L`école en Egypte Ancienne. Son importance et son évolution

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L`école en Egypte Ancienne. Son importance et son évolution
 1 Table des matières Table des matières ...................................................................................................................................2 Préface .....................................................................................................................................................3 Introduction .............................................................................................................................................4 Chapitre 1 : Les scribes ........................................................................................................... 5 Représentation et importance ....................................................................................................5 Evolution dans le temps ..............................................................................................................6 Idéal du scribe .............................................................................................................................8 La formation de scribe .............................................................................................................. 11 Chapitre 2 : Profil requis pour aller à l’école ................................................................... 13 Les riches et les nobles ............................................................................................................. 13 Les femmes ............................................................................................................................... 15 Chapitre 3 : Transmission du savoir ..................................................................................... 19 Structures ................................................................................................................................. 19 Cursus ....................................................................................................................................... 21 Matières enseignées ................................................................................................................. 23 Méthodes ................................................................................................................................. 25 Chapitre 4 : Enseignement traditionnel ou « de père en fils » ................................ 29 La vieillesse et l’enseignant ...................................................................................................... 29 Le fonctionnement de la relation « père‐fils » ......................................................................... 31 Evolution ................................................................................................................................... 33 Conclusion ............................................................................................................................................ 34 Remerciements .................................................................................................................................... 36 Annexes ................................................................................................................................................. 37 Bibliographie ......................................................................................................................................... 46 2 Préface Plusieurs raisons m’ont poussé à traiter de ce sujet dans le cadre de ce travail de maturité. L’une d’entre elles, et peut‐être la plus évidente, est l’intérêt personnel que je porte à l’histoire de cette civilisation ; civilisation que j’ai vraiment découverte pour la première fois à travers les romans de Christian Jacq, il y a de cela quelques années. Ces lectures m’avaient déjà encouragé à réaliser, il y a trois ans (2006), mon travail de fin de scolarité obligatoire sur la vie quotidienne au temps des pharaons. A cette époque j’avais été intrigué par les étranges similitudes que l’on pouvait observer entre l’Egypte ancienne et notre époque moderne dans certains domaines de la vie de tous les jours (agriculture, artisanat, justice,…). J’avais déjà mentionné l’école dans ce travail, et c’est donc tout naturellement que je me suis décidé à approfondir la question dans ce présent ouvrage. Et quel approfondissement ! Je me suis vu confronté à des problèmes que je ne pensais pas rencontrer et ai vu certains de mes préjugés battus en brèche par la réalité historique. Cependant une constatation s’est imposée à moi dès la rédaction terminée : les connaissances et la sagesse des anciens Egyptiens, mais aussi certaines conceptions de l’Etat et du pouvoir – je pense évidemment à l’administration et à sa « paperasserie », ainsi qu’au rôle fondamental de l’écrit – ont peut‐
être influencé d’une manière ou d’une autre notre société actuelle. J’ai donc essayé, tout au long de ce travail, de ne pas décrire uniquement le fonctionnement de l’école, mais aussi son évolution et son importance à travers les différentes époques historiques, dans le but d’avoir une vue plus large sur ce que représentait vraiment l’enseignement. En regard de cela, je commencerai par évoquer dans le chapitre 1 la fonction de scribe, son évolution et ce qu’elle représentait aux yeux des anciens Egyptiens. Nous verrons qu’elle est étroitement liée à la formation scolaire et à l’apprentissage de l’écrit. Nous aborderons ensuite dans le chapitre 2 le problème de l’identité des écoliers et de la possibilité des femmes d’avoir accès à la scolarité. Ceci nous entraînera évidemment à parler en détail, dans le chapitre 3, du fonctionnement de l’école, de l’emplacement de l’institution dans les villes et à travers le pays, ainsi que des matières que les jeunes élèves devaient apprendre et maîtriser. Nous finirons alors dans le chapitre 4 sur un sujet assez complexe et dont nous ne savons en réalité pas grand‐chose : l’enseignement de « père en fils » ou « traditionnel » (par opposition à l’enseignement que l’on pourrait appeler « classique », décrit dans le chapitre 3). Malgré la réticence de certains spécialistes qui auraient tendance à ne voir dans l’enseignement « traditionnel » qu’un moyen littéraire de faire passer des idées – il n’est fait mention de cet apprentissage que dans des textes qui, eux‐mêmes, posent certains problèmes d’identification temporelle – j’ai décidé d’en parler, car je ne vois pas pour quelles raisons les Egyptiens en auraient fait mention s’il n’avait pas existé. De plus, il montre, à mon avis, (d’autres spécialistes comme Alessandro Roccati le partage également) de quelle manière se faisait l’enseignement dans l’Ancien Empire ; enseignement dont nous n’avons presque pas de traces par ailleurs, à l’exception de celui de la cour du palais royal. 3 Introduction Comme l’écrivait de manière très juste l’égyptologue allemand Hellmut Brunner, « la question de l’éducation, le modèle sur lequel la jeunesse est élevée ainsi que la compréhension des méthodes éducatives, conduit en profondeur dans l’être d’un peuple. »1 Dans tous les pays ayant atteint un degré certain de perfectionnement dans les arts ou la culture, et pouvant se targuer d’avoir une tradition littéraire et scientifique aussi importante que fut celle de l’Egypte pharaonique, se pose la question de l’enseignement et de l’importance que devait avoir l’école dans son rôle de transmetteur du savoir aux générations futures. En Egypte, qui posséda dès le début de son histoire un système administratif, juridique et religieux très développé, elle joua sans doute un rôle fondamental pour la bonne marche de l’empire et contribua certainement à la formidable continuité de la civilisation, en permettant la survivance des traditions, notamment lors des périodes de troubles, dites Périodes intermédiaires, où les fondements du pouvoir et de l’ordre furent mis à mal par des envahisseurs étrangers. Pourtant, par rapport à d’autres domaines, notamment celui de la religion, peu de renseignements nous sont parvenus et la maigre documentation dont disposent les égyptologues à ce sujet ne leur permet pas de traiter la question avec la profondeur et l’efficacité voulues. Ceci est dû au fait que ce qu’il reste de l’époque antique se compose en grande partie de monuments en pierre, destinés à durer, sur lesquels sont gravés des textes religieux et des formules rituelles, mais très peu de renseignements concernant la vie quotidienne, et encore moins la scolarité. Cependant, grâce au climat chaud et sec dont bénéficie le pays, beaucoup de choses, sans doute considérées comme moins importantes aux yeux des Egyptiens, ont été conservées. C’est le cas notamment des papyrus, dont certains contiennent une partie des « sagesses » et « enseignements » qui étaient inculqués aux jeunes écoliers, ainsi que des éclats de calcaire sur lesquels ces derniers apprenaient à écrire, et qui ont permis aux philologues de reconstituer une partie de la matière qui était enseignée durant la scolarité. Ces « enseignements », dont un recueil complet a été publié en français par Pascal Vernus, constituent les principales sources auxquelles je me suis référé dans ce travail, car ils permettent, malgré les problèmes d’attribution qu’ils posent aux spécialistes2, de mieux comprendre la mentalité des Egyptiens et l’idéal d’éducation qu’ils préconisaient. Je tiens aussi à signaler que de plus en plus de chercheurs et d’archéologues commencent à s’intéresser à ce domaine, et les découvertes qui seront réalisées dans les années à venir en la matière permettront, à n’en point douter, de compléter voire de corriger les connaissances que nous avons déjà. 1
2
BRUNNER Hellmut, Altägyptische erziehung, Wiesbaden (1957) A ce sujet, voir également l’ouvrage de Pascal Vernus mentionné en bibliographie. 4 Chapitre 1
Les scribes « Quant au scribe dans sa position, quelle qu’elle puisse être, de la Résidence [palais royal], il ne saurait y être malheureux. » Citation d’un ouvrage intitulé La Somme, dans la Kémyt. Représentation et importance A l’instar des pyramides, des grands monuments de pierre et de certains pharaons connus comme Ramsès II, Toutankhamon ou Cléopâtre, les scribes sont représentatifs de l’Egypte pharaonique et de sa culture plusieurs fois millénaire. La photo ci‐contre montre bien que l’image que l’on se fait d’eux et que la statuaire égyptienne nous a transmise est celle d’un homme assis en tailleur, les yeux fixés sur un point situé devant lui, tenant dans sa main droite un calame3 et s’apprêtant à écrire sur un morceau de papyrus déroulé sur ses genoux. Son embonpoint est un signe de l’aisance que lui procure sa fonction et l’on pourrait même croire qu’il esquisse un léger sourire. Comprendre qui étaient les scribes, quel était leur rôle au sein de l’empire et l’évolution de leur profession, permet de mieux saisir le fonctionnement du système éducatif, et plus 1. Célèbre figurine, actuellement au Louvre, représentant un scribe accroupi. particulièrement de l’enseignement scolaire. Pour cela, il faut commencer par parler des débouchés et des perspectives qu’offraient leur formation. Elle donnait la possibilité d’occuper des postes importants dans l’administration et dans les temples, mais permettait surtout aux jeunes élèves d’acquérir et de porter le titre de scribe. Être scribe, cela veut dire littéralement savoir lire et écrire (du latin scriba, de 3
Bâton de jonc avec lequel les scribes écrivaient. 5 scribere, qui signifie écrire)4. En théorie était donc scribe, et ce, quelle qu’ait pu être sa profession, celui qui maîtrisait l’art et la complexité de l’écrit. Dans les faits, pourtant, être scribe était un titre, un métier exercé par quelques privilégiés au sein de l’Etat pharaonique, dans les différentes administrations des provinces et des temples. Même l’armée possédait son corps de scribes s’occupant du ravitaillement et de la logistique durant les campagnes militaires. La plupart des officiers commençaient d’ailleurs leur carrière en tant que « scribe militaire », avant de prendre du galon et de grimper dans la hiérarchie. Le nombre et le rôle de ces lettrés faisant partie de la classe dirigeante a quelque peu évolué au fil du temps, des différentes invasions étrangères, des transformations de l’écriture et de l’augmentation de la population, mais leur présence a toujours été d’une importance capitale pour la gestion du pays et de ses ressources. 2. Scribe au travail dans son bureau. Relief de la tombe de la princesse Idout 5
à Saqqarah, VIème dynastie . Evolution dans le temps Dès le commencement de la culture pharaonique aux abords du Nil, c’est‐à‐dire dès la fin du IVème millénaire avant J.‐C., il semble qu’il existait « au moins deux grandes classes de scribes, très différentes l’une de l’autre. »6 La première était celle des « porteurs du rouleau divin », aussi appelés « prêtres‐lecteurs », qui regroupait les scribes officiant en tant que prêtres‐initiés dans les temples et ayant accès aux archives et aux textes sacrés. La seconde comprenait un nombre important de fonctionnaires dont le rôle était de veiller à la bonne marche de l’administration et de l’empire, à la collecte des impôts et à la gestion des stocks de nourriture. Un passage des Textes des pyramides7 illustre l’activité purement administrative du scribe fonctionnaire au sein de l’Etat : « Il ouvre ses boîtes [remplies] de 4
Définition Larousse. Pour la référence des différentes illustrations, voir Table des Illustration, dans la Bibliographie. 6
JACQ Christian, Initiation à l’égyptologie, Paris : Le Grand Livre du Mois (1994), p. 49. 7
Ecrits religieux les plus anciens du monde, datant de l’Ancien Empire, gravés sur les parois de certaines pyramides, dont celle de Saqqarah, à proximité du plateau de Gizeh, près de l’actuelle ville du Caire. 5
6 papyrus, rompt les sceaux de ses décrets, scelle ses rouleaux de papyrus, expédie ses messagers infatigables. »8 Pendant l’Ancien Empire9, l’activité des scribes, et notamment celle des prêtres‐
lecteurs, était un peu différente de ce qu’elle sera par la suite. En effet, confrontés aux problèmes techniques que représentaient l’adoption et la fixation d’un système global d’écriture fonctionnant dans tout le pays, leur rôle en tant que « créateur, inventeur et auteur de perfectionnements [de ce système], resta primordial pendant toute la durée du IIIème millénaire [av. J.‐C.]. [Leur] compétence consistait dans [leur] capacité de créer, non seulement le texte de composition, mais également l’appareil graphique destiné à le rendre. »10 Les « prêtres‐lecteurs » se sont également de tous temps différenciés des scribes « ordinaires » par leur connaissance des rituels et de la magie et leur accès aux textes sacrés, gardés soigneusement dans les bibliothèques des temples. Ils tiraient leur nom du fait que la pratique et l’exercice de leur fonction exigeait non seulement la maîtrise de l’écrit, mais également une préoccupation pour la lecture et la récitation des formules rituelles et le « dialogue » avec les divinités. Cette qualification exigeait donc les mêmes compétences que celles requises pour l’administration, c’est‐à‐dire savoir lire, écrire et compter, mais la surpassait de par son caractère sacré, en lien direct avec les dieux. La biographie de Ptahousah (Vème dynastie) nous permet de constater cette différence. Ce dernier parle d’un certain Nîankhsekhmet, également appelé « doyen des médecins », et qui était aussi « prêtre‐lecteur ». Pourtant il n’est à aucun endroit fait mention de sa qualité de scribe, alors que son métier de médecin devait exiger de lui la capacité d’écrire et de rédiger des prescriptions, voire même des traités. C’est la même chose concernant Ouni, rédacteur du compte‐rendu d’un procès en lien avec le harem du pharaon Pépi Ier (VIème dynastie – vers 2300 av. J.‐C.), à qui l’on n’attribuait pas le titre de scribe mais uniquement celui de « prêtre‐lecteur. »11 Le fait qu’Ouni soit devenu pharaon signifie que ces derniers possédaient également cette qualification, ce qui n’est pas très étonnant au vu de leur rôle et de la position prédominante qu’ils occupaient dans la société égyptienne. Aussi est‐il possible d’en déduire que, de tous temps, l’acquisition des différentes connaissances liées à ce titre (celui de prêtre‐lecteur) a dû demander une plus grande persévérance et une plus grande abnégation, ce qui fait que seuls quelques élus pouvaient y prétendre. A partir du Moyen Empire, la régulation du système scriptural va entraîner la diversification du métier de scribe. Ces derniers vont se mettre à rédiger et composer des textes qui ne seront plus exclusivement religieux, mais également littéraires, comme le Conte du naufragé. C’est ce qui fait dire à Alessandro Roccati que « du niveau d’"inventeurs 8
ROCCATI Alessandro, op.cit., le scribe, in L’homme égyptien, éd. S. DONADONI, Paris : Seuil (1992), p. 87. Pour les dates et la chronologie de ces périodes, voir annexe 1, p. 36. 10
ROCCATI Alessandro, le scribe, in L’homme égyptien, éd. S. DONADONI, Paris : Seuil (1992), p. 82. 11
Ibid., p.84. 9
7 de l’écriture", les scribes passaient [maintenant] à celui d’"inventeur de textes". »12 L’accès à un nouveau genre d’écrits favorisera la croissance des lettrés parmi les classes aisées de la société, mais également le développement d’une institution scolaire pouvant répondre de manière plus efficace et systématique – notamment avec la création de véritables centres éducatifs (voir chap.3) – à une attente de plus en plus forte de la part des classes moyennes, (scribes de petite condition et simples fonctionnaires) concernant la littérature et la culture en général. Idéal du scribe Ces considérations sur l’évolution dans le temps du métier de scribe terminées, il s’agit maintenant d’essayer de comprendre ce que représentait cette profession et comment elle était perçue par la population de l’époque, notamment par les premiers intéressés, les scribes eux‐mêmes. Dans la hiérarchie sociale, ces derniers, que l’on peut aussi appeler fonctionnaires, ne pouvaient être assimilés aux classes les plus aisées, mais ils étaient néanmoins considérés comme supérieurs à la majorité « directement productrice de la population »13 de par leur connaissance et leur maîtrise de l’écriture. Puisqu’ils ne faisaient pas partie de la tranche productiviste, et que leur occupation ne leur permettait en aucun cas de subvenir par eux‐
mêmes à leurs besoins, ils dépendaient de l’administration qui les rémunérait en nature14 et leur offrait un logement, au sein même des locaux administratifs ou dans les environs de la résidence royale. Malgré cela, les textes à notre disposition considèrent cette profession comme ne dépendant d’aucune autorité supérieure et comme étant un métier privilégié entre tous, ne nécessitant pas de travail physique contraignant, économisant ainsi la santé de celui qui l’exerçait. 3. Tablette en bois d’un élève scribe, sur laquelle est inscrite l’Enseignement de Khéty ainsi qu’une partie de l’Hymne au Nil. 12
ROCCATI Alessandro, le scribe, in L’homme égyptien, éd. S. DONADONI, Paris : Seuil (1992), p. 90. Ibid., p. 98. 14
Le système monétaire tel qu’on le connaît de nos jours ne fit son apparition qu’avec l’arrivée en Egypte des populations étrangères, notamment les Grecs. Auparavant, l’économie était basée sur le principe du troc et les échanges se faisaient donc directement en nature, sur la place du marché. 13
8 L’Enseignement de Khéty, aussi appelé Satire des métiers, datant de la XIIème dynastie, illustre parfaitement cette conception de l’état de scribe. Il y est question de la caste des scribes et de ses différences avec les métiers manuels, qui y sont décrits d’une manière critique et caricaturale. Il est intéressant de noter que cette « sagesse » a été écrite par un scribe (Khéty) à l’intention de son fils Pépy, dans le but de le motiver à aller à l’école afin d’entrer dans la profession. De manière plus large, elle fut sans doute « inspirée par une politique de recrutement et d’endoctrinement d’un corps d’administrateurs, menée par Sésostris 1er et ses successeurs, »15 à un moment de l’histoire où l’Etat manquait de fonctionnaires après les troubles qu’avait connus l’Egypte à la fin du IIIème millénaire. Voici un extrait de cet « enseignement » : « Deviens scribe ; mets‐le‐toi en tête. Tu échapperas à de nombreux maîtres et tu t’en trouveras bien au matin. Chaque profession est assujettie à des taxes, et chaque corporation de tâcherons aussi. Ceux qui sont dans les champs labourent, moissonnent, enlèvent, foulent l’aire de dépiquage. Les domestiques cuisent les figues, les foulons sont sur la berge et descendent dans l’eau, […] tandis que le matelot est anéanti, une rame à la main, une lanière sur le dos, le ventre vide. Le scribe est assis dans la cabine, tandis que les enfants des hauts dirigeants le font naviguer en ramant. Point de compte de travail forcé à l’encontre du scribe. Il n’a pas de taxe. »16 J’aimerais souligner au passage qu’en aucun cas ces recommandations ne furent écrites dans le but de dévaloriser les métiers qu’elles critiquaient : chacun d’entre eux avait son importance propre et contribuait à la bonne marche du pays. Elles furent plutôt écrites de façon à valoriser le rôle et la vie du scribe. L’extrait ci‐dessus nous montre que ces derniers, outre les avantages « pratiques » qu’ils retiraient de leur condition, étaient également exemptés des taxes, des impôts et des corvées exigées du reste de la population, ce qui conférait à leur charge un attrait certain. S’ajoutait certainement à cela un certain prestige et un sentiment de supériorité envers ceux auprès desquels ils devaient collecter ces impôts, comme nous le montre un passage d’une autre « sagesse » du papyrus Chester Beatty IV : « Quant à tous ceux qui exercent leur métier, le scribe est leur chef. C’est le scribe qui taxe la Haute et la Basse Egypte. C’est lui qui en fait la perception. C’est lui qui fait le calcul pour quoi que ce soit. Chaque militaire est sous son contrôle. C’est lui qui administre le pays entier, toute chose étant sous sa juridiction. »17 15
VERNUS Pascal, Sagesses de l’Egypte pharaonique, Paris : Imprimerie nationale (2001), p. 181. Enseignement de Khéty, papyrus Chester Beatty V, R˚ 5, 14 ‐ R˚ 6, 7, P. VERNUS, op.cit., Sagesses de l’Egypte pharaonique, Paris : Imprimerie nationale (2001), p. 191‐192. 17
Section du papyrus Chester Beatty IV intitulée les avantages du scribe, in MENEI Eve, Textes de l’Egypte Ancienne‐Eloge du scribe, Paris : Editions Alternatives (2003), p. 50‐51. 16
9 Les sagesses mentionnent encore un autre atout du métier de scribe, peut‐être le plus important, et aussi le plus évident, celui qui les différenciait le plus des couches « inférieures » : la connaissance de l’écrit. Aux yeux des Egyptiens, ce savoir n’était pas uniquement considéré comme un outil très pratique pour la bureaucratie, mais donnait également la possibilité de laisser une trace de son existence aux générations futures, et d’atteindre ainsi l’immortalité. En effet, comme l’écrit à ce propos l’égyptologue français Pascal Vernus : « […] alors que l’appareil funéraire ne résiste pas aux outrages du temps, le prestige acquis par les écrits se perpétue dans la postérité et évite à qui en jouit l’oubli de son nom. »18 Le papyrus Chester Beatty IV contient un « enseignement » qui met en œuvre cette argumentation, en vue d’idéaliser encore un peu plus, si besoin était, le statut de scribe et, par lui, celui d’écrivain et de savant : « Deviens scribes ; mets‐le‐toi en tête afin que ton nom ait le même sort. Plus utile un livre qu’une stèle gravée, qu’une enceinte consolidée. » « Un homme est disparu, son corps n’est plus que poussière, ce sont les écrits qui font qu’il est mentionné. » « Quant aux écrivains savants, […] leurs noms sont établis pour l’éternité. (Pourtant) ils s’en sont allés après avoir achevé leur existence, tandis que tous leurs proches étaient oubliés. […] S’ils se firent des héritiers, c’est avec les écrits et les enseignements qu’ils avaient faits. « Les enseignements sont leurs pyramides. Le calame est leur fils. L’ostracon leur tient lieu de femme. […] si on prononce leurs noms, c’est à cause de leurs livres qu’ils avaient faits du temps de leur existence. »19 Quelques noms d’écrivains, devenus célèbres grâce à leurs écrits ou à la réputation qu’ils s’étaient forgée en tant que savant, nous sont parvenus au travers des « sagesses » et autres « enseignements » qui leur sont attribués, et dont quelques extraits ont été cités précédemment. Voici quelques‐uns des plus célèbres (qui représentaient évidemment un modèle à suivre pour les jeunes générations d’apprentis scribes) : 4. Le vizir Ptahhotep. Il porte à son cou un collier honorifique, signe de son rang élevé. Relief de sa tombe située au nord de Saqqarah, Vème dynastie.
18
VERNUS Pascal, Sagesses de l’Egypte pharaonique, Paris : Imprimerie nationale (2001), p. 268. L’ensemble des extraits ci‐dessus sont tiré de la section du papyrus Chester Beatty IV intitulée les grands écrivains et la postérité I, P. VERNUS, op.cit., p. 271‐273. 19
10 Ptahhotep, Khéty, Ani, Imhotep (un enseignement dont nous n’avons plus aucune trace lui est attribué), mais aussi Kagemni, Hordjedef, Mérykaré ou Amménémès Ier. Le tableau que nous venons d’esquisser concernant les scribes permet d’illustrer et de bien comprendre l’importance de cette fonction pour le pays, et explique en grande partie le fonctionnement du système éducatif. Certes, cette propagande fut mise en place pour mettre en avant la situation de scribe, en tant qu’intellectuel et savant, mais ceci dans le but plus profond de convaincre les jeunes à rejoindre l’école des scribes et à devenir des lettrés au service de l’Etat, pour qui ils étaient indispensables. N’oublions pas que, dans l’enseignement de Khéty cité plus haut, ce dernier conduit son fils à l’école du palais, afin qu’il devienne scribe et puisse ainsi avoir accès au savoir écrit et, par lui, aux plus hautes fonctions de l’administration ou des temples, à l’aisance matérielle et à une forme d’immortalité. La formation de scribe Il est important d’introduire ici dans les grandes lignes, (nous y reviendrons plus en détail dans le chapitre 3), ce que représentait cette formation, non plus dans l’optique des avantages « professionnels » qu’elle offrait, mais dans le cadre du développement « personnel » qu’elle engendrait. Comme le soutient l’égyptologue allemand Hellmut Brunner, elle permettait l’acquisition, en plus des connaissances intellectuelles nécessaires à un métier littéraire, d’une certaine maîtrise de soi et de ses émotions devant des situations parfois compliquées auxquelles les jeunes étudiants pouvaient être confrontés au cours de leur vie20. Certaines « sagesses », utilisées pour l’enseignement, permettent d’en rendre compte. Ces dernières regorgent de conseils à appliquer dans tel ou tel cas de la vie courante. En voici quelques extraits : « Si tu te trouves être un homme de confiance qu’un dirigeant dépêche à un dirigeant, sois extrêmement précis quand il te dépêche. Effectue pour lui la mission comme il dit. Garde‐toi de médire par une parole susceptible de rendre un dirigeant envieux à l’égard d’un autre dirigeant. Tiens‐t’en à la maât [principe de l’harmonie et de la justice], ne la transgresse pas. […] Ne dénonce aucune personne que ce soit, grande ou petite, c’est l’abomination du ka. »21 « Ne provoque pas celui avec qui tu discutes mais fais‐lui exprimer le fond de sa pensée/cœur. Ne t’envole pas pour le prendre de front, quand tu ne pourrais entrevoir ce qu’il veut faire. C’est d’abord à l’examen de ses propos que tu dois appliquer ton discernement, et tu dois rester calme, de sorte que vienne ton succès. Laisse‐le 20
21
BRUNNER Hellmut, Altägyptische Erziehung, Wiesbaden, 1957. Enseignement de Ptahhotep, maxime 8, P. VERNUS, op.cit., p. 81. 11 poursuivre son idée, de sorte qu’il extériorise tout ce qui est en lui. Celui qui sait rester passif, il sera apprécié. »22 Ou encore : « Ô scribe, ne paresse pas, on te fera plier vigoureusement. Ne t’intéresse pas aux plaisirs ou tu failliras. Ecris de ta main, lis de ta bouche, prends conseil de ceux qui en savent plus que toi. Exerce donc la fonction de haut dirigeant. Tu t’en trouveras bien au vieil âge. Heureux le scribe expert en son métier, quelqu’un qui a la maîtrise dans l’apparence qu’il se donne. Sois constant dans l’action chaque jour, et tu les feras plier [les actions]. »23 Nous avons choisi ces extraits car ils montrent de manière claire quelle importance accordaient les anciens Egyptiens à la maîtrise de soi et de ses émotions en toutes circonstances. Pour eux, un comportement passionnel n’avait pas lieu d’être, car il aboutissait la plupart du temps à une perte de contrôle et, par conséquent, à une mauvaise application du principe harmonieux (la maât) régissant les hommes et le ciel (les dieux), dont le pharaon était le garant sur terre. C’est comme si, pendant toute la durée de la civilisation pharaonique, le peuple égyptien avait dû être cadré ou encadré par une administration forte et des préceptes de vie très stricts, enseignés dès le plus jeune âge, afin d’éviter qu’ils se « dispersent » et se « perdent » en oubliant le sens des valeurs (morales et religieuses) et les impératifs de l’existence. C’est pour cette raison que, dès le début de leur scolarité, comme l’illustre l’extrait numéro trois, les apprentis scribes étaient confrontés à une discipline sévère, en vue de les former à résister à leurs passions et de les armer au mieux à affronter les difficultés de la vie. 22
Enseignement d’Aménemopé, extrait du vingt‐deuxième chapitre, P. VERNUS, op.cit., p. 323. Recommandation à l’apprenti scribe, extrait de la troisième section intitulée On parvient à dresser l’étudiant rétif, II, P. VERNUS, op.cit., p, 378‐379. 23
12 Chapitre 2
Profil requis pour aller à l’école « Ne fais pas de différence entre un noble et un roturier. Recours à un homme en fonction de son activité. Tous les métiers sont faits… du maître de force. » Enseignement pour Mérykaré, p.6124. Afin de se rendre compte du profil des Egyptiens ayant eu accès à une éducation de type scolaire, il est important de prendre le problème à l’envers et de regarder combien de lettrés comptait l’Egypte Ancienne aux différentes périodes de son histoire (nous verrons pourquoi par la suite). Des études ont été réalisées à ce sujet. Les plus optimistes d’entre elles ont montré que le nombre de personne cultivées ne devaient pas dépasser les 10% de la population de tout le pays, population estimée à 1,5 millions d’âmes à l’Ancien Empire, 3 millions au Nouvel Empire et jusqu’à 5 millions au 1er siècle apr. J.‐C25. Ce qui fait seulement 10'000 à 100'000 individus. Les riches et les nobles Ce groupe de personnes maîtrisant l’art de l’écriture représentait, par sa petite taille et son importance pour la marche de l’Etat, l’élite du royaume. « Leur quotidien était très différent de celui de la large majorité de la population égyptienne. »26 Contrairement à la grande majorité de la population « illettrée » du pays, elle a laissé gravée l’étendue de ses connaissances et de son savoir dans la pierre des tombes et des temples, ce qui a permis aux égyptologues de réaliser les statistiques mentionnées précédemment. Les enfants susceptibles de recevoir une formation scolaire étaient donc les fils de cette élite, qui regroupait les scribes (toute personne sachant lire et écrire), les dirigeants militaires et religieux, ainsi que les princes royaux. Afin de bien comprendre pourquoi les fils de fonctionnaires étaient privilégiés dans leurs études scolaires par rapport à ceux des agriculteurs ou des artisans, il faut évoquer ici une des caractéristiques fondamentales de la société égyptienne au temps des pharaons : la 24
VERNUS P., op.cit., p. 144. Éditions Atlas, l’Egypte et son écriture, fascicule 61. 26
MESKELL Lynn, Vies privées des Egyptiens, Paris : Autrement (Mémoires) (2002), p. 24. 25
13 transmission de père en fils du métier, des fonctions et des titres. Cette caractéristique n’était pas une règle formelle mais une coutume qui n’était évidemment pas uniquement l’apanage des classes dirigeantes, mais se pratiquait dans toutes les couches de la population. Pierre Montet donne un exemple de cette tradition : un certains Paramsès réussit, au cours de sa longue carrière, à cumuler plusieurs titres qui lui permirent de devenir un personnage important de l’Etat. Le moment venu, il les légua tous à son fils qui le remplaça alors dans ses fonctions27. Montet ajoute plus loin que « non seulement ces emplois étaient garantis à leur titulaire pour la durée de leur vie, mais [qu’] ils devaient [en plus] rester dans la famille et être transmis de fils en fils, d’héritier en héritier. Personne ne trouvait à redire à cela. » Pour en avoir discuté avec l’égyptologue Philippe Collombert, la grande majorité de la population agissait de cette manière, même s’il est probable que, dans les faits, certains enfants n’aient pas accompli le même métier que leur père. Cette transmission héréditaire de la situation professionnelle explique à notre sens pourquoi l’école était plutôt réservée à une tranche de la population proche du pouvoir central, et pour quelles raisons les couches inférieures n’y avaient pas, ou presque pas, accès : la maîtrise de l’écriture, la gestion du royaume et du domaine religieux, exigeaient une formation spécifique de type littéraire et scientifique qui était dispensée aux personnes s’en occupant ; elle aurait été bien inutile à une famille de cultivateurs ou de pêcheurs dont les occupations étaient avant tout manuelles. Des exceptions à cette tradition héréditaire ont existé, et quelque fois des enfants de famille modeste sont parvenus, grâce à leur talent, à devenir scribe et à gravir les échelons de la société. Le plus célèbre d’entre eux est certainement Amenhotep, fils de Hapou, originaire d’une petite ville du delta du nom d’Athribis. Il réussit à devenir le favori du pharaon Amenhotep III (XVIIIème dynastie – Nouvel Empire), le remplaça lors du Jubilé Royal de Soleb en Nubie (Soudan) et fut l’un des architectes du Colosse de Memnon (dix‐huit mètres de haut), que l’on peut encore admirer de nos jours sur la rive ouest de Thèbes. A la Basse Epoque, quand l’Egypte était sous domination grecque, il fut même déifié, à l’instar d’Imhotep, le légendaire bâtisseur de la pyramide à degrés de Saqqarah28. Un autre cas pouvait vraisemblablement permettre aux enfants du peuple de recevoir une formation scolaire. Suivant leur date de naissance, recensée par l’administration de la province à laquelle ils appartenaient, ces derniers étaient susceptibles d’être intégrés à l’école du Kap (dont nous parlerons au chapitre suivant), au palais royal, en compagnie des fils de l’élite. En effet, il « suffisait d’apporter la preuve qu’on était bien né le même jour que le prince héritier pour prétendre au statut d’enfant du Kap. »29 « Aux yeux des Egyptiens, le choix du jour de naissance dépendait de la volonté divine. Toute naissance […] pouvait donc […] être considérée comme l’expression d’une intention supérieure… et ainsi donner droit à 27
MONTET Pierre, La vie quotidienne en Egypte au temps des Ramsès, Paris : Hachette (1946), p. 247. ROSALIND M., JAC. J. Janssen, Growing up and Getting old in Ancient Egypt, London : Golden House Publications (2007), p. 57. 29
MATHIEU Bernard, maître de conférences à l’institut d’égyptologie de Montpellier III, cité in BRILLAUD Rafaële, « Enseignement : le triomphe de l’écrit », Les cahiers sciences et vie, n˚ 110 (avril‐mai 2009), p.28. 28
14 une formation d’excellence. »30 Ceci explique, selon l’auteure de cette citation (Rafaële Brillaud), les carrières pour le moins dissemblables des diplômés de cette école, allant d’un vice‐roi de Nubie au simple potier ! Il semble qu’au fil des siècles le savoir et la connaissance de l’écrit se soient peu à peu ouverts à un plus large éventail de personnes. On en veut pour preuve le changement sensible dans la manière d’écrire les textes, notamment entre l’Ancien Empire et le Moyen Empire, mais également l’apparition d’écrits de propagande comme la Satire des métiers, « destinés aux écoles [et] vantant la profession de scribe. »31 L’augmentation des écrits et la volonté de recruter plus de scribes pour l’administration a peut‐être permis à un plus grand nombre de personnes d’avoir accès au savoir littéraire. Mais le taux d’alphabétisation, lui, n’a pas bougé, pour la simple et bonne raison que la population s’accroissait en même temps que le nombre de lettrés. La démocratisation du savoir a donc eu lieu en parallèle à l’augmentation progressive de la population. Les femmes Concernant les femmes et les possibilités qu’elles avaient de recevoir une instruction scolaire, beaucoup de choses contradictoires ont été écrites. Certains égyptologues, à l’instar de Christiane Desroches Noblecourt, estiment que les femmes étaient sur ce point, comme sur bien d’autres (notamment juridiques) traitées à l’égal des hommes. D’autres sont d’accord pour dire que sur bien des points de la vie quotidienne, les femmes étaient les égales de leurs maris ; mais que leur rôle se cantonnait à l’entretien de la maison, des domestiques et des enfants en bas âge et qu’elles n’avaient en aucun cas accès au savoir littéraire et scientifique. L’égyptologue Pierre Grandet n’hésite pas à ajouter que « les règles juridiques qui organisaient l’institution matrimoniale ne traçaient que les limites de son assujettissement à la reproduction et aux tâches domestiques. »32 Il ajoute plus loin que « l’accès à l’enseignement systématique de l’écriture, c’est‐à‐dire à celui des pratiques administratives, lui est [également] refusé. »33 Nous remarquerons ici que Pierre Grandet ne dit pas qu’elles ne savaient pas écrire ou lire, mais qu’elle n’avait pas accès à une profession directement liée au savoir, ce qui est différent. Ce que nous apprennent les Egyptiens eux‐mêmes sur la condition des femmes dans ce domaine est un peu plus nuancé. Il existe effectivement un proverbe datant de l’époque tardive, à connotation explicitement sexiste, qui semble confirmer le fait que le taux d’alphabétisation devait être encore moins élevé chez les femmes que chez les hommes. En voici la traduction : « Instruire une femme est comme remplir de sable un sac percé. »34 Cependant d’autres exemples, notamment des lettres, tendent à prouver que certaines 30
BRILLAUD Rafaële, « Enseignement : le triomphe de l’écrit », Les cahiers sciences et vie, n˚ 110 (avril‐mai 2009), p.28. 31
Éditions Atlas, l’Egypte et son écriture, fascicule 61 32
L’Egypte Ancienne, éd P. GRANDET, Paris : Seuil (L’Histoire) (1996), p.150. 33
Ibid., p.150. 34
Enseignement d’Ankhesheshonq, prêtre de Rê (dieu solaire) à Héliopolis (vers 600 – 525 BC). 15 femmes avaient la possibilité, suivant leur rang et leurs fonctions, d’apprendre à lire et écrire. « Dans une lettre datant de la fin de la vingtième dynastie, écrite par un père en voyage à son fils, nous pouvons lire : " tu devrais aller voir la fille de Khonsoumose et lui demander de faire une lettre, et de me l’envoyer ". »35 Dans la tombe de Toutankhamon a été retrouvé une palette de scribe ayant certainement appartenu à Meritaton, la fille du pharaon "hérétique" Akhenaton, qui montrerait qu’elle savait écrire. A côté de cette palette se trouvait tout l’équipement dont avait besoin un scribe pour écrire 36. Il existait également dès l’Ancien Empire des femmes médecins. C’est le cas de Peseshet, qui portait le titre de « responsable des femmes médecins », et qui vécu sous la IVème dynastie37. Son titre nous révèle que sa position n’était pas unique et que, dès le troisième millénaire av. J.‐C., des femmes avaient la possibilité de recevoir, comme elle, une formation de médecin ; formation qui exigeait sans aucun doute des connaissances littéraires. Tout ceci tend à confirmer l’usage de l’écrit par les femmes, en particulier par celles de la noblesse et proches du pharaon. Certaines tombes présentent des peintures murales où elles figurent, assises à côté de leur mari, avec en dessous de leur chaise, non pas des articles féminins, mais du matériel d’écriture (rouleau de papyrus, tablette pour écrire, ancre et calame servant à la rédaction). 5. La femme d’un riche Thébain assise derrière son mari, avec une palette et des ustensiles de scribe sous sa chaise. Venant de la tombe de Kenamon (dix‐huitième dynastie). Evidemment, il pourrait être objecté que ce matériel n’était pas utilisé par elles, et c’est vrai que nous n’en savons rien. Mais dans ce cas précis, je ne vois pas pour quelle raison il aurait été placé là, si ce n’est pour décrire et montrer de quoi était capable cette femme et quel était son statut dans la société. 35
ROSALIND M., JAC. J. Janssen, Growing up and Getting old in Ancient Egypt, London : Golden House Publications (2007), p. 71. 36
Ibid., p.71. 37
Information trouvée sur wikipédia à la page http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_m%C3%A9decine#M.C3.A9decine_en_.C3.89gypte_antique (19 0ctobre 2009) 16 L’aspect religieux nous permet également de penser que les femmes devaient avoir la possibilité de recevoir une éducation scolaire de temps à autre, suivant leur rang, et qu’elles n’en était en tout cas pas totalement exclues. Dans la religion égyptienne, le maître du savoir et inventeur de l’écriture, également patron et protecteurs des scribes, était Thot, représenté par un babouin ou un homme à tête d’ibis. Tous les savants et les lettrés lui vouaient un culte. Ce que l’on sait moins, c’est que son épouse, la déesse Séshat, avait également une importance cruciale dans le panthéon des dieux égyptiens. En effet, en lien avec les attributs de Thot, elle était entre autre : « celle qui dirige la Maison des Livres », « Maîtresse de l’écriture dans la Maison de Vie », ou encore « Gardienne des Annales Royales. »38 Elle était de plus souvent représentée un calame à la main (voir photo ci‐
dessous). 6. Peinture murale représentant le dieu Thot en homme à tête d’ibis. 7. Représentation de la déesse Séshat au temple d’Amon à Louxor, avec un calame à la main et sa coiffe caractéristique composée d’une étoile à sept branches (ou d’une fleur à sept pétales) soutenue par une baguette posée en équilibre sur sa tête. Dans une société où le religieux avait une telle importance, et dans laquelle le savoir était « l’apanage des prêtres » et « indissociable des croyances, »39 on voit mal pour quelles raisons, alors que la « Maison de Vie »40 et la conservation des écrits sacrés étaient placés sous l’égide d’une femme, la déesse Séshat, les femmes n’auraient pas eu, ne serait‐ce que la possibilité, de recevoir une instruction scolaire, si besoin il y avait. Reste à savoir maintenant en quoi la connaissance de l’écriture, en dehors de la rédaction de lettres, leur aurait été utile, puisque, comme nous l’avons vu, elles ne s’en servaient pas pour exercer 38
BAUVAL Robert, Le code mystérieux des pyramides, Paris : Pygmalion (2008), p. 44. AUFRERE Sidney, dans une interview pour Les cahiers sciences et vie, n˚ 110 (avril‐mai 2009), p. 11. 40
Haut lieu du savoir dans le Temple, siège de la bibliothèque sacrée où sont réunis l’ensemble des connaissances, et de l’école des scribes, comme nous le verrons au chapitre suivant. 39
17 une profession administrative ? Dans leur essai Growing up and Getting old in Ancient Egypt, Rosalind M. et Jac. J. Janssen tentent d’y répondre. Selon eux, si les femmes apprenaient à lire et écrire, c’était « dans le but d’acquérir une certaine culture, et de pouvoir remplacer leur mari quand ce dernier partait en voyage ou faire la guerre. »41 Cela sous‐entendrait qu’elles connaissaient les tâches à accomplir, notamment administratives, et qu’elles avaient développé les capacités intellectuelles permettant, si ce n’est de les faire elles‐mêmes, au moins de les comprendre. On peut en effet imaginer que dans une maison de notable, un intendant ait été chargé de s’occuper des affaires en l’absence du chef de maison, mais il devait peut‐être lui‐même rendre des comptes à la femme de ce dernier, qui était après lui la responsable de la maison conjugale, et devait par conséquent avoir quelques notions des pratiques et du processus administratif de l’Etat pharaonique. Si l’on étend un peu le sujet, on pourrait se demander si l’épouse du pharaon, la reine d’Egypte, avait également ce rôle et s’il pouvait lui arriver de gérer le royaume durant l’absence du souverain. Apparemment oui. C’est en tout cas ce que laisse entendre l’égyptologue et écrivain Christian Jacq dans son cycle concernant la vie de Ramsès II. Dans le tome 3, la reine Néfertari se voit confier les rênes de l’Etat alors que son époux part en guerre contre les Hittites42. Le fait que cet exemple soit tiré d’un roman ne nous permet pas de le considérer de la même manière qu’un texte de l’époque ou une preuve archéologique. Mais il nous montre la conception de l’auteur sur le sujet, conception qui n’est pas très éloignée de celle soutenue par Rosalind M. et Jac. J. Janssen dans leur essai mentionné plus haut. De plus, les romans ne sont‐ils pas également un moyen ludique, surtout quand ils sont écrits par des professionnels du sujet traité, de rendre accessible au grand public des idées qui seraient plus abstraites présentées sur un autre support ? Les exemples abordés précédemment confirment le fait que certaines femmes de l’élite pouvaient recevoir une instruction scolaire si cela leur était nécessaire. Ces dernières étaient‐elles toutes lettrées pour autant ? Dans la pratique sûrement pas, comme le montre l’enseignement cité p. 3, mais en théorie, je ne vois pas pourquoi elles n’auraient pas eu accès à l’enseignement de l’écrit, d’autant plus que des femmes médecins exerçaient dès l’Ancien Empire et qu’une divinité, représentant une femme scribe partageant et complétant la tâche de son époux, existait dans le panthéon des nombreuses divinités égyptiennes. 41
ROSALIND M., JAC. J. Janssen, Growing up and Getting old in Ancient Egypt, London : Golden House Publications (2007), p. 72. 42
JACQ Christian, Ramsès – La bataille de Kadesh, tome 3, Paris : Robert Laffont (Pocket) (1996), p. 84. 18 Chapitre 3 Transmission du savoir « La majesté de ce Dieu dit : «apprends‐lui les paroles d’auparavant! Alors il acquerra le comportement des enfants des hauts dirigeants. Et l’obéissance le pénétrera, tout ce qu’il y a d’exact dans la pensée lui ayant été exprimé. Car il n’y a personne qui soit né (déjà) pourvu de discernement. » Enseignement de Ptah‐hotep, préambule43. Structures Nous avons peu de preuves archéologiques certaines permettant de reconstituer de manière exacte l’étendue des structures éducatives au Nouvel Empire. Tout se complique encore lorsque l’on parle de l’Ancien ou du Moyen Empire. Il semble pourtant que durant l’Ancien Empire, l’école se soit tenue à la cour du pharaon, où les fils des nobles et des courtisans côtoyaient les enfants royaux. Une stèle datant de la Vème dynastie (photo ci‐contre), retrouvée à Saqqarah dans la tombe d’un certain Ptahshepses et actuellement au British Museum, nous renseigne à ce sujet : elle indique qu’il fut éduqué au milieu des enfants royaux, dans le palais du pharaon, qu’il fut remarqué par ce dernier, put se marier avec une princesse et devint Grand Prêtre de Ptah (d’où son nom). Mais rien ne permet d’affirmer que de véritables structures éducatives aient été mise en place à cette époque en dehors de la cour44. On 8. Stèle de Ptahshepses (Ancien Empire). 43
VERNUS P., op.cit. p. 73‐74. ROSALIND M., JAC. J. Janssen, Growing up and Getting old in Ancient Egypt, London: Golden House Publications (2007), p. 59. 44
19 peut le supposer, étant donné le besoin de fonctionnaires pour l’administration, mais rien ne l’atteste de manière formelle. Nous verrons au chapitre 4 comment l’enseignement était donné à cette époque. En fait, ce n’est qu’au tout début du Moyen Empire, après que le pays ait traversé une période de crise interne (ou Première Période Intermédiaire), que pour la première fois apparaît le mot égyptien désignant l’école, littéralement Maison d’Instruction. De cette période nous est connu le nom de l’école du palais royal, le Kap, située dans la ville de résidence du pouvoir. « Cette institution prestigieuse, où une poignée de privilégiés recevaient une formation spécifique de haut niveau, aurait duré pas moins de six siècles [jusqu’au début du Nouvel Empire]. »45 Plusieurs hauts dignitaires de la cour, à l’instar d’Amenemhat ou Maanakhtef, portaient le titre d’ « enfants du Kap » en souvenir de leur passage dans cette école. Ces derniers constituaient généralement l’entourage proche du pharaon qui était lui‐même, selon M. Rosalind, éduqué dans cette école46. Cependant, comme nous l’avons vu au chapitre précédent, cette école n’était pas uniquement réservée à l’élite. Elle accueillait également, selon les critères déjà mentionnés au chapitre 2, des enfants de toutes les couches sociales et des étrangers (asiatiques, nubiens, etc.). Des fouilles récentes, effectuées au Ramesseum (temple construit au Nouvel Empire par Ramsès II) par la Mission Archéologique Française de Thèbes‐Ouest (MAFTO), sous la direction de Christian Leblanc, ont permis de reconstituer son école de scribe ainsi que sa Maison de Vie (le tout occupant une surface d’environ 700 mètres carrés). Cette dernière, à l’instar de celles des autres temples, était en fait une vaste institution s’occupant d’activités aussi diverses que la copie et la conservation des anciens textes religieux et scientifiques, ou l’enseignement 9. Ecole des scribes et « Maison de Vie » du des différentes techniques artistiques permettant Ramesseum (Nouvel Empire). la réalisation des tombes et des monuments en pierre. Ces « Maisons de Vie » avaient un rôle très important dans la société égyptienne. Elles dispensaient un enseignement théologique et rituel, mais aussi celui des sciences comme l’astronomie, les mathématiques, la médecine ou la botanique. Elles formaient également les futures élites du royaume et participaient au développement et à la propagation de la culture pharaonique : nous savons qu’au Nouvel Empire et à la Basse Epoque, certains 45
BRILLAUD Rafaële, « Enseignement : le triomphe de l’écrit », Les cahiers sciences et vie, n˚110 (avril‐mai 2009), p. 28. 46
ROSALIND M., JAC. J. Janssen, Growing up and Getting old in Ancient Egypt, London : Golden House Publications (2007), p.121. 20 princes et personnalités étrangères avaient la possibilité de venir s’instruire dans les temples égyptiens et repartaient imprégnés de cette culture dans leur pays47. Certaines villes étaient spécialisées dans l’enseignement d’une matière particulière : à Saïs et Abydos était enseignée la médecine, alors que le Temple de Rê à Héliopolis devait « s’être spécialisé pour les théories de la construction et de la décoration, du moins dans leur conception religieuse, comme d’autres pouvaient l’être pour la théologie ou l’administration.»48 Les fouilles effectuées au Ramesseum ont révélé une différence entre l’école et la « Maison de Vie » à proprement parler. Ces deux institutions devaient cependant se juxtaposer l’une à l’autre et fonctionner de manière complémentaire en cohabitant dans le même espace : « Dans le contexte du temple, cette proximité intra‐muros entre l’école et la « Maison de Vie […] créait sans doute une émulation, par le fait même que les plus jeunes ou apprentis étaient, en permanence, au contact de leurs aînés.»49 L’école s’occupait donc de la formation des plus jeunes alors que la « Maison de Vie » devait jouer le rôle de nos écoles supérieures actuelles, formant les plus doués et les futurs responsables du royaume. Tandis que la « Maison de Vie » se situait dans une partie fermée du temple (à l’arrière‐plan de la photo à la page précédente), l’école devait se dérouler dans une cour en plein air50 (au premier plan de la photo). Il devait probablement y avoir aussi une école dans le village de Deir el‐Médineh, sur la rive ouest de Thèbes, où résidaient les ouvriers chargés de la construction et de la décoration des tombes de la nécropole royale. Cette école n’a pas été retrouvée par les archéologues, mais les nombreux ostraca retrouvés sur le site et le fait que 40% de la population du village était lettrée, tend à prouver qu’il devait exister un lieu où les jeunes étaient instruits (à moins que ces derniers n’aient été envoyés à l’école des scribes du Ramesseum). Cursus Concernant l’âge vers lequel commençait l’instruction scolaire, rien n’est connu avant le Nouvel Empire51 et les égyptologues ont des avis partagés sur le sujet: pour certains, elle devait débuter vers trois ou quatre ans, alors que d’autres la font débuter à un âge plus avancé. En fait il ne semble pas qu’un âge ait été fixé pour le début de l’école. La biographie, écrite sur stèle, d’un des grands‐prêtres du temple d’Amon du nom de Bakenkhonsou 47
Le célèbre mathématicien et philosophe grec Pythagore aurait, durant un séjour en Egypte, été initié aux mystères égyptiens et aurait étudié l’astronomie et la géométrie dans différents temples du pays, avant de fonder sa propre institution. 48
LEBLANC Christian, « L’école du temple (ât‐sebaït) et le per‐ankh (Maison de vie). A propos de récentes découvertes effectuées dans le contexte du Ramesseum. », Memnonia, XV‐2004, p.97. 49
Ibid., p. 98. 50
Les archéologues on déduit cela du fait qu’ils ont retrouvé à cet endroit des ostraca écrits en hiératique de manière encore hésitante, sans doute l’œuvre des petits écoliers. 51
ROSALIND M., JAC. J. Janssen, Growing up and Getting old in Ancient Egypt, London : Golden House Publications (2007), p. 61. 21 (Nouvel Empire) nous apprend que ce dernier commença son instruction scolaire à l’âge de cinq ans. Seulement, comme le fait remarquer P. Montet dans son livre La vie quotidienne en Egypte au temps des Ramsès, Bakenkhonsou fut peut‐être encouragé et poussé plus que de coutume dans son éducation par son père, un prêtre au rang important ; c’est pourquoi l’âge auquel Bakenkhonsou débuta son instruction ne peut être considéré comme représentatif d’un âge réglementaire de début de la scolarité. Comme l’écrit un peu plus loin P. Montet, « le jour où les petits garçons cessaient d’aller tout nus et nouaient leur première ceinture n’était pas éloigné du jour où ils prenaient le chemin de l’école.»52 De plus, comme aucune loi ne semble avoir existé à ce sujet, il semble que l’âge vers lequel les enfants se rendaient à l’école devait dépendre aussi de leur maturité, de leurs aptitudes personnelles et de l’ambition que les parents nourrissaient à leur égard (suivant, entre autres, le rang social qu’ils occupaient). De même, la durée de ce qu’on pourrait appeler l’école primaire et, par la suite, le temps passé à se perfectionner dans les différents domaines de l’administration et du 10. Stèle de Bakenkhonsou (Nouvel Empire), temple, dépendait de la rapidité, des facultés actuellement à Munich. d’apprentissages et de la motivation des apprentis. Bakenkhonsou passa, par exemple, quatre ans à l’école primaire du temple de Karnak, avant de passer onze autres années à étudier dans les écuries royales (sorte d’école militaire), où il se familiarisa avec les règles administratives, avant de passer encore quatre autres années en tant que simple prêtre au temple d’Amon à Karnak53. Même si aucune loi ne fixait le début de la scolarité, et si la progression des apprentis sur la voie du perfectionnement se faisait à des rythmes différents, il est indéniable que l’apprentissage se faisait par paliers successifs, comme c’est encore le cas de nos jours. Comme me l’a appris l’égyptologue Philippe Collombert, de l’Université de Genève, lors de notre entrevue d’avril 2009, il existe encore un autre texte (le papyrus Insinger) retraçant le cursus d’un écolier égyptien. Voici le passage de ce texte concernant notre sujet : « Il [l’homme] passe dix [années], quand il est petit, avant de comprendre la mort et la vie. 52
MONTET Pierre, La vie quotidienne en Egypte au temps des Ramsès, Paris : Hachette (1946), p.247. ROSALIND M., JAC. J. Janssen, Growing up and Getting old in Ancient Egypt, London : Golden House Publications (2007), p. 61. 53
22 Il passe dix autres [années] pour accomplir le travail d’instruction au moyen de quoi celui qui a le savoir vit. » 54 Cela montre de manière assez claire que, du moins à la Basse Epoque, « l’instruction de l’enfant ne peut commencer qu’à partir du jour où il a acquis une certaine maturité. »55 Et lorsque l’on observe avec quel soin et quel attention les Egyptiens respectaient leurs traditions culturelles plusieurs fois millénaires, on peut sans trop de risques en déduire que ce qui se faisait au Vème siècle en matière de cursus scolaire devait se pratiquer bien avant (au Nouvel Empire notamment). Cela montre également qu’en règle générale, les écoliers devaient passer les différentes « étapes » de l’apprentissage scolaire en ayant probablement tous approximativement le même âge, même si des exceptions devaient très certainement exister. Il semblerait aussi que les écoliers effectuaient, dans le courant de leur scolarité, ce que nous appellerions aujourd’hui des « stages pratiques » dans l’administration de la ville ou de la province à laquelle ils étaient rattachés. Cela nous a été révélé par les griffonnages tracés au verso des tablettes d’écritures utilisées par ces derniers. En effet, nous pouvons y voir figurer, outre les innombrables croquis d’animaux sauvages et essais en tout genre, « des comptes relatifs à la réception des sacs de blé ou des projets de lettres d’affaires. »56 Cela fait dire à A. Herman et H. Ramke que « c’est là un signe évident que les propriétaires de ces rouleaux [avaient] déjà été initiés pratiquement au service administratif. »57 Existait‐il des concours ou des examens permettant de recevoir un diplôme et d’accéder à un niveau supérieur d’enseignement ? Probablement. Nous n’avons pas beaucoup de renseignements en la matière, mais il devait en tout cas y avoir une évaluation des capacités de l’élève, qu’elle soit faite de manière informelle par le professeur, ou de manière plus réglementée avec l’obtention d’un certificat. La preuve que l’on pourrait apporter à cela est le titre d’ « enfants du Kap » que possédaient certains dirigeants ayant fréquenté cette école. Matières enseignées Lire, écrire et compter faisaient partie des matières que les jeunes apprentis scribes devaient pouvoir maîtriser en tout premier lieu. L’apprentissage de la grammaire a varié en fonction des époques et de l’écriture en vigueur dans l’administration aux différentes périodes de l’histoire égyptienne. On pourrait penser que les étudiants apprenaient dès le départ à composer les hiéroglyphes, alors que ce qui leur était enseigné en tout premier lieu était une écriture cursive, le hiératique, 54
DEVAUCHELLE Didier, op.cit., « Comment enseignait‐on le démotique ? », Egypte : Afrique et orient, n˚ 26 (juillet 2002), p. 21. 55
DEVAUCHELLE Didier, « Comment enseignait‐on le démotique ? », Egypte : Afrique et orient, n˚ 26 (juillet 2002), p. 21‐27. 56
ERMAN. A, RANKE.H, La civilisation égyptienne, Paris : Payot (1976), p. 425‐6. 57
Ibid. 23 utilisée par l’administration dès l’Ancien Empire et se définissant comme une simplification des hiéroglyphes. Ces derniers, les médou‐nétcher (littéralement écriture des dieux), étaient utilisés presque exclusivement pour la décoration des temples, des tombes ou la rédaction des textes funéraires et officiels, et leur connaissance était réservée à l’élite des scribes, aux prêtres et au pharaon. Au fil des siècles le hiératique évolua et se simplifia de plus en plus avant d’être lui‐
même remplacé « dans les documents de la vie quotidienne (administratifs, juridiques, économiques), puis dans la littérature et les ouvrages scientifiques »58 par le démotique, dont les premiers exemples connus remontent au VIIe siècle av. J.‐C. 11. Evolution de l'écriture hiératique vers des formes de plus en plus simples et rapides ; la chouette = M Nous n’avons pas la place d’expliquer ici les raisons de ces changements ; mais il est important de mentionner le fait que malgré l’apparition du démotique, le hiératique continua d’exister et remplaça même les hiéroglyphes dans les textes officiels et religieux. C’est la raison pour laquelle les jeunes scribes des différentes époques n’apprirent sans doute pas les mêmes écritures à l’école : les étudiants du Moyen ou du Nouvel Empire apprenaient d’abord le hiératique puis plus tard les hiéroglyphes, alors que ceux de la Basse Epoque devaient savoir en premier lieu le démotique, ensuite le hiératique, puis, plus que rarement, les hiéroglyphes. L’enseignement dispensé aux écoliers égyptiens comportait, également, l’apprentissage de « sagesses » destinées à leur inculquer « des règles de vie et de comportement, tant pour les relations sociales que pour les aptitudes personnelles [les bonnes manières], par exemple comment se tenir à table »59, dont quelques‐unes des plus célèbres sont les Maximes de Ptahhotep, la Satire des métiers ou Enseignement de Khety, l’Hymne au Nil, le livre de la Kêmyt et l’Enseignement d’Amenemhat Ier à son fils. Beaucoup de ces sagesses ou « enseignements » firent leur apparition sous forme écrite au IIème millénaire avant J.‐C. ; soit au début du Moyen Empire. On ne sait pas pour quelles raisons elles apparurent sous cette forme à cette période et pas plus tôt dans l’histoire égyptienne (il est possible également que l’on n’a pas encore retrouvé de textes écrits à l’Ancien Empire mais que cela arrivera peut‐être un jour) ; mais elles devaient très certainement exister et se transmettre de manière orale depuis un long moment. Cette constatation s’appuie sur le fait, controversé dans les milieux universitaires, que certaines de ces œuvres sont attribuées à des personnes ayant vécu sous l’Ancien Empire – un des plus 58
Site de la bibliothèque nationale française à la page http://classes.bnf.fr/dossiecr/sp‐hier2.htm, le 11 avril 2009. 59
ROCCATI Alessandro, « Naissance de l’Ecole », Egypte : Afrique & Orient, numéro 26 (juillet 2002), p. 3. 24 célèbre d’entre eux étant probablement Ptahhotep, qui aurait été vizir sous le règne du Pharaon Djedkarê‐Isesi durant la Vème dynastie (‐2414 à ‐2375). Il devait tout de même exister à l’Ancien Empire, et c’est l’avis de la plupart des égyptologues, des esquisses écrites de ces récits et le fait que ces derniers nous soient parvenus uniquement par le biais de papyrus datant du Moyen‐Empire « n’empêche pas que des prototypes de compositions ayant fleuri au IIème millénaire aient certainement existé auparavant. »60 Nous verrons plus en détail par la suite, quand nous parlerons de la manière d’enseigner, pour quelles raisons ils ne furent probablement pas mis tout de suite par écrit. Que ces « enseignements » remontent à l’Ancien Empire ou au Moyen Empire n’enlève rien au fait qu’ils furent utilisés par les Egyptiens tant que durera la culture pharaonique et ce, même aux basses époques (après le Nouvel Empire) et durant les occupations étrangères, notamment grecque et romaine. Il est intéressant de noter également que ces textes furent réinterprétés à plusieurs reprises en fonction des besoins et des évolutions de la langue durant les périodes successives, et que ce travail devait probablement être fait par les maîtres d’école. Cela montre l’importance qu’ils avaient et le rôle fondamental qu’ils ont rempli pour beaucoup de générations de petits Egyptiens. Outre ces enseignements « moraux » ou classiques, les petits écoliers devaient apprendre également les enseignements dits « épistolaires », qui consistaient autant à apprendre comment rédiger les lettres et tous les courriers administratifs qu’à se familiariser avec le style d’écriture employé dans l’administration. Parallèlement, on leur apprenait également des notions de géographie, d’histoire et de politique ; cette diversité des matières traitées expliquant en partie le fait que certains scribes pouvaient occuper, voir cumuler, des postes a priori très éloignés les uns des autres. Méthodes Comme je l’ai déjà mentionné auparavant, les cours avaient sans doute lieu en plein air, comme c’est le cas encore de nos jours dans les écoles coraniques, sur l’esplanade du temple de l’école du village, ou du palais royal. Les écoliers étaient probablement assis en arc de cercle, face au maître (un scribe du temple), qui se tenait debout, une baguette à la main (voir photo page suivante). Contrairement à ce qui se fait de nos jours, les Egyptiens ne décomposaient pas les mots en différentes lettres ou signes pour les apprendre : ils « [s’attachaient] à retenir l’image graphique des mots qu’ils [venaient] de tracer. On ne leur [décomposait] pas les signes qui [constituaient] leur exercice, [c’était] d’une certaine manière un apprentissage « global » de l’orthographe des mots. »61 Les petits écoliers apprenaient donc à lire et à écrire en notant des phrases entières dictées par le maître. Ces phrases étaient tracées sur des éclats de calcaire (ostraca), des 60
61
ROCCATI Alessandro, « Naissance de l’Ecole », Egypte : Afrique & Orient, numéro 26 (juillet 2002), p. 4. ANDRIEU Guillemette, Les Egyptiens au temps des Pharaons, Paris : Hachette littérature (1997), p. 124‐125. 25 morceaux de poteries ou des plaquettes en bois – le papyrus, bien trop précieux et trop coûteux, étant réservé aux étudiants accomplis, maîtrisant l’art de l’écriture (comme nous l’avons vu plus haut, cette dernière était une cursive des hiéroglyphes, le hiératique, utilisée dans l’administration dès l’Ancien Empire). 12. Ecole coranique installée, au siècle dernier, dans le temple de Louqsor. Cette manière d’enseigner est attestée par ce que l’on appelle les Ohrenfehler, les « fautes d’audition » : « les écoliers entendaient un mot, qui n’était pas le bon ; mais comme il ressemblait un peu au mot prononcé par le maître, ils l’écrivaient62. Cette manière d’enseigner par l’écoute et la dictée trouve son idéal dans les « sagesses » des anciens temps (qui constituaient, je le rappelle, une part importante de la matière enseignée aux jeunes élèves). En voici un extrait : « L’écoute est utile au fils qui écoute. Mais l’écoute n’est intériorisée que par celui qui écoute régulièrement. C’est en étant (d’abord) quelqu’un de disposé à écouter qu’on devient quelqu’un qui pratique l’écoute. Quelqu’un qui a la maîtrise de l’écoute est un possesseur d’avantages. Celui qui écoute est quelqu’un qu’aime le dieu. C’est le cœur qui fait que son possesseur devienne quelqu’un qui écoute ou qui n’écoute pas. C’est celui qui a la maîtrise de l’écoute qui écoute celui qui parle. Celui qui agit selon ce qu’on dit est celui qui aime écouter. Celui qui a la maîtrise de l’écoute […] a d’excellentes dispositions intérieures [litt. excelle à l’intérieur], avec pour résultat de devenir "honoré" auprès de son père. Son souvenir est dans la bouche des hommes, ceux qui sont alors sur terre et ceux qui existeront [par la suite]. »63 62
63
COLLOMBERT Philippe, propos recueillis lors d’un entretien à l’université de Genève, Avril 2009. Maximes de Ptahhotep, Epilogue, deuxième section, P. VERNUS, op.cit., p. 107‐108. 26 Cet enseignement oral remontait à des temps très anciens, car sous l’Ancien Empire déjà, ces textes étaient appris par cœur sous forme de récitation et de poésie. Comme le mentionne A. Roccati, professeur en égyptologie à l’Université de la Sapienza à Rome : « En fait les textes étaient toujours prononcés, la lecture mentale étant considérée comme une façon de « voir » et non pas de « lire », et ils se présentaient souvent sous une forme métrique, qu’on aurait pu apprécier seulement à l’audition. »64 Il n’est pas fait mention ici d’un apprentissage écrit consistant à recopier ce que psalmodiait le professeur, mais uniquement d’un apprentissage par l’écoute et la récitation. La langue orale avait, durant l’Ancien et le Moyen Empire, un rôle prédominant par rapport à l’écrit, qui n’était utilisé que par l’administration. D’ailleurs même l’administration des hautes époques utilisait des messagers chargés de délivrer les messages oralement d’un service à un autre, ce qui n’était plus le cas au Nouvel Empire. Les modifications linguistiques et historiques, ainsi que le souci de conserver les récits oraux pour la postérité, firent que l’écrit supplanta petit à petit la langue ancienne et les traditions du langage parlé (même si comme nous l’avons vu, des restes de cette tradition continuèrent d’exister dans l’enseignement scolaire). Outre cet enseignement basé sur la dictée et la copie, qui, d’après les ostraca retrouvés au Ramesseum et dans le village de Deir el‐Médineh, ne durait pas très longtemps65, les écoliers du Nouvel Empire apprenaient à écrire, mais aussi le calcul, la géométrie, la géographie et l’histoire, de façon plus formelle, à l’aide de signes tracés au recto par le maître et que l’élève devait réécrire au verso. Voici un exemple de problème de géométrie que devaient être capable de résoudre les futurs scribes : « Si on te dit : un tronc de pyramide a 6 coudées de haut, 4 coudées au côté inférieur et 2 coudées au côté supérieur ; alors tu dois élever ces 4 au carré, cela donne 16 ; tu dois doubler les 4 coudées, cela donne 8. Puis tu dois mettre ces 2 coudées au carré, cela donne 4 ; tu dois additionner ces 16, ces 8 et ces 4 coudées, cela donne 28, que tu doubles, le résultat est 56. Voilà, le tronc d’une pyramide fait 56 coudées. » 66 13. ostraca avec le nom du pharaon Amenhotep Ier. En haut : recto écrit par le maître ; en bas : La discipline était stricte et les punitions étaient de mise verso recopié par l’élève. lorsqu’un élève n’était pas assidu dans son travail. Une célèbre 64
ROCCATI Alessandro, « Naissance de l’école », Egypte : Afrique et orient, n˚ 26 (juillet 2002), p. 6. Ces ostraca montrent que les élèves écrivaient une ligne ou deux de texte, puis ensuite les dataient et passaient certainement à l’apprentissage d’autres matières. 66
ANDRIEU Guillemette, op.cit., Les égyptiens au temps des Pharaons, Paris : Hachette littérature (1997), p. 125‐126. 65
27 semonce à l’égard des écoliers nous éclaire à ce sujet : « Ne passe pas un jour dans l’oisiveté, sinon on t’administrera une correction. Car les oreilles du jeune garçon sont sur son dos, et il écoute quand on le frappe. »67 Il ne faut pourtant pas déduire de cela la volonté de faire du mal à l’enfant ; cette sévérité, pensaient les Egyptiens, permettait aux jeunes scribes de faire face aux difficultés de la vie et développait plutôt chez eux la faculté de ne pas se détourner du chemin de vie décrit par les « sagesses », de ne pas verser dans l’ « oisiveté », et de se concentrer sur le travail qu’ils avaient à faire dans l’administration ou les temples. A une époque où les préceptes des anciens avaient tendance à ne plus être appliqués par les jeunes générations, une discipline sévère fut mise en place pour remédier à ce problème et tenter de recentrer l’attention de ces derniers sur les choses essentielles de la vie. 67
ERMAN. A, RANKE.H, op.cit., La civilisation égyptienne, Paris : Payot (1976), p. 422. 28 Chapitre 4 Enseignement « traditionnel » ou de « père en fils » « [En Egypte] si un jeune homme rencontre un vieillard, il lui cède le pas et se détourne ; et si un vieillard survient dans un endroit où se trouve un jeune homme, celui‐ci se lève. » Hérodote, livre II, Vème siècle avant J.‐C.
Après avoir abordé dans le chapitre précédent la méthode d’enseignement qui se pratiquait dans les écoles des « Maisons de Vie », méthode ayant probablement été mise en place dès le début du IIème millénaire avant J.‐C., il faut évoquer une autre manière d’enseigner, de transmettre un savoir aux jeunes générations : l’enseignement prodigué par un père à son fils ou, plus généralement, par un maître à son élève. Pour l’égyptologue Hellmut Brunner, cet enseignement était caractéristique du système éducatif de l’Ancien Empire lorsque l’école, à proprement parler, n’existait pas encore. A l’exception peut‐être du palais royal, où une forme « primitive » de ce qu’allait devenir le système scolaire à partir du début du Moyen Empire existait déjà. Cet enseignement se basait sur la relation entre un homme âgé et un jeune sur le point d’entrer dans la « vie active ». Il se trouve idéalisé dans pratiquement toutes les sagesses/enseignements qui sont parvenus jusqu'à nous, et dont nous avons déjà eu l’occasion de citer quelques extraits précédemment. La vieillesse et l’enseignant En effet, pour les Egyptiens, les personnes âgées possédaient la sagesse et l’expérience qui leur permettaient de transmettre aux nouvelles générations les connaissances qu’elles avaient acquises tout au long de leur vie. Comme l’écrit Pascal Vernus : « si [l’enseignement] requiert jeunesse candide et existence à construire pour son destinataire, elle exige de son émetteur l’autorité et l’expérience d’une vie bien remplie. […] le poids des ans donne du 29 poids aux mots ; on entend mal, mais on est bien écouté. »68 De plus, atteindre un âge avancé était pour les Egyptiens une faveur des dieux. Celui qui vivait très vieux n’était donc pas considéré comme quelqu’un de sénile, mais comme une personne capable, ayant acquis une grande expérience de la nature humaine et ayant été choisie par les divinités afin d’accomplir leur volonté sur la terre et pour transmettre leur message aux jeunes générations. « Leurs exploits ou hauts faits indiquaient qu’ils avaient été les médiateurs ou les instruments de la volonté du dieu dans son inconnaissable programme d’aménagement de la création, et les prédisposaient ainsi à proférer des règles de vie qui, en dernière analyse, en reflétaient les lois. »69 14. Tête en granite noir d’un vieil homme qui possède les rides caractéristiques de la vieilesse, retrouvée au temple de Mout à Karnak. 15. Gros plan anonyme d’un vieux fonctionnaire (on peut le voir à ses cheveux et aux rides sur le front et les joues), peint sur un morceau de calcaire et retrouvé à Saqquara. Datant du Nouvel Empire. Cette conception de la vieillesse se retrouve évidemment dans les « sagesses », qui en sont les principaux témoins. Voici ce que dit le préambule de l’Enseignement de Ptahhotep à ce sujet : « Le vieil âge est survenu, la vieillesse est arrivée. […] Qu’on ordonne au serviteur‐là de faire un bâton de vieillesse. Ainsi lui rapporterai‐je la parole des récepteurs du savoir [les personnes âgées], les avis de ceux d’avant, qui jadis obéissaient aux dieux. Ainsi te rendra‐t‐on la pareille, supprimera‐t‐on les causes de souffrance dans la population, et les Deux‐Rives [l’Egypte] travailleront pour toi [le pharaon]. »70 68
VERNUS Pascal, Sagesses de l’Egypte pharaonique, Paris : Imprimerie nationale (2001), p. 16‐17. Ibid., p. 17 70
Ibid., op.cit., p. 73‐74. 69
30 Le fonctionnement de la relation « père­fils » Cela nous amène directement à la description du fonctionnement de cette relation et du rôle que les deux protagonistes (le maître et l’élève) y jouaient. La plupart du temps, le jeune était éduqué par son père, qui se chargeait de lui inculquer les bonnes manières et l’initiait à la profession familiale. Il pouvait arriver cependant qu’un fils ne corresponde pas, par son comportement, ses capacités et/ou sa manière d’être envers son père, à ce que devait représenter un jeune dans la société, et qu’il ne soit par conséquent pas apte à recevoir un enseignement. Il était alors susceptible d’être renvoyé de la maison paternelle et d’être renié par sa famille pour le reste de sa vie. La maxime 12 de l’Enseignement de Ptahhotep illustre cette situation : « La semence crée le conflit. Si [ton fils] se fourvoie et qu’il transgresse ta volonté, en s’étant dressé contre tout ce qui est dit, et que son propos chemine chargé de mots méprisables, à toi de lui infliger un traitement en rapport avec son propos dans son intégralité. C’est quelqu’un pour lequel est placée une malédiction (déjà) dans le ventre (de sa mère). Celui qu’ils guident [les dieux] ne peut errer. Celui qu’ils privent de bateau ne peut trouver un moyen de traverser. »71 Nous voyons, grâce à cet extrait, que les Egyptiens différenciaient les enfants qui étaient « guidés par les dieux » de ceux abandonnés de ces derniers, c'est‐à‐dire sous le joug d’une « malédiction ». De plus, la « semence » ici mentionnée représente le fils de sang, au contraire du mot « fils », ou « enfant », qui était plutôt utilisé en lien avec la notion d’écolier ou d’apprenti72, comme le montre l’extrait suivant de la même maxime : « Si tu te trouves être un homme aisé, à toi de faire un fils tel que le dieu le rende bien disposé. S’il est droit et respecte ta manière d’être, s’il prend soin de tes biens à la place qui est la leur, fais‐lui toute espèce d’avantage. C’est ton fils, il appartient à l’engendrement de ton Ka. A toi de ne pas détacher ta sollicitude de lui. »73 Ce passage éclaire aussi un point important que nous n’avons pas encore abordé : la possibilité qu’avait le sage de prendre sous sa protection, non pas son fils de sang si ce dernier n’était pas digne de recevoir une éducation, mais l’enfant d’une autre famille, qui le lui confiait afin de parfaire son enseignement des choses de la vie. Le deuxième extrait cité plus haut nous montre même qu’éduquer un enfant de son sang (sa « semence ») posait plus de problèmes que s’il venait d’une autre famille. Le maître était malgré tout appelé 71
VERNUS P., op.cit, p. 84‐85. BRUNNER Hellmut, Altägyptische Erziehung, Wiesbaden (1957), p. 10‐11 73
VERNUS P., op.cit, p. 84. 72
31 « père », par respect, et l’enfant était considéré en quelque sorte comme son fils spirituel (lié à son « ka »), ce dernier possédant donc deux « pères » : un de sang et un symbolique74. Il semble également que le maître pouvait avoir sous sa responsabilité non pas un, mais plusieurs jeunes, dont il devait garantir l’instruction, mais également l’intégrité, aussi bien physique que morale. Un tel cercle autour de soi était considéré alors comme révélateur d’une certaine position sociale, en lien évidemment avec ce que nous avons dit plus haut concernant la vieillesse75. Un cercle de ce genre entoure effectivement le créateur de l’Enseignement pour Kagemni : « Alors le vizir fit convoquer ses siens enfants après qu’il eut compris la nature des hommes, […]. »76 16. Illustration représentant le papyrus Westcar (actuellement au musée de Berlin) relatant, entre autre, l’histoire du magicien Djedi. Son contenu daterait de la XIIème dynastie. Il en va de même pour le magicien Djedi, âgé de 110 ans, dont l’histoire est racontée sur le papyrus Westcar (voir photo ci‐dessus), et qui est décrit comme une personne ayant à sa charge plusieurs enfants. En effet, au fils du pharaon Kheops, qui le prie de se rendre à son palais, Djedi dit : « Qu’on me donne un bateau pour emporter mes enfants et mes livres »77, ce qui confirme que lui aussi devait s’occuper de plusieurs « élèves ». Les élèves étaient logés chez le maître auquel ils étaient confiés. Comme le montre le troisième extrait de la maxime 12 de l’Enseignement de Ptahhotep transcrite ci‐dessus, ils devaient de plus, en contrepartie de l’éducation qu’ils recevaient, prendre soin des biens de leur bienfaiteur et s’occuper de lui et de sa maison jusqu’à sa mort. A ce moment‐là, ses biens étaient répartis 74
ROSALIND M., JAC. J. Janssen, Growing up and Getting old in Ancient Egypt, London : Golden House Publications (2007), p. 59 75
BRUNNER Hellmut, Altägyptische Erziehung, Wiesbaden (1957), p. 10‐11 76
Enseignement pour Kagemni, épilogue, P. VERNUS, op.cit., p. 58. 77
Le Roi Khoufoui (Kheops) et les magiciens, DIVIN Marguerite, Contes et légendes de l’Egypte ancienne, Paris : Fernand Nathan (1968), p. 90 32 entre les disciples ; l’un d’entre eux, s’ils étaient plusieurs, reprenait également le poste et la profession qu’occupait son professeur avant sa mort. Pour Hellmut Brunner, «durant l’Ancien Empire, ce système était une nécessité, car il permettait [aux notables] de garder [leur] poste très longtemps. » Cette conception se rapproche un peu de la notion du maître d’apprentissage telle qu’elle existait au Moyen‐Age, notamment chez les artisans, et qui perdure encore aujourd’hui dans certaines confréries d’ouvriers comme les Compagnons. Le maître transmettait alors son savoir à un apprenti qu’il jugeait digne d’être instruit et qu’il formait un certains nombre d’années avant qu’il soit capable de travailler seul. L’apprenti logeait aussi chez son maître et, s’il était son fils, il reprenait alors l’atelier familial à la mort de son père ou quand se dernier se faisait trop vieux pour travailler78. Evolution Après la mise en place d’un nouveau système éducatif à partir du IIème millénaire avant J.‐C., cet enseignement « traditionnel » continua d’exister en parallèle et ne fut nullement supplanté au profit du nouveau. On peut même observer que cette nouvelle forme reprit du système déjà en vigueur bon nombre de ses caractéristiques, comme par exemple celle du maître (sans doute âgé) enseignant aux plus jeunes. Sa principale évolution résida dans la moins grande contribution des jeunes à la vie de leur maître ; en partie car ils n’habitaient plus chez lui et en partie par le fait que l’enseignement ne se déroulait plus dans sa maison, mais au temple, dans la « Maison de Vie ». De plus, le professeur étant un scribe‐prêtre du temple, il n’était plus question qu’un de ses élèves reprenne son poste à la fin de sa formation. Suivant ce qu’ils devaient apprendre, ces derniers continuaient leurs études dans un des temples du pays, et peut être aussi avec leur « père de sang », avec lequel ils apprenaient les rudiments pratiques de leur métier. Malgré l’évolution de l’enseignement, la relation père‐fils est restée l’idéal du système éducatif et de l’enseignement scolaire, et ce, tant qu’a duré la culture pharaonique. On en veut pour preuve, une fois de plus, les sagesses de cette époque, qui utilisent comme moyen didactique cette relation79, et qui sont en elles‐mêmes la preuve de l’importance que représentait cette tradition aux yeux des Egyptiens. 78
Pour plus d’information concernant les artisans au Moyen‐âge, consulter le site http://ecoles.ac‐
rouen.fr/blacqueville/index_fichiers/Page687.htm 79
Une de ces « sagesses » ou « enseignements » porte même le titre évocateur d’Enseignement d’un père à son fils. 33 Conclusion De toutes les lectures que j’ai faites en vue de la rédaction de ce travail, il ressort, à mon avis, que le système scolaire de l’Egypte Antique est loin d’avoir été aussi uniforme qu’ont pu l’être (en tout cas en apparence) la religion et le savoir. Avant de terminer, je pense qu’il est important de résumer dans les grandes lignes l’évolution de l’institution scolaire. En l’état actuel de nos connaissances concernant l’Epoque Archaïque et l’Ancien Empire, il semble qu’à ces périodes se soit développé un système éducatif basé sur la sagesse et l’expérience de personnes d’âge mûr, qui avaient la tâche de former et d’éduquer la jeunesse afin qu’elle puisse se comporter de manière juste, aussi bien dans la vie de tous les jours que dans la vie professionnelle, en conformité avec les lois cosmiques (maât) énoncées par les dieux. A partir de la VIIIème dynastie cependant, un conflit éclata entre la monarchie et les différents chefs de province de Haute et Basse Egypte, ce qui entraîna une perte de contrôle du pouvoir central sur l’entier du pays. Cette époque est communément appelée Première période Intermédiaire, et lorsqu’elle se termina, au début du deuxième millénaire avant J.‐C., les premiers pharaons du Moyen‐
Empire se virent probablement dans l’obligation d’adapter l’ancien système scolaire qui ne convenait plus au besoin qu’avait l’administration de reformer son corps de fonctionnaires. C’est pour cette raison qu’à cette période fut créée une institution spéciale de fonctionnaires, le Kap, (voir chapitre 3), qui se différenciait de l’école du palais en vigueur durant l’Ancien Empire, mais qui devait reprendre de cette dernière la manière de fonctionner et d’enseigner. C’est aussi à ce moment qu’apparaît pour la première fois le mot « école » dans le vocabulaire égyptien. Par la suite, et probablement jusqu’à la fin de la période gréco‐romaine, l’école fut donnée dans les temples par des maîtres portant le titre d’enseignant. A côté de cela, l’ancien système basé sur la relation « père‐fils » perdura, mais de manière sans doute moins « officielle », en complément peut‐être à l’enseignement reçu au temple. Cet enseignement « traditionnel » resta en tous les cas l’idéal de la méthode éducative, et représente mieux que tout, par l’intermédiaire des vieux sages, le respect que les Egyptiens portaient aux traditions et le culte qu’ils vouaient aux ancêtres. Pour conclure, je pense que des recherches pourraient être menées dans un domaine que je n’ai fait qu’effleurer dans le troisième chapitre (voir illustration 12 et le texte en rapport), par manque de place, mais qui pourraient se révéler intéressant concernant l’influence qu’a eu le système éducatif égyptien auprès des cultures lui ayant succédé sur la terre d’Egypte (les Grecs, Romains, Arabes). Nous savons déjà que le savoir égyptien inspira fortement les Grecs, et nous n’avons qu’à lire Hérodote ou Diodore de Sicile, entre autres, pour nous en faire une idée. Mais concernant la scolarité et l’éducation, peu de choses ont été rapportées par ces auteurs. Nous savons cependant que l’enseignement au Nouvel Empire préfigura celui de l’époque ptolémaïque (gréco‐romaine). En ce qui concerne l’époque arabe, voici ce qu’en pense Christian Leblanc dans son rapport lors de fouilles effectuées au Ramesseum : 34 « On peut se demander si plus tard [après l’époque gréco‐romaine], à l’époque arabe notamment, leur conception [de l’enseignement] ne fut pas reprise pour servir de cadre aux madarîs, ces prestigieux collèges‐mosquées du Caire (El‐Azahr), de Tantah, de Dessouk, de Damiette ou d’Alexandrie, longtemps réputés en raison de la qualité des enseignements que d’éminents maîtres y dispensaient en théologie, en mathématiques, en astronomie, […] voire en géographie ou en médecine. L’organisation de tels établissements, qui incluaient dans leur enceinte une Maison des Lettres […], une Maison de la Sagesse ou de la Philosophie […], une Maison des Livres […] et une école coranique pour enfants […] ne peut laisser indifférent quiconque se préoccupe de l’enseignement dans l’Egypte ancienne. […] Dans les universités musulmanes, l’enseignement comme la doctrine héritèrent certainement [de la tradition égyptienne]. »80 A l’image de ces universités arabes ressemblant étrangement aux « Maison de Vie » telles qu’on en trouvait dans les temples à partir du Moyen‐Empire, qui sait ce que nous réserve encore l’Egypte ancienne ? Que ce soit en rapport avec son histoire ou concernant son influence sur les cultures qui lui ont succédé, combien de découvertes vont encore être réalisées ? Je suis en tout cas intimement persuadé que les liens unissant l’Egypte ancienne et notre époque sont plus profonds et plus vivants qu’on a bien voulu le croire. En effet, certaines de nos connaissances scientifiques, à l’instar de notre système numérique, ne viennent‐t‐elles pas « directement » des pays du Moyen‐Orient et de la culture arabe en particulier ? Le bilan personnel de ce travail est très satisfaisant. Mes recherches en bibliothèque et les différents contacts que j’ai pu avoir m’ont permis de découvrir une partie de l’histoire pharaonique que j’ignorais. Je me suis rendu compte que les séparations entre deux cultures se succédant dans un pays ne sont pas aussi nettes que ce que l’on pourrait penser et que la civilisation qui s’éteint, pour quelques raisons que ce soit, ne disparaît pas totalement dans celle qui lui succède ; cette dernière reprenant ou adoptant très souvent certains éléments déjà présents dans la culture précédente. Ce travail m’a aussi donné l’occasion de me situer par rapport à mes capacités de rédaction et d’écriture en me donnant l’occasion d’apprendre à gérer le temps dont je disposais. Il m’a permis également de confirmer que mon ambition professionnelle est bien d’être archéologue (archéologue sous‐marin pour être précis). Je m’étais en réalité donné comme objectif, durant mes trois années au gymnase Auguste Piccard, de définir avec quelque clarté mon avenir professionnel. Je crois que ce but est maintenant en partie réalisé et que ce travail m’a beaucoup aidé à me conforter dans ce choix. 80
LEBLANC Christian, « L’école du temple (ât‐sebaït) et le per‐ankh (Maison de vie). A propos de récentes découvertes effectuées dans le contexte du Ramesseum. », Memnonia, XV‐2004, p. 97‐98. 35 Remerciements Je souhaite remercier tout particulièrement M. Philippe Collombert, égyptologue à l’université de Genève, pour avoir eu la gentillesse de me recevoir et pour avoir pris le temps de répondre aux nombreuses interrogations que j’avais alors. Ses réponses m’ont été très utiles et m’ont permis de progresser rapidement dans mes réflexions. Je le remercie également de m’avoir indiqué certains ouvrages auxquel je n’aurais pas eu accès autrement81. Merci à C. Jacq d’avoir bien voulu répondre à mon courrier. Egalement un grand merci à ma mère, qui a accepté de relire et corriger mon travail tout en me faisant part de ses lumières quand je le lui demandais. Merci également d’avoir bien voulu traduire le début du livre d’H. Brunner, Altägyptische Erziehung, qui est en allemand. Merci à mon père qui a bien voulu partager avec moi ses talents de graphiste en m’aidant à réaliser la page de titre. Merci à ma famille et mes amis pour leur soutient et leurs encouragements. Merci aussi à ma référente, Mme Asper, pour ses conseils et ses corrections. 81
Je pense notamment au rapport de fouilles du Ramesseum de Christian Leblanc (voir note précédente) ; mais également à des articles d’A. Roccati et D. Devauchelle, parus dans la revue Egypte : Afrique et orient, n˚ 26 (juillet 2002). 36 Annexe 1 Grandes divisions chronologiques 82 Epoque prédynastique 3300‐3150 av. J.‐C. Epoque Archaïque (dynasties I – II) 3150‐2690 av. J.‐C. Ancien Empire (dynasties III – VI) 2690‐2180 av. J.‐C. Première période intermédiaire (dynasties VII – XI) 2180‐2060 av. J.‐C. Moyen Empire (dynasties XI – XII) 2060‐1785 av. J.‐C. Deuxième période intermédiaire (dynasties XIII – XVII) 1785‐1570 av. J.‐C. Nouvel Empire (dynasties XVIII – XX) 1570‐1069 av. J.‐C. Troisième période intermédiaire (dynasties XXI – XXV) 1069‐715 av. J.‐C. Basse Epoque (dynasties XXVI – XXX) 715‐342 av. J.‐C. Epoque gréco‐romaine 333 av. J.‐C. – 395 apr. J.‐C.
82
Tirée de JACQ Christian, Initiation à l’égyptologie, Paris : Le Grand Livre du Mois (1994), p. 133‐134. 37 Annexxe 2
Voici en
n intégralitté la réponsse de l’auteeur et égypttologue Chrristian Jacq
q à la lettre que je lui ai ad
dressée au sujet de cee présent Trravail de M
Maturité : 38 Annexe 3 Voici, retranscrit en intégralité, l’entretien que j’ai eu en avril 2009 avec le prof. Philippe Collombert de l’Université de Genève : Martin : Qu’est‐ce qu’on entend par école en Égypte antique? Est‐ce qu’on peut vraiment parler d’école comme on la comprend de nos jours ? P. Collombert : Pas tout à fait. Le problème est déjà qu’on n’a pas autant de sources qu’on le voudrait ; on n’a pas beaucoup de sources qui nous parlent de l’école. La plupart des documents qui nous restent sont des documents religieux, des documents qui étaient fait dans la pierre, car la pierre était ce qui était destiné à durer ; c'est‐à‐dire tout ce qui était pour les morts, etc. Alors que pour ce qui est de la vie quotidienne, les maisons dans lesquelles vivaient les gens étaient en briques crues, par exemple, et ça a beaucoup moins bien tenu, donc on n’a pas beaucoup de renseignements. Il faut déjà poser ça et dire que finalement on n’a pas beaucoup de sources. Cela dit, pour l’Egypte, c’est un petit peu différent ; on a plus de sources que pour d’autres civilisations parce que c’est un climat très sec qui a beaucoup conservé de choses, et notamment des papyrus, qui nous parlent un petit peu aussi de ces écoles. Donc ce qu’on entend par école, d’après les sources qu’on en a, ce n’est pas tout à fait comme chez nous. Il y a un mot qui pourrait correspondre un peu à école, c’est le per‐hor, ce qu’on appelle la maison de vie. Martin : d’accord. P. Collombert : Et ce per‐hor on le trouve dans les temples essentiellement. C’est une sorte d’école. On y a retrouvé des ostraca, des petits morceaux de poterie, des éclats de calcaire sur lesquels les élèves s’entrainaient à écrire. L’apprentissage consistait à apprendre à écrire et à apprendre par cœur aussi des œuvres de maîtres du passé. Mais ce per‐hor n’avait pas qu’une fonction d’école ; c’était là qu’ils gardaient les archives aussi. C’était à la fois une école et une bibliothèque. Martin : C’était uniquement dans les temples donc… P. Collombert : Alors les ostraca que l’on a retrouvés étaient dans les temples. Mais si ça se trouve Il y avait aussi l’école à la cour, dans les palais. Mais on n’a pas retrouvé d’ostraca dans les palais… Martin : Ok… P. Collombert : Les seuls (ostraca) que l’on a retrouvés sont ceux des temples et ceux dont on parle sont ceux des temples… Martin : Je m’interrogeais également sur les débuts de l’école, si on a une date, si elle a toujours existé, été présente… 39 P. Colombert : Alors on n’a pas de traces pour l’Ancien et le Moyen Empire, je crois. Je crois que ça ne commence qu’au Nouvel Empire. Ca veut dire qu’on a des traces certaines vers 1500 av J.‐C ; mais on sait que ça existait quand même auparavant. Martin : Donc ça a été utile… de tout temps l’école a été utile pour la gestion de l’Empire, pour former des scribes… P. Collombert : Exactement, pour former des scribes. Le but c’était ça : former l’administration, former les gens qui allaient savoir écrire. C’était essentiellement ça l’école. Martin : D’accord. Et pour son évolution aussi au cours des millénaires vous n’avez pas de témoignages… P. Collombert : Si, on a peut être des évolutions mais ces évolutions se faisaient aussi en fonction de la langue que l’on parlait. On sait qu’à l’époque ptolémaïque, époque très tardive de l’histoire égyptienne, il y avait des conditions pour devenir prêtre. C’était notamment de savoir le hiératique, une forme d’écriture que l’on apprenait à l’école. Cela a l’air un peu plus important à ces époques tardives ; mais non, sinon on n’a pas beaucoup de documents sur l’évolution. Martin : Parce que j’ai lu quelque part que l’école, au départ, se faisait à la cour du pharaon. Les nobles pouvaient apprendre et être formés à la cour avec les enfants royaux. P. Collombert : Alors cela fait partie des choses qui existaient au Nouvel Empire. On sait que certains nobles pouvaient envoyer leur fils apprendre avec le roi ; et pas seulement les enfants royaux d’ailleurs, et pas seulement les fils des nobles, mais aussi les fils des étrangers. Martin : D’accord. P .Collombert : … des grands princes étrangers que l’on faisait venir en Egypte pour être éduqués, ce qui était très bénéfique car, quand ils retournaient dans leur pays, ils étaient égyptiens dans leur tête, parce qu’ils avaient appris toute la culture égyptienne. Cela permettait aussi de les surveiller… Martin : D’accord. Est ce que c’était donc plutôt un enseignement de type initiatique à l’Ancien Empire ? P. Collombert : Alors on n’a vraiment rien sur l’Ancien Empire. Mais qu’est ce que vous appelez initiatique ? Martin : C'est‐à‐dire plutôt d’un maître à son élève ou d’un père à son fils… P. Collombert : Alors cela fonctionnait beaucoup… On a ce qu’on appelle des « enseignements » qui nous sont restés par écrit. C’est exactement comme ça que l’apprentissage fonctionnait. Un de ces « enseignements » s’appelle justement « l’enseignement d’un homme à son fils ». On possède aussi l’enseignement d’Amenemhat pour son fils Sésostris 1er, ce qui signifie que même au niveau des rois ça se pratiquait. Donc les enseignements c’est souvent d’un père à son fils, en effet. Cela dit c’est la création littéraire qui était comme ça. Mais cet enseignement d’un père à son fils était justement enseigné dans les écoles, d’accord ? Donc c’est peut‐être simplement un procédé littéraire : ce n’est pas évident que ça a vraiment été fait comme ça… 40 Martin : Il y aurait donc eu les deux côtés : d’un côté à la maison et puis ensuite dans l’école de la « Maison de Vie » ? P. Collombert : C’est possible mais on n’a pas de preuves qui l’attestent. Mais, en effet, c’est possible… On peut supposer qu’il y avait quelque chose comme ça. Disons que l’on devait commencer comme ça et puis, après, on devait, selon les catégories, classes sociales auxquelles on appartenait, aller dans des écoles particulières. Martin : Et alors qui s’occupait de l’enseignement ? C’est difficile également de savoir… P. Collombert : Tout à fait. C’est difficile à dire, mais manifestement il y avait quand même des… On a semble‐t‐il un titre pour professeur ; titre qui est celui d’ « enseignant ». Et apparemment ils ne faisaient pas cela à temps plein. Il était probablement un prêtre spécialisé, dans l’enceinte des temples, qui s’occupait en plus de l’enseignement. Mais c’est pareil on a assez peu de sources là‐dessus, si ce n’est ce titre d’ « enseignant ». Martin : OK. Et puis sinon les endroits ou avait lieu l’enseignement, c’étaient simplement les temples, ou il y avait aussi des écoles de fonctionnaires dans les administrations…. ? P. Collombert : Alors on le suppose, mais on n’en a pas retrouvées ; comme on le disait tout à l’heure, les seules qu’on ait retrouvées c’était à l’intérieur des temples. Mais pourquoi on n’en a pas retrouvées? Parce qu’on n’a pratiquement pas fouillé de palais… Maintenant on commence. Si ça se trouve il y en avait…. Avant on ne fouillait que les grandes choses en pierre, etc. Mais maintenant on commence à s’intéresser aux villes et plus on va fouiller dans les villes plus on va retrouver, très certainement, des écoles administratives dans les villes et les palais. Martin : Même dans les provinces peut‐être? P. Collombert : Oui forcément. Quand je dis palais, je dis palais royal, mais des palais royaux il y en avait un peu partout et notamment dans les provinces. Martin : Donc ça suppose que les couches populaires avaient aussi droit à l’éducation ? P. Collombert : Alors non. Probablement non. Là on a fait des études pour voir qui connaissait l’écrit dans la population et on arrive, je crois, au gros maximum à un pour cent de la population qui savait lire ou écrire ; mais, là aussi, c’est très difficile d’avoir des estimations. Très certainement que c’était les fils de scribes qui devenaient des scribes. Ca c’est très égyptien : on dit toujours dans les souhaits « tu transmettras ta fonction à ton enfant ». C’était vraiment très traditionaliste, on faisait vraiment le même métier que son père. Maintenant c’est pour dire les choses de manière générale. Il y a toujours eu des gens qui ne faisaient pas le même métier que leur père. Mais on incitait à ce que les enfants continuent le métier de leur père… Donc, non, ce n’était pas ouvert à tout le monde, probablement. Martin : Donc il n’y avait pas la possibilité pour quelqu’un du peuple de monter dans la société… 41 P. Collombert : Ca devait être rare. Ce n’était pas facilité. Ca a dû exister, mais c’était exceptionnel. Ca devait être l’exception. Le système social n’était pas fait comme ça ; le paysan, il était destiné à être paysan, etc. Martin : Et pour les femmes ? Est ce que les femmes avaient accès aussi, au même titre que les garçons, à une formation scolaire ? P. Collombert : Manifestement non. Alors on a souvent tendance à dire que la société égyptienne était très égalitaire… Mais apparemment non car, par exemple, on a des milliers et des milliers de scribes égyptiens mais des scribes au féminin, je crois qu’on en a une ou deux maximum ; donc c’était extrêmement rare. Là aussi c’était vraiment l’exception. D’ailleurs, je crois que il y a un petit graffiti d’un scribe qui a voulu écrire un petit texte dans un temple, comme on le fait nous même (même si on ne devrait pas avoir le droit de le faire) ; il a laissé un mot et il a fait des fautes d’orthographe. Puis une autre personne est venue derrière lui, si je me souviens bien, et a rajouté : je crois que tu écris comme un scribe femme ou quelque chose comme cela. Donc ça voudrait dire que ça existait, mais que c’était déconsidéré ; ça ne devait pas être trop fréquent. Martin : D’accord. P. Collombert : Donc là, à ce niveau là, il ne devait pas y avoir d’égalité, même si, par ailleurs, la femme avait un vrai rang et était respectée en Egypte. Martin : A ce sujet, j’ai lu un livre de Christiane Desroches Noblecourt qui disait justement que les femmes étaient au même niveau que l’homme, etc. P. Collombert : On revient un peu là‐dessus quand même ! C’est pour nous faire plaisir qu’on dit cela car c’est la société idéale qu’on aimerait… Et on aimerait la voir dans l’Egypte Ancienne. Non elle avait vraiment des droits importants, à certains points de vue très importants, même à l’égal du mari ; mais à d’autres, comme pour les scribes, non ce n’est pas tout à fait le cas. Martin : Maintenant au niveau du cursus scolaire, est ce que l’on a des restes, des traces, des annales ? P. Collombert : Non on n’a pas de traces du cursus d’un écolier égyptien. Mais il devait y en avoir, forcément. On sait que l’on a des sagesses écrites en démotique, écriture très ancienne en vigueur à la basse époque, au Vème siècle avant J.‐C, où on nous dit que l’enfant passe 10 ans, ses dix premières années, sans avoir conscience du bien et du mal, de la vie et de la mort, etc. Donc il n’a aucune conscience… Puis, après, il passe dix ans dans les écoles à apprendre le chemin de vie ; comment il faut se comporter. Parce que c’est vraiment ça que l’on apprenait, comment bien se comporter dans la vie en société, selon ce qui était écrit dans les textes ; puis, après, je crois qu’il passe 10 ans encore, je ne me souviens plus exactement, à continuer dans ce chemin vers le perfectionnement. Donc on a l’impression quand même que ça se faisait par passages et par paliers dans l’apprentissage mais on n’a pas plus que cela. Martin : Il y avait donc des spécialisations à chaque palier et… P. Collombert : Oui tout à fait, c’est fort probable ; mais on n’a pas de traces, ni écrites ni autres, de cela. 42 Martin : Et puis, sinon, la manière d’enseigner, et de faire les cours… ? P. Collombert : C’était un peu comme dans les écoles coraniques d’aujourd’hui, où on voit tous les petits enfants assis par terre. Ils devaient avoir leur papyrus, enfin pas leur papyrus, leur ostraca sur les genoux. Le maître devait dire une phrase et les étudiants devaient l’écrire. On le voit bien d’ailleurs, parce que, très souvent, ils écrivent horriblement. Ils font des fautes d’orthographe atroces et on voit bien que, très souvent, c’est ce qu’on appelle des Ohrenfehler, c'est‐à‐dire des fautes d’audition. Ils ont entendu un mot qui n’est pas le bon, mais comme il ressemble un petit peu, ils l’ont écrit. Mais en fait ce qu’ils ont écrit ne correspond pas avec ce qu’il faudrait. Donc on voit bien que c’était un enseignement oral où le maître disait une phrase et les étudiants devaient l’écrire. On voit que l’apprentissage ne devait pas être trop difficile, parce que, par exemple, ils devaient faire des lignes d’écritures et ils écrivaient une ou deux lignes du texte et, après, ils mettaient jour 15, puis après, une ou deux lignes, puis jour 16, etc. On a donc l’impression qu’ils ont fait deux lignes par jour puis c’est tout. Alors peut être qu’après ils passaient à un autre exercice ou qu’ils allaient faire d’autres choses… Et puis il y a aussi la phrase célèbre, vous devez la connaître… Martin : Avoir son oreille sur le dos… P. Collombert : Voilà ! « L’élève a son oreille sur le dos. Il écoute quand on le bat. » Ca c’est typique et ça veut dire que très certainement… Martin : Ils étaient sévères…. P. Collombert : Voilà. Ils devaient se faire frapper. Donc pour l’Egypte idéale, là aussi… Martin : effectivement. P. Collombert : … Ca prend un coup dans l’aile, ce n’est pas ce que l’on aurait pu imaginer de prime abord. Martin : D’accord. Donc on a vu que c’était plutôt les riches qui allaient à l’école. Mais quels avantages sociaux cela procurait sur le reste de la population de faire l’école et d’être instruit ? P. Collombert : Ca leur permettait de s’intégrer à la classe dirigeante dont faisaient partie ceux qui connaissaient les écrits et savaient lire et écrire. Car c’est l’administration qui dirigeait le pays. On le voit bien dans la satyre des métiers, justement, où l’on parle de tous les autres métiers de manière atroce : le métier de militaire, ce n’est pas bon parce qu’on revient avec des membres en moins ; le métier de tanneur, ce n’est pas bien car on a les mains qui puent le poisson, etc. Enfin c’est horrible. Donc on dénigre tous les autres métiers et, à la fin, on dit : « le meilleur métier c’est vraiment d’être scribe, là, au moins, tu es tranquille, tu n’as pas les mains sales donc tu es d’une bonne société et a un haut niveau social. » Alors cela dit, c’était les écrits que devaient recopier les scribes alors ils étaient un peu orientés. Martin : Et c’est un scribe qui a écrit cela… P. Collombert : Voilà c’est un scribe qui a écrit cela pour inciter les autres à devenir scribe, parce qu’évidemment, les enfants, la plupart du temps, avaient envie de devenir militaire par exemple. Donc on s’amusait à décrire la dureté de la vie de soldat pour inciter 43 les gens à ne pas devenir soldat, par exemple, et dans tous ces textes‐là on voit bien qu’il y a une propagande pour… Martin : … A une époque où il y avait peut être plus besoin de scribe, par exemple au Moyen Empire ou après les périodes intermédiaires ou les fondements du pouvoir étaient branlant. P. Collombert : Oui, mais je pense qu’il y en a toujours eu besoin… Martin : D’accord. Après justement, qui était scribe et qui ne l’était pas ? P. Collombert : On était scribe de père en fils. Alors en plus, un scribe est celui qui sait lire ; ce n’est pas forcément son métier : c’est celui qui sait lire et écrire. Martin : Ca veut dire qu’un militaire pouvait très bien être scribe ? P. Collombert : Exactement. Et d’ailleurs il y a même les scribes de l’armée ; c’est un titre fréquent. Dans l’armée il y a aussi des gens qui sont spécialisés dans l’écriture et qui pouvaient aussi sûrement manier les armes. Les généraux devaient peut être écrire et lire, même s’ils avaient des gens qui étaient chargés de ça. Les prêtres savaient certainement lire et écrire aussi… Martin : … les médecins et les architectes également ? P. Collombert : Absolument, puisqu’on a retrouvé des papyrus de médecine. Il fallait donc bien qu’ils soient capables de les lire. Mais pour autant, ce n’était pas leur métier d’être scribe ; c’était des médecins. C’était un peu les savants. Et, vraiment, ceux qui savaient lire et écrire faisaient partie des savants, et encore ça dépendait, parce qu’à certaines époques, ils ne savaient pas lire les hiéroglyphes. Ce qu’on apprenait était alors le hiératique ; cette cursive, cette dérivation des hiéroglyphes qui est plus rapide à écrire. Par exemple, pour écrire le son « m » je dois dessiner une chouette et c’est très long, alors qu’en hiératique le trait est très simplifié et n’a presque plus rien à voir avec le hiéroglyphe. Ce qu’on leur demandait, aux petits apprentis scribes, était donc de connaître le hiératique. Mais ils n’étaient pas obligés de connaître les hiéroglyphes. Nous, quand on commence les études ici, à l’université, on commence par les hiéroglyphes mais il y avait plein d’égyptiens qui ne connaissaient jamais les hiéroglyphes en fait… l’apprentissage des hiéroglyphes faisait lui aussi partie de ces paliers supplémentaires. Une fois qu’on avait appris le b‐a‐Ba pour l’administration (rédiger des contrats, des lettres, etc.), et c’était le cas des ¾ des scribes, il y en avait certains qui se spécialisaient : par exemple les scribes dans les temples qui eux devenaient prêtre et devaient apprendre les hiéroglyphes. Mais les hiéroglyphes étaient les médou‐netcher, l’écriture des dieux, donc c’était vraiment une chose à part. Martin : A la base donc, tous les savants avaient une formation de scribe. Et après il y avait différents paliers pour se spécialiser et apprendre ou non les hiéroglyphes. P. Collombert : Très certainement oui. Martin : Très bien, j’ai un peu fait le tour de ce que je voulais savoir. Je ne sais pas s’il y a quelque chose que j’ai oublié et que vous auriez remarqué ? P. Collombert : Non. Qu’est ce qu’on pourrait rajouter… Il y a une chose assez intéressante qui est que, grâce à ces écoliers, il y a certaines œuvres littéraires très importantes qui ne nous sont connues que par des copies d’étudiants. Ca c’est quelque 44 chose d’assez incroyable. C'est‐à‐dire que l’on n’a pas la copie du maître mais, en revanche, puisqu’il y a eu des centaines et des centaines d’écoliers, on a réussi à reconstruire, grâce aux petites lignes qu’ils écrivaient sur les ostraca, des œuvres littéraires à partir des dictées qu’ils réalisaient. Mais comme c’est très souvent des étudiants très mauvais (c’est comme si on reconstituait l’œuvre de Victor Hugo à partir des dictées qui auraient été faites d’un de ses romans), c’est plein de fautes. Donc voilà, pour nous c’est assez difficile… Parfois on a tout le roman – c’est des petites œuvres qui ne sont pas aussi grandes qu’une œuvre de Victor Hugo – mais plein de fautes partout. On a quand même de la chance parce qu’on a cela, des copies de « cancres » de l’époque et, grâce à ça, on connait des œuvres littéraires. On est obligé de faire avec ce qu’on a pour arriver à reconstituer. Sinon je ne vois rien de particulier : le problème, encore une fois, c’est qu’on n’a pas beaucoup de restes… Martin : donc c’est un des domaines ou on pourrait faire encore de grandes trouvailles ? P. Collombert : Il y aurait à creuser dans ce domaine là, tout à fait. Cela dit, le problème est que même si on essaie de creuser, on n’aura pas beaucoup de sources. Et parce que les sources sont pauvres, c’est peut être en partie pour cela que l’on ne s’est pas trop intéressé à ce domaine jusqu’à maintenant. Martin : C’est vrai que j’ai essayé de me documenter et j’ai remarqué qu’il n’y a pas vraiment de livres qui portent sur ce sujet. P. Collombert : Alors ce qui serait bien, en effet, c’est d’avoir une grosse monographie sur l’apprentissage à l’école. Autant on a pas mal de choses sur la Grèce ancienne, autant sur l’Egypte ancienne… Martin : C’est vrai que les livres portant sur l’éducation dans l’antiquité commencent généralement en Grèce. P. Collombert : Exactement. Je ne sais pas si je vous ai apporté quelque chose… Martin : C’est sûr… Maintenant je ne sais pas si vous pouvez me conseiller quelques ouvrages, notamment des sources sur les sujets que je pourrais intégrer à mon travail ? P. Collombert : On n’a pas grand‐chose. On a quelques images de la maison de vie, du per‐hor, qui n’était pas seulement une bibliothèque mais aussi quelque chose qui pourrait ressembler aux scriptorium du Moyen‐âge où on recopiait des textes. On a des représentations de scribes qui font cela, mais ce ne sont pas des élèves ; ce sont des scribes qui ont déjà appris leur métier. Martin : Il n’y aurait pas des représentations de ces ostraca sur lesquels les écoliers recopiaient leur leçon ? P. Collombert : Si ça on en a plein. On peut en trouver. Ou alors, très récemment justement, il y a un archéologue français qui a retrouvé un per‐hor, une maison de vie, au Ramesseum. Le Ramesseum c’est le temple funéraire de Ramsès II à Louxor et, là, ils ont retrouvé l’emplacement où les petits étudiants devaient travailler. Ils ont retrouvé des ostraca et des jeux aussi. 45 Bibliographie Livres ANDRIEU Guillemette, Les Egyptiens au temps des Pharaons, Paris : Hachette littérature (1997), p. 123‐135. • Décrit assez en détail comment se déroulait l’enseignement, en ce qui concerne les méthodes d’apprentissage et la discipline. BRUNNER Hellmut, Altägyptische Erziehung, Wiesbaden (1957) • Livre majeur car étant le seul à traiter exclusivement de l’école et de l’enseignement en Egypte ancienne. Il n’est malheureusement disponible qu’en allemand. DESROCHES NOBLECOURT Christiane, La femme au temps des Pharaons, Paris : Stock (1986), p.187‐195. •
Livre de référence sur la condition et le statut des femmes. Il est peut‐être parfois un peu trop « féminisant ». ERMAN A., RANKE H., La civilisation égyptienne, Paris : Payot (1976), p.221‐222 et 420‐426. • Livre à portée générale, dans la même veine que celui de P. Montet. A l’avantage de creuser un peu plus les techniques d’enseignements et l’évolution de l’école dans le temps. JACQ Christian, Initiation à l’égyptologie, Paris : Le Grand Livre du Mois (1994), p.43‐50 et 123 (152 P.) • Décrit bien, dans le paragraphe consacré aux scribes (p. 49), la différence entre les prêtres lecteurs et les scribes fonctionnaires. M’a aussi été très utile pour la chronologie des différentes périodes (voir annexe 1). L’Egypte Ancienne, éd P. GRANDET, Paris : Seuil (L’Histoire) (1996), p. 149‐152. • Le chapitre concernant les femmes, rédigé par P. Grandet lui‐même, est trop orienté et trop réducteur, mais il a l’avantage de montrer un autre point de vue et permet ainsi de comparer les avis sur la question. L’homme égyptien, éd. S. DONADONI, Paris : Seuil (1992), 386 p. • Le chapitre écrit par A. Roccati sur les scribes est très complet, autant sur l’évolution de la fonction que sur leur rôle et leur importance. Celui sur les fonctionnaires écrit par Oleg Berlev m’a permis de mieux comprendre le rôle qu’a joué la Première période intermédiaire sur l’évolution de l’école. 46 MESKELL Lynn, Vies privées des Egyptiens, Paris : Autrement (Mémoires) (2002), p. 24‐26 et 101‐103. •
Je l’ai surtout utilisé pour la description que fait l’auteur des différences entre les couches sociales à l’époque pharaonique. Le livre en général, pour le peu que j’en ai lu, porte un regard trop contemporain sur cette période de l’histoire en oubliant que, il y a plus de trois mille ans, les mentalités étaient différentes d’aujourd’hui. MONTET Pierre, La vie quotidienne en Egypte au temps des Ramsès, Paris : Hachette (1946), p.245‐249. •
Livre de référence concernant tous les aspects de la vie quotidienne en Egypte ancienne. Il traite, parmi d’autres généralités concernant l’école, du rôle de l’hérédité dans la formation professionnelle et scolaire. ROSALIND M., JAC J. Janssen, Growing up and Getting old in Ancient Egypt, London: Golden House Publications (2007), p. 57‐75. •
Le chapitre 6, the schoolboy, traite de manière concise et scientifique de l’ensemble du sujet en abordant des thèmes tels que l’évolution de l’institution scolaire, le profil des élèves, la discipline, l’étendue des structures ou encore la place des femmes. Son seul défaut est d’être en anglais et de ne pas avoir été traduit. VERNUS Pascal (éd), Sagesses de l’Egypte pharaonique, Paris : Imprimerie nationale (2001), 414 p. •
Livre très pratique car regroupant en français et dans un seul volume (avec les commentaires de l’auteur) l’ensemble des « sagesses » ou « enseignements » de l’Egypte pharaonique. Revues et articles BRILLAUD Rafaële, « Enseignement : le triomphe de l’écrit », Les cahiers sciences et vie, n˚ 110 (avril‐mai 2009), p. 27‐29. •
Article résumant bien la problématique de la scolarité dans l’Egypte pharaonique. C’est dans ce dernier que j’ai pu tirer des informations sur l’école du Kap. LEBLANC Christian, « L’école du temple (ât‐sebaït) et le per‐ankh (Maison de vie). A propos de récentes découvertes effectuées dans le contexte du Ramesseum. », Memnonia, XV‐
2004, p. 93‐101. •
Ce rapport de fouilles me fut d’une aide inestimable lors de la rédaction, car il expose, en sa qualité de rapport, les résultats et les faits du terrain. Il m’a permis aussi de me rendre compte des liens qu’il pouvait y avoir entre l’école des scribes et les universités musulmanes. 47 ROCCATI Alessandro, « Naissance de l’école », Egypte : Afrique et orient, n˚ 26 (juillet 2002), p. 3‐8. •
Cet article m’a permis de me rendre compte de l’importance qu’avait l’apprentissage oral lors des débuts de la civilisation pharaonique. DEVAUCHELLE Didier, « Comment enseignait‐on le démotique ? », Egypte : Afrique et orient, n˚ 26 (juillet 2002), p. 21‐27. •
Bien que je n’aie pas abordé le démotique dans mon travail, cet article m’a permis de prendre connaissance d’une maxime concernant le cursus des écoliers (voir chap. 3). Sites Internet (uniquement ceux utilisés pour la rédaction) Site de la bibliothèque nationale de France : http://classes.bnf.fr/dossiecr/sp‐hier2.htm (le 11 avril 2009) Site de l’académie de Rouen : http://ecoles.ac‐
rouen.fr/blacqueville/index_fichiers/Page687.htm (le 6 août 2009) Site consacré à l’Egypte ancienne : http://www.egyptos.net/egyptos/viequotidienne/scribe.php (avril 2009) Site encyclopédique regroupant des articles en tous genres : www.wikipédia.org (octobre 2009) Table des illustrations Page de couverture : scribe en train de rédiger un document dans une position inconfortable. Il a coincé ses calames derrière l'oreille pour les avoir à portée de main. Devant lui, l'encrier‐coquillage contient les pastilles de couleurs. Actuellement au musée du Louvre. Trouvé à la page http://jfbradu.free.fr/egypte/HIEROGLYPHES/LE%20SCRIBE/scribe‐
kaninisout.jpg 1 : Image Google tirée de la page http://www.egypte‐ancienne.fr/images/scribe accroupi2.jpg (14 juillet 2009). 2 : Image trouvée à la page http://www.egyptos.net/egyptos/viequotidienne/scribe.php (4 avril 2009). 3 : Image trouvée sur le site officiel du Louvre à la page http://cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=car_not_frame&idNotice=3382 (4 avril 2009) 4 : Image trouvée à la page http://www.ancientegyptmagazine.com/images/37permesut4.jpg (8 août 2009) 48 5 : D’après ROSALIND M., JAC. J. Janssen, Growing up and Getting old in Ancient Egypt, London: Golden House Publications (2007), ch. VI, p.72, fig. 32. 6 : Image trouvée à la page http://www.guidegypte.com/images/dieux/thot/thot.jpg (26 juin 2009) 7 : Image trouvée à la page http://www.personalvitality.com/artikel_sterne/ENNEAD_a1_relief_seshat.jpg (26 juin 2009) 8 : Image trouvée à la page http://egypte.nikopol.free.fr/British%20Museum/britishreliefs.html (30 avril 2009) 9 : Image trouvée à la page http://asso.univ‐lyon2.fr/cercle‐egyptologie/ (3 mai 2009) 10 : Image trouvée à la page http://www.osirisnet.net/news/photo/stele_bakenkhonsou_karnak.jpg (30 avril 2009) 11 : Tirée de http://classes.bnf.fr/dossiecr/sp‐hier2.htm (30 avril 2009) 12 : D’après MEMNONIA, bulletin édité par l’association pour la sauvegarde du Ramesseum, Caire : LUMINA (2004), pl. XIV A‐B. 13 : D’après ROSALIND M., JAC. J. Janssen, Growing up and Getting old in Ancient Egypt, London : Golden House Publications (2007), ch. 6, p. 73, fig. 33. 14 : D’après ROSALIND M., JAC. J. Janssen, Growing up and Getting old in Ancient Egypt, London: Golden House Publications (2007), part II, ch. 13, p. 159, fig. 61. 15 : D’après ROSALIND M., JAC. J. Janssen, Growing up and Getting old in Ancient Egypt, London: Golden House Publications (2007), part II, ch. 13, p.156, fig. 59. 16 : Tiré de http://www.crystalinks.com/westcarpapyrus.jpg (6 août 2009) 49 50 51