes transgenres sont également passibles de poursuites. Par exemple en Turquie, pays qui a aboli la criminalisation des actes homosexuels dès 1858, la loi sur les comportements immoraux est appliquée pour mettre des amendes aux personnes transgenres, tandis que les cours et tribunaux ont parfois appliqué le principe de « provocation injuste » en faveur de personnes ayant commis des crimes contre des personnes transgenres. Voir Commission européenne, Document de travail des services de la Commission : Turkey 2009 Progress Report, Bruxelles, 14 octobre 2009, SEC (2009)1334, p. 26 et p. 72. que les lesbiennes sont également en danger mais qu’elles sont moins surveillées. Il faut également noter que dans certains pays, les identités transgenres peuvent être criminalisées sous couvert d’enfreinte au code vestimentaire ou d’autres transgressions des règles spécifiques au genre. Bien que de nombreux exemples de persécution étatique aient été rapportés par des représentants d’Etats où la criminalisation a été abolie, la question de la criminalisation de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre est de la plus grande importance en ce qui concerne les demandeurs d’asile LGBTI originaires de ces pays. Tout d’abord, dans les pays qui criminalisent l’orientation sexuelle, les personnes LGB risquent d’être poursuivies. Ensuite, la criminalisation vient renforcer un climat général d’homophobie (que l’on peut supposer s’accompagner de transphobie) permettant aux agents étatiques ainsi que non étatiques de persécuter ou de porter préjudice aux personnes LGB(TI) en toute impunité. En bref, la criminalisation fait des personnes LGB des hors la loi, en danger permanent de persécution ou de graves préjudices. La criminalisation devrait-elle être un motif en soi d’octroi de l’asile aux demandeurs originaires de ces pays, dans la mesure où les autorités compétentes en matière d’asile pensent que le demandeur est une personne LGB ? Dans le cas ci-dessous, la réponse a été négative, et s’appuie sur une application de la criminalisation considérée comme faible : Le tribunal irlandais a rejeté l’appel d’une femme lesbienne originaire du Pakistan en déclarant que : « Je reconnais que l’homosexualité est un crime au Pakistan. Il semble néanmoins que les cas d’homosexualité font rarement l’objet de poursuites. A cet égard, je souhaite mentionner le rapport du Département américain d’Etat sur les droits de l’homme au Pakistan de février 2009, dans lequel il est indiqué que « les rapports sexuels homosexuels sont un crime ; en pratique, cependant, le gouvernement engage rarement des poursuites. »47 2 . 2 L e s n o r m e s e u r o p é e n n e s e t i n t e r n a t i o n a l e s Les demandes d’asile doivent être examinées individuellement, mais tous les faits pertinents doivent être pris en compte au cours de cet examen, y compris la législation et les règlements du pays d’origine, ainsi que la manière dont ceux-ci sont appliqués (article 47 Cour d’appel des réfugiés 2009. 23 L a criminalisation 4(3)(a) directive qualification). Il est important qu’un demandeur d’asile ait déjà fait l’objet de persécution ou de menaces directes de persécution (article 4(4) directive qualification), mais cela n’est pas une condition nécessaire à l’octroi du statut de réfugié. Il est clair qu’une peine de prison ou un châtiment corporel au motif d’avoir eu des relations homosexuelles constituent un acte de persécution, car il s’agit d’actes suffisamment graves par leur nature pour constituer des violations sévères des droits humains fondamentaux (article 9(1)(a) directive qualification), notamment le droit à la liberté (article 5 CEDH) et le droit de ne pas être soumis à un traitement inhumain (article 3 CEDH).48 Une personne encourant de telles peines a une crainte fondée d’être persécutée en raison de son appartenance à un groupe social particulier reposant sur la caractéristique commune de l’orientation sexuelle (article 10(1)(d) directive qualification). L’article 9(2)(c) de la directive qualification qualifie les poursuites judiciaires ou les peines disproportionnées ou discriminatoires comme un acte de persécution. La criminalisation étant discriminatoire par nature,49 les poursuites judiciaires ou les peines relevant de lois criminalisant directement ou indirectement les personnes LGBTI en soi constituent une persécution selon la définition de réfugié. Dans les cas de Dudgeon, Norris et Modinos50, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que les dispositions pénales criminalisant l’homosexualité respectivement en Irlande du Nord, en Irlande et à Chypre étaient contraires au droit au respect de la vie privée au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans l’affaire Norris c. Irlande, la cour a examiné « les effets préjudiciables que l’existence même des dispositions législatives en question peuvent avoir sur la vie d’une personne d’orientation homosexuelle. » Cela a débouché sur la reconnaissance du fait que « la criminalisation est en elle-même suffisante à la conclusion que le droit à la vie privée visé à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme d’une personne à qui ces lois peuvent être applicables est violé ».51 48 Sur le châtiment corporel, voir l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, CEDH 25 avril 1978, Tyrer c. Royaume-Uni, Dem. N°. 5856/72; et dans le cadre des demandes d’asile, par exemple CEDH 22 juin 2006, D. c. Turquie, Dem. N°. 24245/03. 49 Formellement, le concept d’indécence peut également être utilisé contre les hétérosexuels. Cependant, celui-ci tend à être utilisé contre les personnes LGBTI en particulier. Cf. Human Rights Watch, This Alien Legacy, The Origins of «Sodomy» Laws in British Colonialism, Human Rights Watch: New York 2008, www.hrw.org, consulté le 5 juillet 2011. 50 CEDH 22 octobre 1981, Dudgeon c. Royaume-Uni, Dem. N°. 7525/76; CEDH 26 octobre 1988, Norris c. Irlande, Dem. N°. 10581/83; CEDH 22 avril 1993, Modinos c. Chypre, Dem. N°. 15070/89. 51 CEDH 26 octobre 1988, Norris c. Irlande, Dem. N°. 10581/83. 24 Toutefois, dans sa première affaire de demande d’asile d’une personne gay, F. c. Royaume-Uni, la Cour européenne des droits de l’homme a décidé que l’éloignement d’une personne LGB vers un pays criminalisant les actes sexuels entre personnes du même sexe (tel que l’Iran) ne constitue pas une violation de l’article 8 CEDH. La cour a estimé que « d’un point de vue purement pragmatique, il ne peut être attendu d’un Etat contractant qu’il n’expulse un étranger que vers un pays respectant totalement et effectivement les droits et libertés garantis par la Convention ».52 Pour sa deuxième affaire de demandeur d’asile gay, I.I.N. c. Pays-Bas, la Cour européenne des droits de l’homme a rejeté la demande d’un iranien gay, en s’appuyant sur l’article 3 de la CEDH. Tandis que le demandeur affirmait avoir été arrêté après avoir été surpris en train d’embrasser un ami dans une allée, la cour n’a trouvé aucune indication que cela ait débouché sur des procédures pénales contre lui. La cour a constaté que les informations « ne faisaient pas état d’un contexte de poursuites actives d’adultes ayant des relations homosexuelles privées et consenties de la part des autorités. »53 La CEDH reconnaît que les lois criminalisant les personnes LGBT, même lorsqu’elles ne sont plus systématiquement appliquées, pourraient l’être officieusement. Les persécutions n’étant dans ce cas pas enregistrées, comme dans le cas de violences infligées par la police, ou la détention extrajudiciaire. De plus, la CEDH souligne le fait que la persécution peut être rencontrée en l’absence d’informations fiables disponibles sur le pays d’origine, ou de preuves que les lois de criminalisation des actes homosexuels sont réellement appliquées.54 2 . 3 L a p r a t i q u e d e s Et a t s Nous avons constaté que la plupart des Etats membres exigent que la criminalisation soit appliquée pour accorder le statut de réfugiés aux demandeurs d’asile originaires de pays criminalisant les actes sexuels entre personnes du même sexe. Cependant, en Italie cela n’est pas le cas. Dans d’autres pays, nos informations ne nous 52 CEDH, 22 juin 2004, F. c. Royaume-Uni, Dem. N°. 17341/03 ; comp. Comité contre la torture 20 mai 2003, CAT, K.S.Y. c. Pays-Bas, 190/2001 (expulsion d’un gay iranien – pas de violation de l’article 3 de la Convention contre la torture) ; comp. sur l’application de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme (concernant les chrétiens du Pakistan) CEDH 28 février 2006, Z et T c. Royaume-Uni, Dem. N° 27034/05. 53 Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, UNHCR Guidance Note on Refugee Claims Relating to Sexual Orientation and Gender Identity, 21 November 2008, par. 20-21, consultable à l’adresse : http://www.unhcr.org/ refworld/docid/48abd5660.html [consulté le 5 juillet 2011]. 54 UN High Commissioner for Refugees, UNHCR Guidance Note on Refugee Claims Relating to Sexual Orientation and Gender Identity, 21 novembre 2008, par. 2021, consultable à l’adresse : http://www.unhcr.org/refworld/docid/48abd5660. html [consulté le 5 juillet 2011]. L a criminalisation permettent pas de tirer de conclusion claire, la plupart du temps en raison du manque de cohérence de la situation. 2.3.1 E x i s t e n c e d ’ u n e c r i m i n a l i s at i o n a p p l i q u é e suffisante En France, l’application effective de la criminalisation est nécessaire à l’obtention du statut de réfugié, mais est ensuite suffisante. Si la criminalisation n’est pas systématiquement appliquée mais l’est régulièrement, cela suffit pour obtenir le statut de réfugié. Si la criminalisation n’est jamais appliquée, la demande est rejetée. Il en va de même en Belgique et en Suède. Au Royaume-Uni, les lois de criminalisation doivent également être appliquées pour constituer une persécution. La cour d’appel a jugé qu’une criminalisation non appliquée ne constituait pas une persécution telle que définie par l’article 9(2)(c), en tant que mesure juridique discriminatoire.55 appliquée pourrait conduire à l’obtention du statut de réfugié, même dans les cas où il n’y a pas d’indication que des poursuites seront engagées dans le cas particulier du demandeur. Cette décision concernait l’Iran58 et le Cameroun,59 tandis que dans un cas marocain, la demande a été rejetée car la position des autorités marocaines sur les poursuites dans les affaires de relations homosexuelles a été jugée « plutôt pragmatique ».60 Aux Pays-Bas, l’existence d’une criminalisation appliquée en Iran a été jugée suffisante pour établir une règle de politique selon laquelle les demandeurs d’asile LGBT originaires d’Iran obtiendraient dans tous les cas l’asile sur des motifs humanitaires fondés sur le droit national. Les décisions et la jurisprudence rejetant les demandes de personnes LGB en raison de l’absence de preuve d’une criminalisation appliquée à l’encontre des personnes LGB61 dans les pays concernés semblent indiquer que les demandeurs LGB originaires de pays où la criminalisation est appliquée pourraient prétendre à l’asile.62 En Irlande, un demandeur d’asile gay d’origine kenyane a été reconnu par le tribunal comme réfugié car la criminalisation de l’homosexualité constituait une preuve prima facie de la persécution étatique en raison de l’orientation sexuelle dans ce pays. Cependant, dans d’autres décisions, parmi lesquelles au moins une concernant un autre Kenyan, le statut de réfugié a été refusé car la criminalisation n’était pas appliquée. Cela suggère que l’existence d’une criminalisation appliquée peut conduire à la reconnaissance des demandeurs d’asile LGB originaires des pays concernés.56 En Autriche, un tribunal a accordé le statut de réfugié à un homme gay iranien au motif que la situation des homosexuels en Iran était tellement grave que tout homosexuel devait craindre d’être persécuté.63 L’expert national pour la Lituanie a indiqué qu’il n’y avait pas eu de cas correspondant à cette question pour le moment, bien que le gouvernement ait déclaré que la criminalisation dans le pays d’origine serait considérée comme une persécution. En Pologne, les autorités compétentes en matière d’asile ont déclaré que l’application ou non de la criminalisation n’était pas pertinente. Cependant, une demande de statut de réfugié d’un pakistanais a été refusée au motif que la criminalisation au Pakistan n’était – d’après le preneur de décision – presque jamais appliquée. 58 Verwaltungsgericht (Cour administrative) Potsdam, 11 septembre 2006 - 9 K 189/03.A. 59 Verwaltungsgericht (Cour administrative) Francfort-sur-l’Oder, 11 novembre 2010, VG 4 K 772/10.A : les arrestations et condamnations de personnes homosexuelles sont rares mais se produisent régulièrement. 60 Oberverwaltungsgericht (Cour administrative supérieure) BerlinBrandenbourg 04 février 2010 - 3 S 120.09. 61 Voir une affaire tunisienne, Rechtbank (Cour régionale) Groningue 30 novembre 2009, 09/41408; Afdeling Bestuursrechtspraak van de Raad van State (Division judiciaire du Conseil d’Etat) 4 février 2010, 200909560/1/V2 ; une affaire camerounaise, Rechtbank (Cour régionale) ‘s-Hertogenbosch 1er octobre 2009, 08/36980, décision maintenue par la Afdeling Bestuursrechtspraak van de Raad van State (Division judiciaire du Conseil d’Etat) 25 janvier 2010, 200908271/1/V1 ; une affaire algérienne, Rechtbank (Cour régionale) ‘s-Gravenhage 9 décembre 2009, 09/23841, décision maintenue par la Afdeling Bestuursrechtspraak van de Raad van State (Division judiciaire du Conseil d’Etat) 27 janvier 2010, 201000184/1A/2. 62 Voir par exemple Rechtbank (Cour régionale) La Haye 11 novembre 2009, 09/13455 : le rapport du département d’Etat américain prouve que le paragraphe 377 du code pénal indien est toujours d’actualité. Cette disposition est régulièrement utilisée pour des descentes de police et des menaces d’arrestation contre les homosexuels lorsque ceux-ci viennent dénoncer des actes de violence. Comp. Rechtbank (Cour régionale) Haarlem 2 mars 2010, 10/5782 : le demandeur a fourni des informations sur le pays d’origine indiquant que plusieurs homosexuels avaient récemment été arrêtés en Tanzanie, que le climat général envers les homosexuels s’était détérioré, et ce pas uniquement envers les militants pour les droits des homosexuels. 63 Asylgerichtshof (Cour d’asile), 17 février 2009, E2 255.708-2/2008. 64 Tribunale (Tribunal) Turin, 5 novembre 2010, 426/10. 65 Commissione territoriale per il riconoscimento della protezione internazionale En Allemagne, un jugement du Bundesverwaltungsgericht de 198857 a estimé que la criminalisation ne suffisait pas pour l’obention du statut de réfugié, qui nécessiterait une peine excessive (telle que la peine de mort ou le châtiment corporel). Cependant, une jurisprudence récente suggère que l’existence d’une criminalisation 55 Royaume-Uni : Cour d’appel (Angleterre et Pays de Galles) 18 novembre 2009, JM (Ouganda) et OO (Soudan) c. Secrétaire d’Etat à l’Intérieur [2009] EWCA Civ 1432; [2010] All ER (D) 17 (Jun). 56 Cour d’appel des réfugiés 2008. Des demandes ont été rejetées sur ce motif dans des affaires concernant le Kenya, l’Ouganda et le Pakistan. 57 Bundesverwaltungsgericht (Cour fédérale administrative) du 15 mars 1988, BVerwG 9 C 278.86. U n e b o n n e p r at i q u e : l’ Ita l i e En Italie, la criminalisation est considérée comme une persécution en soi et comme une limitation de la réalisation d’un droit humain fondamental. Une lesbienne originaire du Sénégal64 a ainsi obtenu l’asile, tout comme un demandeur gay originaire d’Egypte ;65 et un 25 L a criminalisation autre d’Iran66 ; un demandeur d’asile originaire du Ghana67 a quant à lui bénéficié d’une protection subsidiaire. L’application de la loi de criminalisation n’est pas pertinente dans la pratique italienne : les autorités compétentes et les cours et tribunaux ne mènent pas d’enquête quant à l’application de la criminalisation.68 Pour résumer, dans onze Etats membres,69 l’existence d’une criminalisation appliquée est suffisante à la reconnaissance du statut de réfugié pour les demandeurs d’asile LGB, bien que dans certains cas cela ne soit pas jugé suffisant en fonction des circonstances individuelles. En Italie, la question de l’application n’est pas prise en compte et la criminalisation en soi peut permettre l’obtention du statut de réfugié pour les demandeurs d’asile LGB. Dans les Etats membres exigeant que la loi soit appliquée, les informations concernant le pays d’origine sur l’application pratique sont cruciales, ainsi que la manière dont ces informations sont interprétées, comme cela est illustré par le jugement suivant. En 1998, le conseil fédéral pour l’examen de l’asile autrichien a montré une approche plus sensible de l’utilisation des informations sur le pays d’origine concernant d’un homme gay originaire d’Iran : « Bien que la CEDH prétend n’avoir eu connaissance d’aucun cas de poursuites d’une personne fondée sur son homosexualité, les homosexuels peuvent avoir fui l’Iran et avoir obtenu l’asile dans un autre pays, ou des preuves adéquates peuvent ne pas avoir été fournies. Ces informations ne permettent donc pas de conclure que les dispositions iraniennes criminalisant les actes homosexuels ne sont pas appliquées dans la pratique ».70 66 67 68 69 70 26 di Gorizia (Commission territoriale pour la reconnaissance de la protection internationale de Gorizia), janvier 2011. Commissione territoriale per il riconoscimento della protezione internazionale di Milano (Commission territoriale pour la reconnaissance de la protection internationale de Milan), 2011. Tribunale (Tribunal) Caltanissetta 10 février 2010; Tribunale (Tribunal) Catane 4 Mars 2010, 1081/2010 (gay, Ghana) ; Tribunale (Tribunal) Trieste, 17 août 2009, 304/2009 (gay, Bénin) ; Tribunale (Tribunal) Caltanissetta, 7 juin 2010, (gay, Tunisie) ; Commissione territoriale per il riconoscimento della protezione internazionale di Gorizia (Commission territoriale pour la reconnaissance de la protection internationale de Gorizia), janvier 2011 (gay, Egypte) ; Commissione territoriale per il riconoscimento della protezione internazionale di Milano (Commission territoriale pour la reconnaissance de la protection internationale de Milan), 2011 (gay, Iran). Dans toutes les affaires susmentionnées, le demandeur a obtenu le statut de réfugié ou de protection subsidiaire, et dans aucune de ces décision l’application de la criminalisation n’a été évaluée. Seul le Tribunale (Tribunal) de Trieste 11 novembre 2009, 508/09 (gay, Sénégal), a jugé qu‘en dépit de l’existence d’une loi contre la sodomie, il n’y avait pas de preuve d’une quelconque crainte de la persécution parmi les citoyens : cependant, le motif principal du rejet de la demande semble avoir été le manque de crédibilité de l’orientation sexuelle du demandeur. Autriche, Belgique, France, Allemagne, Italie, Irlande, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, Suède, Royaume-Uni. Unabhängiger Bundesasylsenat (Chambre fédérale indépendante des recours en matière d’asile) 28 septembre 1998, 203.430/0-IX/26/98. 2.3.2 E x i s t e n c e d ’ u n e c r i m i n a l i s at i o n a p p l i q u é e n o n suffisante Dans quatre Etats membres, parmi lesquels le Danemark mais aussi la Norvège, l’existence d’une criminalisation appliquée dans le pays d’origine ne semble pas suffire à l’obtention du statut de réfugié.71 Pour cela, il est demandé aux demandeurs d’asile de montrer qu’il y a des indications que des poursuites seront engagées dans leur cas spécifique. Par exemple, lorsque le demandeur d’asile a déjà été détenu ou dénoncé à la police, ou surpris par ses proches ou ses voisins, ou s’il existe d’autres indications que les autorités sont au courant de son comportement criminalisé et peuvent engager des poursuites à leur encontre. Dans de tels cas, le demandeur a non seulement une crainte fondée d’être persécuté, mais la persécution effective a déjà commencé. En Bulgarie, il nous a été rapporté que selon les représentants de l’agence gouvernementale pour les réfugiés, la preuve d’une persécution passée serait inévitablement requise pour une décision positive. En Espagne, dans le cas d’un homme gay originaire d’Algérie, la cour a estimé qu’un « homme gay en Algérie ne peut rencontrer de problèmes, la réalité n’étant pas assez grave pour permettre de considérer que quelqu’un peut être persécuté en raison de son orientation sexuelle. »72 Toujours en Espagne, il a été rapporté que le statut de réfugié pour les demandeurs d’asile LGBTI n’était (à l’exception d’un ou deux cas) accordé qu’aux militants LGBTI. En Finlande, le fait que cinq demandes d’asile de la part de personnes LGB d’origine gambienne aient été refusées, et qu’une seule ait obtenu le statut de réfugié, suggère que l’existence d’une criminalisation (appliquée) n’est pas décisive dans la reconnaissance du statut de réfugié. En fait, la plupart des demandes d’asile de la part de personnes LGB en Finlande provenaient de pays criminalisant l’homosexualité, et la plupart d’entre elles ont été rejetées. De telles décisions ont également été rapportées pour le Danemark, bien qu’elles ne soient pas récentes (Iran, 2000 ;73 Algérie, 1992 et 199874). Dans un arrêt de principe, la Cour d’appel norvégienne a refusé l’asile à un homme gay d’origine iranienne sur les motifs suivants : « La cour d’appel observe que les contraintes que doivent 71 72 73 74 Bulgarie, Danemark, Finlande, Norvège, Espagne. Audiencia Nacional (Cour nationale) 7 novembre 2008, dossier nº 1563/2007. Flygtningenævnet (Commission d’appel des réfugiés) 17 juillet 2000. Flygtningenævnet (Commission d’appel des réfugiés) 2 avril 1992 ; Flygtningenævnet (Commission d’appel des réfugiés) 1er septembre1998. Voir également “Disturbing Knowledge – Decisions from asylum cases as documentation of persecution of LGBT-persons”, LGBT Danmark et Conseil danois pour les réfugiés (2008), http://www.lgbt.dk/uploads/media/ DisturbingKnowledge.PA.01.pdf L a criminalisation endurer les homosexuels en Iran, au regard de la réalisation de leur orientation sexuelle en raison d’une condamnation sociale et religieuse en société, ne peuvent de toute évidence pas être considérées comme de la persécution telle que définie par la Convention de 1951 des Nations unies ou comme un motif de demande de protection. La cour estime par ailleurs que le fait de refuser à un étranger homosexuel le droit de rester en Norvège et de le renvoyer vers son pays d’origine où les pratiques homosexuelles sont punissables par la loi et suscitent une condamnation de la part de la société, ne peut être considéré comme une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme » (nous soulignons).75 « L e s pay s s û r s » Il existe un autre élément étroitement lié à la question de la criminalisation dans les pays d’origine : la pratique dans certains Etats membres consistant à utiliser des listes de « pays d’origine sûrs ». Il s’agit de pays considérés comme sûrs, ce qui a pour conséquence que les demandeurs d’asile originaires des ces pays ont moins de chance de se voir accorder une protection. Ils peuvent, par exemple, voir leur demande expédiée et leurs droits de défense restreints. tribunal s’est référé à ce jugement, en soulignant toutefois le fait que la formulation du terme persécution dans le droit civil tchèque avait changé afin d’intégrer la directive qualification.77 Le tribunal n’a cependant pas tenu compte du faible taux d’application de la criminalisation au Maroc dans son jugement, ce qui laisse planer un doute sur la question de savoir si l'application de la criminalisation suffirait à la reconnaissance du statut de réfugié aux demandeurs d’asile LGB. Dans le cas d’un demandeur d’asile camerounais en Roumanie, le juge de première instance a motivé le rejet de la demande comme suit : « le demandeur d’asile affirme être victime de persécution en raison de son homosexualité. Mais la seule persécution dont il a été victime est constituée par le fait d’avoir été arrêté au motif reconnu d’avoir embrassé et pris dans ses bras un autre homme dans sa voiture. Dans la mesure où l’homosexualité est un crime au Cameroun et que le demandeur a commis ce crime dans une voiture, sur la voie publique, la réaction des autorités à son encontre est parfaitement normale. Par ailleurs, jusqu’en 2001 l’acte commis par le demandeur aurait également été considéré comme un crime en Roumanie, et aurait été puni encore plus sévèrement qu’au Cameroun ». Le juge de seconde instance a néanmoins reconnu le code pénal appliqué du Cameroun et accordé le statut de réfugié. La liste de ces pays n’est pas disponible au public dans certains Etats membres, mais nous avons trouvé les pays suivants sur des listes de ce type : l’Albanie, l’Arménie, le Bénin, la Bosnie-Herzégovine, le Botswana, le Burkina Faso, le Chili, le Costa Rica, le Gabon, le Ghana, l’Inde, la Jamaïque, le Kenya, le Kosovo, la Macédoine, Madagascar, le Mali, l’Ile Maurice, la Moldavie, la Mongole, le Monténégro, le Nigéria, la Russie, le Sénégal, la Serbie, les Seychelles, la Tanzanie, l’Ukraine. Au Portugal, une décision reconnaissant le statut de réfugié à un homme sénégalais s’appuyait sur la criminalisation en soi,78 mais une décision négative concernant une femme et un autre homme tous deux sénégalais n’a même pas mentionné la criminalisation au Sénégal.79 Dans certains de ces pays, les actes sexuels entre personnes du même sexe sont criminalisés (Botswana, Ghana, Inde (partiellement), Jamaïque, Kenya, Ile Maurice, Nigéria, Sénégal, Seychelles, Tanzanie) tandis que dans d’autres, le climat général semble être homophobe et transphobe. Les listes de pays sûrs comprenant des pays homophobes nous ont été fournies par la République tchèque, la France, l’Allemagne, Malte, la Slovaquie, l’Espagne, la Suisse et le Royaume-Uni. L’expert national pour la Slovaquie a indiqué qu’il n’y avait pas de pratique établie concernant les demandes d’asile de personnes LGBTI sur ce point, bien qu’en 2005 le statut de réfugié ait été accordé à un demandeur d’asile bisexuel originaire d’un pays criminalisant l’homosexualité, et que la décision ait abordé les dispositions pénales dans le pays concerné. Il en va de même pour Chypre, la Grèce, et Malte. Selon notre expert national, la pratique est également mal établie en Hongrie. 2.3.3 L e s pay s d a n s l e s q u e l s l a p r at i q u e n ’ e s t pa s claire En République tchèque, dans un cas antérieur à l’entrée en vigueur de la directive qualification, le tribunal a estimé que la criminalisation de l’homosexualité dans le pays d’origine (Maroc) ne constituait pas automatiquement une persécution étant donné la faible application de la sanction pénale.76 Dans un jugement ultérieur, le Un cas remarquable nous a été rapporté pour la Slovénie. Il convient toutefois de noter que ce jugement remonte à 2005, avant la mise en application de la directive qualification. Un homme homosexuel originaire d’Iran a affirmé avoir été surpris au cours d’un acte sexuel avec un autre homme par la police. Le tribunal a jugé qu’il fallait 75 LB-2002-1351 - RG-2002-1259 (196-2002). 76 Cour suprême administrative (République tchèque) 23 novembre 2007, N° 5 Azs 50/2007. 77 Cour suprême administrative (République tchèque) 28 mai 2009, N° 6 Azs 26/2009. 78 Procédure d’asile N° 148B/08. 79 Procédure d’asile N° 97C/08 ; Procédure d’asile N° 30C/10. 27 L a criminalisation déterminer si cela pouvait impliquer un risque réel de peine de mort, et si la loi criminalisant les actes sexuels entre personnes du même sexe en Iran s’appliquait à tous ou uniquement aux homosexuels. Le tribunal a considéré que cela n’était pas pertinent pour déterminer si une clause d’exclusion, fondée sur un crime grave et non politique, devait être appliquée. 2 . 4 C o n c l u s i o n A un niveau empirique, l’existence d’une criminalisation appliquée dans le pays d’origine peut suffire à la reconnaissance du statut de réfugié pour les demandeurs d’asile LGB originaires de tels pays dans onze Etats membres. Dans quatre autres (ainsi qu’en Norvège), l’existence d’une criminalisation appliquée ne suffit pas à obtenir un tel statut. Des indications que cette criminalisation sera appliquée dans le cas individuel du demandeur est requise. Cependant, la plupart des pays dans lesquels l’existence d’une criminalisation appliquée ne suffit pas à la reconnaissance des demandeurs LGB ne refusent pas le fait qu’un demandeur ayant une crainte fondée d’être persécuté en raison d’actes homosexuels entre adultes consentants ait également une crainte fondée d’être persécuté en raison d’une appartenance à un groupe social particulier.80 En conséquence, il semblerait que cette différence entre les pratiques des Etats européens repose essentiellement sur l’exigence d’une « crainte fondée ». Si l’on pouvait s’assurer que les dispositions pénales en jeu ne sont jamais appliquées (par exemple : s’il existe une politique officielle à cet effet élevée au rang de pratique, mais que pour des raisons politiques, culturelles ou religieuses, la révocation de la loi de criminalisation n’est pas jugée prudente par les autorités), le demandeur n’aurait alors pas de crainte fondée d’être persécuté sur la base d’une telle loi. Si l’on pouvait être sûr que la disposition pénale est toujours appliquée, le demandeur aurait alors une crainte fondée de poursuites pénales. La réalité tend à être plus nuancée que ces deux extrêmes, et l’application des dispositions pénales varie selon le lieu et l’époque. Dans les pays criminalisant l’homosexualité, la possibilité d’une éventuelle application est permanente. Il faut également tenir compte du fait que l’existence de sanctions pénales renforce la 80 Bien que la Norvège et la Bulgarie semblent le nier – la Norvège dans la mesure où les peines de prison pour les actes homosexuels ne sont pas considérés comme une persécution, et la Bulgarie dans la mesure où elle n’a pas transposé la définition de l’orientation sexuelle comme un motif de persécution dans sa législation nationale en matière de droit d’asile et de protection des réfugiés conformément à l’article 10(1)(d) de la directive qualification. 28 stigmatisation des personnes LGBTI dans les pays concernés. Même en l’absence d’application, la criminalisation revient à une forme d’homophobie encouragée par l’Etat. De plus, dans la mesure où il y a toujours une possibilité de poursuites, les personnes LGB sont, de manière générale, sans défense contre la violence homophobe ou l’extorsion. Par ailleurs, dans les pays où les actes homosexuels sont criminalisés, la protection étatique contre la violence à l’encontre des personnes LGBTI doit être considérée comme non disponible (voir chapitre 3). Il convient également de remarquer que, bien que nous ayons trouvé de nombreux exemples de demandes d’asile rejetées en raison d’une non-application ou d’une faible application de la criminalisation, cela ne signifie pas nécessairement qu’à l’inverse les demandeurs auraient obtenu le statut de réfugié s’ils étaient originaires de pays où la criminalisation est appliquée. En tenant compte du manque actuel d’informations sur les pays d’origine en ce qui concerne les personnes LGBTI (voir chapitre 8), y compris les informations sur l’application de la criminalisation, on ne peut exclure la possibilité que la question de l’application ou de la nonapplication des dispositions légales à l’encontre des personnes LGBTI soit uniquement utilisée comme un moyen pour les autorités compétentes en matière d’asile de rejeter les demandes de personnes LGB. Comment et dans quelle mesure peut on évaluer l’application des dispositions légales contre l’orientation sexuelle ? Les données sur le taux de poursuites dans les pays d’origine criminalisant l’homosexualité sont rarement fournies par les gouvernements concernés. De plus, les poursuites peuvent être engagées dans des tribunaux islamiques ou locaux, ou d’autres lieux sur lesquels il est difficile d’obtenir des informations. Il est donc essentiel que les informations concernant les pays d’origine soient utilisées à bon escient. Dans le contexte actuel, il est important de ne pas considérer le manque de données sur l’application de la criminalisation comme une indication que celle-ci n’est pas en vigueur. Le manque d’information doit être compris pour ce qu’il est : l’ignorance sur ce point des organisations recueillant les informations. Si l’on convient que les personnes LGB ne devraient pas avoir à dissimuler leur orientation sexuelle (voir chapitre 4), alors le fait que les actes sexuels entre adultes consentants du même sexe soient criminalisés dans le pays d’origine devrait mener à la conclusion que les demandeurs d’asile LGB originaires de ce pays sont des réfugiés. Ils sont susceptibles de commettre des actes criminalisés (ou perçus comme tels) et sont donc susceptibles de tomber sous le coup de la loi pénale. Il y a une probabilité raisonnable qu’une personne LGB originaire d’un pays criminalisant l’homosexualité sera L a criminalisation confrontée à des persécutions à son retour, que ce soit sous la forme de poursuites judiciaires, d’extorsion ou d’autres formes de violence à l’encontre des personnes LGB, sans pouvoir compter sur aucune protection étatique. R e c o m m a n d at i o n s • L’article 4(3)(a) de la directive qualification devrait être appliqué de façon à accorder le statut de réfugié aux demandeurs d’asile lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués originaires de pays où l’orientation sexuelle ou l’identité de genre sont criminalisées, ou encore où les dispositions pénales générales sont utilisées pour poursuivre les personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. • Les pays d’origine criminalisant l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ne peuvent être considérés comme des « pays sûrs » pour les demandeurs d’asile lesbiennes, gay, bisexuels, transgenres et intersexués. 29 L a criminalisation 30 L a p r o t e c t i o n é t a t i q u e c o n t r e l e s a g e n t s d e p e r s é c u t i o n n o n é t a t i q u e s 3 L a p r o t e c t i o n é t a t i q u e c o n t r e l e s p e r s é c u t i o n s n o n é tat i q u e s De nombreux demandeurs d’asile LGBTI ne fuient pas uniquement les persécutions émanant de l’Etat, mais également des persécutions ou mauvais traitements de la part d’agents non étatiques (famille, voisins, autres citoyens ou foules), ou des situations impliquant des agents étatiques et non étatiques. Dans de telles situations, la protection internationale ne sera accordée que si les demandeurs d’asile ne sont pas en mesure de bénéficier d’une protection de la part des autorités nationales de leur pays. La réaction des autorités nationales à la persécution est donc d’importance centrale dans ce type de cas, et la question est de savoir si elles garantissent une protection efficace. pour prévenir la persécution ou les préjudices graves, notamment en s’appuyant sur un système judiciaire efficace dans l’identification, les poursuites et la sanction des actes constituant une persécution ou un préjudice grave, et lorsque le demandeur a accès à une telle protection. Dans la version la plus récente de la proposition de refonte de ladite directive, il est proposé d’ajouter à l’article 7(2) que cette protection doit être efficace et d’une nature non temporaire.82 Ce problème est bien illustré par un cas autrichien : « Par exemple, une personne LGBT qui a été exposée à la violence peut hésiter à se rendre à la police pour demander une protection car elle pourrait être considérée comme une criminelle et non comme une victime. Un demandeur d’asile pourrait donc également établir une demande valide lorsque l’Etat encourage ou tolère des pratiques ou préjudices discriminatoires à son encontre, ou lorsque l’Etat est incapable de lui offrir une protection efficace contre un tel préjudice. »83 (…) Un demandeur d’asile gay originaire d’Ukraine a affirmé avoir été passé à tabac par un groupe nommé « Patriotes ukrainiens » (connu pour harceler régulièrement les homosexuels) alors qu’il se retrouvait avec d’autres homosexuels, en conséquence de quoi il a perdu trois dents. Il a également été ouvertement menacé par des graffiti le concernant personnellement. Lorsqu’il a quitté sa ville pour vivre dans un hôtel, il a demandé au serveur où se trouvait la vie nocturne gay de la ville. Deux jours après, quatre personnes se sont rendues dans sa chambre. Il a été violé par l’un des hommes, qui l’ont menacé et lui ont intimé de ne pas prévenir la police. L’affaire est toujours en cours de jugement, mais la cour constitutionnelle a annulé la décision négative de la cour d’asile, bien qu’il ne soit pas allé porter plainte à la police ukrainienne pour la violation de ses droits.81 Le HCR a constaté que les sanctions pénales pour les actes homosexuels empêchaient l’accès aux personnes LGBT à une protection étatique. « Une demande d’asile peut ainsi être établie lorsque l’Etat n’est pas disposé ou incapable de protéger le demandeur contre les violations commises par des agents étatiques ou non étatiques. Les cas où l’inaction de l’Etat relève de la persécution incluent l’absence de réponse aux demandes d’assistance de la part de la police, et le refus des autorités d’enquêter sur les individus ayant infligé un préjudice au x personnes LGBT, de les poursuivre ou de les punir. »84 3 . 2 L e s d e m a n d e s d e p r o t e c t i o n d e l a p a r t d ’ Et a t s c r i m i n a l i s a n t l e s p e r s o n n e s LGB T I 3 . 1 L e s n o r m e s i n t e r n a t i o n a l e s e t e u r o p é e n n e s La persécution émanant d’agents non étatiques a été reconnue comme pertinente pour l’asile à l’article 6 de la directive qualification. Les agents de persécution ou de préjudice grave comprennent les agents non étatiques, s’il peut être démontré que l’Etat ou que les autorités de facto, y compris les organisations internationales, sont incapables d’offrir une protection contre les persécutions ou préjudices graves, ou réticentes à le faire. La primauté de la protection nationale sur la protection internationale est reflétée dans la directive qualification à l’article 7(2) : une protection est en général offerte lorsque les acteurs mentionnés au paragraphe 1 prennent des « mesures raisonnables » 81 Asylgerichtshof (Cour d’asile) 30 octobre 2009, D12 230.429-2/2009/8E. Dans certains Etats membres, les demandes d’asile de personnes LGBTI sont rejetées au motif que le demandeur devrait avoir demandé la protection des autorités nationales de son pays contre la violence homophobe ou transphobe émanant d’agents non étatiques, alors que ces mêmes autorités criminalisent les personnes LGBTI. 3.2.1 L a p r at i q u e d e s Etat s En Autriche par exemple, une demande préalable de protection de 82 Conseil de l’Union européenne, Presidency’s Note to the Permanent Representatives Committee, Bruxelles, 6 juillet 2011, 2009/0164 (COD), ASILE 56, CODEC 1133. 83 Haut-commissariat européen des Nations unies pour les réfugiés, UNHCR Guidance Note on Refugee Claims Relating to Sexual Orientation and Gender Identity, 21 novembre 2008, p. 22. 84 Ibid. p. 27. 31 L a p r o t e c t i o n é t a t i q u e c o n t r e l e s a g e n t s d e p e r s é c u t i o n n o n é t a t i q u e s la part des autorités nationales a été demandée à un homme gay originaire du Zimbabwe : Il sait qu’il est homosexuel depuis sa scolarité. Au Zimbabwe, la population est contre l’homosexualité, et il a été passé à tabac par des inconnus à plusieurs reprises, et a subi des discriminations. Parfois des personnes le payaient ou lui offraient des cadeaux en échange de relations sexuelles avec lui. Lorsque la communauté l’a découvert, la population l’a de nouveau battu. La décision négative du Bureau fédéral pour l’asile a été annulée une fois et la décision finale n’a pas encore été prise.85 En Finlande, les demandeurs d’asile originaires d’Iran ou du Nigéria doivent avoir demandé une protection de l’Etat.86 En Norvège, la protection a été refusée à un homme éthiopien sur ce motif.87 Au Portugal, cela s’est produit pour des demandeurs d’asile originaires du Sénégal et d’Angola,88 en Suède pour des demandeurs originaires d’Irak, et en Roumanie d’Afghanistan. En Espagne, une demande préalable de protection de l’Etat était également requise pour des pays qui criminalisent l’homosexualité. Bien que les autorités maltaises aient déclaré ne pas avoir cette exigence, un exemple du contraire a été rencontré. L’affaire suivante illustre l’impossibilité de demander une protection de l’Etat dans les pays criminalisant l’homosexualité : au Danemark, un homme bisexuel algérien a subi des menaces avec arme à feu par des fondamentalistes islamiques en raison de son orientation sexuelle. Il leur a cédé des bijoux afin qu’ils le laissent tranquille. Il n’a pas osé dénoncer l’incident à la police de peur d’être condamné à une peine de prison. Au cours des semaines suivantes, il a reçu des menaces de mort par téléphone. Son ami a été égorgé. Sa demande a été rejetée par le Conseil danois pour les réfugiés, au motif qu’il n’y avait aucune indication que son orientation sexuelle était connue des autorités. De plus, la peine maximale en Algérie n’était pas considérée comme « disproportionnée par rapport à la législation danoise ».89 85 Asylgerichtshof (Cour d’asile) 12 août 2010, A2 414.747-1/2010. Un autre demandeur d’asile gay originaire du Nigéria a dû prouver qu’il avait fait une demande de protection auprès des autorités nationales de son pays d’origine. 86 Maahanmuuttovirasto (Service de l’immigration finlandais) 25 novembre 2009 et Helsingin hallinto-oikeus (Cour administrative d’Helsinki) 26 octobre 2010, 10/1422/1. 87 Asylgerichtshof (Cour d’asile) 1er mars 2011, DUF: 2007 059077 09. 88 Procédure d’asile n° 97C/08, Procédure d’asile n° 30C/10, Procédure d’asile n° 124T/09. 89 Décision de la Commission d’appel pour les réfugiés, 1998 ; Art. 338 du code pénal algérien : toute personne qui participe à des actes homosexuels est passible d’une peine de deux mois à deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 à 2 000 dinars algériens (Lois contre la sodomie 21 avril 2005 ; ILGA avril 2007, 6). Voir également “Disturbing Knowledge – Decisions from asylum cases as documentation of persecution of LGBT-persons”, LGBT Danmark et Conseil danois pour les réfugiés (2008). 32 Aucun exemple allant dans l’un ou l’autre sens n’a été rapporté pour la Bulgarie, la Grèce, la Slovaquie, la Slovénie, la Hongrie, la Pologne, la Lituanie et la République tchèque. 3.2.2 L e s b o n n e s p r at i q u e s Les Pays-Bas offrent un bon exemple de bonne pratique : depuis juillet 2009, les lignes directrices en matière de politiques recommandent explicitement que « dès lors que les actes homosexuels sont criminalisés dans un pays d’origine, le demandeur d’asile n’a pas d’obligation de devoir invoquer la protection des autorités nationales de son pays » (circulaire relative aux étrangers C2/2.10.2). De plus, cette politique s’intègre à des lignes directrices en matière de politiques concernant des pays en particulier. « Les homosexuels originaires de [nom du pays] ne doivent pas demander de protection à la police. » Les homosexuels originaires des pays suivants n’ont donc pas d’obligation de demander une protection nationale en cas de problèmes liés à leur orientation sexuelle : Afghanistan, République démocratique du Congo, Guinée, Irak, Côte d’Ivoire, Népal (en ce qui concerne les homosexuels, les travestis et les personnes transgenres) Nigéria90, Sierra Leone, Sri Lanka, et Syrie. Il convient de noter que dans certains de ces pays les actes homosexuels ne sont pas criminalisés, par exemple au Népal ou en Côte d’Ivoire. Pour les pays criminalisant l’homosexualité et ne figurant pas dans ces lignes directrices par pays, les personnes LGB peuvent demander une exemption de l’obligation de demander une protection nationale conformément à la règle de politique générale, dont l’application n’est pas restreinte à des pays en particulier et s’applique à tous les pays où les actes homosexuels sont criminalisés. En Irlande, pour une décision d’appel concernant un demandeur d’asile homosexuel kenyan, le tribunal s’est référé aux informations sur le pays d’origine, et a constaté que l’homosexualité était illégale au Kenya, et qu’« en plus d’une législation répressive, les personnes homosexuelles risquaient la stigmatisation et la discrimination » ; il a déclaré que « selon le tribunal, ce fait objectif dispensait le demandeur de l’obligation d’avoir recours à la protection étatique lorsque celle-ci était disponible ». Conformément à cette décision, il a été reconnu que le demandeur risquait d’être persécuté s’il était renvoyé au Kenya et qu’on ne pouvait lui demander de recourir à une protection de la part de la police ou d’autres autorités étatiques.91 Cependant, d’après nos informations la pratique Irlandaise est incohérente, car dans d’autres cas il a été exigé du demandeur 90 Pour le Nigéria, les lignes directrices indiquent que les actes homosexuels sont des actes criminels, et se réfèrent aux règles générales de politique disposant notamment que les demandeurs ne sont pas tenus de demander une protection nationale si l’homosexualité est criminalisée dans le pays d’origine. 91 Cour d’appel des réfugiés 2008. L a p r o t e c t i o n é t a t i q u e c o n t r e l e s a g e n t s d e p e r s é c u t i o n n o n é t a t i q u e s qu’il cherche à bénéficier d’une protection policière dans des pays criminalisant l’homosexualité. Les experts pour la France, l’Allemagne et l’Italie ont signalé qu’il n’était pas requis de demander une protection étatique contre les agents non étatiques pour les personnes LGBTI originaires de pays criminalisant l’homosexualité. Le Royaume-Uni semble avoir la même approche, dans la mesure où les demandeurs d’asile jamaïcains n’ont pas d’obligation de demander une protection à leurs autorités en raison du climat homophobe qui y règne.92 3.2.3 C o n c l u s i o n Nous arrivons à la conclusion que la pratique des Etats de l’Union européenne est très variable sur ce point. Selon les informations dont nous disposons, demander une protection étatique, et ce même dans les pays criminalisant les personnes LGBTI, est requis en Autriche, au Danemark, en Finlande, en Irlande, en Norvège, au Portugal, en Suède, en Roumanie, à Malte et en Espagne. Dans d’autres Etats membres, demander une protection de l’Etat n’est pas obligatoire pour les ressortissants de pays où les personnes LGBTI sont criminalisées ; c’est le cas des Pays-Bas, de la France, de l’Allemagne et de l’Italie. Il va de soi que dans les pays où les actes homosexuels (ou d’autres sexualités « déviantes ») sont criminalisés, les actes de persécution non étatique (y compris la discrimination) ne peuvent être contrés en se tournant vers les autorités pour bénéficier d’une protection, car cela pourrait déboucher sur des sanctions pénales fondées sur l’orientation sexuelle. Même dans les pays où les sanctions pénales à l’encontre des personnes LGBTI ne sont pas activement appliquées, on ne peut raisonnablement attendre une protection efficace des autorités. R e c o m m a n d at i o n s • L’article 7 de la directive qualification devrait être appliqué de sorte que les demandeurs d’asile lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués n’aient l’obligation de demander la protection des autorités de leur pays que s’il a été établi qu’une protection efficace et d’une nature non temporaire est généralement offerte aux personnes lesbiennes, gay, bisexuelles, transgenres et intersexuées dans le pays concerné. 92 Tribunal d’asile et immigration, DW (Jamaïque) c. Secrétaire d’Etat à l’Intérieur, CG [2005] UKAIT 00168 et Upper Tribunal britannique, 24 juin 2011, SW (Jamaïque) c. Secrétaire d’Etat à l’Intérieur, CG [2011] UKUT 00251. Voir également Ministère de l’Intérieur britannique, Operational Guidance Note: Jamaica, 3 mai 2011, v 9.0, paragraphe 3.7.7. • L’article 7 de la directive qualification devrait être appliqué de sorte que, pour les pays où l’orientation sexuelle ou l’identité de genre sont criminalisées, les demandeurs d’asile lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués n’aient pas d’obligation de demander la protection des autorités nationales de leur pays. 3 . 3 L a p r o t e c t i o n é t a t i q u e e t l e s a u t o r i t é s homophobes/ transphobes Il est possible que dans le pays d’origine du demandeur d’asile, les dispositions pénales à l’encontre des personnes LGBTI n’aient jamais été appliquées, ou que la loi pénale ait été modifiée afin de décriminaliser l’homosexualité. Même dans ce cas, on ne peut raisonnablement attendre des demandeurs d’asile LGBTI qu’ils demandent la protection des autorités nationales de leur pays, cela pouvant se révéler inutile, car les autorités ne feraient rien pour les protéger, voire dangereux pour leur sécurité ultérieure au regard des autorités et/ou d’agents non étatiques. 3.3.1 L a p r at i q u e d e s Etat s Nous prenons soin de fournir de nombreux exemples de la notion de protection étatique dans les pays d’origine où la police ou d’autres autorités sont homophobes ou transphobes en raison de la grande diversité des pratiques des Etats membres. En Finlande, de nombreuses affaires concernent des personnes LGB d’origine russe. Pour les preneurs de décision, ces personnes devraient demander une protection policière ; en l’absence d’intervention de la police, elles devraient porter plainte. Dans tous les cas recensés, les demandeurs d’asile ont souffert d’une attitude incorrecte, voire hostile de la part de la police.93 Nous avons également eu connaissance d’une décision d’asile positive pour la Finlande concernant l’Irak, où les relations homosexuelles ne sont pas clairement criminalisées par la loi (selon l’ILGA) : « En général, les autorités ne peuvent assurer la protection nécessaire, car l’homosexualité est considérée comme illégale du point de vue religieux et des valeurs traditionnelles. Dans la plupart des cas où des homosexuels ont subi des violences, des meurtres d’honneur, la prostitution forcée ou des enlèvements, personne n’a été puni pour ces actes. Dans de nombreux cas, les policiers ont infligé des mauvais traitements, abusé sexuellement et fait subir du chantage aux personnes concernées. »94 93 Helsingin hallinto-oikeus (Cour administrative d’Helsinki) 26 octobre 2007, 07/1355/1 ; Helsingin hallinto-oikeus (Cour administrative d’Helsinki) 30 septembre 2008, 08/1444/3 ; Maahanmuuttovirasto (Service de l’immigration finlandais) 7 septembre 2009. 94 Maahanmuuttovirasto (Service de l’immigration finlandais) 12 février 2010. 33 L a p r o t e c t i o n é t a t i q u e c o n t r e l e s a g e n t s d e p e r s é c u t i o n n o n é t a t i q u e s En ce qui concerne le Danemark, les exemples pour lesquels la protection policière a été exigée concernaient la Russie (1994, 2003), l’Albanie (2002), la Lituanie (1997), et la Turquie (2000).95 Lorsque les pays de l’ancienne Union soviétique ont dépénalisé l’homosexualité, les demandes ont immédiatement été rejetées, avant que toute preuve concernant la possibilité d’une protection de la part des autorités ait pu être obtenue (par exemple pour la Russie en 1994). Dans le cas d’un homme homosexuel originaire de Roumanie (1995), la décision était fondée sur une dépénalisation attendue dans un futur proche.96 En Lituanie, deux demandeurs d’asile Kazakhs qui avaient affirmé avoir demandé la protection de la milice, bien que celle-ci ne prenne habituellement aucune mesure dans ce sens et avait même énoncé des idées telles que : « les homosexuels doivent être exterminés. » Les informations sur le pays d’origine ont montré qu’aucune protection n’était généralement garantie aux personnes homosexuelles au Kazakhstan. Pour autant, le Département des migrations lituanien a exigé des preuves qu’ils avaient activement demandé une protection aux autorités étatiques kazakhs et que celles-ci étaient incapables de leur accorder ou non disposées à le faire. Plusieurs jugements tchèques antérieurs à l’entrée en vigueur de la directive qualification ont retenu que les demandeurs d’asile n’avaient pas demandé la protection des autorités étatiques de leur pays d’origine, alors même que la police avait la réputation d’être homophobe.97 Depuis la transposition de la directive qualification, la cour administrative suprême interprète cette exigence à la lumière de l’art. 7(2) de la directive qualification. Depuis que le Département des politiques de l’asile et des migrations (DAMP) ne peut plus rejeter une demande d’asile uniquement au motif que les persécutions émanent « d’agents non étatiques », l’absence de demande de 95 Russie : Flygtningenævnet (Commission d’appel des réfugiés) 12 janvier 1994; Flygtningenævnet (Commission d’appel des réfugiés) 25 février 2003 ; Albanie : Flygtningenævnet (Commission d’appel des réfugiés) 16 mai 2002 ; Lituanie : Flygtningenævnet (Commission d’appel des réfugiés) 28 juillet 1997 ; Turquie : Flygtningenævnet (Commission d’appel des réfugiés) 16 février 2000. 96 Flygtningenævnet (Commission d’appel des réfugiés), 11 mai 1995. 97 Des demandes ont été rejetées car les demandeurs n’avaient pas cherché à obtenir de protection étatique contre la persécution émanant d’agents non étatiques, bien que l’efficacité et/ou la disponibilité de la protection étaient discutables ou aucunement prises en compte par le Département des Politiques d’Asile et d’Immigration du Ministère de l’Intérieur. Voir par exemple la Cour suprême administrative (République tchèque), 5 octobre 2006, N° 2 Azs 66/2006 ; et Cour suprême administrative (République tchèque), 27 février 2008, N° 6 Azs 4/2008. Voir également les cas dans lesquels les demandeurs ont dû demander une protection étatique (aux échelons supérieurs de la hiérarchie de la police) bien qu’ils aient été victimes d’humiliations, d’intimidations ou de harcèlement sexuel par la police lorsqu’ils se sont tournés vers les agents de police locaux : par exemple Cour suprême administrative (République tchèque) 20 avril 2005, N° 3 Azs 245/2004 ; Cour suprême administrative (République tchèque) 30 octobre 2006, N° 4 Azs 13/2006 ; and Cour suprême administrative (République tchèque) 30 juin 2006, No. 8 Azs 101/2005. 34 protection aux autorités étatiques est devenue l’une des raisons les plus courantes de rejet des demandes d’asile. Il n’y a cependant pas eu de cas de personnes LGBTI traitant ces questions de manière globale pour le moment. La jurisprudence de la division judiciaire du Conseil d’Etat néerlandais retient qu’il faut tout d’abord établir si les autorités du pays concerné fournissent habituellement une protection. Seulement une fois cela établi, il convient de déterminer si le demandeur d’asile a démontré qu’une demande de protection aurait été clairement dangereuse ou inutile. Dans le cas contraire, le demandeur doit avoir demandé une protection étatique. Les autorités ne sont considérées avoir été dans l’incapacité ou non disposées à offrir une protection que si le demandeur a invoqué une protection en vain.98 Ce n’est qu’une fois que la demande s’est révélée dangereuse ou inutile qu’elle est examinée sur le fond. Le rapport national néerlandais sur l’Arménie99 déclare « qu’en général les homosexuels ne demandent pas d’aide à la police car il n’y a aucune garantie qu’ils obtiendront une telle protection. En s’adressant à la police, ils prennent le risque d’être victime de chantage. » Cependant, d’après le tribunal, dans le cas d’un homme homosexuel arménien, cela ne signifie pas que demander la protection d’autorités supérieures serait dangereux ou inutile.100 Pour la Turquie, les lignes directrices néerlandaises en matière de politiques déclarent explicitement que les « homosexuels, les travestis et les personnes transgenres peuvent obtenir une protection nationale, sauf s’il a été établi que dans le cas spécifique concerné cela n’est pas le cas », bien que cette information contredise celle fournie par le rapport national néerlandais sur la Turquie.101 98 Par exemple Afdeling Bestuursrechtspraak van de Raad van State (Division judiciaire du Conseil d’Etat) 12 décembre 2010, LJN : BL4567. 99 Ministère des Affaires étrangères néerlandais, Country Report Armenia, 19 décembre 2006. 100 Rechtbank (Cour régionale) Zutphen, 10 octobre 2007, n° 07/17458 (appel rejeté). Décision maintenue par la Afdeling Bestuursrechtspraak van de Raad van State (Division judiciaire du Conseil d’Etat) 18 février 2008, 200707743/1. Comp. Rechtbank (Cour régionale) Groningue 3 novembre 2008, n° 08/12467, appel rejeté sans raison par la Division judiciaire du Conseil d’Etat 7 avril 2009, 200808661/1/V1 (Chine) ; Rechtbank (Cour régionale) ‘s-Hertogenbosch 16 février 2010, n° 09/16343, appel rejeté sans raison par la Division judiciaire du Conseil d’Etat 11 juin 2010, 201002793/1A/2. Voir également Rechtbank (Regional Court) Almelo 28 mai 2010, n° 10/16955, Division judiciaire du Conseil d’Etat, 31 août 2010, 201005517/1/V2 (appel rejeté) ; Rechtbank (Cour régionale) Arnhem, 21 décembre 2006, n° 06/21595, Division judiciaire du Conseil d’Etat 8 juin 2007, 200700569/1 (appel rejeté), Rechtbank (Cour régionale) Zutphen 17 mars 2006, n° 06/9846 (appel rejeté). 101 Voir Ministère des Affaires étrangères néerlandais, Country Report Turkey, 1er septembre 2010, par. 3.4.6, consultable à l’adresse http://www.rijksoverheid. nl/ministeries/bz/documenten-en-publicaties/ambtsberichten/2010/09/14/ turkije-2010-09-14.html. L a p r o t e c t i o n é t a t i q u e c o n t r e l e s a g e n t s d e p e r s é c u t i o n n o n é t a t i q u e s Les décisions rapportées pour le Portugal indiquent que le fait de demander une protection policière est toujours exigé. Les autorités portugaises ne semblent pas rechercher d’information sur la disponibilité d’une telle protection pour les personnes LGBTI, et cela ne pèse pas sur la prise de décision. En Suède, il est courant d’exiger des personnes LGBTI originaires des Etats de l’ex-Union soviétique (comme le Kazakhstan et le Kirghizstan) et de Mongolie de demander une protection étatique. En Allemagne, il n’est généralement pas obligatoire pour les demandeurs d’asile LGBTI de demander une protection aux autorités notoirement homophobes, à l’exception du cas d’une femme transgenre originaire du Vénézuéla dont la demande a été rejetée : l’office fédéral a considéré qu’elle aurait pu dénoncer à la police les menaces qui lui ont été faites par un gang criminel. Malgré le fait qu’elle ait déclaré avoir été fréquemment victime de traitements dégradants de la part des autorités étatiques et ne pas pouvoir obtenir de protection de la police en raison de sa corruption et de sa coopération avec l’association de malfaiteurs en question, la cour a approuvé la décision de l’office fédéral. Il faut cependant noter que les raisons principales du rejet de la demande étaient les doutes significatifs concernant sa crédibilité.102 En Espagne, la demande d’un homosexuel Géorgien ayant été victime d’agressions physiques en raison de son orientation sexuelle a été rejetée par la cour nationale car « l’attitude de la police n’était pas totalement passive envers les problèmes sur lesquels le demandeur a fondé sa demande d’asile ». La cour est arrivée à cette conclusion « dans la mesure où le jour de l’agression, la police est intervenue, bien qu’elle n’ait pas pris de mesures aussi efficaces que nécessaire. »103 La cour nationale du droit d’asile a retenu qu’un demandeur kosovar n’avait pas demandé la protection de la police : « Bien que l’homosexualité ne soit pas criminalisée au Kosovo, les homosexuels peuvent être victimes de graves discriminations et violences ; les plaintes déposées aux autorités ne sont pas toujours suivies lorsqu’elles concernent des personnes appartenant à la communauté homosexuelle et peuvent même donner lieu à des représailles ; les individus ayant été victimes de tels actes ne déposent souvent pas de plainte ; l’attitude des autorités kosovardes peut être perçue comme encourageant les actes homophobes ».104 En Allemagne, il n’est généralement pas exigé des personnes LGBTI de demander une protection étatique dans les pays où les autorités sont homophobes (à une exception près, voir ci-dessus). 3.3.3 C o n c lu s i o n Les pratiques des Etats sont très variées sur ce point. Il est clair que dans les pays où les autorités nationales ou locales sont homophobes ou transphobes, les actes de persécution non étatiques (y compris la discrimination) ne peuvent trouver de solution dans une demande de protection de la part des autorités car cela pourrait exposer la personne à d’autres actes homophobes ou transphobes, cette fois-ci de la part de la police. Même dans les cas où les autorités sont peu susceptibles de commettre des actes de violence à l’encontre des personnes LGBTI, il est peu probable que des autorités homophobes et transphobes offrent une protection efficace et non temporaire contre les violences à l’encontre des personnes LGBTI ou d’autres formes de discrimination. R e c o m m a n d at i o n • La jurisprudence du Bureau des étrangers polonais ainsi que celle de la cour est cohérente en ce qu’elle exige des demandeurs d’asile qu’ils démontrent l’impossibilité ou l’inefficacité de la protection étatique. Il peut cependant leur être demandé de présenter les preuves des motifs pour lesquels une telle protection serait impossible à obtenir ou inefficace, et ainsi réfuter la présomption. Dans le cas d’une personne transgenre originaire de la République d’Ingouchie, le bureau a reconnu que les autorités locales n’étaient pas disposées à offrir leur protection. L’article 7 de la directive qualification devrait être appliqué de sorte que lorsque des agents de protection potentiels sont susceptibles d’être homophobes ou transphobes, les demandeurs d’asile lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués ne soient pas soumis à l’obligation d’avoir demandé la protection des autorités. 3.3.2 L e s b o n n e s p r at i q u e s En France, l’homophobie des cercles officiels est prise en compte en ce qui concerne l’exigence d’une demande de protection étatique : 102 Verwaltungsgericht (Cour administrative) Dresde, 15 mai 2009, A1 K 30157/07. 103 Audiencia Nacional (Cour nationale) 23 mai 2007, dossier nº 412/2004. 104 Cour Nationale du Droit d’Asile, 23 décembre 2009, réf. 09012138 ; pour des jugements similaires concernant le Maroc, voir Cour Nationale du Droit d’Asile, 29 janvier 2008, réf. 602367 ; et concernant l’Albanie Cour Nationale du Droit d’Asile, 10 décembre 2009, réf. 08018574. 35 36 L’e x i g e n c e d e d i s c r é t i o n 4 L’ e x i g e n c e d e d i s c r é t i o n Dans de nombreuses régions du monde, les personnes cachent encore leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. EIles dissimulent leur orientation sexuelle ou leur identité de genre car elles redoutent de subir des préjudices de la part de membres de leur famille, de leurs amis, de leurs voisins, de la société en général ou des autorités étatiques. Les réactions face à la révélation de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre (le coming out) peuvent prendre les formes suivantes : violences, discrimination, mariage forcé, torture, viol, meurtre, etc. Les personnes LGBTI quittant leur pays pour trouver refuge et demandant une protection internationale dans un autre pays se voient souvent opposer un refus au motif qu’elles n’avaient rien à craindre dans leur pays d’origine tant qu’elles « restaient discrètes ». L’exigence explicite ou implicite qu’une personne agisse avec discrétion afin d’éviter les persécutions en raison de son orientation sexuelle ou son identité de genre existe dans de nombreux pays et systèmes juridiques. La discrétion est souvent requise dans le contexte de la possibilité de protection interne (voir également chapitre 5). Dans le cas d’un demandeur d’asile algérien, l’Office de l’immigration et de la nationalité hongrois a jugé que « même si des sanctions pénales à l’encontre des homosexuels ou des comportements homosexuels sont en vigueur, l’orientation sexuelle peut trouver sa réalisation d’une manière secrète et discrète, afin d’éviter d’éventuelles agressions. » Au cours de la dernière décennie, ce type de raisonnement a été sévèrement critiqué par des avocats et des militants, avec pour conséquence des changements considérables dans la pratique en matière d’asile de certains pays non européens.105 105 En 2003, la Cour supérieure australienne a estimé : « Il serait contraire à l’objet de la Convention que les pays signataires leur demandent de modifier leurs croyances ou opinions, ou de dissimuler leur race, nationalité ou appartenance à un groupe social particulier avant de leur accorder la protection garantie par la Convention ». Cour supérieure australienne 9 décembre 2003, Demandeur S396/2002 c. Ministère de l’Immigration et des affaires multiculturelles, [2003] HCA 71, S395/2002 etS396/2002. En 2004, l’autorité néo-zélandaise de recours pour les demandeurs d’asile a jugé que: « En exigeant du demandeur d’asile qu’il abandonne un droit fondamental, le preneur de décision lui demande le même comportement soumis et conforme, la même négation d’un droit fondamental que l’agent de persécution tente d’obtenir par ses actes de persécution. La complicité potentielle du décisionnaire avec la situation de persécution du demandeur dans son pays d’origine doit être prise en compte ». Appel n° 74665/03, 7 juillet 2004 ; cf. pour des jugements similaires : Cour fédérale d’appel des Etats-Unis pour le neuvième circuit 7 mars 2005, Karouni c. Gonzales, Procureur général, N° 02-72651, 399 F.3d 1163 (2005), et : Cour fédérale du Canada 8 octobre 2008, Atta Fosu c. Ministère de la Citoyenneté et l’Immigration, 2008 FC 1135. 4 . 1 L e s n o r m e s i n t e r n a t i o n a l e s e t e u r o p é e n n e s L’article 1A-2 de la Convention sur les réfugiés (et par suite l’article 2(c) de la directive qualification) définit le réfugié comme une personne ayant une crainte fondée d’être persécuté pour des raisons faisant partie de l’un des cinq motifs de persécution. L’un de ces motifs est l’appartenance à un groupe social particulier. L’article 10(1)(d) de la directive qualification dispose qu’un groupe peut être considéré comme formant un groupe social particulier notamment lorsque les membres d’un tel groupe partagent des caractéristiques tellement fondamentales à leur identité qu’ils ne devraient pas être forcés à y renoncer. Or, l’exigence de discrétion des demandeurs d’asile LGBTI requiert précisément de renoncer à l’expression de leur orientation sexuelle ou leur identité de genre : ils ne devraient pas la réaliser ou au moins dissimuler cet élément crucial de leur personnalité afin d’éviter les persécutions. Une telle exigence va à l’encontre des dispositions de la directive qualification. Les lignes directrices sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre du HCR précisent clairement que l’exigence de discrétion devrait être abandonnée : « L’Etat ne peut attendre ou exiger d’une personne qu’elle change ou dissimule son identité afin d’éviter la persécution. Comme l’affirment de nombreuses juridictions, la persécution ne cesse pas d’être de la persécution lorsque les personnes persécutées peuvent écarter le préjudice subi en prenant des mesures pour l’éviter. De la même manière qu’une demande fondée sur l’opinion politique ou la nationalité ne serait pas rejetée au motif que le demandeur d’asile pourrait éviter le préjudice anticipé en changeant ou en dissimulant ses opinions ou son identité, les demandes fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ne devraient pas être rejetées uniquement sur de tels motifs. La question est de déterminer si le demandeur d’asile a une crainte fondée d’être persécuté, et non s’il pourrait vivre dans son pays d’origine sans conséquences fâcheuses. Cela requiert un examen objectif de la manière dont le demandeur risque d’être traité s’il était renvoyé dans son pays. (…) Il n’a pas de devoir d’être « discret » ou de prendre certaines mesures afin d’éviter 37 L’e x i g e n c e d e d i s c r é t i o n la persécution, telles que mener une vie isolée, ou s’interdire d’avoir des relations intimes. L’exigence de discrétion implique également que l’orientation sexuelle d’une personne est restreinte à un simple acte sexuel, ignorant ainsi toute une palette de comportements et d’activités quotidiennes également affectées par l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Cela reviendrait en fait à demander le même comportement soumis et conforme, la même négation d’un droit fondamental que l’agent de persécution tente d’obtenir par ses actes de persécution. »106 L’exigence de discrétion était l’un des thèmes d’une référence préliminaire à la Cour de justice européenne, qui a cependant été retirée par la suite car le demandeur d’asile a obtenu le statut de réfugié.107 4 . 2 L a p r a t i q u e d e s Et a t s Dans la plupart des Etats membres de l’UE, l’argument de la discrétion est toujours présent. Nous avons trouvé des exemples en Autriche (principalement pour les bisexuels), en Belgique, en Bulgarie, à Chypre, au Danemark, en Finlande, en France, en Allemagne, en Hongrie, en Irlande, à Malte, aux Pays-Bas (malgré les lignes directrices en matière de politiques, voir plus bas), en Pologne, en Roumanie, et en Espagne. La Norvège et la Suisse ont également recours à cet argument. 4.2 1 D i s c r é t i o n r e q u i s e Dans de très nombreux cas, les demandes d’asile d’hommes homosexuels iraniens ont été rejetées au motif qu’ils pouvaient vivre dans leur pays en tant que gays tant qu’ils restaient discrets. Un jugement belge déclare : « Dans la société iranienne il y a une grande différence entre l’espace public et la sphère privée. En pratique, l’homosexualité masculine est répandue et acceptée dans de nombreuses sociétés islamiques, du moment que la relation demeure privée et secrète. La tolérance générale de fait signifie que dès lors que les homosexuels vivent leur sexualité en privée, il est très peu probable que les autorités iraniennes s’intéressent aux personnes concernées. La société est régie par une ségrégation des sexes, et du moment qu’ils respectent les règles, les hommes homosexuels peuvent avoir une vie sociale, vivre ensemble, voyager ou partager une chambre d’hôtel sans attirer l’attention. Il n’y a en général pas de problème pour trouver d’autres homosexuels dans des parcs ou des salles de gym, connus pour être des lieux de rencontre homosexuels.109 L’appel a été rejeté.110 La direction de l’immigration de Norvège a jugé que : « en ce qui concerne l’évaluation des risques encourus par le demandeur s’il retourne en Iran, il convient de tenir compte du contexte socioculturel de la société iranienne. Le comité d’appel suppose que le demandeur ne va pas agir d’une manière allant à l’encontre de ce qui est socialement acceptable. »111 Les experts pour la République tchèque, la Grèce, la Lituanie, le Portugal, la Slovaquie, et la Slovénie n’ont pas trouvé de preuve du recours à un tel argument à partir des cas analysés, bien que certains de ces pays avaient un nombre très réduit de demandes d’asile de personnes LGBTI. En Suisse, la demande d’asile d’un iranien homosexuel a récemment été rejetée par la Cour fédérale administrative au motif que l’homosexualité est tolérée en pratique par les autorités iraniennes, « lorsqu’elle n’est pas exposée publiquement d’une manière qui pourrait être considérée comme choquante. »112 Les Pays-Bas ont formellement aboli l’exigence de discrétion en 2007 dans leurs lignes directrices en matière de politiques, mais l’argument est toujours appliqué dans certains cas individuels, avec l’approbation du judiciaire (voir ci-dessous). Suite à l’affaire HJ (Iran) et HT (Cameroun) devant la cour suprême, le Royaume-Uni n’applique l’exigence de discrétion que lorsque celle-ci est volontaire et uniquement en raison d’une pression familiale ou sociale.108 La Suède a adopté l’approche britannique en janvier 2011. Des exemples comparables ont été rapportés pour la Finlande113 et l’Allemagne.114 106 HCR, UNHCR Guidance Note on Refugee Claims Relating to Sexual Orientation and Gender Identity, 21 novembre 2008, par. 25-26. 107 Journal officiel de l’Union européenne, 5 février 2011, C38/7, 2011/C 38/09, Affaire C-563/10 : Référence pour un jugement préliminaire de la Oberverwaltungsgericht (Cour administrative supérieure) Rhénanie-du-Nord - Westphalie, 1er décembre 2010, Khavand c. République fédérale d’Allemagne, C-563/10. 108 Cour suprême britannique 7 juillet 2010, HJ (Iran) et HT (Cameroun) c. Secrétaire d’Etat à l’Intérieur, [2010] UKSC 31 ; [2011] 1 A.C. 596.569, para. 82. 38 109 Tiré d’une source norvégienne datée du 27 avril2009. 110 Raad voor de Vreemdelingenbetwistingen (Comité d’avis pour les affaires relatives aux étrangers) 31 mars 2010, 41 185, voir Lex 200952695. 111 Décision remontant à l’automne 2010. 112 Bundesverwaltungsgericht (Cour fédérale administrative) 18 janvier 2011, T. c. Bundesamt für Migration, C-2107/2010 ; voir également : Seraina Nufer et Maximillian Lipp, Zulässigkeit der Wegweisung eines homosexuellen Iraners, Jusletter, 30 mai 2011. www.jusletter.ch. 113 Maahanmuuttovirasto (Service de l’immigration finlandais) 6 octobre 2010, Dnro 3498/0512/2010. Comp. dans une affaire concernant un demandeur afghan : « L’homosexualité est courante en Afghanistan, mais ne peut être exprimée publiquement. Si l’on reste discret, on ne rencontre pas de difficultés déraisonnables d’après les informations sur le pays d’origine ». Maahanmuuttovirasto (Service de l’immigration finlandais) 1er novembre 2010, Dnro 3744/0512/2010. 114 En Iran, il a été estimé qu’il n’y avait pas de risque de persécution sérieux pour les hommes gays « tant qu’ils menaient leur vie sexuelle secrètement, et qu’ils n’attiraient pas l’attention des autorités iraniennes. Verwaltungsgericht L’e x i g e n c e d e d i s c r é t i o n En Autriche, il nous a été rapporté que l’argument de la discrétion est principalement utilisé concernant les personnes bisexuelles. On peut attendre des bisexuels qu’ils soient particulièrement discrets. Par exemple, dans le cas d’un bisexuel iranien, la cour pensait qu’il avait des expériences homosexuelles mais a jugé qu’elles n’étaient pas profondément ancrées dans son orientation sexuelle au point de l’empêcher de vivre dans une relation hétérosexuelle. »115 D’autres exemples de l’exigence de discrétion ont été fournis pour la Hongrie ; dans le cas d’une lesbienne originaire d’Afrique de l’ouest, les autorités ont déclaré : « Même si la demandeuse était lesbienne, elle n’aurait pas à redouter les conséquences de son comportement si elle ne rendait pas son orientation publique. » L’expert pour la Bulgarie a rapporté qu’une opinion courante au sein de l’agence gouvernementale pour les réfugiés était qu’il valait mieux qu’un homme homosexuel retourne dans son pays d’origine et tente de mener une vie plus discrète, voire essaye de « changer » son orientation sexuelle. 4.2.2 D e s p r at i q u e s v a r i a b l e s Depuis le 1er Mai 2007, les Pays-Bas ont intégré l’abandon de « l’exigence de discrétion » dans la circulaire relative aux étrangers pour les « homosexuels » (présumément les lesbiennes et les gays) : « Les personnes ayant une préférence homosexuelle ne doivent pas la cacher à leur retour dans leur pays d’origine. »116 Cependant, en dépit de ces bonnes pratiques en termes de lignes directrices formelles en matière de politiques, dans certains cas l’exigence de discrétion est encore utilisée. Une femme originaire du Sierra Leone avait une relation lesbienne cachée dans son pays d’origine. Elle a fait son coming out aux PaysBas et ne voulait pas continuer à cacher son orientation sexuelle. Le Conseil d’Etat a accepté l’argument selon lequel « le fait que la demandeuse ait joui des possibilités et des droits de la société néerlandaise aux Pays-Bas n’implique pas qu’elle n’était pas en mesure de s’adapter à son retour, même si cela demanderait une certaine retenue envers la société », ajoutant : « bien que l’orientation sexuelle soit un élément crucial de la personnalité d’une personne, cela n’implique pas que l’on ne puisse attendre de la demandeuse de mener sa vie privée au Sierra Leone de la même manière qu’avant son départ pour les Pays-Bas seulement parce qu’elle ne peut vivre son orientation sexuelle publiquement dans son pays d’origine. Une telle exigence est également contraire à l’article 8 CEDH, pour la simple et bonne raison que la demandeuse n’a pas mentionné de faits ou de circonstances indiquant qu’au Sierra Leone elle n’a pas pu Düsseldorf (Cour fédérale administrative) 11 mars 2009 - 5 K 1875/08.A, Informationsverbund Asyl & Migration M18011. 115 Asylgerichtshof (Cour d’asile) 14 July 2009, E2 405.216-1/2009. 116 Vreemdelingencirculaire (Circulaire sur les étrangers) 2000 C2/2.10.2. ou ne sera pas en mesure de donner une expression significative à son orientation sexuelle. »117 En Irlande, la pratique semble également incohérente. Dans une décision d’appel concernant la demande d’asile d’un homosexuel pakistanais, le tribunal se référait aux informations sur le pays d’origine, qui ont été considérées comme indiquant que les hommes homosexuels au Pakistan révélaient rarement leur orientation sexuelle. Le magistrat a considéré que le demandeur avait jusque là dissimulé son orientation sexuelle au Pakistan et qu’il pouvait le faire à nouveau à son retour, et a suggéré qu’il change de région.118 Dans une décision d’appel positive concernant un homosexuel iranien, le tribunal a estimé au contraire que : « L’une des questions soulevées est la suivante : bien que l’homosexualité soit illégale en Iran, si les personnes restent très secrètes et discrètes, il n’y a pas de problème. Poussé à l’extrême, cet argument pose problème. Je doute qu’il puisse y avoir une quelconque obligation pour une personne d’être aussi dissimulatrice, de cacher sa sexualité ou de mener une vie clandestine afin de se protéger au point que cela corresponde à la suppression de son orientation sexuelle. Cet Etat et ses différents organismes et agences, ce tribunal y compris, étant liés par la Convention européenne des droits de l’homme, je demanderais une autorité persuasive avant d’imposer une telle obligation à tout demandeur d’asile, lorsque la demande se base sur sa sexualité. »119 En Allemagne, dès 1983, une cour administrative a comparé l’argument de la discrétion au fait de demander à quelqu’un de changer de couleur de peau afin d’éviter des persécutions.120 Pour autant, la jurisprudence allemande est encore à ce jour divisée sur la question, et l’argument de la discrétion semble être courant, en particulier concernant les pays d’Afrique du Nord tels que l’Egypte, l’Algérie121 et le Maroc.122 D’autres cours allemandes ont signifié leur désaccord au motif qu’il est inacceptable par principe d’attendre d’un demandeur de garder le secret sur son orientation sexuelle. Un fort rejet de l’argument de discrétion a été énoncé dans le cas d’un homosexuel nigérian : 117 Afdeling bestuursrechtspraak van de Raad van State (Division de la juridiction administrative du Conseil d’Etat) 11 mai 2011, 201011782/1/V1, MigratieWeb ve11001135, Jurisprudentie Vreemdelingenrecht 2011/307, décision annulée, Rechtbank (Cour régionale) Dordrecht, 9 novembre 2010, 09/4135. 118 Cour d’appel des réfugiés, 2009. 119 Cour d’appel des réfugiés, 2008. 120 Verwaltungsgericht Wiesbaden (Cour administrative) 26 avril 1983, IV/I E 06244/81. 121 Verwaltungsgericht Trier (Cour administrative) 9 septembre 2010, 1 L 928/10. TR, Informationsverbund Asyl & Migration M17537. 122 Verwaltungsgericht Düsseldorf (Cour administrative) 14 janvier 2010, 11 K 6778/09.A, Informationsverbund Asyl & Migration M16859. 39 L’e x i g e n c e d e d i s c r é t i o n « (...) Le demandeur (...) peut invoquer le droit humain fondamental à la réalisation de sa personnalité, qui, selon l’opinion juridique allemande et européenne, est universel et ne doit donc en aucun cas être restreint par le cadre des systèmes juridiques d’autres pays. Si l’on tolère une situation dans laquelle la protection des droits de l’homme en Allemagne dépend de la pratique d’autres pays, nous sommes inéluctablement voués à nous retrouver à Guantanamo en tant qu’exemple parfait de violation des droits fondamentaux par un pays qui se considère comme une nation démocratique et civilisée. »123 En réponse à une demande parlementaire du 18 mai 2010,124 le gouvernement allemand a déclaré qu’une estimation du comportement futur d’un demandeur quant à d’éventuelles activités sexuelles à son retour est décisive : « L’issue de la procédure d’asile dépend de la possibilité que le demandeur se comporte d’une manière qui impliquera des persécutions à son retour (…). Le fait que l’on puisse attendre raisonnablement du demandeur de se comporter d’une autre manière n’est pas pertinent. » Il convient également d’évaluer s’il y a un « degré de probabilité pertinent » que les activités homosexuelles seront connues des autorités du pays d’origine. 4.2.3 L’ e x i g e n c e d e d i s c r é t i o n i n v e r s é e ? En France, la cour nationale du droit d’asile exige souvent des demandeurs LGB d’avoir totalement révélé leur orientation sexuelle dans leur pays d’origine. Ils doivent avoir « revendiqué leur homosexualité ou manifesté leur homosexualité dans leur comportement extérieur. » En d’autres termes, cela revient à dire : « Si vous êtes discret, il n’y a pas de bonne raison de vous accorder l’asile. Vous n’obtiendrez le statut de réfugié que si vous faites votre coming out ». L’exigence « d’indiscrétion » n’a rien à voir avec une crainte fondée, comme l’était l’exigence de discrétion, mais consiste plutôt à se demander si une personne LGBTI qui n’a pas encore fait son coming out en tant que tel peut être considérée comme un membre d’un groupe social particulier défini par son orientation sexuelle. Cela dérive de l’interprétation du concept de « groupe social particulier » par la jurisprudence du Conseil d’Etat en France. L’article 10(1)(d), 123 Verwaltungsgericht München (Cour administrative) 30 janvier 2007, M 21 K 04.51404 ; Les arguments de la Verwaltungsgericht München (Cour administrative) ont été par la suite rejetés par la the Verwaltungsgericht Düsseldorf (Cour administrative) dans une décision du 21 février 2008, 11 K 2432/07.A, Informationsverbund Asyl & Migration M13330. Un commentaire sur ce désaccord : K. Dienelt, “Vermeidungsverhalten zur Abwendung von Verfolgung – Vereinbarkeit mit der Qualifikationsrichtlinie” http://www. migrationsrecht.net/nachrichten-asylrecht/1178-eu-qualifikationsrichtlinie-rl200483eg-religion-verfolgung.html 124 Bundestags-Drucksache 17/1505, http://dip21.bundestag.de/dip21/ btd/17/015/1701505.pdf 40 deuxième disposition de la directive qualification requiert qu’un groupe social particulier ait une identité distincte dans son pays d’origine, car ce groupe est perçu comme différent par la société qui l’entoure. C’est exactement de cette manière que le Conseil d’Etat a formulé le critère d’évaluation dans son jugement de 1997 : le groupe social se définit par des « caractéristiques communes qui le définit en tant que groupe aux yeux des autorités et de la société.”125 La cour nationale du droit d’asile (ou CNDA, juridiction de première instance) applique souvent à tort cette exigence de groupe social comme une « exigence de discrétion inversée » : tant que la personne cache son orientation sexuelle ou son identité de genre, personne ne peut la percevoir. Cette personne ne peut donc appartenir à un groupe social de personnes LGB, étant donné qu’elle n’est pas perçue comme telle. La jurisprudence de la CNDA est fondée sur une mauvaise application de l’exigence de perception sociale de l’article 10(1)(d) de la directive. Cette exigence concerne le groupe social perçu comme différent par l’entourage, et non l’individu (que son orientation sexuelle soit explicite ou non).126 L’argument français de l’exigence d’indiscrétion peut avoir pour conséquence le refus de l’asile à des demandeurs s’étant trouvés dans l’impossibilité de donner expression à leur orientation sexuelle ou leur identité de genre en raison de persécutions dont ils avaient une crainte fondée s’ils s’étaient comportés autrement. Les personnes LGB dont l’orientation sexuelle n’était pas publique dans leur pays d’origine par crainte de la persécution ne sont donc pas protégées par les autorités françaises. 4.2.4 L e s b o n n e s p r at i q u e s Depuis juillet 2006, le Royaume-Uni applique un critère d’évaluation pour savoir si la discrétion est « raisonnablement tolérable ».127 Ce 125 Conseil d’Etat 23 juin 1997, 171858 ; voir également Conseil d’Etat 23 août 2006, 272680. 126 Comp. l’article de T. Alexander Aleinikofff, qui a été le premier à formuler l’approche de la perception sociale comme une alternative à l’approche des caractéristiques protégées : T. Alexander Aleinikoff: Protected characteristics and social perceptions: an analysis of the meaning of ‘membership of a particular social group’, in E. Feller, V. Türk and F. Nicholson: Refugee Protection in International Law, Cambridge University Press, Cambridge 2003, p. 263-311, at 296-301. Voir sur la directive qualification sur ce point H. Battjes: European Asylum Law and International Law, Martinus Nijhoff, Leyde 2006, par. 327-329. 127 Cour d’appel (Angleterre et Pays de Galles) 26 juillet 2006, J c. Secrétaire d’Etat à l’Intérieur [2006] EWCA Civ 1238, [2007] Imm AR 73. La cour doit déterminer si l’adoption d’un comportement discret relève d’un « choix » individuel. La jurisprudence anglaise ressort de la décision de la Cour supérieure australienne dans l’affaire Demandeur S395 in Z c. Secrétaire d’Etat à l’Intérieur [2004] EWCA Civ 1578 ; [2005] Imm A R 75, 2 décembre 2004, qui a ensuite rendu les jugements successifs de la Cour d’appel jusqu’à J compris, qui a renvoyé l’appel devant la Cour suprême dans HJ (Iran) et HT (Cameroun) en juillet 2010. L’e x i g e n c e d e d i s c r é t i o n critère est comparable à celui utilisé par de nombreux autres pays européens cherchant à déterminer s’il pouvait raisonnablement être attendu du demandeur de cacher son orientation sexuelle ou son identité de genre. Mais en juillet 2010, la Cour suprême britannique, dans ce qui est devenu le célèbre jugement de HJ (Iran) et HT (Cameroun), a abandonné ce point de vue restrictif.128 La formulation du jugement s’applique aux lesbiennes, aux gays et aux bisexuels, mais les demandeurs transgenres et intersexués s’appuyant sur les même motifs de protection, le raisonnement peut leur être étendu. Les effets de la discrétion et les raisons pour lesquelles celle-ci va à l’encontre de la logique de la Convention sur les réfugiés ont été détaillés aux paragraphes 55, 77 et 78 du jugement rendu par Lord Rodger : 55. « Au risque de nous répéter, l’importance de cette analyse pour les présents objectifs est qu’elle s’appuie sur le fait que, au lieu de permettre ou d’encourager ses acteurs à persécuter le demandeur pour l’un des motifs de protection, l’Etat d’origine aurait dû le protéger de toute persécution fondée sur ce motif. La logique de la Convention est donc que les personnes devraient pouvoir vivre librement, sans redouter de subir de préjudice de l’intensité ou de la durée requise parce qu’ils sont par exemple noirs, les descendants d’un ancien dictateur ou homosexuels. En l’absence de toute indication du contraire, le postulat est qu’ils doivent être libres de vivre ouvertement de cette manière sans avoir à craindre de persécution. En leur permettant cela, l’Etat d’accueil leur offre une protection visant à remplacer celle que leur Etat d’origine aurait dû leur fournir. 77. A u niveau le plus élémentaire, si un demandeur d’asile de sexe masculin devait vivre discrètement, il devrait en pratique éviter toute expression d’affection ouverte pour un autre homme qui irait au-delà de ce qui serait acceptable de la part d’un homme hétérosexuel. Il devrait faire attention à ses amitiés, au cercle d’amis dans lequel il évolue, aux lieux de sociabilité qu’il fréquente. Il devrait constamment se restreindre dans un domaine de la vie auquel participent des émotions puissantes et l’attraction physique, là où un homme hétérosexuel pourrait être spontané, ou même impulsif. Non seulement il ne pourrait pas se permettre les petites séductions qui font le sel de la vie hétérosexuelle, mais il devrait réfléchir à deux fois avant de révéler son attraction pour un autre homme. De la même manière, de petits gestes ou marques d’affection qui semblent parfaitement 128 Cour suprême 7 juillet 2010, HJ (Iran) et HT (Cameroun) c. Secrétaire d’Etat à l’Intérieur, [2010] UKSC 31 ; [2011] 1 AC 596. normaux entre hommes et femmes pourraient bien se révéler dangereux. En bref, son potentiel à trouver le bonheur dans une relation sexuelle serait profondément affecté. Il est contestable de penser que tout homme homosexuel puisse être censé trouver raisonnablement tolérable de telles restrictions dans sa vie et son bonheur. 78. Il serait cependant erroné de limiter les domaines du comportement devant être protégés au type de questions que je viens de décrire – essentiellement, ceux qui permettraient au demandeur d’attirer des partenaires sexuels et d’établir et maintenir des relations avec eux de la même manière que les hétérosexuels. Comme l’ont fait remarquer Gummow et Hayne JJ dans (2003) 216 CLR 473, 500-501, para 81 : « L’identité de genre ne doit pas être comprise dans ce contexte comme limitée à réaliser des actes sexuels en particulier ou même à une quelconque forme particulière de comportement physique. Que deux individus aient des relations sexuelles en privé (et dans ce sens « discrètement ») peut ne rien indiquer sur la manière dont ils choisiraient de vivre d’autres aspects de leur vie relatifs à leur sexualité ou déterminés par celle-ci. » Nous citons également le paragraphe 82, auquel Lord Rodger explique comment les demandes d’asile de personnes LGB devraient être traitées : « Lorsqu’une personne fait une demande d’asile en raison d’une crainte fondée de persécution car elle est homosexuelle, le tribunal doit tout d’abord se demander s’il est convaincu par les preuves de l’homosexualité du demandeur, ou du fait qu’il serait traité comme tel par des persécuteurs potentiels dans son pays d’origine. Dans ce cas, le tribunal doit ensuite déterminer si les preuves disponibles quant au fait que les personnes homosexuelles vivant ouvertement leur orientation sexuelle seraient susceptibles d’être persécutées dans le pays concerné sont suffisantes. Dans ce cas, le tribunal doit ensuite considérer ce que le demandeur ferait s’il était renvoyé vers son pays. Si le demandeur vivrait en fait ouvertement et serait donc exposé à un risque réel de persécution, il a alors une crainte fondée de persécution, même s’il pourrait l’éviter en vivant « discrètement ». Si le tribunal arrive à la conclusion que le demandeur vivrait en fait discrètement et éviterait donc les persécutions, il doit ensuite se demander pourquoi il le ferait. Si le tribunal en conclut que le demandeur choisirait de vivre discrètement simplement parce que c’est la manière dont il voudrait vivre ou en raison de pressions sociales (par exemple pour ne pas causer de peine à ses parents ou gêner ses amis, alors sa demande devrait être 41 L’e x i g e n c e d e d i s c r é t i o n rejetée. Les pressions sociales de ce type ne sont pas équivalentes à de la persécution et la Convention n’offre pas de protection contre elles. Une telle personne n’a pas de crainte fondée de persécution car, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec une peur quelconque de la persécution, il a de lui-même choisi d’adopter un style de vie impliquant qu’il ne serait en fait pas susceptible d’être persécuté parce qu’il est homosexuel. En revanche, si le tribunal arrive à la conclusion que l’une des raisons matérielles pour lesquelles le demandeur vivrait discrètement une fois de retour dans son pays serait la crainte d’être persécuté s’il vivait ouvertement son homosexualité, alors, toutes choses égales par ailleurs, sa demande devrait être acceptée. Une telle personne a une crainte fondée d’être persécutée. Rejeter sa demande au motif qu’elle pourrait éviter la persécution en vivant discrètement serait une négation du droit en protection duquel la Convention a été rédigée : celui de vivre librement et ouvertement en tant qu’homosexuel sans craindre de persécution. En lui accordant l’asile et en lui permettant de vivre librement et ouvertement en tant qu’homosexuel sans crainte de persécution, l’Etat d’accueil donne effet à ce droit en offrant au demandeur une protection de remplacement contre la persécution, que son pays d’origine devrait lui avoir garanti. »129 Dans l’affaire SW l’Upper tribunal du Royaume-Uni a appliqué le raisonnement de la cour suprême dans l’affaire HJ-HT, afin de montrer que ce n’est pas seulement le silence qui est nécessaire pour prévenir la persécution, mais également le fait de pas pouvoir présenter de paradigme hétérosexuel (c’est-à-dire en étant marié ou en ayant des enfants), ce qui mènerait à l’identification, puis au risque. L’Upper tribunal a émis les orientations nationales suivantes au regard du risque (réel ou perçu) couru par les lesbiennes en Jamaïque, déclarant notamment : « Toutes les lesbiennes ne sont pas en danger. Celles qui sont naturellement discrètes, ont des enfants et/ou ont la volonté de présenter un schéma hétérosexuel pour des raisons familiales ou sociales peuvent vivre discrètement en tant que lesbiennes sans risquer de persécution du moment qu’elles ne le font pas par peur (…). Les femmes célibataires n’ayant pas de partenaire masculin ni d’enfant risquent d’être perçues comme lesbiennes, que cela soit le cas ou non, à moins qu’elles ne présentent un schéma hétérosexuel et se comportent discrètement. »130 129 Cette nouvelle approche a également été intégrée dans une nouvelle instruction d’asile : Agence britannique des frontières, Asylum Instruction, Sexual Orientation and Gender Identity in the Asylum Claim, 6 octobre 2010, http://www.ukba.homeoffice.gov.uk/sitecontent. 130 Upper Tribunal (chambre de l’Upper tribunal en matière d’immigration et de droit d’asile) 24 juin 2011, SW (lesbiennes – demande de HJ et HT) Jamaica CG [2011] UKUT 00251, par. 107. 42 L’approche utilisée dans l’affaire HJ-HT a été adoptée par les cours et tribunaux inférieurs du Royaume-Uni non seulement dans la détermination des demandes fondées sur l’identité de genre, mais également pour les demandes d’asile fondées sur l’opinion politique131 et les croyances religieuses.132 Cela fournit un exemple de bonne pratique de l’application transversale d’un précédent passant des demandes de personnes LGB à d’autres motifs de demandes dans le cadre de la Convention sur les réfugiés. En Suède, des demandes d’asile ont été rejetées sur la base des arguments de discrétion. Cependant, à compter du 13 janvier 2011, la Suède a suivi le raisonnement de la Cour suprême britannique et a adopté un document de politique n’exigeant pas du demandeur de vivre discrètement : « Dans le cas où le demandeur déclare qu’il va choisir de vivre d’une manière discrète à son retour, il est crucial d’interroger la raison de ce choix. Si c’est parce qu’il souhaite vivre de cette manière, ou en raison de la pression sociale, la demande devrait être rejetée. En revanche, si c’est par crainte d’être persécuté, la demande devrait être acceptée. »133 En Italie, le cas d’un demandeur d’asile nous a été rapporté : celuici avait déclaré avoir toujours vécu son orientation sexuelle très discrètement, sans le ressentir comme une privation. Le juge de première instance a décidé qu’il ne craignait pas d’être persécuté134. En dehors de ce cas, nos experts italiens n’ont pas trouvé de preuve que l’exigence de discrétion a été utilisée dans les décisions ou la jurisprudence. 4 . 3 C o n c l u s i o n Exiger la discrétion concernant l’orientation sexuelle ou faire un constat de discrétion « volontaire » est répandu dans les Etats membres de l’UE et est même appliqué dans des pays tels que les Pays-Bas, où l’argument de la discrétion a été aboli formellement. 131 Cour d’appel (Angleterre et Pays de Galles) 18 novembre 2010, RT (Zimbabwe) and others c. Secrétaire d’Etat à l’Intérieur [2010] EWHC 1285 (demandeurs originaires du Zimbabwe n’appartenant pas au parti Zanu-PF). 132 Upper Tribunal (chambre de l’Upper tribunal en matière d’immigration et de droit d’asile) 13 juillet 2011, MT (Ahmadi – HJ (Iran) Pakistan CG [2011] UKUT 00277 (Ahmadis du Pakistan). 133 Rättschefens rättsliga ställningstagande angående metod för utredning och prövning av den framåtsyftande risken för personer som åberopar skyddsskäl på grund av sexuell läggning (RCI 03/2011) consultable à l’adresse : www. migrationsverket.se/lifos. 134 Affaire rapporté par la Commissione territoriale per il riconoscimento della protezione internazionale di Bari (Commission territoriale pour la reconnaissance de la protection internationale de Bari). Date non précisée. L’e x i g e n c e d e d i s c r é t i o n Bien que le jugement de la Cour suprême britannique constitue un pas très important dans la bonne direction, en particulier en comparaison avec les pratiques rencontrées dans les autres Etats membres, les critères concernant les raisons pour lesquelles quelqu’un prévoit de vivre discrètement sont problématiques. Tout d’abord, ils ne tiennent pas compte du simple fait qu’en soumettant une demande d’asile fondée sur leur identité LGBTI, les demandeurs expriment leur désir de vivre ouvertement en tant que telles sans craindre d’être persécutées. Si le demandeur veut vivre ouvertement en tant que personne LGBTI, il s’agit là de l’exercice légitime d’un droit fondamental auquel il ne peut lui être demandé de renoncer. Deuxièmement, le raisonnement ne prend pas en compte le fait que, bien que le demandeur puisse « simplement » vouloir vivre d’une manière discrète, la persécution peut toujours être imminente si jamais celui-ci est découvert comme étant LGBTI ou est dénoncé contre sa volonté par des tiers, en raison de sa « différence ». 135 Le critère de détermination d’une crainte fondée devrait être le risque couru par les personnes ouvertement LGBTI à leur retour dans leur pays d’origine, au lieu de se concentrer sur ses raisons de mener une double vie.136 L’exigence française que la personne doive avoir révélé son orientation sexuelle ou son identité de genre dans son pays d’origine s’appuie sur une mauvaise application du critère de détermination de la perception sociale, qui concerne l’existence d’un groupe social particulier (article 10(1)(d) directive qualification), exigeant que le groupe social auquel le demandeur est censé appartenir soit perçu comme différent par la société qui l’entoure. Cela peut être le cas, que le demandeur fasse réellement partie de ce groupe ou non. orientation sexuelle ou leur identité de genre afin de ne pas être exposées à un risque de persécution est inacceptable. Une personne ayant une crainte fondée d’être persécutée pour des raisons liées à des motifs de persécution ne peut raisonnablement se voir demander de renoncer aux caractéristiques constituant le fondement des motifs de persécution, même s’il est admis que cela serait théoriquement possible. R e c o m m a n d at i o n s • L’élément de la crainte fondée de la définition de réfugié devrait être appliqué de manière à ce que les demandeurs lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués n’aient pas l’obligation de cacher leur orientation sexuelle ou leur identité de genre ou ne soient pas censés ou supposés le faire à leur retour dans leur pays d’origine afin d’éviter la persécution. • L’élément du motif de persécution de la définition de réfugié devrait être appliqué de manière à ce que les demandeurs lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués n’aient pas l’obligation d’avoir déjà révélé leur orientation sexuelle ou leur identité de genre dans leur pays d’origine. Nous avons également rencontré des arguments relevant du relativisme culturel utilisés pour affirmer que la discrétion pourrait être attendue, par exemple au regard du cadre socioculturel du pays d’origine. Ce type d’arguments est inacceptable ; l’argument de la discrétion va à l’encontre de l’esprit du droit international et européen des réfugiés et des droits de l’homme. Les droits de l’homme sont universels. Demander aux personnes de ne pas exprimer leurs opinions politiques, de ne pas vivre selon leurs croyances religieuses, ou de ne pas vivre ouvertement leur 135 J. Millbank et C. Dauvergne ont souligné que « même une personne souhaitant se cacher, essayant désespérément et prenant toutes les mesures pour garder son orientation sexuelle ou son identité de genre secrète, devient en fait de plus en plus « visible » au fil du temps », voir C. Dauvergne et J. Millbank, ‘Before the High Court: Applicants S396/2002 et S395/2002, a gay refugee couple from Bangladesh’ (2003) Sydney Law Review 97, Vol 25, 122. Voir également S. Chelvan, ‘Put Your Hands Up (If You Feel Love)’, Immigration, Asylum and Nationality Law, Vol 25, No 1, 2011, S. 65, où l’auteur remarque que « même lorsque la discrétion (volontaire) n’est pas due à la crainte fondée de persécution, le fait qu’une personne ne vive pas une vie hétérosexuelle peut l’identifier comme étant « différente » et déboucher sur l’identification en tant que personne LGB ». 136 Cf. para 83 du Manuel de l’HCR sur la dissimulation des opinions politiques. 43 44 La protection interne 5 L a p r o t e c t i o n i n t e r n e Lorsque les autorités compétentes en matière d’asile ont établi ou supposent qu’un demandeur d’asile a une crainte fondée d’être persécuté dans son pays, il est tout de même possible qu’elles lui refusent le statut de réfugié car le demandeur pourrait vivre en sécurité dans une autre région de son pays d’origine et qu’il n’a donc pas besoin d’une protection internationale. Cela s’appelle la possibilité de protection interne (également nommée « possibilité de refuge interne » ou « possibilité de fuite à l’intérieur du pays »). Pour déterminer si le lieu suggéré par les autorités constitue une possibilité de protection interne sensée, certains critères doivent être remplis. Il ne devrait y avoir aucun risque de persécution ou de préjudice grave dans le lieu proposé et la protection étatique devrait y être disponible.137 Dans le cas d’un homosexuel afghan, l’Office roumain pour l’immigration a déclaré : « Après analyse des informations sur le pays d’origine et d’après les déclarations du demandeur, nous arrivons à la conclusion qu’il y a une possibilité de protection interne pour des personnes comme le demandeur (c’est-à-dire homosexuelles). Une possibilité de protection interne en Afghanistan est donc un choix raisonnable et pertinent pour lui, en particulier dans la mesure où il n’a pas de problème avec les autorités afghanes. »138 5 . 1 L e s n o r m e s e u r o p é e n n e s e t i n t e r n a t i o n a l e s L’article 8(1) de la directive qualification dispose que le demandeur n’a pas forcément besoin d’une protection internationale si, dans une autre région de son pays d’origine, il n’a pas de crainte fondée d’être persécuté ni de risque réel de préjudice grave ; et s’il peut raisonnablement être attendu de la part du demandeur de rester dans cette région. La version la plus récente de la refonte apporte une modification à l’article 8(1) de sorte que la protection interne peut consister en une région du pays où le demandeur n’a pas de crainte fondée d’être persécuté ou n’est pas en danger réel de subir un préjudice grave, ou « où s’il a accès à une protection contre la persécution ou un préjudice grave ».139 137 Sur la possibilité de protection interne en général, voir James C. Hathaway et Michelle Foster, ‘Internal Protection/Relocation/Flight Alternative as an Aspect of Refugee Status Determination’, in Erika Feller, Volker Türk and Frances Nicholson (eds.), Refugee Protection in International Law: UNHCR’s Global Consultations on International Protection, Cambridge: Cambridge University Press 2003; voir également First Colloquium on Challenges in International Refugee Law, Michigan Guidelines on the Internal Protection Alternative, avril 9-11, 1999. 138 Les informations sur les pays d’origine utilisées dans cette décision (de l’Office roumain pour l’immigration -Oficiul Roman pentru Imigrari) étaient tirées de : Départment d’Etat, 2009 Country reports on Human Rights Practices - Afghanistan, 11 mars 2010 ; Report of the Secretary-General pursuant to paragraph 40 of resolution 1917 (16 juin 2010) UN Doc S/2010/318. 139 Conseil de l’Union européenne, Presidency’s Note to the Permanent L’article 8(2) actuel dispose que la détermination de l’existence d’une possibilité de protection interne devrait être effectuée en prenant en compte les circonstances générales dans cette région du pays ainsi que la situation personnelle du demandeur.140 La version la plus récente de la proposition de refonte ajoutait à l’article 8 que : « à cette fin, les Etats membres doivent s’assurer que des informations précises et actualisées soient obtenues à partir de sources pertinentes, telles que le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et le Bureau européen d’appui en matière d’asile. »141 La note d’orientation du HCR déclare : 33. L ’homophobie, qu’elle s’exprime à travers la législation ou l’attitude et le comportement des personnes, a tendance à exister dans l’ensemble d’un pays plutôt qu’à être localisée, et les possibilités de fuite à l’intérieur du pays ne peuvent donc généralement pas être considérées comme applicables aux demandes liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre. Tout lieu de refuge devrait être soigneusement évalué et devrait être à la fois pertinent et raisonnable. La fuite à l’intérieur du pays n’est habituellement pas considérée comme pertinente lorsque l’Etat est l’agent de persécution, à moins que l’autorité de l’Etat soit limitée à certaines régions du pays. Une loi d’application générale telle qu’un code pénal criminalisant le comportement homosexuel, qui est applicable dans le lieu de persécution, devrait normalement être également applicable dans le lieu de refuge suggéré. 34. L orsque le persécuteur est un agent non étatique, il est souvent possible de considérer que si l’Etat n’as pas la volonté ou la capacité de protéger le demandeur dans une région du pays, il ne l’aura pas non plus dans une autre. Il ne peut être attendu des demandeurs de supprimer leur orientation sexuelle ou leur identité de genre dans une région de refuge interne, ou leur être demandé de se reposer sur l’anonymat Representatives Committee, Brussels, 6 juillet 2011, 2009/0164 (COD), ASILE 56, CODEC 1133. 140 L’article 8(3) de la directive qualification dispose que la possibilité de protection interne peut être retenue contre le demandeur nonobstant d’éventuels obstacles techniques à son retour dans son pays d’origine. Cette disposition va à l’encontre de la position de la Cour européenne des droits de l’homme, qui requiert que « la personne expulsée doit être en mesure de voyager vers la région concernée, CEDH 11 janvier 2007, Salah Sheekh c. PaysBas, Dem. N° 1948/04, par.138 ; CEDH 28 juin 2011, Sufi et Elmi c. Royaume-Uni, Dem. N° 8319/07 et 11449/07, par. 266. Nous sommes donc d’accord avec la proposition de la dernière version de la directive qualification de supprimer l’article 8(3). . 141 Conseil de l’Union européenne, Presidency’s Note to the Permanent Representatives Committee, Bruxelles, 6 juillet 2011, 2009/0164 (COD), ASILE 56, CODEC 1133. 45 La protection interne afin d’être hors de portée des agents de persécution. Si une grande ville ou une capitale peut offrir dans certains cas un environnement plus tolérant et anonyme, le lieu de refuge doit être plus qu’un lieu « sûr ». Le demandeur doit également avoir accès à un minimum de droits politiques, civils et socio-économiques. Ainsi, il doit pouvoir avoir accès à une protection étatique véritable et effective. L’existence d’ONG liées aux questions LGBT ne constitue pas en soi une protection contre les persécutions.142 Les lignes directrices du HCR sur la possibilité de protection ou de refuge interne disposent que : 14. L orsque le risque de persécution émane d’organismes, d’organes ou d’administrations locales ou régionales d’un pays, il est rarement nécessaire de considérer une éventuelle fuite interne, dans la mesure où l’on peut généralement supposer que de tels organismes locaux ou régionaux détiennent leur autorité de l’Etat. La possibilité de refuge interne ne peut être pertinente que lorsqu’il y a une preuve claire que l’autorité persécutrice n’a aucun pouvoir en dehors de sa région et que des circonstances particulières expliquent l’absence de protection de la part du gouvernement national contre le préjudice localisé. Le besoin d’une analyse en vue d’une possibilité de refuge interne ne se pose que lorsque la crainte d’être persécuté est limitée à une région spécifique du pays, en dehors de laquelle le préjudice redouté ne peut se matérialiser. 15. ( …) On peut supposer que si l’Etat n’est pas capable de protéger l’individu ou disposé à le faire dans une partie du pays, il peut également ne pas l’être dans d’autres. Cela peut s’appliquer en particulier aux cas de persécution liée aux questions de genre. 28. L orsque le respect des normes en matière de droits fondamentaux, y compris les droits inaliénables, est clairement problématique, la région proposée ne peut être considérée comme une solution raisonnable. Cela ne signifie pas que la privation de tout droit fondamental civil, politique ou socio-économique empêcherait automatiquement une telle région de constituer une possibilité de refuge ou de protection interne, mais plutôt que cela requiert, d’un point de vue pratique, une évaluation visant à déterminer si les droits qui ne vont pas être respectés ou protégés sont des droits fondamentaux à l’individu, de sorte que la privation de 142 HCR, UNHCR Guidance Note on Refugee Claims Relating to Sexual Orientation and Gender Identity, 21 novembre 2008. 46 tels droits serait suffisamment préjudiciable pour faire d’une telle zone une solution déraisonnable. 34. ( …) le preneur de décision porte la lourde responsabilité de l’établissement de la preuve qu’une analyse de possibilité de refuge interne est pertinente au cas en question. Si c’est le cas, c’est à la partie qui l’affirme d’identifier la région de refuge proposée et de fournir les preuves établissant qu’il s’agit d’une solution raisonnable pour l’individu concerné. 38. ( …) Cela (une possibilité de refuge ou de protection) n’est pertinent que dans certains cas, en particulier lorsque la persécution émane d’un agent non étatique. Même lorsque cela est pertinent, l’applicabilité dépendra d’une considération totale de toutes les circonstances de l’affaire et du caractère raisonnable de la fuite vers une autre région du pays d’origine.143 En d’autres termes, les cas dans lesquels la crainte d’être persécutée est causée, encouragée ou tolérée par des agents étatiques, la protection interne n’est pas disponible, car dans de telles circonstances la personne est menacée de persécution dans l’ensemble du pays. De même, lorsque la persécution redoutée provient d’agents étatiques locaux ou régionaux, la protection interne ne sera pas pertinente dans la plupart des cas. Il faut également prendre en compte la question du respect et de la protection des droits fondamentaux dans la région proposée. Comme nous l’avons vu au chapitre sur la protection étatique (chapitre 3), dans les pays qui criminalisent les personnes LGBTI, la protection étatique n’est pas disponible. La protection interne n’est donc pas non plus une option pour les personnes LGBTI dans ces pays. Dans d’autres (par exemple les pays ne criminalisant pas l’orientation sexuelle), la possibilité de protection interne ne peut être envisagée qu’après qu’il ait été établi que les autorités étatiques de cette partie du pays ne sont pas homophobes ou transphobes, mais au contraire disposées à offrir une protection aux personnes LGBTI, et en mesure de le faire si nécessaire. 5 . 2 L a p r a t i q u e d e s Et a t s : l a p r o t e c t i o n Nous avons rencontré des exemples de rejets de demandes de personnes LGBTI fondés sur la possibilité de protection interne dans seize pays européens.144 143 HCR, Guidelines on International Protection No. 4: “Internal Flight or Relocation Alternative” within the Context of Article 1A(2) of the 1951 Convention and/or 1967 Protocol relating to the Status of Refugees, 23 juillet 2003. 144 Autriche, Danemark, Finlande, Allemagne, Hongrie, Irlande, Italie, Lituanie, La protection interne Une lesbienne originaire de Mongolie a fait une demande d’asile à l’Autriche en 2002 après avoir été harcelée et agressée physiquement par son ancien époux et ses collègues en raison de son orientation sexuelle. La cour d’asile a jugé que : « Depuis 2002, les actes homosexuels ne sont plus criminalisés en Mongolie, et les homosexuels ne sont pas plus en danger que d’autres minorités. » En 2009, sa demande d’asile a été rejetée sur la base de la possibilité de protection interne.145 Dans un jugement de 2003, dans le cas d’une femme transgenre russe, le Conseil de l’asile danois s’est appuyé sur les informations sur le pays d’origine et a constaté qu’il n’y avait pas de raison de supposer l’existence d’une persécution systématique des personnes transgenres en Russie, ni de la part de particuliers ni des autorités. Le Conseil a donc proposé qu’elle s’installe dans une plus grande ville, où elle pourrait sûrement rencontrer une communauté de personne de la même orientation sexuelle (sic), et où elle serait moins susceptible d’être victime de mauvais traitements par la police. Dans de nombreux cas, il a été considéré que les personnes LGBTI pouvaient trouver une protection interne dans d’autres régions d’un pays criminalisant l’orientation sexuelle. Dans une décision irlandaise rejetant l’appel d’un demandeur d’asile homosexuel nigérian, le tribunal a estimé que : « Même s’il est admis qu’une protection étatique puisse ne pas être accessible aux homosexuels au Nigéria, le refuge interne peut être envisagé afin d’éviter toute menace éventuelle. »146 La décision n’a pas pris en compte les implications de cette absence de protection étatique. Dans le cas d’un homosexuel iranien, l’Office national de l’immigration finlandais a émis le raisonnement suivant : « le refuge interne serait une manière réalisable et efficace pour lui d’éviter d’éventuels problèmes avec ses proches et les autorités. Il est peu probable que les autorités essaient de le retrouver, au moins pas en dehors de sa région d’origine. »147 Dans le cas d’un homosexuel sénégalais, un tribunal italien a jugé que le demandeur pourrait avoir évité la menace (éventuelle) de son père en s’installant dans une autre ville du Sénégal.148 Malte, Pays-Bas, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Suède, Royaume-Uni (précédemment à HJ/HT). 145 Asylgerichtshof (Cour d’asile), 19 août 2009, C9 248.748-0/2008. 146 Cour d’appel des réfugiés, 2009. 147 Maahanmuuttovirasto (Service de l’immigration finlandais) 6 octobre 2010, Dnro 3498/0512/2010. Cf. également « Si le demandeur rencontre des problèmes en raison de sa bisexualité dans sa ville, il peut s’installer dans une autre région d’Ethiopie. » Maahanmuuttovirasto (Service de l’immigration finlandais) 27 octobre 2008, Dnro 403/0611/2008. 148 Tribunale (Tribunal) Trieste 11 novembre 2009, n° 508/09. Nous avons également rencontré de nombreux jugements et décisions reposant sur la supposition que l’existence de bars ou de lieux de rencontre gay ou d’ONG LGBT dans les grandes villes du pays étaient suffisantes pour que celles-ci constituent un lieu sûr pour les personnes LGBTI, au lieu de soigneusement vérifier si dans ces villes l’Etat offrait une protection contre la violence à l’égard des homosexuels et des personnes transgenres si nécessaire. Une cour néerlandaise a jugé que la zone touristique littorale de la Gambie constituait une bonne solution de protection. « Les mœurs sexuelles étant relâchées dans la région, un homosexuel pourrait y vivre dans un certain anonymat. »149 La direction de l’immigration finlandaise a jugé que : « Les demandeurs pouvaient s’installer dans une autre région, où l’attitude envers les homosexuels est plus tolérante. Dans les grandes villes, il est moins probable que les homosexuels détonent par rapport aux autres habitants, par exemple à Moscou et à Saint-Pétersbourg il y a quelques ONG pour les minorités sexuelles et des clubs connus publiquement. »150 Le département de l’immigration lituanien a refusé le statut de réfugié à un demandeur d’asile originaire du Kazakhstan. « Les informations sur le pays d’origine indiquaient que la liberté de mouvement était respectée au Kazakhstan et que les homosexuels se sentaient plutôt en sécurité à Astana, Almaty, Karaganda, Aktau, Atyraou, Ust-Kamenogorosk et Pavlodar. Des bars, clubs et d’autres lieux de divertissement sont disponibles pour les homosexuels dans ces villes. De plus, un soutien psychologique et matériel est accessible aux homosexuels sans abri ou qui ont été agressés sexuellement. » Ces villes ont été considérées comme une possibilité de protection interne appropriée. Dans le cas d’une éthiopienne, le comité d’appel norvégien a jugé qu’elle était « une femme mûre et pleine de ressources dont on pouvait attendre qu’elle vive dans une autre ville que la sienne, par exemple à Addis-Abeba, où il n’y a aucune raison de redouter la persécution. »151 En Belgique, en Bulgarie, à Chypre, en République tchèque, en France, en Grèce, en Slovaquie, en Slovénie et en Espagne aucun cas de rejet fondé sur la possibilité de protection interne n’a été rencontré. 149 Rechtbank (Cour régionale) Amsterdam 6 octobre 2005, n° 05/42699. 150 Ulkomaalaisvirasto (Direction de l’immigration) 3 novembre 2004, Dnro 17191720/0611/2004. 151 Décision n° N101901611. 47 La protection interne 5 . 3 L a p r a t i q u e d e s Et a t s : l a d i s c r é t i o n d a n s la possibilité de protection interne d’après les informations sur le pays d’origine les lesbiennes ne sont pas aussi discriminées que les hommes homosexuels.155 Dans neuf pays européens, des exemples ont été trouvés dans lesquels on attendait explicitement ou implicitement du demandeur de s’installer dans une autre région du pays, et de cacher par la suite son orientation sexuelle ou son identité de genre.152 (Sur la discrétion, voir également Chapitre 4) Une fois encore, de nombreux cas ont été rapportés concernant les pays criminalisant l’orientation sexuelle, comme illustré par les exemples suivants. De la même manière, lors de l’appel à la décision d’asile d’une lesbienne nigériane, un tribunal irlandais a conclu que les informations sur le pays d’origine « indiquent qu’il y a des régions du Nigéria, parmi lesquelles Lagos, où les lesbiennes peuvent vivre librement du moment qu’elles n’empiètent pas sur les droits des autres. »156 Par exemple dans le cas d’un homosexuel camerounais, la Première cour (Judecatorie) roumaine a jugé que : « Rien n’empêche le demandeur de s’installer dans une région de son pays d’origine où personne ne le connaît et de pratiquer sa sexualité, mais il devrait être plus discret afin de ne pas provoquer de réaction des autorités et de l’opinion publique générale. » Aux Pays-Bas nous avons trouvé des divergences entre les politiques et les pratiques : en 2006, la ministre néerlandaise Rita Verdonk a jugé que : « une possibilité de refuge interne peut seulement être envisagée si cela n’implique pas que le demandeur d’asile devrait cacher sa préférence sexuelle dans l’autre région du pays. »153 Cependant en 2007, la cour néerlandaise a considéré les grandes villes du Nigéria comme une bonne solution de protection, sur la base d’un rapport du ministère de l’Intérieur britannique (octobre 2005) selon lequel les « homosexuels n’y craignent pas d’être persécutés du moment qu’ils n’expriment pas ouvertement leur orientation sexuelle. »154 Dans plusieurs cas en Autriche, une possibilité de refuge interne vers une région chrétienne du Nigéria a été proposée. Par exemple dans le cas d’un lesbienne nigériane que son père avait menacé de tuer car elle refusait d’épouser un de ses amis, la cour d’asile autrichienne a jugé qu’elle disposait d’une possibilité de protection interne, car 152 Ces pays sont les suivants : Finlande, Allemagne, Irlande, Pays-Bas Roumanie, Danemark, Malte, Norvège et Pologne. Cf. un rapport de l’UKLGIG dans lequel 68 % des décisions étudiées mentionnaient une possibilité de protection interne comme motif de rejet de la demande ; dans 38 % des cas, celle-ci s’accompagnait de l’exigence de discrétion dans le lieu de refuge. UK Lesbian & Gay Immigration Group, Failing the Grade. Home Office initial decisions on lesbian and gay claims for asylum, avril 2010, p. 5. 153 Answers to parliamentary questions, 28 novembre 2006, Aanhangsel Handelingen II 2006/07, n° 394. 154 Rechtbank (Cour régionale) Den Bosch 31 mai 2007, n° 06/51632. De la même manière, en 2009, en s’appuyant sur un rapport national néerlandais de2005 sur l’Algérie, une autre cour néerlandaise a estimé que les grandes villes algériennes, où l’homosexualité est tolérée du moment qu’elle n’est pas explicitement affichée, constitue une bonne possibilité de protection interne. Rechtbank (Cour régionale) Assen 17 avril 2009, n° 09/11179, Cette décision a été confirmée sans raisons par la Afdeling Bestuursrechtspraak van de Raad van State (Division judiciaire du Conseil d’Etat) 25 mai 2009, n° 200902993/1/ V2. En Algérie comme au Nigéria, l’orientation sexuelle est criminalisée. 48 Dans une autre décision irlandaise rejetant l’appel d’une lesbienne ougandaise, le tribunal a remarqué que bien que la demandeuse avait une partenaire lesbienne, « elle n’avait subi aucune sorte de discrimination dans son pays d’origine, en dehors de devoir garder sa sexualité secrète. Il y a des homosexuels qui cachent leur sexualité dans le monde entier et qui choisissent de ne pas déclarer leur sexualité et/ou de ne pas s’identifier par leur sexualité. » Le tribunal a conclu : « il est considéré raisonnable, pratique, sûr et d’une difficulté non disproportionnée de trouver refuge dans une autre partie du pays en Ouganda si elle le souhaite. C’est une question de choix pour la demandeuse. »157 5 . 4 L e s b o n n e s p r a t i q u e s Concernant l’exigence implicite ou explicite de cacher son orientation sexuelle ou son identité de genre, la politique officielle des Pays-Bas sur la criminalisation et la protection interne dispose que « la possibilité de refuge interne » peut uniquement être envisagée si cela n’implique pas que le demandeur d’asile doive cacher sa préférence sexuelle dans une autre région du pays. »158 Il s’agit d’une bonne pratique, mais nous avons rencontré des cas dans lesquels cette politique n’était pas appliquée. Le jugement de l’affaire HJ (Iran) et HT (Cameroun) de la Cour suprême britannique présente une bonne pratique qui est claire sur le fait que la possibilité de refuge interne n’est pas acceptable pour les demandeurs LGB originaires de pays criminalisant l’homosexualité, si elle repose sur le fait de dissimuler son orientation sexuelle dans la nouvelle région proposée : « L’objection à cela est que cela part du principe que le demandeur sera prêt à mentir et à dissimuler son orientation sexuelle lorsqu’il s’installera dans une nouvelle ville. (…) Il n’existe pas de lieu dans 155 Asylgerichtshof (Cour d’asile) 1er juillet 2009, A13 407.007-1/2009. 156 Cour d’appel des réfugiés, 2009. 157 Cour d’appel des réfugiés, 2009. 158 Answers to parliamentary questions, 28 novembre 2006, Aanhangsel Handelingen II 2006/07, n° 394. La protection interne des pays comme l’Iran et le Cameroun dans lesquels un demandeur homosexuel pourrait s’installer de manière sûre sans apporter de changement fondamental à son comportement, ce qu’il ne saurait faire seulement car il est homosexuel. »159 Au Royaume-Uni, dans un cas de ligne directrice nationale concernant des lesbiennes en Jamaïque, l’Upper tribunal a admis que cette objection contre le fait de proposer une protection interne pour les pays criminalisant l’homosexualité pouvait aussi s’appliquer aux femmes perçues comme lesbiennes, c’est-à-dire aux personnes qui ne présentent pas un schéma de vie hétérosexuel. » : « Les risques se présentant pour les lesbiennes réelles comme perçues, la possibilité de refuge interne n’améliore pas leur sûreté. Les nouvelles arrivantes dans des communautés rurales vont faire l’objet de spéculations : des questions leur seront posées, leur style de vie sera observé et à moins qu’elles ne montrent un schéma de vie hétérosexuel, elles risquent d’être identifiées comme étant lesbiennes. Les lesbiennes perçues risquent également l’exclusion sociale (perte de leur emploi et expulsion de leur domicile) ».160 5 . 5 C o n c l u s i o n Dans de nombreux pays européens, des possibilités de protection interne ont été appliquées aux demandeurs ayant fui des pays criminalisant l’orientation sexuelle. Il faut garder à l’esprit que cette solution ne devrait entrer en jeu que lorsqu’il a été établi, ou au moins lorsqu’il est supposé qu’un demandeur a une crainte fondée d’être persécuté dans une partie du pays. Dans le cas contraire, la notion de protection interne dans son ensemble n’est pas applicable car alors le demandeur n’a pas besoin de protection. Comme nous en avons conclu précédemment (au chapitre 4 sur l’exigence de discrétion), exiger des demandeurs de ne pas être ouverts sur leur orientation sexuelle ou leur identité de genre afin de ne pas être exposés à un risque de persécution est inacceptable. De la même manière, leur demander de cacher leur orientation sexuelle ou leur identité de genre dans une autre région du pays est tout autant inacceptable. 161 159 Cour suprême britannique, 7 juillet 2010, HJ (Iran) et HT (Cameroun) c. Secrétaire d’Etat à l’Intérieur, [2010] UKSC 31 ; [2011] 1 A.C. 596.569. 160 Upper Tribunal du Royaume-Uni, 24 juin 2011, SW (Jamaïque) c. Secrétaire d’Etat à l’Intérieur, CG [2011] UKUT 00251, para. 107(5). 161 Millbank souligne que : « L’argument de la discrétion a assombri la considération d’un refuge interne en impliquant implicitement et explicitement que le but du déplacement était de pouvoir se dissimuler (à nouveau), et non fuir vers un lieu sûr et disposant d’une protection étatique efficace. » Jenni Millbank, ‘From discretion to disbelief: Recent Trends in Refugee Determinations on the Basis of Sexual Orientation in Australia and the United Kingdom,’ International Journal of Human Rights, Vol. 13, N° 2/3, 2009, Lorsque le risque de persécution provient d’agents étatiques (y compris des organismes locaux et régionaux), la protection interne est rarement une option envisageable. En conséquence, les cas de demandeurs LGBTI fuyant des pays qui criminalisent l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, et ont une crainte fondée d’être persécutés par des agents étatiques, la « protection interne » n’est vraiment pas une option à considérer. Lorsque les demandeurs d’asile LGBTI redoutent des agents non étatiques dans des pays qui criminalisent l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, la protection interne n’est pas non plus une option, car l’Etat ne sera pas en mesure de leur offrir une protection efficace ou pas disposé à le faire (voir aussi chapitre 3, La protection étatique). En conclusion : dans un pays qui criminalise les personnes LGBTI, la protection interne n’est pas disponible. Les demandes d’asile de demandeurs LGBTI originaires de tels pays ne devraient jamais être rejetées sur la base de la protection interne. Dans tous les autres cas, les autorités décisionnaires devraient procéder à une évaluation de la situation des personnes LGBTI dans la région du pays proposée comme possibilité de protection interne, y compris le fait de savoir si une protection étatique efficace y est accessible pour eux. Il doit être évité que le demandeur se retrouve dans une région du pays où il risque de subir des persécutions, des mauvais traitements ou d’autres violations de l’article 3 CEDH. R e c o m m a n d at i o n s • L’article 8 de la directive qualification devrait appliquer de façon à ce que la protection interne soit jugée indisponible dans les cas de demandeurs lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués originaires de pays criminalisant l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. • Dans tous les autres cas, les autorités décisionnaires devraient procéder à une évaluation soigneuse de la situation des personnes lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexuées dans la région de protection interne proposée, y compris le fait de savoir si une protection étatique efficace y est accessible pour eux. p.3. Voir également : HCR, Asylum-Seekers and Refugees Seeking Protection on Account of their Sexual Orientation and Gender Identity. Summary Conclusions of the Expert roundtable organized by the UN High Commissioner for Refugees (Genève, 30 septembre – 1er octobre 2010) : « Tout comme l’argument de la discrétion a été jugé une raison non valable de refuser la protection d’asile dans d’autres types de demandes, elle n’est pas non plus valable dans les cas liés à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre. De la même manière, la possibilité de fuite à l’intérieur du pays ne devrait être considérée lorsqu’elle signifie que la sécurité du demandeur sera conditionnée à la dissimulation de son orientation sexuelle ou identité de genre. » 49 • 50 Il ne devrait pas être attendu ou supposé que les demandeurs d’asile cachent leur orientation sexuelle ou leur identité de genre dans la région de protection interne afin de se protéger de la persécution. La crédibilité 6 L’ é v a l u a t i o n d e l a c r é d i b i l i t é 6 . 1 I n t r o d u c t i o n La crédibilité est devenue une question majeure dans la détermination de nombreux statuts de réfugié. Dans la plupart des cas d’asile, les affirmations du demandeur (consignées dans un rapport écrit de l’entretien, ou dans une déclaration écrite) sont les principales sources de preuves. Sur cette base, les preneurs de décision doivent déterminer si la demande est sincère, c’est-à-dire crédible. Les événements décrits se sont-ils réellement produits ? Que se passera-t-il à l’avenir si cette personne est renvoyée vers son pays d’origine ? L’importance d’une enquête rigoureuse sur les faits déclarés lors de l’entretien initial est de plus en plus reconnue, au fur et à mesure que les procédures accélérées se font de plus en plus courantes, tandis que par ailleurs la révision judiciaire a tendance à s’alléger. En dehors de la crédibilité générale de leur récit, lorsque la demande d’asile est fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre du demandeur, un aspect spécifique de la crédibilité est en jeu : est-il crédible que la personne appartienne ou soit perçue comme appartenant162 à un groupe social constitué en termes d’orientation sexuelle ou d’identité de genre ? Un seul cas a été rencontré au cours des présentes recherches dans lequel l’identité de genre du demandeur était mise en doute (pour plus de détails, voir le paragraphe 6.4.4 ci-dessous). Cependant la question de l’identité de genre est similaire à celle de l’orientation sexuelle : la société environnante connaît-elle l’identité de genre du demandeur ? L’attention portée sur l’appartenance du demandeur au groupe LGBTI est problématique, car elle se fonde sur des suppositions sur la manière dont une « véritable » personne LGBTI se comporte. Il n’existe pas de manière standard dont les personnes LGBTI reconnaissent et vivent leur orientation sexuelle ou leur identité de genre.163 Par exemple, il y a un fossé entre différentes personnes LGBTI nées et élevées à Amsterdam – imaginez donc lorsque l’on 162 Middelkoop a affirmé qu’en dehors des cas sur le terrain, l’accent devrait être mis exclusivement sur le fait que le demandeur ait une crainte fondée d’être perçu comme homosexuel ou non. De cette manière, il tente d’écarter le débat suscité par les cas où le demandeur nie être homosexuel, bien qu’il ait des relations homosexuelles ; et par exemple, un cas dans lequel un homme a une relation avec une personne transgenre MtF, il a été considéré comme ayant une relation hétérosexuelle, L.P. Middelkoop, ‘Geloofwaardigheidskwesties rond homoseksuelen in de Nederlandse asielprocedure’, Asiel- en Migrantenrecht 2010-1, p. 508-515. 163 N. LaViolette, ‘Coming Out to Canada: The Immigration of Same-Sex Couples under the Immigration and Refugee Protection Act’, McGill Law Journal 2004, p. 996. prend en compte les identités sexuelles de personnes d’autres régions du monde. Cela complique la tâche consistant à déterminer si les demandeurs d’asile sont crédibles quand ils attestent de leur orientation sexuelle – en particulier lorsque la personne qui fait passer l’entretien prend le stéréotype des personnes LGBTI européennes relativement émancipées comme représentation standard de ce à quoi ressemblent les personnes LGBTI. D’autre part, il n’est pas non plus possible de ne pas considérer la crédibilité comme une question légitime. Lorsqu’un demandeur d’asile affirme avoir une crainte fondée d’être persécuté au motif qu’il est communiste, il y a une bonne raison de rejeter la demande s’il est établi que le demandeur n’a en fait pas de telles opinions politiques, ou qu’il n’est pas perçu comme étant communiste. De la même manière, une demande d’asile fondée sur une identité LGBTI peut être rejetée légitimement si le demandeur n’est en fait pas L, G, T ou I et n’appartient donc pas à un groupe social particulier constitué de personnes LGBTI, et n’est pas perçu comme en faisant partie. Dans certains pays, lorsque la politique d’asile est sensibilisée à la question LGBTI d’une certaine manière (abolition de l’exigence de discrétion, voir chapitre 4 ; ou politique d’octroi de protection à un groupe particulier de demandeurs LGBTI), cela est contre balancé par une tendance inverse : un nombre croissant de demandes LGB sont rejetées car l’orientation sexuelle des demandeurs est mise en doute. Dans les pays où les obstacles à la reconnaissance du statut de réfugié aux demandeurs LGBTI ont été abandonnés, une tendance à l'apparition de problèmes liés à la crédibilité se manifeste (la République tchèque,164 les Pays-Bas et le Royaume-Uni après l’abandon de l’exigence de discrétion.)165 Il s’est produit récemment la même chose aux Pays-Bas, après l’adoption de politiques favorables pour des groupes spécifiques d’homosexuels.166 Ainsi, une expansion du champ de protection pour les demandeurs LGBTI peut s’accompagner d’une aggravation des problèmes de crédibilité. 164 Jusqu’à la transposition de la directive qualification, les demandes de personnes LGB étaient généralement rejetées sur des motifs de fond. Cependant, depuis la transposition de la directive qualification et les restrictions concernant la persécution émanant d’agents non étatiques, les arguments du seuil de persécution et de l’absence de demande de protection étatique doivent être abandonnés, et l’évaluation de la crédibilité doit donc devenir une question clé relative aux demandes LGB. En d’autres termes, une extension du champ de la protection pour les demandeurs LGBTI s’est accompagnée d’une aggravation des problèmes de crédibilité. 165 Comp. sur l’Australie Jenni Millbank, From Discretion to Disbelief: Recent Trends in Refugee Determinations on the Basis of Sexual Orientation in Australia and the United Kingdom, International Journal of Human Rights 200913 (2/3). Pour les Pays-Bas, voir le questionnaire national néerlandais. 166 Cf. Middelkoop 2010, supra. 51 La crédibilité Pour certains pays les experts nationaux ont rapporté qu’il n’y a pas de problème sur la question de la crédibilité : certains d’entre eux n’ont trouvé que peu de demandes de personnes LGB rejetées au motif que la crainte n’était pas considérée comme fondée ou que le risque de mauvais traitements n’était pas considéré comme réel. Pour certains de ces pays, il semble que la crédibilité ne soit pas une question envisagée dans les demandes de personnes LGB (Grèce, Portugal) tandis que d’autres mentionnent des exemples mais déclarent que celles-ci sont généralement rejetées sur d’autres motifs (les mauvais traitements n’atteignent pas le seuil de la persécution ; l’absence de demande de protection étatique : Espagne) L’article 13(3)(a) de la directive procédures dispose que les Etats membres doivent s’assurer que les personnes faisant passer l’entretien soient compétentes et prennent en compte les circonstances personnelles et générales autour de la demande, y compris la culture ou la vulnérabilité du demandeur, dans la mesure du possible.168 Le guide du HCR souligne la possibilité que les demandeurs soient appréhensifs envers toute autorité (par. 198), et qu’il est nécessaire que l’examinateur gagne la confiance des demandeurs afin de les aider à mettre leur cas en avant et à expliquer leurs opinions et leurs sentiments de façon complète (par. 200). Il y a de grandes différences dans la manière dont les questions de crédibilité sont traitées dans les différents pays de l’UE. Apparemment, il n’y a pas de pratique cohérente dans les Etats membres sur ce point. Les questions suivantes seront identifiées dans ce chapitre : Plus spécifiquement, le guide du HCR déclare à propos des demandes de personnes LGBTI : –– Les examens médicaux ; –– Les déclarations de témoins ; –– Les méthodes d’interrogation ; –– Les connaissances et les comportements attendus (y compris l’absence de familiarité avec le milieu homosexuel ; le mariage hétérosexuel et la parentalité ; une mauvaise connaissance des sanctions pénales ; un comportement trop dangereux pour être vrai) 6 . 2 L e s n o r m e s i n t e r n a t i o n a l e s e t e u r o p é e n n e s s u r l a c r é d i b i l i t é – c o n s i d é r at i o n s g é n é r a l e s La disposition générale de l’article 4 de la directive qualification, ainsi que les normes des paragraphes 195-205 du guide du HCR doivent servir de point de départ. Appliquées aux évaluations de crédibilité, ces normes indiquent que les demandes doivent être examinées avec une attention particulière aux difficultés que les demandeurs d’asile peuvent avoir à fournir des preuves (article 4(5) directive qualification ; par. 196 du guide du HCR167) de sorte que les autorités et le demandeur devraient coopérer afin d’évaluer la pertinence des éléments de la demande (article 4(1) directive qualification). 167 Concernant les difficultés pour les demandeurs d’asile à fournir des preuves, voir CEDH 19 février 1998, Bahaddar c. Pays-Bas, Dem. N° 25894/94, RJ&D ECHR 1998-I, par. 45. 52 « 35. L’auto-identification en tant que personne LGBT devrait être considérée comme une indication de l’orientation sexuelle d’un individu. Même si certains demandeurs seraient en mesure de fournir des preuves de leur statut LGBT, par exemple à l’aide de déclarations de la part de témoins, de photos ou d’autres preuves documentaires, ils n’ont pas l’obligation de fournir des preuves de leurs activités dans leur pays d’origine indiquant leur différence en matière d’orientation sexuelle ou d’identité de genre. Lorsque le demandeur n’est pas en mesure de fournir des preuves de son orientation sexuelle et/ou qu’il y a un manque d’informations suffisamment précises sur le pays d’origine, le preneur de décision doit s’appuyer uniquement sur le témoignage de cette personne. Si le récit du demandeur semble crédible, et en l’absence de bonnes raisons du contraire, il faut lui accorder le bénéfice du doute. 36. D ans l’évaluation des demandes LGBT, l’image stéréotypée des personnes doit être évitée, tel que le fait de s’attendre à un comportement « exubérant » ou efféminé chez les gays, ou une apparence « camionneur » ou masculine chez les lesbiennes. De la même manière, une personne ne devrait pas être automatiquement considérée comme étant hétérosexuelle uniquement parce qu’elle a été mariée et a des enfants, ou s’habille conformément aux codes sociaux dominants. Une enquête concernant la réalisation ou les expériences de l’identité de genre du demandeur plutôt que des questions précises sur des actes sexuels peut permettre d’évaluer de façon plus correcte la crédibilité du demandeur. 168 La dernière version de la proposition de refonte de la directive procédures mentionne explicitement l’orientation sexuelle et l’identité de genre à cet égard à l’article 15(3), voir la proposition de directive modifiée de la Commission, COM(2011) 319 final, Bruxelles, 1er juin 2011. La crédibilité 37. Il est important que les demandeurs LGBT soient interrogés par des personnes formées et bien informées sur les problèmes spécifiques rencontrés par les personnes LGBT. Il en va de même pour les interprètes présents lors de l’entretien. Des manières pertinentes de sensibiliser les acteurs participant à la politique d’asile est de leur fournir des formations courtes et ciblées, de diffuser les questions liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre à l’arrivée de nouveaux membres du personnel, de leur donner accès à des sites internet possédant une expertise sur les questions LGBT ainsi que de mettre au point des lignes directrices concernant les méthodes d’enquête et d’interrogation appropriées à utiliser à différents stades de la procédure d’asile. »169 6 . 3 L e s e x a m e n s m é d i c a u x Dans différents pays européens, des examens médicaux (examens psychiatriques, réponse physique à des images pornographiques, ou test dit de « phallométrie ») sont utilisés pour établir l’appartenance d’une personne au groupe LGBTI. Des exemples d’examens réalisés par des psychologues, des psychiatres et des sexologues afin d’évaluer l’orientation d’une personne ont été rencontrés dans 8 pays : l’Autriche, la Bulgarie, la République tchèque, l’Allemagne, la Hongrie, la Pologne,170 la Roumanie et la Slovaquie. Dans le cas hongrois d’un demandeur d’asile iranien âgé de 16 ans, des examens médicaux ont été réalisés. Un « expert » médico-légal a établi qu’il était hétérosexuel, tandis que le psychiatre de la Fondation Cordelia (une ONG hongroise) a confirmé son homosexualité. Le preneur de décision, ne sachant pas comment trancher, a demandé l’opinion d’un troisième expert. Ce psychologue a déclaré qu’il était impossible de déterminer l’orientation sexuelle d’un adolescent aussi jeune à un âge où la personnalité peut encore beaucoup changer avec le temps. Cela a pris environ un an et demi, a coûté beaucoup d’argent aux autorités compétentes en matière d’asile, et le demandeur a finalement obtenu gain de cause. 6.3.1 L e s n o r m e s i n t e r n at i o n a l e s e t e u r o p é e n n e s 6 . 3 . 1 . 1 L a d é p s y c h i a t r i s a t i o n Les variations de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre sont courantes et doivent être considérées comme partie intégrante de la vie humaine. L’orientation sexuelle ou l’identité de genre ne peuvent dont pas être considérées comme des maladies ou des déviances psychologiques. L’homosexualité n’est plus considérée comme un trouble médical ou psychiatrique depuis 1990, lorsque l’Organisation mondiale de la santé (OMS) l’a supprimée de la catégorie médicale. Les experts médicaux ou psychiatriques ne possèdent donc pas d’expertise pertinente sur la détermination de l’appartenance des demandeurs au groupe LBG. Bien que la classification internationale des maladies de l’OMS ICD-10 inclue « le transsexualisme », le « travestisme bivalent», les « troubles d’identité de genre de l’enfance » dans la catégorie des « troubles de l’identité de genre » dans la liste des « troubles mentaux et comportementaux », des ONG LGBTI demandent la dépsychiatrisation de toutes les identités de genre. De la même manière, selon le haut-commissariat aux droits de l’homme du conseil de l’Europe, « de telles classification sont à leur tour problématiques et de plus en plus remises en question par des acteurs de la société civile et les professionnels de santé. De telles classifications peuvent constituer un obstacle à la jouissance totale des droits fondamentaux des personnes transgenres, notamment lorsque celles-ci sont appliquées de manière à restreindre la capacité juridique ou le choix d’un traitement médical. »171 De même que l’orientation sexuelle, l’identité de genre fait partie de la conscience de soi d’un individu, même si dans de nombreux cas, les personnes transgenres choisissent une intervention médicale nécessaire à leur bien-être. Plus de 230 organisations dans le monde entier on rejoint l’initiative STP-2012 initiative (Stop à la pathologisation des personnes transgenres), qui demande le retrait des identités de genre des manuels de diagnostic (ICD et DSM, le « Manuel de diagnostic et de statistique des maladies mentales » de l’Association américaine de psychiatrie). Nous partageons ce point de vue, et défendons la position selon laquelle l’identité de genre est une identité concernant laquelle les experts médicaux ou psychiatriques n’ont aucune expertise pertinente. Il va de soi que les experts médicaux (ainsi que les psychologues) possèdent néanmoins une expertise sur les problèmes que les 169 HCR, UNHCR Guidance Note on Refugee Claims Relating to Sexual Orientation and Gender Identity, 21 novembre 2008. 170 Nous incluons la Pologne dans cette liste car le Bureau des étrangers polonais recommande d’après nos sources au demandeur de fournir des preuves supplémentaires, comme par exemples les résultats de tests psychologiques, ou l’avis médical de sexologues. Nous n’avons pas de preuve concrète que ces examens ont réellement été réalisés en Pologne. 171 Haut-commissariat aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Issue Paper (2009)2 on Human Rights and Gender Identity, 29 juillet 2009, disponible à l’adresse : https://wcd.coe.int/wcd/ViewDoc.jsp?Ref=CommDH/IssuePaper(20 09)2&Language=lanEnglish&Ver=original&Site=CommDH&BackColorInternet =FEC65B&BackColorIntranet=FEC65B&BackColorLogged=FFC679 53 La crédibilité personnes LGBTI peuvent rencontrer en conséquence de la manière dont la société traite la questions des orientations sexuelles et des identités de genre non standards, mais la détermination de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre est une question d’auto-identification, et non une question médicale. 6 . 3 . 1 . 2 L e s t r a i t e m e n t s i n h u m a i n s ; l a v i e p r i v é e Le fait que l’orientation sexuelle et l’identité de genre soient considérées comme des questions médicales ou non est très important car les examens médicaux, psychiatriques et psychologiques sont très intrusifs, et nombres d’entre eux constituent une violation de l’intimité d’une personne alors qu’ils ne sont d’aucune utilité. Une intervention médicale obligatoire, même si elle est d’importance mineure, doit être considérée comme interférant avec le droit du respect de la vie privée inscrit à l’article 8 CEDH.172 Un examen médical tombe également sous le coup de la vie privée. Pour qu’un tel examen soit exigé afin d’accorder un statut, cela doit se faire conformément à la loi, servir un but légitime et être nécessaire dans une société démocratique (c’est-à-dire proportionné).173 Cela a également été formulé à l’article 18 des principes de Yogyakarta qui déclare que « Personne ne peut être forcé à subir une quelconque forme de traitement, procédure, test médical ou psychologique, ou être retenu dans un établissement médical sur la base de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre. En dépit de toute classification affirmant le contraire, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ne sont pas en elles-mêmes des affections médicales et n’ont pas à être traitées, soignées ou supprimées. »174 Le test dit de « phallométrie » (voir par.6.4.5 ci-dessous) viole incontestablement les Artt. 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.175 Dans le contexte d’une condamnation pénale, la Cour européene des droits de l’homme, tout en reconnaissant le caractère humiliant du test de phallométrie, ne l’a pas considéré comme une violation de l’article 3 dans ce cas particulier, 172 Dem. N° 8278/78, X c. Autriche, D&R 18 (1980), p, a55, à 156. 173 CEDH 5 juillet 1999, Matter c. Slovaquie, dem. N° 31534/96 concernant un examen psychologique ; CEDH 27 novembre 2003, Worwa c. Pologne, dem. N° 26624/95 concernant un rapport psychiatrique. 174 Panel international d’experts en législation internationale des droits humains et de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, Principes sur l’application du droit international des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre (2007), www.yogyakartaprinciples.org. 175 Comp. Le jugement de la cour administrative allemande Verwaltungsgericht) Schleswig-Holstein, 7 septembre2009, 6 B 32/09 ; Agence européenne des droits fondamentaux (FRA), Homophobia, Transphobia and Discrimination on Grounds of Sexual Orientation and Gender Identity – version de 2010, 10 décembre 2010, pp. 59-60 ; ORAM, Testing Sexual Orientation: A Scientific and Legal Analysis of Plethysmography in Asylum & Refugee Status Proceedings, 2011 ; HCR, Comments on the Practice of Phallometry in the Czech Republic to Determine the Credibility of Asylum Claims based on Persecution due to Sexual Orientation, avril 2011, consultable à l’adresse : http://www.unhcr.org/refworld/ docid/4daeb07b2.html. 54 principalement car les mesures considérées comme une nécessité thérapeutique ne peuvent être considérées comme dégradantes.176 L’objectif thérapeutique étant absent dans le contexte de l’asile, cela doit être considéré comme une violation de l’article 3. Dans le contexte de l’article 8, l’intrusion considérable dans l’intimité d’une personne provoquée par un test de phallométrie pourrait en théorie se justifier si cela était nécessaire dans une société démocratique. Mais le but de ce test (qui est d’établir la crédibilité) peut être atteint par d’autres moyens ; et la question se pose de savoir si ce test peut fournir des résultats pertinents pour déterminer l’orientation sexuelle d’une personne. Cela met en évidence le fait que, tous intérêts pesés, l’intrusion dans la vie privée d’un individu constituée par les tests de phallométrie ne peut être justifiée et constitue une violation de l’article 8 CEDH. 6 . 3 . 1 . 3 L e c o n s e n t e m e n t Un autre problème qui se pose est celui du consentement. Même si l’opinion des experts médicaux, psychiatriques ou psychologiques est consultée sur requête du demandeur d’asile,177 il est difficile de soutenir qu’une personne a donné son consentement librement à l’examen si la motivation est la douloureuse conscience qu’un refus implique nécessairement un rejet de la demande d’asile et une exposition possible aux persécutions dans le pays d’origine. Ce contexte exerce effectivement de lourdes pressions sur les demandeurs à se soumettre à des tels examens. L’orientation sexuelle et l’identité de genre n’étant pas des catégories médicales, psychiatriques ou psychologiques valables, cela rend le « consentement » des demandeurs d’asile à de tels examens très contestables. 6.3.2 L a p r at i q u e d e s Etat s : l’ e x p e r t i s e m é d i c a l e r e q u i s e pa r l e s a u t o r i t é s Afin d’examiner la crédibilité de l’orientation sexuelle, l’Office hongrois de l’immigration et de la nationalité (OIN) demande parfois « l’opinion d’un expert ou d’un expert médico-légal (sans aucun intérêt professionnel spécifique ou formation particulière sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre). « L’examen » se limite en général à une simple discussion entre « l’expert » et le demandeur. Dans certains cas, l’expert médical utilise les test psychologiques de Rorschach et Szondi. De tels examens sont appliqués même dans les cas très univoques, ne permettant aucun doute concernant la crédibilité du demandeur (par exemple lorsque le demandeur vivait en concubinage avec une personne du même sexe en Hongrie et que cela aurait pu être aisément vérifiable et considéré comme une preuve factuelle suffisante). L’OIN semble ne pas avoir 176 CEDH 14 septembre 1999, dem. N° 37231/97 (Toomey c .Royaume-Uni). 177 A ce propos, il est important de remarquer que le test de phallométrie a été introduit à l’instigation de l’avocat d’un demandeur d’asile ; pour plus de détails, voir le questionnaire tchèque. La crédibilité recours à cette pratique uniquement dans les cas de personnes transgenres ou d’hommes homosexuels qui ont une apparence ou un comportement très efféminé. Des pratiques similaires ont été rapportées pour la Bulgarie. 6.3.3 L a p r at i q u e d e s Etat s : l e s e x a m e n s m é d i c a u x à l’ i n i t i at i v e d u d e m a n d e u r En réponse à des constats de crédibilité négatifs, certains demandeurs peuvent se sentir dans l’obligation de se tourner vers des sexologues, des psychologues ou des experts apparentés pour obtenir une confirmation d’un expert concernant leur orientation sexuelle. En Allemagne, des attestations de psychologues, de psychiatres ou d’autres experts médicaux sont parfois soumis par les demandeurs de leur propre initiative. Dans certains cas cela semble être la seule manière de convaincre les tribunaux, en particulier dans les cas où le demandeur d’asile n’a pas parlé de son orientation sexuelle dans la procédure initiale et affirme être L, G ou B à un stade plus avancé (sur cette question, voir chapitre 7). La question de l’opinion d’un expert est d’autant plus compliquée en Allemagne en raison de la notion « d’irréversibilité » telle que définie dans la décision faisant référence de la Cour fédérale administrative (Bundesverwaltungsgericht) du 15 mars 1988. Dans ce cas majeur, la cour a jugé qu’il était décisif de savoir si le demandeur avait une orientation homosexuelle irréversible (irreversibele Homosexualität). Une simple inclination (blosse Neigung) n’est pas décisive concernant les actes homosexuels selon que la personne concernée peut choisir de se comporter ou non comme elle le souhaite. Seule la fixation inéluctable sur un comportement homosexuel ou une nécessité de satisfaction impérieuse “unentrinnbare schicksalhafte Festlegung auf homosexuelles Verhalten bzw. Triebbefriedigung”- rendant impossible le fait de ne pas avoir un comportement homosexuel peut constituer un motif d’octroi du statut de réfugié. Dans ce cas, formulé en des termes relevant de façon indéniable de la sexologie classique, les autorités compétentes en matière d’asile ou les tribunaux exigent des demandeurs qu’ils fournissent l’opinion d’un expert psychiatrique sur le degré de leur homosexualité.178 178 Un professeur de sexologie et membre fondateur de l’ancien Institut de sexologie de Francfort est mentionné comme ayant « régulièrement » rédigé des avis d’expertise sur l’homosexualité perçue des demandeurs d’asile. Le cas en question est celui d’un homosexuel nigérian décrit dans cet article ; l’avis médical a en fait été financé par Amnesty International. D’après cet article, ses déclarations s’appuyaient sur « une ou deux séances d’entretien ». Source : http://www.sueddeutsche.de/politik/weltweit-verfolgt-homosexuelletoedliche-kuesse-1.488972, Süddeutsche Zeitung 16 janvier 2009. Un exemple du rôle que peuvent jouer les opinions des experts dans la procédure est fourni par le cas d’un demandeur iranien dans lequel l’opinion d’un expert a été utilisée comme preuve pour appuyer sa crédibilité mise en doute par les autorités : « Le demandeur a expliqué dans un entretien au bureau fédéral qu’il avait eu ses premiers rapports homosexuels lors de son service militaire. […] La cour ne met pas ces déclarations en doute, surtout dans la mesure où le demandeur a fait les mêmes déclarations lors d’un entretien au centre clinique de l’université de […], et l’opinion de l’expert sexologique et psychiatrique conclut que le demandeur a une disposition homosexuelle irréversible. [...] »179 Cependant, certaines cours allemandes commencent à douter de la valeur des opinions des experts sexologues. Dans une décision de cour, la valeur des opinions de l’expert est invalidée : « L’opinion de l’expert obtenue dans une autre procédure [...] ne s’appuie que sur les déclarations de l’enquêteur proband) pour arriver à la conclusion que la « formulation d’une personnalité homosexuelle irréversible ne peut trouver de réponse d’une manière concrète et concluante d’un point de vue psychiatrique. » Elle n’a pas besoin de l’opinion d’un expert pour effectuer une telle évaluation, qui peut et doit être entreprise par la cour dans le contexte de l’évaluation de la crédibilité du demandeur. »180 Les sexologues eux-mêmes semblent également hésitants. L’opinion d’un expert (sexualmedizinisches Gutachten) soumise à la cour dans un autre cas peut illustrer ce propos : l’expert était un spécialiste en médecine psychothérapeutique et professeur à l’Hôpital universitaire de la Charité de Berlin. Un extrait de son avis d’expertise a été transmis à une ONG allemande dans une version anonyme et consistait en une «digression » de 22 pages sur les difficultés méthodologiques dans la détermination de l’orientation sexuelle et sur l’interdépendance des (pré-)dispositions biologiques et psychologiques et des critères socioculturels qui selon l’auteur sont aussi pertinents les uns que les autres dans la construction de la « structure sexuelle » d’un individu. »181 Cet extrait montre que l’expert a longuement souligné le fait que de nombreux facteurs doivent être pris en considération pour déterminer l’orientation sexuelle d’une personne et qu’il était difficile de les considérer comme définitifs. D’après nos sources, de telles pratiques sont utilisées en Autriche et en Roumanie. En Pologne, les autorités compétentes en 182 179 Cour administrative (Verwaltungsgericht) Wiesbaden, 24 septembre 2008 - 6 K 478/08.WI.A(2). 180 Verwaltungsgericht (Cour administrative) Munich, 20 janvier 2004, M 9 K 03.51197. 181 Verwaltungsgericht (Cour administrative) Francfort-sur-l’Oder en 2003. 182 Asylgerichtshof (Cour d’asile) 20 juillet 2009, C5 257.855-0/2008; UBAS (Commission fédérale de recours en matière d’asile) 5 août 2005, 238.353/5VIII/22/0. 55 La crédibilité matière d’asile recommandent au demandeur de fournir des preuves supplémentaires, c’est-à-dire des résultats de tests psychologiques, des avis de sexologues ou d’autres médecins. Dans la plupart des autres pays, comme en France par exemple les demandeurs peuvent parfois s’appuyer sur les opinions d’experts médicaux afin d’établir les problèmes physiques ou psychologiques qu’ils peuvent avoir rencontré en lien avec leur sexualité, mais ils ne peuvent servir de preuve de l’orientation sexuelle. Ce sont les déclarations des demandeurs à propos de leurs expériences qui sont décisives. 6.3.4 L a p r at i q u e d e s Etat s : l e s c a s d e s p e r s o n n e s transgenres et intersexuées Il arrive que les demandeurs d’asile transgenres et intersexués soient déjà en contact avec des médecins. Cependant, les personnes qui s’identifient comme étant transgenres ou intersexuées mais qui ne recherchent pas à subir une intervention médicale peuvent ne pas être ou ne pas vouloir être en contact avec des experts médicaux. Seul un exemple de mise en doute de l’identité de genre d’une personne transgenre a été rapporté par un de nos experts nationaux. Au Royaume-Uni, une demandeuse d’asile originaire du Pakistan a initialement fait sa demande sur la base de son lesbianisme, et a par la suite fait une nouvelle demande en tant qu’homme transgenre, qui a été refusée par le Ministère de l’intérieur britannique au motif de la mise en doute de son identité transgenre. Il a fallu plus d’un an pour que Ministère de l’Intérieur britannique se réfère au demandeur en tant que « lui » et non pas « elle ». En février 2011, le Ministère de l’Intérieur a reconnu que les hommes transgenres au Pakistan sont un groupe « à risque » et lui a accordé le statut de réfugié.183 La raison pour laquelle peu de cas de ce type ont été rapportés concernant les personnes transgenres et intersexuées pourrait être que dans la pratique, ces personnes fournissent en fait des rapports médicaux. Par exemple, en Finlande, un demandeur d’asile intersexué a fourni une attestation d’un médecin et d’un endocrinologue pédiatrique. En Irlande, deux cas de personnes intersexuées ont été identifiés par les praticiens. Dans les deux cas, le preneur de décision a accepté la preuve médicale du médecin traitant du demandeur, qui confirmait la condition de celui-ci. Ces rapports ont été acceptés par les preneurs de décision comme une preuve concluante que le demandeur était une personne intersexuée. Ces rapports médicaux ont été fournis dans le cadre d’un traitement en cours pour les demandeurs – les rapports n’ont pas été demandés par le décisionnaire, mais une fois présenté pour venir appuyer la demande d’asile, les rapports ont été acceptés. 183 AB (Pakistan) (non rapporté, 2009) Cour administrative. 56 En Autriche en 2004, une décision a estimé que « M. X est une personne transexuelle ayant subi une opération de changement de sexe en Géorgie, le standard minimum nécessaire de traitements médicaux/thérapeutiques pour les transexuels n’est certainement pas garanti dans le pays d’origine, et les garanties légales sont probablement complètement inexistantes. Le diagnostic a établi le transsexualisme ainsi qu’une crainte claire associée à un trouble dépressif. »184 Aux Pays-Bas, l’identité de genre d’un demandeur a été appuyée par la lettre du centre médical de l’université libre d’Amsterdam, indiquant que le demandeur avait un « trouble de l’identité de genre grave ». Cette preuve a été centrale dans la décision de la cour de casser une décision d’asile négative185. 6.3.5 L a p r at i q u e d e s Etat s : l e s t e s t s d e « p h a l lo m é t r i e » Les tests de phallométrie sont une méthode très contestée qui a été appliquée en République tchèque, introduite pour la première fois par un représentant légal d’un demandeur d’asile, et non par les autorités tchèques. Lorsque les demandeurs n’étaient globalement pas crédibles ou lorsque leurs déclarations concernant leur identité LGBTI étaient contradictoires ou peu convaincantes, les autorités compétentes en matière d’asile demandaient une preuve supplémentaire. Cette preuve impliquait un « diagnostic sexuel » complexe, et comprenait un entretien avec un sexologue ainsi qu’un « test de phallométrie ». Bien que ce test ne constitue qu’une partie de l’examen, il avait un poids décisif dans la décision des autorités compétentes quant à la crédibilité de la déclaration du demandeur concernant son identité de genre. L’examen était conduit par un sexologue professionnel et uniquement sur le consentement écrit de la personne, après qu’elle eut été informée de la technique d’examen.186 Ce « diagnostic sexuel » était similaire à celui effectué sur les criminels sexuels. En termes simples, les tests de phallométrie mesuraient la réaction physique du demandeur à des images pornographiques incluant de la pornographie hétérosexuelle, gay, lesbienne, adolescente et 184 UBAS (Commission fédérale de recours en matière d’asile) 10 mai 2004, 240.479/0-VIII/22/03. 185 Rechtbank (Cour régionale) Den Bosch, 30 décembre 2009, n° 09/7231. 186 Mais il faut noter que l’ONG tchèque Organization for Aid to Refugees (Organizace pro pomoc uprchlikům), a mis en doute le fait que les demandeurs aient été informés de la procédure en elle-même d'une manière qui leur soit compréhensible ; voir rapport du FRA de 2010, p. 60. D’après le HCR, le formulaire que les demandeurs devaient signer avant « l’examen de diagnostic sexuel » contenaient des informations qu’ils étaient tenus de fournir au risque de voir leur demande de protection internationale annulée. Les demandeurs étaient donc en fait contraints à subir lesdits examens », Réponses de le HCR du 4 mars 2011 (sur le dossier de l’expert national tchèque). La crédibilité pédophile. En fonction des réactions du demandeur à ces images pornographiques, le sexologue arrivait à une conclusion. En termes médicaux, les tests phallométriques sur les hommes sont appelés pléthysmographie pénile (ou « PPG »), et ceux sur les femmes photopléthysmographie vaginale (ou « VPG »).187 Les autorités tchèques compétentes en matière d’asile ont déclaré que cette procédure avait été appliquée en 2008 et 2009 dans moins de 10 cas au total. La PPG comme la VPG ont été utilisées en République tchèque. Les critiques de l’agence des droits fondamentaux de la Commission européeenne, des ONG et du HCR ont eu pour conséquence la suspension de cette pratique. Selon toutes les sources disponibles, les tests de phallométrie ont cessé en 2009 et n’ont pas été utilisés depuis. Cette méthode a été utilisée au moins une fois en Slovaquie en 2005. 6.3.6 L e s b o n n e s p r at i q u e s : l’a u t o - i d e n t i f i c at i o n ; l e s r a p p o r t s m é d i c a u x s u r l e t r a u m at i s m e Dans les décisions fournies par les autorités d’asile portugaises, le Serviço de Estrangeiros e Fronteiras (SEF) concernant les demandeurs d’asile LGBTI, l’orientation sexuelle a toujours été déterminée sur la base de l’auto-identification de le personne et n’a pas été questionnée (du moins pas expressément) dans la décision. L’instruction d’asile sur l’orientation sexuelle au Royaume-Uni déclare : « D’une façon générale, l’auto-identification des lesbiennes, gays, bisexuels ou personnes transgenres devrait être le point de départ normal de l’indication de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre d’une personne.188 En Italie, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre considérée comme pertinente dans le contexte de l’asile est celle actuelle. L’orientation sexuelle ou l’identité de genre sont généralement établies à travers une évaluation des déclarations du demandeur d’asile et des preuves à l’appui (lorsqu’elles sont disponibles). Les décisions de la cour rapportées considéraient comme crédible l’orientation sexuelle fondée sur les déclarations du demandeur, sans autre preuve requise189. 187 Pour une description plus détaillée de ces deux méthodes, voir ORAM, supra. 188 Ministère de l’Intérieur britannique, Instruction d’asile : Sexual Orientation issues in the Asylum Claim (6 octobre 2010, révisé le 13 juin 2011) http:// www.ukba.homeoffice.gov.uk/sitecontent/documents/policyandlaw/ asylumpolicyinstructions/apis/sexual-orientation-gender-ident?view=Binary <<consulté le 16 juillet 2011>>. 189 Tribunale (Tribunal) Caltanissetta 7 juin 2010 (gay, Tunisie), Tribunale (Tribunal) Catane 4 mars 2010, n° 1081/10; Tribunale (Tribunal) Caltanissetta 10 février 2010 (gay, Ghana). Les rapports médicaux établis en raison du traumatisme psychologique ou physique subi par le demandeur mentionnent parfois l’orientation sexuelle de la personne concernée. En cas de doute concernant l’orientation sexuelle du demandeur, de tels rapports peuvent être utilisés comme preuve venant appuyer les mauvais traitements subis sur la base de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, mais non de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre en elle-même. Ces rapports médicaux peuvent également appuyer les déclarations d’une personne qui a révélé son orientation sexuelle ou son identité de genre au cours d’une procédure ultérieure en raison de la honte, de la peur, ou d’une homophobie ou transphobie intériorisée ou parce que sa crédibilité était en doute de toute manière (par exemple en Irlande, en Finlande, aux Pays-Bas, en Italie). Ces types de rapports ne sont pas contestables, car ils n’ont pas pour but d’établir une orientation sexuelle ou une identité de genre en soi. L’utilisation de rapports médicaux dans de tels contextes peut même être considérée comme une bonne pratique. Il est vivement recommandé que ces rapports aient été établis par des experts qui traitent/suivent déjà les demandeurs, car cela leur épargnera la souffrance qui peut être induite par le fait de subir un examen séparé par un expert. 6.3.7 C o n c lu s i o n Les examens médicaux, psychologiques ou psychiatriques peuvent être humiliants et douloureux émotionnellement pour les personnes ayant subi des persécutions en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Si de tels examens sont utilisés pour établir l’appartenance du demandeur au groupe LGBTI, il est clair qu’ils ne servent pas d’objectif légitime. Les identités LGBTI ne constituant pas de catégories médicales, psychologiques ou psychiatriques légitimes, des experts de tels domaines ne peuvent fournir d’expertise sur ce point. Tous les examens conduits par des psychologues, psychiatres et sexologues afin d’évaluer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne (comme rencontré dans 8 pays : l’Autriche, la Bulgarie, la République tchèque, l’Allemagne, la Hongrie, la Pologne,190 la Roumanie, la Slovaquie) doivent être considérés comme une violation du droit à la vie privé conformément à l’article 8 de la CEDH. Cette disposition a été rédigée dans le contexte de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre à l’article 18 des principes d Yogyakarta. Le test de phallométrie utilisé en République tchèque et en Slovaquie afin d’établir l’orientation sexuelle des demandeurs d’asile gays et lesbiennes constitue un traitement inhumain et dégradant 190 Nous incluons la Pologne dans cette liste car d’après nos sources, le Bureau des étrangers polonais recommande au demandeur de fournir des preuves supplémentaires, comme par exemples les résultats de tests psychologiques, ou l’avis médical de sexologues. Nous n’avons pas de preuve concrète que ces examens ont réellement été réalisés en Pologne. 57 La crédibilité (article 3 ECHR) ainsi qu’une intrusion dans la vie privée de ceux-ci (article 8 ECHR) et il est juste que cette pratique ait maintenant été abandonnée. Il est recommandé que la loi nationale en République tchèque et en Slovaquie soit amendée de sorte qu’il soit clair que les tests de phallométrie ne puissent être appliqués aux demandes d’asile. 6.4.2 L a p r at i q u e d e s Etat s En plus du témoignage du demandeur lui-même, les déclarations de témoins ou des « attestations » d’organisations LGBTI sont parfois soumises afin de résoudre les problèmes de crédibilité. Cela nous a été rapporté pour l’Autriche, la Belgique, Chypre, la République tchèque, la France, l’Irlande, la Norvège, l’Espagne et le RoyaumeUni. Les exemples suivants peuvent servir d’illustration. R e c o m m a n d at i o n s : A Chypre, les déclarations d’organisations LGBTI et le fait d’être membre de réseaux sociaux LGBTI sont pris en considération. Cependant, malgré le fait que ces preuves soient acceptées et examinées, elles peuvent souvent être écartées en tant que preuves à l’appui générales ne prouvant pas la déclaration du demandeur. • D’une manière générale, la détermination de l’orientation sexuelle ou l’identité de genre devrait s’appuyer sur l’autoidentification de la part du demandeur. • Les avis des experts médicaux et psychiatriques sont des méthodes inadéquates et inappropriées pour établir l’orientation sexuelle ou l’identité de genre du demandeur. 6 . 4 L e s d é c l a r a t i o n s d e s t é m o i n s Dans un cas autrichien, l’homosexualité d’un iranien était mise en doute car il avait apporté des preuves non pertinentes émanant d’une cour iranienne et qu’il était marié. Son assistant social a confirmé qu’il était gay, et il a pour cette raison rencontré des problèmes avec les autres demandeurs d’asile de son lieu d’hébergement, mais la première autorité d’asile n’a pas non plus trouvé le demandeur crédible. Après qu’il a présenté plus de témoins (parmi lesquels un partenaire masculin), la cour a finalement reconnu qu’il était homosexuel. Il a obtenu le statut de réfugié.191 6.4.1 L e s n o r m e s e u r o p é e n n e s e t i n t e r n at i o n a l e s Il n’existe pas de normes spécifiques sur le rôle des déclarations des témoins, et les dispositions générales de l’article 4 de la directive qualification, ainsi que les normes des paragraphes 195-205 du manuel du HCR doivent donc servir de point de départ. Appliquées à la pertinence des déclarations des témoins, ces normes indiquent que les demandes devraient être examinées en se concentrant sur les obstacles que les demandeurs d’asile peuvent avoir rencontrés pour fournir des preuves (article 4(5) directive qualification ; par. 196 manuel du HCR192). En conséquence, les autorités et les demandeurs devraient coopérer afin d’évaluer la pertinence des éléments de la demande (article 4(1) directive qualification). 191 Asylgerichtshof (Cour d’asile) 17 février 2009, E2 255.708-2/2008. 192 Concernant les difficultés pour les demandeurs d’asile à fournir des preuves, voir 19 février 1998, Dem. N° 25894/94, Reports 1998-I, (Bahaddar c. Pays-Bas) par. 45. 58 Au Royaume-Uni, les preuves des témoins et les déclarations des organisations LGBTI ayant travaillé étroitement avec le demandeur d’asile, tel que le Groupe britannique pour l’immigration des gays et lesbiennes, sont pris en considération. Le fait d’être membre d’une organisation LGBTI peut également être mis en avant, ainsi que les justificatifs de rendez-vous dans des cliniques traitant les maladies sexuellement transmissibles s’occupant en particulier des hommes gays ou bisexuels. Un cas irlandais fournit un bon exemple de l’utilité des déclarations de témoins. Certains décisionnaires se sont révélés experts pour faire la distinction entre ce que l’on pourrait nommer les éléments de crédibilité « périphériques » (par exemple le doute quant au mode de transport, l’absence de papiers d’identité, l’absence de demande d’asile dans le premier pays sûr, et les questions « fondamentales » de crédibilité, notamment l’orientation sexuelle ou l’identité de genre du demandeur et sa crainte de la persécution. Dans un cas concernant un homme gay iranien, les différents éléments de crédibilité « périphériques » ont été établis contre le demandeur, incluant son absence de papiers d’identité ainsi que certaines incohérences concernant les preuves fournies par le demandeur lors de l’entretien et lors de l’appel. Néanmoins, le décisionnaire a pesé ces éléments négatifs contre les preuves données en faveur du demandeur, parmi lesquelles les preuves orales fournies par un membre de la communauté ethnique du demandeur. Le décisionnaire est arrivé à la conclusion suivante : « Le demandeur a été persuasif quant aux questions clés qu’il a mentionnées, dans la manière avec laquelle il a fourni ses preuves tout du long de l’audience, que ce soit lors de l’entretien direct ou de l’examen par l’agent de présentation, ou les questions à différents stades de l’audience. De plus, les preuves apportées par son témoin ont été très convaincantes, et la défense du demandeur a surtout tourné autour de ce fait. Il a confirmé les deux éléments La crédibilité les plus importants dans le cas du demandeur : qu’il était iranien et qu’il était gay. Lorsque l’on considère ce qui est important, toutes les autres questions deviennent périphériques. Ce témoin a donné l’impression, et j’ai conclu qu’il disait la vérité. Sur requête, il a été en mesure de fournir des détails très spécifiques. Leurs deux témoignages étaient cohérents et plausibles. Je suis donc prêt à reconnaître que le demandeur est crédible et qu’il a fourni des preuves authentiques dans le principal domaine de ses preuves. Je reconnais que le demandeur est un homosexuel originaire d’Iran. »193 6.4.3 C o n c l u s i o n Les déclarations des témoins peuvent être pertinentes dans tout contexte d’asile, y compris les cas LGBTI. Cependant, ce que recouvre le fait d’être LGBTI est contesté, et la définition de ces termes peut varier en fonction des personnes : il peut s’agir d’une question d’identification, de sentiments ou d’attirance, d’actes ou encore d’une combinaison de tous ces éléments. De plus, dans certains pays, d’autres identités (tels que les MSM, les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes) sont utilisées précisément dans l’effort de traiter/éviter l’homophobie en n’utilisant pas une identité gay. Les termes lesbienne, gay, bisexuel, transgenre et intersexué peuvent être complètement inconnus à un demandeur d’asile, qui ne peut associer son identité qu’à des temres négatifs pour décrire une identité de genre. Par exemple en Jamaïque, un homme gay est désigné par les autres comme étant un « cinglé », et une lesbienne comme une « sodomite ». Les preuves, y compris les déclarations de témoins, devraient se concentrer sur le fait de savoir si le demandeur a une crainte fondée d’être persécuté en raison d’une appartenance perçue ou réelle à un groupe social particulier. Les témoignages concernant la participation du demandeur à des organisations LGBTI (que ce soit dans le pays d’origine ou d’accueil), ou les déclarations de personnes ayant eu des relations sexuelles avec les demandeurs, peuvent donc être pertinents pour leur crédibilité, à condition qu’ils soient évalués dans le contexte plus général de l’affaire. 6 . 5 L e s m é t h o d e s d ’ i n t e r r o g a t i o n La crédibilité peut dépendre lourdement de la méthode d’interrogation et du type de questions posées (par exemple des questions ouvertes ou fermées). Formuler les questions d’une manière que les demandeurs trouvent insultante ou dérangeante peut conduire à obtenir des réponses douteuses du point de vue des autorités compétentes en matière d’asile. Il se peut que les demandeurs se réfèrent à eux même d’une manière à laquelle la personne qui fait passer l’entretien n’est pas habituée, ou qu’ils aient du mal à mettre des mots sur la manière dont ils s’identifient. 193 Cour d’appel des réfugiés, 2009. Ils peuvent être hésitants quant au fait de révéler leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, ou être en train d’essayer de comprendre comment ils s’identifient. Si les interrogateurs donnent aux demandeurs suffisamment d’espace pour raconter leur histoire, il est plus que probable qu’ils obtiendront des déclarations utiles dans le contexte de la décision concernant le statut de réfugié. Bien entendu, de telles déclarations ne doivent pas nécessairement être trouvées crédibles (ou conduire à la reconnaissance du statut de réfugié). Cependant, la manière dont l’entretien se déroule peut interférer avec la décision d’asile en introduisant la possibilité que les déclarations du demandeur soient influencées de façon inopportune par la méthode d’interrogation. 6.5.1 L e s n o r m e s e u r o p é e n n e s e t i n t e r n at i o n a l e s L’article 13(3)(a) de la directive procédures dispose que l’Etat membre doit garantir que les interrogateurs soient compétents pour prendre en compte les circonstances personnelles ou générales entourant la demande, y compris la culture ou la vulnérabilité du demandeur, dans la mesure du possible.194 Le guide du HCR souligne la possibilité que les demandeurs aient de l’appréhension envers toute autorité (par. 198) et insiste sur la nécessité pour l’examinateur de gagner la confiance des demandeurs afin de les aider à mettre leur cas en avant et à expliquer de façon complète leurs opinions et leurs sentiments (par. 200). Les lignes directrices en matière de genre du HCR contiennent des passages qui s’appliquent également au contexte des demandes d’asile des personnes LGBTI. « Les questions ouvertes comme les questions spécifiques, qui peuvent aider à révéler les questions liés au genre pertinentes dans le cadre de la demande d’asile, devraient être intégrées à tous les entretiens liés à une demande d’asile. »195 « Lorsque l’on suppose qu’un cas en particulier peut donner lieu à une demande sur la base de questions de genre, une préparation adéquate est nécessaire, qui permettra également d’instaurer une relation de confiance et de confidence avec le demandeur, ainsi qu’au demandeur de poser les bonnes questions et de gérer tout problème qui pourrait se poser au cours d’un entretien. »196 194 La proposition de refonte de la directive procédures mentionne explicitement l’orientation sexuelle et l’identité de genre à ce propos à l’article 15(3), voir la proposition de directive modifiée de la Commission, COM(2011) 319 final, Bruxelles, 1er juin 2011. 195 Lignes directrices du HCR sur la protection internationale : Gender-Related Persecution within the context of Article 1A(2) of the 1951 Convention and/or its 1967 Protocol relating to the Status of Refugees, 7 mai 2002, 36, vii. 196 Supra, 36, ix. 59 La crédibilité 6.5.2 L e s q u e s t i o n s s e x u e l l e m e n t e x p l i c i t e s Une pratique courante consiste à poser des questions sexuellement explicites ; souvent, les réponses à de telles questions sont décrites comme « évasives », et donc non crédibles par les décisionnaires. Dans un cas néerlandais, au cours de l’entretien préalable à la décision d’asile, un demandeur iranien avait déjà dû déclarer qu’il avait été surpris avec son ami alors qu’ils étaient nus dans le lit de ce dernier ; qu’ils étaient assis ; qu’ils se touchaient à des zones érogènes du corps ; et qu’ils avaient des relations sexuelles. Ce récit n’a pas été trouvé crédible par les autorités compétentes en matière d’asile, car la réponse à la question « dans quelle position exactement avez-vous été surpris ? » était évasive. La cour régionale a cassé cette décision, jugeant qu’il ne peut être demandé au demandeur de fournir des détails supplémentaires pour être considéré comme crédible en ce qui concerne son homosexualité.197 En Belgique, il arrive que des questions telles que : « Quand vous êtes-vous touché les parties intimes pour la première fois, quand vous-êtes vous embrassés avec la langue, avez-vous pratiqué des fellations, le coït ? » soient posées. Parmi les décisionnaires belges la tendance à considérer une relation comme pertinente pour une demande LGB uniquement si elle inclut des activités sexuelles (anales ou orales) a été rapportée, ou à considérer la date du premier rapport sexuel comme la date du début de la relation, même si le demandeur a précisé une date antérieure comme marquant le début de la relation. Certains praticiens irlandais ont rapporté que les demandeurs homosexuels étaient interrogés sur leur nombre de partenaires sexuels et sur la fréquence de leurs relations sexuelles ; cela a été perçu par les praticiens dans certains cas comme sous-entendant que les décisionnaires s’attendaient à des « mœurs légères » chez les hommes gays. En Bulgarie, des questions telles que : « combien de partenaires aviez-vous ? Etes-vous passif ou actif dans vos rapports sexuels ? » ont été rapportées. Au Royaume-Uni, les preuves anecdotiques incluent des questions à la limite de la pornographie concernant une femme lesbienne, et il a été demandé à un homme gay quand il avait pratiqué pour la première fois la sodomie avec son petit-ami.198 197 Rechtbank (Cour régionale) Haarlem 8 décembre 2009, 08/40650 ; l’IND a fait appel devant le Conseil d’Etat. 198 Affaire non reportée devant le tribunal de première instance (chambre de l’Upper tribunal en matière d’immigration et de droit d’asile), 2010. Ce cas a 60 En Autriche également, des questions explicites et dégradantes sur des positions sexuelles ou le nombre de partenaires ont été rapportées dans des interrogations menées par le Bureau fédéral d’asile (Bundesasylamt) ainsi que par la cour d’asile. Un jeune homme originaire de Somalie s’est vu demander par la Bundesasylamt Graz quand il avait eu son premier rapport homosexuel d’une manière tout à fait inappropriée (« Bubensex » – sexe entre garçons, un terme dont les connotations sont principalement pornographiques). A Chypre, un demandeur gay a dû dire s’il était membre d’un réseau social gay sur internet. Lorsqu’il a répondu par la positive, il a dû donner son mot de passe personnel afin que sa déclaration soit vérifiée. Cette question extrêmement intrusive donne l’impression que les autorités d’asile ne veulent pas seulement savoir si le demandeur est membre d’un réseau social gay, mais quelles activités sexuelles il a eues sur un tel site. 6.5.3 R e f l é t e r l’ h o m o p h o b i e e t l a t r a n s p h o b i e Les examinateurs du Bureau roumain pour l’immigration ont posé les questions suivantes : « Que pensez-vous de l’homosexualité ? S’agit-il d’une relation normale ou d’un problème physique ou psychologique ? Avez-vous consulté un médecin ? » et : « Avez-vous reçu l’argent en échange ? » Ces questions peuvent parfaitement être ressenties par les demandeurs comme une forme d’homophobie (l’homosexualité est une maladie ou équivaut à la prostitution) similaire à celles qu’il a fuies. Cela grève lourdement la confiance requise lors des entretiens d’asile. D’autre part, on peut imaginer que de telles questions pourraient être appropriées selon le contexte, qu’un demandeur témoignant d’avoir compris qu’il était LGBTI, et le juge demande comment celui-ci a perçu cette prise de conscience. Cela peut étouffer un récit utile sur la façon dont le demandeur s’identifie et dont leur société considère l’homosexualité. Le demandeur peut avoir effectivement consulté un médecin, parce que de nombreuses sociétés considèrent encore l’orientation homosexuelle comme une maladie. La partie la plus importante de la demande est le récit du demandeur, et parfois les questions sont utiles pour faire avancer le récit, et solliciter des informations supplémentaires. De tels récits peuvent être détaillés et commencent souvent dans l’enfance, avant toute prise de conscience quant à des sentiments de nature sexuelle. Le contexte social pouvant être très différent de celui été entendu par l’Upper Tribunal (chambre de l’Upper tribunal en matière d’immigration et de droit d’asile) le 12 juillet 2011. Les juges sénior chargés de l’immigration ont estimé que l’approche du juge chargé de l’immigration quant à sa décision négative concernant l’identité sexuelle du demandeur gay ouzbek était paradoxale, et lui ont accordé l'appel (en appliquant le précédent de HJ/HT). L’expert national britannique attend des informations supplémentaires sur un éventuel report de l'affaire. La crédibilité européen, poser des questions qui pourraient être insultantes pour de nombreuses personnes LGBTI occidentales peut en fait se révéler très pertinent pour des demandeurs originaires d’autres régions du monde. Il est impossible de travailler avec des instructions standards sur ce point. Il est crucial que les enquêteurs soient compréhensifs, et conscients que ce qu’ils considèrent comme une conscience LGBTI peut-être considéré par le demandeur comme reflétant l’homophobie ou la transphobie. C’est précisément le propos : l’entretien d’asile devrait s’articuler autour du point de vue du demandeur. 6.5.4 L e s b o n n e s p r at i q u e s Des exemples de bonnes pratiques peuvent également être proposés sur ce point. Dans certains Etats membres, les enquêteurs demandent aux demandeurs de raconter l’histoire de leur orientation sexuelle : quand ils ont pris conscience qu’ils étaient LGBTI, le cas échéant, quand ils ont eu leur première relation, la réaction de leurs amis et de leur famille ; quel genre de problème le demandeur et son partenaire peuvent avoir rencontré en raison de leur orientation. Ces questions aident les demandeurs à raconter leur histoire, et ne les dirigent vers aucune direction en particulier. Quelques exemples : Pour la Hongrie, il a été rapporté qu’il était courant que les autorités posent des questions sur « l’historique » de l’orientation sexuelle, les caractéristiques des relations, par exemple quand le demandeur a pris conscience de son orientation homosexuelle, quand il a eu sa première relation homosexuelle, comment il a rencontré son partenaire, combien de temps la relation a duré, si les partenaires ont vécu ensemble, combien de partenaires le demandeur a eu. Le vice-directeur du département procédural Slovaque a déclaré lors de l’entretien mené au cours de nos recherches qu’il était tout d’abord demandé au demandeur d’asile LGBTI de parler librement de ses problèmes et de son orientation sexuelle ; puis le décisionnaire pose des questions supplémentaires concrètes, qui peuvent inclure des questions explicites concernant son activité sexuelle. Généralement, les questions sont plus générales et indirectes, et n’incluent pas par exemple de description de l’acte sexuel. Les entretiens d’asile des cas étudiés comprenaient des questions telles que : quand et comment le demandeur s’est rendu compte qu’il était homosexuel ; si sa famille et sa communauté connaissaient son orientation sexuelle ; si des partenaires ou amis de celui-ci avaient été persécutés en raison de cette orientation sexuelle et comment ; si la police a appris son homosexualité ; quelle a été l’attitude de sa famille concernant son orientation sexuelle ; s’il a conservé des contacts personnels avec des personnes de la même orientation dans son pays d’origine ; s’il a manifesté son orientation publiquement ; etc. L’agence des frontières et de l’immigration du Royaume-Uni, dans son instruction d’asile de juin 2011 sur Les questions liées au genre dans les demandes d’asile reconnaît que : « La crédibilité de la demande d’un individu et le degré de risque en cas de retour devraient être tout d’abord évalués au moyen d’une enquête sensible sur la réalisation et l’expérience du demandeur de son identité de genre. Changer son sexe de naissance ne se fait pas en une seule étape ; il s’agit d’un processus complexe qui se déroule sur une longue période de temps. La transition peut comprendre certains ou tous les ajustements personnels, juridiques et médicaux suivants : l’annonce à la famille, aux amis et aux collègues, le changement de nom et/ou de sexe sur les documents juridiques ; la tenue vestimentaire, le comportement et/ou le mode de vie en tant que personne de l’autre sexe ; la thérapie hormonale ; et enfin une éventuelle intervention chirurgicale. Les enquêteurs devraient poser des questions ouvertes permettant aux demandeurs de décrire le développement de leur identité et la manière dont cela a affecté leur identité et leurs expériences dans leur pays d’origine comme au Royaume-Uni. »199 6.5.5 C o n c lu s i o n Dans certains Etats membres, des questions sexuellement explicites sont posées, et les réponses évasives sont interprétées d’une manière portant atteinte à la crédibilité des demandeurs. Cela est hautement problématique dans la mesure où ce type de réponses évasives peuvent être dues au choc de se voir poser des questions sur des détails sexuels comme à un manque de sincérité. De plus, des questions aussi intimes constitutent une intrusion dans la vie privée des demandeurs en l’absence d’une nécessité impérieuse. D’auttre part, de telles questions – qu’elles soient sexuellement explicites ou non – peuvent s’appuyer sur des stéréotypes. Parmi quelques exemples, sur l’idée que l’homosexualité est une maladie, est plus ou moins équivalente à la prostitution, est une question de rapports sexuels, ou est en soi imputable à une légèreté de mœurs. De tels préjugés peuvent être insultants pour les demandeurs, et donc interférer avec l’entretien d’asile. Cela peut également conduire à des conclusions aussi erronées que les préjugés, comme par exemple que si un demandeur a eu des relations avec une seule personne et ne souhaite pas que cela change, cela n’implique pas que la personne est L, G, B, T ou I. Les enquêteurs devraient tenter d’établir le point 199 Instruction d’asile de l’Agence des frontières du Royaume-Uni sur Gender Identity issues in the asylum claim, 13 juin 2011, http://www.ukba.homeoffice. gov.uk/sitecontent/documents/policyandlaw/asylumpolicyinstructions/apis/ genderissueintheasylum.pdf?view=Binary, consulté le 16 juillet 2011. Pour une instruction similaire sur l’orientation sexuelle : l’Agence des frontières du Royaume-Uni, Sexual Orientation issues in the asylum claim (6 octobre 2010, révisé le 13 juin 2011). 61 La crédibilité de vue du demandeur, qui peut être influencé par des stéréotypes que ce premier ne partage pas. Les demandeurs peuvent ressentir leur orientation sexuelle comme une maladie (mais penser qu’ils ne devraient pas être punis pour autant) ; ou ils peuvent refuser de se désigner comme gays car ils pensent que cela implique la légèreté de mœurs. Inversement, des questions partant d’une bonne intention, telle que s’ils ont demandé de l’aide lorsqu’ils ont pris conscience de leur orientation sexuelle, peut heurter les demandeurs ayant été contraints de demander de « l’aide » pour changer leur orientation sexuelle. L’interrogation sensible demande une réflexion permanente des enquêteurs sur l’entretien. Si par exemple un enquêteur trouve un demandeur évasif, il devrait s’interroger sur les raisons d'une telle attitude. Si le demandeur invente quelque chose (et le cas échéant, pourquoi) ; si le demandeur est réticent à partager des faits douloureux ; s’il s’est senti insulté par quelque chose que l’enquêteur (ou l’interprète) a dit ? Afin de permettre aux enquêteurs d’engager une telle réflexion, une formation est nécessaire tant au début de la carrière qu’en formation continue. Les questions LGBTI devraient dans la mesure du possible faire l’objet d’une formation spécifique et s’intégrer à des formations plus générales sur les méthodes d’interrogation, dans la mesure où cela demande une attention spécifique et que cette information doit être diffusée. De plus, les aspects spécifiques aux LGBTI des techniques d’interrogation sont assez similaires aux questions liées au genre, aux victimes de discriminations systématiques et aux victimes de torture. Ces aspects doivent être intégrés au curriculum d’asile européen (modules de formation pour les fonctionnaires) ainsi qu’à celui du corps judiciaire. R e c o m m a n d at i o n s • Les enquêteurs, les preneurs de décision, le corps judiciaire et les assistants juridiques doivent être compétents et capables de prendre en compte les aspects liés à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre des demandes d’asile, y compris le processus de coming out et les besoins spécifiques des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées. A cette fin, ils devraient recevoir une formation professionnelle, tant dans un module de formation initiale spécifique qu’au cours des modules de formation continue généraux. 6 . 6 L e s c o n n a i s s a n c e s e t l e s c o m p o r t e m e n t s a tt e n d u s Dans de nombreux cas, les éléments de crédibilité étaient étroitement liés aux préjugés formulés par l’enquêteur ou le preneur 62 de décision sur la manière dont une personne véritablement lesbienne, gay, bisexuel, transgenre ou intersexuée se comporte, ou sur ce que les personnes LGBTI sont censés savoir. Dans ce paragraphe, nous allons passer en revue les préjugés les plus communément rencontrés. 6.6.1 Fa m i l i a r i t é av e c l e s m i l i e u x g ay s Des questions concernant la familiarité avec les milieux gays dans le pays d’origine et dans le pays d’accueil sont souvent posées. Bien que certaines autorités étatiques déclarent que ce type de questions n’intervient que comme preuve supplémentaire, des personnes se voient fréquemment refuser l’asile lorsqu’elles ne connaissent pas ces lieux. Cela est problématique car les milieux gays du pays d’origine peuvent ne pas exister, ou les demandeurs peuvent ne pas vouloir fréquenter ce type de milieux. Il en va de même pour le milieu gay dans le pays d’accueil : que les demandeurs soient intéressés ou non par les quartiers ou les bars LGBTI n’est pas pertinent pour établir l’orientation sexuelle, en particulier lorsqu’ils n’ont pas les moyens socio-économiques d’accéder à ces lieux de rencontres. Dans le cas d’un homosexuel ougandais, un décisionnaire irlandais a déclaré « qu’il a été opposé au demandeur que sa connaissance des lieux de rencontres homosexuels, sites, internet, clubs ou des manifestations de défense de l’homosexualité était très limitée, ce à quoi il a répondu qu’il ne voulait pas militer pour les droits des homosexuels, qu’il était très heureux avec [son] partenaire et n’avait pas besoin de rencontrer d’autres personnes ou de savoir comment elles vivaient. Le demandeur est une personne instruite et il n’est pas crédible qu’en tant qu’homosexuel il puisse avoir aussi peu d’intérêt ou de connaissances pour des questions qui le concernent. Cela met en doute sa crédibilité. »200 6 . 6 . 1 . 1 L a p r a t i q u e d e s E t a t s Les questions posées en Belgique sur le milieu gay du pays d’origine incluent : connaissez-vous des célébrités ayant la réputation d’être LGBT dans votre pays d’origine ? Comment pourriez-vous reconnaître une autre personne homosexuelle à son comportement ? Où les personnes LGBT se retrouvent-elles dans votre ville ? Y a-t-il des lieux de drague ? Où alliez-vous pour assouvir vos désirs homosexuels ? Au Royaume-Uni, le tribunal de premier degré n’a pas voulu reconnaître qu’une une lesbienne ougandaise puisse ne pas connaître les livres et magazines lesbiens.201 Des exemples comparables ont été rapportés pour la France et les Pays-Bas. 200 Commissaire aux demandes d’asile, 2009. 201 Chambre de l’Upper tribunal en matière d’immigration et de droit d’asile, 30 janvier 2011, BN (Ouganda), rapporté sur le site concernant le droit d’asile des personnes LGBT. La crédibilité D’autres pays font état d’une situation plus nuancée, et la connaissance présumée des milieux homosexuels dépend des déclarations du demandeur. En Finlande, le responsable du service des migrations finlandais déclare que « ce type de questions peut être posé dans certains cas, s’il y a une raison de penser que le demandeur les connaîtrait. Cependant, ce type de connaissances n’est pas un pré-requis pour une décision positive. » moyens financiers d’accéder à de tels lieux – il y a de nombreuses autres raisons qu’un manque de crédibilité. De plus, poser de telles questions peut contribuer à faire peser une atmosphère d’examen au cours de l’entretien, ce qui affecte négativement la qualité de celui-ci. Bien entendu, la connaisssance du milieu gay vient parfois effectivement appuyer une demande d’asile ; cela ne doit toutefois pas impliquer qu’un manque de connaissance de ces milieux est un motif solide de rejet d’une demande. Dans le cas d’un demandeur albanais en Hongrie, la déclaration de son homosexualité a été jugée crédible par les autorités et confortée par l’existence de pages web contenant des informations gay-friendly, qui avaient été créées et gérées par le demandeur. La demande a été étayée également par le fait que le demandeur était membre d’une association gay soutenue par le COC Pays-Bas. • Un praticien irlandais a rapporté le cas d’un demandeur d’asile homosexuel à qui on a demandé s’il connaissait un bar gay célèbre de Dublin. Un élément de crédibilité négatif a été établi au motif qu’il ne connaissait pas ce bar ; le décisionnaire ne pouvait pas croire qu’un homosexuel vivant à Dublin pouvait ne jamais être allé dans ce bar. Des questions similaires ont été rapportées pour la France et la Roumanie. 6 . 6 . 1 . 2 L e s b o n n e s p r a t i q u e s Les lignes directrices suédoises concernant les questions liées aux personnes LGBT contiennent une bonne pratique : « Le fait qu’une personne homosexuelle ne soit pas en contact avec des organisations pour les personnes homosexuelles, en Suède ou dans son pays d’origine, est rarement un facteur contredisant ses craintes concernant un retour dans son pays d’origine, et n’affectent donc pas de manière négative l’évaluation. De plus, de nombreux pays ne disposent pas de telles organisations. »202 6 . 6 . 1 . 3 C o n c l u s i o n Lorsqu’une partie des déclarations du demandeur affirment qu’il a pris part à des organisations ou a fréquenté des lieux LGBTI, cela peut influencer la crédibilité de ses déclarations. Cependant, le seul fait qu’un demandeur affirmant appartenir à l’identité LGBTI n’a pas connaissance d’organisations ou de lieux de rencontres LGBTI en particulier ne permet pas de tirer des conclusion directes quant à sa crédibilité. Les demandeurs peuvent ne pas savoir que de tels lieux existent, ne pas vouloir les fréquenter, ils peuvent ne pas être assez ouverts sur leur orientation sexuelle pour le faire, ne pas avoir les 202 Migrationsverket, Sexual Orientation Guidelines, 2002. R e c o m m a n d at i o n Le fait qu’un demandeur manque de connaissances quant aux organisations ou lieux de rencontres lesbiens, gays, bisexuels, transgenres ou intersexués ne peut en soi être considéré comme une indication que la crainte rapportée par le demandeur d’être persécuté en raison de son orientation sexuelle ou de son identité de genre n’est pas crédible. 6.6.2 L e m a r i a g e h é t é r o s e x u e l e t l a pa r e n ta l i t é Dans de nombreux Etats membres, le fait qu’un demandeur déclarant être L, G, B, T ou I soit marié – ou le soit dans son pays de refuge – est considéré comme un élément de non-crédibilité concernant l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de cette personne. Cela met de côté un trait important des identités LGBTI, qui existe toujours, et ce même en Europe : le fait que certaines personnes LGBTI mènent une « double vie ». 6 . 6 . 2 . 1 L e s n o r m e s i n t e r n a t i o n a l e s Les lignes directrices du HCR déclarent qu’une « personne ne devrait pas automatiquement être considérée comme hétérosexuelle simplement parce qu’elle est ou a été mariée, [ou] a des enfants. »203 6 . 6 . 2 . 2 L a p r a t i q u e d e s E t a t s Dans le cas d’une demandeuse lesbienne à Chypre, le fait qu’elle ait été mariée à deux reprises a été considéré comme une raison de ne pas la croire concernant son orientation sexuelle, bien qu’elle ait affirmé qu'il s'agissait de deux mariages forcés, que le premier n’a pas été consommé, et qu’il a par conséquent été annulé, et que le second a été consommé sous la contrainte et s’est soldé par un divorce. En Espagne, la demande d’une lesbienne a été refusée parce qu’elle avait un bébé en Algérie. Aux Pays-Bas, une décision a jugé qu’il « était bizarre qu’un homme qui a eu auparvant une relation homosexuelle de quatre ans épouse une femme sans objections. »204 203 HCR, UNHCR Guidance Note on Refugee Claims Relating to Sexual Orientation and Gender Identity, 21 novembre 2008, par. 36. Comp. Dans l’étude danoise mentionnée, seuls 19 % des femmes LBT et 29 % des hommes GBT déclaraient ne pas vouloir d’enfants. La majorité des personnes LGBT voudraient donc en fait avoir des enfants, Leyla Gransell et Henning Hansen, Equal and unequal? The living conditions and well being of gay and lesbian people, bisexuals and transgenders in Denmark, Copenhague : Casa 2009, consultable à l’adresse www.casa-analyse.dk/default.asp?Action=Details&Item=387. 204 Décision de l’IND du 28 janvier 2011, Burundi, n° 0607-27-04150. 63 La crédibilité Le fait d’être marié en dehors du pays d’origine est également considéré comme diminuant la crédibilité concernant l’orientation sexuelle des demandeurs d’asile. A Malte, le cas d’un libyen qui était dans une relation stable avec un homme maltais a été rapporté. Lorsque sa famille en Libye a découvert son homosexualité, il a subi des menaces et on lui a intimé de quitter le pays. Il est parti pour Malte et s’est engagé dans un mariage de convenance avec une femme maltaise, ce qui lui semblait le seul moyen légal de rester à Malte, car il n’était pas au courant que son homosexualité pouvait être un motif de protection internationale. Son épouse maltaise a fini par faire une déclaration à la police admettant qu’il s’agissait d’un mariage de convenance, sur la base de laquelle la police a lancé une procédure d’éloignement. A ce stade, le demandeur a fait une demande d’asile, mais – en raison de l’expiration de la date limite requise – son cas a été jugé invalide. Dans une dernière tentative d’éviter son éloignement, le demandeur a lancé une procédure d’appel contre son éloignement à venir conformément à l’article 3 et 8 de l’ECHR, procédures qui n’ont jamais été finalisées car le demandeur a été éloigné avant toute audience. Dans la mesure où aucune audience n’a eu lieu, aucune décision de cour n’est disponible. Les propositions présentées par le procureur en soutien à l’éloignement du demandeur sont cependant intéressantes. Elles rejetaient totalement les déclarations du demandeur concernant son homosexualité en raison du fait que sa crédibilité a été irrémédiablement entachée par le mariage de convenance.205 Un demandeur nigérian avait épousé une femme lesbienne (aux Etats-Unis), car il voulait avoir des enfants. Il a déclaré qu’il était plus intéressé par les hommes que par les femmes, et qu’il ne pouvait avoir des relations sexuelles avec une femme qu’après avoir bu beaucoup d’alcool. Selon les autorités néerlandaises, ces déclarations ont ajouté au manque de crédibilité concernant ses déclarations sur son homosexualité. La décision a été maintenue par la cour régionale.206 Pour la Finlande, le rapport n’indique pas nécessairement que l’orientation sexuelle perdrait directement de sa crédiblité si le demandeur a été marié ou a des enfants. Il est plus souvent rapporté qu’il a été jugé improbable qu’il y ait un danger sérieux de persécution en raison de l’orientation sexuelle. Du fait de sa relation hétérosexuelle ou d’avoir des enfants, le demandeur ne serait en effet pas perçu comme étant homosexuel, et n’aurait donc pas de crainte d’être persécuté. 205 W. El-H c. Chef des services d’immigration (première chambre, Cour civile), lancé le 29 juillet 2008. 206 Rechtbank (Cour régionale) Haarlem, 12 janvier 2010, n° 09/48023. 64 En Allemagne, le concept d’orientation sexuelle fondé sur la sexologie classique apparaît également dans une décision de 2008. Le fait qu’un demandeur ait été marié aux Pays-Bas et avait un enfant de ce mariage prouvait, selon la cour administrative, que le demandeur n’était pas « déterminé par son homosexualité » à un degré suffisant pour remplir les critères d’appartenance à un groupe social particulier selon la définition de l’art. 10 (1) de la directive qualification.207 En Hongrie, le fait d’être marié et d’avoir des enfants semble réduire considérablement la probabilité que le demandeur soit jugé crédible. Une demandeuse lesbienne était mariée et avait un enfant né après qu’elle ait pris conscience de son orientation sexuelle. L’office de l’immigration et de la nationalité a déclaré qu’elle n’aurait pas partagé sa vie et ne se serait pas mariée avec un homme si elle était lesbienne. Dans plusieurs pays, même des demandeurs ayant déclaré être bisexuels ont été rejetés car ils étaient mariés et/ou avaient des enfants. En Bulgarie, selon l’expert national, tout demandeur ne correspondant pas aux stéréotypes entourant les personnes LGB est considéré comme n’étant pas crédible. Le mariage et les enfants sont considérés comme l’un des indicateurs principaux pour l’évaluation de l’orientation sexuelle d’une personne. La demande d’un homme bisexuel originaire du Liban a été rejetée car il avait une femme et des enfants. En Finlande, un demandeur a reformulé sa demande, passant d’homosexuel à bisexuel, immédiatement après avoir épousé une femme. Bien qu’il ait souligné à plusieurs reprises au cours de l’entretien qu’il n’était pas homosexuel mais bisexuel, et que la différence entre ces deux orientations était considérable pour lui, il ne connaissait pas le mot juste pour désigner la bisexualité lorsqu’il avait rédigé sa demande. Cela n’a pas été jugé crédible et sa demande a été rejetée (en 2010). Un demandeur algérien s’est vu refuser une protection par la Hongrie car il ne pouvait apporter de preuve suffisante de la probabilité qu’il soit persécuté en Algérie. Il n’a pas été énoncé explicitement que la raison de ce rejet était sa bisexualité ; toutefois, il était marié et avait des enfants. 207 Verwaltungsgericht (Cour administrative) Ansbach, 21 août 2008, AN 18 K 08.30201. La crédibilité 6 . 6 . 2 . 3 L e s b o n n e s p r a t i q u e s Dans de nombreux Etats membres, il est reconnu que le mariage n’implique pas nécessairement que le demandeur ne soit pas LGBTI. Cela doit être considéré comme une bonne pratique, en accord avec les lignes directrices du HCR. En Italie, un marocain gay avait été marié au Maroc et avait un enfant issu de ce mariage. Il a déclaré s’être marié à l’âge de 28 ans (il en avait 40 lors de sa demande) car il avait été forcé par sa famille. Il a déclaré ne pas être sûr d’être le père de l’enfant, mais qu’il se sentait obligé d’aider sa femme et son enfant financièrement. Il a affirmé que sa femme n’acceptait pas de divorcer de peur des répercussions sociales. Il s’est vu accorder le statut de réfugié.208 En Slovaquie, le seul demandeur à avoir obtenu l’asile en raison de son orientation (bi)sexuelle avait été marié auparavant dans son pays d’origine et avait quatre enfants. Au Danemark, il est clair qu’il n’est pas incompatible pour un demandeur d’être L, G, B, T ou I et d’être marié. Un demandeur a obtenu le statut de réfugié en raison d’actes homosexuels dans son pays d’origine, tandis qu’il vivait avec une femme au Danemark. En France, les autorités compétentes en matière d’asile ainsi que la cour ne considèrent pas le mariage et la famille comme un élément clé sur lequel fonder un rejet, mais en cas de doute cet élément peut être considéré parmi d’autres. La Suède dispose d’une politique explicite stipulant que : « le fait que la personne homosexuelle soit mariée et qu’elle ait éventuellement des enfants avec une personne du sexe opposé n’excluait en aucun cas qu’elle soit homosexuelle. »209 Une instruction d’asile récente du Royaume-Uni dispose à ce propos : « Les relations (hétérosexuelles) ou la parentalité (qui peuvent toutes les deux nécessiter une enquête plus approfondie lors de l’entretien) ne devraient être considérées automatiquement comme un manque de crédibilité ».210 L’Autriche, la Belgique et la République tchèque ne rapportent pas non plus de problème sur ce point. 6 . 6 . 2 . 4 C o n c l u s i o n Nous pouvons en conclure que dans de nombreux Etats membres, 208 Commissione territoriale per il riconoscimento della protezione internazionale di Milano (Commission territoriale pour la reconnaissance de la protection internationale de Milan), décision, 2010. 209 Migrationsverket, Sexual Orientation Guidelines 2002. 210 Ministère de l’Intérieur britannique, Asylum Instruction: Sexual Orientation and Gender Identity in the Asylum Claim, 6 octobre 2010, révisé le 13 juin 2011. le mariage et le fait d’avoir des enfants et l’appartenance au groupe LGBTI sont considérés comme étant incompatibles. Si cette position est parfaitement intenable en ce qui concerne les demandeurs bisexuels, elle n’est pas plus sensée concernant les demandeurs LGTI. Les pressions sociales subies par les demandeurs peuvent être énormes, et forcer les personnes LGTI à se marier contre leur volonté. L’idée qu’être marié ou qu’avoir des enfants ait la moindre pertinence pour la crédibilité de l’orientation sexuelle d’un demandeur semble être une relique de la conception médicale de l’orientation sexuelle et l’identité de genre, qui considèrent les identités LGTI comme une forme de manque ou d’incapacité. L’idée sous-jacente est qu’une personne n’est LGTI que si elle n’a pas d’autre choix et ne peut s’en empêcher. Ce n’est que lorsque les identités LGBTI sont vues comme résultant d’une nécessité (et non un choix) qu’il est logique de penser que si une personne est mariée ou a un enfant, elle ne peut réellement être LGTI. R e c o m m a n d at i o n • Le fait qu’un demandeur soit ou ait été marié ou cohabite avec une personne du sexe opposé dans une relation hétérosexuelle, et ait éventuellement des enfants issus de cette relation, ne devrait en aucun cas exclure le fait qu’elle puisse être lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre ou intersexuée. 6.6.3 L a c o n n a i s s a n c e d e s s a n c t i o n s p é n a l e s Les rapports concernant la Belgique, la France, les Pays-Bas, la Norvège, et la Suisse ont indiqué que le fait de ne pas connaître précisément les sanctions pénales ou la formulation exacte des dispositions pénales contre l’orientation sexuelle dans leur pays d’origine peut affecter la crédibilité du demandeur. Cela nie la réalité vécue par de nombreuses personnes LGBTI, pour qui les sanctions sociales (les pressions ou les menaces de violence de la part des proches de l’environnement social) peuvent être bien plus importantes que les sanctions formelles. Le fait que les demandeurs ne connaissent donc pas les sanctions pénales (exactes) contre l’orientation sexuelle dans leur pays d’origine ne devrait pas constituer un motif en soi pour juger que le demandeur n’est pas crédible. 6.6.4 L e s a c t e s d é c l a r é s j u g é s t r o p r i s q u é s p o u r ê t r e vrais Dans de nombreux cas, les demandes d’asile sont rejetées car les demandeurs ont eu des comportements dangereux pour leur personne ; ce qui ne semblait pas plausible. 65 La crédibilité En Allemagne, une cour a résumé une décision négative comme suit : « La déclaration du demandeur selon laquelle il a commis des actes homosexuels au Cameroun n’est pas crédible car cela aurait signifié qu’il se mettait en danger. Sa description de sa vie en tant qu’homosexuel au Cameroun n’est pas assez précise. » La cour administrative révisant le cas a déclaré son désaccord sur ces deux points et a cassé la décision.211 De la même manière, un tribunal allemand a cité une décision de l’office fédéral pour la migration et les réfugiés comme suit : « La déclaration du demandeur (un arabe sunnite de Mosul/Irak) n’est pas plausible : si ses activités homosexuelles avaient effectivement été connues, et qu’il avait été persécuté, il aurait également été condamné conformément à la section 400 du code pénal irakien. » Le tribunal administratif a exprimé son désaccord et a cassé la décision.212 En Slovénie, un demandeur n’a pas été jugé crédible car il a affirmé avoir eu des relations sexuelles avec un ami, dont la femme a fini par l’apprendre, après quoi ils ne lui ont pas caché leur relation. Les autorités slovènes ont également trouvé étrange que la femme ne les ait dénoncés à la police qu’au bout de deux ans. Bien entendu, lorsqu’un demandeur correspond bien aux attentes dues aux stéréotypes, cela peut être à son avantage : en Hongrie, dans le cas d’un demandeur tunisien, la décision mentionnait qu’il s’habillait d’une manière féminine et portait du maquillage. Au Royaume-Uni, un homme gay originaire du Yémen portait des t-shirts et des jeans moulants, avait les cheveux longs, ce qu’il associait avec l’expression de son identité de genre. Il a refusé d’accepter toute modification à sa manière de s’habiller, de couper ses cheveux, et d’adopter le style vestimentaire et la coupe de cheveux des hommes musulmans hétérosexuels. En 2009, le tribunal a accordé son appel et il a obtenu le statut de réfugié.215 6 . 7 C o n c l u s i o n Les stéréotypes sur les personnes LGBTI peuvent être classés en trois groupes principaux qui ne couvrent pas tous les exemples mais la plupart d’entre eux. Veuillez noter que la plupart des exemples concernent les hommes homosexuels. Cela est probablement dû à la prévalence des demandes d’hommes gays. Les trois principales catégories de stéréotypes sont : Aux Pays-Bas, les autorités d’asile n’ont pas jugé plausible qu’un jeune homme pakistanais ait eu des relations sexuelles avec son petit-ami tandis que d’autres membres de sa famille (musulmans) étaient présents sous le même toit, ni qu’ils aient omis de verrouiller la porte correctement, en connaissance de cause des risques encourus.213 Si l’on pousse ce type de raisonnement à sa conclusion logique, le récit de chaque demandeur qui a eu, ou essayé d’avoir une relation homosexuelle dans son pays d’origine, ou qui a exprimé une identité transgenre, n’est pas plausible vu le risque inhérent impliqué.214 Plus généralement, le fait que le comportement d’un demandeur le mette en danger est plus susceptible d’être un motif d’octroi d’asile que de refus. Ce raisonnement devrait être abandonné. 6.6.5 A u t r e s c r i t è r e s f o n d é s s u r d e s s t é r é o t y p e s Nombre d’autres stéréotypes ont été utilisés de manière abusive pour conclure qu’un demandeur n’appartenait pas au groupe LGBTI. Une liste non-exhaustive d'exemples peut être consultée à la page 67. 211 Verwaltungsgericht (Cour administrative) Francfort-sur-l’Oder, 11 novembre 2010, VG 4 K 772/10.A. 212 Verwaltungsgericht (Cour administrative) Sigmaringen, 26 avril 2010, A 1 K 1911/0. 213 Rechtbank (Cour régionale) Haarlem, 29 septembre 2009, n° 09/32801. 214 Jenni Millbank, ‘The Ring of Truth’: A Case Study of Credibility Assessment in Particular Social Group Refugee Determinations, International Journal of Refugee Law, 2009-1, p. 22. 66 –– Ne pas être un « vrai homme » ou une « vraie femme » : les personnes LGB sont considérées comme ayant des troubles de l’identité de genre : les gays ne sont pas de vrais hommes : ils ne (veulent pas) faire leur service militaire, ne se marient pas et n’ont pas d’enfant, ne s’habillent pas d’une manière masculine ; ils n’ont pas de relation avec un seul homme. Les lesbiennes ne sont pas de vraies femmes : elles ne se marient pas, n’ont pas d’enfant et ne s’habillent pas d’une manière féminine. –– Les idées classiques de la sexologie allemande sont encore très vives dans de nombreux Etats membres. Par exemple, les actes homosexuels dans les espaces entièrement féminins ou masculins telle que la prison, ne sont pas considérés comme une expression du lesbianisme, de l’homosexualité masculine ou de la bisexualité, car cela ne reflète pas une attraction « fatidique et irréversible » envers les personnes du même sexe. Le mariage ou les enfants établissent qu’une personne n’est pas LGB. –– Un groupe social : les personnes LGB forment un groupe cohérent, avec des goûts culturels communs, des médias communs, ils partagent des espaces sociaux physiques particuliers, des comportements, des attitudes. 215 Affaire non reportée devant le tribunal pour l’asile et l’immigration. La crédibilité Sujet Etat membre Exemple Service militaire Chypre Un demandeur gay a été interrogé sur son service militaire. Le fait qu’il n’ait pas essayé d’éviter l’armée, qui est obligatoire dans son pays, a été jugé comme contradictoire avec les stéréotypes des comportements homosexuels. Préférences culturelles France Les questions peuvent concerner les habitudes vestimentaires, le temps de loisir, les goûts culturels (musique, films, télévision) d’une personne, ou sa connaissance et/ou participation à la culture considérée comme homosexuelle. Vocabulaire Hongrie Dans le cas d’une femme nigériane, les autorités d’asile ont jugé peu probable que la demandeuse utilise la « terminologie latine » (tel que le terme « homosexuelle ») vu son instruction. Les autorités ont pensé qu’elle avait entendu ou inventé l’histoire de son homosexualité afin d’obtenir le statut de réfugié. Les examens médicaux ont conduit à une évaluation d’une « sexualité fortement féminine ». Il convient de remarquer que d’autres éléments mettaient en doute la crédibilité de la demandeuse. Vocabulaire Espagne Un homme homosexuel mauritanien s’est désigné comme étant maricon (« pédé »). Le tribunal a jugé que ce mot était rarement utilisé par les personnes homosexuelles.216 Comportement Irlande Des décisionnaires sont arrivés à une conclusion négative fondée sur leur propre jugement du comportement du demandeur (c’est-à-dire si, pour le décisionnaire, le demandeur avait l’air d’être homosexuel). Par exemple, pour motiver le rejet de l’appel d’un demandeur d’asile d’un homosexuel algérien, un membre du tribunal a déclaré que : « vu son comportement (à l’appel), je n’ai aucun doute que le demandeur a avancé qu’il été homosexuel afin de renforcer sa demande d’asile. » L’expertise de ce magistrat fondée sur l’orientation sexuelle déterminée en fonction du comportement n’est pas traitée.217 Comportement Bulgarie Un lieu commun veut qu’un homme gay soit nécessairment « féminin » et « affiche » son orientation sexuelle. Il en va de même pour les lesbiennes. Travail sexuel Belgique Les travailleurs sexuels homosexuels ont été rejetés en raison de leurs « actes homosexuels illégaux motivés par des raisons économiques et opportunistes ».218 Travail sexuel Espagne Une femme transgenre originaire du Costa Rica a subi toutes sortes de discriminations ; le tribunal a jugé que ses problèmes et la discrimination découlaient de son travail en tant que prostituée, et non de son identité de genre219 Préférences culturelles Royaume-Uni Les stéréotypes et l’ignorance, notamment le fait d’attendre qu’un homme gay connaisse les œuvres d’Oscar Wilde. 220 Absence d’autre choix Royaume-Uni Le comportement sexuel d’une femme en prison a été jugé comme le prolongement de l’expérimentation sexuelle adolescente ; en prison, elle n’avait « pas d’autre choix que le célibat », et il n’a donc pas été jugé crédible qu’elle soit lesbienne. Ce jugement a été renversé par la cour d’appel.221 Monogamie Pays-Bas Un demandeur irakien a déclaré que bien qu’il ait eu une relation sexuelle avec un homme pendant cinq ans, il n’était pas sûr qu’il soit réellement homosexuel, car il n’a jamais eu de sentiments pour d’autres hommes. L’IND a jugé que la relation était crédible, mais que la politique de son pays contre les homosexuels ne s’appliquait pas à lui car il n’était pas homosexuel. « Dans les pays arabes, les jeunes hommes se tournent souvent vers des hommes pour satisfaire leur désir sexuel, car ils ne peuvent le faire avec une femme », selon l’IND. La Cour régionale de Groningue n’a pas vu de raison pour laquelle cette spéculation était applicable dans ce cas. L’appel a été accordé.222 Génétique Pays-Bas La bisexualité d’un demandeur jamaïcain n’a pas été jugée crédible car il a déclaré que son orientation homosexuelle « n’était pas dans ses gènes ».223 216 217 218 219 220 –– Le coming out : les demandeurs LGB sont supposés avoir découvert et composé avec leur orientation sexuelle d’une manière particulière : ils sont supposés ressentir de la culpabilité, avoir une orientation sexuelle stable à propos de laquelle ils sont très impliqués émotionnellement. 216 Audiencia Nacional (Cour nationale) 19 décembre 2008, dossier nº 1399/2007. 217 Cour d’appel des réfugiés, 2010. 218 Raad voor de Vreemdelingenbetwistingen (Conseil pour les affaires relatives aux étrangers) 21 octobre 2008, 17.431 ; Raad voor de Vreemdelingenbetwistingen (Conseil pour les affaires relatives aux étrangers) 22 octobre 2008, 17.471;19.383 ; 19.842; 19.837; 21.996. 219 Audiencia Nacional (Cour nationale) 21 juillet 2008, dossier nº 679/2006. 220 Rapporté dans Nathanael Miles, No Going Back, Lesbian and Gay People and the Asylum System, Stonewall, mai 2010, www.stonewall.org.uk. Ces stéréotypes s’appuient sur l’idée que l’orientation sexuelle est strictement commandée selon un ensemble de catégories dont l’hétérosexualité est évidemment la catégorie centrale stable. Cela laisse aux gays et aux lesbiennes des catégories identitaires périphériques aussi stables ; 221 222 223 les personnes trangenres et intersexuées sont vues comme une catégorie médicale ; et les bisexuels comme pouvant compter comme lesbienne ou gay lorsqu’ils auront enfin réussi à faire leur 221 Cour d’appel (Angleterre et Pays de Galles), août 2009, NR (Jamaïque) c. SSHD [2010] INLR 169. 222 Rechtbank (Cour régionale) Groningue, 3 septembre 2010, n° 10/6506. 223 Rechtbank (Cour régionale) Haarlem, 18 décembre 2007, n° 07/26891, Conseil d’Etat, 18 avril 2008, 200800353/1. 67 La crédibilité choix. De cette manière, les lesbiennes et les gays sont formés à l’image des hétérosexuels – de manière rassurante, de façon périphérique pour cette catégorisation, et sont confortablement étiquetés comme des problèmes médicaux. Les bisexuels n’ont pas de problème car ils peuvent « choisir » entre assumer la position des lesbiennes/gays, ou celle de la norme hétérosexuelle et cisgenre dominante. Cette manière de voir l’orientation sexuelle doit être vue comme au cœur des questions de crédibilité. Les opinions de l’expert médical s’appuient sur des catégories qui ont été officiellement réfutées (la dysphorie de genre, l’inversion, etc.) et cherchent essentiellement à établir la stabilité de l’orientation sexuelle d’une personne. L’Allemagne est même explicite dans sa demande d’une identité de genre stable (Schicksalhaften Festlegung – fixation impérieuse). De la même manière dans les autres Etats membres, les décisionnaires et les tribunaux essaient d’établir une distinction entre un comportement frivole (de simples activités homosexuelles, qui ne devraient pas aboutir à l’asile, même si cela a eu pour conséquence des traitements inhumains dans le pays d’origine) et les demandeurs qui se sentent obligés d’avoir des activités homosexuelles, ou qui sont réellement transgenres ou intersexués. On a l’impression qu’on demande aux demandeurs d’être sincères à propos de leur sexualité. Apparemment, il n’est pas habituel d’être gay sans s’informer sur les spécificités de la loi pénale ; d’être lesbienne mais de ne pas lire de médias lesbiens ; d’avoir une relation avec un autre homme mais de ne pas connaître les lieux de rencontre des parcs de Téhéran. Tous ces exemples attestent que les jugements de crédibilité s’appuient sur des attentes très spécifiques, qui traitent l’orientation sexuelle comme quelque chose lié aux convictions politiques ou religieuses, avec la participation attendue dans des réunions de partis, centrés sur la sphère publique formelle des médias publics et de la législation. De toute évidence, la sexualité est politique sous bien des points de vue, mais la politique sexuelle, bien qu’elle puisse se dérouler dans des lieux classiques tels que les médias et les parlements, est plus souvent (et peut-être principalement) jouée dans des cadres étiquetés comme privés, tels que la famille, le voisinage ou le lieu de travail. On ne peut affirmer que chaque demandeur d’asile déclarant avoir une crainte fondée d’être persécuté en raison de son orientation sexuelle ou de son identité LGBTI dit la vérité et peut bénéficier de l’asile. Cela étant, les exemples des pratiques d’entretiens d’asile fournissent des preuves de méthodes ne permettant pas d’établir la crédibilité, criblées de préjugés questionnables sur la manière dont les « vrais » demandeurs LGBTI se comportent. La principale conclusion à tirer de cet état de choses est que la crédibilité ne peut 68 être établie que sur la base d’un entretien permettant au demandeur d’exprimer librement son orientation sexuelle comme il l’a vécue, d’une manière détaillée et en lieu sûr. Comme l’a établi La Violette, cela mène à trois grandes lignes d’enquête au cours des entretiens d’asile : (i) Personnel et familial (ii) contacts gays et lesbiens tant dans les pays d’origine que d’accueil et (iii) l’expérience/la connaissance de la discrimination et de la persécution.224 Les lignes directrices du Royaume-Uni et de la Suède, ainsi que celles du HCR contiennent une description d’une approche utile. Il est entendu que des demandes de clarification ou de renseignements supplémentaires peuvent être faites. Mais tout ce qui mine un examen, comme demander « la bonne réponse » (quels sont les lieux de rencontre gays ; quelle est la disposition pénale pour les actes sexuels lesbiens ; dans quelle position étiez-vous lorsqu’on vous a surpris) est contreproductif (a) car cela peut affecter la confiance nécessaire à un entretien d’asile, et (b), parce que cela reflète des préjugés qui peuvent être inexacts ou ne pas s’appliquer dans le cas particulier en question. R e c o m m a n d at i o n • Lors de l’entretien personnel tel que prévu par l’article 12 de la directive procédures, les demandeurs lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués devraient avoir la possibilité de décrire la manière dont s’est construite leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, notamment les réactions de l’entourage ; les expériences problématiques, le harcèlement, la violence ; et les sentiments de différence, de stigmatisation, de peur et de honte. 224 Nicole LaViolette, ‘Sexual Orientation and the Refugee Determination Process: Questioning a Claimant about their Membership in the Particular Social Group’, préparé pour la Commission canadienne de l’immigration et du statut de réfugié, 2004. L a ré vél ation tardive 7 L a r é v é l a t i o n t a r d i v e De manière générale, les personnes faisant une demande protection internationale sont censées fournir la raison pour laquelle elles craignent d’être persécutées, immédiatement et de façon claire, consistante et cohérente. Mettre sur la table la question de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre à un stade ultérieur (par exemple lors de l’appel ; ou dans une demande successive) jette souvent le doute sur la crédibilité du demandeur et ce type de demande tardives peuvent donc aisément être rejeté. Toutefois, il peut y avoir plusieurs raisons valable pour lesquelles les demandeurs d’asile LGBTI peuvent ne pas avoir révélé leur orientation sexuelle ou leur identité de genre lors de leur demande initiale, telles que : –– Il arrive que les demandeurs d’asile soient des enfants et ne prennent conscience de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre que quelques années plus tard. –– De nombreux demandeurs d’asile LGBTI n’osent pas parler de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre en raison de sentiments de différence, de stigmatisation, de honte ou de peur. Ces sentiments peuvent s’appuyer sur une homophobie ou une transphobie intériorisée et peuvent être renforcés par la nécessité de révéler leur orientation sexuelle ou leur identité de genre à un agent d’asile, ou par la crainte des conséquences si leur orientation sexuelle ou leur identité de genre venait à être connue dans d’autres cadres, tels que les centres d’hébergement. 7 . 1 L e s n o r m e s e u r o p é e n n e s e t i n t e r n a t i o n a l e s La directive procédures dispose qu’une demande d’asile successive doit faire l’objet d’un examen préalable visant à déterminer si de nouveaux éléments ou jugements concernant l’examen Indiquant que l'individu peut prétendre au statut de réfugié se sont présentés ou ont été présentés par le demandeur. Si de nouveaux éléments ou jugements se présentent, ce qui ajoute considérablement à la probabilité que le demandeur ait droit au statut de réfugié, la demande devrait être étudiée de manière plus approfondie.226 Dans le cadre de la refonte actuelle de la directive procédures, la Commission européenne a proposé d’ajouter de façon explicite l’orientation sexuelle et l’identité de genre à la définition des « demandeurs nécessitant des garanties procédurales spécifiques ».227 Elle a également suggéré que les Etats membres devraient s’assurer que ces demandeurs soient identifiés en temps utile et que les dispositions correspondantes s’appliquent également « s’il se révèle à un stade plus avancé de la procédure que le demandeur nécessite des garanties procédurales spécifiques. » « Les Etats membres doivent également s’assurer que ces demandeurs disposent de suffisamment de temps et de soutien pertinent pour présenter les éléments de leur demande de la manière la plus complète possible, et avec toutes les preuves disponibles ».228 A ce propos, les lignes directrices du HCR stipulent que : –– Ils peuvent être en plein processus de coming out : il se peut qu’ils n’aient pas encore révélé leur orientation sexuelle ou leur identité de genre aux autres ou à eux-mêmes. –– Certains demandeurs d’asile LGBTI et leurs conseillers ne savent pas que leur orientation sexuelle ou leur identité de genre peut être pertinente pour l’évaluation de leur demande. Un tribunal allemand a décidé qu’une déclaration faite plus de trois ans après l’arrivée en Allemagne ne disqualifiait pas un demandeur irakien pour le statut de réfugié : le demandeur a expliqué d’une manière crédible qu’il n’avait pu décider d’admettre son homosexualité publiquement qu’après un long cheminement et combat intérieur, prenant fin lorsqu’il a trouvé son identité sexuelle.225 225 Verwaltungsgericht (Cour administrative) Kölln, 8 septembre 2006, 18 K 9030/03.A, Informationsverbund Asyl & Migration M17466. « Le demandeur ne sait pas toujours que l’orientation sexuelle peut constituer un motif d’asile ou peut être réticent à parler de questions aussi personnelles, en particulier lorsque son orientation sexuelle 226 Article 32 de la directive 2005/85/EC du Conseil du 1er décembre 2005 sur les standards minimums sur les procédures dans les États membres pour l’octroi et le retrait du statut de réfugié. 227 Proposition de la directive procédures à l’article 2 (d) : « demandeur ayant besoin de garanties procédurales particulières», un demandeur qui, du fait de son âge, de son sexe, de son orientation ou de son identité sexuelles, d’un handicap, d’une affection physique grave, d’une maladie mentale, de troubles post-traumatiques ou de conséquences de tortures, de viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, a besoin de garanties particulières pour pouvoir bénéficier des droits et remplir les obligations prévus par la présente directive ; Proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil sur les sur les procédures normales dans les États membres pour l’octroi et le retrait du statut de réfugié (refonte), Bruxelles, 1er juin 2011, COM(2011) 319 final, 2009/0165 (COD). 228 La proposition pour l’article 24 : « Les États membres veillent à ce que les demandeurs nécessitant des garanties procédurales spéciales soient identifiés en temps utile. (…) Les États membres veillent à ce que le présent article s’applique également s’il apparaît, à un stade ultérieur de la procédure, qu’un demandeur nécessite des garanties procédurales spéciales. Les États membres prennent les mesures appropriées pour s’assurer que les demandeurs nécessitant des garanties procédurales spéciales se voient accorder un délai et un soutien suffisants pour présenter les éléments de leur demande de manière aussi complète que possible et sur la base de tous les éléments de preuve disponibles. » 69 L a ré vél ation tardive est un motif de honte ou un tabou dans son pays d’origine. Il peut donc au départ ne pas se sentir suffisamment en confiance pour parler librement ou pour rendre compte de façon précise de son cas. Même lorsque la demande de départ contient des déclarations inexactes, ou lorsque celle-ci n’est pas présentée avant qu’un certain temps ait passé depuis l’arrivée dans le pays d’accueil, le demandeur peut toujours être en mesure d’établir une demande crédible. »229 Il s’agit d’une situation de réfugié sur place, et si la demande est jugée crédible, elle mène souvent à une reconnaissance du statut. Des exemples de ce type de demande, soumise par des demandeurs étant entrés dans le pays d’accueil lorsqu’ils étaient mineurs, ont également été rencontrés en Autriche, en France, en Italie, en Norvège, en Pologne et au Royaume-Uni, tandis que les experts nationaux pour la République tchèque, l’Allemagne et Malte pensaient que des personnes dans cette situation auraient de bonne chance d’obtenir l’asile. 7 . 2 L a p r a t i q u e d e s Et a t s L’enquête sur la pratique des Etats membres de l’UE concernant l’asile des personnes LGBTI montre que les cas dans lesquels les demandeurs d’asile LGBTI ne révèlent leur orientation sexuelle ou leur identité de genre comme motif d’asile uniquement après ou au cours de la procédure rencontrent deux types de problèmes : –– leur coming out n’est absolument pas pris en compte : certains systèmes d’asile appliquent une certaine forme de la notion d’autorité de la chose jugée, qui ne permet un nouvel examen que si les circonstances mentionnées à un stade ultérieur constituent des faits nouveaux –– leur coming out est pris en compte mais rencontre la méfiance ; si les circonstances ne sont mentionnées qu’à un stade ultérieur de la procédure, elles peuvent être fausses, opportunistes et uniquement mentionnées dans le but d’augmenter les chances d’obtenir l’asile. 7.2.1 L e s m i n e u r s Certains exemples de demandeurs d’asile ayant fui leur pays alors qu’ils étaient mineurs et n’ayant pris conscience de leur orientation sexuelle que plusieurs années plus tard ont été rapportés, tel le cas suivant : Un demandeur d’asile somalien était arrivé aux Pays-Bas dans son enfance. Sa mère avait ensuite fait deux demandes d’asile pour lui. Huit ans après la première demande d’asile, il a pris conscience de son orientation sexuelle et a fait une demande d’asile par lui-même, affirmant qu’il aurait des problèmes s’il retournait en Somalie. Cela a été considéré comme un motif d’asile spécifique suffisant, éminemment personnel et qui n’avait pas été traité dans les procédures précédentes. Cela a donc été considéré comme un fait nouveau justifiant un nouvel examen de sa demande d’asile.230 229 HCR, UNHCR Guidance Note on Refugee Claims Relating to Sexual Orientation and Gender Identity, 21 novembre 2008, par. 38. 230 Afdeling bestuursrechtspraak van de Raad van State (Division judiciaire du Conseil d’Etat) 3 octobre 2003, 200305027/1, Jurisprudentie Vreemdelingenrecht 2004/3, Nieuwsbrief Asiel- en Vluchtelingenrecht NAV 2003/310. 70 7.2.2 L’a u t o r i t é d e l a c h o s e j u g é e Certains pays possèdent un système d’asile selon lequel un cas d’asile à propos duquel un jugement a été rendu est considéré comme relevant de l’autorité de la chose jugée (c’est-à-dire un cas qui a déjà été jugé). La seule chose qui sera jugée lors d’une demande ultérieure sera si les déclarations tardives représentent des « faits ou circonstances nouveaux ». Si la réponse est négative, la demande ne sera pas examinée ; la crédibilité d’une déclaration concernant l’orientation sexuelle présentée tardivement n’est même pas évaluée ou prise en compte. L’Autriche et les Pays-Bas fournissent des exemples clairs de ce type de cas. Aux Pays-Bas, les cours inférieures ont reconnu que le coming-out est un processus qui peut être long, et que différents stades de conscience peuvent être identifiés (conscient mais pas totalement, encore en cours d’interrogation, ressentant de l’insécurité et apeuré, incapable d’en parler, encore en phase d’acceptation, réprimant l’homosexualité, redoutant les conséquences, en lutte intérieure, etc.) et que les demandeurs ne sont parfois pas en mesure de parler de leur orientation sexuelle dès leur arrivée.231 Le Conseil d’Etat néerlandais applique cependant un critère plus strict : un demandeur qui est conscient (même légèrement) de sentiments homosexuels devrait le mentionner dès son arrivée, même lorsqu’il ne les a jamais exprimés auparavant. Un homme somalien avait toujours été conscient qu’il était différent et ne regardait que les hommes, mais il n’a exprimé son orientation sexuelle pour la première fois que plusieurs années après être arrivé aux Pays-Bas. La cour du district d’Assen a jugé que dans la mesure où il n’avait pris entièrement conscience de son homosexualité et s’était comporté en fonction qu’après sa première demande, cela constituait un fait nouveau.232 Le Conseil d’Etat a cassé ce jugement 231 Rechtbank (Cour régionale) Zwolle, 26 septembre 2007, 06/55693 (Afghanistan) ; Voorzieningenrechter (le juge des mesures provisoires) Rechtbank (Cour régionale) Groningue, 17 novembre 2006, 06/52447 (Irak) ; Rechtbank (Cour régionale) Haarlem, 7 décembre 2007, 07/44180 (Angola). 232 Voorzieningenrechter (le juge des mesures provisoires) Rechtbank (cour régionale) Assen, 2 février 2006, n° 06/54668, appel accordé ; l’IND a fait appel contre ce jugement. L a ré vél ation tardive en appel : dans la mesure où il a déclaré qu’il avait toujours été conscient de son orientation sexuelle, il aurait pu et aurait dû le mentionner lors de sa première demande. Le fait qu’il n’ait eu des relations homosexuelles qu’après avoir passé quelques années aux Pays-Bas ne change rien à cela.233 Une telle approche ne prend pas en compte le fait que dans ce cas la révélation tardive était due au fait que le demandeur n’a pu exprimer son identité de genre pour la première fois qu’aux Pays-Bas. Cette question de procédure formaliste peut constituer un obstacle à l’application pratique de politques libérales concrètes. Bien que les Pays-Bas aient une politque d’octroi d’asile aux personnes LGBT originaires d’Iran, cette ligne très stricte dans la pratique judiciaire concernant des faits et circonstances nouveaux ont souvent pour conséquence des rejets de demandes tardives de personnes LGBT iraniennes, non parce que leur orientation sexuelle ou identité de genre était mise en doute, mais parce qu’elle n’était tout simplement pas prise en compte.234 En Autriche, le cas d’un homme gay originaire d’Iran a été rapporté ; celui-ci était arrivé en Autriche en 2001 avec ses parents alors qu’il était mineur. La demande d’asile a fini par être rejetée en 2009. Quelques mois plus tard il a fait une nouvelle demande d’asile, car il n’avait pas mentionné son homosexualité auparavant, bien qu’il en ait été conscient depuis deux ans. Le bureau fédéral d’asile a rejeté sa demande considérée comme une relevant de l’autorité de la chose jugée et a refusé de lancer la procédure. La cour d’asile a annulé cette décision et a déclaré qu’une procédure détaillée devait être menée concernant la situation en Iran, et que son homosexualité nouvellement déclarée était une circonstance nouvelle. La cour d’asile a estimé : « Que pour déterminer s’il y a un fait nouveau dans le cas présent, il ne convient pas seulement de prendre en compte que le demandeur reconnaît qu’il avait déjà conscience de son orientation homosexuelle alors que la précédente procédure n’était pas encore formellement close ; il faudrait considérer 233 Afdeling Bestuursrechtspraak van de Raad van State (Division judiciaire du Conseil d’Etat), 14 avril 2006, 200601113/1, MigratieWeb ve06000557. 234 Cas d’Iraniens dont l’homosexualité n’a pas été considérée comme un fait nouveau : Voorzieningenrechter (le juge des mesures provisoires) rechtbank (cour régionale) ‘s-Gravenhage, siégeant à Assen, 12 septembre 2008, AWB 08/30179, Afdeling Bestuursrechtspraak van de Raad van State (Division judiciaire du Conseil d’Etat), 10 décembre 2008, 200807075/1, Jurisprudentie Vreemdelingenrecht 2009/85, MigratieWeb ve09000038 ; rechtbank (cour régionale) Arnhem, 27 novembre 2009, 09/40762, Afdeling Bestuursrechtspraak van de Raad van State (Division judiciaire du Conseil d’Etat), 23 décembre 2009, 200909367/1/V2; rechtbank (cour régionale) Haarlem, 8 décembre 2009, appel accordé ; l’IND a fait appel contre ce jugement devant le Conseil d’Etat ; rechtbank (cour régionale) Zwolle, 17 juin 2010, 10/18620, Afdeling Bestuursrechtspraak van de Raad van State (Division judiciaire du Conseil d’Etat) 8 juillet 2010, 201006033/1/V2. comme plus décisif de déterminer quand le demandeur révélé son homosexualité aux autres pour la première fois, si et à quel moment il a commencé à avoir une activité homosexuelle, ou quand son inclination sexuelle est devenu notoire ; ce que les autorités d’asile n’ont pas tenté de savoir ou déterminer. »235 Cette décision montre qu’un système d’asile s’appuyant sur la notion d’autorité de la chose jugée n’est pas nécessairement inflexible. La définition habituelle d’un fait nouveau est un fait qui s’est produit après la procédure d’asile précédente. L’Asylgerichtshof a décidé que le moment où ce fait est survenu n’est pas nécessairement celui où le demandeur a pris conscience de son homosexualité, mais peutêtre celui où il a révélé son orientation sexuelle à son entourage, ou lorsqu’il a commencé à avoir une activité sexuelle. 7 . 2 . 2 . 1 C o n c l u s i o n Dans certains Etats membres, l’exigence que le demandeur d’asile fournisse tous les faits sur lesquels se base sa demande à la première occasion possible a pour conséquence le rejet de demandes sur la base procédurale de l’autorité de la chose jugée. Les raisons pour lesquelles le demandeur a révélé son orientation sexuelle plus tard ne sont absolument pas prises en compte. Cela peut conduire à un éloignement qui serait contraire à la Convention des réfugiés, et exposerait le demandeur à un risque de persécution en raison de son orientation sexuelle ou de son identité de genre. Nous sommes conscients du fait que des procédures efficaces sont dans l’intérêt non seulement des Etats, mais aussi des demandeurs d’asile. Mais la capacité des demandeurs LGBTI à faire des déclarations immédiates concernant leurs expériences peut souvent avoir été limitée par ces expériences en question. Il peut être difficile pour eux de parler de questions intimes à de parfaits inconnus ; ils peuvent avoir appris à attendre de la violence à la première indication sur leur orientation sexuelle ou leur identité de genre ; ils peuvent souffrir d’homophobie ou de transphobie intériorisée ; ils peuvent ne pas avoir eu l’occasion de surmonter la honte que leur socialisation a instillée en eux. Dans les systèmes d’asile qui exigent que tous les faits pertinents soient révélés immédiatement, l’asile ne devrait pas être refusé uniquement au motif de la révélation tardive, lorsque des raisons pertinentes ont été fournies pour l’expliquer. De telles raisons devraient toujours être prises en compte et devraient être considérées lorsque c’est possible comme une explication acceptable de cette réticence initiale. 235 Asylgerichtshof (Cour d’asile) 10 février 2010, E1 217.905-4/2010. 71 L a ré vél ation tardive Nous tenons à souligner que même au sein d’un système relevant strictement de l’autorité de la chose jugée, il y a différentes manières de le faire, comme par exemple en considérant le moment où le demandeur a révélé son orientation sexuelle ou son identité de genre à son entourage comme le moment pertinent, c’est-à-dire comme le moment où un fait nouveau s’est présenté. Bien que tout dépende de la manière dont l’autorité de la chose jugée est appliquée en pratique, l’exemple de l’Autriche montre que maintenir un tel système n’est pas nécessairement incompatible avec une procédure d’asile sensée. 7.2.3 L a c r é d i b i l i t é De nombreux demandeurs d’asile LGBTI ne mentionnent pas leur orientation sexuelle ou leur identité de genre immédiatement. Pour certains d’entre eux, cela n’entrave pas la décision d’asile, par exemple lorsque la révélation tardive est considérée comme une phase de leur processus de coming out, ou lorsque les raisons pour lesquelles ils hésitaient au départ sont acceptées et considérées comme crédibles. Les autres sont soupçonnés de vouloir « renforcer » leurs motifs d’asile et leur demande est donc rejetée en raison d’un manque de crédibilité. Nous avons rencontré ce type de cas de suspicion dans presque tous les Etats membres. Voici une illustration de cette pratique : En Irlande, la cour d’appel des réfugiés a rejeté l’appel d’un homosexuel pakistanais notamment au motif qu’il n’avait pas fait de demande d’asile dès son arrivée en Irlande, mais qu’il avait occupé un emploi pendant une période de temps considérable, et que c’est seulement lorsqu’il a été arrêté et soupçonné d’immigration illégale qu’il a fait une demande d’asile. La cour n’a pas accepté l’explication fournie par le demandeur, selon laquelle sa révélation tardive était due au fait qu’il venait juste d’accepter sa sexualité à son arrivée en Irlande et après avoir eu sa première relation homosexuelle.236 Au Danemark, il est assez courant que les demandeurs d’asile LGBT ne mentionnent leur orientation sexuelle que plus tard au cours de la procédure. Cela pose toujours problème, car il peut être difficile de distinguer les demandeurs véritablement LGBT de ceux qui « ajoutent l’homosexualité » à leur demande pour améliorer leurs chances d’obtenir le statut de réfugié.237 Dans un cas néerlandais, une cour régionale a jugé que le demandeur aurait dû mentionner son orientation sexuelle lors de l’entretien, même de façon brièvement, par exemple en indiquant 236 Cour d’appel des réfugiés, 2009. 237 Flygtningenævnet (Commission d’appel pour les réfugiés) 1er juin 2004. 72 qu’il y a quelque chose qu’il ne souhaite pas déclarer. Il avait été informé du fait qu’il pouvait parler librement et ne devrait pas omettre d’information.238 En Espagne, un homosexuel cubain n’a révélé ses problèmes liés à la dictature cubaine que dans sa première demande auprès du bureau d’asile. Ce n’est qu’après que la cour d’appel eut demandé son admission à la procédure qu’il a expliqué que la véritable raison de sa demande était la persécution dont il avait fait l’objet dans son pays d’origine en raison de son orientation sexuelle. Cependant, sa demande a été rejetée par le bureau d’asile et par la cour nationale au motif de non crédiblité. Ils ont jugé qu’il immigrait pour des raisons économiques et ne méritait pas de protection.239 Dans certains cas, la suspicion est néanmoins écartée : En Roumanie, un demandeur d’asile afghan a fondé sa demande sur les conflits avec les talibans et l’insécurité en Afghanistan. Sa demande a été rejetée par le Bureau d’immigration roumain et la première cour. Au cours de la procédure devant la seconde cour (Tribunal), il a eu le courage d’élever sa voix concernant les véritables raisons pour lesquelles il craignait d’être persécuté, c’est-à-dire le fait d’être homosexuel et travesti dans une société musulmane fondamentaliste. Il avait eu peur d’en parler plus tôt par crainte et par honte envers la communauté afghane du centre d’hébergement. Lors de l’audience, le juge n’a pas douté de la véracité de ses déclarations, et a considéré son nouveau motif d’asile comme étant sérieux. Il a reçu une protection subsidiaire en décembre 2010. Nous avons également rencontré en Italie le cas d’un homosexuel ayant fait une première demande en 2007 sur d’autres motifs. Sa demande a été rejetée. En 2009, il a présenté une nouvelle demande sur la base de son orientation sexuelle : lors de l’entretien individuel, il a expliqué qu’il n’en avait pas parlé plus tôt car il avait peur que les personnes du centre d’accueil le découvrent et qu’il subisse des violences. Il a obtenu le statut de réfugié.240 Le seul demandeur LGBTI à avoir obtenu l’asile en Slovaquie n’avait révélé son orientation bisexuelle que dans une seonde procédure d’asile. En France, la cour d’asile a remarqué que les révélations tardives recontraient la diffidence, mais que néanmoins les autorités 238 Rechtbank (Cour régionale) ‘s-Gravenhage 24 juin 2009, 09/5070, appel rejeté par la Afdeling Bestuursrechtspraak van de Raad van State (Division judiciaire du Conseil d’Etat) 15 septembre 2009, 200905386/1/V2. 239 Audiencia Nacional (Cour nationale) 28 novembre 2008, dossier nº 5265/2005. 240 Commissione territoriale per il riconoscimento della protezione internazionale di Crotone (Commission territoriale pour la reconnaissance de la protection internationale de Crotone) décision 2009. L a ré vél ation tardive pouvaient accorder l’asile aux demandeurs ayant révélé et/ou assumé leur orientation sexuelle seulement après leur arivée en France, parfois longtemps après celle-ci. Ces décisions sont motivées par la sincérité et la crédibilité de la crainte de la persécution exprimée, et par le fait que la situation des personnes LGBTI dans le pays d’origine est particulièrement mauvaise. Le document britannique sur les politiques reconnaît également qu’un jugement négatif ne devrait pas être fait en cas de non révélation au stade de l’étude.244 Dans un cas irlandais, une demande a fait l’objet d’une procédure accélérée au motif que le demandeur n’avait pas fait de demande dès que possible après son arrivée. Lors de l’appel, le tribunal a inversé son jugement au vu de l’explication du demandeur du motif de sa révélation tardive, c’est-à-dire l’impact de la persécution subie dans le pays d’origine (l’Egypte), la crainte d’une arrestation et de la révélation de son orientation sexuelle en Irlande. Le tribunal a jugé qu’il avait une crainte fondée d’être persécuté en raison de son orientation sexuelle et lui a accordé le statut de réfugié.241 Les mineurs ayant pris conscience de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre à l’âge adulte dans le pays d’accueil ont de bonnes chances d’obtenir le statut de réfugié. Cependant, nous estimons que pour les demandeurs arrivés dans le pays d’accueil à l’âge adulte, il est compréhensible qu’ils n’aient pas mentionné leur orientation sexuelle ou leur identité de genre avant un certain stade de la procédure, en raison de sentiments de peur, de stigmatisation ou de honte les ayant empêchés de s’assumer totalement. 7 . 2 . 3 . 1 L e s b o n n e s p r a t i q u e s Les lignes directrices suédoises en matière d’orientation sexuelle reconnaissent qu’il peut être difficile de révéler immédiatement son orientation.242 Cependant, d’apèrs notre expert national pour la Suède, les décisionnaires suédois ne suivent pas toujours leurs propres lignes directrices. Les documents sur les politiques suédoises sur le sujet reconnnaissent qu’il est courant que l’orientation sexuelle ne soit invoquée qu’à un stade ultérieur de la procédure d’asile. Dans de tels cas, la seule révélation tardive ne saurait affecter la crédibilité du demandeur. Les informations sur le pays d’origine devraient être prises en compte dans l’évaluation de la révélation tardive, ainsi que le fait que le demandeur ait une raison valide de ne pas avoir mentionné son orientation sexuelle plus tôt. Il faut également prendre en compte que l’orientation homosexuelle ou bisexuelle peut être un sujet tabou, même dans des sociétés relativement libérales.243 241 Cour d’appel des réfugiés, 2005. 242 « Dans certains cas, l’homosexualité est mentionnée comme motif d’asile à un stade relativement avancé de la procédure. Il peut y avoir plusieurs raisons pour cela, et cela peut être compréhensible. (…) Un demandeur peut ressentir un sentiment profond de honte concernant son homosexualité. Il est difficile pour de nombreux demandeurs originaires de pays très répressifs de parler de leur homosexualité à des inconnus, en particulier ceux représentant l’autorité. (…) Les violences sexuelles et les insultes dues à l’homosexualités peuvent être associées à un traumatisme profond et de sentiments de culpabilité et de honte. Lors de l’enquête, les personnes homosexuelles présentent souvent l’image d’individus marqués par ce type de préjudices, et peuvent choisir, consciemment ou non, de ne pas donner les véritables raisons de leur demande avant un stade ultérieur de la procédure. » Guidelines for investigation and evaluation of asylum cases in which persecution based on given sexual orientations is cited as a ground. Migrationsverket (Conseil des migrations) 28 janvier 2002. 243 Rättschefens rättsliga ställningstagande om förföljelse på grund av homoeller bisexuell läggning, 12 octobre 2009 (RCI 04/2009), déclaration officielle 7 . 3 C o n c l u s i o n Dans certains cas, la révélation tardive de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre mène à un jugement négatif concernant leur crédibilité, tandis que dans d’autres, les raisons de cette révélation tardive sont acceptées. Il faut noter que dans certains Etats membres, la méfiance semble être la pratique la plus courante, tandis que dans d’autres, nos experts nationaux nous ont rapporté une situation bien plus nuancée. Il ne faut pas considérer comme déraisonnable en soi le fait qu’une révélation tardive de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre suscite la prudence du côté des autorités d’asile, ou que de tels cas soient traités avec plus d’attention. Mais les motifs de cette révélation tardive doivent toutefois être scrupuleusement étudiés. La contribution d’une révélation tardive de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre au cours de la procédure d’asile à un jugement de manque de crédibilité est de toute évidence une question qui doit être étudiée au cas par cas. Il ne peut être exclu que les demandeurs d’asile fassent de fausses déclarations à un stade ultérieur de la procédure ; mais de la même manière, on ne peut exclure que de telles affirmations soient vraies, et que le fait qu’elles soient tardives soit lié au « processus d’acceptation du demandeur », ou à d’autres facteurs qui n’affectent pas la véracité des déclarations. Un jugement négatif ne saurait donc s’appuyer uniquement sur le moment auquel le demandeur a présenté ses motifs de fuite liés à la question LGBTI. Afin de l’établir, il est nécessaire que les enquêteurs et les décisionnaires soient formés aux questions liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre, y compris le « processus d’acceptation ». du directeur des affaires juridiques du Conseil des migrations suédois (http:// www.migrationsverket.se/include/lifos/dokument/www/091019101.pdf ). 244 Voir l’instruction d’asile de l’Agence des frontières du Royaume-Uni sur ‘Sexual Orientation issues in the asylum claim’, page 11 (6 octobre 2010, révisé le 13 juin 2011) 73 L a ré vél ation tardive R e c o m m a n d at i o n s –– Les raisons de la révélation tardive devraient être considérées attentivement, avec un intérêt particulier pour les facteurs pertinents ajouté par le demandeur. –– Le concept « d’éléments nouveaux » de l’article 32(3) de la directive procédures ne devrait pas être interprété d’une manière hautement procédurale, mais au contraire en gardant à l’esprit l’idée de protection, afin d’éviter une application indument inflexible du principe d’autorité de la chose jugée. –– Un jugement de crédibilité négative ne peut s’appuyer uniquement sur la révélation tardive de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre. 74 L e s i n f o r m a t i o n s s u r l e p a y s d ’ o r i g i n e 8 L e s i n f o r m a t i o n s s u r l e p a y s d ’ o r i g i n e Les informations sur le pays d’origine (IPO) sont décisives pour permettre aux décisionnaires de rapporter une crainte de persécution déclarée à la situation des droits fondamentaux des personnes LGBTI dans le pays d’origine. Ainsi, dans les cas où les demandeurs LGBTI rapportent avoir été persécutés ou poursuivis par des agents étatiques, de telles informations sont capitales. Il convient de savoir si l’homosexualité, l’identité transgenre et les autres orientations sexuelles ou identités de genre non dominantes sont criminalisées dans le pays d’origine, ou encore quelle est l’attitude générale des autorités envers les personnes LGBTI, ou si des actes de persécution sont commis par d’autres citoyens, tels que les proches, des gangs, les collègues, les voisins ou les camarades de classe. Dans de tels cas, qui sont nombreux, il est crucial de posséder des informations sur l’incidence de la persécution par des agents non étatiques, ainsi que sur l’accessibilité et l’efficacité de la protection étatique. Des informations sur le pays d’origine indépendantes, objectives et fiables sont également cruciales lorsque les autorités compétentes en matière d’asile supposent que le demandeur pourrait trouver une protection dans une autre région du pays d’origine (voir chapitre 5). Des informations sur le pays d’origine concernant la situation juridique et sociale des personnes LGBTI sont alors nécessaires, ainsi que sur l’accessibilité d’une protection étatique efficace ou sur la situation dans les différentes régions du pays.245 En 2004, une femme transgenre roumaine a fait appel à une cour néerlandaise. Au vu des événements vécus par la demandeuse, le service d’immigration et de naturalisation (IND) a conclu qu’en l’absence de données sur la situation des personnes transgenres en Roumanie, il faut considérer que ce groupe ne rencontre pas de problèmes. Cependant la cour a montré son désaccord avec cette idée. Le rapport de Human rights watch de 2002 a mentionné le fait que les policiers roumains ont souvent recours à la violence et que les hommes et les femmes homosexuels sont harcelés par la police. Selon la cour, il n’y avait pas de raison que la situation des personnes transexuelles soit plus favorable.246 8 . 1 L e s n o r m e s i n t e r n a t i o n a l e s e t e u r o p é e n n e s La directive qualification de l’UE dispose que l’évaluation devrait tenir compte de « tous les faits pertinents en lien avec le pays d’origine 245 Voir également N. LaViolette, ‘Independent Human Rights Documentation and Sexual Minorities: An Ongoing Challenge for the Canadian Refugee Determination Process’, International Journal of Human Rights 2009-13, p. 437–76. 246 Rechtbank (Cour régionale) Amsterdam, 22 janvier 2004, 02/94109. lors du jugement de la demande, y compris les lois et règlements du pays d’origine et la manière dont ils sont appliqués. »247 La directive procédures ajoute qu’un examen approprié devrait avoir lieu et qu’à cette fin « tous les Etats membres devraient s’assurer d’obtenir des informations précises et actuelles provenant de sources variées, telles que le HCR, concernant la situation générale des demandeurs d’asile dans leur pays d’origine. »248 Le Parlement européen a voté en 2011 l’amendement de cet article comme suit : « Les Etats membres doivent s’assurer que (…) le personnel examinant les demandes et prenant les décisions soit conscient et ait la possibilité de demander des conseils si nécessaire à des experts sur les questions spécifiques, telles que les questions médicales, culturelles, liées aux enfants, à la religion ou à l’orientation sexuelle. »249 De plus, les lignes directrices du HCR reconnaissent qu’il est important de « reconnaître qu’en ce qui concerne les demandes liées à des questions de genre, le type de preuves habituellement utilisées dans les autres demandes d’asile peuvent ne pas être immédiatement disponibles. Les statistiques ou rapports sur l’incidence de la violence sexuelle peuvent ne pas être disponibles en raison du faible nombre de cas rapportés, ou du manque de poursuite. D’autres formes d’information peuvent être utiles, tels que les témoignages oraux ou écrits d’autres femmes dans la même situation, d’organisations gouvernementales ou non gouvernementales ou d’autres recherches indépendantes. »250 8 . 2 L a p r a t i q u e d e s Et a t s Dans notre questionnaire, nous avons inclus des questions sur la disponibilité d’informations sur le pays d’origine et sur la manière dont chaque Etat membre gérait ces informations ou cette absence d’information. 247 Directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, article 4(3)(a). 248 Directive 2005/85/EC du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres, Article 8(2)(b). 249 Résolution législative du 6 Avril 2011, A7-0085/2011 (amendement de l’article 9(3)(d). Cependant, dans la proposition de directive modifiée de la Commission, cette suggestion n’a pas été intégrée, COM (2011) 319 final, Bruxelles, 1er juin 2011, Article 10(3)(d). La Commission n’a pas expliqué son refus d’intégrer cette modification, COM (2011) 319 final ANNEX, Bruxelles, 1er juin 2011. 250 HCR, 2002 Guidelines on International Protection No. 1: Gender-Related Persecution Within the Context of Article 1A(2) of the 1951 Convention and/or its 1967 Protocol Relating to the Status of Refugees, para. 37. 75 L e s i n f o r m a t i o n s s u r l e p a y s d ’ o r i g i n e 8.2.1 L e m a n q u e d ’ i n f o r m at i o n s p e r t i n e n t e s s u r l a s i t u at i o n d e s p e r s o n n e s LGB T I d a n s l e pay s d ’o r i g i n e De nombreux exemples de décisions s’appuyant sur l’absence d’informations précises sur la situation des personnes LGBTI dans le pays d’origine nous ont été fournis. Le schéma dominant est le suivant : le manque d’information est considéré comme révélateur d’une absence de problème pour les personnes LGBTI. Ces exemples concernent notamment : En Italie, nous avons eu connaissance du cas d’un homme originaire du Sierra Leone, dont la demande a été rejetée en première instance en vertu du raisonnement selon lequel « les circonstances ne sont pas considérées comme relevant de la persécution, en partie en raison du manque d’information concernant les homosexuels au Sierra Leone. »254 Deux hommes homosexuels d’origine vietnamienne ayant fait une demande d’asile en Roumanie. Ils ont invoqué la persécution des autorités communistes sur les homosexuels ainsi que les politiques étatiques contre les homosexuels. Cependant, d’après une enquête menée par le centre de documentation du Bureau d’immigration roumain (BITO) sur le site ILGA et le magazine Gay Times en ligne, aucune information concernant des sanctions pénales en raison d’actes homosexuels n’était disponible pour le Vietnam. La décision citait un rapport du département de l’Etat américain de 2008 : « La connaissance publique de l’homosexualité est faible, et il y a peu de preuves d’une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. » La décision concluait : « Le demandeur a déclaré que les homosexuels étaient persécutés par la police vietnamienne, alors que d’après Globalgayz.com (consulté en janvier 2008), la police laisse généralement les homosexuels tranquilles, au moins à Saïgon. Des informations supplémentaires sur le traitement par la police vietnamienne n’ont pu être trouvées auprès des sources consultées. » Les deux demandes ont été rejetées.251 En République tchèque, la cour suprême administrative est arrivée à la conclusion qu’il n’y a pas de différence entre l’homosexualité et le transsexualisme dans le cadre de l’évaluation de la demande d’asile d’un demandeur ukrainien. La décision de la cour s’appuyait sur les informations sur le pays d’origine, selon lesquelles la société ukrainienne est tolérante envers l’homosexualité. Il peut donc être raisonnablement déduit qu’elle est raisonnablement tolérante envers le transsexualisme ».255 En Espagne, un manque d’information est vite considéré par les autorités d’asile comme une indication qu’il n’y a pas de problème. Ainsi, la cour nationale, malgré qu’elle ait reconnu la criminalisation de l’homosexualité dans le code pénal algérien, a déclaré qu’il n’y avait pas de persécution car « aucune des sources consultées ne rapporte de condamnation en Algérie pour sodomie ».252 Par ailleurs, dans le cas d’un homosexuel cubain, la même cour s’est prévalu du fait que le bureau d’asile avait présenté un document internet établissant qu’il n’y avait pas de persécution à Cuba, sans pour autant la spécifier plus précisément qu’une « source internet ».253 En Allemagne, un manque d’information sur la persécution débouche parfois sur la conclusion qu’il y a une certaine tolérance à l’égard du milieu gay et lesbien dans certains pays d’origine, notamment dans les pays d’Afrique du nord. 251 Décisions du Bureau roumain de l’immigration, février 2010 et juin 2010. 252 Commissione territoriale per il riconoscimento della protezione internazionale di Milano (Commission territoriale pour la reconnaissance de la protection internationale de Milan) Décision, juillet 2007. Cependant, le demandeur a obtenu une protection sur des motifs humanitaires pour des raisons que nous n’avons pas été en mesure d’identifier. 253 Audiencia Nacional (Cour nationale) 7 novembre 2008, dossier nº 1563/2007. 76 Les quatre exemples suivants illustrent le manque d’information sur les pays d’origines concernant les demandeurs d’asile transgenres. En Espagne, les persécutions perpétrées par des agents non étatiques relèvent uniquement de la « discrimination », et l’asile n’est pas accordé. C’est ce qui s’est produit dans le cas d’une femme transgenre originaire du Nicaragua. Elle a subi des discriminations dans le cadre de l’école, de la santé, du travail et de la famille. Elle est ensuite devenue prostituée, et a été abusée sexuellement par des clients et par des policiers. Elle n’avait aucune possiblité d’obtenir une protection efficace de la part des autorités. Le bureau d’asile a toutefois déclaré qu’il n’y avait pas persécution, mais seulement discrimination. La cour nationale est arrivée à la même conclusion, et a souligné qu’il n’y avait pas de preuve d’une persécution et qu’au « Nicaragua, il n’y a pas de persécution ou de discrimination en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre. »256 En Suède, des demandes de personnes transgenres originaires d’Iran ont été rejetées, car en Iran il est possible de subir une opération de réassignation sexuelle. La situation des personnes transgenres semble cependant bien plus complexe. Comme indiqué dans le 254 Audiencia Nacional (Cour nationale) 20 mai 2005, dossier nº 414/2003. 255 Cour administrative suprême (République tchèque), 14 novembre 2007, N° 6 Azs 102/2007. Les cours tchèques ne distinguent généralement pas suffisamment les différents groupes couverts par le terme LGBTI ; elles ont tendance à utiliser « gays » comme groupe de référence pertinent pour tous les cas LGBTI. Dans deux cas concernant des personnes bisexuelles, la SAC n’a pas tenu compte de la situation particulière des bisexuels et a utilisé les termes « homosexuel » et « bisexuel » indifféremment (voir la décision de la SAC du 25 novembre 2008, N° 9 Azs 79/2008 ; et le jugement de la SAC du 1er avril 2009, N° 2 Azs 5/2009). Il en va de même pour la plupart des cas de personnes lesbiennes. La SAC a alors tendance à utiliser l’expression « orientation homosexuelle » afin de regrouper les relations gays et lesbiennes (voir par exemple le jugement de la SAC du 2 août 2006, N° 3 Azs 268/2005 sur des lesbiennes arméniennes). 256 Audiencia Nacional (Cour nationale) 13 mai 2010, dossier nº 296/2009. L e s i n f o r m a t i o n s s u r l e p a y s d ’ o r i g i n e rapport « Unknown people » : les personnes qui transgressent les normes de genre en Iran ont le choix de vivre de manière criminelle ou de subir une opération chirurgicale de réassignation sexuelle ».257 Au Royaume-Uni, seuls deux cas de demandes d’asile concernant des personnes transgenres ont été rapportés. En 2006 dans l’affaire Rahimi, la cour d’appel a tenu le même raisonnement concernant les preuves que dans le cas suédois décrétant l’absence de risque en Iran sur la base de l’existence de procédures chirurgicales : « Les actes homosexuels sont clairement criminels, mais il y a peu d’indications qu’une personne d’orientation homosexuelle fasse l’objet de mauvais traitements ou de persécution sur ce motif. La situation des transexuels semble très similaire. Ce trouble est reconnu par l’Etat, qui prévoit un traitement approprié pour ceux qui souhaitent le suivre. Il y a peu d’indications que le seul fait d’être transexuel en Iran expose la personne à des mauvais traitements graves ou à la persécution. »258 En 2007, la cour d’appel a adopté un autre point de vue en accordant l’appel d’une femme transgenre (désignée de façon erroné par le pronom « il » par la cour) et renvoyant l’affaire au tribunal, car ses avocats « avaient démontré l’éventuelle disponibilité de preuves objectives venant appuyer le cas de la demandeuse, selon lesquelles les transexuels iraniens risquent le harcèlement ou la persécution dans leur pays d’origine, y compris de la part de la police. »259 8 . 2 . 1 . 1 L e s b o n n e s p r a t i q u e s Les cours considèrent parfois qu’une absence d’information ne suffit pas pour rejeter une demande. Dans plusieurs cas autrichiens de demandeurs homosexuels originaires de Gambie, il y avait un sérieux manque d’information concernant l’homosexualité. Le Bureau fédéral d’asile a émis une décision négative en raison de ce manque d’information, mais la cour d’asile a annulé ces décisions et a demandé au bureau d’asile d’entreprendre des recherches détaillées sur la situation des homosexuels en Gambie.260 257 Elina Grandin et Anna-Maria Sörberg, Unknown people, The vulnerability of sexual and gender identity minorities and the Swedish Migration Board’s country of origin information system (‘Okänt folk, Om förståelse av genusproblematiker och utsatthet på grunden sexuell läggning och könsidentitet i Migrationsverkets landinformation’), Migrationsverket, janvier 2010. 258 Rahimi c. Secrétaire d’Etat à l’Intérieur [2006] EWCA Civ 267, para 8, 15 février 2006. 259 AK (Iran) c. Secrétaire d’Etat à l’Intérieur Department [2007] EWCA Civ. 941, 8 juillet 2008, para 28 Appel accordé en renvoi devant le Tribunal pour l’asile et l’immigration. 260 Asylgerichtshof (Cour d’asile) 9 juin 2010, A2 405.597-2/2010 ; 22 octobre 2009, A2 409.086-1/2009 ; 14 septembre 2009, A2 408.439-1/2009. Le rapport national néerlandais de 2004 sur l’Azerbaïdjan indique que le « transsexualisme est un sujet tabou dans la société azerbi. Il n’a donc pas été possible de trouver des informations sur la situation des transexuels en Azerbaïan. » A partir de cette information, le service d’immigration et de naturalisation a conclu qu’il n’y avait pas d’information disponible sur le transsexualisme dans ce pays. Cependant, d’après la cour, considérant la formulation du rapport national, leur position pourrait être considérée comme alarmante. Le demandeur a obtenu le statut de réfugié.261 Depuis octobre 2010, le ministère de l’Intérieur britannique reconnaît dans ses instructions sur l’asile : « il est toutefois très important de noter qu’il peut y avoir très peu de preuves des mauvais traitements des lesbiennes dans le pays d’origine. Il est probable que si les hommes homosexuels risquent la persécution, les lesbiennes, qui sont également un groupe qui ne se conforme pas à un rôle de genre établi, soient également en danger. »262 Certains pays fournissent des informations spécifiques sur le pays d’origine concernant les personnes LGBTI. Au Royaume-Uni, depuis fin 2005, tous les rapports sur les pays d’origine comportent une section spécifique concernant les dangers encourus par les personnes LGBTI. Ces rapports sont ensuite utilisés comme source dans l’approche de la politique du ministère de l’Intérieur britannique des demandes LGBTI originaires de pays spécifiques dans des documents intitulés Notes de directives opériationelles. Depuis 2001 le tribunal, maintenant l’Upper tribunal (Chambre d’immigration et d’asile) décide également des cas provenant de pays spécifiques, nommés orientations importantes par pays.263 Actuellement, la liste concernant les demandes LGB inclut : l’Afghanistan (hommes gays),264 l’Albanie (lesbiennes),265 l’Erythrée 261 Rechtbank (Cour régionale) Roermond, 4 novembre 2005, n° 02/20771. 262 Ministère de l’Intérieur britannique, Instruction d’asile sur Sexual Orientation issues in the asylum claim, page 12 (6 octobre 2010, révisé le 13 juin 2011). 263 Les orientations importantes par pays concernent des cas dans lesquels le tribunal spécialisé sénior au Royaume-Uni entend les preuves concernant le contexte national du pays d’origine afin de fournir des lignes directrices sur les risques relatifs à un groupe particulier. De telles lignes directrices doivent être appliquées à moins qu’une preuve apportée postérieurement à l’audience permette de s’écarter du jugement du Tribunal. La liste des cas est exacte à partir du 1er août 2011 <http://www.judiciary.gov.uk/Resources/JCO/ Documents/Tribunals/tribunals-country-guidance-list-updated-130711.pdf>> 264 AJ (risque courus par les homosexuels ) Afghanistan [2009] UKAIT 00001 (appel accordé à un homme gay après reconnaissance que son compagnon et sa famille ont été assassinés par les talibans lorsqu’ils ont appris que celui-ci était homosexuel, que cela viendrait à se savoir à Kaboul s’il s’y installait, que la capitale ne constituait donc pas une possibilité viable de refuge et que la discrétion ne serait pas envisageable). 265 MK (lesbiennes) Albanie CG [2009] UKAIT 00036 (appel rejeté d’une lesbienne albanaise au motif que les preuves du contexte dans le pays d’origine ne supposaient pas de risque réel. Elle cherche actuellement à faire appel de 77 L e s i n f o r m a t i o n s s u r l e p a y s d ’ o r i g i n e (hommes gays),266 l’Iran (hommes gays),267 la Jamaïque (hommes gays 268 et lesbiennes269), le Kenya (hommes gays),270 la Macédoine (hommes gays),271 la Serbie et le Monténégro (Kosovo) (hommes gays),272 la Turquie (gay hommes gays),273 l’Ouganda (hommes gays),274 l’Ukraine (hommes gays).275 En 2006 aux Pays-Bas, le ministère de l’Immigration a déclaré que : « le ministère des Affaires étrangères essaierait de savoir dans quelle mesure les autorités offrent aux homosexuels une protection contre la persécution de la part d’agents non étatiques dans des pays qui criminalisent l’homosexualité ou qui appliquent des discriminations ou des peines lourdes. »276 Mais à ce jour, les rapports nationaux cette décision devant la Cour d’appel. 266 YF (Risque – Apatride – Homosexuel – Clandestin) Erythrée CG [2003] UKIAT 00177 (le demandeur n’a pas attiré l’attention des autorités avant son départ, et ne le ferait pas a son retour. Il y avait des preuves contradictoires sur les poursuites et la persécution des hommes gays). 267 RM et BB (Homosexuels) Iran CG [2005] UKIAT 00117 (les hommes gay identifiés comme tels par les autorités iraniennes courent un risque réel d’arrestation et de poursuites à leur retour). 268 DW (Hommes homosexuels– Persécution –Protection suffisante) Jamaïque CG [2005] UKAIT 00168 (appel accordé à un homme gay ayant subi des persécutions dans le passé. Le Secrétaire d’Etat a reconnu que les autorités en Jamaïque n’assureraient aucune protection étatique efficace pour les hommes homosexuels). 269 SW (lesbiennes – demande de HJ et HT) Jamaïque CG [2011] UKUT 00251. Les lesbiennes (qu’elles le soient réellement ou soient perçues comme telles) font l’objet de viols correctifs, voire de meurtre, et sont contraintes d’adopter un schéma de vie hétérosexuel pour échapper aux persécutions (c’est-à-dire avoir un compagnon, des enfants, ou se marier). 270 JMS (Homosexuel – Comportement – Persécution) Kenya CG [2001] UKAIT 00007 (après avoir reconnu le fait que le demandeur a été détenu et maltraité dans le passé, la cour a jugé et que les homosexuels discrets ne couraient pas de risque de poursuites ou de persécution à leur retour). 271 MS (Risque – Homosexualité – Service militaire) Macédoine CG [2002] UKAIT 03308 (la cour a reconnu l’absence de législation pénale prohibant les actes homosexuels et estimé qu’il n’était pas disproportionné d’éloigner le demandeur après un an de relation « officielle » avec un ressortissant britannique. Cependant, l’appel accordé en vertu de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme en s’appuyant sur le fait que le demandeur serait soumis à une peine de prison d’un an pour avoir déserté le service militaire et que les conditions d’emprisonnement violaient l’article 3 de ladite Convention. 272 YK et RL (Kosovo – Risques courus par les homosexuels) Serbie et Monténégro CG [2005] UKIAT 00005 (pas de preuves concernant le contexte national du pays d’origine en matière de persécution, même émanant de groupes de défense des droits des lesbiennes et des gays). 273 MS (Risque – Homosexuel) Turquie CG [2002] UKIAT 05654 (le demandeur risque de faire l’objet de discriminations à son retour, sans pour autant que cela débouche sur des persécutions, et le fait qu’il ait subi un viol dans le passé par des policiers ne signifiait aucunement que cela allait nécessairement se reproduire à l’avenir). 274 JM (Homosexualité : risque) Ouganda CG [2008] UKAIT 00065 (pas de preuve des arrestations et des poursuites des hommes gays. De plus, le demandeur se comportera de manière à ne pas enfreindre la loi– approche de la Cour d’appel dans JM (Ouganda) c. Secrétaire d’Etat à l’Intérieur [2009] EWCA Civ. 1432, mais distinguée par la Cour administrative dans R (sur la demande de SB (Ouganda)) c. Secrétaire d’Etat à l’Intérieur [2010] EWHC 338 l’Upper Tribunal (Admin)) détermine actuellement de nouveaux cas relevant de la CG afin d’analyser le risque actuel en Ouganda. 275 Royaume-Uni (Risque – Homosexuels) Ukraine CG [2003] UKIAT 00005 (pas de risque réel pour les homosexuels dans les villes du moment qu’ils ne se « donnent pas en public (sic) » 276 Réponse de la ministre Rita Verdonk du28 novembre 2006 aux questions 78 néerlandais fournissent peu d’informations sur la disponibilité de la protection étatique pour les personnes LGBT. Aucun rapport ne donne d’information telle que : « les autorités étatiques sont en général disposées et/ou capable de protéger les personnes LGBT ». Les informations rapportées concernent en général les difficultés à obtenir une protection, comme dans les rapports sur l’Arménie,277 la Géorgie278 et la Turquie.279 Nous avons également rencontré des cas où les autorités nationales compétentes en matière d’asile coopéraient avec des ONG LGBT. Au Royaume-Uni, le groupe britannique pour l’immigration gay et lesbienne (UKLGIG, une ONG) participe systématiquement aux réunions avec l’encadrement sur la section « informations sur le pays d’origine » afin de mettre en évidence les questions liées aux personnes LGBTI dans les sections dédiées du rapport. A l’initiative de l’ONG WISH (groupe de travail de solidarité internationale avec les personnes LGBT),le bureau belge du Commissariat général pour les réfugiés et les apatrides280 coopère avec des militantsLGBT de certains pays d’origine africains afin d’échanger des informations sur la situation spécifique de ces pays. 8.2.2 L’ u t i l i s at i o n d e s i n f o r m at i o n s s u r l e pay s d ’o r i g i n e Lorsque des informations sur le pays d’origine sont disponibles, il est crucial qu’elles soient utilisées de manière appropriée. Nous avons fait remarquer précédemment que l’absence d’information ne peut être automatiquement considérée comme signifiant que les personnes LGBT ne sont pas confrontées à de graves problèmes dans leur pays d’origine. De la même manière, il a été souligné que les informations concernant les hommes gays ne peuvent être parlementaire de Lambrechts du 3 octobre 2006 (Aanhangsel Handelingen II, 2006/07 n° 394). 277 Le rapport national néerlandais sur l’Arménie (août 2010) : Si les homosexuels demandent l’assistance et la protection de la police, ils n’ont aucune garantie que celle-ci soit efficace et se tournent donc rarement vers elle. En prenant contact avec la police ils pourraient se trouver dans une position vulnérable et courir le risque que les policiers leur fassent du chantage (financier) ou des menaces de révéler leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Dans le passé, des rapports ont indiqué que des policiers se sont rendus dans des lieux de rencontres gays afin de faire du chantage. 278 Le rapport national néerlandais sur la Géorgie (décembre 2009) : Une personne transexuelle qui se tourne vers la police pour une protection ne court pas le risque d’être poursuivie uniquement parce qu’elle est transexuelle. 279 Le rapport national néerlandais sur la Turquie (septembre 2010) : La loi et les autorités turques n’offrent pas de protection suffisante aux personnes LGBT. En général les personnes LGBT n’osent pas demander de protection. De nombreuses personnes LGBT ne font pas confiance à la police en raison des préjugés existants. Même lorsqu’elles dénoncent la discrimination et/ou les menaces des autorités turques, leurs déclarations ne sont en général pas prises en considération. 280 Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides (CGRA)/Commissariaat Generaal voor de Vluchtelingen en de Staatlozen (CGVS). L e s i n f o r m a t i o n s s u r l e p a y s d ’ o r i g i n e automatiquement transposées aux situations des demandeurs lesbiennes, bisexuels, transgenres et intersexués.281 Un autre problème est posé par la tendance à interpréter les informations disponibles de façon sélective, ou comme indiquant une absence de danger. Dans le cas d’un demandeur d’asile originaire du Kazakhstan, le département des migrations lituanien a émis une décision négative s’appuyant sur les informations sur le pays d’origine, ignorant les informations concernant la discrimination envers les homosexuels au Kazakhstan, les persécutions au travail et à l’école, le fait que les organisations homosexuelles ne sont pas enregistrées et que la police ne protège pas les droits des homosexuels. Dans les cas d’homosexuels iraniens, le code pénal iranien est souvent cité par exemple dans une négative décision à Chypre en 2009 : « selon la législation iranienne, un délit sexuel ne peut être prouvé que si quatre témoins étaient présents au cours de l’acte sexuel, s’il s’est produit dans un espace public et a porté atteinte au sens de la décence publique. » Cette décision a ignoré que d’après la législation iranienne, une preuve peut également être obtenue à partir de la connaissance personnelle du juge de la Charia. Dans une décision irlandaise rejetant l’appel d’asile d’un homosexuel kenyan, le tribunal s’est référé aux informations sur le pays d’origine, selon lesquelles : « Un Article du site internet « Behind the Mask » mentionne la création récente de Minority Women in Action (MWIA), une organisation de défense des droits des lesbiennes et d’autres femmes issues de minorités ou marginalisées au Kenya, qui a pour « vocation à devenir un refuge pour de nombreuses lesbiennes », qui font l’objet de discriminations dans le pays en raison de leur orientation sexuelle. « Cependant, la pertinence de ce document dans le contexte d’un demandeur homosexuel de sexe masculin n’a pas été prise en compte ».282 En Espagne, la législation a été modifiée et dispose que dans les cas de personnes LGBT, les décisions doivent tenir compte des « circonstances les plus courantes dans le pays d’origine ». Cependant, les décisionnaires ne tiennent souvent pas compte des informations sur le pays d’origine, ou les cours accordent plus 281 Comme précisé précédemment, si les informations disponibles ne concernent que les gays et décrit leur situation comme étant problématique, alors en l’absence d’informations supplémentaires concernant les personnes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées, leur situation doit être considérée comme étant également problématique. Le problème n’est pas d’utiliser des informations concernant un groupe pour examiner les demandes de candidats à l’asile d’autres groupes, mais le fait que les personnes LBTI sont souvent inconsciemment assimilées aux gays. 282 Cour d’appel des réfugiés, 2010. d’importance aux informations sur le pays d’origine utilisées par le bureau d’asile qu’à celles présentées par le demandeur d’asile ou par des ONG soutenant la demande. Par exemple, la cour nationale a rejeté les informations sur le pays d’origine présentées par un demandeur, car « elles ne faisaient que rapporter l’intolérance et la répression générales en Algérie contre les personnes d’une orientation sexuelle différente, et ne concernent donc pas le demandeur. »283 Dans d’autres décisions, la même cour a en revanche accepté les informations générales utilisées par le gouvernement, malgré le fait que celui-ci ne citait pas ses sources, et que ces informations étaient très probablement générales et ne concernaient donc pas le demandeur personnellement. En dehors des informations sur la criminalisation de l’homosexualité, des informations fiables sur la situation des personnes LGBTI dans les pays ayant (récemment) aboli la criminalisation de l’homosexualité sont nécessaires. Il semble que les autorités compétentes en matière d’asile n’ont pas toujours suffisamment conscience du fait que dépénalisation ne rime pas nécessairement avec fin de la persécution par la société et la police. Ainsi, en Espagne, le bureau d’asile a attendu le changment du code pénal nicaraguayen pour refuser toutes les demandes en provenance de ce pays. Malgré les changements législatifs, la situation des personnes LGBTI au Nicaragua ne s’était pas améliorée et l’homophobie et la discrimination/persécution n’ont pas évolué. Au Danemark, immédiatement après la dépénalisation de l’homosexualité en Russie au milieu des années 1990, les demandes de personnes LGBTI ont été rejetées, alors qu’il y avait toujours des preuves de discrimination et d’agressions de la part d’agents non étatiques et d’une absence de protection de la part des autorités russes. 8 . 2 . 2 . 1 L e s b o n n e s p r a t i q u e s En 2003, le secrétaire d’Etat néerlandais pensait que dans la mesure où des lieux de rencontres pour les homosexuels existaient à Erevan en Arménie, Erevan constituait une bonne possibilité de protection pour deux demandeuses lesbiennes. La cour a néanmoins affirmé son désaccord avec cette position, en jugeant qu’il ne s’agissait pas d’une indication suffisante pour déduire que la protection était disponible pour les personnes lesbiennes.284 En Norvège, certains demandeurs d’asile ont obtenu le statut de réfugié car il y avait un doute sur la situation des personnes LGBTI dans leur pays d’origine, comme par exemple dans le cas de demandeurs originaires d’Iran ou du nord de l’Irak. 283 Audiencia Nacional (Cour nationale) 10 décembre 2008, dossier nº 1592/2007. 284 Rechtbank (Cour régionale) Groningue, 18 mars 2003, 02/43135, 02/43145. 79 L e s i n f o r m a t i o n s s u r l e p a y s d ’ o r i g i n e 8 . 3 C o n c l u s i o n Nous avons rencontré de nombreux exemples indiquant un manque important d’informations sur le pays d’origine concernant les violations des droits fondamentaux des personnes LGBTI dans la plupart des pays que ces personnes fuient. Les informations disponibles concernent principalement les hommes homosexuels. Les informations sur les dangers courus par les demandeurs lesbiennes et transgenres sont très rares, et celles sur les personnes bisexuelles et intersexuées semblent inexistantes. Afin que les décisionnaires « prennent en compte tous les éléments pertinents liés au pays d’origine » 285 et pour obtenir des « informations précises et actuelles »286 sur la situation des personnes LGBTI dans les pays d’origine les informations sur les pays d’origine concernant les personnes LGBTI devraient être collectées. Pour tous les pays dont proviennent les demandeurs d’asile LGBTI, les informations disponibles sur les organisations de défense des droits de l’homme, y compris des organisations LGBTI ainsi que des agences de l’ONU, complétées par les informations recueillies par les postes diplomatiques des Etats membres, et d’autres formes d’information287 devraient être compilées. Des lignes directrices concernant l’évaluation des informations provenant de différentes sources (y compris les limitations inhérentes aux informations collectées par des représentants diplomatiques) ont été données par la Cour européenne des droits de l’homme.288 L’une des missions principales du Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) étant de collecter des informations sur les pays d’origine, l’EASO devrait en priorité collecter ce type d’informations particulièrement problématiques. • Les informations sur le pays d’origine doivent s’appuyer sur des rapports d’organisations de défense des droits de l’homme, des agences de l’ONU, complétées par des informations fournies par des postes diplomatiques des Etats membres ainsi que d’organisations LGBTI locales, lorsqu’elles existent. Ces informations devraient être complétées par d’autres formes d’information, tels que les témoignages d’autres lesbiennes, gays, bisexuels, personnes transgenres ou intersexuées ayant rapporté à l’oral ou par écrit se trouver dans des situations similaires, d’organisations gouvernementales ou non gouvernementales ou de recherches indépendantes. • Au regard de l’article 4(3)(a) de la directive qualification, les informations sur le pays d’origine devraient inclure des informations sur la criminalisation directe et indirecte de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre. • Au regard de l’article 4(3)(a) de la directive qualification, les informations sur le pays d’origine devraient inclure des informations précises et actuelles sur la situation des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées, et en particulier : –– l’occurrence de persécution étatique et non étatique –– l’homophobie et la transphobie au sein des institutions et agences gouvernementales telles que la police, les prisons et l’éducation Tant que les informations sur les pays d’origine concernant les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées seront rares et peu fiables, elles ne devraient pas être considérées comme une indication qu’il n’y a pas de violation des droits fondamentaux des personnes LGBTI dans ce pays. –– l’homophobie et la transphobie dans la vie quotidienne (dans la rue, au travail, à l’école, à domicile) –– la disposition et la capacité des autorités à assurer une protection efficace contre la violence homophobe et transphobe, et l’accessibilité des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées à une telle protection R e c o m m a n d at i o n s –– l’accessibilité d’une protection étatique efficace dans différentes régions du pays, en vue d’une éventuelle protection interne. Informations sur le pays d’origine pertinentes • Au regard de l’article 4(3)(a) de la directive qualification, des informations concernant les demandeurs lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués doivent être collectées et diffusées pour tous les pays d’origine. 285 Article 4(3) de la directive qualification, voir ci-dessus. 286 Article 8(2) de la directive procédures voir ci-dessus. 287 Lignes directrices de l’HCR sur la protection internationale : Gender-Related Persecution within the context of Article 1A(2) of the 1951 Convention and/or its 1967 Protocol relating to the Status of Refugees, 7 mai 2002, par. 37. 288 CEDH 17 juillet 2008, NA c. Royaume-Uni, dem. N° 25904/07, para. 118-122. 80 • Les informations sur le pays d’origine devraient être spécifiques à la situation des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres (incluant les femmes et les hommes transgenres et les travestis) et intersexuées. L’utilisation appropriée des informations sur le pays d’origine disponibles L e s i n f o r m a t i o n s s u r l e p a y s d ’ o r i g i n e • Tant que les informations sur les pays d’origine disponible sur la situation des droits fondamentaux des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées seront rares et peu fiables, elles ne devraient pas être considérées en soi comme une indication que des violations des droits fondamentaux à l’encontre de ces groupes ne se produisent pas. Les preneurs de décisions et les autorités judiciaires devraient garder à l’esprit que la violence homophobe et transphobe peut être sous documentée dans certains pays. Le principe du bénéfice du doute est d’une importance cruciale dans de tels cas. • La rareté des informations sur l’application de la criminalisation de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre ne devrait pas être interprétée comme une indication que la législation n’est pas appliquée. • Les informations sur le pays d’origine sur la situation des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées pertinentes pour un sous-groupe ne peuvent être considérées comme automatiquement applicables aux autres sous-groupes, à moins qu’il y ait de bonnes raisons de le supposer. De la même manière, l’absence d’information sur un sous-groupe ne doit pas être interprétée comme une preuve qu’il n’y a pas de danger pour les membres de ce sous- groupe • Pour les pays où l’orientation homosexuelle est criminalisée, tandis que les personnes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées ne sont pas mentionnées explicitement dans le code pénal, il faut supposer qu’elles courent le même risque de persécution jusqu’à preuve du contraire. • Pour les pays où l’orientation sexuelle est criminalisée, tandis que l’identité de genre n’est pas mentionnée explicitement dans le code pénal, il faut supposer que les personnes transgenres et intersexuées courent le même risque de persécution jusqu’à preuve du contraire. 81 82 L’ac c u e i l 9 L’a c c u e i l La présente étude s’est concentrée sur le statut de réfugié et de protection subsidiaire et sur la procédure d’asile, dans le cadre des questions concernant les personnes LGBTI dans les centres d’accueil, les centres d’hébergement et les centres de détention. Nous ne pouvons donc ici qu’attirer l’attention sur certaines questions. Cependant, nous insistons sur le fait que les rapports nationaux ont clairement mis en évidence que le harcèlement et la violence homophobe et transphobe à l’encontre des demandeurs d’asile LGBTI est un problème grave et largement répandu dans la plupart des pays européens. La situation des demandeurs d’asile LGBTI dans les centres d’accueil, d’hébergement et de détention devrait faire l’objet de recherches plus approfondies et mérite une attention séparée et scrupuleuse. 9 . 1 L e s n o r m e s e u r o p é e n n e s En ce qui concerne la prévention des incidents violents en centre d’accueil et d’hébergement, l’article 14 (2) (b) de la directive accueil actuelle dispose que : Les Etats membres doivent accorder une attention toute particulière à la prévention des agressions au sein des locaux et des centres d’hébergement (…).289 La récente proposition de refonte de la Commission européenne rend la formulation de ce paragraphe plus explicite concernant la violence de genre et fondée sur le genre : Article 18 (3): « Les Etats membres doivent prendre en considération les aspects liés au genre et à l’âge et la situation des personnes vulnérables en référence aux demandeurs à l’intérieur des locaux et des centres d’hébergement (…). » (nous soulignons) Article 18 (4): « Les Etats membres doivent prendre les mesures appropriées pour prévenir les actes d’agression fondés sur le sexe, y compris les agressions sexuelles, à l’intérieur des locaux et des centres d’hébergement (…) » (nous soulignons).290 « les États membres tiennent compte de la situation particulière des personnes vulnérables, telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés de mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des maladies physiques graves, des problèmes de santé mentale ou souffrant de troubles post-traumatiques et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle. (nous soulignons) » La dernière version de la Commission européenne propose un nouvel Article 22 sur l’identification des besoins spéciaux d’accueil des personnes vulnérables : « Les États membres instaurent des mécanismes permettant de déterminer si le demandeur est une personne vulnérable et, le cas échéant, s’il a des besoins d’accueil particuliers, ainsi que d’indiquer la nature de ces besoins. Ces mécanismes sont activés dans un délai raisonnable à compter du dépôt de la demande de protection internationale. Les États membres veillent à ce que ces besoins particuliers soient également pris en compte, conformément aux dispositions de la présente directive, s’ils deviennent manifestes à une étape ultérieure de la procédure d’asile. Les États membres font en sorte que les personnes ayant des besoins particuliers en matière d’accueil bénéficient d’un soutien adéquat pendant toute la durée de la procédure d’asile et que leur situation fasse l’objet d’un suivi approprié.»291 Bien que nous ne pensions pas que les demandeurs d’asile LGBTI sont toujours des personnes vulnérables au sens où l’entend la directive, nombre d’entre eux devraient être considérés comme vulnérables en raison de la nature des actes de persécution subis, qui dans les cas de personnes LGBTI comprennent souvent la torture, le viol, ou des violences psychologiques, physiques ou sexuelles graves, pouvant conduire à des troubles post-traumatiques. De plus, les demandeurs d’asile LGBTI peuvent rencontrer un fort niveau de discrimination et de tabou dans les centres d’accueil. Pour cette raison, ils ont souvent des besoins d’accueil spéciaux. La version actuelle de la directive contient des dispositions pour les personnes aux besoins spécifiques également désignées comme des personnes vulnérables. L’article 17 (1) de la directive accueil actuelle contient une définition ouverte des personnes vulnérables : Par ailleurs, afin de rendre ces paragraphes plus complets, l’ILGAEurope demande un amendement en vue de mentionner l’orientation sexuelle ou l’identité de genre explicitement, ainsi que d’autres formes de violence discriminatoire.292 289 Directive 2003/9/EC du Conseil du 27 janvier 2003 établissant les normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile. 290 Commission européenne, Proposition de directive modifiée du Parlement européen et du Conseil, établissant les normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile (refonte COM (2011)320, 2008/0244 (COD) 1er juin 2011. 291 Commission européenne, proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil établissant des normes pour l’accueil des demandeurs d’asile (refonte) COM (2011)320, 2008/0244 (COD) 1er juin 2011. 292 Article 18 (3): Lorsque les demandeurs sont logés dans les locaux et centres d’hébergement mentionnés au paragraphe 1, points a) et b), les États membres 83 L’ac c u e i l 9 . 2 L a p r a t i q u e d e s Et a t s Les bonnes pratiques rapportées sur ce point sont les suivantes : Des incidents homophobes et transphobes à l’encontre de demandeurs d’asile LGBTI dans les centres d’accueil, d’hébergement et de détention pour étrangers se produisent dans la plupart des pays européens, comme en témoignent les réponses des experts nationaux à notre questionnaire. –– Au bout de six mois au Portugal, les demandeurs d’asile ont droit aux mêmes prestations sociales que les citoyens portugais. Ils reçoivent également une aide financière au logement afin de pouvoir trouver un logement privé et sont autorisés à travailler. Dans la mesure où le marché du logement n’est pas bloqué par l’homophobie et la transphobie, cela peut permettre aux demandeurs LGBTI de se loger dans un lieu où ils se sentent en sécurité. De la même manière, à Chypre il est possible d’obtenir une aide financière afin de se loger de façon individuelle. Il y a souvent exclusion sociale, harcèlement physique et verbal, et parfois même des abus sexuels, la plupart du temps par d’autres demandeurs d’asile, en particulier des personnes du même pays d’origine. En détention, des incidents concernant des membres du personnel, de la sécurité ou des policiers ont également été rapportés. Dans certains pays, les demandeurs d’asile sont hébergés à la campagne, où les habitants locaux ont une tolérance basse envers les personnes LGBTI et d’où il n’est pas possible de joindre les ONG LGBTI de la capitale (cela a été rapporté pour l’Autriche et l’Irlande). Parfois les demandeurs d’asile LGBTI ont tellement peur des autres demandeurs qu’ils n’osent pas mentionner leur orientation sexuelle ou leur identité de genre aux autorités d’asile ; ils ne peuvent donc pas obtenir le statut de réfugié ou de protection subsidiaire sur ce motif. Dans certains cas, des personnes transgenres ou homosexuelles ont été placées dans des chambres individuelles, ce qui peut fournir un environnement calme et sûr. Dans de nombreux pays, les demandeurs d’asile peuvent trouver leur propre hébergement, bien que dans la plupart des pays ils n’ont pas les moyens financiers nécessaires. Dans la plupart des pays où il existe un système de plainte, celui-ci ne fonctionne pas correctement, en partie car les demandeurs d’asile LGBTI ont souvent peur de révéler leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Dans certains pays, il est courant de placer les demandeurs d’asile en détention pour des périodes de temps variables (Grèce, Hongrie et Malte). A Malte par exemple, le demandeur ne sera relâché que si la procédure a duré plus de douze mois. Dans ces pays, la situation précaire des demandeurs LGBTI en détention est particulièrement aiguë. tiennent compte des aspects liés au sexe et à l’âge, ainsi que de la situation des personnes vulnérables.). Article 18 (4) : Les États membres prennent des mesures appropriées en vue de la prévention de la violence et des actes d'agression fondés sur le sexe, y compris les violences sexuelles, à l'intérieur des locaux et centres d'hébergement mentionnés au paragraphe 1, points a) et b). ILGA Europe, Policy Paper: The recast of the EU asylum Procedure and Reception Directives, July 2011. http://www.ilga-europe.org/home/publications/policy_ papers/the_recast_of_the_eu_asylum_procedure_and_reception_directives_ july_2011. 84 –– En Belgique et en Finlande, les personnes coupables de harcèlement peuvent être déplacées dans un autre centre, au lieu que ce soit le cas de la victime (ce qui est la « solution » habituelle). –– En Italie, un centre d’éloignement possède une section séparée pour les demandeurs d’asile transgenres (Milan). Dans la mesure où ils ne risquent pas de subir de harcèlement et de violence, cela peut contribuer à la sécurité des hommes et des femmes transexuels. –– La Finlande possède un centre d’accueil pour mineurs et pour familles avec enfants, où des réunions d’information sont organisées sur la sexualité et la diversité sexuelle. –– En Suède, l’organisation nationale LGBT RFSL distribue des dépliants d’information dans les centres d’asile y compris sur la possibilité de prétendre à l’asile au motif de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre. –– En Belgique, il existe un réseau de demandeurs d’asile LGBT dans les centres d’accueil qui tiennent des réunions mensuelles (Rainbows United et Oasis). Les frais de déplacement sont pris en charge par le gouvernement belge. 9 . 3 R e c o m m a n d a t i o n s • Les autorités d’accueil des Etats membres devraient accorder une attention particulière aux besoins spécifiques des demandeurs d’asile lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués dans les centres d’accueil, d’hébergement et de détention, et devraient créer des procédures, lignes directrices et modules de formation appropriés, afin de gérer ces besoins spécifiques. L’ac c u e i l • Dans la mesure où de nombreux incidents homophobes et transphobes sont rapportés dans les centres d’accueil, d’hébergement et de détention, les besoins spécifiques correspondants liés à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre devraient être traités explicitement dans la nouvelle version de la directive accueil, tandis que la prévention et la protection contre les agressions homophobes et transphobes devrait être assurée dans les centres d’accueil. • Les Etats membres doivent mettre en place un système de plainte efficace pour gérer le harcèlement et la violence à l’encontre des demandeurs lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués dans les centres d’accueil, d’hébergement et de détention. • Les demandeurs lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués doivent avoir la possibilité d’être placés dans une chambre individuelle ou dans un autre logement s’ils subissent du harcèlement ou de la violence dans leur logement initial ; ou bien les agresseurs doivent être déplacés dans un autre logement. • Les Etats membres devraient faciliter le travail des organisations lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées dans les centres d’accueil, d’hébergement et de détention. 85 86 Recommandations R e c o m m a n d at i o n s Ce texte regroupe toutes les recommandations énoncées dans les chapitres précédents. Générales Au regard de l’article 3 du règlement 439/2010 établissant un Bureau européen d’appui en matière d’asile, ledit bureau devrait s’attacher en priorité à promouvoir et coordonner l’identification et la mise en commun des bonnes pratiques concernant l’examen des demandes d’asile de personnes lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexuées. L a c r i m i n a l i s at i o n • L’article 4(3)(a) de la directive qualification devrait être appliqué de façon à accorder le statut de réfugié aux demandeurs d’asile lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués originaires de pays où l’orientation sexuelle ou l’identité de genre sont criminalisées, ou encore où les dispositions pénales générales sont utilisées pour poursuivre les personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. • Les pays d’origine criminalisant l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ne peuvent être considérés comme des « pays sûrs » pour les demandeurs d’asile lesbiennes, gay, bisexuels, transgenres et intersexués. L a p r o t e c t i o n é tat i q u e c o n t r e l e s p e r s é c u t i o n s n o n é tat i q u e s • L’article 7 de la directive qualification devrait être appliqué de sorte que les demandeurs d’asile lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués n’aient l’obligation demander la protection des autorités de leur pays que s’il a été établi qu’une protection efficace et d’une nature non temporaire est généralement offerte aux personnes lesbiennes, gay, bisexuelles, transgenres et intersexuées dans le pays concerné. • • L’article 7 de la directive qualification devrait être appliqué de sorte que, pour les pays où l’orientation sexuelle ou l’identité de genre sont criminalisées, les demandeurs d’asile lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués n’aient pas d’obligation de demander la protection des autorités nationales de leur pays. L’article 7 de la directive qualification devrait être appliqué de sorte que lorsque des agents de protection potentiels sont susceptibles d’être homophobes ou transphobes, les demandeurs d’asile lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués ne soient pas soumis à l’obligation d’avoir demandé la protection des autorités. L’ e x i g e n c e d e d i s c r é t i o n • L’élément de la crainte fondée de la définition de réfugié devrait être appliqué de manière à ce que les demandeurs lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués n’aient pas l’obligation de cacher leur orientation sexuelle ou leur identité de genre ou ne soient pas censés ou supposés le faire à leur retour dans leur pays d’origine afin d’éviter la persécution. • L’élément du motif de persécution de la définition de réfugié devrait être appliqué de manière à ce que les demandeurs lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués n’aient pas l’obligation d’avoir déjà révélé leur orientation sexuelle ou leur identité de genre dans leur pays d’origine. La protection interne • L’article 8 de la directive qualification devrait appliquer de façon à ce que la protection interne soit jugée indisponible dans les cas de demandeurs lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués originaires de pays criminalisant l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. • Dans tous les autres cas, les autorités décisionnaires devraient procéder à une évaluation soigneuse de la situation des personnes lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexuées dans la région de protection interne proposée, y compris le fait de savoir si une protection étatique efficace y est accessible pour eux. • Il ne devrait pas être attendu ou supposé que les demandeurs d’asile cachent leur orientation sexuelle ou leur identité de genre dans la région de protection interne afin de se protéger de la persécution. La crédibilité • D’une manière générale, la détermination de l’orientation sexuelle ou l’identité de genre devrait s’appuyer sur l’autoidentification de la part du demandeur. • Les opinions des experts médicaux et psychiatriques sont des méthodes inadéquates et inappropriées pour établir l’orientation sexuelle ou l’identité de genre du demandeur. • Les enquêteurs, les preneurs de décisionnaires, le corps judiciaire et les assistants juridiques doivent être compétents et capables de prendre en compte les aspects liés à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre des demandes d’asile, y compris le processus de coming out et les besoins spécifiques de personnes 87 Recommandations lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées. A cette fin, ils devraient recevoir une formation professionnelle, tant dans un module de formation initiale spécifique qu’au cours des modules de formation continue généraux. • Le fait qu’un demandeur manque de connaissance quant aux organisations ou lieux de rencontres lesbiens, gays, bisexuels, transgenres ou intersexués ne peut en soi être considéré comme une indication que la crainte rapportée par le demandeur d’être persécuté en raison de son orientation sexuelle ou de son identité de genre n’est pas crédible. • Le fait qu’un demandeur soit ou ait été marié ou cohabite avec une personne du sexe opposé dans une relation hétérosexuelle, et ait éventuellement des enfants issus de cette relation, ne devrait en aucun cas exclure le fait qu’elle puisse être lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre ou intersexuée. • Lors de l’entretien personnel tel que prévu par l’article 12 de la directive procédures, les demandeurs lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués devraient avoir la possibilité de décrire la manière dont s’est construite leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, notamment les réactions de l’entourage ; les expériences problématiques, le harcèlement, la violence ; et les sentiments de différence, de stigmatisation, de peur et de honte. • Les informations sur le pays d’origine doivent s’appuyer sur des rapports d’organisations de défense des droits de l’homme, des agences de l’ONU, complétées par des informations fournies par des postes diplomatiques des Etats membres ainsi que d’organisations LGBTI locales, lorsqu’elles existent. Ces informations devraient être complétées par d’autres formes d’information, tels que les témoignages d’autres lesbiennes, gays, bisexuels, personnes transgenres ou intersexuées ayant rapporté à l’oral ou par écrit se trouver dans des situations similaires, d’organisations gouvernementales ou non gouvernementales ou de recherches indépendantes. • Au regard de l’article 4(3)(a) de la directive qualification, les informations sur le pays d’origine devraient inclure des informations sur la criminalisation directe et indirecte de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre. • Au regard de l’article 4(3)(a) de la directive qualification, les informations sur le pays d’origine devraient inclure des informations précises et actuelles sur la situation des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées, et en particulier : –– l’occurrence de persécution étatique et non étatique –– l’homophobie et la transphobie au sein des institutions et agences gouvernementales telles que la police, les prisons et l’éducation L a r é v é l at i o n ta r d i v e • Les raisons de la révélation tardive devraient être considérées attentivement, avec un intérêt particulier pour les facteurs pertinents ajouté par le demandeur. • • Le concept « d’éléments nouveaux » de l’article 32(3) de la directive procédures ne devrait pas être interprété d’une manière hautement procédurale, mais au contraire en gardant à l’esprit l’idée de protection, afin d’éviter une application indument inflexible du principe d’autorité de la chose jugée. –– la disposition et la capacité des autorités à assurer une protection efficace contre la violence homophobe et transphobe, et l’accessibilité des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées à une telle protection Un jugement de crédibilité négative ne peut s’appuyer uniquement sur la révélation tardive de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre. –– l’accessibilité d’une protection étatique efficace dans différentes régions du pays, en vue d’une éventuelle protection interne. I n f o r m at i o n s s u r l e s pay s d ’o r i g i n e Informations sur le pays d’origine pertinentes • 88 –– l’homophobie et la transphobie dans la vie quotidienne (dans la rue, au travail, à l’école, à domicile) Au regard de l’article 4(3)(a) de la directive qualification, des informations concernant les demandeurs lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués doivent être collectées et diffusées pour tous les pays d’origine. • Les informations sur le pays d’origine devraient être spécifiques à la situation des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres (incluant les femmes et les hommes transgenres et les travestis) et intersexuées. L’utilisation appropriée des informations sur le pays d’origine disponibles Recommandations • • • Tant que les informations sur les pays d’origine disponible sur la situation des droits fondamentaux des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées seront rares et peu fiables, elles ne devraient pas être considérées en soi comme une indication que des violations des droits fondamentaux à l’encontre de ces groupes ne se produisent pas. Les preneurs de décisions et les autorités judiciaires devraient garder à l’esprit que la violence homophobe et transphobe peut être sous documentée dans certains pays. Le principe du bénéfice du doute est d’une importance cruciale dans de tels cas. La rareté des informations sur l’application de la criminalisation de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre ne devrait pas être interprétée comme une indication que la législation n’est pas appliquée. Les informations sur le pays d’origine concernant sur la situation des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées pertinentes pour un sous-groupe ne peuvent être considérées comme automatiquement applicables aux autres sous-groupes, à moins qu’il y ait de bonnes raisons de le supposer. De la même manière, l’absence d’information sur un sous-groupe ne doit pas être interprétée comme une preuve qu’il n’y a pas de danger pour les membres de ce sous- groupe • Pour les pays où l’orientation homosexuelle est criminalisée, tandis que les personnes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées ne sont pas mentionnées explicitement dans le code pénal, il faut supposer qu’elles courent le même risque de persécution jusqu’à preuve du contraire. • Pour les pays où l’orientation sexuelle est criminalisée, tandis que l’identité de genre n’est pas mentionnée explicitement dans le code pénal, il faut supposer que les personnes transgenres et intersexuées courent le même risque de persécution jusqu’à preuve du contraire. correspondants liés à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre devraient être traités explicitement dans la nouvelle version de la directive accueil, tandis que la prévention et la protection contre les agressions homophobes et transphobes devrait être assurée dans les centres d’accueil. • Les Etats membres doivent mettre en place un système de plainte efficace pour gérer le harcèlement et la violence à l’encontre des demandeurs lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués dans les centres d’accueil, d’hébergement et de détention. • Les demandeurs lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués doivent avoir la possibilité d’être placés dans une chambre individuelle ou dans un autre logement s’ils subissent du harcèlement ou de la violence dans leur logement initial ; ou bien les agresseurs doivent être déplacés dans un autre logement. • Les Etats membres devraient faciliter le travail des organisations lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées dans les centres d’accueil, d’hébergement et de détention. Accueil • Les autorités d’accueil des Etats membres devraient accorder une attention particulière aux besoins spécifiques des demandeurs d’asile lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués dans les centres d’accueil, d’hébergement et de détention, et devraient créer des procédures, lignes directrices et modules de formation appropriés, afin de gérer ces besoins spécifiques. • Dans la mesure où de nombreux incidents homophobes et transphobes sont rapportés dans les centres d’accueil, d’hébergement et de détention, les besoins spécifiques 89 90 Annexe I : Liste des experts nationaux ANNEXE I L i s t e d e s e x p e r t s n a t i o n a u x Autriche Judith Ruderstaller Directrice du service juridique, Asyl in Not [email protected] B e lg i q u e Jan Beddeleem Président de WISH, Werkgroep Internationale Solidariteit met Holebi´s, Groupe de travail de solidarité international avec les personnes LGBT [email protected] B u lg a r i e Desislava Petrova Chercheuse, directrice de campagne et de la communication et formatrice, Comité Helsinki bulgare [email protected] Chypre Corina Drousiotou Conseillère juridique, Future World’s Center [email protected] République tchèque David Kosař Chercheur en droit des réfugiés, spécialisé dans les persécutions par les agents non étatiques et le droit de l’Union européenne [email protected] Danemark Søren Laursen LBL Danemark – Organisation nationale danoise pour les personnes LGBT [email protected] Finlande Outi Lepola Chercheuse en sciences sociales spécialisée dans les discriminations et l’asile [email protected] France Thomas Fouquet-Lapar Président de l’Association pour la Reconnaissance des Droits des personnes Homosexuelles & transsexuelles à l’Immigration et au Séjour (ARDHIS) [email protected] Flor Tercero Avocat [email protected] Allemagne Michael Kalkmann Informationsverbund Asyl und Migration (réseau d’information pour l’asile et les migrations) [email protected] Klaudia Dolk Informationsverbund Asyl und Migration (réseau d’information pour l’asile et les migrations) [email protected] Grèce Spyros Koulocheris Chercheur sénior en droit, Conseil grec des réfugiés [email protected] / [email protected] Hongrie Gábor Gyulai Coordinateur du programme pour les réfugiés, Comité Helsinki hongrois [email protected] Irlande Patricia Brazil Avocat, Maître de conférences en droit des réfugiés à Trinity College, Dublin [email protected] Israël Anat Ben-Dor Avocat, Clinique pour le droit des réfugiés, Université de Tel Aviv [email protected] 91 Annexe I : Liste des experts nationaux Ita l i e Simone Rossi Avocat, Association des avocats italiens pour les droits LGBT « Rete Lenford » [email protected] Giorgio Dell’Amico Directeur national du service immigration, Arcigay (organisation LGBT nationale) [email protected] Lituanie Laurynas Bieksa Avocat, Département d’asile, Croix rouge lituanienne [email protected] Lyra Jakuleviciene Professeur en droit international et européen Mykolas Romeris University [email protected] M a lt e Neil Falzon Avocat, Assistant Maître de conférences (Université de Malte) et Président d’Aditus (ONG de défense des droits de l’homme) [email protected] Pay s - B a s Sabine Jansen Avocat, Agent de politique pour les personnes LGBTI et l’asile, COC Pays-Bas, organisation LGBT nationale [email protected] ou [email protected] Portugal Nuno Ferreira Maître de conférence en droit, Université de Manchester [email protected] Roumanie Cristina Bucataru Conseillère juridique, Conseil national roumain pour les réfugiés [email protected] S lo v é n i e Gruša Matevžic Juriste, Comité Helsinki hongrois [email protected] S lo v a q u i e Katarína Fajnorová Avocate, The Human Rights League Slovaquie [email protected] E s pa g n e Arsenio García Cores Avocat, CEAR, Conseil espagnol pour les réfugiés [email protected] Elena Muñoz Avocate, CEAR, Conseil espagnol pour les réfugiés [email protected] Suède Stig-Åke Petersson Conseiller d’asile, RSFL, organisation nationale suédoise LGBT [email protected] Norvège Jon Ole Martinsen SEIF (Selvhjelp for innvandrere og flyktninger) ONG soutenant les migrants et les réfugiés [email protected] Suisse Seraina Nufer Avocate, Conseil suisse pour les réfugiés [email protected] P o lo g n e Krzysztof Smiszek Président de la Société polonaise du droit contre les discriminations [email protected] ou [email protected] R o ya u m e - U n i S. Chelvan Avocat, No5 Chambers [email protected] Kazimierz Bem Chercheur en droit des réfugiés [email protected] 92 A n n e x e II : C o m i t é c o n s u l t a t i f A n n e x e II C o m i t é c o n s u l t a t i f S . C h e lv a n Avocat au Inner Temple, No5 Chambers Londres, Royaume-Uni Joël Le Déroff Agent des politiques & programmes ILGA-Europe Maria Hennessy Juriste sénior Conseil européen sur les réfugiés et les exilés Borbála Ivány Juriste Comité Helsinki hongrois Simone Rossi Avocat Association d’avocats italiens pour les droits des personnes LGBT « Rete Lenford » G i s e l a T h ät e r Juriste, Division of de la Protection internationale HCR 93