Les blogs

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Les blogs
Février 2006
à la une.
Département Propriété intellectuelle / NTIC / Médias
Tout le monde en parle ! Même les hommes politiques ont le leur : les blogs, mot original dérivé de la
contraction des termes « web » et « login », soit « weblog », sont bel et bien devenus le dernier outil de
communication à la mode. Notre Une leur consacre sa première page du mois. Bonne lecture à vous !
Blogs : la loi informatique et libertés
s’applique mais ils sont dispensés de
déclaration à la CNIL
Les blogs, ces sites web personnels inspirés des journaux intimes de
notre enfance qui connaissent un succès phénoménal auprès des
internautes, sont des espaces d’expression permettant à tout à chacun
de faire connaître ses aventures, ses opinions ou encore ses œuvres au
public.
Bien entendu, l’actualité nous l’a rappelé, les blogs ont leurs vertus, mais
ils peuvent également être le vecteur de propos diffamatoires,
d’incitations à la haine raciale, de contrefaçon ou encore
d’encouragement à la commission d’infractions de tout genre. Or, les
blogs n’échappent pas à la loi.
Mais ce qu’ignore souvent le « blogger », ou éditeur de blog, c’est qu’il
sera certainement amené, dans le cadre de l’exploitation de son blog, a
effectué des collectes et traitements de données personnelles. Mais estil réaliste d’imposer à tout éditeur de blog de se conformer à l’intégralité
des dispositions de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978 ?
• Cadre juridique et recommandations de la CNIL
La loi Informatique et Libertés impose que tout traitement automatisé de
données à caractère personnel, parmi lesquelles figurent les adresses
de courrier électronique, fasse l’objet d’une déclaration auprès de la
CNIL.
Or, comme l’a justement souligné la CNIL, nombre de blogs permettent
d’une part, la collecte de données à caractère personnel (étant rappelé
que la plupart des blogs sont interactifs, en cela qu’ils permettent aux
internautes visitant le blogs d’ajouter des commentaires), et d’autre part,
la diffusion de données à caractère personnel (par exemple des noms et
photographies de proches identifiables). Ces utilisations constituent des
traitements, en principe soumis à déclaration.
Face au nombre croissant de ces sites, la Commission a préféré adopter
une approche pragmatique.
En effet, aux termes d’une délibération du 22 novembre 2005, la CNIL a
décidé de dispenser de déclaration les sites web diffusant ou collectant
des données à caractère personnel mis en œuvre par des particuliers
dans le cadre d’une activité exclusivement personnelle (Délibération
n°2005-284 du 22 novembre 2005, J.O. n°293 du 17 décembre 2005).
Désormais, certains éditeurs de blogs ne seraient donc plus soumis à la
l’obligation de déclaration préalable de leur site, mais cette souplesse
n’est pas pour autant sans contrepartie.
En effet, les sites web de particuliers diffusant ou collectant des données
personnelles dans un cadre privé, tels que les blogs purement
personnels sont évidemment visés par ce texte.
En revanche, les blogs mais aussi tous les sites personnels à orientation
professionnelle, politique ou associative en sont exclus.
• Des principes de base à respecter
Quelques règles de fond résultant de la loi du 6 janvier 1978 modifiée en
août 2004, doivent toutefois être respectés, car le contenu de certains
blogs – et notamment ceux centrés sur la publication d’opinion – sont
susceptibles de porter atteinte à la vie privée des personnes.
La première de ces règles consiste en l’obtention de l’accord préalable
de toute personne dont les informations ou photographies la concernant
seront publiées.
Les droits des personnes au regard de l’utilisation des données à
caractère personnel les concernant doivent être maintenus, ce qui inclut
le droit d’accès, de rectification, ou encore d’opposition.
La deuxième règle concerne l’accès restreint aux blogs liés au cercle
familial ou amical. En effet la CNIL recommande à ceux qui créent ce
type de sites personnels d’en limiter la diffusion afin que seules les
personnes concernées puissent les consulter.
Troisième règle : la mise en place d’un accès restreint en raison des
risques de captation d’images (photographies, vidéos) des mineurs pour
les blogs diffusant ce type de données. Ainsi, l’accord et l’autorisation
expresse du parent ou responsable légal est nécessaire avant toute
diffusion d’images de mineurs.
Enfin, il est rappelé que les personnes auprès desquelles sont recueillies
les informations doivent être informées de la finalité de cette collecte,
des destinataires des données et de l’existence d’un droit d’accès, de
rectification et d’opposition.
La durée de conservation doit être proportionnée à l’objet du site et la
transmission des données collectées à des tiers ne peut s’effectuer que
dans le cadre d’activités privées, après que la personne concernée en a
été informée et a été mise en mesure de s’y opposer.
La Commission insiste sur le fait que les données dites sensibles, sur la
santé, les orientations sexuelles ou politiques par exemple, n’ont pas
vocation à être diffusées à partir d’un site Internet.
Les auteurs de blogs et les commentateurs, en leur qualité d’éditeur et
d’hébergeur de contenus, ne sont donc pas à l’abri d’une action
judicaire, comme en témoigne en janvier dernier l’interpellation de
plusieurs « blogueurs » pour incitation à la violence : l’auteur a été
condamné à six mois de prison avec sursis, et le commentateur à six
mois de suspension de permis (TC Arras-20 janvier 2006). De même, la
municipalité de Puteaux a récemment porté plainte contre l’auteur du
blog « MonPuteaux.com » pour avoir cité et commenté un article du
Parisien mettant en cause le Maire à propos d’attribution de marché
public.
Comme l’a souligné le Forum des droits sur Internet en novembre 2005,
le blog est un « outil qui projette son auteur sur la place publique avec
toutes ses conséquences ». Espérons que la nouvelle dispense de
déclaration auprès de la CNIL ne fera pas oublier aux « bloggeurs » (si
besoin en est !) les exigences de la loi Informatique et Libertés.
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Nom de domaine et marque : une coexistence difficile
Plusieurs arrêts rendus par la Cour de Cassation au cours de
l’année 2005 ont apporté les éclaircissements nécessaires sur la
relative protection des marques et des noms de domaine en France.
« La notion de nom de domaine, spécifique à l’Internet, est
totalement distincte de celle de marque », c’est ce qu’affirmait la
chambre criminelle de la Cour de Cassation dans un arrêt du 6
septembre 2005. Selon elle, alors qu’une marque est un signe
apposé à un produit ou accompagnant une prestation de service, le
nom de domaine a pour seul but de situer un site sur un réseau
grâce à une suite de lettres, plus facile à mémoriser qu’une suite de
chiffres.
Ainsi, les dispositions protectrices du Code de la Propriété
Intellectuelle relatives au droit des marques ne concernent que des
marques enregistrées auprès de l’INPI. Les noms de domaine qui
ne correspondent pas à des marques déposées ne sont donc pas
protégeables.
En conséquence, pour bénéficier d’une protection plus sûre des
noms de domaines associés à une marque, force est de constater
qu’un minimum de trois enregistrements sera nécessaire, tant
auprès de l’INPI, que de l’OHMI et l’OMPI : 1. « marque », 2.
« marque.fr » et 3. « marque.com ».
Plus récemment, la Cour de Cassation a réaffirmé ces règles du
droit des marques dans un arrêt du 13 décembre 2005 relatif à un
litige nom de domaine/marque : un nom de domaine ne peut
contrefaire une marque que si celui-ci est identique ou similaire à
une marque et seulement si le nom est exploité pour des produits et
services identiques ou similaires. Dans cette espèce une société
Soficar ayant déposé le nom de domaine « locatour.com » n’a pas
été jugé contrefactrice de la dénomination « Locatour » enregistrée
à titre de marque (pour désigner des services de voyages et des
services de télécommunications) et dont les services faisaient par
ailleurs l’objet d’un site Internet sous le nom de domaine
« locatour.fr ». La Cour de Cassation s’est exclusivement fondée
sur l’absence de similarité des produits exploités par les deux
sociétés, et pour cause, le site Internet litigieux « Locatour.com » ne
proposait aucun produit ni aucun service, le site n’étant tout
simplement pas exploité.
Il résulte de ce qui précède que le titulaire d’une marque, même
déposée en classe 38 (services de télécommunication), ne peut
s’opposer à l’enregistrement d’un nom de domaine reproduisant sa
marque si les produits et services proposés sur ce site ne sont pas
identiques ou similaires. Pourtant, en exploitant un service de
télécommunication, le titulaire du nom de domaine ne contrefait-il
pas la marque déposée en classe 38 ? Non nous dit la Cour de
Cassation (la Cour d’Appel de Paris avait répondu par l’affirmative),
l’étude de l’identité ou de la similarité porte sur les produits et
services proposés par le site, et non sur l’existence d’un service de
télécommunication en lui-même.
La décision laisse donc supposer que la seule réservation d’un nom
de domaine n’est jamais constitutive d’une contrefaçon si aucun
produit ni service n’y est proposé. Cette délimitation stricte de
l’action en contrefaçon est cohérente avec les textes. Les victimes
de cybersquatting, car il s’agit précisément de cela, n’ont donc
d’autre recours que celui fondé sur la concurrence déloyale et/ou le
parasitisme.
Le « typosquatting » lourdement sanctionné
L’affaire était surprenante : près de 4.500 noms de domaine imitant
des marques, noms commerciaux ou noms de domaines existants
avaient
été
frauduleusement
réservés
par
la
société
luxembourgeoise EuroDNS et par son représentant français.
Alors que l’AFNIC décidait de bloquer les URL correspondant à ces
noms de domaine, le TGI de Versailles avait ordonné le transfert
des noms de domaine ainsi réservés aux sociétés spoliées
(notamment wwwfree.fr ; freee.fr ; freeadsl.fr et adslfree.fr, pour la
société FREE), par ordonnance de référé du 14 novembre 2004.
Reste que sur le fond, ni la société EuroDNS, ni son représentant
Laurent N., un commerçant individuel exerçant sous le nom
commercial EuroDNS France, n’avaient été condamnés au
paiement de dommages et intérêts au bénéfice des titulaires de
marques.
Une explication s’impose : le « typosquatting » consiste à réserver
des noms de domaine se différenciant, par quelques lettres
seulement, de noms de domaine ou de marques antérieures, de
préférence très appréciés du public. Le but étant d’attirer les
internautes tapant trop rapidement ou sans l’attention nécessaire
l’adresse du site qu’ils souhaitent visiter. Par exemple, celui qui
déposerait le nom de domaine « pdgd.com » ferait un bon
« typosquatteur », qu’un tribunal ne manquerait pas de sanctionner,
comme le démontre le jugement rendu par le TGI de Nanterre, en
date du 17 novembre 2005.
En effet, saisi par FREE pour obtenir réparation de son préjudice au
titre des actes de « typosquatting » sus mentionnés, le Tribunal a
considéré que ces actes – entraînant un risque de confusion pour
les internautes - emportaient contrefaçon par imitation des marques
« Free », ainsi qu’une usurpation de la dénomination sociale et du
nom commercial « Free », et enfin un détournement du nom de
domaine « www.free.fr » et de l’adresse « adsl.free.fr » (TGI de
Nanterre, 17 novembre 2005).
Les défendeurs soutenaient pour leur part qu’en leur qualité de
simples intermédiaires techniques, leur responsabilité ne pouvait
être engagée. Reste que l’enseigne EuroDNS France apparaissait
dans la base de donnée officielle (Whois) de l’AFNIC comme
« owner » des noms de domaine, et que son utilisateur ne pouvait
donc se prévaloir du statut d’intermédiaire technique. Pour le
Tribunal, il en était bien le titulaire.
Compte tenu du fait que les sites accessibles aux adresses
litigieuses comportaient des annonces publicitaires d’opérateurs
concurrents de FREE, ce qui aggravait encore son préjudice, le
Tribunal a condamné Laurent N. à payer à l’opérateur la somme de
100.000 Euros à titre de dommages et intérêts, à charge pour
EuroDNS de garantir son représentant français.
Le montant de cette condamnation, qui peut paraître élevé de prime
abord, aura le mérite de freiner les nuisances des
« typosquatteurs ».
Peer-to-peer : une décision inattendue
Un jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 8
décembre 2005 a prononcé la relaxe d’un internaute ayant mis à
disposition plus de 1.800 fichiers musicaux sur le logiciel de peer-topeer Kazaa.
La jurisprudence s’était déjà plusieurs fois fait le défenseur de la
copie privée en matière de téléchargement sur des sites de peer-topeer (s’agissant du download ). Aujourd’hui, le Tribunal a admis
que la mise à disposition de fichiers (en « upload ») protégés par les
droits d’auteur et droits voisins n’est pas condamnable sur le terrain
de la contrefaçon, dans la mesure où le logiciel Kazaa permet le
partage d’œuvres protégées mais aussi d’œuvres tombées dans le
domaine public, de sorte que l’internaute ne peut pas les distinguer.
L’absence de vérification des autorisations des ayants droit ne
caractérise pas, selon le Tribunal, l’intention coupable.
A ce titre, les magistrats affirment qu’aucune présomption de
mauvaise foi ne peut donc être retenue à l’encontre du prévenu, et
ce alors même que la condamnation pour contrefaçon ne nécessite
légalement pas la preuve de la mauvaise foi du contrefacteur.
Il semble que les magistrats n’aient pas attendu la fin des débats
sur le projet de loi DADVSI pour faire entendre leur voix…
P.D.G.B Société d’Avocats
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Julie JACOB
Benjamin JACOB – Charlotte GALICHET –
Audrey ZYLBERSTEIN
Les informations et opinions contenues dans cette lettre d’information ne prétendent pas à l’exhaustivité et ne peuvent pas se substituer
à un avis spécifique rendu au vu d’une situation particulière