LES PRATIQUES EUROPEENNES DE LUTTE CONTRE L
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LES PRATIQUES EUROPEENNES DE LUTTE CONTRE L
CENTRE DE RECHERCHES CRIMINOLOGIQUES FACULTE DE DROIT UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES LES PRATIQUES EUROPEENNES DE LUTTE CONTRE L’INSECURITE Synthèse des tendances Rapport Mai 2005 Sybille SMEETS Carrol TANGE Recherche commandité par la Fondation Roi Baudouin Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 Introduction En réponse à la demande de la Fondation Roi Baudouin de réaliser un bilan des pratiques européennes (présentées comme “ bonnes pratiques ”) en matière de lutte contre le sentiment d’insécurité, le Centre de recherches criminologiques de l’ULB se proposait de réaliser celuici au travers d’un corpus de littérature bien défini, relatant et analysant diverses initiatives s’étant donné pour objet la lutte contre le sentiment d’insécurité en Europe. L’objectif de ce bilan était d’offrir une approche synthétique des tendances observées dans ce domaine. L’approche envisagée consistait à la base en une synthèse raisonnée de la littérature du Forum européen pour la sécurité urbaine (FESU), censée couvrir l’ensemble de l’Europe. Le choix du FESU se justifiait par la nature même d’une “ bonne pratique ” dont l’utilité - la raison d’être - réside dans sa capacité à être transposée dans des environnements différents de celui qui l’a vue naître. Partant de ce postulat - lui-même matière à débat - le FESU semblait idéal dans la mesure où il se présente comme réseau, relativement ancien (1987), de villes européennes autour de l’idée de partage d’expériences sur des questions de traitement local de sécurité et de criminalité. Deux types de sources du FESU ont donc été exploitées : d’une part, ses publications ; d’autre part, les fiches de bonnes pratiques échangées entre les villes participantes au FESU (accessibles aux membres via le site1). Pour éviter les biais des sources uniques, et à titre de comparaison, nous avons également recensé les “ catalogues de bonnes pratiques ” publiés par deux autres institutions. La première est le Réseau européen pour la prévention du crime (EUCPN)2 dans la mesure où celui-ci, de création récente (2001), se profile comme un lieu privilégié d’échanges de pratiques en matière de prévention de la criminalité au sein de l’Union européenne. Seule une publication existe à l’heure actuelle, mais elle nous éclaire sur les thématiques et les méthodes privilégiées par les Etats européens en cette matière3. La deuxième institution est la Délégation interministérielle à la ville (DIV) (France) qui a publié deux recueils d’expériences (surtout françaises) en matière de politique de la ville et de prévention de la délinquance4 qui présentent l’avantage de recueillir des expériences mises à jour récemment. L’exercice ainsi posé connaît un certain nombre de limites qu’il nous faut ici mentionner. 1 http://www.urbansecurity.org/fesu/home.aspx. Nous tenons d’ailleurs à remercier le FESU de nous avoir permis d’accéder à ces fiches. 2 Crée en 2001 comme lieu d’échange des expériences, d’information et de contacts et de soutiens aux initiatives locales et nationales en matière de prévention de la criminalité. Les membres du Réseau sont les Etats de l’Union européenne. 3 European Crime Prevention Network Conference, Exchange of good practice in crime prevention between practitioners in the Member States concerning : Youth violence/ethnic minorities, Domestic burglary - including its causes within the wider built environment, Robberies motivated by drug addiction - especially in public places like the streets, October 7th - 8th 2002 in Aalborg, Denmark, EUCPN, 2003. http://europa.eu.int/comm/justice_home/eucpn/ 4 Délégation interministérielle à la ville, La politique de la ville et la prévention. Recueil d’expériences, Paris, Edition de la DIV, 2001 ; Délégation interministérielle à la ville, Politique de la ville et prévention de la délinquance. Recueil d’actions locales, Paris, Edition de la DIV, 2004. 1 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 La première, et non des moindres, tient dans le choix de limiter, pour des raisons évidentes de temps, les sources compulsées. Ceci a trois conséquences. Premièrement, une représentation plus importante des pratiques de certains pays (la France en est un bon exemple5) et l’absence d’autres pays. Deuxièmement, la plupart des dispositifs compulsés débutent dans les années 906, période qui voit l’explosion des politiques de lutte contre l’insécurité urbaine qui fait suite à la mise à l’agenda politique de la question de l’insécurité urbaine dans la plupart des pays européens. Troisièmement, la focalisation sur des dispositifs qui s’inscrivent dans ces politiques de sécurité urbaine. De ce fait, cette synthèse passe à côté de nombreuses expériences, parfois plus anciennes, qui s’inscrivent davantage dans des politiques de la ville tournées vers l’amélioration générale de la qualité de vie sans lien direct avec la lutte contre la délinquance et qui ont sans aucun doute un impact sur le sentiment d’insécurité entendu davantage comme un malaise lié à la dégradation de la cohésion sociale. En outre, même dans le cadre limité qui nous occupe, il existe, bien évidemment, d’autres expériences que celles que nous avons recensées qui constituent déjà une matière première très importante (près de 300 fiches dont la plupart présentent plusieurs pratiques). L’objectif ici, nous le répétons, n’est pas de prétendre à une quelconque exhaustivité mais bien, en raison d’un souci de synthèse, de mettre en exergue des tendances, tant en ce qui concerne le type de dispositifs, que les publics, les territoires ou les phénomènes visés par les bonnes pratiques. La deuxième limite concerne l’objet même de cette synthèse. Notre mandat portait sur des expériences européennes qui se donnent pour objet la lutte contre le sentiment d’insécurité. Cependant, il est rapidement apparu que cet objectif particulier était rarement mentionné dans les initiatives recensées. Dès lors, il fallut nous rabattre sur des dispositifs dont les objectifs étaient plus larges, partant du postulat que le fondement des principaux dispositifs ou politiques de lutte contre la délinquance ou l’insécurité civile se donnent également cet objectif d’amélioration du sentiment de sécurité. Que ce soit dans ce cadre de lutte contre l’insécurité ou dans celui, très minoritaire, des expériences de lutte contre le sentiment d’insécurité, il faut souligner une autre limite : la rareté de résultats d’évaluation, en tout cas quant à l’efficacité des pratiques (adéquation entre les objectifs et les résultats obtenus). Trois cas d’espèce se présentent : cette évaluation n’existe pas ou n’est pas mentionnée ; des données sont indiquées comme étant des résultats d’évaluation d’efficacité et renvoient en réalité à une évaluation d’effectivité ou de satisfaction des publics visés et/ou il existe quelques données mais elles sont soit très vagues (“ l’évaluation est positive ”, “ la criminalité a diminué ”, etc.), soit peu pertinentes (chiffres de la criminalité, par exemple). Dans 90 % des cas où il est fait mention d’une évaluation (efficacité, effectivité, impact ou satisfaction des publics visés), il n’y a pas d’indication de la méthode d’évaluation utilisée, encore moins de la méthodologie. Signe des temps, et sans doute prise en compte du peu d’évaluations d’efficacité et de leur difficulté, on peut d’ailleurs constater une disparition dans les formulaires standards utilisés pour les expériences des items “ efficacité ” ou “ évaluation ” au profit des items “ impact significatif ”, “ bilan ”, “ éléments/facteurs de réussites ” et “ obstacles/insuffisances ”, etc. 5 Dû au choix de compulser les données de la DIV, mais également du FESU crée par Gilbert Bonnemaison, ancien président de la commission des maires sur la sécurité en France, et composé d’une majorité de localités françaises. 6 Quelques-uns remontent aux années 80 mais, dans ce cas, ils ont souvent été remaniés récemment. 2 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 La quatrième limite est liée au contenu des fiches de bonnes pratiques. D’une part, les fiches présentent souvent des agrégations de pratiques diverses plutôt qu’une pratique en tant que telle. Nous avons donc, dans un premier temps, traité ces pratiques telles quelles afin de déterminer quelles en étaient les grandes tendances. Dans un deuxième temps, nous avons dû “ désagréger ” ces pratiques afin de décrire, de manière plus pointue, ce qui nous semblait se présenter comme offrant un intérêt par rapport à la lutte contre le sentiment d’insécurité. D’autre part, les fiches traitées sont de qualités diverses. Présentées souvent sous forme de formulaires standards à compléter par les Etats, les localités ou les acteurs eux-mêmes, certaines sont lacunaires : absence d’information sur la personne de contact, sur les modes de financement, sur les objectifs généraux, les moyens déployés, la date de démarrage du dispositif, les publics, territoires ou phénomènes visés, peu de remises à jour, etc. En l’état, certaines fiches sont donc inexploitables, non seulement dans le cadre de cette synthèse, mais surtout en tant que bonne pratique, potentiellement transposable dans d’autres endroits que celui d’origine (ce qui est paradoxal). * * * Ce rapport se divise en trois parties. La première partie (I) présente une typologie des objectifs généraux (principaux) et des types de dispositifs des expériences européennes de lutte contre l’insécurité civile. La deuxième partie (II) est consacrée, au départ de ces expériences recensées, à la mise en exergue des tendances observées dans la lutte contre l’insécurité civile en Europe. Dans la dernière partie (III), faisant office de partie conclusive, nous nous attachons à exposer de manière synthétique les pratiques extraites des fiches et qui nous semblaient prétendre assumer un rôle positif dans la lutte contre le sentiment d’insécurité ; pratiques dont les postulats d’impact favorable seront illustrés à l’aide d’exemples concrets. On l’aura noté, nous avons été amené à focaliser notre attention sur des pratiques et dispositifs se donnant pour objectif la lutte contre l’insécurité civile, quitte à ce que ceux-ci présentent souvent concrètement une certaine mixité dans la volonté d’agir à la fois sur les protections civiles et sociales, l’ensemble étant susceptible d’influer (positivement ou négativement) sur la question du sentiment d’insécurité7. Ayant été abordés à l’occasion d’un rapport comportant un premier état des savoirs sur l’insécurité8 - auquel nous renvoyons les lecteurs -, nous nous contenterons de mentionner les problèmes posés par le sentiment d’insécurité et ses notions associées (peur, préoccupation, souci)9, nous focalisant pour l’essentiel sur la 7 R. Castel, L’insécurité sociale. Qu’est-ce qu’être protégé ?, Paris, Seuil, 2003. Insécurité : un premier état des savoirs. Synthèse bibliographique relative à l’insécurité et au sentiment d’insécurité, Recherche commanditée par la Fondation Roi Baudouin, juillet – septembre 2003, dans le cadre du Groupe de contact FNRS sur la prévention, Centre d’études sociologiques et Séminaire interdisciplinaire d’études juridiques des FUSL (Y. Cartuyvels et A. Franssen), Centre de recherches criminologiques de l’ULB (S. Smeets), le Groupe d’étude sur l’Ethnicité, le Racisme, les Migrations et l’Exclusion (GERME) de l’ULB (A. Réa et H.-O. Hubert), l’Unité de recherches en criminologie de l’UCL (D. Kaminski et F. Toro) et l’Unité de criminologie de l’Université de Liège (A. Lemaitre), Bruxelles, septembre 2003, 132 p. 9 Ceci renvoie au débat entourant la question de ce sentiment, son rapport avec la perception du crime, l’interprétation de la situation concernant ses diverses formes et le lien qu’elles entretiennent ou pourraient entretenir avec la situation personnelle, la peur ou la préoccupation suscitée, sans oublier la dimension d’incertitude ou de déficit dans les protections sociales qui peuvent l’alimenter de manière diffuse, mais 8 3 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 présentation des prétentions discernables dans les pratiques présentées au fil des fiches dépouillées. I. Typologie des bonnes pratiques Remarques liminaires La typologie qui suit doit permettre une mise en ordre des bonnes pratiques issues des sources choisies pour la réalisation de cette synthèse. La méthode utilisée pour établir cette typologie est à la fois inductive et déductive. Dans un premier temps, nous avons établi une première typologie basée, d’une part, sur la littérature et les recherches belges traitant des dispositifs nationaux dont l’objectif est d’aborder directement ou indirectement la question de l’insécurité civile, d’autre part, sur base de la synthèse bibliographique relative à l’insécurité et au sentiment d’insécurité réalisée à la demande de la Fondation Roi Baudouin en 200310. Cette première typologie nous a servi de grille de dépouillement et d’intégration des données issues des fiches de bonnes pratiques11. Une fois le dépouillement effectué nous avons retravaillé les catégories, ne gardant que celles pour lesquelles nous avions des fiches de bonnes pratiques, en rajoutant certaines lorsque des bonnes pratiques ne correspondaient à aucune catégorie et en remaniant l’ensemble des catégories lorsque c’était nécessaire (intégration, scission, changement de dénomination, etc.). Pour rappel, cette typologie ne vise pas toutes les bonnes pratiques européennes en matière d’insécurité civile mais uniquement celles qui sont échangées ou accessibles via les sources retenues. Dans le tableau qui suit, nous avons scindé la typologie en catégories et en sous-catégories. Les huit catégories (colonne I) renvoient aux objectifs généraux (principaux) qui soustendent, explicitement ou implicitement, les bonnes pratiques. Les sous-catégories (colonnes 2 et 3) renvoient aux types de dispositifs qui concrétisent à titre principal ces objectifs généraux. Les catégories et les sous-catégories employées ne sont pas exclusives les unes des autres. Les limites en sont évidemment poreuses (par exemple, la régulation des conflits comme type de dispositif peut autant renvoyer à la volonté de mettre en place des interfaces entre individus qu’à celle de recréer des liens sociaux). Ces catégories permettent seulement de grouper des projets extrêmement variés, tant dans leur contenu que dans leurs moyens d’action. Une bonne pratique peut avoir plusieurs objectifs généraux ou concerner plusieurs types de dispositifs. Le choix du classement d’un dispositif regroupant diverses pratiques dans telle ou déterminante ; cf. le rapport Insécurité : un premier état des savoirs cité plus haut, ainsi que la synthèse qu’en présente Castel. 10 Insécurité : un premier état des savoirs. Synthèse bibliographique relative à l’insécurité et au sentiment d’insécurité, op. cit. 11 Les données récoltées portaient sur : 1/ Nom et lieu, 2/ Descriptif du dispositif et objectifs, 3/ Date de démarrage, 4/ Types d’acteurs mobilisés (principaux/secondaires), 5/ Modalités préférentielles d’action (principales/secondaires), 6/ Type de ressources mobilisées (qui est à l’initiative/qui finance/sur quel territoire), 7/ Cibles (lieu/individu ou groupe/phénomène), 8/ Evaluation. 4 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 telle case du tableau s’est donc fait au regard de l’objectif principal ou de l’objectif le plus évident et du dispositif central, en laissant de côté les objectifs ou les dispositifs secondaires. Typologie OBJECTIFS DISPOSITIFS COORDONNER ET METTRE EN RESEAU CONNAITRE Formation et sensibilisation des acteurs d’encadrement ou de terrain Diagnostic, observatoire et monitoring Information sensibilisation collective RENDRE ACCESSIBLE et Tout public Catégories spécifiques Justice de proximité Lutte contre la récidive et réinsertion des détenus Alternatives à l’emprisonnement Accès au droit Antenne et Maison de justice Aide aux victimes Administration et Antennes locales (déconcentration) institutions publiques Intermédiaires (interfaces humaines) : ombudsman orientation accompagnement dans les démarches INTERMEDIER Entre populations et institutions privées Entre individus Régulation de conflits Médiation 5 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 ENCADRER DES Policing de proximité TERRITOIRES ET DES POPULATIONS DITES “ A RISQUES ” Police de proximité Community policing12 Nouveaux acteurs de la sécurité Surveillance de voisinage Quadrillage et politiques de tolérance zéro Encadrement humain Encadrement des jeunes à risques des populations Mentoring/parrainage13 spécifiques dites “ à Supporters risques ” (y compris Toxicomanes accompagnement sanitaire) Sans-abri, SDF et personnes marginalisées Victimes de la traite des êtres humains et prostitué(e)s Gens du voyage AMENAGER L’ENVIRONNEMENT PHYSIQUE Renforcement technique de la surveillance Renforcement technique de la sécurité Technoprévention Eclairage public Rénovation urbaine14 Réhabilitation des centres urbains et assainissement des sites d’activités économiques désaffectés Aménagement ou création de “ zones de convivialité ” Gestion de la propreté et de l’environnement Approche architecturale “ espaces défendables ” 12 Deux remarques concernant cette sous-catégorie. Le choix de différencier les dispositifs de police de proximité et de community policing s’explique par une différence de conceptions entre des dispositifs que l’on retrouve d’avantage en Europe continentale et des dispositifs inspirés d’un “ modèle ” anglo-saxon. La sous-catégorie “ police de proximité ” renvoie aux dispositifs policiers qui visent à rapprocher physiquement le policier du citoyen et à améliorer le contact entre eux. La sous-catégorie “ community policing ” renvoie aux dispositifs visant la prise en charge de la sécurité par l’ensemble de la “ communauté ”, dans laquelle la police n’est qu’un des acteurs, même s’il est privilégié (comme initiateur, coordinateur ou acteur ressource principal). Le choix de mettre cette sous-catégorie “ community policing ” dans la catégorie “ encadrer des territoires et des populations ‘à risques’ ” plutôt que dans celle “ renforcer les liens sociaux ” est matière à débat. Nous nous sommes basés sur les objectifs généraux des bonnes pratiques rencontrées qui, si elles mentionnent les deux objectifs, mettent souvent l’accent sur la question de la sécurisation d’un quartier déterminé. 13 En ce qui concerne le mentoring et le parrainage des jeunes, on aurait pu aisément placer ce type de dispositifs dans la catégorie de recréation de liens sociaux. Tout dépend du contenu de ce parrainage ou du mentoring ou de l’acteur concerné. 14 Pour la différence entre cette sous-catégorie et la catégorie “ revitaliser le quartier ”, voir note suivante. Dans cette sous-catégorie devaient se trouver des dispositifs visant à encourager la rénovation des habitations par leur propriétaire grâce à l’octroi de primes diverses. Nous n’avons cependant trouvé aucune bonne pratique se référant à cette pratique, bien que celle-ci soit relativement courante dans les pays européens. 6 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 RENFORCER LES LIENS Maisons de quartier et communautaire SOCIAUX Travail de rue et de quartier avec les jeunes Animation sportive et socioculturelle Régulation de conflits de voisinage Travail social communautaire Concertation de quartier Rééquilibrage ethnico-spatial et mixité des quartiers INSERER DANS LE TISSU Création d’emplois locaux ECONOMIQUE Stage et formation individuels REVITALISER LES QUARTIERS15 15 La revitalisation du quartier (appelée dans certains cas “ résidentialisation ”) est en soi une approche particulière qui nécessitait la création d’une catégorie à part dans la mesure où elle est présentée comme bonne pratique à part entière qui veut que “ la revitalisation ne concerne pas que la brique, elle concerne l’homme ”, ce qui la différentie de la sous-catégorie “ rénovation urbaine ” qui ne touche que l’amélioration du bâti au sens large. Voir infra, les conclusions de ce rapport. 7 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 II. Synthèse des tendances des pratiques européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile A la lecture des fiches de bonnes pratiques dépouillées, plusieurs tendances en matière de lutte contre l’insécurité civile se dégagent clairement. Elles sont exposées ici dans des termes généralement observés dans les fiches, mais avec une remise en ordre de notre part. Nous présenterons ces tendances de manière synthétique, sous formes de thématiques. 1. Des types de dispositifs récurrents Certains types de dispositifs reviennent de manière récurrente, quelle que soit la source utilisée (FESU, DIV ou EUCPN) : a. Les dispositifs de transmission d’information plus ou moins ciblés, que ceux-ci favorisent des modes d’action aussi divers que l’information stricto sensu, les avis et conseils, le relais vers d’autres services, l’éducation au sens large ou la formation. Les personnes visées sont tout autant les individus “ bénéficiaires ” des politiques de sécurité que les intervenants, institutionnels ou non, impliqués dans ces politiques. b. Les dispositifs de coopération, de coordination et de partenariat entre les intervenants des différents dispositifs. c. Les dispositifs de médiation et de régulation de conflits. d. Les dispositifs visant à améliorer l’accès effectif aux droits, aux services et ressources. e. Les dispositifs portant création d’une série de “ nouveaux acteurs de la sécurité publique ” dans deux domaines en particulier : celui de la surveillance et de la sécurisation de certains sites et celui de la création d’interfaces entre individus et institutions publiques ou privées et entre individus. f. Les dispositifs de surveillance (humaine ou technique) faisant appel aux techniques de prévention situationnelle, souvent jumelés à des modifications de l’environnement (éclairage public, sécurisation par des alarmes ou des dispositifs d’accès à certains lieus, etc.). On peut noter, dans ce cadre, une inflation de la technicité des dispositifs consacrés à la prévention des infractions contre les biens et à la responsabilisation des résidents (par exemple, d’ensembles d’habitations sociales) dans la gestion de leur lieu de vie, notamment par leur implication concrète dans la signalisation des problèmes. 2. Des publics cibles sur-représentés a. Les jeunes constituent la catégorie de public-cible la plus représentée dans les expériences locales (plus de la moitié). Cette catégorie se décline principalement en trois sous-catégories qui se croisent parfois : 8 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 les jeunes délinquants ou au comportement “ à problème ”, ciblés individuellement, que l’on accompagne de manière douce ou dure et que l’on (ré)insère. les enfants, pour lesquels existe toute une série de pratiques visant la prévention de diverses menaces (toxicomanie, alcoolisme, violence, abus sexuels, etc.) par l’information, l’éducation et les conseils, principalement en milieu scolaire. Dans cette catégorie, on peut inclure un nombre important de dispositifs de soutien à la parentalité. Les jeunes toxicomanes, qu’il faut accompagner individuellement (conseil, accès à la santé, prévention des maladies) mais également encadrer car souvent compris dans la première sous-catégorie (délinquance d’acquisition, perturbation de l’ordre, trafics divers, fugues, etc.). b. Les toxicomanes majeurs ou mineurs constituent la catégorie suivante en termes de quantité de dispositifs. On peut remarquer que cette catégorie croise celle des “ jeunes ” dans une majorité de fiches. c. Les victimes sont une catégorie de plus en plus présente (au fil des années). Cette catégorie se décline en trois sous-catégories : Les victimes au sens strict du terme : victimes d’un fait traumatisant (principalement d’infraction). Dans ces cas, l’accompagnement, le relais, l’assistance et l’accès au droit, parfois accompagnés d’une écoute psychologique, sont les méthodes privilégiées. Les victimes au sens de personnes vulnérables du fait de leurs caractéristiques intrinsèques : personnes âgées (victimes potentielles de vols sous différentes formes, de maltraitance, d’escroquerie), femmes (principalement par rapport à la violence) et enfants (violence à l’école, abus sexuels). Les dispositifs vont de la sécurisation effective par le durcissement des cibles à la prévention par l’information et les conseils ou l’éducation. Les victimes “ sociales ” de par leurs “ comportements ” : personnes dont la vulnérabilité sociale entraîne des risques sanitaires, de délinquance, de marginalisation accrue, etc. : sans-abri, victimes de la traite des êtres humains, prostitué(e)s, toxicomanes, gens du voyage et, dans certains cas, illégaux. Ici, c’est l’accompagnement individuel qui prime ainsi que la fourniture de services en urgence (assistance psychologique, matérielle, sanitaire), souvent – mais pas systématiquement – jumelés à des mesures, plus ou moins contraignantes, visant à se “ réinsérer ” et “ sortir des marges ”. 3. Les acteurs émergents a. Les bénévoles, de plus en plus présents dans les dispositifs dits “ communautaires ”, ils jouent divers rôles dans la régulation de conflits, le dialogue entre les individus d’un quartier, d’une école, la réinsertion ou la prévention de l’exclusion sociale de jeunes ou, plus rarement, entre des usagers et des institutions publiques et privées (rôle d’ombudsman). 9 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 b. Les acteurs du secteur privé, autres que l’associatif : importance des entreprises (les hypermarchés, les sociétés de distribution d’eau, d’électricité, de gaz, des transports en commun, de sécurité privée ou de gardiennage, etc.) et des commerçants qui jouent un rôle important en matière de remise à l’emploi, d’octroi de stages professionnels ou de subsides. Ici deux constats s’imposent. c. Malgré de nombreux discours d’intention, les expériences favorisant véritablement la participation des citoyens (dans la définition des problèmes et/ou des solutions, dans la mise en œuvre concrète et/ou dans l’évaluation des dispositifs) sont rares. d. Contrairement à nos attentes, la police, en tant qu’institution privilégiée dans la question de la sécurité publique, est relativement peu présente dans les fiches. Cette sous-représentation peut s’expliquer en partie par l’existence d’autres canaux privilégiés – policiers et municipalistes – d’échange de bonnes pratiques dans ce domaine. 4. La remise à l’emploi comme objectif secondaire Les dispositifs favorisant une remise à l’emploi comme objectif secondaire sont relativement nombreux, marquant la volonté, dans de nombreux pays européens, de considérer la sécurité civile comme gisement d’emplois prometteur. 5. Une approche d’abord territorialisée sur des quartiers L’approche territorialisée dans la lutte contre l’insécurité reste, sans surprise, une des approches privilégiées (les trois-quarts des expériences s’en inspirent). Dans ce cadre, le territoire d’intervention considéré comme le plus pertinent dans la plupart des expériences recensées est le quartier. De nombreux dispositifs disent s’inspirer de l’image d’un quartier comme “ village” au sein duquel il faut retisser du lien social (approche dite “ communautaire ”), sans pour autant mobiliser les ressources locales pour traiter in situ un problème, condition nécessaire pour une véritable approche de ce type. Dans la plupart des cas, en réalité, le quartier est davantage considéré comme un territoire à risques divers qu’il faut encadrer, cibler, pour éviter les dégradations matérielles ou relationnelles (ce qui explique la sur-représentation des quartiers d’habitats sociaux ou à grande mixité ethnique). Au même titre que ces quartiers, les autres sites visés sont multiples : sorties d’écoles, parkings, parcs, métros, centres urbains, quartiers commerçants, etc. 6. Des modes d’actions dominants a. La circulation de l’information sous toutes ses formes (information individuelle ou collective vers un large public ou des groupes spécifiques, conseil, accès au droit, éducation, diagnostics et monitorings, formations des intervenants) dont les supports vont du plus standardisé et à large diffusion au plus personnalisé et à diffusion plus restreinte. b. La mobilisation des individus et des institutions existantes pour en faire les acteurs du changement au travers des dispositifs de concertation, de coordination, de parrainage, de travail communautaire, d’éducation et d’émancipation. 10 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 c. La facilitation et la création de contacts entre les individus, entre les individus et les institutions, mais aussi entre les institutions suite au constat récurrent des effets négatifs de l’isolement des individus au sein des quartiers, des publics bénéficiaires divers, mais aussi d’acteurs prestataires de services : médiation, services de proximité, régulation des conflits, travail communautaire, réorientation, etc. d. L’encadrement individualisé et individualisant de certaines catégories de populations considérées comme à risques : parrainage et mentoring des jeunes, accompagnement sanitaire et dans les démarches diverses, assistance aux victimes, lutte contre la récidive, (ré)insertion dans la communauté ou dans l’environnement économique, etc. e. La gestion de l’environnement physique, public et privé : surveillance humaine et technique, technoprévention, rénovation urbaine, antennes locales, etc. 11 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 III. Pratiques en matière d’insécurité, selon l’angle de la lutte contre le sentiment d’insécurité, et leurs points d’application Introduction A la lecture des pratiques évoquées dans les fiches dépouillées, on retrouve – au niveau d’analyse souhaité par la Fondation Roi Baudouin – un certain nombre de pratiques présentées plus ou moins clairement comme offrant un impact dans le domaine des perceptions, représentations et sentiments de publics s’inscrivant dans le cadre plus large du dispositif exposé. Parmi ces pratiques, on discerne, d’une part, la volonté d’agir à un premier niveau sur la visibilité, la perception que peuvent avoir les gens d’une situation (lieux, personnes et éventuellement institutions ou acteurs impliqués), et ce au moyen d’une action ciblant cette situation. D’autre part, un deuxième niveau consiste à agir plus directement sur la compréhension et l’interprétation de ces situations, cette fois au travers d’actions ciblant les gens davantage en tant qu’acteurs que simples spectateurs. Ces actions, susceptibles parfois de connaître des “ points d’application ” variés, souvent multiples16, seront exposées dans un premier temps de manière synthétique, sous la forme de formules condensant une pratique et l’impact que l’on en escompte. Enfin, des exemples sont tirés des fiches, dont certains seront exposés lors du séminaire de juin. Particulièrement à la lumière de la complexité des questions entourant l’analyse du sentiment d’insécurité et du déficit en évaluation relevé dans les fiches, l’impact supposé sur ce sentiment se trouve ramené aux dimensions d’un postulat, d’une confiance en la pertinence de la pratique. Dans le cadre d’une discussion en séminaire, restera à voir si cette confiance est partagée, éventuellement à la lumière d’analyses plus objectivées, en tout cas à la lumière des expériences de chacun. 1. Formules synthétisant les pratiques présentées et surtout leurs postulats en matière d’impact sur le sentiment d’insécurité Les pratiques recensées se répartissent autour de ce qui semble constituer trois catégories – non exclusives les unes des autres – de points d’application de l’action : l’individu (même au départ d’une analyse définissant des classes à cibler), le collectif (abordé dès lors en tant que tel, le collectif conditionnant l’impact escompté) et l’environnement (ici dans un sens 16 Des publics “ bénéficiaires ” considérés comme victimes, victimisables et vulnérables, à risque, “ en danger d’exclusion ” car marginalisés et précaires, mais aussi des publics de prestataires de services, d’intervenants auxquels on souhaite éviter, par exemple, des répercussions néfastes de leur action, tant pour eux-mêmes que pour les bénéficiaires de celle-ci. S’agissant de ces publics, on constate que l’on peut décider de les approcher au travers d’une individualisation de l’action ou, au contraire, d’une collectivisation ; chacune pouvant prendre des formes diverses. Egalement l’environnement selon diverses déclinaisons : le quartier, d’autres types de zones, divers sites spécifiques et bâtiments hébergeant associations et institutions, principalement en tant qu’ils sont le décor de situations sur lesquelles on entend agir. 12 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 relativement étroit, limité au cadre physique et à l’image que l’on entend faire passer concernant des institutions). On le constatera à la lecture des quelques exemples retenus et synthétisés plus loin, les formules dégagées ci-après s’égrènent et se combinent dans les pratiques évoquées au fil des fiches, formant à ce qu’il semble l’assise de la confiance que l’on place en leur capacité à rencontrer les besoins et les demandes des publics ciblés tant en matière de sécurité (surtout civile) que de perception de la situation en cette matière17. Première catégorie. Individualisation de l’action 1. Il faut expliquer et (in)former pour préparer (prise de conscience, pour commencer), rassurer ou regagner la confiance. 2. Il faut comprendre pour être prêt (prise de conscience, pour commencer), rassuré, en confiance. 3. Il faut avoir les moyens pour se sentir à l’aise (ressources diverses, dont les connaissances). 4. Pouvoir agir, exercer un contrôle sur sa propre situation, rassure. 5. Une personne “ intégrée ” ou “ insérée ” a moins peur. 6. Une personnel “ intégrée ” ou “ insérée ” fait moins peur. 7. La personne “ proche ” fait mieux passer le message, aide mieux, rassure (personnalisation des relations). 8. La bonne personne (de confiance) est neutre par rapport à la situation de la personne bénéficiaire. 9. Avoir un accès effectif aux droits et aux ressources publiques (ou autres) est sécurisant et incite à avoir confiance. 10. S’exprimer soulage et même rassure. Deuxième catégorie. Collectivisation de l’action 1. Les bonnes personnes (de confiance) ont un intérêt à la cause (commune). 2. Travailler ensemble est plus cohérent, efficace, rassure. 3. S’impliquer, agir ensemble, rassure. 4. Dialoguer collectivement apaise les craintes. Troisième catégorie. Action sur les perceptions de l’environnement 17 Ces exemples sont plus amplement exposés au point suivant, regroupés selon le type de dispositif dans lequel ils s’inscrivent. 13 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 1. Relayer une image de travail structuré et cohérent, ou d’un rapprochement des institutions, ça rassure et recrée de la confiance dans les institutions18. 2. Relayer une image réaliste et franche de la réalité de la situation et des limites de l’action des institutions dédramatise, réduit les attentes et rassure. Bref, débattre “ à froid ” apaise les craintes. 3. Changer l’environnement physique, son image, rassure. 4. Agir visiblement en matière de sécurité (ou autre) rassure. On a également un préalable implicite si l’on envisage tant les questions de cohérence de l’action que celles de pertinence de l’information par rapport aux situations problématiques : disposer des ressources rendant possible une vision, une compréhension de ces situations ; compréhension qui soit une alternative à la perception quotidienne, intuitive et propre à chacun, même si elle est largement partagée (préjugés, lieux communs, etc.). 2. Exemples entre dispositifs et pratiques Les exemples qui suivent doivent être pris comme des illustrations des types de dispositifs existant dans les bonnes pratiques recensées. Ces exemples sont regroupés pour l’essentiel selon les grandes catégories de dispositifs dégagés précédemment (première typologie). Mais, éléments tirés des fiches et ouvrages consultés pour les besoins du présent rapport, ceux-ci se situent au niveau d’actions et de pratiques plus ponctuelles, parfois en matière d’articulation de ces pratiques elles-mêmes, que l’on estime utiles à l’amélioration du sentiment de sécurité, et s’inscrivant la plupart du temps dans un cadre plus large qui n’est pas abordé en tant que tel ici (programmes, politiques). Par ailleurs, tout comme pour les politiques dont ces pratiques sont tirées, souvent présentées comme intégrées, la combinaison de pratiques peut elle-même être considérée comme “ bonne ” et même indispensable, au risque sinon de cloisonner de manière technocratique les approches évoquées dans le présent rapport. Par un étrange retour, des actions découlant de politiques motivées politiquement par le constat d’une crise de confiance de la population en ses institutions se trouvent en définitive faire appel à une forme de “ foi ”, de confiance en leur pertinence. L’un des objectifs généraux étant justement la restauration de cette confiance, il est assez piquant de constater que c’est par un appel, ne serait-ce qu’implicite, à la confiance en la pertinence des actions entreprises que l’on entend bien souvent faire face à la crise qui tend à se manifester lors de chaque élection. Particulièrement en matière de lutte contre le sentiment d’insécurité, une fois arrêtées les voies d’action dont on pense qu’elles auront un impact sur celui-ci (ainsi que sur la confiance, ou plutôt le consentement aux institutions19), on manque singulièrement de moyens permettant d’apprécier cet impact. Rappelons si c’est encore nécessaire, que dans les expériences que nous avons recensées, les évaluations d’efficacité, d’impact ou d’effectivité sont relativement rares et, lorsqu’elles existent, peu détaillées. Comme le rappelle le rapport 18 Qui renvoie au consentement aux institutions tel que défini par J Donzelot, C. Mével, A. Wyvekens, Faire société. La politique de la ville aux Etats-Unis et en France, Paris, Seuil, 2003. 19 Ibidem. 14 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 sur l’état des savoirs en matière d’insécurité de 2003, “ la plupart des productions relatives à l’insécurité s’arrête aux dispositifs eux-mêmes (à leur présentation, à la description de leurs objectifs, aux discours qui les accompagnent) plutôt que d’atteindre le niveau phénoménologique de l’expérience des gens ou de la dynamique effective d’un quartier ”20. Reste donc aux uns à faire preuve de confiance, aux autres à se montrer convaincants, l’importance relative des démarches portant sur l’information tant des bénéficiaires que des prestataires de services en témoigne. Mais il reste alors également à savoir si cela suffit, quels sont les impacts non souhaités d’une information qui ne serait pas accompagnée d’autres effets constatables ou de modalités permettant une autre compréhension de la situation, notamment en faisant passer les publics ciblés de la position de spectateur à celle d’acteur (correspondant souvent aux thèmes de la responsabilisation et de l’ “ empowerment ” de celui-ci). Certains exemples vont clairement dans le sens d’un travail de la compréhension autant que d’une information, sensibilisation. La première catégorie d’exemples, un peu particulière et que l’on peut considérer comme surplombant les autres, renvoie au développement notable d’outils d’amélioration des savoirs disponibles sur les situations, besoins et demandes de populations diverses. Les autres catégories renvoient plus spécifiquement à des pratiques ciblant des publics plus ou moins spécifiquement, plus ou moins directement. Au fil des exemples vont s’égrener des modalités d’action opérant des synthèses à chaque fois singulières entre implication et information. 20 Insécurité : un premier état des savoirs, op. cit., p. 3 des conclusions. 15 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 Première catégorie d’exemples. “ Connaître ” pour évaluer la situation, mieux informer et expliquer, si pas impliquer • Centrage sur des phénomènes spécifiques • Centrage sur les attentes, besoins et demandes de la (certaines) population(s) • Centrage sur le développement d’un projet spécifique (plus ou moins large) • Centrage sur la sécurité publique en général Bureau d’accueil des citoyens au sein de la police locale21 Lieu : Alcobendas, Espagne. Date de démarrage : 1996. Financement : la ville. Création d’un office d’accueil des citoyens au sein de la police locale afin d’enregistrer les inquiétudes des citoyens : Accueil des demandes des citoyens. Recueil des doléances sur la ville et saisine des services compétents. Suivi des dossiers jusqu’à leur conclusion. Communication sur les questions de sécurité (campagne d’information, élaboration de matériel didactiques utilisable par toutes les institutions, contacts avec la presse). Aide personnalisée aux victimes. Ce dispositif vise également à orienter la police dans son action et d’offrir un baromètre de la ville et de ses mouvements en enregistrant les inquiétudes des citoyens. Evaluation : pas d’indication. 21 Secutopics Police, fiche de la bourse d’échange du FESU. 16 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 Aide aux personnes âgées victimes de violence22 Lieu : Turin, Italie. Date de mise à jour de la fiche23: 2003. Financement : Mairie de Turin et convention avec des associations bénévoles (contributions de chacun et remboursements de frais). Modes d’actions : par permanences en journée (employés et bénévoles) Prévention (information). Réparation (première intervention concernant les dommages matériels ; soutien psychologique, médical). Réduction des dommages (intervention de soutien : démarches administratives sociales, assistance à domicile, soutien judiciaire). Formation des collaborateurs et bénévoles (psychologie de la personne âgée et aide à apporter). Ce dispositif se veut un observatoire sur la sécurité relevant l’importance des délits visant les personnes âgées. Impact : Identification d’autres problèmes au fil des activités (violence de voisinage dans les immeubles ; violence entre les membres des familles, violence patrimoniale). Renouvellement des convention et méthode de travail s’inspirant du travail social (analyse des besoins signalés, intervention, relais, etc.). Rapports statistiques mensuels détaillés (appels reçus, motifs, types d’usagers, quartier de provenance et réponses fournies). Deuxième catégorie d’exemples. La cohérence des actions comme modalité d’action et message24 • Autour de phénomènes spécifiques (toxicomanie) • Autour de la sécurité publique en général (ambition parfois plus large encore : “ faire société ” autour de la sécurité) • Intégrer les enjeux de sécurité dans un cadre plus large (par exemple de gestion des services publics) • S’attaquer aux enjeux de sécurité avec méthode 22 Sécucités Femmes âgées maltraitées, Paris, FESU, pp. 64-67 ; Sécutopics Elderly, fiche de la bourse d’échange du FESU. 23 Il n’y a pas d’indication sur la date de démarrage du projet. 24 Comme il s’agit dans cette catégorie de dispositifs de coordination largement étudiés par ailleurs, nous ne reviendrons pas ici sur le détail de ces initiatives, d’autant qu’elles n’entrent pas dans le champ précis de la demande de la Fondation. 17 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 Troisième catégorie d’exemples. “ Connaître ” pour mieux percevoir et agir • Former, éduquer et sensibiliser autour d’une problématique spécifique • Former, éduquer et sensibiliser des publics spécifiques • Informer un large public autour d’une problématique spécifique Prévention des drogues dans les écoles25 Lieu : Utrecht, Pays-Bas. Date de démarrage : 1998 Financement : Région. Projet : éduquer les enfants à la santé et leur appendre à résister à la pression du groupe et, le cas échéant, de la publicité en matière de consommation d’alcool et de tabac considérés comme le premiers pas vers la consommation de drogues illégales. Programme d’information et de formation adressé aux écoles primaires (4 à 12 ans) volontaires. Evaluation : nombre d’écoles demandeuses (1/3). Modèle Braunschweig de prévention de la violence26 Lieu : Allemagne. Date de démarrage : pas indiqué. Financement : pas indiqué. Objet : rendre le jeune capable (empower) d’apprendre et d’appliquer des méthodes verbales et non-verbales non-violentes afin de détourner (curb) la violence. Au-delà, il vise à apprendre aux jeunes à prendre part à des groupes de résolution de conflit dans leurs écoles. Méthode d’intervention : approche développée par des professionnels venant d’un groupe de travail formé de conseillers de la jeunesse (youth counsellors), travailleurs sociaux, enseignants, travailleurs de rue, travailleurs d’église, membres d’institutions de la ville et de la police. Le modèle consiste en un plan d’action en six étapes : • Des pas contre la violence. • Fort sans la violence. • Des athlètes pour la non-violence. • Projet police. • Construction de la confiance et de l’empathie. • Projet de médiation des pairs. Groupe cible : un certain nombre d’écoles sélectionnées localisées dans des zones socialement difficiles. Les écoles fournissent une bonne arène pour le travail interdisciplinaire avec des victimes et des victimisants parmi les étudiants. Evaluation : cinq écoles ont refait le programme et ont connu un certain succès. Des projets individuels ont atteint plus de 100 écoles dans plus de quatre provinces allemandes. 25 26 Secutopics Drugs, fiche de la bourse d’échange du FESU. European Crime Prevention Network Conference, op. cit. Le document n’est pas paginé. 18 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 Campagne “ Vivre ensemble ”27 Lieu : Valencia, Espagne. Date de démarrage : 2000. Financement : la municipalité. Après un constat d’augmentation de la délinquance juvénile, mise en place d’une campagne de prévention de la violence basée sur l’hypothèse que la violence à l’école ne peut pas être traitée comme phénomène isolé du reste de la société (association nécessaire des acteurs de la communauté locale et du système éducatif). La méthode : réalisation par des enfants, avec l’aide d’animateurs et de techniciens, de dessins et collages, de petits textes et slogans dans divers domaines, principalement dans des établissements de la Ville, surtout les écoles primaires, afin de favoriser l’apprentissage de valeurs comme la paix, la tolérance, le “ savoir vivre ensemble ”. Le tout est exposé lors des fêtes populaires et touristiques. Evaluation : pas d’indication. Quatrième catégorie d’exemples. Rendre accessibles les institutions publiques pour restaurer la confiance (“ consentement ”) • Réinsertion de délinquants • Accès aux droits, aux services et à l’aide Antennes juridiques et de médiation de quartier 28 Lieu : Marseille, France. Date de démarrage : 1991 Financement : les partenaires du contrat de ville et du contrat local de sécurité, le ministère de la justice, l’ordre des avocats. Création de quinze antennes juridique dans des quartiers “ à problèmes ” afin de favoriser l’accès au droit et à la médiation. Missions (assurées par un médiateur, un avocat et un assistant social) : Consultations juridiques. Médiations civiles. Médiations pénales. Aide aux victimes. Evaluation : Mention d’une enquête de satisfaction et de perception du service mais les résultats et la méthodologie ne sont pas indiqués. Nombre de dossiers et de suivis pour chaque type d’intervention. Nombre de médiations conventionnelles qui ont abouti à un accord. 27 Secucités villes écoles, Paris, Forum Européen pour la Sécurité, mars 2004, pp. 32-34. 28 Délégation interministérielle à la ville, Politique de la ville et prévention de la délinquance. Recueil d’actions locales, op. cit., pp.150-152. Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice, Paris, FESU, novembre 1995, pp. 104-105. 19 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 Médiateur culturel 29 Lieu : Turin, Italie. Mise à jour de la fiche : 199730. Financement : collectivité locale Création d’une fonction de médiateur culturel afin de faciliter l’accueil de la population étrangère, les contacts et les relais avec les services administratifs dans le cadre des démarches et un service d’interprétariat. Impact : efficacité plus grande des services : Expérience reconnue au niveau national. Changement de comportement des opérateurs et des usagers. Plus grande utilisation des services par les immigrés. Correspondants de nuit31 Lieu : Chambéry, France. Date de démarrage : avril 1998. Financement : Etat, Ville, Fonds européens (FEDER). Mise en place d’une fonction de correspondants de nuit afin de lutter contre le sentiment d’insécurité des habitants d’un quartier, prévenir les incivilités et aplanir les difficultés de la vie quotidienne par une veille sociale, matérielle et technique la nuit et en journée : Aide aux personnes : écoute, orientation et médiation dans des conflits de voisinage. Veille matérielle et technique : signalement, prévention des dégradations et des nuisances. Relais avec les structures et services. Evaluation : Evaluation confiée à un sociologue en 1999 : bonne appréciation de la population et réduction du tapage nocturne. Sur-représentation des problèmes causés par des jeunes. Meilleure communication entre habitants et institutions. Bureau d’accueil des citoyens au sein de la police locale32 Lieu : Alcobendas, Espagne. Date de démarrage : 1996. Voir catégorie 1. 29 Nouveaux métiers, contrats locaux de sécurité, Paris, FESU, novembre 1997, pp. 36-37. La date de démarrage du projet n’est pas indiquée. 31 Délégation interministérielle à la ville, Politique de la ville et prévention de la délinquance. Recueil d’actions locales, op. cit., pp.122-125. 32 Secutopics Police, fiche de la bourse d’échange du FESU. 30 20 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 Cinquième catégorie d’exemples. Intermédier entre certaines populations et les institutions privées ou entre les individus pour restaurer la confiance entre les parties impliquées Médiation pénale pour les délinquants juvéniles33 Lieu : Treviso, Italie. Date de démarrage : 1995. Financement : pas indiqué. Mise en place d’une médiation pénale qui vise à gérer pacifiquement tout conflit qui émerge dans la reconstruction de liens sociaux, avec un accent donné à la victime d’un crime. Méthode d’intervention : un service de médiation de la délinquance juvénile a été créé. Il vise à assister les jeunes qui ont commis un crime en vue de leur rééducation, en mettant l’accent sur les aspects émotionnels et humains de la situation criminelle. Impact escompté : la réparation symbolique (surtout) et matérielle, qui favorise la reconnaissance réciproque entre les individus impliqués dans la situation. Evaluation : pas indiquée. Permanence de prévention des expulsions34 Lieu : Paris, France. Date de démarrage : janvier 2002 Financement : Ville, Préfecture, Département, Conseil régional, Fondation Abbé-Pierre. Mise en place d’une permanence pour répondre aux différents problèmes liés au mallogement (expulsion, surendettement, insalubrité, précarité du logement, etc.) par la médiation et l’assistance juridique. Le dispositif vise les locataires confrontés à une procédure d’expulsion. Evaluation : le nombre de dossiers ouverts et la fréquentation du service. Médiation sociale et culturelle : un “ sage ” dans le quartier35 Lieu : Paris, France. Date de démarrage : 1992 Financement : Ville, Préfecture, Fonds d’action sociale. Mise en place d’une pratique informelle (sic) sans horaire, sans rendez-vous afin d’assurer une aide aux démarches, principalement dans le cadre de la recherche de logement (un quartier) : Intervention, sur sollicitation d’une institution, pour “ démêler ” les situations. Médiation en cas de conflits entre individus. Bilan : Problème de la pérennisation si la personne concernée quitte le projet (capitalisation et transferts des méthodes et expériences, etc.). 33 European Crime Prevention Network Conference, op. cit. Délégation interministérielle à la ville, Politique de la ville et prévention de la délinquance. Recueil d’actions locales, op. cit., pp. 153-154. 35 Délégation interministérielle à la ville, La politique de la ville et la prévention. Recueil d’expériences, op. cit., pp. 31-33. 34 21 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 Sixième catégorie d’exemples. Encadrer des territoires et des populations “ à risques ” pour en diminuer les occurrences et les conséquences • Renforcement de la surveillance par des acteurs publics dont l’intervention rassure • Renforcement de la surveillance par des acteurs “ impliqués ” dans la situation dont l’action (les) rassure • Encadrement et suivi personnalisé de populations spécifiques Les Pères marocains36 Lieu : Amsterdam, Pays-Bas. Date de démarrage : 1998. Le but de ce projet était de se débarrasser de l’image négative d’un quartier, due notamment au vandalisme des jeunes d’origine marocaine et d’améliorer la qualité de la vie et la sécurité dans le district. Le dispositif est basé sur le contrôle social, une méthode et un concept adopté par de grandes villes au Maroc. Des pères marocains ont pris l’initiative du projet de surveillance et tiennent à jour un carnet de bord (logbook) des incidents criminels. Evaluation : Des projets similaires sont envisagés et le projet a été primé. Réduction des nuisances et des crimes rapportés. Augmentation de la qualité de vie et du contrôle social. Augmentation de la communication entre les résidents et les autorités et entre les résidents eux-mêmes. Implication accrue des résidents dans leur propre district et le fait qu’ils en assument la responsabilité. Soutien accru parmi les résidents au rôle de la police et du judiciaire dans le district. Contribution générale à la cohésion sociale dans le district. 36 European Crime Prevention Network Conference, op. cit. 22 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 Soutien aux groupes communautaires (community policing)37 Lieu : Comté de Nottingham, Royaume-Uni. Date de démarrage : pas indiquée. Financement : le cas échéant, le Comté, la police. Diverses initiatives de la police de Nottingham sont créées afin d’apporter un soutien aux groupes communautaires : Réunions mensuelles avec la police dans le cadre du Neighbourhood watch. Campagne d’appel à la vigilance. Police liaison advisory comittees (groupes communautaires de villages, de parents, de paroissiens, etc.). Un community County Sergent fait un Crime profil du quartier. Crime prevention panels. Réunions publiques à l’initiative de la police et du County Concil pour discuter des problèmes de sécurité (tous les ans ou tous les deux ans). Evaluation : aucune indication. Prévention ciblée sur les jeunes “ à risques ” 38 Lieu : Luton, UK. Date de démarrage : 2000 Financement : Etat (Justice des mineurs) Programme inclus dans Youth Inclusion Programme et le Community Safety Strategy. Cible : les jeunes “ à risques ” de 13 à 16 ans d’un quartier spécifique Objectifs : Réduire le nombre d’arrestations dans le groupe à risque (noyau dur). Réduire le nombre de faits constatés dans le quartier. Réduire l’absentéisme et les exclusions scolaires. Stratégie : Fiches d’évaluation des risques pour identification des jeunes à risques. Programme d’action individuel pour chaque jeune : ateliers thématique, activités sportives, Peer mentoring, etc. (10 heures d’intervention /semaine). Peer mentors : chaque pair s’occupe d’un jeune (le “ Mentee ”). Le Mentor est un peu plus âgé que le jeune, de même origine. Evaluation : aucune indication pour ce projet spécifique. 37 Polices d’Europe et sécurité urbaine, Paris, FESU, février 1996, p. 53. 38 Délégation interministérielle à la ville, Politique de la ville et prévention de la délinquance. Recueil d’actions locales, op. cit., pp. 218-221 ; Secutopics Youth, fiche de la bourse d’échange du FESU. 23 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 Les enfants sans domicile39 Lieu : Sofia, Bulgarie . Date de démarrage : 1996. Financement : la ville et Union européenne. Création d’une Maison de logements (logements et éducation) pour répondre à l’insécurité engendrée par la présence d’enfants sans domicile, souvent prostitués, sur la voie publique et dans les gares. Difficultés : La coopération entre les partenaires est difficile. Les restrictions économiques et l’instabilité politique rendent le projet précaire. Prévention technique et présence humaine dans les transports40 Lieu : L’Essonne, France. Date de démarrage : pas indiquée. Financement : Syndicat des transports d’Ile-de-France, Région, Conseil général de l’Essonne, Etat. Aménagement technique et humanisation des transports et de l’espace afin de prévenir les risques de passage à l’acte délinquant : Agents d’ambiance. Contrôleurs. Vidéosurveillance dans les bus. Sensibilisation des élèves aux fonctionnements des transports et aux règles. Agents locaux de médiation sociale. Evaluation : diminution régulière des incidents sur base des statistiques des incidents. Septième catégorie d’exemples. Aménager l’environnement physique pour durcir la cible et en offrir une image plus sécurisante • Implantation de dispositifs techniques • Action sur le bâti et les critères de construction • Action sur la convivialité associée aux lieux 39 Secutopics Youth, fiche de la bourse d’échange du FESU. Délégation interministérielle à la ville, Politique de la ville et prévention de la délinquance. Recueil d’actions locales, op. cit., pp.74-77. 40 24 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 Approche globale de prévention sur l’espace public41 Lieu : Vaulx-en-Velin, France. Date de démarrage : 2000 Financement : nombreux partenaire : Etat, Commune, Communauté urbaine de Lyon, Bailleurs sociaux, Polices et habitants. Approche globale composée de dispositifs de : Vidéosurveillance sur les quartiers sensibles. Système d’alarme sur les installations publiques. Sécurisation des HLM (portes et moyens d’accès). Amélioration de l’éclairage public. Gardiennage des immeubles. Traçage et bornage des parkings (rodéo). Gestion des squats dans les halls d’immeubles. Gestions des épaves sur les parkings. Impact Surtout baisse des délits grâce à la vidéosurveillance. Diminution des épaves, mais il existe toujours des rodéos et du vandalisme. Revitalisation du centre-ville. Sécurisation et propreté du métro42 Lieu : Toulouse, France. Date de démarrage : 1996. Financement : bailleurs sociaux et la société de transport. On confie à des chômeurs, habitants d’un quartier d’habitat social, la gestion et l’entretien de la propreté des deux stations de métro qui s’y trouvent. La société dans laquelle ces personnes sont insérées (société d’insertion) est déjà en charge de l’entretien et de la réparation des logements sociaux pour le compte des bailleurs sociaux. Stratégie : la connaissance entre les personnes de l’entretien et les vandales potentiels doit permettre à ces derniers de ne pas passer à l’acte. Impact : Les deux stations sont les mieux entretenues du réseau. Absence de dégradations. Appropriation par les habitants du quartier de l’espace du métro. Diffusion de l’image du transporteur comme créateur d’emplois de proximité. 41 Délégation interministérielle à la ville, Politique de la ville et prévention de la délinquance. Recueil d’actions locales, op. cit., pp.92-94. 42 Secutopics Transport, fiche de la bourse d’échange du FESU. 25 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 Réduction de la criminalité via la conception de la construction43 Lieu : Stockholm, Suède. Date de démarrage : 1987. Financement : pas indiqué. Le projet veut mettre en lumière la signification de l’environnement physique pour la criminalité au moyen d’une analyse empirique d’une banlieue de Stockholm sur base de la théorie d’Oscar Newman de l’espace défendable : élaboration d’une check-list de 86 items de principes de conception et liés aux matériaux, mobilisation des compagnies de construction et des administrateurs de bâtiments afin de travailler ensemble avec la police afin de prendre en compte les facteurs de prévention du crime alors que le district était construit. Evaluation Réponse à la check-list par l’évaluateur. Les taux de cambriolage comparés confirment l’impact de la prise en compte des facteurs. Huitième catégorie d’exemples. Renforcer les liens sociaux et donc renforcer la cohésion et la confiance en les autres et en soi Autour de projets collectifs de participation Autour d’événements (prétextes) Autour du règlement de contentieux et de la discussion de phénomènes spécifiques ou de la sécurité en général Programme Mille et une nuits44 Lieu : Alcobendas, Espagne. Date de démarrage : 2000 Financement : le local est prêté par la Ville. Objectif : créer des espaces de loisirs et alternatifs aux discothèques, la nuit, pour faire baisser la consommation d’alcool chez les jeunes de 25 à 30 ans. L’encadrement et la gestion des activités sont assurés par des jeunes eux-mêmes. Les activités sont gratuites et établies en partenariat avec une soixantaine d’associations du coin. Impact : 1.900 jeunes par week-end. Baisse des accidents routiers et de la violence. Effets négatifs : nuisances nocturnes et peur liée à la concentration des jeunes. 43 44 European Crime Prevention Network Conference, op. cit. Secutopics Youth, fiche de la bourse d’échange du FESU. 26 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 Médiation communautaire45 Lieu : Finlande. Date de démarrage : 1990 (premier projet en 1983-1984. Intégré aux services communaux en 1986). Financement : activité communale, sans statut légal. Médiation communautaire par des bénévoles issus de la communauté afin de lutter contre la peur et la violence qui suivent une agression. Cette médiation peut se faire à tous les stades de la procédure pénale de la commission du délit à l’exécution de la peine (mais indépendante de cette procédure). S’il y a dépôt de plainte, une médiation réussie éteint la poursuite. Evaluation : Concerne surtout affaires pénales sans gravité. La plupart des cas n’ont pas fait l’objet d’un dépôt de plainte. Saisine : la victime (5 %), le délinquant (11%), la police (17%), le procureur (50%). Neuvième catégorie d’exemples. Insérer dans le tissu économique pour améliorer la confiance en soi et l’image qu’ont les autres de soi Projet “ Coup franc ”46 Lieu : Lyon, France. Date de démarrage : 1998. Financement : Région. Objet : profiter de la coupe du monde de football pour permettre l’accès des jeunes des quartiers aux nouveaux métiers de la sécurité urbaine, à ceux liés à la médiation, avec la volonté de créer des emplois dans le secteur privé. Le dispositif se base sur un accompagnement à l’insertion professionnelle, une formation, et le placement à long terme de jeunes dans un emploi lié à la sécurité privée d’événements. Evaluation : nombre de jeunes réinsérés dans des emplois pérennes. Projet “ Rues calmes ”47 Lieu : Stockholm, Suède. Date de démarrage : 2002. Financement : société de transport, gouvernement local et entreprises publiques. L’objectif est de réduire la criminalité en permettant à des jeunes chômeurs, souvent au passé délinquant, de devenir à temps plein des “ éducateurs sociaux ” dans le but de remplacer le leadership destructif des bandes. La version “ junior ” recrute des jeunes bénévoles pour patrouiller dans les quartiers (rétribution sous forme d’emplois saisonniers). Evaluation : pour 2002 Les jeunes étaient tous en phase de resocialisation. Difficultés dues à l’encadrement des jeunes. Satisfaction des bénévoles impliqués. Impossible de connaître l’impact sur la criminalité. 45 Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice, op. cit., pp. 100-101. Secutopics Jobs in safety, fiche de la bourse d’échange du FESU. 47 Secutopics Jobs in safety, fiche de la bourse d’échange du FESU. 46 27 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 Dixième catégorie d’exemples. Revitaliser des quartiers et améliorer leur image Résidentialisation pour l’amélioration du cadre de vie48 Lieu : Aulnay-sous-bois, France. Date de démarrage : 1996. Financement : Etat, Région, Ville, Bailleurs sociaux, Europe (Objectif 2). Projet de réhabilitation du cadre de vie et amélioration des services résidentiels autour de trois axes : modification du bâti, offre de service et présence humaine. Projets : Mise en place de tris sélectifs des déchets. Antennes multiservices avec, e.a., des gardiens polyvalents (entretien, accueil des locataires, inspections, etc.). Réaménagement des espaces extérieurs. Enlèvement des véhicules hors d’usage. Coordination. Résidentialisation (jardins, courées49, accès privatisés, vidéosurveillance, etc.). Locaux d’animation. SOS tranquillité (en partenariat avec la police). Gardiennage de nuit (avec îlotiers et éducateurs spécialisés). Impact : surtout l’apport des courées dans l’amélioration de la convivialité. 48 Délégation interministérielle à la ville, Politique de la ville et prévention de la délinquance. Recueil d’actions locales, op. cit., pp. 70-73 49 Petite cour commune à plusieurs immeubles dans les quartiers pauvres. 28 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 Analyse et conclusion : du prometteur dans l’existant ? Entre dispositifs et pratiques : modalités d’approche du sentiment d’insécurité (selon son versant civil) S’agissant d’un exercice visant à relever des pratiques réputées – à tout le moins présentées comme – “ bonnes ” en matière de lutte contre le sentiment d’insécurité, et surtout de pratiques se situant plutôt au niveau micro, nous avons relevé certaines difficultés. Difficultés qui nous ont amené en définitive à produire un premier relevé des types de dispositifs et parmi ceux-ci des tendances perceptibles en matière de lutte contre l’insécurité civile, souvent en ayant recours à des approches mélangeant (intégrant ?) des intervenants relevant de secteurs multiples. Il convenait dès lors, autour des exemples retenus (souvent à l’aide du critère impitoyable de l’information utile disponible), d’articuler à ces types ceux qui nous paraissaient le mieux traduire l’ambition (principale ou concomitante) de pratiques en matière de lutte contre le sentiment d’insécurité, lui-même aux formes et aux causes très multiples. A l’interface entre ces deux niveaux d’analyse des fiches dépouillées, il semble que l’on voit se dessiner un certain nombre de lignes de tension, correspondant à des choix dans les modalités d’action et l’impact qu’on leur prête, notamment sur la perception des publics ciblés. Ce sont ces choix que nous allons tenter de résumer ici. De manière évidente, s’adresser à et intervenir auprès de ou avec divers publics implique des choix d’approche qui renvoient notamment à la mobilisation de divers médias. A reprendre la distinction entre media froid et media chaud50, laissant plus ou moins de place à la participation de ceux qui en usent ou y sont exposés, les modalités d’action retenues comportent inévitablement une appréciation (plus ou moins maîtrisée) de la place à laisser à la personne ou au public ciblé ; place que nous présenterons ici comme oscillant entre les postures d’acteur et de spectateur. Ainsi, s’agissant de l’intérêt porté aux sentiments et perceptions des gens, on a intérêt à analyser ces modalités d’action à l’aune des ressources qu’elles mobilisent, tant humaines que matérielles et donc également techniques. Il devient d’ailleurs difficile de maintenir une distinction des moyens et des fins en matière de modalités d’action dont on cherche à connaître l’impact sur des perceptions, des sentiments. Certes, les objectifs des pratiques développées influencent les modalités d’action mises en œuvre, conditionnant dans une large mesure les choix de ressources et de ciblage de l’action (que cible-t-on et comment le toucher ?). Mais que la fin soit ou non la modification de ces sentiments, les modalités d’action sont porteuses de messages et ont un impact spécifique sur ces sentiments ; impact par ailleurs difficilement discernable parmi celui d’une multitude d’autres facteurs environnementaux et sociaux. Comme on vient de le relever, si le message est aussi le médium51, des modalités d’action (et donc de communication) retenues résultera un certain positionnement du public ciblé par ces 50 51 M. Mac Luhan, Pour comprendre les média, Paris, Ed. Seuil, coll. Points, 1968. Ibidem. 29 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 pratiques ; positionnement, ou évolution de positionnement à l’aide de ces pratiques, dont on peut penser qu’il va influer sur la compréhension que celui-ci est en mesure d’avoir de ce sur quoi on lui propose de réfléchir ou d’agir (dans une plus ou moins large mesure). On constate dès lors que les modalités d’action décrites au fil des fiches décomposent l’action en deux aspects recouvrant la réponse à des questions pratiques assez simples. On aboutit ainsi aux tendances relevées et aux formules synthétisées à propos des pratiques de lutte contre le sentiment d’insécurité, correspondant à l’articulation plus ou moins standardisée – ou au contraire individualisée – de pratiques, de leurs modalités (humaines, matérielles et immatérielles) et des publics auxquels elles s’adressent. L’aspect relationnel de l’action sera ainsi à rechercher à la confluence de la réponse à des questions de : • personnalisation plus ou moins forte des rapports noués au fil de l’action (recours à des personnes estimées plus ou moins “ proches ” des publics ciblés, individualisés). • médiatisation plus ou moins forte des rapports noués au fil de l’action (recours à la vidéo, à la radio, à des manuels, des folders, mais aussi à l’exemple visible porté par l’action). L’aspect ciblage de l’action sera plus classiquement trouvé à la confluence de la réponse à des questions de : • ciblage d’“ individus ” allant de la personne ou groupe de personnes spécifiques à la population en général ou même au territoire ; • ciblage de conditions (ressources) matérielles [allant de celles de la personne ou groupe de personnes semblables à celles d’un territoire plus ou moins étroit] ; • ciblage de ressources immatérielles [allant de celles de la personne ou groupe de personnes semblables à celles de la population en général]. On découvre ainsi, à la confluence de la réponse à toutes ces questions, des approches se caractérisant principalement par leur oscillation entre : • une approche immunologique (élévation du niveau des défenses de la population contre tout phénomène indésirable) et une approche prophylactique (empêchement de l’apparition de celui-ci)52 ; • un public acteur (que l’on in-forme, met dans le courant, forme et éduque en s’y adaptant) et un public spectateur (que l’on in-forme, tient au courant en le soumettant à des messages plus standardisés, à caractère général) ; • une action sur la personne (ses ressources, sa compréhension et sa capacité d’action sur les choses) et une action sur l’environnement (ses conditions, l’image qu’il offre). 52 J. Donzelot, C. Mével, A. Wyvekens, Faire société. La politique de la ville aux Etats-Unis et en France, Paris, Seuil, 2003. 30 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 Enfin, élément évident et crucial qu’il serait criminel d’oublier, ces modalités d’action sont porteuses de coûts entrant dans les questions de transposabilité parmi d’autres facteurs ou conditions formant le contexte d’importation de ces pratiques à partir d’un “ terreau ” étranger. Pratiques prometteuses (et leurs dispositifs d’ancrage) Arrivé à ce stade de ce rapide tour d’horizon des pratiques que l’on peut considérer comme comportant une certaine ambition de lutte contre le sentiment d’insécurité, il nous semble possible de pointer trois types de pratiques ou de dispositifs porteurs d’un certain potentiel dans ce domaine. Etant entendu que l’on ne s’intéresse pas ici à la contribution de politiques, dispositifs et pratiques nouvelles visant spécifiquement à renforcer les protections sociales53, on commencera cependant par retenir non pas une pratique prise singulièrement, mais un type de dispositifs que nous avons repris sous l’intitulé de la “ revitalisation de quartier ”, parfois “ résidentialisation ”, et que l’on retrouve par ailleurs déjà en Belgique. La revitalisation du quartier est en soi une approche particulière. On présente souvent celle-ci comme étant l’approche la plus “ intégrée ” en matière de politique territoriale touchant au quartier. La philosophie repose sur une prise en charge majoritaire par les habitants du quartier et l’utilisation au maximum des ressources micro-locales, en encourageant, entre autres, les partenariats entre secteurs public et privé (par exemple, pour la rénovation ou en impliquant les acteurs économiques du quartier), en dynamisant le secteur public (par l’ouverture d’antennes locales, par exemple) et en améliorant l’image générale du quartier, suivant une doctrine qui veut que “ la revitalisation ne concerne pas que la brique, elle concerne l’homme ”54. C’est également souvent dans ce cadre que l’on retrouve une définition du quartier la plus large. Cette manière d’envisager les choses, si elle a des avantages en termes de vision plus globale des problèmes que peut connaître un quartier, n’est cependant pas exempte de critiques. Que l’on songe notamment à la stigmatisation possible du quartier, à la difficile ambition de faire collaborer de nombreux acteurs aux logiques souvent très diverses, ou simplement au coût très important de tels dispositifs55. Un autre type de pistes prometteuses se situe également du côté d’une action sur le cadre de vie pris au sens large, mais passe cette fois par la définition d’actions, de pratiques très ciblées (micro) tant au plan du territoire de référence que des personnes visées et des objectifs à atteindre. Sans cibler la “ diminution de la délinquance et de l’insécurité ” en général, elles ambitionnent plus de remédier, par exemple, au malaise (de certains jeunes) ou à la solitude (de personnes âgées). D’ambition limitée, leur impact l’est sans aucun doute également, mais on peut estimer qu’il sera dès lors plus facile à évaluer de manière appropriée, c’est-à-dire en faisant “ la part des choses ” entre ce à quoi la pratique vise à apporter une solution, à tout le moins une amélioration, et ce qui relèvera toujours de conditions de vie sur lesquels ces pratique ne sauraient avoir qu’un impact très marginal. Les limites principales en sont 53 R. Castel, op. cit. Ordonnance organique de la revitalisation des quartiers du 7 octobre 1993 (M.B. 10.XI.1993). 55 On trouvera un développement plus complet de ces analyses dans le rapport Insécurité : un premier état des savoirs. Synthèse bibliographique relative à l’insécurité et au sentiment d’insécurité, op. cit. 54 31 Les tendances européennes en matière de lutte contre l’insécurité civile, CRC ULB, 2005 évidemment la modestie des publics touchés ou des effets visibles pour d’autres que les publics concernés. On ne conclura pas ce rapport sans mentionner un dernier type de pratique très présent et qui vise pour sa part à rassurer ou conforter dans leur action, selon des modalités diverses, les acteurs et intervenants de ces mêmes dispositifs de sécurité. Travail indispensable, dimension parmi d’autres du développement de dispositifs à vocation sécuritaire ou sociale, le bien-être et les compétences des intervenants sont alors des objectifs en soi, mais doivent surtout leur permettre de mieux accomplir leurs tâches, la confiance des bénéficiaires de l’action passant selon les situations autant par la manière que par le résultat de l’intervention. En définitive, le point commun de ces pratiques du point de vue de la lutte contre certaines formes de peur ou d’insécurité est sans doute surtout l’évitement d’une action (et/ou d’une information) trop standardisée et la promotion d’une implication plus grande des publics ciblés, sans qu’il soit forcément question d’approche à dimension “ communautaire ” proclamée. Si tout danger d’effet pervers en termes de perception d’une situation n’est pas écarté pour autant, les efforts de personnalisation (tant individuelle que collective) de l’approche et de la pratique correspondante offrent au moins la possibilité de travailler avec ces publics leur compréhension de la situation (la leur et celle des autres), une certaine dédramatisation de celle-ci ou de leur impuissance face aux risques modernes, éventuellement tout en renforçant leur emprise sur ce qui se situe d’ores et déjà à leur portée. 32