Jeu éducatif, vous avez dit jeu éducatif ?

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Jeu éducatif, vous avez dit jeu éducatif ?
Rencontres ludiques 2004
Roissard
Jeu éducatif, vous avez dit jeu éducatif ?
Compte rendu de l’Atelier de construction collective n°4.
« L'éducation a pour objet non seulement le développement intellectuel (- Instruction), mais encore la
formation physique et morale, l'adaptation sociale... » (Dictionnaire Le Robert)
Affirmer que le jeu a une potentialité éducative c’est donc être capable de montrer que le jeu est
susceptible d’intervenir positivement dans l’un des quatre domaines au moins que donne la définition :
- le développement intellectuel du joueur
- la formation physique du joueur
- la formation morale du joueur
- l’adaptation sociale du joueur.
Un raccourci consiste à dire que si le jeu a une valeur éducative, c’est qu’il apprend quelque chose au
joueur. Cependant parler de « jeu éducatif » circonscrit une catégorie de jeux. Cette catégorie existe-elle ?
Comment peut-on en tracer les contours ? Le jeu dit « éducatif » est-il vraiment éducatif ?
4 Stéréotypes – 6 Principes – 10 Questions
Pour tenter de définir le jeu éducatif, l’atelier a tenté de mettre à jour la représentation la plus
communément partagée à propos du jeu éducatif au travers de quelques stéréotypes. Affirmer ou infirmer
son existence, construire une attitude professionnelle, a conduit à construire parallèlement un
positionnement de principes et un questionnement à propos du jeu éducatif. C’est à la mise en relation de
ces différents points d’ancrage de notre réflexion, et donc à la constitution d’une doctrine1 acceptable,
qu’est consacré ce compte rendu.
Un problème de définition
Premier stéréotype :
Le « jeu éducatif », c’est que pour les enfants !
Le jeu éducatif aurait donc un public : les enfants. Or force est de constater que les officines de formation
professionnelle recourent abondamment au jeu. Le jeu y est donc instituer comme outil d’apprentissage.
Si son public ne permet pas de définir le jeu éducatif, peut être sa fonction le permet-elle. Ainsi s’active
un second stéréotype :
Le « jeu éducatif », c’est écrit sur la boite : c’est fait pour apprendre !
C’est bien connu les enfants ont tendance à ne choisir que ce qu’il leur plait, pas nécessairement ce qui est
bon pour eux. Ainsi est-il aisé d’observer dans les ludothèques des parents ou des enseignants qui
cherchent LE jeu qui permettrait d’apprendre telle chose… Si le jeu éducatif apprend, il institue le joueur
dans un rôle d’élève. Dans ce cas qui est le maitre ? On voit apparaître là un risque de confusion entre jeu
et exercice. D’où un premier Principe :
Notre rôle de professionnel (du jeu ou de l’animation) est de guider l’usager (parents,
enseignants…) afin qu’il ne confonde pas matériel pédagogique et jeu, ce qui revient à lui faire
adopter une attitude adéquate face à l’activité ludique.
1 Ensemble de notions considérées comme vraies et par lesquelles on prétend fournir une interprétation des faits, orienter ou
diriger l'action de l'homme en matière philosophique , scientifique, ou religieuse.
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Face à une demande sociale récurrente, parfois pressante, le professionnel et plus particulièrement le ou
la ludothécaire se trouve face à un dilemme : Faut-il construire une catégorie « jeu éducatif » ? Ce qui
appelle une première question :
Existerait-il un jeu éducatif pour chaque objectif du programme scolaire d’éducation ?
Car il ne faut pas se voiler la face le jeu éducatif semble avoir pour fonction sociale d’être un complément
scolaire distrayant. Face à ce qui pourrait être considéré comme une remise en cause de la nature
fondamentale du jeu ont surgi deux questions à qui répond un point de doctrine :
Seconde question : Le jeu éducatif
supprime-t-il l’insouciance du jeu ?
Troisième question : N’y a-t-il pas
contradiction entre une activité motivante et
dénuée d’enjeu, et une motivation
extrinsèque soumise à un objectif éducatif ?
Second Principe : Le jeu est libre, gratuit,
hédoniste, non productif et détaché de la réalité.
Ainsi prend corps notre Troisième Principe :
Tous les jeux sont éducatifs ou aucun ne l’est.
L’avantage immédiat de cette position est d’externaliser le problème de l’éducation par le jeu. Ce n’est
pas le jeu qui fait l’éducation, mais bien l’attitude de l’adulte qui donne à jouer aux enfants. Qu’il soit
intrinsèquement éducatif, ou qu’il soit institué comme activité « utile », le jeu arrive à l’enfant par la
médiation d’adultes. Dans les deux cas se manifeste une intention éducative constituée à l’extérieur du
jeu.
Jeu, pédagogie et intention éducative
Troisième stéréotype :
Le jouet symbolique n’est pas éducatif !
Le problème de l’intention éducative et du jeu est réel. C’est alors la place de l’adulte dans le jeu de
l’enfant et plus précisément son Principe par rapport à l’activité qui pose question. Ainsi le jeu
symbolique d’imitation ne saurait être commandé par l’adulte car c’est justement l’expérimentation d’une
liberté dans l’imitation qui fait la valeur de ce type de jeu. Ainsi la petite fille qui joue à faire la cuisine,
n’apprend certes pas des recettes mais mime une posture sociale, celle du parent préparant le repas
familial. Ce jeu est alors une interprétation de la réalité et l’adulte ne peut sans mêler sans courir le risque
d’imposer sa vision du monde donc de normaliser le comportement de l’enfant. On voit bien que le rôle
normalisateur2 de l’éducateur s’accommode assez mal de la légaliberté ludique3.
Se pose ici la question d’une forme de mercantilisme éducatif, où toute activité se doit d’être utile.
Indépendamment du fait que le jouet éducatif ou pédagogique est une marchandise comme une autre, se
développe un paradoxe : dans un société où le loisir occupe une place toujours plus importante, une part
de ce loisir devrait donc être consacrée à compenser tout ce temps perdu. Le « jeu éducatif » entrerait
donc dans la catégorie du « loisir utile », au même titre que la lecture (C’est bon pour l’orthographe et le
vocabulaire !), le sport (C’est bon pour la santé !) ou le séjour linguistique à l’étranger (C’est des
vacances où on apprend l’Anglais qui est si utile pour plus tard !) … ce qui explique l’existence du
quatrième stéréotype :
Le « jeu éducatif », loisir utile !
Ce qui semble contestable ici, c’est la pensée d’une activité ludique soumise à un taux de rentabilité fixé
par une norme extérieure au jeu. En revanche, l’idée que le jeu puisse être une activité d’un bon
rendement pour le joueur, n’est pas remise en cause. Seul le fait que ce rendement puisse être
instrumentalisé à des fins pédagogiques pose problème. Il conviendra donc de trancher de manière
2 Au sens sociologique du terme.
3 En référence à Colas Duflo
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quelque peu définitive sur la nature éducative des jeux. Et amène une nouvelle question, la quatrième :
Pour qui le jeu éducatif est-il rentable ?
Ce qui repose la question du jeu comme outil. Si l’on considère le jeu comme un vecteur d’invention de
liberté, la seule utilisation possible du jeu se situe dans le cadre d’une liberté consentie. Être libre, c’est
être capable de porter un regard distancié sur l’activité qu’on mène et le jeu permet justement cela. Or
l’école et l’éducation sont de grandes normalisatrices. Il y a donc danger de liberticide ! Ce qui doit
aussitôt être modéré car les mots sont ici fort importants. Il convient en effet de ne pas accoler « jeu » et
« éducatif » n’importe comment. Que le « jeu » soit un outil « éducatif » ne semble pas faire problème.
Que le « jeu éducatif » soit un « jeu » a posé à l’atelier quelque problème. Ce qui soulève le plus
d’objection est le fait que soit considéré le « jeu éducatif » comme un outil pédagogique valide. On peut
en effet faire jouer pour subvertir la perception que les enfants (ou les élèves) ont de la réalité. Ainsi
certains jeux de simulation (« Le jeu de la banane » par exemple) sont de bons exemples de jeux dans des
situation contraintes où le joueur peut apprendre quelque chose du fonctionnement de la société. Il y a une
réelle valeur éducative au jeu, et le jeu, comme modèle du monde, est un « jeu éducatif ». Dans ce cas le
jeu est pensé comme prise de conscience d’enjeux sociaux donc comme subversion. « Il est des pièges
pernicieux. Pourquoi ne pas simuler l'expansion coloniale aux 16°s-17°s ? C'est a priori une bonne idée.
On se rend compte vite en réfléchissant aux mécanismes du jeu qu'il faudra que les élèves achètent et
vendent ... des esclaves. C'est pourquoi il faut réfléchir non seulement aux mécanismes de jeu mais aussi
(pour ne pas dire surtout) à l'impact moral que le jeu peut avoir sur des élèves transformés en acteurs d'un
passé ou d'un présent pas toujours tolérable »4. L’éthique de l’éducateur est alors fondamentale !
Par ailleurs, il existe d’autres jeux dits éducatifs où l’apprentissage visé n’est pas une compétence sociale
mais un savoir déclaratif comme le sont les règles d’orthographe. On peut alors s’interroger sur la valeur
subversive d’un jeu où le but affiché est de se plier à une norme techniquement arbitraire ! Dans ce cas le
jeu est un outil, une situation d’exercice. La valeur éducative est dans l’attitude de l’adulte qui donne à
faire à l’enfant pour lui apprendre mais pas dans le jeu.
Ce qui amène à prendre une quatrième position de principe :
Si le jeu n’est qu’un outil pédagogique, il perd son pouvoir de subversion.
Est ce donc pour cette qualité de non subversivité que le « jeu éducatif » entre à l’école, et se retrouve
plébisciter conjointement par les enseignants et les parents ? Ce qui introduit notre cinquième double
question :
Le jeu éducatif est-il la bonne conscience des éducateurs ? Et pour répondre à quel sentiment de
culpabilité ?
Ce plébiscite est-il l’aveu d’une impuissance de l’éducateur à légitimer le jeu libre et gratuit ou plus
simplement, mais c’est alors plus grave, l’aveu d’une impuissance à éduquer ? Dans ces conditions
qu’elle est la motivation d’un professionnel (non enseignant) ou d’une structure pour intervenir sur le jeu
comme support d’éducation ? On peut alors exprimer alors un cinquième Principe Professionnel qui est
formulé sous forme interrogative :
Pourquoi devrait-on accepter de proposer ou de prescrire des jeux éducatifs ?
L’alternative est relativement simple à exprimer :
- Si le jeu a sa place en éducation, il a sa place aussi bien dans les familles qu’à l’école. Le jeu doit y être
libre et gratuit. Le contenu du jeu est second par rapport aux conditions de jeux. Ce qui revient à respecter
le Principe n°2.
- Si le jeu est un institué en outil pédagogique, il revient à l’éducateur de le choisir en fonction de ses
objectifs éducatifs. Il prend lui même la responsabilité de subvertir le Principe n° 3 : Tous les jeux sont
éducatifs ou aucun ne l’est. Le rôle du professionnel peut alors être de prévenir son interlocuteur des
risques encourus.
4 Extrait du site internet Ludus sur le jeu de simulation en histoire et géographie (http://www.discip.crdp.accaen.fr/histgeo/Site Ludus, Février 2004)
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Ceci étant posé il reste le problème de l’objet « Jeu éducatif ». En effet, puisque la demande est forte,
l’offre ne l’est pas moins et nombre d’éditeurs de jeux affiche ostensiblement la valeur éducative et
pédagogique de leurs productions.
Y a-t-il plusieurs sortes de jeux éducatifs ?
L’analyse d’un panel de jeux présents dans l’atelier pose la question d’une possible classification du jeu
éducatif ? Cette activité de classement contredit notre troisième principe. Il convient donc de poser ici les
bases d’une typologie d’objets à vocation d’une part ludique et d’autre part pédagogique. Donc de
montrer comment interfèrent les sphères de la créativité, de la pédagogie et de la ludicité dans un même
objet :
- créativité parce qu’elle est une ressource fondamentale du joueur en action,
- pédagogie parce que il soit éducatif ou non le jeu accompagne l’enfant dans son développement,
- ludicité parce qu’il ne suffit d’écrire jeu sur une boite pour que le contenu soit effectivement ludique.
Ces trois critères contribuent à définir les contours de ce que peut être un jeu éducatif acceptable.
Le moteur ludique et la créativité du joueur
Deux cas extrêmes semblent disqualifier certains jeux du point de vue du critère ludique : l’absence de
tout ressort ludique ou la complexité extrême du moteur ludique. Le premier cas est bien représenté par
certains jeux de lettres dont l’ambition est d’enseigner l’orthographe. Le jeu consiste à trouver LA bonne
écriture d’un ou de plusieurs mots. L’interaction entre joueurs est nulle et seul le matériel est
potentiellement intéressant (ici des jetons lettres comme au ScrabbleÒ). On ne peut pas parler de jeu mais
de simulacre. La seule valeur éducative serait l’autonomie, puisque les enfants sont incités à faire seul et
que le contrôle n’est pas effectué par l’adulte mais par le matériel de jeu (ce qui n’est pas le cas au
Scrabble !). A l’inverse certains jeux de simulation sont ludiquement totalitaires. Sur la base (par
exemple) d’un jeu de l’oie au parcours complexe, se greffe un nombre de contraintes exorbitantes qui
allongent indéfiniment la partie et tue le jeu tant le but semble inaccessible (Imaginez, sur le thème de la
Révolution Française, une sorte de Trivial PursuitÒ mâtiné de MonopolyÒ où vous devez vous comporter
en « bon » révolutionnaire pendant environ trois heures !). Dans ces deux cas, la créativité du joueur est
réduite à néant par la norme de comportement ou de résultat qu’impose le modèle sous jacent au jeu. Or,
s’il est vrai que la Révolution Française a connu une dérive totalitaire, il existe peut être d’autres moyens
pour le montrer aux enfants !
On voit ici que le jeu éducatif se doit avant toute autre chose d’être un jeu authentique, plaisant à jouer,
où la précision du monde modélisé doit savoir faire place à la jouabilité.
Intentionnalité pédagogique
Nous ne discuterons pas ici des intentions pédagogiques externes au jeu lui même. Elles comportent
certains risques déjà évoqués plus haut. Les intentions pédagogiques inscrites sur la boite et surtout dans
le jeu sont plus intéressantes. Quelques exemples :
- Un matériel de jeu symbolique permettant de jouer au restaurant : le matériel est pertinent du point de
vue de l’activité à laquelle il est dédié. Les inscriptions portées sur le matériel sont toutes traduites en
anglais, pour jouer en anglais.
- Un jeu de cartes permettant de jouer à la Bataille, au Memory ou encore au Loto. Pour jouer il faut
savoir ses tables d’addition, ou de multiplication selon la version. Matériel sympathique mais ludicité
limitée.
- Un jeu de prise de pions (variantes du 421) où le gain dépend d’un calcul additif ou soustractif. Jeu en
bois impeccable, jouable.
Ces trois exemples montrent une attention portée à la construction. Dans les trois cas, une intention
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pédagogique est inscrite explicitement sur le jeu et/ou dans sa règle. Dans les trois cas, les jeux sont
susceptibles de fonctionner avec un intérêt plus ou moins grand pour le joueur. Où donc est la limite ?
Les limites du jeu éducatif : la pertinence du contenu
Ce qu’il convient d’observer dans un jeu à portée éducative est son contenu pédagogique et plus
particulièrement sa valeur scientifique. Concernant des jeux d’orthographe, il faut que les mécanismes de
construction du mot et de sa validation soient les mêmes que dans une véritable situation d’écrit. A
défaut, on risque d’installer des comportements nuisibles à l’apprentissage scolaire de la même notion !
Or le jeu est une transposition de la réalité et l’opération de transposition tend à dénaturer quelque peu les
mécanismes et les informations issues de la réalité. Tout jeu est donc susceptible d’altérer la valeur
scientifique des contenus. C’est ce qui rend le jeu si dangereux du point de vue de l’acquisition de savoirs
nouveaux. Ce danger est d’autant plus évident que la plupart des compétences et des savoirs nécessaires à
la conduite du jeu sont des prérequis au jeu. Le jeu entraine plus qu’il n’apprend. Et faire jouer à un jeu
d’addition un enfant qui ne sait pas compter ne présente, au mieux, aucun intérêt, au pire met en péril la
poursuite de l’apprentissage. Ce point d’analyse est d’autant plus délicat qu’il relève de compétences
professionnelles de haut niveau dans la discipline scolaire concernée. Cet aspect est d’autant plus sensible
que le jeu éducatif est instauré par certains professionnels de l’enfance (enseignants, rééducateurs …) en
prescription à des fins réparatrices. Ce qui fonde à renforcer notre cinquième principe, d’un Principe de
précaution, le sixième :
Le jeu éducatif peut il avoir une valeur thérapeutique ? être l’outil d’une thérapie ?
Tant que les jeux ne sont pas très finement analysés, et leur usage encadré par la présence attentive d’un
spécialiste la réponse est négative, et les ludothèques ne doivent certainement pas se transformer en
pharmacies de la psychopédagogie.
L’analyse du jeu demande d’ailleurs que soit observée la valeur symbolique des opérations cognitives
mises en œuvre. Ainsi le troisième exemple ci dessus met en route un mécanisme pour le moins troublant.
Le mécanisme du jeu prévoit que quand l’enfant réalise une addition, il retire des pions du jeu, tandis que
quand une soustraction lui est imposée il ajoute des pions sur le jeu ! L’action ludique contredit donc le
principe mathématique mis en œuvre, ce qui est pour le moins perturbant du point de vue de
l’apprentissage. Cet aspect symbolique des choses n’altère pas la valeur ludique du jeu, mais met en cause
sa valeur pédagogique, voire thérapeutique. Que va construire l’enfant à qui l’éducateur aurait dit : « Je te
fais jouer à ce truc pour que tu apprennes les opérations » ?
Enfin, les jeux éducatifs affichent fréquemment des indications d’age et de progressivité des
apprentissages. Si l’indication d’age peut concerner de manière fort pertinente la complexité du moteur
ludique et les niveaux d’interaction entre joueurs, il arrive aussi que ces mentions concernent
explicitement des niveaux scolaires et de pseudo progressions pédagogiques. Force est de constater que
ces indications (sur les jeux observés) sont assez fantaisistes et n’ont visiblement aucune valeur
didactique5 sérieuse.
Première conclusion : une double définition
Dans une approche quelque peu bourdieusienne, nous pourrions dire que l’éducation est un marché de
valeurs symboliques : les savoirs et les compétences. Sur ce marché, le jeu en général, et le jeu éducatif
en particulier sont-ils des opérateurs valides ? On a vu que la pertinence didactique du jeu et le
positionnement de l’éducateur posent problèmes. L’importation des programmes scolaires dans le jeu
nous interroge sur un point extrêmement sensible : le jeu éducatif n’est il qu’un produit de marketing ?
Compte tenu du chiffre d’affaire potentiel que représente l’école, et plus généralement l’éducation pour
les éditeurs, le jeu en milieu éducatif représente un enjeu économique. Dans ces conditions, une première
définition large du jeu éducatif est satisfaisante :
5 Théorie et méthode de l'enseignement.
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Le « jeu éducatif » est un jeu qui affiche des intentions pédagogiques et qui peut permettre
l’exercice des compétences et des savoirs dans un cadre scolaire ou non.
On ne saurait pour autant se satisfaire d’une définition « industrielle » du jeu éducatif. Le jeu étant
transposition métaphorique du monde, une forme de fiction intelligente, il est un outil possible
d’explication de la réalité. Dans cette opération de transposition, ce sont les valeurs, morales ou
scientifiques, les fonctionnements et les systèmes qui sont mis en jeu, plus que les connaissances et leur
exactitude. De ce point de vue, le jeu est un outil de réflexion sur le savoir et ce n’est pas sa valeur
pédagogique qui doit être mise en évidence mais sa valeur didactique, ouvrant ainsi une seconde
définition :
Le « jeu éducatif » est un outil didactique visant la transmission ou l’exercice de compétences
identifiées.
Seconde conclusion : Jeu et école, l’éducation en questions
Malgré cette seconde définition encourageante, il est apparu un questionnement fondamental sur la
capacité de l’école à utiliser le jeu comme outil d’apprentissage des disciplines académiques (la valeur
fondamentale du jeu comme facteur de culture n’a jamais été mise en cause lors de l’atelier). C’est la
capacité de l’école à intégrer, voire à inventer le jeu éducatif comme outil qui est interrogée :
6 – L’activité ludique et le système d’évaluation scolaire sont-ils compatibles ?
Les réponses apportées indiquent que l’activité ludique est un champ d’expérience qui peut constituer un
lieu d’observation mais certainement pas un outil d’évaluation. Cette incapacité potentielle du jeu à
cristalliser des savoirs académiques fait par conséquent peser un lourd soupçon sur l’intention éducative
que l’adulte inscrit dans le jeu, et donc :
7- La valeur éducative du jeu doit elle rester implicite pour être efficace ?
Dans ce cas, le jeu est un exercice qui avance masqué, ce qui induit :
8- Le jeu peut-il être un subterfuge pour faire passer des connaissances ?
Faut-il adopter le slogan : « Non à la ruse pédagogique » ?
Enfin, les excès de la pédagogie par objectif aidant, c’est la capacité même du jeu à être un outil
pédagogique qui est contestée, dans la mesure où l’institution scolaire s’est toujours révélée être une
machine à saucissonner les savoirs :
9-Le jeu éducatif cible un bout de neurone, le jeu mobilise la personne dans sa globalité.
Envoi
Refermons ce compte rendu par une dixième question. Il a été beaucoup sujet de l’insertion du jeu dans
la pédagogie. Le jeu éducatif en serait une manifestation possible, pas nécessairement pertinente. Cette
problématique ne doit pas en masquer une autre tout aussi fondamentale :
Quelle place est faite à l’activité ludique dans les programmes de l’école élémentaire ?
Ce qui n’est qu’un autre moyen de réclamer la reconnaissance du jeu « libre et gratuit » à l’école.