Prix d`un meeting de campagne présidentielle

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Prix d`un meeting de campagne présidentielle
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Directeur de la publication : Edwy Plenel
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à la Commission vaut le détour : Bernard Godet,
décoré le 13 juillet 2008 de la Légion d'honneur sur le
contingent du ministre du budget d'alors, Eric Woerth.
Sarkozy à Marseille en 2007: un meeting à
333.538 euros
A l'époque, Nicolas Sarkozy avait déboursé en tout
12,38 millions d'euros en réunions publiques. Pendant
des mois, le matériel avait circulé dans un semiremorque d'une ville à l'autre, avec une «flight-case»
en plexiglas pour protéger le pupitre sur-mesure du
candidat, se souvient un prestataire.
PAR MATHILDE MATHIEU ET MICHAËL HAJDENBERG
ARTICLE PUBLIÉ LE SAMEDI 18 FÉVRIER 2012
Dimanche, pour le premier des «Sarko shows» géants,
programmé au parc Chanot de Marseille, l'UMP
promet de ridiculiser le Bourget de François Hollande.
En 2007, c'est dans cette salle que le champion de la
droite avait livré son dernier discours de campagne,
72 heures avant le premier tour. A l'époque, le
coût de l'opération avait atteint 333.538,22 euros.
Comment brûler tant d'argent en si peu de temps ?
Pour comprendre, Mediapart publie en exclusivité
les factures du meeting de 2007, enfouies dans le
compte de campagne de Nicolas Sarkozy – 27 cartons
en tout, déposés sur les bureaux de la CNCCFP
(la commission nationale chargée de contrôler les
dépenses et recettes de tous les candidats).
Ce 19 avril 2007, à Marseille, des milliers de
spectateurs débarquent eux aussi en cars – au moins
67 ont été affrétés pour plus de 39.000 euros, auxquels
s'ajoutent des «frais de déplacement divers». Nicolas
Sarkozy, pour sa part, semble voyager en jet, puisqu'on
retrouve une location d'« avion » à 37.769 euros.
Si l'ensemble de ces documents ont été saisis en
décembre par les juges bordelais qui instruisent
le volet politico-financier de l'affaire Bettencourt,
Mediapart avait pris soin d'en photocopier une partie
(voir les détails dans la Boîte noire). Pour observer la
prestation de dimanche avec un œil averti, voici donc
une sorte de radiographie comptable du meeting du 19
avril 2007 : tout ce que Nicolas Sarkozy a dépensé
poste par poste, de son maquillage à sa «sécurité
médicale», en passant par les cars de militants.
La salle (la même que celle réservée dimanche)
coûte alors 59.325 euros TTC – prix comprenant
la location de 6500 m2 « nus », le montage/
démontage des structures, 2.794 euros de cloisons
(pour la loge du candidat par exemple), le nettoyage
(«enlèvement des moquettes jetables non compris»),
etc. L'aménagement en mobilier (chaises, etc.), assuré
par l'entreprise francilienne Jaulin, grimpe à 49.413
euros.
Ces chiffres pourraient paraître anecdotiques, si la
moitié des frais engagés au fil de la campagne
n'avaient été remboursés par l'Etat (10,8 millions sur
21 millions de dépenses, comme le prévoit la loi).
Si ces factures, surtout, n'avaient pas été signées par
Eric Woerth en personne. A l'époque, le député de
Chantilly, trésorier de l'UMP, présidait l'Association
de financement de la campagne de Nicolas Sarkozy
(AFCNS), sise rue La Boétie ; depuis le 9 février, il
est mis en examen pour «trafic d'influence passive»
et «recel» de 150.000 euros d'argent liquide au
bénéfice de l'AFCNS, une somme présumée soutirée
à Liliane Bettencourt. Au passage, le nom de l'expertcomptable qui a revu le compte avant sa livraison
Ci-dessous, un récapitulatif des frais liés au meeting :
A trois jours du premier tour, l'équipe du candidat
lance en plus à Marseille l'opération «72 heures
pour gagner» : 160.094 euros de gadgets, dont
49.700 euros de «tee-shirts» floqués, 54.300 euros de
«badges, ballons et stickers», etc. Les quelque 20.000
spectateurs, selon La Provence, sont inondés.
Dans le compte, suivent une ribambelle de «petites»
prestations :
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• 6 «électriciens»
• 956 € pour la maquilleuse personnelle de Nicolas
Sarkozy, qui le suit sur tous ses meetings
Nicolas Sarkozy n’a aucun « retour son » dans
l’oreille, mais un petit haut-parleur dissimulé à ses
pieds, dans son dos, lui permet de « s’entendre ».
Quant à l’image, outre l’écran géant à l'extérieur
(9.530 euros), l’équipe de campagne met le paquet
à Marseille. Pour 33.229 euros, l’entreprise ETC
installe à l’intérieur du hall :
• 911 € pour un «chargé de sécurité» qui s'ajoute aux
fonctionnaires du SPHP (le service de protection des
hautes personnalités), affectés aux différents candidats
pendant les présidentielles
• 1.148 € de «sécurité médicale»
• 4 vidéoprojecteurs, pour 4 « mosaïques » de 2 mètres
de haut
• 2 écrans plasma Pioneer 16/9
• 6 « écrans direct »
• 2.377 € pour deux «interprètes» en langue des signes
• 4.880 € de «traiteur»
• 1.227 € de badges (identifier les journalistes s'avère
essentiel pour mieux les cantonner dans des espaces
dédiés)
• 2.667 € pour 200.000 tracts
•1.817 € pour 60.000 cartons d'invitation (mais 25.952
€ de frais d'envoi)
Ce qui grève surtout le budget, c'est le poids des
équipements mobilisés pour l'éclairage et le son, ainsi
que la vidéo. A l'époque, les deux premiers sont
assurés par l'entreprise Lumison, déjà engagée au
côté de Jacques Chirac en 2002, qui facture 31.133
euros. Diffuser sans coupure, sans parasite, requiert le
recrutement d'une énorme équipe. En vrac, on repère :
• 3 «pupitreurs», chargés d'optimiser le son du
discours
• 6 «sonorisateurs»
• 3 «ingénieurs son»
• 3 «chefs de chantier son»
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• et même trois petits écrans LCD de 50 cm dans la
loge du candidat (205 €)
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Enfin, il faut soigner la « captation » d’images
pour les retransmettre en direct sur internet (2.840
euros), et surtout les « offrir » clefs en main aux
chaînes de télé. Ce dispositif destiné à mieux contrôler
la représentation du candidat, inédit jusqu'en 2007,
déclenche alors une polémique, les reporters télé
se voyant parallèlement interdits de circulation et
cantonnés sur un « plateau » collectif à une quinzaine
de mètres du pupitre. Pour le syndicat de journalistes
SNJ-CGT, «ce type de documents, fournis par les
organisateurs, est à proscrire des reportages». Mais
en 2007, les chaînes cèdent les unes après les autres
à la facilité et diffusent ces images préfabriquées,
conditionnées.
C’est ainsi qu'à Marseille, ETC facture à Nicolas
Sarkozy un « plateau 4 caméras », « un
boîtier distribution presse », un « ingénieur de la
vision », deux « techniciens vidéo », deux « assistants
montage », etc. Rien n’est trop beau pour alimenter les
JT et chaînes d’info continue.
Au bout du compte, cette manifestation n'aura pas
été la plus dispendieuse des meetings sarkozystes de
2007. Comme l'a déjà écrit L'Express, trois ont coûté
plus cher : celles du Zénith à Paris (plus de 640.000
euros), de Bercy (470.000) et de Lyon (400.000).
Cette année, ces chiffres semblent déjà enfoncés par
François Hollande : à en croire des confidences de
Si Jacques Chirac utilisait un prompteur en 2002,
« importé » des Etats-Unis par sa fille Claude, Nicolas
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Sarkozy n’en dispose pas en 2007.
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son équipe de campagne à Libération ou au Monde, sa
réunion du Bourget aurait coûté plus de 800.000 euros.
Nicolas Sarkozy repassera-t-il en tête dimanche ?
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