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Bibliographie
on a lu, on a vu, on a entendu Vert patrimoine par Françoise Dubost 1994, éd. La Maison des sciences de l'homme, Paris, 172 pp. L'inflation de l'idée de patrimoine est récente. Cette notion s'incarnait depuis la Révolution dans le monument historique, édifice ancien à valeur commémorative. Mais aujourd'hui elle est étendue audelà de la mémoire collective à transmettre ; elle est en effet reconnue par une élite sociale aux objets vernaculaires et ordinaires remarquables. Après deux siècles, les Français rallieraient la position de nos voisins anglo-saxons qui, sous l'influence de Ruskin, avaient très tôt accordé à l'architecture domestique un statut patrimonial. Avec les jardins historiques et vernaculaires et les végétaux cultivés dans ces jardins, qui à leur tour entrent dans la préoccupation patrimoniale, le conservateur rencontre un obstacle majeur à l'embaumement culturel d'un territoire jardiné : la vie des végétaux qui n'entre pas facilement dans les musées. La logique de la muséification avait été adaptée à la conservation scientifique des formes vivantes avec la création des réserves naturelles et des espaces protégés, mais ne prenait pas clairement en compte l'origine agricole de nombreuses espèces menacées. De la même façon que pour les espèces sauvages, c'est-à-dire à partir de la mobilisation des amateurs et de leurs associations, les fruits, légumes et plantes ornementales à fleurs, espèces menacées e de disparition ou oubliées, ont trouvé en France leurs défenseurs, comme en Angleterre au X V I I I siècle les animaux et les arbres avaient trouvé les leurs... C'est dans les expositions-ventes de Courson et Saint-Jean-de-Beauregard au sud de Paris que la mode des plantes rares prend son essor depuis environ dix ans. Deux réseaux se retrouvent ainsi une ou deux fois par an. Les collectionneurs de plantes, érudits, amateurs ou professionnels (pépiniéristes, paysagistes) sont les héritiers des traditions botanistes et jardinières d'outre-Manche et les dépositaires en France de la tradition de l'horticulture savante. A ces spécialistes réunis autour d'un marché de la rareté - prolongement des bourses d'échanges d'amateurs passionnés de plantes - vient se joindre un réseau de professionnels reconnus soit par leur situation institutionnelle (jardins du Luxembourg, Muséum national d'histoire naturelle, Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles, Société nationale d'horticulture de France, etc.) soit par leur notoriété notamment dans le domaine de la conception des jardins. Aux connaisseurs et publics snobs fidèles des mondanités s'ajoutent des curieux et promeneurs du dimanche. Les festivals france-îliens de plantes rares sont devenus des manifestations médiatisées de plus en plus fascinantes, des lieux chics, à la mode, où il est bon d'être vu... Ils ont diffusé aujourd'hui à travers toute la France. \ - Courrier de l'Environnement de l'inra n° 23 Les jardins historiques sont entrés au même moment et par les mêmes mécanismes dans le champ de la préoccupation patrimoniale. A l'initiative d'associations privées ou de pionniers éclairés et avec l'appui de l'ICOMOS (International council on monuments and sites), l'Etat entreprend très vite d'organiser l'inventaire des jardins en France, puis de le médiatiser (la campagne Visitez un jardin en France). En 1993, 900 jardins sont classés et une formation spécialisée dans les jardins historiques est créée à l'école d'architecture de Versailles en 1991. Ce chiffre est à rapprocher des mille sites recensés par l'English Heritage et de l'unique formation spécialisée de l'université d'York. Néanmoins l'ouverture des jardins privés qui s'esquisse aujourd'hui en France est acquise de longue date outreManche. Elle s'accompagne du développement d'un marché de la restauration où émerge une mode des jardins moyenâgeux et Renaissance, sans doute en raison de la vogue pour les plantes médicinales et les thérapies douces. La plupart de ces jardins « historisants » - projets ou réalisations - sont issus d'une commande publique et trouvent rapidement un intérêt dans le public français. Bref, la mise en patrimoine vert se présente comme une construction culturelle qui passe par la double action des professionnels (restaurer, aménager, médiatiser) et de l'Etat (inventorier, reconnaître et consacrer). De nouveaux opérateurs - pépiniéristes, paysagistes, « ingénieurs » culturels - apparaissent pour de nouveaux publics : non seulement au service d'une petite élite sociale (les propriétaires de jardins historiques), mais aussi en direction d'une classe moyenne cultivée qui trouve là de nouvelles réponses aux rapports possibles de la nature sauvage et de la nature cultivée. Retenons que Françoise Dubost développe de la même façon que l'ethnologue Isaac Chiva, auteur d'un récent rapport sur le patrimoine culturel rural, une conception socio-historique du patrimoine qui lui permet de rendre compte de pratiques paysagistes issues de cette construction culturelle. Ces pratiques professionnelles engendrent des territoires particuliers, les jardins, homologues des réserves naturelles des naturalistes. Ainsi fabriquée la nature exceptionnelle est distinguée de la nature ordinaire. Dans les deux cas, on assiste à la pénétration des pratiques paysagistes dans des domaines où elles étaient inconnues il y a dix ans. Pierre Donadieu R. Peterson, G. Mountfort, P.A.D. Hollom, P. Géroudet. Guide des oiseaux de France et d'Europe 1994, éd. Delachaux et Niestlé, 534 pp. Un nouveau Peterson ! On ne présente plus ce guide, véritable « Bible » des ornithologistes, qui pour sa 12e édition et ses quarante ans d'existence et de « loyaux services » vient d'être entièrement réécrit et remis à jour. Les planches en couleurs, qui de 77 passent à 96, ont été en grande partie modifiées et repeintes. Les 1 200 figures de l'édition précédente deviennent 1 520 et permettent de reconnaître plus de 700 espèces. Plus que jamais le compagnon obligé de tous les naturalistes admirateurs du monde des oiseaux. J. d'Aguilar Pratiques d'élevage extensif Identifier, modéliser, évaluer Sous la direction d'Etienne Landais Etud. Rech. Syst. Agraires Dév. 1993, n°27, 389 p., 20 planches couleur. INRA Editions, route de Saint-Cyr, 78026 Versailles cedex. Ce volume recueille seize articles, précédés d'un avant-propos de Bernard Chevassus-au-Louis, directeur général de I'INRA et d'une préface de Bertrand Vissac. Venant après les travaux sur les pratiques pastorales réalisés notamment par Etienne Landais et Jean-Pierre Deffontaines (*), cet ouvrage, dont E. Landais et Gérard Baient ont assuré la direction scientifique, apparaît à la fois (*) André L. Un berger parle de ses pratiques. INRA-SAD Versailles, 1988. Courrier de l'Environnement de l'inra n° 23 89 comme un approfondissement et un élargissement. Il concrétise en effet l'important effort de recherche consenti par le département Systèmes agraires et Développement (SAD) de l'INRA sur les pratiques d'élevage extensif, qui s'imposent ici comme objet central de recherche interdisciplinaire. Identifier, modéliser, évaluer sont les trois axes qui structurent la démarche : identifier les pratiques matérielles et les « raisons » des éleveurs, modéliser pour rendre compte de leur complexité et de leur diversité, évaluer l'efficacité des pratiques d'élevage à la fois en termes techniques et dans les termes des objectifs des acteurs. Une large gamme de systèmes d'élevage (ovin, caprin, bovin ou mixte, herbager ou pastoral) est considérée à partir d'études de cas, choisis principalement en France mais aussi au Sénégal, histoire de montrer que les méthodes présentées ont une portée qui dépasse l'étendue des terrains du SAD. « D'abord comprendre », tel était l'objectif dont se réclamaient E. Landais et J.-P. Deffontaines en 1991 (*). C'est vers cette compréhension, obtenue par le détour de la compréhension des acteurs, que nous guide à grands pas cet ouvrage. Une telle démarche inverse les façons de faire des agronomes. Les acteurs, André, Aimé, Francis et les autres sont des partenaires de la recherche depuis plusieurs années. Les articles détaillent la manière dont les interlocuteurs ont été amenés à dire leurs pratiques, leurs projets, dont ont été conduits les entretiens, dont la parole a été donnée, dont le dialogue s'est instauré. Cet ouvrage rend compte de la diversité et de la complexité des relations entre éleveur, troupeau et territoire. Le savoir-faire du pilote, l'art de l'éleveur, celui du berger, autant de pratiques révélatrices des décisions mises en oeuvre dans le cadre des « stratégies » diversifiées qu'ils développent. Les textes sont émaillés de formules évocatrices qui traduisent la façon dont les chercheurs et les acteurs collaborent au travail d'interprétation : « garder du mou », « gérer son herbe au plus serré », « mettre les bêtes en appétit », « être habile »... Jean-Pierre Darré, socio-anthropologue, compagnon de route du SAD, est l'indispensable complice de cette rigoureuse recherche du sens. Les études relatives aux pratiques d'élevage explorent dans de très nombreuses directions la relation des éleveurs à l'espace et au temps, en se référant d'abord aux observations et aux catégorisations des utilisateurs des milieux étudiés. A l'étude « du dehors » par l'observation est combinée l'étude « du dedans ». La démarche s'appuie sur les savoirs et les savoir-faire paysans pour constituer un système de connaissance qui devient la base du dialogue entre éleveur et chercheur dans une perspective de recherche-développement. La compréhension de la manière dont les éleveurs conçoivent et organisent l'activité d'élevage devient donc un élément central de l'étude des systèmes d'élevage : le découpage de l'espace pastoral et du temps, la « construction » du troupeau... La méthode retenue fait des pratiques le révélateur des relations des éleveurs à leur espace. Destinée à valoriser les informations (l'allotement) ou les catégories empiriques (le secteur), la méthode est conçue pour être développée et généralisée en collaboration avec les structures de développement. Cet objectif, souligné en introduction par B. Vissac, est repris en conclusion de bon nombre d'articles. Il justifie les démarches de recherche-action dont se réclament divers auteurs. Se centrant sur la gestion des dépenses de travail affectées à l'élevage suivant les situations des agriculteurs, Benoît Dedieu montre tout l'intérêt qu'il y a à prendre en compte l'organisation du travail et les temps de travaux. La « simplification des pratiques d'élevage », « l'extensification » sont des thèmes d'actualité. Le dialogue rapporté par Michel Meuret (Les règles de l'Art... de la gardé) entre Francis le chevrier et André le berger montre comment la parole rendue aux acteurs permet de mettre en évidence des systèmes de gestion. Il en est de même pour la représentation systémique de l'activité de pilotage de l'ingestion ou encore pour l'organisation de l'espace pastoral. Tous soulignent la relation représentation-action. La mise en relation des pratiques avec les espaces (les secteurs) supports de celles-ci, combinée à une approche modulaire des systèmes fourragers, permet de dégager la hiérarchie des choix dans la stratégie globale de l'éleveur. (*) In André L. Contrepoint INRA-SAD Versailles, 1991, pp. 117-121. 90 Courrier de l'Environnement de l'inra n° 23 Le travail poursuivi avec André Leroy sur l'alpage du Saut du Laire (parc national des Ecrins) dans une perspective de modélisation renouvelle la recherche en introduisant une dimension écologique. Ainsi, à partir des connaissances sur la distribution spatiale de la pression de pâturage, l'objectif devient d'adapter les pratiques aux contraintes environnementales (prévention des risques de dégradation, équilibre avec la faune sauvage, etc.). Cette dimension est ensuite approfondie avec rigueur, à partir d'un point de vue très instrumenté, par Gérard Baient et al, qui analysent les effets des pratiques pastorales sur la dynamique écologique des couverts prairiaux et leur évolution à moyen et long terme. On entrevoit la portée de semblables approches sous d'autres cieux... Ces nouvelles perspectives de recherche entraînent l'utilisation des systèmes d'information géographiques (SIG). La question de la maîtrise spatiale du pâturage dans une ferme caprine ardéchoise en souligne l'intérêt. Le SIG permet d'accéder à une meilleure connaissance des relations entre pratiques et territoire (confrontation du déroulement prévu du circuit de pâturage avec le réalisé). Il constitue par ailleurs un outil de dialogue avec les acteurs partenaires de la recherche. L'article parfaitement original d'Elisabeth Lécrivain et al. sur les formes du troupeau au pâturage est un véritable régal, le « dessert », dirait André L. ! On accède grâce au lexique des formes qu'ils ont constitué à une lecture dans le paysage du troupeau au pâturage. L'information une fois élaborée et construite est indissociable d'une forme. Les formes construisent en retour les bases d'un nouveau regard porté sur le troupeau. Cet ouvrage souligne la profonde cohérence des recherches menées au SAD. Il suffit de le lire pour comprendre l'intensité des échanges, des débats, du travail en commun que E. Landais et G. Baient ont réussi à instaurer à l'intérieur et entre les équipes multidisciplinaires qu'ils ont mobilisées autour de cette recherche, à l'intérieur du SAD, mais aussi avec divers partenaires privés ou institutionnels. L'architecture de l'ouvrage, oeuvre d'Etienne Landais, est tout à la fois séduisante et stimulante. Une organisation commune à la plupart des articles (définitions, méthodes, terrains, perspectives) confère à cet ouvrage collectif, malgré quelques répétitions (à chacun sa bibliographie), une grande clarté. Pas un terme, une notion, un concept qui ne soit explicité. Le lecteur a le choix de son circuit : soit lire chaque article séparément, en raison de la construction modulaire de l'ouvrage, soit se laisser guider par le découpage qui relance son intérêt et le remet sans cesse en appétit. Ce livre, le premier de la nouvelle collection Etudes et recherches sur les systèmes agraires et le développement, participe au renouveau de la réflexion sur l'étude des systèmes d'élevage extensifs. Et ceci de plusieurs manières. Tout d'abord à travers la préoccupation d'appui technique qui sous-tend cette recherche dans une perspective d'aide à la décision avec le souci d'éviter « l'écueil de l'individualisme méthodologique ». Ensuite, par la volonté d'impliquer dans cette construction de connaissances les partenaires du développement afin d'être pertinents par rapport à leurs pratiques et leurs interrogations. Enfin, il s'agit de rendre compte des nouveaux enjeux associés à la gestion de l'espace par les systèmes d'élevage extensif en glissant des actions de développement aux questions d'environnement. Il faut décidément lire Pratiques d'élevage extensif ! Chantai Blanc-Pamard Courrier de l'Environnement de l'inra n° 23 91 Creepy-Crawlies 1992, éd. Media Design Interactive, CD-ROM Macintosh Sales bestioles, -tel pourrait être, adapté en français, le titre de ce logiciel sur disque compact, qui nous entraîne dans un monde rampant (creepy) et grouillant (crawly). Cette encyclopédie miniature se propose de faire découvrir 70 animaux a priori mal connus et surtout mal aimés. Scorpion, araignée, cloporte, limace, bourdon, ver de terre, homard, etc. : chaque espèce est illustrée par un écran où prennent place une photo (pouvant être agrandie), un court texte, un film de quelques dizaines de secondes, en petit format (superbe !). Un clic sur une icône fait accéder à la classification de l'animal (Phylum, Class, Order, parfois Family) ainsi qu'à un commentaire audio un peu différent du texte de l'écran. Notons la possibilité d'imprimer une fiche par espèce (voir celle du Bourdon, ci-dessous). Creepy-Crawlies est manifestement conçu pour les nuls en zoologie : les fiches descriptives des animaux sont regroupées en 7 répertoires, par similitude d'habitats ou de comportements, sans aucune référence à leur place dans la systématique (c'est une façon de voir). L'apprentissage du maniement de ce logiciel est cependant malaisé (nous ne disposions d'aucune brochure d'explications et n'avons pas détecté de rubrique aide à l'écran). Quelques perles « La mite fait partie de la famille des araignées , elle se trouve dans la terre et sur les plantes » : il s'agit là de mite facarien en français) et non de mite (chenille dévoreuse de textiles). Le texte français de la fiche Chironomis laisse pantois : sous le titre « Une larve », ces deux seules phrases : « Cette larve mange les plantes. Les poissons aiment manger les larves ». Rappelons que Tes Chironomes (Insectes Diptères) sont des sortes de petits moustiques (inoffensifs), aux larves surtout aquatiques, vivant fréquement dans un tube, et appelés vulgairement « vers de vase » (effectivement appréciés des poissons). La classification (en anglais) est, quant à elle, correcte. Quant aux homards (Crustacés Décapodes) « qui ont quatre pattes pour marcher et beaucoup d'autres pour nager » en français, ils ne possèdent pas moins de « 3 pairs of legs used for feeding, 10 pairs walking legs » dans la version originale (très originale). Creepy Crawlies © Media Design Interactive 1992 Le bourdon Le bourdon est un insecte. Il se trouve partout dans le monde. Il mange du nectar qu'il trouve dans les fleurs. Il est plus grand qu'une abeille. Faites attention parce qu'il pique! Phylum Arthropoda Class Order Animais with a hardened chitinous 'exoskeleton'. Also with jointed limbs. Insecta Often wingedarthropods. 3 pairs limbs, 1 pairantennae and compound eyes. Hymenoptera Bées, wasps and ants. With 4 or no wings. Some solitary, others in colonies. Family Apidae Honey bées and related bées. Le choix est offert de consulter les textes en anglais ou en français (excellente idée), avec à chaque fois deux niveaux de difficulté, normal ou simplifié (idem, mais la différence est vraiment minime). L'écran d'orientation, les commentaires audio et la systématique restent en anglais (bon...). Le texte en français, traduit de l'anglais simplifié, se voit encore simplifié pour la version simplifiée». On vous laisse imaginer sa pauvreté et on ne peut éviter de signaler que la traduction est souvent puérile, quand il n'y a pas de contresens (voir encadré), à donner la chair de poule (en anglais : creepy crawly feeling) à une personne moyennement cultivée, qui imaginerait ce logiciel tombant sous les yeux d'un écolier. Brigitte Cauvin NDLR : La mise sur le marc hé français de logiciels sur CD-ROM réalisés en anglais et dont les frais de développement sont déjà en amortis permet, en principe, d'offrir des catalogues étoffés et attractifs de produits bon marché. Sauf lorsqu'il s'agit de jeux d'action, l'acheteur peut-il, au delà d'une première acquisition, se contenter de la version originale ou d'une adaptation en français médiocre, voire dévalorisante, et le diffuseur peut-il supporter le coût d'une bonne adaptation ? Creepy-Crawlies est distribué par Euro-CD : 13, cité Voltaire, 75011 Paris. Tél. : 40 09 80 30 ; fax : 43 67 00 38. 92 Courrier de l'Environnement de l'inra n° 23 GEOLAB 1993, éd. Nathan-Logiciels, logiciel MsDos Ce logiciel propose des simulations de l'évolution des écosystèmes présents dans une vallée alpine. Il est basé sur une approche très géographique du milieu, et les résultats des simulations sont visualisés rapidement sous forme de cartes en deux ou trois dimensions. L'utilisateur peut assez facilement fixer des conditions initiales (types de sols, végétation, bétail ou gibier présent...) et des caractéristiques du système (hauteur des précipitations annuelles, « érodabilité » des sols, vitesse de croissance des végétations...) différentes de celles qui lui sont proposées, tout en ayant la possibilité d'en faire vérifier la vraisemblance par le logiciel. L'utilisateur peut alors aménager et gérer le milieu (tracé de routes, mise en culture de certaines parcelles, plantations, installation de barrières d'avalanches, introduction de bétail...) et constater les conséquences de sa gestion sur le système. L'intérêt principal de ce logiciel est essentiellement pédagogique : les phénomènes sont simulés de façon trop grossière pour être susceptibles de représenter des situations réelles. Mais des comparaisons entre différentes simulations peuvent permettre à l'utilisateur d'identifier de façon qualitative les effets directs et indirects d'une intervention donnée. Elles permettent aussi de constater qu'une action en apparence très ciblée s'accompagne bien souvent d'effets annexes pas toujours facilement prévisibles sans l'aide de modèles. Une autre qualité pédagogique est que le logiciel ne porte pas de jugement sur les interventions entreprises et ne donne pas non plus de conseil vis-à-vis d'une situation donnée. L'utilisateur doit donc effectuer un véritable travail d'interprétation de ses propres simulations, en s'aidant d'une notice assez bien faite. La structure du modèle, ainsi que les choix effectués par ses concepteurs pour simuler les différents processus, sont présentés de façon succincte dans la notice, plus pour aider l'utilisateur à interpréter ses résultats que pour l'initier à la modélisation. Il est donc difficile d'évaluer les limites et les défauts de ce modèle en tant qu'outil de prédiction. Ceci est un peu gênant, même si le logiciel n'a pas été conçu dans ce but. Sous l'angle informatique, la prise en main du logiciel est assez aisée, la notice étant bien faite. L'utilisation est assez agréable, malgré de petites imperfections : par exemple, les échelles des cartes n'apparaissent pas spontanément et il faut les chercher dans un menu d'information. L'affichage des légendes des cartes est également un peu lourd à manipuler. Ce logiciel présente donc un grand intérêt pédagogique, à condition qu'il ne soit pas utilisé comme une « boîte noire » par ses utilisateurs : ceux-ci doivent donc disposer des connaissances relatives aux phénomènes élémentaires impliqués dans les simulations (action du climat sur les végétations, mécanismes et facteurs de l'érosion, etc.) pour pouvoir interpréter les résultats obtenus. Jean-François Castell INA-PG, chaire de bioclimatologie, 78850 Thiverval Nathan-Logiciels 3-5, avenue Galhéni, 94257 Gentilly cedex Tel 47 40 66 66, fax 47 40 65 77 Parcs nationaux américains 1994, Micro Applications, CD-ROM Windows Une trentaine de parcs, localisés sur la carte des Etat-Unis qui s'affiche d'entrée. Pour chacun, des images et un commentaire à la fois naturaliste et touristique, que l'on peut lire ou écouter (c'est le même, exactement). Dans un coin de l'écran, une séquence animée (en tout petit format) et sonorisée. Sur un ordinateur très puissant et bien équipé (carte son, grand écran), la promenade n'est pas désagréable, mais elle est brève. A.F. Micro Applications 58, rue du Faubourg-Poissonnière, 75010 Paris Courrier de l'Environnement de I'INRA n° 23 93 SOS Forêt vierge 1994, Cocktel Vision, logiciel MsDos Le dos de l'enveloppe du coffret s'adresse aux dix-quinze ans en ces termes : « Au cours d'une dangereuse aventure à rebondissements, découvre avec l'aide d'Adam, l'écosystème de la forêt tropicale, le mode de vie de ses peuplades indigènes et implique-toi pour les protéger ! Pars en exploration dans la forêt sud-américaine... Tu découvriras un somptueux décor : une végétation luxuriante et colorée, de mystérieuses grottes, des ruines antiques rappelant la fascinante histoire de la civilisation Inca. Apprends à connaître et à respecter les peuplades indigènes locales... Tu devras dialoguer avec le Chaman, Musqui et tous les villageois et user de toute ton ingéniosité pour les protéger de certains individus cupides qui menacent leur mode de vie. Sauve les espèces animales et végétales en péril, leur sort est entre tes mains... La forêt tropicale est riche d'une infinité d'espèces rares aussi bien animales que végétales, trésor inestimable menacé par les braconniers et autres exploiteurs. Et enfin, découvre le Secret de la Forêt ! » Le logiciel, installé (facilement et sans problème) sur une machine du réseau externe de la DPEnv., s'avéra tout à fait conforme à cette accroche et passionna les jeunes collaborateurs - même blasés auxquels il fut confié. Les plus âgés ont remarqué le fond intéressant et intelligent, la forme agréable (beaux écrans, textes bien écrits), la manipulation simple - que même un « plus âgé » peut maîtriser d'emblée... A.F. Cocktel Vision : 25, rue J.-Braconnier, 92366 Meudon-la-Forêt cedex. Tel : 33 (1) 46 30 99 57 ; fax : 33 (1) 42 75 94 26. Planète verte C'était sur France Culture, les samedis et dimanches de l'été passé, 10 grands dossiers de la Communauté des radios publiques de langue française traités en une heure (de onze heures à midi) chacun, sur l'environnement. Marie-Hélène Baconnet (France Culture), Lison Méric (Radio Suisse Romande Espace 2), Jean-Marc Carpentier et André Corriveau (Société Radio Canada), Jean-Pol Hecq (Radio Télévision Belge Francophone) et leurs invités (un de chaque pays) croisaient leur voix (diversement colorées) pour nous parler de : - Les créations du monde ; - Droits de la nature, droits de l'homme ; - L'invention du paysage ; - Savoirs écologiques : modernité et traditions ; - Vivre en ville ; - Humanisme et nature ; - La peur de l'animal ; - Science, politique et environnement ; - Spiritualité et nature : Dieu, l'homme et les petits oiseaux... ; - Le Prix de la nature. Des paroles qui - faute d'enregistrement ou de transcription -se sont envolées définitivement. Reste le souvenir - au travers de 4 ou 5 émissions - d'une série particulièrement réussie. A.F. Les petites bêtes C'était aussi sur France Culture, l'été passé, tous les matins de la semaine en août ; juste après Culture Matin, des histoires de scorpions, de libellules, d'insectes tués sur les autoroutes, d'araignées mais aussi les galles, le mimétisme et le champ de maïs, histoires mises en scène par Anice Clément, en un quart d'heure et sans les images... Toutes les petites bêtes et tous les zoologistes ne furent pas également « radiogéniques » mais l'intention était excellente et le résultat aussi plaisant qu'intéressant. A.F. NB : ces moments de radio ont été conservés ; s'adresser à l'Office pour l'information écoentomologique (OPIE) BP 9, 78285 Guyancourt cedex ; tél. : 30 44 13 43. 94 Courrier de l'Environnement de l'inra n° 23 Agropolis Museum Un lieu de rencontres et un outil de communication pour la communauté Agropolis à Montpellier L'idée d'un centre de culture scientifique sur l'alimentation et l'agriculture est formulée en 1986 et reçoit, dès l'origine, le soutien déterminant du ministère de la Recherche et de la technologie. Tout va alors très vite et, en juin 1993, le grand bâtiment circulaire d'Agropolis Museum est inauguré, en même temps qu'il reçoit l'exposition temporaire «Terres Méditerranéennes». Parallèlement, sous l'impulsion de Louis Malassis, président fondateur d'Agropolis et président d'Agropolis Muséum, le schéma directeur du musée est arrêté et les premières expositions sont préparées par de nombreux chercheurs d'Agropolis aidés par des architectes scénographes. Agropolis Museum présentera, à terme, trois grandes parties : - l'espace d'orientation, exposition permanente qui présentera l'évolution des systèmes alimentaires dans le temps et dans l'espace pour s'achever sur « le banquet de l'humanité » qui mettra en évidence les disparités criantes au niveau de la planète ; - l'espace thématique, qui sera consacré à des expositions temporaires montrant la participation de la communauté scientifique au combat contre la faim ; - l'espace prospectif, dont l'exposition permanente reprendra les thèmes de l'espace d'orientation sous un angle tourné vers l'avenir. Aujourd'hui, le musée prend forme et trois des sept sections de l'espace d'orientation sont achevées et présentées au public depuis le 29 septembre 1994 sous le titre (très à la mode) de « Paysans et paysages du monde » : - La fresque historique illustre en 17 scènes l'évolution des systèmes alimentaires dans le temps : âge pré-agricole, agricole, agro-industriel. - Les paysans du monde sont représentés par 8 agriculteurs que l'on rencontre dans leur vie quotidienne au travers de la reconstitution succincte de leur environnement, d'images et d'enregistrements sonores. - Les paysages du monde apparaissent sur un écran géant. La genèse des paysages agraires et les différents modes de mise en valeur sont expliqués par de nombreux documents et maquettes. Le décor et la philosophie d'Agropolis Muséum sont donc en place. C'est maintenant à la communauté scientifique de l'animer, d'en faire une vitrine de la recherche et un lieu de communication. Il faudra pour cela trouver des thèmes renouvelés et le langage qui attireront et intéresseront le large public auquel cette entreprise est somme toute destinée. Evelyne Fèvre 1. — Poulailler portatif démontable Courrier de l'Environnement de l'inra n° 23 95 TEXTES Préface de System studies in agriculture and rural development de Jacques Brossier, Laurence de Bonneval et Etienne Landais (éd.) Coll. Science Update, Versailles, INRA Editions, 1994 par G u y Paillotin (président de l'INRA) La recherche agronomique doit relever, à l'approche du troisième millénaire, l'un des plus grands défis qu'elle ait connus. Elle est soumise à une tension sans précédent entre, d'un côté, la vigueur de ses dynamiques internes et le besoin toujours accru d'approfondissement (jamais sans doute l'avancée des connaissances et des techniques agronomiques n'a été aussi rapide) et, de l'autre côté, une demande sociale extrêmement pressante, liée aux profonds bouleversements qui affectent tant l'agriculture que l'agroalimentaire, en relation avec l'évolution de nos sociétés. Il ne saurait bien entendu être question de limiter les ambitions du progrès scientifique. Mais un institut de recherche finalisée tel que l'INRA ne peut pas davantage, sans renier sa mission, se résoudre à prendre la moindre distance vis-à-vis des attentes de la société, si confuses puissent-elles parfois paraître. Ceci conduit à encourager le développement simultané, au sein de l'Institut, de recherches diversement positionnées par rapport aux deux dynamiques évoquées plus haut, avec la conviction que cette diversité, loin d'être subie, représente l'une des principales richesses et l'une des principales originalités de l'INRA. Cela ne doit pas constituer pour autant un prétexte pour perdre de vue l'exigence de l'excellence scientifique ou à l'opposé celle de l'utilité sociale des travaux : nulle recherche, si fondamentale ou au contraire si directement appliquée qu'elle soit, ne saurait se justifier durablement par référence à une seule de ces deux exigences, qui ne sont d'ailleurs contradictoires qu'en apparence. L'ambition des travaux du département « Systèmes agraires et développement » (SAD) est exemplaire de ce point de vue. Depuis quinze ans, les chercheurs du SAD s'attachent en effet à répondre à des demandes multiformes, émanant d'acteurs très divers, concernant des objets et des processus de différente nature et mettant en jeu des échelles d'espace et de temps très variées. Une telle extraversion n'était pas sans comporter des risques scientifiques importants. Le SAD n'a pu et su les assumer que parce qu'il a contrebalancé l'étendue de son champ d'investigation par un souci constant de cohérence et de formalisation théorique, conceptuelle et méthodologique, appuyé sur les avancées des sciences du complexe, des systèmes, bref de l'intégration. Les compétences qu'il a ainsi acquises notamment en matière de modélisation systémique, le recours à la pluridisciplinarité dont face à la complexité de ses objets il a du faire une pratique quotidienne, les anticipations qu'il a réalisées sur des thèmes tels que le fonctionnement des systèmes de production agricole, la dynamique des systèmes agraires, la gestion de l'espace rural, les problèmes environnementaux, le développement local et régional ou encore la construction sociale de la qualité des produits agricoles, ont indiscutablement enrichi l'Institut, et continueront à le faire. Une conséquence marquante des choix du SAD est l'engagement délibéré de ses chercheurs dans l'action et le partenariat. Ils participent ainsi à de nombreux réseaux, qu'ils ont souvent contribué à créer, où ils ont l'occasion de confronter leurs représentations et leurs points de vue avec ceux de multiples acteurs sociaux. Ce point est essentiel, car c'est dans de tels réseaux que se construisent les innovations, qui sont tout autant des produits sociaux que des produits scientifiques ou technologiques. Ces réseaux sont aussi le lieu où les attentes multiples, souvent confuses voire contradictoires de la société peuvent être captées, décantées, triées, reconstruites, pour finalement émerger sous la forme de demandes explicites, susceptibles d'être traitées par la communauté scientifique. Le SAD contribue ainsi de manière efficace à la construction de la demande sociale, fonction dont la bonne réalisation est l'une des conditions de l'efficacité d'un institut de recherche finalisée. Cette contribution est d'autant plus précieuse que la majorité des chercheurs, fût-ce à l'INRA, hésitent à s'aventurer hors de leurs laboratoires. Cette réserve m'apparaît singulièrement paradoxale dans la recherche publique : pourquoi faut-il donc que la communauté scientifique, tellement à l'aise dans le monde des artefacts, se sente si mal à l'aise face aux débats qui animent notre société ? Les travaux du SAD commencent à être connus dans diverses parties du monde. Leur écho n'est pas étranger, par exemple, à la décision de tenir à Montpellier le prochain symposium sur les « Recherches-système en agriculture et développement ». Ce symposium, que la France organise au nom de l'Europe, et que j'ai l'honneur de présider, s'inscrit dans la filiation des colloques du réseau « Farming Systems Research and Extension », qui pour la plupart se sont jusqu'ici tenus aux Etats-Unis. Or j'ai pu constater à diverses reprises que la diffusion internationale des acquis du SAD restait insuffisante, notamment dans le monde anglo-saxon. Ayant personnellement poussé pour que cette lacune soit comblée, en particulier dans la perspective de ce symposium, qui constitue une excellente occasion de faire connaître ces travaux, le président de l'INRA ne peut donc que se féliciter de la parution de cet ouvrage qui fournit, à travers une sélection d'articles récents, une bonne image de la diversité mais aussi de l'unité des recherches de ce département atypique au sein de l'INRA et sans équivalent dans les instituts de recherche des pays développés, qui constitue au sein de l'Institut un lieu de création particulièrement actif et une source de débats toujours animés. Reste la question du langage. La volonté de communiquer n'est rien sans l'effort de se faire comprendre. Or, de sa marginalité aujourd'hui révolue, le SAD a conservé une forte propension à s'exprimer dans un jargon propre à décourager le lecteur le mieux intentionné. J'étais donc tout prêt à plaindre le lecteur anglophone, lorsque j'ai découvert que, par une sorte de miracle linguistique, que nous devons au talent des traducteurs et à la compétence très spécialisée de Laurence de Bonneval (*), la version anglaise était souvent plus claire que le texte original français ! Puis-je donc suggérer, en guise de conclusion, que le SAD nous donne bientôt, sous la forme d'une traduction du présent volume, cet ouvrage de synthèse en français qui fait actuellement défaut ? (*) Qui avait ouvert la voie en publiant l'an passé le remarquable ouvrage dont je tiens à signaler ci-dessous la référence au lecteur intéressé : L. de Bonneval ( 1993) : Systèmes agraires, systèmes de production. Vocabulaire français-anglais avec index anglais. Paris, INRA Editions, 285 p. 96 Courrier de l'Environnement deiïNRA n' 23 Villes et campagnes, vers de nouveaux équilibres Alors que lois sur l'aménagement du territoire et nouvelles orientations de la politique agricole sont d'actualité, les économistes de l'INRA ont fait une synthèse de leurs réflexions concernant le devenir des espaces ruraux et l'instauration de nouveaux équilibres entre villes et campagnes. Depuis vingt ans environ, des mouvements de personnes et de capitaux façonnent une ruralité nouvelle, sous influence urbaine et moins dépendante de l'agriculture. La construction de logements, toujours plus loin des villes, reste très importante : dans les années 80,130 000 logements par an étaient construits dans les communes rurales contre moins de 40 000 dans les années 60. Les bassins de retraite et les migrations temporaires vers le rural séduisent également beaucoup d'urbains. Le résultat se traduit, globalement, par un renversement du mouvement séculaire d'exode rural : on assiste aujourd'hui à un exode urbain. Selon les chiffres du recensement de 1990, la population des villes-centres a crû de 0,5% entre 1982 et 1990 alors que le taux de croissance de la population des communes rurales était de 7%. Le solde migratoire des premières est négatif de 3% et positif de 7% pour les secondes. Le rural ne se porte pas si mal qu'on le dit, même s'il est vrai que le recul démographique se poursuit dans 40% des communes rurales. La population rurale est profondément renouvelée par ces mouvements. Un Français sur quatre vit dans une commune rurale, mais les agriculteurs n'y représentent plus qu'un ménage sur dix et un emploi sur quatre. L'agriculture conserve un rôle primordial dans la gestion du territoire et demeure un moteur économique puissant dans certains bassins de production agro-alimentaire comme la Bretagne, mais elle est de plus en plus minorisée dans l'équilibre économique des espaces ruraux. Hormis les agriculteurs, les retraités et les ouvriers sont les catégories sociales les plus représentées dans le milieu rural. Les retraités représentent près de 40% des ménages du rural profond et apportent, avec les migrations de retraite, l'« or gris » dans beaucoup de régions. Les ouvriers sont plus nombreux dans le rural que dans les zones urbaines : dans le périurbain, plus d'un homme actif sur trois est un ouvrier. Dorénavant, on ne peut plus assimiler rural à agricole. Des demandes d'espace, d'environnement et de biens économiques sont à l'origine de cet attrait pour le rural : - demandes d'espaces résidentiels, analysées en termes de « débordement des villes », de banlieues lointaines ou de « rurbanisation » ; - demandes d'espaces récréatifs ou de loisirs ruraux (résidences secondaires, tourisme vert...) ; - demandes de biens de nature et d'environnement (produits sains et fermiers, paysages, faune sauvage...). L'espace économique est modifié par la mobilité géographique des personnes et en particulier par les migrations alternantes domicile-travail : les deux-tiers des « périurbains », qui représentent 63% des ruraux, font en moyenne plus de 16 km pour aller travailler. Ces nouvelles données amènent nécessairement une redéfinition de certains termes. En effet, que signifient urbain ou rural quand on travaille en ville et qu'on habite à la campagne ? Une métropole, du point de vue résidentiel, s'étend parfois sur la moitié d'un département (beaucoup plus pour Paris), même si les emplois du tertiaire supérieur, apanage des grandes cités, se concentrent sur un petit périmètre urbain. Ainsi, pour les régions Bourgogne, Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes, les 5 grandes agglomérations de Lyon, Toulouse, Grenoble, Saint-Etienne et Dijon ont une aire d'influence qui représente le sixième de la superficie régionale et regroupe 40% de la population de ces régions. D'un côté, les métropoles exercent leur influence sur le quart du territoire national où près de 5 millions de personnes vivent en communes rurales, avec un accroissement démographique de 12 points entre 1982 et 1990 ; de l'autre côté, sur une surface comparable, le rural profond abrite 2,4 millions d'habitants et sa population recule de 3,8 points sur cette période. L'évolution des communes rurales est fonction de la taille de la ville dont elles dépendent : villes et campagnes sont étroitement solidaires. « L'intégration ville-campagne est l'ardente obligation de l'aménagement du territoire » insistent la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR) et l'INRA. L'utilisation des sols porte l'empreinte des mouvements économiques. L'artifïcialisation (construction de bâtiments, de voies de communication...) utilise l'essentiel des terres libérées par l'agriculture ; la friche progresse dans quelques régions, mais beaucoup moins que ne le prédisaient certains discours catastrophistes : en 1990, 2,5 millions d'hectares étaient en friche (équivalent en superficie à 5 départements) alors que l'on estimait à 5,5 millions d'hectares (équivalent à 11 départements environ) en 1950 la surface non utilisée. Les liens entre exParision urbaine, évolution des bassins de production agricole et marginalisation de certains espaces sont complexes à établir. Tantôt le rural est structuré par les pôles urbains ou les axes de communication, et voit son agriculture souvent en crise du fait d'un marché foncier perturbé par l'exParision attendue des villes ; tantôt l'agriculture occupe et « tient » l'espace, dans l'attente de nouvelles réformes de la PAC. Tantôt enfin les handicaps naturels et géographiques induisent des crises, auxquelles on peut parfois remédier grâce au tourisme et à la vente de produits de la ferme surtout. Il semble évident qu'on ne peut pas appliquer le même modèle de développement à tout l'espace régional. La régression de l'agriculture, non compensée par des apports migratoires, est la cause principale du dépeuplement. Une politique compensatrice permettrait d'éviter des conséquences irréversibles et de préserver un patrimoine bâti, paysager et culturel. Texte paru dans Presse-Informations (INRA/DIC), n"179, juin 1994 Courrier de l'Environnement de l'inra n° 23 97 Sauvetage et conservation des Tulipes sauvages en France Circulaire d'information n°2 par Jean-Charles V i l l a r e t et Luc Garraud (Conservatoire botanique alpin, Gap-Charance) 1. Les Tulipes de France La flore de France comprend une quinzaine d'espèces, néoespèces et variétés de tulipes sauvages (voir tableau ciaprès). Toutes ces espèces liées, de près ou de loin, aux activités humaines (ce sont souvent des plantes messicoles d'origine orientale, liées aux cultures peu intensives ou aux pelouses sèches de caractère sub-steppique) subissent actuellement une régression importante avec la mutation des activités agraires, l'urbanisation, l'arrachage des bulbes... 2. Le programme de conservation des Tulipes sauvages Le Conservatoire botanique alpin de Gap-Charance a engagé un programme de « Sauvetage et de conservation des Tulipes sauvages de France » avec l'aide financière du ministère de l'Environnement. Ce programme d'une durée de cinq ans a débuté fin 1990. Pour l'ensemble des tulipes sauvages de France, le programme aborde des volets aussi divers que la description morphologique, la phénologie, la génétique et la systématique, la répartition et la cartographie des stations, la mise en place de mesures de protection ex situ (cultures de collection et multiplication des bulbes), la mise en oeuvre de mesures de protection des dernières stations et la réintroduction en milieu naturel, les aspects ethnobotaniques et la sensibilisation du public à la conservation. Les trois premières années du programme ont été consacrées au sauvetage des tulipes néoendémiques (c'està-dire inféodées, depuis peu, à une aire géographique restreinte) des Alpes françaises en particulier sur la Savoie, avec l'aide de plusieurs partenaires : parc national de la Vanoise, Conservatoire du patrimoine naturel savoyard, groupe « Photosynthèse », etc. Le programme a été progressivement étendu à d'autres régions françaises (Dauphiné, Provence...) au cours des dernières années. 3. Les Tulipes de Savoie et du Dauphiné L'espèce polytypique Tulipa gesneriana a donné naissance à la plupart des variétés de tulipes horticoles. A l'état sauvage en France, le groupe Gesnerianae est représenté par 8 taxons néoendémiques localisés dans le département de Savoie (7 taxons) et celui des Hautes-Alpes (1 taxon). Ce sont en Savoie : Tulipa didieri, T. mauriana, T. montisandrei, T. planifolia (= T. saracenica), T. aximensis, T. perrieri et T. billietiana ; et dans les Hautes-Alpes : T. platystigma. L'origine de ces tulipes est controversée. Ont-elles été introduites comme beaucoup de plantes messicoles à partir du Moyen-Orient (certaines thèses établissent une relation étroite entre la culture du safran, Crocus sativus L., introduit du Moyen-Orient à l'époque médiévale avec les invasions sarrasines, et l'apparition des tulipes du groupe Gesnerianae dans la flore locale), à la suite du transport plus ou moins involontaire de bulbes ? Se sont-elles échappées et naturalisées, à partir de plantes volontairement introduites dans un but horticole et plus ou moins déjà partiellement sélectionnées ? La présence de ces tulipes est limitée géographiquement, en France, aux Alpes de Savoie et du Dauphiné. Certaines formes voisines existent ou ont existé dans les régions transfrontalières voisines : Valais (Suisse) et Val de Suze (Italie) et à proximité de Florence et Bologne (Italie). La création de ce groupe de Tulipes semble donc occidentale, dérivée de types primitifs botaniques d'origine orientale et peut-être déjà partiellement sélectionnés par l'Homme sur le plan horticole. Les études génétiques programmées en 1993 et 1994 permettront de resituer ces 8 à 9 taxons et d'établir les éventuels liens de parenté avec les formes horticoles. 4. Le sauvetage des tulipes de Savoie et des Hautes-Alpes : la nécessité d'une intervention urgente. Sur les 8 taxons connus, 4 n'existent désormais plus dans le milieu naturel et les 4 autres ne sont plus représentés que par une à quatre stations chacun. La mise en culture, pour multiplication, au Conservatoire, de ces tulipes a donc été la première mesure urgente, en particulier grâce aux collections de M. Prudhomme qui depuis plus de trente ans a permis de maintenir certains taxons aujourd'hui disparus du milieu naturel, comme Tulipa didieri, par exemple. La multiplication des bulbes, outre l'intérêt de fournir du matériel pour les études, permettra de programmer des opérations de réintroduction dans les prochaines années. Un site de Savoie recelant encore deux tulipes (Tulipa planifolia et Tulipa montisandrei) a fait l'objet d'actions de protection. Les parcelles concernées sont en cours d'acquisition par la commune et devraient être gérées par le Conservatoire du patrimoine naturel savoyard. 5. Extension aux autres espèces de Tulipes. Des actions de conservation des autres espèces de tulipes sauvages de France, notamment les tulipes méridionales (Tulipa praecox, T. oculus-solis, T. lorteti) se mettent progressivement en place et ont débuté en 1993 sur d'autres régions : Drôme, Provence... 6. Inventaire des Tulipes sauvages de France. Un inventaire national des stations de tulipes sauvages a débuté à partir du printemps 1993 et doit se poursuivre au cours des deux prochaines années. Il permettra de faire un bilan sur la répartition des espèces, l'évolution des populations, les besoins en protection et les acteurs à mobiliser pour la sauvegarde de nos tulipes. Environ 300 fiches d'observation mentionnant des stations de Tulipes nous sont parvenues. Tous nos remerciements aux observateurs ! Une synthèse intermédiaire est en préparation et leur sera personnellement adressée dans les mois qui viennent. Les efforts de prospection et de transmission de l'information doivent se poursuivre. La contribution des botanistes amateurs et professionnels est nécessaire pour une bonne couverture et le succès de l'opération... 7. Article de synthèse Tulipes sauvages de France. Un article de synthèse, superbement illustré avec des photographies du groupe « Photosynthèse », sur les Tulipes sauvages de France et le programme de sauvetage en cours est paru en deux parties dans Le Courrier de la Nature (n° 143, janvier-février et 144, mars-avril 1994), le bulletin de la Société nationale de protection de la nature (57, rue Cuvier, BP 405,75221 Paris cedex 05), qui s'est associée à VInventaire Tulipes sauvages de France et que nous remercions à nouveau. Document reçu en juin 1994. Domaine de Charance, 05000 Gap Tél. : 92 53 56 82 ; fax : 92 51 94 58. 98 Courrier de l'Environnement de l'INRA n* 23 Nom français Nom scientifique Couleur dominante de la corolle Répartition Tulipe du Cardinal Billiet Tulipa billiatiana Jord. Corolle jaune vif, marges des pétales devenant rougeâtres Savoie, endémique Signalée dans les Alpes Maritimes, douteux (confusion ?) Tulipe de Perrier Tulipa perrieri Marjollet Corolle blanc jaunâtre à blanc mat avec panachures rougeâtres sur les marges de pétales Corolle rouge foncé Tulipe d'Aime-en-Tarentaise Tulipa aximensis Marjollet Savoie : Tarentaise (canton d'Aime), endémique Savoie : Tarentaise (canton d'Aime), endémique Tulipe de Maurienne Tulipa mauriana Jord. et Four. Corolle rouge rosé devenant rouille, avec tâche basale jaune vif Savoie : Maurienne, endémique Tulipe de Didier Tulipa didieri Jord. Corolle rouge pourpre à macule noir bleuté, cerné de blanc-jaunâtre, formes à fleurs jaune pâle Savoie. Suisse et Italie ? (confusion avec d'autres formes de tulipes ?) Tulipe à feuilles planes Tujipa planifolia Jord. (=Tulipa saracenica Perr.) Corolle rouge à macule basilaire olivâtre à noirâtre Savoie, endémique Tulipe du Montandré Tulipa montisandrei Prudh. Corolle rouge carmin, grande macule basilaire bleutée Savoie, endémique Tulipe de Guillestre Tulipa platystigma Jord. Corolle lilas violacé, petite macule basilaire bleutée Hautes-Alpes (région de Guillestre), endémique Tulipe de Provence Tulipa lorteti Jord. Corolle rouge, macule basilaire noire Provence, endémique, pratiquement éteinte ? Tulipe oeil-de-soleil Tulipa agenensis DC. Corolle rouge, macule basilaire ovale noire bordée de jaune Languedoc, Provence, Dauphiné méridional, Aquitaine Tulipe précoce Tulipa raddiiReb. = Tulipa praecoxT&n. Corolle rouge, macule basilaire large noire bordée de jaune Languedoc, Provence, Dauphiné, Savoie, Aquitaine Tulipe de Perse Tulipa clusiana Ventenat Assez grande. Corolle blanche avec bande centrale rosée sur la face extérieure des pétales Autrefois en Savoie, Isère, éteinte ? Deux stations en Provence, en régression forte Deux stations en Gironde Tulipe sauvage, T. sylvestre Tulipa sylvestris L Assez grande. Corolle jaune, verdâtre extérieurement, inclinée avant la floraison Toute la France, mais en raréfaction Tulipe méridionale Tulipa australis Link. Petite. Corolle jaune, orangée extérieurement, inclinée avant la floraison France méridionale, au nord jusque dans la région d'Angers Assez fréquente en montagne Tulipe alpestre Tulipa alpestris Jord. et Fourr. Petite. Corolle jaune, orangée extérieurement, inclinée avant la floraison Alpes. Autres montagnes ? Forme critique très proche de Tulipa australis Tulipe de France Tulipa gallica Lois. Petite. Corolle jaune, orangée ou verdâtre extérieurement, inclinée avant la floraison France méditerranéenne. Difficile à distinguer de T. australis Groupe d'espèces mal connu