Accoucher chez l`autre
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Accoucher chez l`autre
Accoucher chez l’autre : aspects psychoculturels de la relation soignants/patientes autour des pratiques de santé maternelle Sophie OLIVEAU-MOREL D.U. "Santé, maladie, soins et cultures" Faculté de Médecine Paris Descartes En collaboration avec l’Hôpital Européen Georges Pompidou et le Centre Françoise Minkowska Année universitaire 2010 / 2011 Sous la direction de : Professeur Silla CONSOLI Docteur Rachid BENNEGADI Je tiens à remercier l’équipe pédagogique de ce diplôme, le Professeur Consoli, le Docteur Bennegadi, Madame Marie-Jo Bourdin et Madame Larchanché, pour nous avoir permis de bénéficier de cours de cette qualité avec des enseignants passionnants. En dehors des nombreuses connaissances que j’ai pu acquérir ces derniers mois, j’ai pris un plaisir immense à assister à cet enseignement. Je voudrais remercier tout particulièrement Madame Magali Bouchon, Anthropologue médicale chez Médecins du Monde, qui m’a guidée tout au long de cette étude avec patience et disponibilité et qui m’a énormément appris sur la façon de mener à bien ce type de travail. J’aimerais également remercier le Docteur Jeanine Rochefort, Déléguée régionale de Médecins du Monde, qui m’a aidée à réfléchir et élaborer mon sujet et m’a fait partager son expérience. Enfin, bien sûr, je souhaite remercier infiniment les femmes que j’ai rencontrées ainsi que les sages-femmes qui m’ont accueillie avec beaucoup d’ouverture et m’ont offert des échanges passionnants. 1/47 TABLE DES MATIERES INTRODUCTION I – ECLAIRAGE THEORIQUE 1.1 Grossesse et accouchement 1.1.1 La grossesse comme fragilisation potentielle de la mère 1.1.2 La naissance, un rite de passage dans toute culture 1.1.3 Prise en charge de la grossesse en France 1.2 Approche transculturelle de la périnatalité II – PRESENTATION DE L’ENQUETE DE TERRAIN 2.1 Matériel et méthodes 2.2 Présentation des entretiens III – ANALYSE ET PERSPECTIVES 3.1 Analyse des entretiens 3.1.1 Ce que disent les mères a) La prise en charge médicale de l’accouchement en France b) La place de l’entourage c)Les relations avec les soignants 3.1.2 Ce que disent les sages-femmes a) L’offre de soins et ses limites institutionnelles b) Avoir une langue commune c)Les difficultés ressenties d) Quelles propositions pour améliorer la prise en charge ? 3.2 Eclairage de l’Anthropologie Médicale Clinique 3.2.1 Ethnocentrisme de la maternité ? 3.2.2 Confrontation des modèles explicatoires 3.2.3 Rencontre de trois cultures 3.2.4 Domination des soignants ? 3.2.5 Quelle négociation possible à la maternité ? 3.2.6 La question de l’acculturation 3.3 Perspectives et recommandations CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE ANNEXES 2/47 Je suis psychologue de formation et, après quelques années en mission humanitaire à l’étranger, je travaille aujourd’hui au siège de « Médecins du Monde » à Paris. Je n’exerce pas sur le terrain, m’occupant à l’heure actuelle de la gestion des missions internationales, en l’occurrence des expatriés. Je cherche maintenant à changer de poste et à être active sur les missions en France de Médecins du Monde ou d’une autre organisation. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé cette année de suivre ce Diplôme Universitaire, afin d’avoir de nouveaux outils pour travailler avec des populations migrantes en France. J’ai également besoin de mieux comprendre l’attitude que j’ai pu avoir lorsque je travaillais à l’étranger (que j’analyse comme ayant été bien souvent très ethnocentriste !) et faire une analyse de mes pratiques. Ne travaillant pas sur le terrain aujourd’hui, j’ai eu des difficultés à trouver un sujet et ai par conséquent décidé de travailler sur une thématique qui m’intéresse, mais autour de laquelle je n’exerce pas du tout aujourd’hui. J’avoue que j’ai ressenti certaines difficultés au fil de ce travail, car je ne suis pas expérimentée dans ce domaine et ai eu parfois du mal à avancer et étayer ma réflexion. J’ai réalisé avoir énormément mûri tout au long de ce DU. La façon dont j’ai abordé mon mémoire le montre bien : au début de l’année, je souhaitais comprendre comment étaient vécus la grossesse et l’accouchement selon les origines culturelles des mères. Ce travail n’aurait probablement été qu’un état des lieux de différentes pratiques culturelles et aurait sûrement abouti à de nombreux préjugés avec le risque de « ghettoïser » certaines des femmes rencontrées. Il n’aurait pas permis d’étudier notre pratique de soignants. J’ai petit à petit intégré le fait que le but de ce diplôme était de nous faire réfléchir à la façon de mieux prendre en charge des patients de culture différente et non pas de connaitre pour chaque pays les rites et pratiques utilisés ni d’être « spécialiste » de tel continent. J’ai par conséquent fait évoluer mon travail sur le vécu que les femmes ont de l’accouchement en France, sur celui des sages-femmes qui les prennent en charge et sur la relation que ces acteurs peuvent établir au sein des maternités françaises. 3/47 Je présenterai au début de ce mémoire un éclairage théorique sur la périnatalité et l’interculturalité, car il me semble important de poser le cadre de cette thématique. De plus, il est nécessaire de mieux comprendre les enjeux qui peuvent se rencontrer autour de la naissance pour ces femmes qui accouchent en terre étrangère et pour les soignants confrontés à ces populations. Suite à cela, je présenterai le travail de terrain que j’ai mené et tenterai d’analyser les réponses de mes interlocuteurs avec l’éclairage de l’anthropologie médicale clinique. 4/47 INTRODUCTION L’idée de travailler sur cette problématique est venue suite à mes expériences en missions humanitaires pendant lesquelles j’ai été fréquemment confrontée à divers questionnements autour de la périnatalité. Exerçant en tant que psychologue au sein de programmes médicaux materno-infantiles, la grossesse et l’accouchement ont toujours occupé évidemment une place importante dans la prise en charge des femmes et dans nos discussions entre soignants. J’ai réalisé à quel point les différences de représentations, de rites et de pratiques de soins étaient nombreuses autour de ce « passage » primordial qu’est la naissance. Une anecdote marque particulièrement ma mémoire : lors d’une formation sur l’allaitement, l’une des travailleuses sociales de l’équipe m’explique qu’au Darfour (région du Soudan majoritairement musulmane) il est communément dit qu’un enfant qui naît à 7 mois de grossesse a plus de chances de vivre qu’un enfant né à 8 mois. Cela est expliqué par le fait que le Prophète Mahomet est lui-même né prématuré à 7 mois et a vécu une longue vie. Je m’interroge alors sur cette croyance et, utilisant mes représentations issues de la norme médicale, je leur parle prématurité de façon scientifique puis plaisante en leur disant que je suis moi-même née à 8 mois de grossesse et que je suis en bonne santé ! Elles me répondent alors : « regarde, ça confirme ce que nous disons : ici tu es tout le temps malade ! » (J’avais en effet pendant cette mission été de nombreuses fois souffrante !). Cette discussion me fait sourire et évoque assez bien à quel point nos représentations culturelles et nos modèles explicatoires sont différents mais également à quel point il est possible de partager et d’échanger afin de mieux nous comprendre. De plus, il m’a semblé intéressant de réfléchir à ce sujet, car l’expérience d’accouchement de certaines femmes françaises que je connais et le ressenti de solitude qu’elles ont pu évoquer, m’ont fait réfléchir aux différences « culturelles » (culture profane/culture professionnelle) entre les soignants et les soignés, peu important l’origine ethnique. Il est d’autant plus intéressant alors de s’interroger sur le ressenti de femmes accouchant loin 5/47 de chez elles, et qui ont par conséquent, à faire face à cette double différence culturelle. Il serait intéressant de comprendre si les différences de perceptions tiennent plus de différences de pratiques ou de différences d’origines. Objectif de l’étude Cette étude a pour principal objectif d’essayer de comprendre dans quelle mesure, dans le cadre de la naissance d’un enfant, les mères migrantes et les soignants français réussissent (ou non) à concilier leurs pratiques de soins familiales et professionnelles. Je partirai d’une hypothèse selon laquelle la rencontre entre plusieurs cultures ne se fait pas forcément facilement et peut provoquer difficultés et questionnements. Il s’agit de comprendre comment ces femmes migrantes trouvent leur place dans le système de soins français et quels sont leurs besoins vis-à-vis de ce système et les difficultés rencontrées. D’un autre côté, je souhaite réfléchir aux regards que les professionnels de santé posent sur ces populations et aux postures qu’ils adoptent. Il me semble en effet indispensable de réfléchir à cette question de la naissance et d’accompagner au mieux ces femmes dans cet évènement fort, mais potentiellement fragilisant. A l’heure actuelle, le suivi de la grossesse en France représente pour les services de santé un espace de contacts réguliers avec la société française. Les futurs parents puis le nouveau-né sont amenés à rencontrer de nombreux professionnels, du suivi de grossesse au suivi post natal, en passant bien entendu par l’accouchement. Parfois, lorsque les femmes sont arrivées récemment en France, le suivi de grossesse inaugure la première rencontre avec le système de soins français. En termes de prévention, la naissance d’un enfant est un outil très intéressant pour évaluer de possibles difficultés et apporter un soutien. D’autant plus que la maternité, étant déjà en soit un facteur de vulnérabilité, peut être encore plus fragilisante lorsque la future mère doit également s’intégrer dans une nouvelle société. Les conséquences de difficultés pendant cette période ou d’une prise en charge 6/47 inadéquate peuvent retentir lourdement sur le bien-être de la mère et de l’enfant. Cadre de l’étude J’ai choisi de réfléchir tout d’abord à l’ensemble de la période périnatale définie par Cecil Helman (1990) comme relevant de six domaines : 1) les changements de régime alimentaire, vestimentaire et de comportements 2) les techniques utilisées pour la naissance et les personnes impliquées dans l’accouchement 3) la position de la mère pendant l'accouchement 4) les soins apportés au cordon 5) les coutumes et rites envers les parturientes 6) l'alimentation du nourrisson après la naissance Après avoir débuté mon travail, je me suis rendue compte, lors des ateliers de guidance mémoire, qu’il était indispensable de réduire le champ de ma réflexion et j’ai décidé alors de me centrer sur l’accouchement, incluant les domaines 2 à 5 cités ci-dessus. 7/47 I – ECLAIRAGE THEORIQUE Commençons par une définition épidémiologique de la période périnatale proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé : « Il s'agit de la période située entre la vingt-huitième semaine de grossesse (environ 6 mois) et le septième jour de vie après la naissance ». Aujourd’hui, le terme de périnatalité est ce qui recouvre tout ce qui est « autour de la naissance » – par conséquent la période «avant, pendant et après la naissance», ce qui englobe une période plus large. 1.1 Grossesse et accouchement 1.1.1 La grossesse comme fragilisation potentielle de la mère De nombreux auteurs ont étudié la potentielle vulnérabilité physique et psychique que pouvait entraîner une grossesse chez une femme. La grossesse fragilise car elle fait appel aux origines familiales et culturelles. De plus, ceci est accentué pour un premier enfant, car elle fait passer la femme d’un statut à un autre (de fille à mère) avec tout ce que cela peut engendrer comme bouleversements. Daniel Stern parle de « constellation maternelle » pour décrire cette organisation psychique particulière de la femme enceinte où les enjeux principaux concernent les liens entre la future mère et son enfant à venir, ainsi qu’entre celle-ci comme fille face à sa propre mère. Cela peut rendre la mère plus vulnérable, plus fragile et il peut être ici question de réactivation des conflits psychiques anciens (en particulier vis-à-vis de la propre situation de dépendance infantile de la future mère). 1.1.2 La naissance, un rite de passage dans toute culture ? La naissance est un rite de passage. Selon Van Genep (Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie) « tout individu passe par plusieurs statuts au cours de sa vie et les transitions sont fréquemment marquées par des rites diversement élaborés selon les sociétés. La naissance est l’occasion du premier rite de passage ». Ce rituel se matérialise le plus souvent par une 8/47 cérémonie ou des épreuves diverses pour la femme devenant mère et pour l’enfant arrivant au monde. En l’occurrence, pour ce passage qu’est la naissance, divers rituels d’accueil existent dans toute culture, comme par exemple celui de déposer une goutte de citron sur la langue de l’enfant pour signifier que la vie est belle, mais également amère (en Afrique de l’ouest), ou de poser l’enfant sur le sein de la mère en contact peau à peau dans notre culture française. 1.1.3 Prise en charge de la grossesse en France A l’heure actuelle, la grande majorité des femmes accouchent à l’hôpital, même si un « retour au naturel » (dont nous parlerons plus tard) incite certaines futures mères à accoucher à la maison. Le suivi médical de la grossesse en France est très normé. Les examens médicaux sont nombreux : en moyenne 7-8 visites médicales, 3 échographies minimum, des prises de sang régulières, parfois une amniocentèse en cas de suspicion de trisomie. Certaines femmes bénéficient d’un suivi personnalisé, d’autres n’ont pas la chance d’être suivies par la même personne. Selon les sages-femmes rencontrées, certaines semblent être à l’aise ou même rassurées par tous ces examens médicaux, d’autres vivent cette période dans un état d’angoisse important. La solitude ressentie pendant cette période face à de nombreuses questions et doutes peut être forte. En effet, le contexte de l’hôpital est potentiellement angoissant et parfois même violent, peu important la culture d’origine. Les techniques de soins peuvent être mal comprises, ou sembler intrusives et impudiques (toucher vaginal, césarienne, épisiotomie, etc.). Evoquons en particulier l’échographie, examen fort du suivi de grossesse car il est le seul moyen qui permette de visualiser son futur enfant, son sexe, et de se le représenter. Michel Soulé se réfère à « l’inquiétante étrangeté » de Freud pour qualifier ce moment. Corinne Antoine de son côté parle des « impressions contradictoires que suscite l’échographie, parfois vécue comme une intrusion violente dans l’intimité qui les renvoie (les parents) à des souvenirs refoulés ». C’est la première confrontation entre l’enfant 9/47 imaginaire que les parents ont rêvé et le bébé réel sur écran. Certains auteurs ont montré que l’échographie peut susciter des réactions et émotions très différentes selon les cultures. Dans certaines cultures africaines par exemple, il n’est pas bon de visualiser l’enfant avant sa naissance car cela pourrait attirer le mauvais œil. Voir l’enfant pendant cet examen peut être alors très mal vécu par certains parents. De plus, le séjour à la maternité est court, les femmes n’y restent que quelques jours, par conséquent le lien entre soignant et soigné peut être difficile à créer. Les mères ne sont pas assurées d’être suivies par la même sage-femme ou gynécologue, et ce, même pendant l’accouchement à cause des changements de garde des équipes. De même, en suite de couches, les équipes d’infirmières et de puéricultrices tournent, la continuité des soins semble par conséquent assez irrégulière. 1.2 Approche transculturelle de la périnatalité Tout d’abord, précisons qu’en 2009, sur le nombre de naissances en France, 13,14% d’enfants naissaient de femmes d’origine étrangère (Site de l’INED Institut National d’Etudes Démographiques). Certains auteurs se sont intéressés à cette question, et j’aimerais en citer quelques uns, car ils m’ont beaucoup aidée dans la compréhension des difficultés potentiellement vécues par ces femmes qui accouchent en terre étrangère. Dorothee Espenon dans « Mozaiq santé » (2006) propose une théorie selon laquelle les jeunes mères immigrées peuvent ressentir un défaut de maternage («ensemble des soins courants prodigués par une mère à son nourrisson » - Larousse) : « devenir mère pour une femme immigrée, cela signifie souvent réactiver le sentiment de solitude et de manque des figures de soutien, c’est là que l’exil peut être considéré comme facteur de fragilisation d’une maternité ». Un vide important peut être ressenti par la mère, car en l’absence de son groupe d’appartenance, qui l’aurait 10/47 probablement entourée pendant son accouchement dans son pays d’origine, à ce moment-là en France elle ne peut être reconnue comme mère par la lignée familiale si elle se retrouve seule. De plus, elle ne dispose pas du soutien matériel et d’organisation dont elle aurait pu bénéficier chez elle. En particulier il est possible d’assister, pour certaines femmes, à une impossibilité à devenir mère en exil à cause de l’absence de leur propre mère. Selon les auteurs ayant travaillé sur cette question, pour toute femme, quelque soit l’origine culturelle, c’est par sa propre mère qu’on devient mère à son tour. Nous n’irons pas plus loin sur cette question, mais nous pouvons nous poser de l’autre côté la question de savoir s’il serait possible, dans certains cas, que la maternité soit justement faisable en raison de l’éloignement de la mère et donc d’une distance par rapport à son emprise ou plus généralement à l’emprise de la société d’origine? Pour revenir à ce que nous évoquions ci-dessus, dans de nombreuses sociétés ce sont les femmes qui entourent les futures mères et, même si dans notre société française nous pouvons observer une plus grande solitude de la jeune mère et un déclin de la présence des autres femmes, la grossesse, l’accouchement et les premiers jours du bébé restent avant tout une « histoire de femmes ». Celles-ci sont responsables de « porter » la future mère et de l’aider à passer ce cap. Comme nous l’explique Christine Davoudian (2007) dans le cas de la migration, l’entourage des femmes n’est pas aussi présent qu’il pourrait l’être au pays. Alors le vécu de rupture et de perte qui peut avoir lieu dans la migration peut être réactivé par la grossesse et devenir traumatique. Il peut être plus compliqué pour ces femmes de mettre en place les adaptations psychiques nécessaires pendant la grossesse si elles expérimentent un manque de références culturelles et une perte de repères. L’absence d’étayage du groupe de femmes, qui peut apporter un soutien psychologique et physique, mener les rituels, faire le lien avec la communauté masculine par exemple, peut provoquer certaines difficultés plus ou moins graves pour la mère et l’enfant lors de la naissance. 11/47 Evoquons Fethi Benslama (1991) qui se penche ainsi sur les problématiques de l’enfant qui vient au monde dans « un lieu qui ne fait pas monde pour sa mère (…), l’enfant sacrifié au lieu, l’enfant et l’errance de sa mère, l’enfant lieu de sa mère, l’enfant exposé au lieu entre parenthèses, l’exil comme lieu de déchéance du père, l’entre-deux lieux... » Lors de la naissance, il serait donc possible de parler de migration de l’enfant qui quitte l’intérieur de sa mère pour aller vers l’extérieur. Les rites autour de la naissance ont alors une fonction soutenante pour la mère mais également pour l’enfant. Que peut-il se passer si l’entourage n’est pas présent pour mettre ces rites en œuvre ? Enfin, dans « Des mères dans tous leurs états » (1993) Odile ReveyrandCoulon dit : « si le projet de migration échappe (…) à leur volonté et à leurs désirs inhibés, les femmes vont s’aménager un autre type de projet d’où vont pouvoir émerger leurs aspirations secrètes et profondes : le projet d’enfant ». La maternité deviendrait leur repère (en considérant la migration comme une rupture) et l’enfant le projet de leur existence en France. Dans ce cas, il est possible que l’enfant soit surinvesti d’un rôle fort et que la fragilisation potentielle autour de la naissance soit plus importante pour ces femmes. Que disent maintenant les auteurs de la prise en charge de ces femmes dans nos maternités ? Brigitte Tison (2007) explique que « l’hôpital est devenu, dans de nombreux contextes urbains, un haut lieu d’interculturalité où le rapport à la différence constitue un point d’achoppement, un lieu fertile de malentendus, une entrée en terre étrangère qui a sa langue et ses usages ». En effet, il n’est pas rare d’entendre certaines femmes se plaindre de la solitude qu’elles ont pu ressentir au sein de l’hôpital et de difficultés de communication qu’elles ont vécues avec les équipes. Les pratiques occidentales ne respectent pas toujours les moyens de protection traditionnels et nos pratiques de soins peuvent potentiellement être vécues comme impudiques, violentes, ou être même traumatiques avec la survenance grave d’un sentiment d’effraction. 12/47 Pour en revenir à la place de l’entourage, certains professionnels remarquent que la présence de la mère ou d’une autre femme suffit souvent à offrir le cadre dont la future mère a besoin pour se sentir en sécurité et dans une continuité par rapport à sa culture. Ils observent que les jeunes femmes exilées, mais entourées par une mère ou un substitut (belle-mère, sœur, etc.) semblent ne pas souffrir de façon significative de l’absence du cadre culturel d’origine, et ne vivent pas mal l’absence des rituels traditionnels qui ne sont pas pratiqués à la maternité et la médicalisation de l’accouchement. Il a été d’autre part remarqué qu’elles accouchent par exemple volontiers sous péridurale et surmontent un accouchement par césarienne, si c’est indiqué. 13/47 II- PRESENTATION DE L’ENQUETE DE TERRAIN 2.1 Matériel et méthodes J’ai étudié un échantillon de deux populations : 1- des femmes migrantes enceintes ou ayant eu un enfant en France 2- des professionnels de la santé (en l’occurrence des sages-femmes) travaillant ou ayant travaillé dans des maternités parisiennes C’est mon réseau social et professionnel qui m’a permis de rencontrer les personnes interrogées. Elles ont toutes des parcours de vie très différents, et sont pour certaines en France depuis peu, d’autres depuis de nombreuses années. Une des femmes rencontrées est enceinte, les autres ont déjà eu un ou plusieurs enfants. Tous les entretiens se sont faits en français. Deux femmes avaient certaines difficultés mais arrivaient malgré tout à s’exprimer, les autres parlaient toutes couramment français. La méthodologie utilisée a été qualitative et basée essentiellement sur l’entretien individuel, en respectant bien évidemment la confidentialité. C’est la raison pour laquelle les noms des personnes rencontrées ont été changés. 2.2 Présentation des entretiens Commençons tout d’abord par présenter rapidement chacune des femmes rencontrées. Marie est sage-femme depuis 1996. Après avoir exercé son métier en salle d’accouchement et suites de couches au sein d’une grande maternité parisienne, elle est aujourd’hui cadre sage-femme dans cette même maternité de niveau III. Elle y encadre l’équipe soignante. Violaine est sage femme depuis 1996. Jusqu’en 2000, elle travaillait dans une grande maternité parisienne de niveau III puis elle s’est s’installée dans 14/47 les DOM TOM pendant 2 ans et y a travaillé au sein d’un CHU. En rentrant en métropole elle a repris son activité de sage- femme à Paris puis s’est arrêtée de travailler pour élever ses enfants. Aisha est marocaine et s’est installée en France en 1996 pour se marier. Etant encore au Maroc, elle avait connu son mari par voie épistolaire, celui-ci (d’origine marocaine) habitant alors déjà en France. Elle travaille aujourd’hui comme auxiliaire parentale à domicile. Depuis leur mariage, Aisha et son mari ont subi différents traitements afin d’avoir un enfant, elle est finalement enceinte en 2010 et vient d’accoucher d’une petite fille (qui a 3 mois au moment de l’entretien). Bintou est sénégalaise d’origine guinéenne et vit en France depuis son mariage avec son mari (sénégalais lui aussi) en 2009. Elle a accouché d’une petite fille l’avant-veille, c’est son premier bébé. Je la rencontre en suites de couches à la maternité de Bichat. Katia est polonaise et vit en France depuis 4 ans, en raison du travail de son époux. Elle exerce le métier d’aide à domicile. Elle a un premier enfant en 2008 et accouche deux jours avant l’entretien d’un deuxième petit garçon. Je la rencontre également à Bichat. Chan vient de Singapour et est mariée avec un français. A 18 ans, elle part faire ses études en Angleterre puis se réinstalle à Singapour pour travailler. Elle y rencontre son futur mari et ils déménagent par la suite à Taiwan où elle aura son premier enfant. Ils vivent ensuite en France, puis à Shanghai, à Canton et enfin à nouveau en France. Elle accouche alors (en 2004) d’une petite fille. Fanta habite en France depuis 7 ans et est, au moment de l’entretien, enceinte de 6 mois. Elle est mariée à un Français qu’elle a rencontré en Afrique. Elle est originaire du Nigeria, toute sa famille vit là-bas. Elle va accoucher à l’hôpital en région parisienne et a été suivie pendant toute sa grossesse par son gynécologue en ville. 15/47 Fama a 4 enfants, de 6 à 13 ans. Elle vit en France depuis 1991 et est aidesoignante dans une maison de retraite. Elle m’explique tout de suite qu’elle a eu du mal à avoir son premier enfant, puis a eu les autres très facilement. 16/47 III – ANALYSE ET PERSPECTIVES 3.1 Analyse des entretiens Il est nécessaire d’évoquer trois biais qui me semblent importants et qui influent probablement sur le contenu des entretiens : - Tout d’abord pour les deux entretiens réalisés à Bichat, j’ai été présentée par l’équipe soignante comme faisant partie de la maternité. Il me semble bien possible que la parole de ces femmes a été moins libre et sûrement influencée par l’idée que je faisais partie de l’équipe. - La majorité des femmes rencontrées ont un niveau social plutôt favorisé, elles travaillent et toutes parlent le français par conséquent elles n’ont pas eu à faire face à la barrière de langues. Mon échantillon n’est donc pas représentatif de la population cible. - L’accouchement est un événement de l’ordre de l’intime, un entretien unique sur un temps d’étude assez court ne permet pas facilement de les mettre à l’aise et qu’elles puissent évoquer sans appréhension cette expérience. Il y a sûrement de nombreux éléments qu’elles n’ont pas osé évoquer avec moi. 3.1.1 Ce que disent les mères a) La prise en charge médicale de l’accouchement en France A l’heure actuelle en occident, la naissance est prise en charge de façon assez médicalisée (le taux de césariennes par exemple est en augmentation ces dernières années), ce qui peut parfois sembler aller à l’encontre du naturel de cet événement et peuvent provoquer plaintes de parturientes et réactions vives de certains professionnels. Lors des entretiens, la plupart des femmes rencontrées paraissaient plutôt rassurées par le suivi proposé en France et la prise en charge de l’accouchement. Katia, par exemple, voit comme une chance le fait d’accoucher en France; elle explique que le suivi de la grossesse et l’accouchement sont bien mieux pris en charge qu’en Pologne. Elle raconte que dans son pays, elle aurait dû payer (cher) pour sa péridurale, elle aurait probablement accouché avec d’autres femmes dans la même salle et aurait 17/47 bénéficié de moins d’échographies pendant la grossesse. Celles-ci lui ont permis d’être régulièrement rassurée sur l’état de son fils. Elle rajoute « au début de l’accouchement j’étais inquiète (pour son premier bébé), mais le personnel explique bien ». Elle apprécie également le fait d’avoir une chambre seule à l’hôpital. Elle dit : « c’est comme à la maison », ce qui évoque un cadre hospitalier rassurant pour elle, presque maternant. La péridurale est très souvent évoquée comme un moyen de moins souffrir bien sur et comme un acte dont elles pourraient bénéficier dans leur pays d’origine, mais qui serait moins maîtrisé que chez nous et par conséquent risqué. Fama a toujours « accouché par péridurale ». Elle explique qu’au Sénégal de nombreuses femmes en ont peur (de douleurs lombaires par la suite, de paralysie, etc.) et rajoute « mais en France je suis complètement rassurée. Ici on t’explique, tout est clair ». De son côté, Aisha ne voulait pas de péridurale au début, « je voulais sentir la douleur de ma maman, ce qu’elle a ressenti le jour où elle m’a mise au monde ». Puis, suite à certaines complications, les soignants insistent pour qu’elle l’ait et elle accepte finalement. Elle dit avoir été « déçue» mais « le corps ne tient plus ». Le fait que cela lui ait été quasiment imposé par les soignants peut jouer un certain rôle de déculpabilisation de ne pas avoir tenu jusqu’au bout ce qu’elle avait décidé de faire en l’honneur de sa mère. Nous pouvons nous demander si accoucher comme sa mère aurait pu être un moyen pour elle d’être reliée à son groupe familial, à sa lignée, alors qu’aucun membre de sa famille ne vit en France. La césarienne est discutée également. Fama a dû en subir une pour son premier enfant. Les raisons de cet acte lui ont apparemment été bien expliquées et elle dit qu’elle aurait eu peur au Sénégal, mais avait confiance en France : « ici on sent qu’on est dans un pays développé ». Nous pouvons ici assister à d’une part quelque chose de l’ordre des représentations (de la médecine occidentale en occident) et d’autre part de l’empirisme, c'est-à-dire en fonction du vécu qu’elle ou son entourage ont pu avoir de la précarité de certaines structures de soins dans son pays et du manque de formation des soignants. 18/47 Ce qui est particulièrement intéressant, c’est qu’elles semblent toutes avoir accepté des actes qu’elles redoutaient pourtant, car ceux-ci leur ont apparemment toujours été bien expliqués (cela dit, il n’y a rien ici de culturel car l’adhérence à un acte médical est plus efficace lorsqu’il est compris). En revanche, elles évoquent globalement peu de ressenti sur l’effet qu’ont eu ces actes sur elles. Bintou, cependant, ne parait pas avoir forcement compris tout ce qui lui a été fait : elle ne comprend pas bien pourquoi elle ne peut pas rentrer à la maison trois jours après l’accouchement (son bébé ne prend pas de poids) et parle de « produits » qu’on lui aurait injectés pendant le travail. Elle utilise ce même terme pour l’ocytocine donnée pour le déclenchement et pour la péridurale. Globalement, elles font toutes preuve d’adaptation. Fanta le résume de cette façon pragmatique : « on s’adapte, on n’est pas à la maison, il faut accepter le fait d’être dans un autre pays ». Peut-on faire l’hypothèse que la prise en charge assez fortement médicalisée proposée dans nos maternités les rassure par rapport à une offre de soins probablement de moins bonne qualité dans certains de leurs pays (l’une des femmes a d’ailleurs perdu sa mère en couches) ? Nous pouvons donner comme exemple quelques chiffres : au Nigéria, le taux de mortalité infantile à la naissance est de 94 pour 1000 naissances, 59 pour le Sénégal, 37 au Maroc alors qu’il est de 3 pour 1000 en France (chiffres trouvés sur le site « CIA world factbook » 2009). b) La place de l’entourage La plupart de ces femmes n’ont pas leur mère près d’elle et même si d’autres membres de la famille ont été présents en suites de couches (belles-mères, belles-sœurs) ou au retour à la maison, elles expriment toutes sans exception la difficulté de « faire sans leur mère ». Bintou s’exprime ainsi : « si j’ai ma maman, c’est elle qui fait et moi je me repose ». Katia, de son côté, dit : « ma famille est en Pologne, ça c’est pas très agréable ». 19/47 Lorsqu’elle me raconte son premier accouchement à Taiwan, Chan évoque l’absence de sa famille (c’est d’ailleurs le premier point qu’elle évoque). Elle explique avoir trouvé l’absence de ses parents suite à l’accouchement et le peu d’aide proposé en France très difficile. Aisha estime avoir été bien entourée par sa belle-mère et ses belles-sœurs, qui sont restées en salle d’attente à la maternité pendant toute la durée de l’accouchement. A aucun moment elle n’évoque le souhait de les avoir eues près d’elle pendant le travail. De plus, elle raconte avoir reçu énormément de visites à la maternité et lorsque l’équipe médicale a tenté de limiter le nombre de visiteurs, elle dit en avoir été très soulagée, car elle était épuisée et n’aurait pas osé poser des limites. Concernant la place du père, toutes les femmes rencontrées ont accouché avec leur mari à côté d’elle alors que pour certaines il n’aurait pas été imaginable de le faire chez elle. Fatou évoque quelque chose d’« impudique ». Chan explique qu’à Singapour les hommes ne sont pas forcément « invités » et en France elle est heureuse que son mari ait pu rester à ses côtés. Sur ce point, il est cependant intéressant de se poser la question de savoir si les hommes ont été sollicités par leurs épouses pour assister à l’accouchement ou si cela vient de la norme de l’institution française qui requiert la présence du père ? Fama, quant à elle, regrette que sa famille n’ait pas été près d’elle après ses accouchements, mais elle est retournée après chaque naissance au Sénégal «pour le massage du bébé» car elle dit ne pas savoir le faire. Les raisons de ses voyages au Sénégal sont sûrement nombreuses, mais c’est le massage qu’elle évoque, comme un rite qui lui permettrait ainsi qu’à son enfant de s’inscrire dans la lignée. De plus, lorsqu’elle était adolescente, sa mère lui parlait déjà de l’accouchement en France en lui disant qu’elle serait bien mieux prise en charge là bas, « qu’il y a moins d’erreurs » qu’au Sénégal. Par avance, sa mère a utilisé ses propres représentations du système de soins occidental pour valider le choix de sa fille d’accoucher en terre étrangère. Par ailleurs, Aisha fait également ressortir cette notion d’erreurs médicales qui l’angoisse. En choisissant son gynécologue, elle explique ne pas avoir voulu être suivie par ceux de l’hôpital, car « ils font des erreurs ». 20/47 Fanta, de son côté, aimerait accoucher avec des femmes de sa famille : « j’aimerais qu’on me masse le dos pendant l’accouchement et qu’on me rassure ». Elle évoque plusieurs fois pendant l’entretien ce besoin qu’elle a de créer un espace rassurant autour d’elle. c) Relations avec les soignants Bintou explique que la sage femme est toujours restée près d’elle et a l’impression qu’on s’est « bien occupé » d’elle. Elle rajoute « on me respecte ». Aisha a fait preuve d’une sorte de nomadisme médical pendant sa grossesse, en changeant plusieurs fois de médecins ou d’échographes pour être sûre d’avoir « le meilleur ». Elle voulait accoucher avec un gynécologue et a eu beaucoup de mal à faire confiance aux sages-femmes en raison des représentations véhiculées autour du métier de sage-femme au Maroc (où, selon elle, celles-ci humilient les parturientes si elles crient ou se plaignent). Ces représentations basées sur l’expérience marocaine influencent donc l’itinéraire d’Aisha. Cependant, elle s’est rapidement sentie rassurée par l’équipe et dit avoir été étonnée que les sages-femmes soient « si douces et si gentilles ». Dans la même idée, Fama raconte : « chez nous, les sages-femmes elles sont pas très gentilles, elles sont vulgaires ». Elle rapporte en effet des histoires de sages-femmes évoquant de façon impudique, selon elle, l’acte sexuel. Globalement, les sages-femmes dans notre étude renvoient une image maternelle et maternante. Le transfert des parturientes vers les professionnelles est positif et facilite l’instauration d’un lien de confiance. La sage-femme devient alors l’objet de réactions affectives de la part de la parturiente, cette dernière pouvant diriger vers la professionnelle des réactions qu’elle pourrait avoir vis-à-vis de sa mère. L’idée de la sage-femme comme substitut maternel pendant l’accouchement ne me parait pas lié à la culture et peut se retrouver chez n’importe quelle parturiente. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les sages-femmes ont souvent vis-à-vis des patientes des gestes assez maternants (tels que caresser la main de cellesci). 21/47 En revanche, Fama, qui n’a pas encore accouché, se représente les sagesfemmes comme des techniciennes ; elles seront « pros, c’est leur métier, mais pas soutenantes car elles ne font pas partie de la famille ». Mais lorsqu’elle rajoute : « à partir du moment où elles sont gentilles, où elles ont un sourire, ça va », nous retrouvons malgré tout ce besoin affectif. 3.1.2 Ce que disent les sages-femmes a) L’offre de soins et ses limites institutionnelles Violaine décrit les maternités dans lesquelles elle a travaillé ces dernières années comme étant « conventionnelles» et au sein desquelles il existait peu d’espace pour une prise en charge plus « ouverte ». Elle observe de nombreux éléments potentiellement difficiles ou même traumatiques à vivre pour des femmes d’origine étrangère (la césarienne par exemple) et fait preuve d’une grande bienveillance lorsqu’elle évoque le suivi de ces femmes. Elle dit s’être sentie souvent « démunie » face à elles, car elle avait l’impression de ne pas pouvoir leur proposer un accouchement conforme à leurs besoins (ou du moins ce qu’elles se représentaient de ceux-ci), mais plutôt une offre de soins très limitée. Violaine et Marie montrent qu’elles connaissent bien les rites pratiqués selon les cultures ou bien les différences physiologiques qui pourraient modifier le déroulement du travail, mais elles disent ne pas bénéficier de la formation et du cadre nécessaire pour proposer des suivis personnalisés. D’un autre côté, une sage-femme que j’ai rencontrée dans les couloirs de Bichat m’a expliqué qu’ils recevaient aujourd’hui moins de femmes ayant des « demandes différentes » (par exemple des positions moins « classiques » que la position allongée) car, selon elle, « elles savent comment ça se passe ici, ce qu’elles vont trouver, elles parlent entre elles ». En l’occurrence, elle explique qu’il y a peu de place pour un accompagnement « différent », peu de demandes dans ce sens. b) Avoir une langue commune Le langage revient très fréquemment dans le discours des femmes, mais également des sages-femmes. 22/47 Pour Marie, le fait de ne « pas pouvoir tout expliquer » l’inquiète et la frustre. Ce qui est primordial dans la relation avec la patiente est de mettre en place des stratégies afin d’être sûr que les patientes aient toutes les informations. Les équipes instaurent des systèmes de traductions en faisant appel à différentes personnes, mais rien n’est formalisé. Il semble que cela dépende plutôt de l’aide disponible à ce moment-là. Elles vont en premier lieu demander à l’entourage de traduire mais Marie évoque une méfiance assez forte par rapport à celui-ci : « on ne sait jamais trop ce qu’ils traduisent ». Cette situation semble inconfortable pour tout le monde et par conséquent c’est la méfiance qui ressort de son discours comme si l’objectif des soignants et des patients n’était finalement pas le même. Dans une seconde étape, si l’entourage ne peut pas traduire ou qu’elle a peur que la traduction ne soit pas correcte, l’équipe soignante va faire appel aux soignants de la même culture que le patient ou parlant la même langue. Rappelons que les interprètes sont des traducteurs de langues, mais également de codes culturels. Il peut y avoir de nombreux implicites endehors des mots et par conséquent un risque non négligeable d’incompréhensions (d’autant plus dans le cadre fort en émotions et intime qu’est la naissance). Dans le contexte dont nous parlons, la traduction et l’interprétariat sont présentés par l’équipe soignante comme une médiation pour atteindre l’objectif de l’accouchement. Mais qu’en est-il de ces soignants à qui sont donnés des rôles de médiateurs sans avoir été formés ? On assiste ici à un système qui parait plus de l’ordre de la « débrouille » sans forcément de protocole existant. Le Docteur Dormoy (dans son cours du 8 avril à Minkowska) mentionnait des structures qui se cachent derrière la traduction que peuvent faire les soignants pour prétendre qu’ils font de la médiation culturelle et qu’ils n’ont par conséquent pas besoin de médiateurs extérieurs. Marie me racontait cependant qu’ils leur arrivent parfois de faire appel à des « interprètes » extérieurs, et étonnamment elle ne mentionnait aucun problème budgétaire à ce sujet. Il est arrivé à Violaine d’avoir le sentiment de « trahir » certaines parturientes en ne leur offrant pas la prise en charge la plus adaptée à leurs besoins. 23/47 « Expliquer » revient également souvent dans son discours : l’importance d’expliquer aussi pour les sages-femmes, pour ne plus avoir le sentiment de les avoir trahies en ne leur offrant pas la prise en charge qu’elles avaient imaginée ? Selon Marie, il y a certains soignants que « la barrière de la langue arrange ». Une « relation de pouvoir » est parfois observée et le fait de ne pas parler la même langue permettrait à certains soignants de ne pas avoir à expliquer et donc de garder le savoir et par conséquent le pouvoir. Elle parle d’ « ascendance » que certains soignants ont sur leurs patientes et rajoute « il peut y avoir des abus ». Puis : « c’est pas toujours un hasard si on fait ce métier, c’est pas toujours dans une démarche aidante, quelquefois c’est pour la domination ». Nous en reparlerons plus loin. c) Les difficultés ressenties Comme ressenti dans le discours des sages-femmes, il semble y avoir une réelle bienveillance de ces professionnelles de santé face aux patientes, peu importe leur origine culturelle. Concernant les femmes étrangères, Violaine s’est souvent sentie déstabilisée par rapport à certaines demandes (changer de position, enlever le monitoring) mais dit avoir toujours tenté de trouver des solutions intermédiaires, la limite non négociable qu’elle s’imposait étant la sécurité. « Je me sentais démunie, car en école de sages-femmes on ne nous forme pas à ça ». Suite à certains accouchements compliqués, elles en débriefaient entre collègues et tentaient de se rassurer en se disant qu’elles avaient fait ce qu’elles avaient pu dans les limites de leur formation et du cadre de la maternité. Elle évoque une chose qui l’a souvent marquée avec certaines femmes d’origine africaine : le peu de contacts visuels qu’elles échangent avec leur enfant suite à l’expulsion. Elle le ressent comme un manque d’intérêt vis-àvis du bébé et se sent assez déstabilisée. Il est bien évidemment impossible de tirer une conclusion hâtive sur ce comportement, mais Marie-Pascale Verger (In « Immigration et Maternité » - 1993) explique que dans nos cultures occidentales, ce serait le parler et le regard qui occuperaient une place centrale dans les relations mère-bébé les premières semaines de vie, 24/47 alors que dans les cultures africaines, le portage et le toucher seraient au centre de la relation. Cela pourrait être une hypothèse (parmi d’autres) pour expliquer ces comportements mère-bébé à la naissance. Violaine se souvient d’une femme africaine ayant une très forte peur de la péridurale, mais elle évite de tomber dans le piège du « tout culturel » en expliquant qu’elle ne sait pas si c’était lié à la culture ou à la femme ellemême. Dans ce cas, en effet, le modèle explicatoire utilisé par cette femme peut être aussi bien culturel qu’individuel. Enfin, j’aimerais évoquer un point soulevé par Marie et qui m’interpelle. Lorsque je la questionne sur de possibles difficultés dans la prise en charge de ces femmes, elle me raconte l’histoire d’une femme maghrébine musulmane venue accoucher avec son mari. Celui-ci a refusé qu’un soignant masculin s’occupe de son épouse. L’équipe n’a pas accepté de changer la sage-femme (qui se trouvait être un homme) car « on ne rentre pas dans ce jeu là » et la femme et son époux ont quitté la maternité en plein travail pour aller accoucher ailleurs. Cela soulève de nombreuses questions sur la place de la femme et la situation actuelle en France autour des questions liées à certaines pratiques (le port du voile par exemple), et peut faire référence à la Charte de la personne hospitalisée de 2006 (« Toutefois, l’expression des convictions religieuses ne doit porter atteinte ni au fonctionnement du service, ni à la qualité des soins »). En allant plus loin, cela peut illustrer assez bien la peur des soignants de se laisser déborder et le besoin de maintenir un cadre. Selon la souplesse de celui-ci, la négociation peut sembler parfois difficile à mettre en œuvre et la question peut alors se poser de la capacité de la structure d’accueil à inclure la différence sans se sentir menacée. d) Quelles propositions pour améliorer la prise en charge ? Marie et Violaine ont proposé de nombreux points auxquels les structures de soins devraient réfléchir afin d’améliorer la prise en charge des femmes étrangères. Pour Marie, la priorité est la communication. C’est pour cette raison qu’il est indispensable pour elle de commencer par traduire en différentes langues les 25/47 prospectus donnés (conseils d’alimentation, allaitement, suivi à la PMI, etc.) afin que tout le monde reçoive l’information, ce qui est primordial pour elle. Dans notre culture où la transmission orale se perd (entre autres de femme à femme ou de génération en génération), tout s’apprend dans les livres et les magazines, et la diffusion du savoir est de plus en plus théorique. Fama (rappelons que sa mère est au pays) a d’ailleurs été très aidée par les documents que lui avait donnés la sage femme de PMI, la valisette offerte à la maternité, et internet. Violaine, de son côté, insiste sur l’importance de la visite du 4 e mois qui permet de proposer aux femmes enceintes un temps privilégié avec la sagefemme. Elle estime que les professionnels auraient à ce moment la possibilité de référer certaines femmes étrangères vers des structures peutêtre plus adaptées (comme la Maternité des Bluets, où les sages-femmes sont plus formées à des positions d’accouchement différentes par exemple). Cette visite devrait permettre également, selon elle, de mieux expliquer à ces femmes « à quoi s’attendre » dans les maternités françaises. La formation et la sensibilisation en école de sages-femmes leur semblent également primordiales, comme par exemple connaître la technique des différentes positions mais également assister à des cours d’anthropologie médicale. Dans la maternité où Marie travaille, les sages-femmes vont prochainement apprendre de nouvelles positions, selon elle, «on a tout à y gagner ». Enfin, Marie trouve qu’il faudrait « oublier l’organisation et le faire vite » et laisser plus de temps au pré-travail (en particulier pour les femmes africaines pour qui le travail est souvent plus long pour des raisons physiologiques et pour lesquelles il est parfois pratiqué des césariennes apparemment trop hâtives). Elle conclut : «on y gagnerait tous, on serait moins stressés et on harmoniserait l’organisation ». En proposant toutes ces idées, elles précisent fort heureusement qu’il n’est pas question de spécialiser une sage-femme par service dans la prise en 26/47 charge des femmes étrangères. Par là, elles montrent bien leur refus de rentrer dans des clichés et de ghettoïser ces femmes. Finalement, il ne ressort pas de leur discours un besoin de prendre en charge ces femmes de façon très différente, ce qui me semble permettre d’éviter de tomber dans le piège des préjugés. Ce qu’elles suggèrent devrait pouvoir être proposé à toutes les femmes quelle que soit leur culture, pour aller vers une meilleure prise en charge des parturientes. 3.2 Eclairage de l’anthropologie médicale clinique Je voudrais essayer maintenant de mettre en lumière ce que j’ai pu observer dans le cadre de cette étude grâce aux concepts présentés tout au long de ce DU. 3.2.1 Ethnocentrisme de la maternité ? Nous avons discuté des limites qui peuvent s’observer dans le cadre de la maternité en France. En effet, la prise en charge des parturientes et la gestion de l’accouchement peuvent sembler assez standardisées et les pratiques quasi uniquement basées sur le modèle biomédical. Peut-on parler d’ethnocentrisme de l’hôpital en France ? Rappelons que cela signifie la « tendance à privilégier les normes et valeurs de sa propre société pour analyser les autres sociétés » (Larousse). Il n’est pas étonnant que les soignants privilégient les pratiques de leur modèle de soins, puisque c’est celui pour lequel ils ont été formés. Mais il est possible de se poser la question de la place que les structures de soins offrent à d’autres valeurs culturelles, à d’autres pratiques et qui semble assez limitée. Nous pourrions étendre cette idée à toute culture, qu’elle soit française ou étrangère, et noter que le modèle de soins proposé dans les maternités françaises « classiques » (que j’opposerai aux nouvelles structures plus « modernes » telles que les maisons de naissance au sein desquelles les projets de naissance des femmes paraissent plus intégrés dans la prise en charge) reste aujourd’hui assez normé et codifié. 27/47 A Minkowska, le Professeur Sargent évoquait les « violences structurelles » que les institutions pouvaient produire en restant fixées sur le seul modèle biomédical et en ne proposant pas de suivi personnalisé plus adapté aux patients. Dans le cadre de l’accouchement, qui, rappelons le, peut être fragilisant autant pour la mère que pour l’enfant, cette violence structurelle risquerait d’avoir des effets graves à plus long terme. 3.2.2 La confrontation des modèles explicatoires Dans "Les apports de l’anthropologie médicale clinique dans la relation soignant-soigné en situation interculturelle" (2009), le Dr Rachid Bennegadi, Marie-Jo Bourdin et Christophe Paris expliquent qu’il « est en effet question d’une interaction, d’une part entre un patient qui exprime une demande avec ses croyances sur le manque de santé, sur la présence de mal ou de maladie, en s’appuyant sur un modèle explicatoire largement inspiré par sa culture (…), d’autre part avec un thérapeute qui exerce son savoir et sa compétence dans un lieu de soins, un espace nosographique, un statut de soignant, des croyances sur l’action à mener pour pallier le manque de santé ou la présence de maladie ou de mal-être. Là aussi, la prestation est déterminée par des items culturels ». La consultation avec un médecin est une transaction entre les deux modèles explicatoires du soignant et du soigné et qui sont séparés par une différence de pouvoir social et symbolique. Nous l’avons bien senti dans les entretiens analysés précédemment. En effet, il est possible qu’en raison du fait que les médecins aient un rang social et un niveau d’études plus élevés, ils soient tentés de modeler le modèle explicatoire du patient pour le faire rentrer dans le modèle médical. C’est là qu’il est possible de parler de domination du soignant sur le patient. Chaque acteur, les femmes parturientes et les sages-femmes dans notre étude, est porteur de savoirs, de normes et de pratiques de soins qu’ils ne partagent pas toujours ; de plus le parcours migratoire et la structure familiale sont autant d’éléments qui influencent le migrant et la place qu’il occupe dans la rencontre clinique. 28/47 Comment les représentations culturelles du soignant jouent-elles sur la relation avec le patient ? Lorsque les modèles explicatoires se confrontent, lorsque ces différents acteurs se font face, certaines difficultés peuvent apparaître (Cecil Helman – 1990): - la différence dans la définition de patient : en effet la médecine moderne se centre sur l’individu en oubliant parfois le contexte familial et social (dans notre étude, quelle place est donnée à l’entourage familial dans les maternités et à l’impact de l’absence de celui-ci sur la mère au moment de la naissance ?) - la possible incompréhension de la langue du patient, avec des risques plus importants lorsque les traducteurs mobilisés ne sont pas formés (dans le contexte intime et fragilisant qu’est la naissance, l’impact peut être plus important). Il peut surgir une grande violence lorsque les représentations des femmes liées à l’accouchement ne sont pas entendues ou qu’elles ne comprennent pas ce qu’il se passe. - l’incompatibilité des modèles explicatoires (en l’occurrence, de par la bienveillance et l’écoute des sages-femmes interrogées et l’adaptation impressionnante des femmes rencontrées au modèle biomédical, je n’ai pas senti d’incompatibilité dans cette étude) - les problèmes liés à la terminologie, c'est-à-dire à un mix entre le jargon médical et le langage de tous les jours qui peut provoquer de nombreuses incompréhensions des patients, d’autant plus fortes si la langue française n’est pas maîtrisée. Rappelons que, même si l’on parle la même langue, on ne parle pas forcément le même langage. En conclusion, la confrontation des modèles explicatoires comporte de nombreuses embûches potentielles et peut aboutir à d’importantes difficultés et de souffrance pour le patient. Il peut arriver, si la future mère ne bénéficie pas de soutien familial et si la communication ne se fait pas bien avec l’équipe soignante, que la prise en charge soit vécue comme intrusive. Dans ce cas, la question peut se poser de l’influence que cela pourrait avoir sur l’adhérence à plus long terme au suivi médical (grossesse, accouchement 29/47 avec risques traumatiques, et post accouchement avec le risque de ne pas intégrer l’enfant dans le suivi PMI). Mais cela peut également bien se passer et c’est ce que j’ai ressenti en grande partie dans les discours des femmes rencontrées. Il me semble qu’elles ont adopté la prise en charge proposée en modulant leurs représentations de l’accouchement grâce aux explications reçues par l’équipe soignante ainsi qu’à la présence de leur mari. Cela nous amènera plus loin à discuter du processus d’acculturation. 3.2.3 Rencontre de trois cultures Il est possible de parler ici de trois cultures: la culture du pays d’origine, la culture du pays d’accueil et la culture biomédicale que certains anthropologues et sociologues décrivent comme une culture à part entière. Le Professeur Carolyn Sargent utilise le terme de « système culturel ». Il est dominant aujourd’hui en France et les soignants sont porteurs de ce système. Dans le cadre de la naissance, la technologie moderne impose des examens tels que l’échographie ou le monitoring (appareil permettant la surveillance du rythme cardiaque du bébé pendant le travail ainsi que des contractions utérines) semblent vouloir maîtriser le corps humain, comme le souligne Cecil Helman. Cela peut avoir pour effet d’induire chez la future mère le sentiment que son corps est défectueux et ne peut donner naissance sans la prise en charge médicale. De plus, ces machines et ces examens donnent parfois l’impression que le médecin va plutôt écouter ce que ces derniers lui disent que ce que la patiente exprime. Les machines risquent alors d’être les principaux vecteurs de communication, parfois plus que le langage. Nous pouvons imaginer que cela peut être encore renforcé lorsque la patiente ne parle pas français. A ce moment-là, le « Disease » (dans notre étude il ne s’agit pas de maladie, mais dans le cadre de l’accouchement nous pouvons parler de « Disease » pour évoquer l’interprétation que fait le thérapeute de l’état de la patiente et de la façon dont se déroule le travail) va alors prendre le dessus sur l’ « Illness » (ce qu’en dit le patient). Dans notre culture, le risque existe que 30/47 les soignants se concentrent parfois plus sur les aspects physiologiques que psychologiques, il peut être alors possible de passer à côté de la signification que revêt l’accouchement pour ces femmes et les représentations qu’elles en ont. Par conséquent l’ « Illness » et le « Sickness » risquent d’être oubliés, c'est-à-dire tous les aspects sociaux et sociétaux qui influent sur l’état de la future mère (absence de la mère, place du père et de l’homme pendant l’accouchement, rites autour de la naissance, etc.). De plus, n’oublions pas que les mères sentent dans leur corps le déroulement du travail de l’accouchement et ont la possibilité d’y répondre. Pourrait-il y avoir conflit entre la toute-puissance des médecins ayant le savoir d’un côté, et le ressenti des parturientes de l’autre côté ? L’article de Carolyn Sargent m’a particulièrement intéressée (1996). Elle explique justement que “la connaissance technique devient la connaissance “qui compte” et sur la base de laquelle les décisions se prennent. Aux EtatsUnis, par exemple, la plupart des membres de sociétés (...) acceptent une vision biomédicale de la naissance. Dans celui-ci et d’autres systèmes hautement technologiques de la naissance, il y a clairement un manque de priorité donnée à l’expérience de la parturiente comme une forme de connaissance, et la primauté est donnée à l’expertise des obstétriciens qui gèrent la technologie ou les artefacts du travail”1. Lors des entretiens réalisés, nous voyons bien que les femmes font toute confiance en l’expertise technique de l’équipe soignante, mais surtout semblent accepter, sans la contester, l’autorité de cette dernière (entre autres lorsqu’il a été besoin de mettre Aisha sous péridurale par exemple ou de pratiquer une césarienne sur Fanta). 1 en anglais dans l’article: « technological knowledge becomes the knowledge that "counts," and on the basis of which decisions are made. In the United States, for example, most members of society (…) accept a technomedical view of birth. In this and other hightechnology birthing systems there is a clear lack of priority allocated to the laboring woman's experience of her body as a form of knowledge, and primacy is given to the expertise of obstetricians who manage the technology, or artifacts of labor ». 31/47 Globalement, je me pose la question de savoir dans quelle mesure les compétences de la parturiente sont utilisées. Le Pr Sargent parle de «dévalorisation de la connaissance basée sur l’expérience qu’ont les femmes de leur propre corps”2. Par exemple, certaines des femmes rencontrées ont eu plusieurs enfants. Je ne pourrai pas avancer plus loin sur cette question, car je n’ai pas obtenu assez d’éléments lors de nos discussions, mais nous pouvons nous poser la question de savoir si les équipes font appel à l’expérience et aux compétences des mères. De la même façon, l’hôpital est perçu comme une micro-société, ayant sa propre culture avec ses rites, ses codes et son langage (Cecil Helman 1990). Selon lui, au sein des structures hospitalières occidentales, les infirmières (dans notre cas les sages-femmes) joueraient le rôle de la mère et le médecin du père. Nous l’avons perçu dans notre discussion précédente : la relation transférentielle intéressante que j’ai pu observer des patientes vers les sages-femmes et contre-transferentielle des sages-femmes vers les patientes (en ayant également cette attitude maternante et bienveillante) le montre bien. Enfin, au sein de l’hôpital nous assistons à une multiculturisation des équipes soignantes et à un « métissage » (Carolyn Sargent et Stéphanie Larchanché – 2008) de la clinique entre des soignants de culture et potentiellement de pratiques différentes. Par conséquent, il est possible d’observer au sein de l’hôpital la rencontre de nombreuses cultures et la multiplication des modèles et des pratiques de soins. 3.2.4 Domination des soignants ? Ce qu’évoquait Marie sur la relation de pouvoir que pouvaient établir les soignants m’a semblé très intéressant. Dans le contexte de la naissance, les femmes qui accouchent s’en remettent aux soignants. C’est elles-mêmes qui maîtrisent leur corps, mais le modèle biomédical est ce qui va leur permettre 2 “devaluation of authoritative knowledge based on women's experience of their bodies ». 32/47 de donner naissance en offrant un cadre sécurisé. Mais ce modèle peut parfois leur donner le sentiment d’être passives dans leur accouchement et même infantilisées (que peut-on dire par exemple de la pratique de raser le pubis de certaines parturientes ?). De plus, il a été observé des attitudes paternalistes de la part de certains soignants. Même si dans les entretiens réalisés je n’ai pas perçu ce type de relation, il est possible, dans le cas de femmes étrangères, de se poser la question d’une double dominance possible : culturelle et médicale. Dans ce contexte, la peur de l’Autre pourrait être d’autant plus forte qu’il est d’une culture étrangère, et cette peur pourrait entraîner cette relation de pouvoir. Le Dr Rachid Bennegadi dans « Anthropologie médicale clinique et santé mentale des migrants » (1996), parle de « dépendance » : « la situation typique d’acculturation concerne une personne d’une certaine origine ethnique, souvent en situation non dominante pour ne pas dire de dépendance, en contact avec un groupe culturel, souvent en situation de dominance, ce qui nécessite une adaptation et par là même de développer une panoplie de tactiques et de stratégies ». Je repense également à ce que me racontait Fanta, qui a du être hospitalisée au début de sa grossesse. Dans l’équipe de médecins, il y avait un « médecin africain et c’était le pire de tous ». Il n’était apparemment pas aimable alors qu’elle dit s’être attendue à « plus de solidarité de sa part ». Cette constatation m’a fait réfléchir à la place des soignants d’origine étrangère à l’hôpital (dans le cas de Fanta, je ne sais pas si ce médecin était français ou d’origine étrangère mais elle l’a qualifié d’ « africain »). Lorsqu’il leur est donné le rôle de traducteur ou même de médiateur, il est possible de se poser la question de la relation de pouvoir et d’une potentielle dominance sur le patient, étant détenteur de la parole et de la communication entre le patient et l’équipe. Enfin, si le soignant est de la même origine culturelle que le patient, mais pas de la même classe sociale, nous pouvons nous poser la question d’une potentielle difficulté dans la relation et l’accentuation de la distance patientsoignant. Dans le cours du 8 avril de Stéphanie Larchanché, elle évoque 33/47 « l’asymétrie » des relations soignants-soignés, ce terme résumant bien ce qu’on a pu observer plus haut. 3.2.5 Quelle négociation possible à la maternité ? La relation entre deux personnes est avant tout une négociation. Alexandre Manoukian (2008) dit que les facteurs de la relation sont nombreux : l’histoire des partenaires, leur culture, leurs représentations et enfin la communication. Ces éléments peuvent agir en faveur de l’établissement d’une bonne relation ou en défaveur. En particulier, la communication verbale est primordiale et nous avons bien vu dans les entretiens qu’elle était indispensable autant pour les sagesfemmes que pour les parturientes. Les sages-femmes ont bien intégré la nécessité de trouver une langue commune afin d’offrir une prise en charge adéquate. Cette langue permet de communiquer verbalement et par là d’avoir accès au symbolique et aux représentations que les femmes se font de l’accouchement et de la naissance. Lorsque nous parlons de négociation, nous pensons concessions, changements. Ecouter et accueillir l’autre, cela peut vouloir dire modifier ses pratiques, prendre le risque de se remettre en question, de se déstabiliser en abandonnant certains repères (Cecil Helman 1990). L’histoire racontée par Marie sur la femme musulmane et son époux nous montre bien une déstabilisation potentielle. Cependant, l’une des difficultés majeures dans le contexte de la naissance en maternité, est que la relation est très courte : nous l’avons dit, la parturiente n’a souvent jamais rencontré la sage-femme qui l’accouche, car il y a peu de continuité des soins dans ce cadre là, et elle ne la reverra la plupart du temps plus après l’accouchement. La négociation entre ces deux partenaires de la relation est par conséquent d’autant plus difficile à mettre en place. Il est temps maintenant d’évoquer la compétence culturelle. Dans le cadre de l’hôpital, c’est la capacité des soignants à comprendre et à répondre de 34/47 façon effective aux besoins culturels des patients. Nous avons vu dans nos entretiens avec les sages-femmes que le cadre de l’hôpital ne fait pas toujours preuve d’une flexibilité optimale pour répondre aux besoins des femmes, et ce, quelle que soit leur culture. Mais nous avons noté également qu’il y a un réel souhait des soignants d’écouter ces femmes, de les comprendre et de leur proposer des prises en charge adaptées. Il faudrait de façon globale que la sensibilité des soignants s’améliore quant aux rites, aux pratiques et aux attentes des patientes, afin d’éliminer les barrières pour l’établissement d’une relation saine. Ceci permettrait d’améliorer la communication soignants-soignés, donc le vécu de l’accouchement et à plus long terme, dans une perspective de santé publique, d’améliorer la « compliance » des mères vis-à-vis de la prise en charge de l’enfant (ceux-ci seraient plus suivis en PMI, les mères en difficulté pourraient être mieux accompagnées, etc.). J’aimerais évoquer un article écrit par une sage femme dans la revue de l’Association Nationale des Sages-Femmes Libérales, qui m’a beaucoup intéressé car il fait écho à certains sentiments ou attitudes que je peux avoir. Elle raconte le suivi qu’elle a fait d’une femme d’origine africaine qui vivait en France depuis plusieurs années et y avait déjà accouché: « On a parlé naissance, j’ai essayé de voir si elle avait des désirs et quand j’ai évoqué la possibilité d’accoucher dans une autre position que celle qu’elle connaissait (en l’occurrence accroupie), elle m’a transpercé de son regard effaré et m’a juste demandé « comme une sauvage, par terre ?? » ». Cette histoire montre bien la force de certains préjugés lorsqu’il y a rencontre interculturelle. Cette sage-femme souhaitait proposer un suivi personnalisé à cette mère et pensait que celle-ci souhaiterait peut-être accoucher comme elle imaginait qu’on faisait dans son pays d’origine. J’avais exactement les mêmes présupposés lorsque j’ai commencé ce travail et cela nous montre bien à quel point il est indispensable de prendre le temps d’écouter les réels besoins des patientes afin d’éviter de leur proposer une prise en charge inadaptée et parfois même violente ou impudique pour elles. 35/47 Pour finir, il est nécessaire de préciser qu’avoir une compétence culturelle ne veut pas dire avoir une compétence clinique ! Il est possible d’avoir une bonne compétence culturelle (savoir-être) mais ne pas être un bon médecin (savoir-faire) et vice versa. En discutant de façon informelle avec des femmes françaises, certaines ont évoqué un sentiment de solitude et d’incompréhension important entre elles et l’équipe soignante, dû souvent à un manque de communication, mais aussi parfois, selon elles, à un manque de prise en compte de leur ressenti. Il est nécessaire de ne pas oublier le cadre de l’accouchement, et la réalité de ce qu’il se passe dans les structures où les soignants peuvent manquer de temps pour proposer un suivi personnalisé. 3.2.6 La question de l’acculturation L'acculturation est « l’ensemble des changements culturels résultant des contacts continus et directs entre deux groupes culturels indépendants » (Redfield, Linton et Herskovits - 1936). Comme nous l’avons compris cette année, l’acculturation entraîne par conséquent des modifications dans les représentations culturelles de l'un ou des deux groupes et au niveau individuel, chacun va s’approprier une nouvelle culture. Il est facile d’observer à quel point la majorité des femmes rencontrées ont modifié leurs modèles culturels d’origine en assimilant à part entière les pratiques de naissance françaises. Non seulement elles les acceptent mais en plus ces pratiques les rassurent et elles les requièrent (péridurale, accouchement très médicalisé, etc.). Cela dit, elles ne renient en aucun cas certaines pratiques de leur pays, comme les massages pendant le travail ou bien la présence des femmes lors de la naissance par exemple. Dans l’acculturation en effet, l’individu reconnaît qu’il appartient à son groupe d’origine, mais également à la société d’accueil. C’est ce que nous pouvons qualifier d’adaptation idéale, car il y a intégration tout en respectant les différences culturelles. Remarquons que, quasiment toutes les femmes rencontrées vivent en France depuis longtemps, certaines sont mariées à un Français, quasiment toutes parlent couramment français et la majorité exerce une activité professionnelle, ce qui peut faciliter le processus d’acculturation. 36/47 Un autre point particulièrement intéressant peut se dégager de cette réflexion. L’immigrant peut être acculturé, mais également l’individu de la culture d’accueil qui est à son contact. C’est l’« acculturation réciproque », et nous pouvons l’observer dans cette étude. En effet, lorsque nous entendons le souhait des sages-femmes d’apprendre de nouvelles techniques de positions d’accouchement, nous pouvons parler d’acculturation. Aujourd’hui les positions accroupies ou à quatre pattes semblent « à la mode ». Elles sont, selon les professionnels de la naissance, physiologiquement plus adaptées au bien-être de la mère et de l’enfant que la position allongée, qui est pourtant la position encore couramment utilisée en France. Ces positions accroupies et à quatre pattes, par exemple, sont depuis longtemps pratiquées dans de nombreux pays d’Afrique. De plus, dans certains pays, les femmes sont très actives pendant l’accouchement et ceci est de plus en plus recommandé en France afin de faciliter le travail et gérer la douleur. Cela représente un changement important dans notre pays où la passivité des parturientes a, ces dernières années, semblé importante dans les accouchements (allongées, « attachées » au monitoring, etc.). Il semble que la société revienne vers ce que certains appellent des « accouchements naturels » et il est évident que certaines pratiques de ce nouveau modèle d’accouchement proviennent directement de nos voisins. Nous ne rentrerons pas dans le détail de ces pratiques de soins envers les nouveau-nés, mais de la même façon la nouvelle mode du portage des bébés en écharpe et des massages aux nourrissons ont sans aucun doute été empruntés à nos voisins africains chez qui ces pratiques existent depuis longtemps. Les bienfaits de celles-ci sont maintenant reconnus en France pour des raisons physiologiques, mais également afin de faciliter la création du lien mère-enfant. 3.3 Perspectives et recommandations Dans toute rencontre, il y a négociation et dans le cadre des pratiques de soins les différents acteurs se doivent de confronter leurs modèles et de 37/47 négocier afin d’atteindre l’objectif commun qui est de permettre le bien-être de la personne. Dans notre discussion, il s’agit de mettre un bébé au monde dans les meilleures conditions pour la mère et pour l’enfant. Mais dans toute négociation, il peut y avoir dominance d’un des deux acteurs de la relation. Dans notre cadre, c’est l’équipe soignante qui peut paraître dominante mais l’on voit également dans les paroles des sages-femmes que cela peut être lié à la peur de se laisser déborder par l’Autre, sa culture, ses représentations, et de perdre le contrôle. Il n’est bien évidemment pas question de rejeter le modèle biomédical mais plutôt de réfléchir à la possibilité d’atténuer ses tendances universalistes. J’ai eu accès à quelques informations sur Nancy Scheper-Hughes qui parle du savoir biomédical comme étant « oppressif » et qu’il faudrait déconstruire. Je n’ai pas trouvé le temps d’aller plus loin sur ce point, mais j’espère pouvoir le faire dans un travail ultérieur. Grâce aux entretiens réalisés, par toutes les lectures que j’ai pu faire et par les discussions informelles que j’ai eues avec des femmes ayant accouché (peu important l’origine culturelle), j’ai pu voir que les relations soignantssoignés étaient complexes car elles soulèvent de nombreuses interrogations de part et d’autre et mettent en lumière toutes les différences de représentations qu’il peut exister entre les différentes cultures que nous avons évoquées plus haut. Afin d’améliorer ces relations, il est nécessaire que les soignants prennent le temps de comprendre le patient et de prendre en considération non pas uniquement le « Disease », mais également l’ « Illness » et le « Sickness ». La communication pourrait sûrement être améliorée, pas seulement en termes de traduction de langue, mais de communication globale incluant également le non verbal. Nous avons vu que la traduction dans les hôpitaux se fait parfois de façon désorganisée. Proposer une formation à l’interprétariat et à la médiation culturelle en maternité permettrait d’améliorer grandement la communication. 38/47 Aujourd’hui, certains services hospitaliers tels que les maladies infectieuses ou les centres de dépistage du VIH ont la possibilité d’avoir recours à la médiation interculturelle. Ce service existe-il au sein des maternités ? De plus, il est nécessaire que le soignant puisse se poser la question de la place de sa propre culture, de sa religion et de son origine sociale dans sa relation au patient (l’anecdote de la femme musulmane partant accoucher ailleurs et la réaction vive de Marie en est un bon exemple). En discutant avec les sages-femmes, il est clair qu’elles sont en demande de formations qui leur permettraient de mieux comprendre les représentations culturelles et de mieux prendre en charge des personnes d’origine étrangère. La question de la langue n’est pas le seul point à régler, même si ce sujet revient constamment, comme peut être un moyen de ne pas se poser de questions plus complexes et déstabilisantes. Ces sages-femmes sont en demande de proposer un soin « culturellement approprié » afin de mieux respecter les parturientes (on voit à quel point elles peuvent être démunies si elles ont l’impression d’avoir pris en charge ces femmes de façon inadaptée). Il faudrait en effet que les soignants puissent « élargir leur cadre conceptuel et clinique par la formation continue » (Rachid Bennegadi 1996). Il est nécessaire de ne pas tomber dans le piège du «tout culturel» mais de sensibiliser les soignants à une approche plus appropriée de l’Autre. Il est intéressant de constater que la réciprocité peut également s’observer dans notre culture à l’heure actuelle par l’intégration et l’acceptation de nouvelles pratiques et de nouveaux modèles de soins. Il pourrait être utile de proposer aux soignants différentes alternatives pour la prise en charge de la grossesse et de l’accouchement, et d’aller chercher dans d’autres cadres culturels des pratiques efficaces pour le bien être materno-infantile. Enfin, en santé publique la naissance est un évènement extraordinaire qui permet une première rencontre avec des femmes récemment arrivées en France ou n’ayant encore eu aucun contact avec le système de soins 39/47 français. C’est la raison pour laquelle une prise en charge adéquate dès le début permet de toucher le plus de femmes possible et par là de familles (les femmes sont bien souvent la porte d’entrée vers le reste de la famille) et d’offrir un suivi médical et psychosocial dès que possible. Si la rencontre ne se fait pas bien, le risque que ces femmes ne s’inscrivent pas dans le système de soins français et s’isolent est fort. Rappelons que les femmes en exil ont plus de risques d’être en situation précaire. Elles sont séparées de leur entourage (comme nous l’avons vu, dans le cadre de la grossesse et de l’accouchement cela peut être un facteur de vulnérabilité et de fragilisation fort), elles ne parlent pas toujours la langue ou ne travaillent pas, et l’isolement et la solitude peuvent être extrêmement importants et influer sur la relation mère-enfant et par la suite sur le développement de celui-ci. Par conséquent, et c’est ce que propose Violaine avec l’entretien du 4 e mois, il est indispensable dès le début du suivi de grossesse, de prendre en compte le mieux possible l’histoire personnelle des patientes, d’écouter les représentations qu’elles ont de la naissance, les besoins qu’elles pourraient exprimer et d’enclencher à ce moment-là une relation de confiance. 40/47 CONCLUSION Ce travail m’a énormément intéressé par les problématiques soulevées et que j’ai pu investiguer au fil de ma réflexion. J’avais commencé un travail très centré sur une approche culturaliste pour petit à petit m’en décentrer et réfléchir à la relation soignant-soigné et plus globalement à la relation à l’Autre dans un contexte interculturel. L’anthropologie médicale clinique m’a très concrètement donné des outils pour mieux comprendre ce qui se joue dans cette rencontre. Malgré les différences culturelles, que ce soit au sens profane ou professionnel, les représentations sont variées, mais il est possible de dépasser ces différences afin d’enrichir nos pratiques. Dans le cadre de l’accouchement, j’ai le sentiment que les structures françaises n’offrent pas encore suffisamment de place à des pratiques différentes du modèle biomédical, mais que les soignants semblent en demande d’ouvrir de nouvelles perspectives et d’adapter au mieux leurs pratiques aux besoins des femmes. De plus, l’acculturation réciproque observée me semble très prometteuse pour une amélioration de cette offre de soins d’autant plus importante que la grossesse est un moment clé pour prendre en charge des populations en exil et en situation potentiellement précaire. Ce travail reste limité et j’aurais aimé aller plus loin dans cette réflexion. Il m’a cependant permis de réfléchir à ma pratique passée et actuelle, et j’espère avoir l’opportunité dans le futur de poursuivre cette étude. J’aimerais également aller plus loin dans le champ de l’anthropologie médicale et réfléchis actuellement à poursuivre des études dans ce domaine. 41/47 BIBLIOGRAPHIE ARTICLES ADOHANE T. « L'Enfant, sa Famille et l'Exil ». In : Cultures en Mouvement, 1998, n° 13 ADOHANE T. « Parentalité d’exil : naissance à venir d’un enfant « porte-parent » et « fondateur de lignée » ». 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Guide d’entretien pour une femme ayant déjà eu un enfant en France - Grossesse : Pouvez-vous me raconter comment s’est passée votre grossesse en France ? Y a-t-il des choses pendant le suivi de grossesse qui vous ont angoissée ou mise mal à l’aise ? - Accouchement : Pouvez-vous me raconter comment s’est passé votre accouchement en France ? Avez-vous ressenti des difficultés/angoisses particulières pendant l’accouchement ? Comment décririez-vous la relation que vous avez eue avec les soignants ? - Postpartum : Pouvez-vous me raconter comment se sont passés les 1ers jours après la naissance ? 45/47 Comment vous êtes-vous sentie globalement après la naissance ? Si vous avez eu un enfant dans votre pays et un enfant en France, globalement qu’est-ce qui vous a le plus manqué en France ? Questions à une femme enceinte au moment de l’entretien - Grossesse : Pouvez-vous me raconter comment se passe votre grossesse ? Éprouvez-vous des difficultés particulières ? - Accouchement : Comment imaginez-vous votre accouchement ? Avez-vous des appréhensions particulières ? - Post partum : Comment imaginez-vous les 1ers jours à la maternité après la naissance ? Avez-vous des inquiétudes particulières ? Questions aux soignantes Pouvez-vous me parler de votre parcours de sage-femme ? Pourriez-vous me raconter un suivi de femme française puis celui d’une femme d’origine étrangère ? Avez-vous remarqué des différences, et si oui lesquelles ? Globalement, que pensez-vous de la prise en charge de ces femmes dans nos structures françaises et que pourrions nous améliorer ? 46/47