Polycopi du Cours Echocardiographie Doppler
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Polycopi du Cours Echocardiographie Doppler
~ Échocardiographie - Doppler ~ 1 Échocardiographie - Doppler S. Lafitte, M. Lafitte, P. Réant, R. Roudaut C.H.U. de Bordeaux ~ Hôpital Cardiologique du Haut Lévêque Pessac ~ France Myocardiopathies Hypertrophiques Définition Les myocardiopathies hypertrophiques primitives se définissent par une hypertrophie anormale primitive avec une désorganisation cellulaire prédominant classiquement au niveau du septum. Épidémiologie Sur un plan épidémiologique, les études retrouvent 70% de formes sporadiques pour 30% de formes familiales. La transmission est de type autosomique dominante à pénétrance variable. Il est fortement probable que les formes familiales soient sous-estimées du fait de la pénétrance variable, responsable de formes asymptomatiques, non diagnostiquées. L'échocardiographie a permis une meilleure approche de cette maladie et donne une estimation de sa fréquence réelle de l'ordre de 20/100000 habitants. Anatomopathologie L'analyse anatomopathologique révèle une désorganisation myofibrillaire avec développement d'une fibrose intercellulaire. Cette déstructuration de la trame myocardique est principalement observée au niveau du septum inter ventriculaire. Son mécanisme intime demeure mal connu. Physiopathologie Sur un plan physiopathologique, l'hypertrophie ventriculaire gauche est principalement responsable d'une altération de la fonction diastolique avec une association de troubles de la relaxation et de troubles de la compliance. Il en résulte une augmentation de la pression télédiastolique du ventricule gauche. On observe également dans 1/4 des cas une obstruction sur la voie d'éjection du ventricule gauche. Cette obstruction entretient le processus d'hypertrophie ventriculaire. Tous ces phénomènes concourent au développement d'une ischémie dans les zones sousendocardiques. Formes Cliniques Nous retiendrons l'importante diversité des formes anatomique et fonctionnelle avec la prédominance des myocardiopathies hypertrophiques non obstructives (75% des cas). De même, il ne faut pas sous-estimer les formes asymptomatiques (plus de 50% des situations). Aspects Échocardiographiques Sur le plan échocardiographique, les myocardiopathies hypertrophiques sont caractérisées par 3 signes essentiels : - l’hypertrophie anormale, - la fonction systolique généralement augmentée, dite supra-normale, - et les troubles du remplissage, qui sont constants. ~ © 2010 DCAM ~ Université Victor Segalen Bordeaux 2 ~ France 1/6 ~ Échocardiographie - Doppler ~ 2 D’autres anomalies sont inconstantes, comme : - l’obstruction intra-ventriculaire, - et l’insuffisance mitrale. Hypertrophie pariétale Classiquement, on parle de myocardiopathie hypertrophique quand l'hypertrophie est supérieure ou égale à 15 mm. Mais, pour la majorité des patients le septum atteint déjà les 20 mm. Dans 12% des cas, l'hypertrophie est monstrueuse, au delà des 30 mm. Quand cette hypertrophie prédomine au niveau du septum, on parle d'hypertrophie septale asymétrique (HSA). Le rapport épaisseur du septum sur l'épaisseur de la paroi postérieure est supérieur à 1,5. Dans le cadre des enquêtes génétiques familiales, on choisit habituellement un rapport S/PP supérieur ou égal à 1,3 pour une meilleure sensibilité au dépend de la spécificité. Cette hypertrophie septale asymétrique est présente dans 95% des cas. La distribution des différentes formes anatomiques a été étudiée précisément par MARON, qui, en 1981, a identifié 4 types topographiques essentiels de myocardiopathies hypertrophiques. Le type 1 représente 21% des cas. Il est caractérisé par une hypertrophie à prédominance antéroseptale, soit la partie antérieure du septum. Le type 2 regroupe les atteintes de l’ensemble du septum. C'est la forme la moins fréquente avec 16% des cas. On notera l'aspect normal des parois latérale du ventricule gauche. Le type 3 est le plus fréquent avec 45% des cas. L’hypertrophie touche tout le septum ainsi que la paroi antérolatérale. Enfin, le type 4, moins fréquent, de l'ordre de 18%, est caractérisé par une atteinte focale du segment inféro-septal ou de la paroi latérale du ventricule gauche. On comprend facilement que cette dernière forme soit trompeuse, avec un TM strictement normal car explorant un septum antérieur normal. Il est donc impératif de rechercher l'anomalie en bidimensionnel sur la coupe parasternale petit-axe au moindre doute, en particulier s’il existe un souffle, une anomalie éléctrocardiographique ou des antécédents familiaux. La classification de MARON ne fait pas allusions aux formes apicales décrites au Japon par YAMAGUSHI dans les années 1980. Cette forme apicale est rare. Il faut y penser en présence d'anomalies ECG à type d'onde T négatives et géantes dans le précordium gauche, et penser à rechercher cette hypertrophie à l'échographie. Pour cela, le TM étant négatif, il est préférable d'employer des sondes de hautes fréquences pour l'analyse de la pointe en incidence apicale des 4 cavités. Ces formes sont, en général, non obstructives et peuvent en définitive être classées dans les types IV de la classification de MARON Fonction Systolique Supranormale La deuxième anomalie classique retrouvée dans les myocardiopathies hypertrophiques est une fonction systolique augmentée dite supranormale. En effet, on observe une hyperkinésie globale du ventricule gauche, à l'exception du bourrelet septal qui reste hypokinétique. Cette hypercontractilité générale se traduit par une augmentation de la fraction d'éjection. L'éjection ventriculaire est précoce si bien que 75% du débit est assuré durant le premier tiers de la ~ © 2010 DCAM ~ Université Victor Segalen Bordeaux 2 ~ France 2/6 ~ Échocardiographie - Doppler ~ 3 systole, mais le temps d'éjection est allongé. Ces éléments ont été vérifiés par MARON qui a comparé les flux aortiques entre des patients porteurs de myocardiopathie hypertrophique et des sujets sains. Ces derniers possèdent cette allure de courbe, avec une évolution progressive et un pic à 200 ms. A l'opposé, les courbes des patients atteints de MCH sont plus abruptes, avec un pic précoce, et d'autant plus qu'il s'agit d'une forme obstructive. Anomalies de Remplissage Le troisième dénominateur commun aux myocardiopathies hypertrophiques regroupe les anomalies de remplissage. Ces troubles sont fréquents et précoces. Ce sont principalement des troubles de la relaxation. Le profil de type 1 d'Appleton est caractérisé par un allongement du TRIV, une petite onde E, et une onde A ample. Puis, au cours de l'évolution chez les patients en règle plus âgé, apparaissent des anomalies de la compliance avec insuffisance cardiaque. Le flux de remplissage évolue vers un type II d'Appleton de type restrictif. On notera l'intérêt potentiel de l'étude du flux mitral et plus spécifiquement du Doppler tissulaire à l’anneau pour différencier l'hypertrophie pathologique de la MCH de l'HVG physiologique du sportif. Obstruction intra-ventriculaire Après avoir décrit les anomalies constantes des MCH, nous abordons maintenant la notion d'obstruction intraventriculaire, qui ne touche que 25% sujets atteints. Il faut d'abord retenir son caractère dynamique et variable, provocable par modification des conditions d'inotropisme ou de remplissage. Pour démasquer l'obstacle, on peut pratiquer des tests à l'isoprenaline (Isuprel) ou à la trinitrine. Les mécanismes de l'obstruction sont multiples et complexe. Ainsi, sont mis en cause : - l'hypertrophie septale asymétrique, responsable d'un rétrécissement fixe de la chambre de chasse du ventricule gauche, - la petite taille de la cavité ventriculaire, - l'hyperkinésie du VG, - enfin, des anomalies de texture et de positionnement de la mitrale. Deux localisations de l'obstacle sont possibles: - La plus classique, dont nous venons de citer les mécanismes, est sous-aortique. - L'autre localisation de l'obstruction, moins fréquente, est médio-ventriculaire. Enfin, des obstructions droites sont décrites, notamment chez l'enfant. Le rétrécissement de la chambre de chasse du ventricule gauche peut être analysé en TM et en Bidimensionnel: En TM, on mesure l'espace entre le point C qui correspond à la fermeture de la valve mitrale et l'endocarde septal gauche. Chez le sujet normal, l'espace CS est de 35 mm. Chez le sujet porteur d'une myocardiopathie proportionnellement à la sévérité de l'atteinte. hypertrophique, l'espace CS est diminué En bidimensionnel, on étudiera le rétrécissement de la chambre de chasse et l'importance de l'hypertrophie sous-aortique. Dès qu'il y a obstruction sous-aortique, il existe un SAM : celui-ci est défini par un mouvement antérieur systolique mitral abrupt dont la pente est supérieure à celle de la paroi postérieure. Plusieurs travaux en bidimensionnel, ont montré l'implication de tout l'appareil mitral dans l'origine du SAM : extrémité valvulaire, cordages, muscles papillaires antériorisés. ~ © 2010 DCAM ~ Université Victor Segalen Bordeaux 2 ~ France 3/6 ~ Échocardiographie - Doppler ~ 4 Le mouvement systolique antérieur de la valve mitrale peut être analysé de façon semi-quantitative en 3 grades : - Un SAM minime, incomplet avec persistance d'un espace libre entre le SAM et le septum de 10mm. - Un SAM modéré, complet mais bref avec un accolement de la valve mitrale au septum inférieur à 30% de la durée de la systole - Un SAM sévère qui correspond à un accolement prolongé systolique de la valve mitrale contre le septum septal. Comme POLLIK l'avait déterminé dès 1982, plus le contact est précoce et prolongé, plus le gradient est important. Une autre approche de l'obstacle intraventriculaire est l'étude des flux par Doppler, avec tout d'abord le Doppler Couleur, qui met en évidence un flux turbulent naissant au point de contact SAM/Septum, et qui se disperse dans la chambre de chasse. Ce flux est un flux d'obstruction intraventriculaire sur la voie d'éjection du ventricule gauche sous les valves aortiques. Mais la quantification de ce flux nécessite le recours au Doppler continu en incidence apicale et on observe alors cet aspect typique en lame de sabre, de vélocité maximale en télésystole. Ce schéma montrant les perturbations des écoulements dans la myocardiopathie hypertrophique explique la présence du flux en méso-télésystole. Comme nous l’avons souligné, l’obstruction est labile. C’est pourquoi, dans certains cas, il faudra savoir l’investiguer à l’effort et non plus sous Isuprel. En effet, les tests pharmacologiques sont abandonnés car ils ne reflètent pas la réalité physio-pathologique. Au contraire, l’échocardiographie d’effort est l’outil de prédilection pour appréhender l’obstruction au cours de l’effort et sa corrélation avec une éventuelle dyspnée d’effort. Le gradient d’obstruction pourra ainsi se détecter ou se majorer au pic de l’effort mais sera préférentiellement observé en phase de récupération. Il est à noter, également, quelques situations inverses où l’obstruction se réduira en per-effort, souvent en concordance avec l’absence de symptômes d’effort Insuffisance Mitrale Dernier élément du diagnostic positif : l'insuffisance mitrale. Elle est généralement fréquente et minime. Sur un plan anatomique, elle peut être favorisée par des feuillets mitraux anormalement longs, ou encore des calcifications de l'anneau mitral. Mais, l'insuffisance mitrale des myocardiopathies hypertrophiques possède aussi une origine fonctionnelle indiscutable, avec une grande variabilité durant les tests pharmacodynamiques. C'est le Doppler couleur qui permet une bonne visualisation de cette fuite, classiquement holosystolique, mais généralement méso-télésystolique, au maximum de l'obstruction. Par contre, les Doppler pulsé et continu peuvent être d'interprétation délicate, la direction de la fuite mitrale étant souvent parallèle au flux d'obstruction. Apport des nouvelles techniques Les nouvelles techniques viennent complémenter l’approche classique d’évaluation de la fonction cardiaque dans ce cadre des myocardiopathies hypertrophiques. En effet, en raison de l’architecture myocytaire, il existe une réelle dissociation en termes de contraction radiale et longitudinale. La contraction radiale reste souvent longtemps conservée comme le témoigne la fraction d’éjection normale ou supra-normale (compensatrice). A l’opposé, la contraction longitudinale peut être profondément altérée, comme le dévoile le Doppler tissulaire ou l’analyse des déformations. ~ © 2010 DCAM ~ Université Victor Segalen Bordeaux 2 ~ France 4/6 ~ Échocardiographie - Doppler ~ 5 Nous rappelons ici la valeur normale de la déformation longitudinale à -21% et le seuil pathologique au dessus de -17%. Diagnostics différentiels Hypertrophie septale asymétrique Le diagnostic différentiel des MCH conduit avant tout à discuter les autres causes d'hypertrophie septale asymétrique, qu'il faut différencier par l'anamnèse, la clinique et l'aspect écho-Doppler. 1) L'hypertrophie pariétale du sportif peut être d'interprétation délicate quand elle prédomine au niveau du septum inter-ventriculaire, cependant classiquement elle ne dépasse jamais 15 mm. L'étude du flux transmitral et des vélocités pariétales peut aider au diagnostic en montrant l'absence de trouble de la relaxation et la persistance du gradient de vélocité chez le sportif. Cependant si ces images sont associées à des symptômes ou des anomalies électrocardiographiques, il faut préconiser l'arrêt temporaire de l'activité sportive pour une durée de 6 mois. Dans le cas d'une HVG physiologique, on observera une régression de l'hypertrophie dans 80% des cas. 2) Rappelons que les nouveau-nés de mère diabétique présentent souvent un tableau de MCH qui régressera rapidement. 3) Chez certains patients, l'angle entre l'aorte et le septum a tendance à se fermer pour donner une coudure septale. Cet aspect de pseudo-bourrelet septal est à distinguer des hypertrophies septales vraies. 4) Enfin, il est décrit chez la personne âgée, un aspect de petit bourrelet septal, dont la physiopathologie n'est pas élucidée, mais qui est parfois associé à une HTA. Systolic Anterior Motion (SAM) Concernant le SAM, il faut le différencier du pseudo-SAM qui est un mouvement antérieur des cordages dans la pente, parallèle à la paroi postérieure. C'est un phénomène d'entraînement des cordages de la valve mitrale que l'on retrouve dans les syndromes hyperkinétiques. Flux d’obstruction Enfin, il faut savoir distinguer en Doppler un flux d'obstruction d'un flux d'insuffisance mitrale, de rétrécissement aortique, de CIV ou d'IT avec HTAP. Évolution Sur un plan évolutif, on distingue plusieurs formes avec tout d'abord, la MCH du nourrisson. Cette forme est exceptionnelle mais il faut la connaître car elle est souvent très grave, explosive et elle évolue inéluctablement vers l'insuffisance cardiaque. La forme de l'adolescent est plus fréquente et a été largement étudiée par MARON. Ainsi, cet auteur s'est aperçu que dans les familles de MCH, alors que l'examen échographique ne révélait pas d'anomalie dans l'enfance, il se produisait à l'adolescence, une croissance anormale du septum, qui aboutissait après la puberté à une véritable MCH. Une autre forme évolutive à connaître est celle qui, chez l'adulte, aboutit progressivement au tableau d'insuffisance cardiaque réfractaire. Cette évolution est caractérisée à l'échocardiographie par un amincissement pariétal, une dilatation relative de la cavité ventriculaire gauche, et une altération significative de la contractilité. On note également une diminution, voire la disparition du gradient, et l'apparition d'un profil restrictif typique. Cette insuffisance cardiaque réfractaire trouve son origine dans une fibrose extensive, qui sur un plan thérapeutique ne peut aboutir qu'à la transplantation. ~ © 2010 DCAM ~ Université Victor Segalen Bordeaux 2 ~ France 5/6 ~ Échocardiographie - Doppler ~ 6 Pour clore ce chapitre concernant les formes évolutives, nous évoquons la MCH du sujet âgé, qui est de découverte tardive, presque fortuite, après une longue période asymptomatique. Ces MCH sont accompagnées de calcifications de l'anneau mitral qui participe probablement à l'antériorisation de la valve mitrale. Ces formes, très fréquentes, sont souvent associées à une HTA, dont le rôle dans la genèse de la MCH n'est pas déterminé. Traitement et surveillance Les moyens thérapeutiques dans cette maladie sont décevants car uniquement symptomatiques. Le traitement est d'abord médicamenteux et comporte les bêtabloquants ou les inhibiteurs calciques à forte dose qui sont à préconiser chez les patients symptomatiques. En cas d’échec, une solution intermédiaire pourrait être la stimulation double chambre mais son efficacité a été remise en cause récemment. Parallèlement, plusieurs équipes ont récemment souligné l’intérêt de l’alcoolisation de la 1ère septale dans cette pathologie. Enfin, la quatrième modalité thérapeutique est la chirurgie avec myectomie, mais elle reste limitée aux formes rebelles ou lorsqu'il existe une IM importante. Concernant la surveillance, ce sont les symptômes qui priment avec toujours en mémoire le risque de mort subite d'autant plus fréquent qu'il s'agit de forme familiale et de sujet jeune. L'échographie de surveillance, recherchera une amélioration des troubles de la relaxation et une diminution de l'obstruction. Conclusion Au total, soulignons l'importance du diagnostic échographique des MCH avec ses 3 critères absolus et ses 2 anomalies inconstantes. Nous retiendrons plus particulièrement la classification unanime de Maron, la fréquence des formes asymptomatiques de découverte fortuite ou dans le cadre d'enquête génétique, et nous rappellerons la fréquence des formes atypiques : hypertrophie minime sans SAM, que l’échographie d’effort pourra aider à identifier en objectivant une obstruction dynamique. Enfin, l’analyse des déformations viendra complémenter l’étude de la fonction systolique souvent altérée dans sa composante longitudinale. ------------------------------------------------- ~ © 2010 DCAM ~ Université Victor Segalen Bordeaux 2 ~ France 6/6