jeux olympiques d`hiver
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jeux olympiques d`hiver
XVll es JEUX OLYMPIQUES D’HIVER Autour du grand cirque blanc des Lysgaardsbakkene, la lumière est doucement tombée, virant subrepticement du bleu au rose. Illuminé pendant tout ces Jeux, le stade de sauf ù ski, qui surplombe Lillehammer, en aura été l'enseigne, comme une marque de gloire au front de la ville olympique. Mais ce samedi 12 février, pour la cérémonie d’ouverture des es XVII Juex Olympiques d’hiver, il n’est toujours que le berceau d’exploits encore à venir. Authenticité, simplicité et féerie nordique Au gré de la brise du soir. porté par deux parachutistes, l’étendard norvégien survole les spectateurs qui en retour agitent gentiment des fanions aux mêmes couleurs. Echange de civilités retenues, tandis que, descendus des lointaines toundras septentrionales où ils vivent. une cavalcade de Sami en traîneaux tirés par des rennes mènent une ronde revigorante avant de s’effacer devant Nils-Aslak Valkeapää, le chanteur sami. Son yok aux accents hiératiques impose comme un voile sacré sur l’assistance. Le sceau de l‘authenticité s’imprime ici, sur la neige fraîche. (Suite p. 125) Ni l’une ni l’autre ne quitteront cette cérémonie d’ouverture, non plus que ces Jeux eux-mêmes. Mais d’autres rondes se forment. A mi-pente sous le tremplin, des bambins, en doudoune aux cinq couleurs, ondulent annelés pour ne pas geler. Nouvelle invasion de la piste. C’est la valse à mille temps des folklores norvégiens. Pendant que sur la pente les skieurs du Telemark se lancent dans de spectaculaires arabesques, paysans et paysannes. joues en pommes d’api, cheveux au vent. comme les crinières des lourds et vigoureux chevaux qui les tirent, skis au pied. viennent allègrement rendre les honneurs à leurs invités du monde entier au son des violons. On est très loin du folklore, au plus près du quotidien norvégien. Fraîcheur et franchise transparaissent ici comme des vertus cardiLe President du CIO accueille la famille royale. Scènes traditionnelles norvegiennes. DISCOURS DEM. GERHARD HEIBERG, PRÉSIDENT DU COMITÉ esD’ORGANISARTION, À L’OUVERTURE DES XVII JEUX OLYMPIQUES D’HIVER Au nom du Comité d’organisation des Jeux à Lillehammer, j’ai le plaisir et l'honneur d’accueillir nos voisins du monde dans la ville de Lillehammer. Une bienvenue toute spéciale aux athlètes hors pair de la glace et de la neige rassemblés ici aujourd'hui. C’est un moment de grande fierté pour tous les Norvégiens et j’aimerais remercier le CIO de nous avoir attribué ces Jeux. Au cours des seize prochains jours, nous verrons les résultats de la norvégien et la famille royale ainsi que le peuple norvégien pour toute l’aide et le soutien qui nous ont été donnés au cours de cinq dernières années et plus de préparatifs. Nous avons planifié ces Jeux en trois dimensions Les compétitions sportives en seront naturellement l’activité principale, mais nous avons également voulu mettre l’accent sur la dimension culturelle. Ce que nous avons introduit de nouveau est l’aspect environnemental. J’espère que vous verrez et sentirez les résultats de nos efforts dans ce sens. Nous voulons proposer au monde des Jeux Olympiques à la mode norvégrenne. Cela signifie un festival sportif mais aussi un festival populaire. Nous espérons que notre atmosphère olympique inclura la proximité et l’intimité entre les athlètes et le public, avec le plaisir d’être ensemble dans la nature, la joie et le fair-play. L’aspect humain est selon nous primordial. Toutefois, dans notre enthousiasme, nous ne devons pas oublier que la joie peut vite faire place à la peine. Il y a dix ans, Sarajevo accueillait les Jeux d’hiver, et nous savons quelle tragédie a frappé cette ville olympique depuis lors. C’est pourquoi, aujourd’hui, alors que nous sommes rassemblés ici à Lillehammer, nous tenons à transmettre nos pensées les plus chaleureuses et notre profonde sympathie aux habitants de Sarajevo, dont la vie a pris un tournant tragique et qui ont vu leur monde basculer soudainement dans des souffrances extrêmes. Nous espérons que ces Jeux Olympiques, cette grande fête sportive et populaire organisée dans notre pacifique pays, sauront provoquer un élan positif dans ce monde en constante évolution. Je laisse maintenant la parole à un grand ami des Jeux de Lillehammer, le Président du Comité International Olympique, Son Excellence Monsieur Juan Antonio Samaranch. nales. Au cceur des traditions, I’accueil est chaleureux, la dimension humaine. La parade du peuple annonce les traîneaux royaux, salués par une touchante ovation. Première famille du pays. le roi et la reine, le prince et la princesse, dans leurs atours de drap solide. leurs pulls et leurs chaussettes montantes aux jacquards ouvragés et bicolores, portent sur eux les qualités du pays. LES HÉROS DES NEIGES Autres princes de la fête, les athlètes font à leur tour leur entrée. Précédés d’une bienvenue clamée dans leur langue par une bouche enfantine, les 125 Grecs viennent en tête. puis l’alphabet y perd son latin. En norvégien, la Turquie passe avant la Hongrie. la Grande-Bretagne suit l’Espagne tout de suite après la... Slovénie et l’Autriche précède juste la Norvège qui ferme la marche. acclamée par près de quarante mille spectateurs massés sous une couche uniforme de plastique immaculé mais peu isolant. La foule est magnanime qui réserve aux petites délégations ses plus forts applaudissements. A celle. pour commencer, de Bosnie-Herzégovine. échappée du siège infernal de Sarajevo avec son porte-drapeau, le skieur de fond de dix-neuf ans Bakim XVII es JUEX OLYMPIQUES D'HIVER Babic. Plus réduite encore, la fameuse équipe jamaïcaine de bobsleigh ou l’unique participant du Sénégal, de Fidji, d’Israël dont c’était la première apparition aux Jeux d’hiver. Pour d’autres aussi: les Samoa américaines. Trinité-et-Tobago, c’est la première tournée dans un stade olympique de neige. Pour cinq des républiques issues de l’ancienne URSS, c’est la première fois sous leurs propres couleurs. Dans cette succession de délégations, certaines alignent leurs bataillons avec assurance: les Canadiens portent en cape le rouge national sur leurs épaules, mais n'èclipsent pas pour autant les rutilantes combinaisons des Italiens; qui ne peuvent s’empêcher de se prendre en photo, au prix de l’ordonnancement général. Les Français, hormis leur duffle-coat de jour de classe, chocolat au lait, chocolat blanc, ne sont guère plus sag e s , e n témoignent quelques tentatives de vagues mal à propos. Plus sophistiqués: les longs manteaux couvrants des Roumains, chocolat noir cette fois, ceux vert sapin, de saison. des Lettons et blanc cassé des Estoniens. Assauts d’elégance de jeunes premiers timides. Rappel exubérant du folklore national, les ponchos mexicains, sur les combinaisons de ski, font des taches bariolées sur la neige. Ils ne sont pas les seuls. Lassés sans doute du blanc alpin, les Suisses aussi ont opté pour le mélange de couleurs vives, mais ils n’ont pas pris la peine de passer un manteau de ville sur leurs tenues de ski. Et le contraste est fort après le passage des Britanniques. chapeautés et gantés, sacs pour les dames. Chics et classe également, les Allemands avec un soleil sur fond d’argent. Elargissant le cercle de la participation, les Japonais, qui ont opté pour une toque à pompons d’un impérial bleuléger. sont comme les Coréens venus très nombreux. Et, parmi les représentants de l’hémisphère Sud, les Néo-Zélandais portent la plus improbable des vestes. vertes et noires, bandes bleues et blanches. La troupe a pris ses quartiers sous le 126 cône qui dans un instant recevra la flamme. C’est le moment des discours: «Nous voulons vous présenter les Jeux à la facon noruégienne» déclare Gerhard Heiberg. Et l’émotion perce brutalement, quand le Président Juan Antonio Samaranch vient rappeler qu’il y a dix ans c’est à Sarajevo qu’était rassemblée la jeunesse du monde dans une ville olympique multiethnique ouverte à toutes les cultures, toutes les religions. «Notre message est plus fort que jamais. Arrêtez le combat, arrêtez de tuer. Baissez les armes» a lancé le Président sous les applaudissements, avant de demander à la foule, geste sans précédent dans l’histoire olympique, de se lever pour observer une minute de silence en signe de solidarité. Conformément à la tradition, le Président Samaranch a ensuite prié le roi Harald de bien vouloir proclamer l’ouverture des XVII” Jeux d’hiver. Le souverain, grand. droit. un peu sévère. s’est exéc u t é e n norvégien avant qu’explosent les trompettes de sa garde personnelle, qui plus tard mouchetteront la neige, noir sur fond blanc, dans un quadrille du plus bel effet. Portée par quelques-unes des nombreuses gloires sportives norvégiennes, d’hiver et d’été puisque Grete Waitz en était, la bannière olympique fait son entrtée. Blanc sur blanc, les anneaux éclatent dans le stade qu’ils traversent. tandis que le choeur des enfants entonne l‘hymne olympique sur un tempo de marche solennelle qui l’accompagnera jusqu’au mât dans les hauteurs des gradins. La voix magistrale de Sissel Kyrkjeboe, la vedette des Norvégiens. grand succès de la saison avec la chanson des Jeux, prend alors le relais, seule sur la piste. LA FLAMME SUR LE TREMPLIN Les trompettes de la garde royale ne laissent pas de répit. le rythme s’acce lère avec l’apparition sur l’écran de la flamme olympique. La foule s’agite. Elle arrive! Ce sont les derniers mètres, à l’abri d’une tranchée de neige passer le dernier relais au prince Haakon. En petites foulées, le prince heritier gravit l’ultime volée d’escalier au milieu des athletes, s’arrête, pivote et brandit fièrement la torche une dernière fois à la foule, qui bon public retient son souffle une nouvelle fois, avant de l’abaisser lentement et d’enflammer la vasque. En écho éclate un concert de tapements de pieds en signe d’exultation et pour se réchauffer. Les drapeaux nationaux font mouvement vers le centre de l’arène pour la La flamme descend le tremplin. Leprince héritier enflamme la vasque dernière formalité de l’ouverture, non des moindres, le serment des athlètes. C’est à Vegard Ulvang, le skieur de fond, triple médaille d’or et médaille d’argent à Albertville, héros sincère, farouche et généreux en qui se reconnaît tout un peuple, qu’a été confié l’engagement des 1884 concurrents. Vegard dit la phrase avec sérieux puis laisse le micro à la juge qui s’engage pour les arbitres. Les Jeux peuvent commencer. sur le versant de la montagne autour du tremplin les sapins scintillent de mille lumières qui viennent réchauffer l’épaisseur de la nuit. Sous un ciel d’encre s’élève, docile. une nouvelle génération de colombes. oiseaux des temps modernes en plastique biodégradable. A défaut d’aurore boréale. pourtant possible selon les services météo, un jeu d’ombres et de lumières imprime sur la pente enneigée des formes inspirées. LA FÉERIE DES TROLLS Dans l’intimité de la neige qui se fait poudreuse, surgit soudain la voix maternelle de Liv Ullmann. L’actrice norvégienne a repris le micro au présentateur des solennités, notoriété norvégienne lui aussi puisqu'il s’agissait du navigateur Thor Heyerdahl, que l’epopée du Kon-Tiki rendit célèbre. Pendant les quinze avant d'être présentée au sommet du tremplin. Roulements de tambours, c'est le moment de l'exploit: Stein Gruben, le sauteur vétéran, doublure de Ole Gunnar Fidjestoel - lequel a dans un saut de routine qui coupe quand même le souffle dans les gradins avant que d'exploser dans les vivats à l'atterrissage. Aprés Albertville, où elle était tirée à l'arc, l'image de cette flamme portée dans les airs fera le tour du monde. Gruben confie son précieux fardeau à Catherine Nottingnes, jeune skieuse de fond de Bergen presque aveugle qui se lance à ski dans un tour d'honneur avant de 127 XVII es JEUX OLYMPIQUES D’HIVER jours qui vont suivre, on retrouvera chaque soir sa voix chaleureuse de patriarche à la cérémonie des médailles où il proclamera les vainqueurs. après avoir scandé haut et fort la devise olympique en norvégien. en anglais et en français. Mais pour l’heure c’est le moment du conte avant d’aller dormir. Place à la féerie des légendes nordiques. Au son de la corne. se réveillent les «Vetters». Invisibles aux humains. lutins et trolls subrepticement et au hasard crèvent la croûte blanche pour contempler la nuit. En voici un, puis un deuxième qui fait signe à un autre à l’autre bout de la piste. Ils s’enhar- dissent, redoublent de facétie, petit à petit. envahissent les lieux aux accents charmants de la conteuse. Tout le monde suit l’histoire. C’est l’histoire du monde et de sa jeunesse qui se retrouve tous les quatre ans. Elle prend un tour beaucoup plus sportif, beaucoup plus fou encore quand tous ces gentils elfes dévalent la pente. Mais le conte n’est pas là pour endormir. il a sa morale. Toutes ces petites créatures venues de leurs sages montagnes, ces esprits bienfaisants des forêts ont formé le cercle de la plénitude et de la sagesse. Et dans cette forme parfaite apparaît I’ceuf d’où émergera bientôt sous les secousses des cinq continents la colombe improbable, la fleur de la vie menacée dont la protection appartient à la jeunesse. Liv Ulmann referme le livre. Les images se figent, mais tout s’éclaire: dans les brefs éclats du feu d’artifice passe le message: bienvenue aux Jeux de la paix. DENIS ECHARD 128