4) Voici l`histoire de Barbie , pin-up girl de 30

ALLAN
BARBIE
I
Civilisation
MIDGE
I
4) Voici l'histoire
de Barbie ,
pin-up girl
de 30 cerdirrtètres
n million et demi d'Am&
cames , ont fait irruption en
Europe depuis un an. Elles
ont toutes 22 ans et elles s'appellent toutes Barbie, encore qu'en
France elles se font parfois naturaliser
sous le prénom deMarie-Claire. SiVous
n'avez pas encore eu l'occasion de les
remarqiier ou de les croiser dans ,la
rue, c'est parce qu'elles se trouvent
surtout dans les rayons des grands
magasins ou dans la chambre de votre
petite fille. Barbie, c'est, en effet, une
poupée qui, après avoir conquis l'Amérique, est dans toute l'Europe le plus
grand succès de l'année.
Unjour, aux Etats-Unis, après avoir
regardé sa petitefilleBarbara, surnommée Barbie, découper une silhouette
de carton, puis 'habiller celle-ci de robes de papier diverses, Mrs Ruth
Handler eut l'idée d'unepoupée-adulte
qui aurait à sa disposition un nombre
infini de toilettes, avec les accessoires
indispensables, pour toutes les occasions de la vie. De cette idée, aussitôt exploitée, est née, près de Los
Angeles, une firme, Mattel Inc., dont
le chiffre d'affaires dépasse aujourd'hui cent millions de dollars par an.
Barbie est maintenant lancée sur le
marché européen. Sur trente centimètres de haut, elle représente avec ses
longues jambes, sa poitrine très développée et son nez minuscule« en tromp ette », la beauté idéale telle qu'on la
conçoit en Amérique. Ses cheveux sont
courts, mais elle possède un grand
nombre de perruques allant du blond
cendré au blond platine, du rouge Ti-
U
LA COQUELUCHE DE L'AMERIQUE
Cinq cents lettres parjour
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Page 24 24 novembre 1965
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tien à l'auburn, coiffées en queue de
cheval, en longues mèches plates, ou
en chignon savamment noué pour le
soir. Elle a un choix de 150 vêtements,
allant des blue-jeans à la jaquette de
véritable vison ; elle a ses valises, sa
TV portative, son • téléphone blanc,
ses produits de beauté, ses revues de
mode et de décoration, son chien et
les jouets du chien, son théâtre avec
costumes, décors, scénarios.
Vendue à 20 millions d'exemplaires (dont un million et demi en Europe en un peu plus d'un an), Barbie
fait vivre 25 agents de presse et 45
courtiers de publicité — sans compter
les cinq mille ouvriers qui, au Japon
et à Hong-Kong, exécutent les modèles de la collection. Celle-ci est due
à la plus grande dessinatrice de mode
des Etats-Unis ; des mannequins habillés des mêmes robes que celles des
poupées qu'elles tiennent à la main,
présentent la collection dans les principales villes américaines. Parmi les
huit cents employés de cette énorme
affaire conunerçiale (10% des ventes
de l'industrie du jouet en Amérique),
la secrétaire personnelle de Barbie, aidée de quinze psychologues, répond
aux 40 000 lettres que celle-ci reçoit
chaque semaine.
Le boy-friend
,
Dès la première année (1958) du
lancement aux Etats-Unis, le succès
fut immédiatement, cinq millions de
poupées furent vendues avec vingtcinq millions de vêtements (depuis la
lingerie de nylon, soutiens-gorge et
gaines jusqu'aux gants et sacs assortis
aux souliers de cuir, les uniformes de
majorette, d'hôtesse de l'air, de plongeuse sous-marine, d'astronaute, les
ensembles de sport, les somptueuses
robes du soir, fourrures etc.) sans
doute au désespoir de neuf millions
de pères qui durent faire figurer ces
dépenses au budget vestimentaire de
leur famille.
Peu d'opérations commerciales
avaient, au départ, autant de chance
de réussite. Il suffisait d'y penser.
Après la clientèle des adolescents (sty-
le rock, mod, beatnik, yéyé et copain) il s'agissait de toucher celle des
enfants— et pour cela, de tenir compte
de faits psychologiques 'et sociologiques.
A la petite fille, maintenue à dessein en l'état infantile, on offrait naguère un nourrisson. L'enfant sous
l'étroite tutelle de ses pal'ents, répétait sur sa poupée les gestes de sa
mère : elle la lavait, lui donnait le biberon, la fouettait si elle n'était pas
sage. Il y a cinquante ans, le but de la
société fortement hiérarchisée était de
refréner les instincts ; il s'agit maintenant de les libérer.
Aujourd'hui, moins dominée par sa
mère, la petite fille délaisse son bébé
en plastique et préfère sa « poupée »
adulte, à laquelle elle peut s'identifier.
Elle se voit en elle telle qu'elle veut
être, telle qu'elle s era quelques années
plus tard. (Des enquêtes ont été faites : elles prouvent que les petites filles donnent à leur poupée six ans de
plus qu'elles n'ont elles-mêmes :celles
de huit ans déclarent qu'elle en a quatorze, celles de dix ans, qu'elle en a
seize. Et pourtant Barbie est habillée
comme une pin-up de vingt-deux ans.)
La petite fille veut donc que sa Barbie soit élégante, sophistiquée et sexy.
Barbiefréquente les night-clubs et les
grands restaurants en compagnie de
son boy-friend, Ken, qu'elle épousera
bientôt ; seule sa petite soeur Skipper
reste à la maison, où elle regarde
la TV, consulte des revues de beauté et téléphone à ses came2ades pour
organiser de nouvelles distractions.
La petite fille a cessé à tel point de
s'appuyer sur ses parents que c'est
à une adulte, étrangère à la famille,
qu'elle demandera des conseils. C'est
à Barbie, devenue son idole, qu'elle
écrira tout naturellement comme d'autres écrivent à Sheila ou à Sylvie Vartan. La croyant plus éclairée que les
siens, elle lui expose ses problèmes :
« Mes parents viennent de divorcer.
Chère Barbie, faut-il que j'écrive à
mon père ou attendre qu'il m'invite ? » Selon le cas, Barbie lui répondra une lettre-type ou une lettre
personnelle.
L'opération Barbie crée des enfants
consommateurs à un double titre
pour eux-mêmes (car la petite fille
désire bientôt posséder le même choix
de costumes et de produits de beauté
que sa poupée) et pour la poupée ensuite. D'où l'idée de donner à Barbie
toute une famille. Elle a son boyfriend Ken (nom du fils de Elliot
et Ruth Handler, les créateurs de Barbie), puis une amie, Midge, ayant ellemême un boy-friend, Atlan, enfin une
petite soeur, Skipper, et ses deux camarades, Skooter et Ricky. Puis, Barbie
a été mariée à Ken, elle a eu un en-