L`éjaculation précoce - Test

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L`éjaculation précoce - Test
Faux départ ?
L’éjaculation précoce
L’éjaculation précoce n’est pas à proprement parler une maladie, mais elle peut jouer les trouble-fête et miner
la confiance en soi. Si le problème est récurrent, sachez qu’il existe diverses solutions pour différer quelque peu
le moment suprême. Malheureusement, ce n’est pas une science exacte.
Paul Nies – Maurice Vanbellinghen
V
ous venez à peine d’entamer le plat
de résistance au lit et voilà que la
fête est déjà finie… L’éjaculation
précoce peut toucher tous les hommes
(mais pas aussi souvent que certains
voudraient nous faire accroire, nous
y reviendrons). Comment démêler le
vrai du faux ? Quel est le problème et
comment y remédier ?
Moins d’une heure, trop rapide ?
Que faut-il entendre au juste par "jouir
trop vite" ? C’est bien sûr très subjectif.
Si vous vous basez sur les scènes de
hard core (c’est un ami qui vous en a
parlé, bien sûr), où les hommes restent
facilement au garde-à-vous pendant une
heure et demie, n’importe quelle partie
de jambes en l’air normale n’est pas à la
hauteur. Certes, nous voulons tous être
des bombes au lit. Mais ne voulons-nous
pas aussi être plus beaux, plus grands,
plus intelligents… ?
Que disent les chiffres ? Le coït, c’està-dire la pénétration du vagin par le
pénis et l’acte sexuel qui s’ensuit, dure
entre 5 et 6 minutes chez la plupart des
hommes (ceci concerne spécifiquement
les rapports hétérosexuels : on ne dispose
22 testsanté 130
actuellement pas de données fiables
pour les hommes ayant des relations
sexuelles avec d’autres hommes).
En général, le corps médical parle
d’éjaculation précoce lorsque l’homme
jouit en moins de 3 minutes, qu’il ne
peut se contrôler et qu’il en éprouve un
sentiment d’insatisfaction. On opère à cet
égard une distinction entre l’éjaculation
précoce qui a toujours existé, dès les
premiers rapports (éjaculation précoce
dite "primaire"), et celle qui ne s’est
manifestée qu’à un stade ultérieur de
la vie sexuelle (éjaculation précoce dite
"secondaire"). Dans le premier cas, le
plus fréquent, l’éjaculation intervient
en 1 à 2 minutes, voire avant même la
pénétration. Dans le second cas, la limite
est portée à 3 minutes. Le plus souvent,
les deux formes d’éjaculation précoce
sont abordées et traitées différemment.
On estime qu’environ 4 % des hommes
éjaculent prématurément (donc en moins
de 3 minutes) chaque fois ou presque
qu’ils ont des rapports sexuels.
Pas forcément un rabat-joie
Précisons avant toute chose que
l’éjaculation "précoce" n’est pas
nécessairement un problème. Ce n’est en
tout cas pas une maladie qui nécessiterait
à tous les coups un traitement médical
ou autre. En outre, on ne saurait réduire
la sexualité à la pénétration et à sa durée.
Le sexe ne se résume pas à un rapport
vaginal, loin de là. Il existe beaucoup de
techniques différentes pour monter au
septième ciel et se faire mutuellement
plaisir. Il ne faut donc pas être obnubilé
par la pénétration et sa durée. Et si le
rapport sexuel "classique" est ressenti
comme insatisfaisant en raison d’une
durée qui ne répond pas aux attentes,
le dialogue entre les partenaires est
parfois d’un grand secours, voire l’aide
d’un psychothérapeute. Nonobstant,
il serait sans doute plus agréable de
tout simplement ne pas être confronté
au problème qui, en pratique, peut
effectivement avoir des conséquences
au niveau psychologique, comme une
mauvaise image de soi, des problèmes
relationnels, voire même un dépression.
Cause inconnue
Mais comment se fait-il qu’un homme
éjacule aussi vite ? De nombreuses
hypothèses ont été émises, mais
Parlez-en
aucune des explications avancées n’est
entièrement satisfaisante.
L’éjaculation est un réflexe et l’éjaculation
prématurée n’est pas un problème
d’éjaculation, mais de gestion de
l’excitation sexuelle. Les hommes
qui réussissent à retarder la venue
de l’éjaculation le font en gérant leur
excitation sexuelle, c’est-à-dire en la
conservant à des degrés inférieurs
au degré d’excitation qui provoque
l’éjaculation. Ils ne le font pas en
"retenant" leur éjaculation.
Pour cerner les raisons pour
lesquelles certains éjaculent presque
immédiatement, il faut donc s’intéresser
aux facteurs qui déterminent l’excitation
sexuelle. Toute une série d’influences
possibles – les unes mieux étayées que les
autres – apparaît alors…
Gérer l’excitation
Dans le cas de l’éjaculation précoce
primaire, celle qui se manifeste dès le
début donc, on avance que des facteurs
biologiques peuvent jouer un rôle :
par exemple, une hypersensibilité du
gland, un excès de testostérone ou une
perturbation du système neurologique
due à une carence en sérotonine. Mais
ces facteurs génétiques ou biologiques ne
provoquent pas toujours une éjaculation
précoce chez l’homme qui se masturbe :
il y a de toute évidence un lien avec la
pénétration. Aussi s’oriente-t-on souvent
vers des causes psychologiques.
L’éjaculation précoce primaire pourrait
ainsi apparaître chez les hommes qui,
à leurs débuts, s’efforçaient d’éjaculer
le plus vite possible lorsqu’ils se
masturbaient. Des expériences sexuelles
précoces traumatisantes peuvent
également être invoquées, mais les
preuves manquent.
Lorsque le problème surgit plus tard,
on peut dans certains cas faire le lien avec
certaines affections comme le diabète,
la sclérose en plaques, l’hypertension,
des problèmes thyroïdiens… Mais un
tel lien n’est établi que très rarement.
Des facteurs psychologiques sont alors
souvent invoqués, comme le stress, la
dépression, des relations (sexuelles)
En
chiffres
5 à 6 minutes
Durée médiane
du coït.
3 minutes On ne parle
d’éjaculation
précoce au sens
strict que lorsque
le coït dure moins
longtemps. Bien
sûr, subjectivement, un coït plus
long peut encore
sembler trop court.
4 % des hommes
sont confrontés à
l’éjaculation précoce, d’après la
définition stricte.
On est loin des
25 à 35 % avancés
par certaines
études, souvent
commanditées
par le secteur
pharmaceutique.
conflictuelles, une angoisse face à la
sexualité… Mais apporter la preuve que
tel ou tel facteur est à la base du problème
est quasi impossible.
L’ÉJACULATION
PRÉCOCE :
PAS TOUJOURS
UN PROBLÈME
Techniques thérapeutiques
Votre vie sexuelle
n’en pâtit pas
forcément.
Si la cause est inconnue, peut-on y faire
quelque chose ? Diverses modalités
de traitement sont proposées, mais
là encore, pas d’unanimité quant à la
meilleure prise en charge.
Ainsi, on propose souvent l’une ou l’autre
forme de thérapie comportementale, par
exemple la "technique de compression
pénienne". Cette technique consiste,
pour la femme, à serrer le pénis entre le
pouce et l’index juste sous le gland dès
que l’homme entre en érection. Ceci
diminue l’érection et l’éjaculation est
différée. Cette technique peut être répétée
plusieurs fois. A un stade ultérieur, cet
exercice de "marche-arrêt" peut aussi
être réalisé pendant la pénétration : au
moment où l’homme sent qu’il est sur
le point de jouir, la femme se dégage et
comprime le pénis. Au final, l’homme
devrait apprendre à retarder un peu son
orgasme de cette manière, même sans
appliquer de pression.
La thérapie comportementale est donc
une possibilité, mais il y a des doutes
quant à son efficacité à long terme.
Recours aux médicaments
On peut aussi tenter de différer
l’éjaculation en anesthésiant localement
le gland avec un produit à base de
lidocaïne et de prilocaïne. Il existe des
crèmes et pommades anesthésiantes,
comme la crème Emla. Celle-ci est bien
connue des parents, car les médecins
l’utilisent souvent pour insensibiliser la
peau avant d’enlever des molluscums
(petites "verrues") chez un enfant. Des
études ont démontré que ces crèmes
peuvent aussi retarder l’éjaculation (ce
qui n’est toutefois pas une indication
officielle mentionnée dans la notice).
Il existe aussi un spray anesthésiant, le
Fortacin, développé, lui, spécialement
pour l’éjaculation précoce (pas encore sur
le marché chez nous). Crème ou spray,
ces produits ont une certaine efficacité et >
130 testsanté 23
Pas de
remède
miracle
SOLUTION
SUR MESURE
Il est possible de
combiner exercices
et médicaments.
>
sont susceptibles de prolonger l’érection
de plusieurs minutes quand même.
Mais leur utilisation est assez fastidieuse.
Après application, la crème doit agir
pendant au moins 10 minutes. Si on a mis
un préservatif, on peut ensuite passer à
l’acte. En l’absence de préservatif, le pénis
doit alors être lavé pour ôter la crème,
sinon la femme risque une anesthésie
vaginale ! Quant au spray, s’il a l’avantage
d’agir un peu plus vite, il semble aussi
un peu moins efficace qu’une crème
ou pommade... Bref, les produits à
application locale ne sont pas vraiment
une solution idéale.
Les médecins prescrivent parfois aussi
des antidépresseurs, car ceux-ci ont
comme effet secondaire de retarder
l’éjaculation. Selon celui utilisé, cela peut
multiplier la durée de la pénétration par
4 à 8. Cependant, ils n’agissent qu’après
quelques semaines et doivent être pris
en continu. De plus, on risque les divers
effets indésirables des antidépresseurs.
Pour nous limiter aux seuls effets
indésirables liés à la sexualité : troubles de
l’érection, baisse de désir sexuel, troubles
de l’éjaculation et diminution de la
satisfaction sexuelle. Même la qualité du
sperme peut s’en ressentir.
Le cas du Priligy
Le Priligy (dapoxétine) mérite une
mention particulière : cet antidépresseur
a été mis sur le marché pour traiter
spécifiquement l’éjaculation précoce. Son
lancement en Belgique fin 2013 est allé de
pair avec la diffusion des résultats d’une
enquête suggérant que pas moins de
35 % des Belges souffraient d’éjaculation
24 testsanté 130
Le lancement de
médicaments
contre l’éjaculation
précoce va
souvent de pair
avec la publication
d’enquêtes
douteuses
Concerné ?
Quatre conseils
pour vous aider
Ne vous focalisez pas sur "l’acte".
L’éjaculation rapide après pénétration
peut engendrer un sentiment d’insatisfaction, mais un acte sexuel satisfaisant
dépend de bien d’autres facteurs que
de la seule durée chronométrique du
va-et-vient intravaginal.
Parlez-en. L’éjaculation précoce peut
conduire au manque d’assurance, au
trac, à la dépression… Il est important
d’en parler avec votre partenaire et de
chercher éventuellement une solution
ensemble.
Si l’éjaculation précoce est vraiment
gênante, certains traitement peuvent
être envisagés. Des exercices peuvent
aider à prolonger les préliminaires et à
retarder l’éjaculation. Souvent, ils sont
associés à des médicaments.
Il n’y a pas de remède miracle. Si
des produits qui anesthésient le pénis
localement ou certains antidépresseurs
peuvent aider à prolonger la durée de
l’érection, soyez bien conscient de leurs
risques et inconvénients.
précoce. Enquête commandée,
comme par hasard, par la firme qui
commercialise le produit…
L’avantage, c’est que ce médicament ne
doit pas être pris sur une longue durée.
Il fonctionne "à la demande˝ lorsqu’il
est pris entre 1 et 3 heures avant l’acte
sexuel. Mais la dapoxétine expose aussi à
une variété d’effets indésirables : troubles
digestifs, troubles neuropsychiques
(dont l’agressivité), hyponatrémie,
hypotension, intoxication due à un
excès de sérotonine… De plus, son
efficacité est discutable. Par comparaison
avec un placebo, le Priligy allongerait
en moyenne d’une minute la durée
précédant l’éjaculation. Est-ce vraiment
suffisant pour supprimer tout sentiment
de frustration chez l’homme et justifer les
risques du médicament ?
Solutions en cas de réel problème
Si vous souffrez d’éjaculation précoce,
vous devez avant tout déterminer,
de préférence avec votre partenaire,
si cela constitue un réel problème
pour vous. Dans la négative, si donc
votre vie (sexuelle) n’est pas affectée,
il n’y aucune raison de chercher une
solution. Quoi qu’en disent certaines
"brochures d’information" de firmes
pharmaceutiques, il ne s’agit pas d’une
"affection˝ qui devrait absolument
être "guérie".
Si toutefois l’éjaculation précoce est
vécue comme un problème, plusieurs
solutions s’offrent à vous. La thérapie
comportementale fonctionne parfois,
mais en général seulement à court terme,
raison pour laquelle elle est souvent
combinée à des médicaments qui
retardent l’éjaculation. Un sexologue peut
éventuellement aider à cerner les causes
psychologiques possibles du problème
ou aider à vivre avec. Pour trouver
un sexologue, consultez par exemple
le site de la Société des sexologues
universitaires de Belgique: www.ssub.be.
Quant aux médicaments, s’ils peuvent
parfois être d’une certaine utilité,
il faut être bien conscient de leur limites
et de leurs inconvénients, ainsi que de
leurs risques potentiels.

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