Rapport de fin de séjour – Explo`Ra Antananarivo – Madagascar

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Rapport de fin de séjour – Explo`Ra Antananarivo – Madagascar
Rapport de fin de séjour – Explo’Ra
Antananarivo – Madagascar
(Janvier 2016)
Bourse de mobilité internationale étudiante de la Région
Rhône-Alpes
Wintzer-Wehekind Léonard
Université Jean Monnet
Saint-Etienne
Dès ma deuxième année de médecine, j’ai souhaité partir faire un stage à l’étranger afin de
prendre du recul sur notre médecine occidentale et également vivre une autre conception de la
Santé.
En 4ème année, j’ai débuté mon externat et j’ai pris connaissance au sein de ma faculté de la
possibilité d’effectuer un stage dit « libre » à l’étranger, d’une durée maximale d’un mois et
validant pour ma formation.
Après avoir contacté la faculté d’accueil par mail et une fois les accords, autorisations et
conventions rédigés et signés par les responsables hospitaliers, je suis parti en Janvier 2016 à
Antananarivo, capitale de Madagascar, pour concrétiser ce projet qui me tenait à cœur…
A) Vie pratique
1 – Logement
La faculté de médecine d’Antananarivo (Tananarive) m’a proposé dès la prise de contact un
logement au sein du Centre Anyma. Financé essentiellement par l’Union Européenne, ce
centre se consacre à l’hébergement de personnes en difficulté (handicap) ou de familles de
malades hospitalisés n’habitant pas la capitale.
Il possède un étage réservé aux étudiants étrangers stagiaires ou bénévoles, et permet ainsi
d’avoir un logement pour un rapport qualité/prix très intéressant, avec un confort
exceptionnel : chambre de 2 à 3 lits simples, draps, couvertures, douche avec eau chaude et
WC, eau filtrée utilisable sans crainte de tomber malade (ce qui est très confortable !), wifi,
machine à laver, cuisine très bien équipée permettant de faire ses repas à partir des courses
faites dans les marchés locaux malgaches. Un des avantages est de rencontrer d’autres
étudiants : j’ai pu partager une grande partie de mes repas, échanger des astuces, et faire des
escapades les week-end avec des étudiants en pharmacie, école d’ingénieur et des bénévoles !
L’accueil est très chaleureux, et l’ensemble du bâtiment très propre. Niveau sécurité,
l’entrée est gardée par un gardien jour et nuit. La localisation, près du Lac Anosy (centre de la
ville), est à 5 minutes à pied de l’Hôpital de Befelatanana où j’ai effectué mon stage. Pour les
tarifs, cela peut changer mais cela restera sans doute toujours très (le plus) intéressant :
comptez ~6 euros (€) par nuit. Pour plus d’informations sur leurs actions sociales et un
contact : http://anyma-mada.fr.
2 – Argent
En 2003, le gouvernement Malgache a décidé de changer d’unité de monnaie, histoire de
s’affranchir un peu plus du passé colonial français… Ainsi, le Franc Malgache (MGF) a été
remplacé par l’Ariary (Ar), mais ce dernier n’a fait que perdre de sa valeur : aujourd’hui,
1 euro = 3500 Ar. Le prix de la vie est donc très peu élevé : par exemple, comptez 3€ pour un
repas bien copieux et 7€ pour une nuit confortable quelque soit l’endroit du pays où vous êtes.
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En pratique, beaucoup de commerçants continuent de réfléchir et de discuter les prix en
MGF… Or, 1 Ar = 5 MGF, il faut donc se méfier et faire toujours préciser la monnaie ! Si on
vous demande « 7500 » pour une bouteille d’eau et que vous donnez 7500 Ar alors qu’en
réalité cela coûte 1500 Ar (et donc 7500 MGF), le vendeur profitera (à coup sûr) de la
confusion et on ne vous rendra pas la monnaie…
Autrement, comme dans la plupart des pays en voie de développement, il faut penser à :
prendre une poche ventrale pour garder les liasses de billets et une photocopie de son
passeport et Visa (l’original restant à l’hôtel), avoir un porte-monnaie à proximité avec
l’argent pour la journée, toujours changer les billets en euros dans des bureaux de change ou
dans des banques (les faux billets circulant très facilement), et enfin il vaut mieux changer du
liquide plutôt que de retirer à la banque par carte (frais de retrait pouvant aller jusqu’à
8% selon la banque !). Il faut donc rester prudent car les vols sont fréquents (j’ai été la cible
de trois tentatives de vol de porte-monnaie) et garder le sac-à-dos devant et les poches vides !
Enfin, on trouve facilement des banques et bureaux de change dans les villes principales et
secondaires (toujours vérifier avant leur existence et les horaires d’ouverture, on peut avoir
des surprises par rapport aux guides) ; pour information, les retraits et paiements sont plus
aisés avec une carte Visa qu’avec une MasterCard.
3 – Santé
Le système de santé malgache est très médiocre. Etant une ancienne colonie française, on
retrouve le même schéma de base, tant au niveau des études médicales que dans la gestion et
la hiérarchie hospitalières : concours en première année, internat dès la septième année, thèse
et assistanat… Cependant, l’hygiène des soins et les moyens dont ils disposent sont
déplorables : les repas, les draps, le matériel de soin et les médicaments sont payés et apportés
par la famille du malade ; les chambres de 6 patients ne permettent aucune intimité ; il
n’existe aucune mesure d’isolement des patients contagieux et donc de protection du
personnel soignant et des autres patients et leur famille… L’ensemble des soins, de l’asepsie
aux biopsies en passant par les prises de sang, est réalisé avec une méthodologie et une
précaution très discutables, pour ne pas dire à risque à la fois pour la santé du patient et pour
celle du soignant ! Les frais étant pris en charge en totalité par les familles, du simple
électrocardiogramme de routine à la radiographie (sans oublier son interprétation), on
comprend très clairement le problème du coût de la Santé… Quand on sait que le bilan
biologique de base équivaut au revenu moyen mensuel d’un citoyen malgache, c’est-à-dire
35€, on ne peut que s’estimer heureux de bénéficier du système de Sécurité Sociale !
En pratique, il faut donc impérativement mettre à jour ses vaccinations (ROR, DTP etc…).
Pour ma part, je me suis fait vacciner contre l’hépatite A, l’hépatite B et la typhoïde, et j’ai
pris un traitement prophylactique contre le paludisme (quelque soit la saison, il y a toujours
des moustiques !). Le mieux est de se renseigner auprès de son médecin traitant et sur le site
de l’Institut Pasteur.
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Une pharmacie complète est obligatoire : antibiotiques, antiémétiques, antalgiques et antiinflammatoires, anti-diarrhéiques, pansements et désinfectants, tout m’a été utile. Là aussi,
faire attention à la diarrhée infectieuse avec fièvre qui nécessite des antibiotiques,
contrairement à la « tourista » classique souvent traitée avec du « Smecta ».
Enfin, sauf extrême urgence, il vaut mieux être rapatrié au moindre accident ou aggravation
de l’état général, et ne pas prendre le risque d’aller à l’hôpital (surtout pour des indications
chirurgicales !) ; je ne vais pas m’étendre de nouveau sur les mesures d’hygiène… Les
options avec les compagnies aériennes, les banques (Visa Premier), les mutuelles sont donc à
envisager.
4 – Télécommunications
Il existe 3 opérateurs téléphoniques : Orange (032), un peu cher mais dont le réseau est assez
bien assuré sur toute l’île ; Airtel (033), le moins cher mais le moins fiable ; Telma (034), un
intermédiaire. Dans tous les cas, il est indispensable d’avoir un téléphone car il faut très
souvent appeler pour réserver des hôtels ou obtenir des informations, les mails n’étant pas
l’apanage des Malgaches !
Des forfaits avec connexion internet existent, mais très souvent on trouve du wifi dans des
restaurants/bars/hôtels, donc les recharges mobiles (que l’on trouve à chaque coin de rue)
suffisent en général. Il est conseillé en cas de vol d’acheter un téléphone avec une carte Sim
(~30000 Ar)… N’oubliez pas de télécharger les applications comme « WhatsApp » pour
communiquer avec vos proches !
Pour ma part, j’ai conservé mon smartphone et acheté une carte Sim Orange Malgache : étant
prudent, je l’ai toujours, et il n’y a qu’au cœur des forêts tropicales que je n’ai pas eu de
réseau. Pour la tarification, j’ai reçu un sms d’Orange après chaque message envoyé ou
communication passée, m’informant à la fois du coût déduit et du solde restant (pratique !).
5 – Vie Universitaire et Stage
La principale et seule difficulté que j’ai rencontrée fut mon inscription : le paiement pour mes
droits d’inscriptions à la banque fut laborieux, et bien que tout ait été réglé avant mon arrivée,
il a fallu que je donne de nouveau certains documents à la faculté… Une journée entière
consacrée à cela : j’étais étudiant étranger et que c’était « un statut particulier » que très peu
de personnes savaient gérer…
Hormis cette aventure administrative inaugurale, l’ensemble du corps enseignant et des
étudiants ont été d’une gentillesse extraordinaire ! Tous ont été curieux, intéressés et
intéressants, pédagogues et ouverts d’esprit. Autant la théorie médicale que la pratique
clinique m’a été apprise : la spécialité du service (cardiologie) était une découverte pour moi.
La moindre de mes questions ne restait pas sans réponse, et bien que les visites se fassent
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habituellement en malgache, tous jouaient le jeu de parler entre eux et avec moi en français.
Ils étaient à la fois fiers et heureux de pouvoir parler véritablement en français, car
généralement les seuls mots en français qu’ils utilisent sont les mots scientifiques…
Le rythme était de 4 à 5 heures par demi-journée, sans rémunération comme convenu dans les
conventions. Je suivais aussi bien les externes, que les internes ou médecins malgaches. Les
journées étaient longues certes (8h – 18/19h), mais très productives ! Je pouvais tout comme
en France réaliser des observations cliniques et suivre les visites (et contre-visites). J’ai eu
l’occasion d’examiner des pathologies rares et de réaliser des gestes ; et bien que certains
aient été du domaine de l’urgence et de la réanimation, on me considérait à chaque fois
comme un membre de l’équipe médicale et on m’intégrait. Tous les patients étaient souriants
et également très ouverts : je devais bien passer 15 minutes à chaque lit à parler « de tout et de
rien », à rire et partager (je n’oublierai jamais certains visages !). En somme, les relations
étaient basées sur le respect mutuel, la confiance, l’échange et le partage des cultures, du
savoir-être et du savoir-faire… des valeurs humaines nécessaires pour vivre (et survivre) dans
des conditions difficiles… des valeurs humaines trop peu mises en valeur chez nous… Pour
résumer les conditions et le moral dont font preuves les malgaches, je citerai un interne
devenu ami : « Si nous n’avons plus le rire, il ne nous reste plus rien… »
Du côté de la vie universitaire, elle n’est pas très développée à Madagascar : les étudiants
malgaches voyagent uniquement à la campagne les week-ends, travaillent beaucoup, et ne
sortent pas tellement. Ils souhaitent avant tout réussir et s’assurer un avenir. La vie familiale
compte beaucoup et les rares loisirs (souvent sportifs) se déroulent au lever du soleil vers 5
heures du matin.
7 – Vie quotidienne
Pour les saisons, on peut simplifier de la sorte : la saison où il pleut (l’hiver) et la saison des
pluies (l’été) ! Le mois de janvier est en saison des pluies, c’est-à-dire qu’il fait chaud (2535°C) toute la journée et qu’il pleut toutes les fins d’après-midi à partir de 16h environ. La
nuit tombant à 18h, et l’insécurité nocturne font que la pluie ne gène finalement pas tant que
ça. Il faut donc s’habiller léger, prévoir quelques vêtements chauds pour d’éventuelles nuits
fraiches dans les hauts plateaux. Un k-way et de bonnes chaussures suffisent pour faire face à
la pluie : pas besoin de bottes contrairement aux idées reçues !
Le centre de la capitale peut se visiter à pied du moment qu’on loge à proximité : marchés
traditionnels et alimentaires locaux, centre historique, points de vues… Il ne faut pas trop
craindre la pollution, les côtes et les escaliers, mais cela vaut le détour de se balader à pied.
Avec une heure et demie de pause le midi, j’avais le temps de partir dans les ruelles de la
ville, toujours pleines de surprises ! Le soir, j’avais bien 2 à 3 heures pour réviser mes cours
ou bien feuilleter mon guide.
Il existe des lignes de bus ; plus économiques que les taxis mais circulant uniquement le jour,
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elles quadrillent efficacement la ville ; je déconseille de les prendre aux heures de pointes et
les jours de marché car la circulation est alors quasiment à l’arrêt ; il faut aussi être très bien
renseigné pour ne pas se tromper de destination. Si jamais un doute persiste, les malgaches
sont très ouverts et peuvent aider sans le moindre souci : j’ai même donné mon téléphone à
une passante pour qu’elle puisse expliquer à une amie malgache où je m’étais perdu afin que
l’on puisse se retrouver !
Il est possible de sortir les soirs en ville, il faut cependant prendre un taxi, même pour de
courtes distances : c’est une question de sécurité là encore… La commission varie de 2 à 4
euros (5000 à 15000 Ar) selon la distance, et faire le trajet à plusieurs diminue le prix. Il
existe de nombreux endroits malgaches « tendances » où les « Vazahas » (étrangers) ne sont
pas du tout mis à l’écart (voir la Haute-Ville).
Le régime malgache est riche et très varié en cette saison. Le riz et la viande de zébu sont les
bases de l’alimentation malgache. A cela s’ajoute en cette période de l’année de nombreux
fruits exotiques (bananes, mangues, ananas, papayes, litchis, jacquiers, fruits de la passion,
corossols…) et des légumes importés ou bien locaux (pommes de terres, haricots, chouchous,
manioc…) sans oublier les nombreuses variétés de poissons et crustacés à consommer de
préférence près des côtes (crevettes, langoustes, huitres, tilapias, crabes…). C’est donc une
alimentation tout à fait différente de la notre mais facile à adopter, je ne m’en suis pas lassé !
Aussi, on trouve facilement des services de restauration rapide dont le menu est très
occidental. Pour les courses très formelles, il existe deux grandes chaines de distribution
alimentaire que l’on trouve un peu partout dans les villes : « Shoprite » et « Score ».
Autrement, les marchés locaux et temporaires aux bords des trottoirs sont de très bon rapport
qualité/prix : ouverts tous les jours et à toute heure de la journée, c’est une très bonne façon
de s’immerger dans le quotidien malgache ! Il faut tout de même éviter les boucheries et
poissonneries en plein air, mais cela est évident !
B) Bilan et Suggestions
Il y a tellement de choses à dire… Tout d’abord, je suis extrêmement heureux d’avoir pu
réaliser ce voyage, et ce pour des raisons simples au premier abord, mais tellement pleines de
sens : la découverte de l’inconnu, d’une autre culture, d’un autre langage, d’une autre
conception de la vie, de soi et des autres, abandonnant notre quotidien et notre « second soi
virtuel » qui existe sur et à travers les réseaux sociaux et notre entourage.
La rencontre d’autres Vies, d’autres personnes, étudiants en médecine, médecins, professeurs,
patients et familles… Ils ont tous réussi, chacun à leur manière, à me faire porter un autre
regard sur moi-même et sur la valeur de la vie, rappelant ainsi les fondements, l’essence
même du mot « Humain ». Les expériences que j’ai vécues au cours de mon stage ne seront
jamais effacées de ma mémoire, et elles influenceront de manière positive et consciente, dans
la suite de mes études mais aussi de mes projets professionnels, mes approches clinique et
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empathique avec les patients. La relation médecin-malade est de nos jours ternie par la courte
durée des consultations et l’empressement dans la prise en charge paraclinique et
technologique des patients. Grâce à ce stage, je saurai (je l’espère) combiner les
connaissances, la précision et l’efficacité de notre système de santé moderne, au contact
humain et clinique qu’il m’a été permis de développer et d’étoffer, tout cela au profit des
patients.
Je n’avais eu qu’un écho de la situation économique et sociale du pays, ainsi que de la gestion
et de l’état du système de soin. Sans préparation particulière avec la faculté ou d’autres
étudiants, je m’étais seulement conditionné mentalement à découvrir ce pays où rires et
espoirs se mêlent à la pauvreté et à l’insalubrité. L’arrivée fut assez dure, mais c’est surtout le
retour dans notre société qui me bouleversa le plus (je ne pouvais plus être objectif et neutre
devant notre environnement et mode de vie occidentaux).
Si l’opportunité s’offre de nouveau à moi dans la suite de mes études ou bien en tant que
professionnel, je souhaiterais revivre une expérience similaire et encourager ceux qui le
souhaitent de le faire. J’ai bien sûr été frappé, influencé et même poignardé moralement par
moment, tellement les réalités ont pu parfois rentrer en conflit avec les conceptions et
préjugés inculqués par notre société occidentale. Mais le résultat est si enrichissant, que je ne
regrette en rien d’avoir réalisé ce stage à Madagascar.
Pour conclure, je tiens à remercier l’ensemble des étudiants et médecins malgaches qui ont su
tant m’apporter (veloma !), les responsables de services et des facultés français et malgaches
pour leur disponibilité et leur accord, et enfin la région Rhône-Alpes pour m’avoir fait
bénéficier de la bourse explo’ra, bourse qui m’aura permis de préparer et soutenir mon stage à
Antananarivo. Je ne peux à mon tour qu’encourager ceux qui souhaitent découvrir ce beau
pays en s’immergeant à travers stages ou bénévolats. Le courage est de rigueur mais ce qui
vous sera offert en retour en vaut la peine, croyez-moi. L’amélioration des échanges
internationaux avec Madagascar serait une bonne chose ; il faut valoriser les échanges et les
stages à l’international ; même s’il semble difficile d’établir aujourd’hui des conventions et
accords à long terme avec l’Université d’Antananarivo, il serait bénéfique de promouvoir la
richesse humaine et l’expérience que peut apporter un stage à Madagascar : la diffusion de
retours positifs et d’échanges d’expériences vécues à travers des plateformes de discussion à
large spectre d’action (forum), la « Toile » facilitant accès et visibilité.
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