Bibliographie

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Bibliographie
on a lu, on a vu, on a entendu
Vert patrimoine
par Françoise Dubost
1994, éd. La Maison des sciences de l'homme, Paris, 172 pp.
L'inflation de l'idée de patrimoine est récente. Cette notion s'incarnait depuis la Révolution dans le
monument historique, édifice ancien à valeur commémorative. Mais aujourd'hui elle est étendue audelà de la mémoire collective à transmettre ; elle est en effet reconnue par une élite sociale aux objets
vernaculaires et ordinaires remarquables. Après deux siècles, les Français rallieraient la position de
nos voisins anglo-saxons qui, sous l'influence de Ruskin, avaient très tôt accordé à l'architecture
domestique un statut patrimonial.
Avec les jardins historiques et vernaculaires et les végétaux cultivés dans ces jardins, qui à leur tour
entrent dans la préoccupation patrimoniale, le conservateur rencontre un obstacle majeur à
l'embaumement culturel d'un territoire jardiné : la vie des végétaux qui n'entre pas facilement dans les
musées. La logique de la muséification avait été adaptée à la conservation scientifique des formes
vivantes avec la création des réserves naturelles et des espaces protégés, mais ne prenait pas
clairement en compte l'origine agricole de nombreuses espèces menacées. De la même façon que pour
les espèces sauvages, c'est-à-dire à partir de la mobilisation des amateurs et de leurs associations, les
fruits, légumes et plantes ornementales à fleurs, espèces menacées e de disparition ou oubliées, ont
trouvé en France leurs défenseurs, comme en Angleterre au X V I I I siècle les animaux et les arbres
avaient trouvé les leurs...
C'est dans les expositions-ventes de Courson et Saint-Jean-de-Beauregard au sud de Paris que la mode
des plantes rares prend son essor depuis environ dix ans. Deux réseaux se retrouvent ainsi une ou deux
fois par an. Les collectionneurs de plantes, érudits, amateurs ou professionnels (pépiniéristes,
paysagistes) sont les héritiers des traditions botanistes et jardinières d'outre-Manche et les dépositaires
en France de la tradition de l'horticulture savante. A ces spécialistes réunis autour d'un marché de la
rareté - prolongement des bourses d'échanges d'amateurs passionnés de plantes - vient se joindre un
réseau de professionnels reconnus soit par leur situation institutionnelle (jardins du Luxembourg,
Muséum national d'histoire naturelle, Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles, Société
nationale d'horticulture de France, etc.) soit par leur notoriété notamment dans le domaine de la
conception des jardins. Aux connaisseurs et publics snobs fidèles des mondanités s'ajoutent des
curieux et promeneurs du dimanche. Les festivals france-îliens de plantes rares sont devenus des
manifestations médiatisées de plus en plus fascinantes, des lieux chics, à la mode, où il est bon d'être
vu... Ils ont diffusé aujourd'hui à travers toute la France.
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Les jardins historiques sont entrés au même moment et par les mêmes mécanismes dans le champ de
la préoccupation patrimoniale. A l'initiative d'associations privées ou de pionniers éclairés et avec
l'appui de l'ICOMOS (International council on monuments and sites), l'Etat entreprend très vite
d'organiser l'inventaire des jardins en France, puis de le médiatiser (la campagne Visitez un jardin en
France). En 1993, 900 jardins sont classés et une formation spécialisée dans les jardins historiques est
créée à l'école d'architecture de Versailles en 1991. Ce chiffre est à rapprocher des mille sites recensés
par l'English Heritage et de l'unique formation spécialisée de l'université d'York. Néanmoins
l'ouverture des jardins privés qui s'esquisse aujourd'hui en France est acquise de longue date outreManche. Elle s'accompagne du développement d'un marché de la restauration où émerge une mode
des jardins moyenâgeux et Renaissance, sans doute en raison de la vogue pour les plantes médicinales
et les thérapies douces. La plupart de ces jardins « historisants » - projets ou réalisations - sont issus
d'une commande publique et trouvent rapidement un intérêt dans le public français.
Bref, la mise en patrimoine vert se présente comme une construction culturelle qui passe par la double
action des professionnels (restaurer, aménager, médiatiser) et de l'Etat (inventorier, reconnaître et
consacrer). De nouveaux opérateurs - pépiniéristes, paysagistes, « ingénieurs » culturels - apparaissent
pour de nouveaux publics : non seulement au service d'une petite élite sociale (les propriétaires de
jardins historiques), mais aussi en direction d'une classe moyenne cultivée qui trouve là de nouvelles
réponses aux rapports possibles de la nature sauvage et de la nature cultivée.
Retenons que Françoise Dubost développe de la même façon que l'ethnologue Isaac Chiva, auteur
d'un récent rapport sur le patrimoine culturel rural, une conception socio-historique du patrimoine qui
lui permet de rendre compte de pratiques paysagistes issues de cette construction culturelle. Ces
pratiques professionnelles engendrent des territoires particuliers, les jardins, homologues des réserves
naturelles des naturalistes. Ainsi fabriquée la nature exceptionnelle est distinguée de la nature
ordinaire. Dans les deux cas, on assiste à la pénétration des pratiques paysagistes dans des domaines
où elles étaient inconnues il y a dix ans.
Pierre Donadieu
R. Peterson, G. Mountfort, P.A.D. Hollom, P. Géroudet.
Guide des oiseaux de France et d'Europe
1994, éd. Delachaux et Niestlé, 534 pp.
Un nouveau Peterson ! On ne présente plus ce guide, véritable « Bible » des ornithologistes, qui pour
sa 12e édition et ses quarante ans d'existence et de « loyaux services » vient d'être entièrement réécrit
et remis à jour. Les planches en couleurs, qui de 77 passent à 96, ont été en grande partie modifiées et
repeintes. Les 1 200 figures de l'édition précédente deviennent 1 520 et permettent de reconnaître plus
de 700 espèces.
Plus que jamais le compagnon obligé de tous les naturalistes admirateurs du monde des oiseaux.
J. d'Aguilar
Pratiques d'élevage extensif
Identifier, modéliser, évaluer
Sous la direction d'Etienne Landais
Etud. Rech. Syst. Agraires Dév. 1993, n°27, 389 p., 20 planches couleur.
INRA Editions, route de Saint-Cyr, 78026 Versailles cedex.
Ce volume recueille seize articles, précédés d'un avant-propos de Bernard Chevassus-au-Louis,
directeur général de I'INRA et d'une préface de Bertrand Vissac. Venant après les travaux sur les
pratiques pastorales réalisés notamment par Etienne Landais et Jean-Pierre Deffontaines (*), cet
ouvrage, dont E. Landais et Gérard Baient ont assuré la direction scientifique, apparaît à la fois
(*) André L. Un berger parle de ses pratiques. INRA-SAD Versailles, 1988.
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comme un approfondissement et un élargissement. Il concrétise en effet l'important effort de
recherche consenti par le département Systèmes agraires et Développement (SAD) de l'INRA sur les
pratiques d'élevage extensif, qui s'imposent ici comme objet central de recherche interdisciplinaire.
Identifier, modéliser, évaluer sont les trois axes qui structurent la démarche : identifier les pratiques
matérielles et les « raisons » des éleveurs, modéliser pour rendre compte de leur complexité et de leur
diversité, évaluer l'efficacité des pratiques d'élevage à la fois en termes techniques et dans les termes
des objectifs des acteurs. Une large gamme de systèmes d'élevage (ovin, caprin, bovin ou mixte,
herbager ou pastoral) est considérée à partir d'études de cas, choisis principalement en France mais
aussi au Sénégal, histoire de montrer que les méthodes présentées ont une portée qui dépasse l'étendue
des terrains du SAD.
« D'abord comprendre », tel était l'objectif dont se réclamaient E. Landais et J.-P. Deffontaines en
1991 (*). C'est vers cette compréhension, obtenue par le détour de la compréhension des acteurs, que
nous guide à grands pas cet ouvrage. Une telle démarche inverse les façons de faire des agronomes.
Les acteurs, André, Aimé, Francis et les autres sont des partenaires de la recherche depuis plusieurs
années.
Les articles détaillent la manière dont les interlocuteurs ont été amenés à dire leurs pratiques, leurs
projets, dont ont été conduits les entretiens, dont la parole a été donnée, dont le dialogue s'est instauré.
Cet ouvrage rend compte de la diversité et de la complexité des relations entre éleveur, troupeau et
territoire. Le savoir-faire du pilote, l'art de l'éleveur, celui du berger, autant de pratiques révélatrices
des décisions mises en oeuvre dans le cadre des « stratégies » diversifiées qu'ils développent. Les
textes sont émaillés de formules évocatrices qui traduisent la façon dont les chercheurs et les acteurs
collaborent au travail d'interprétation : « garder du mou », « gérer son herbe au plus serré », « mettre
les bêtes en appétit », « être habile »... Jean-Pierre Darré, socio-anthropologue, compagnon de route
du SAD, est l'indispensable complice de cette rigoureuse recherche du sens.
Les études relatives aux pratiques d'élevage explorent dans de très nombreuses directions la relation
des éleveurs à l'espace et au temps, en se référant d'abord aux observations et aux catégorisations des
utilisateurs des milieux étudiés. A l'étude « du dehors » par l'observation est combinée l'étude « du
dedans ». La démarche s'appuie sur les savoirs et les savoir-faire paysans pour constituer un système
de connaissance qui devient la base du dialogue entre éleveur et chercheur dans une perspective de
recherche-développement.
La compréhension de la manière dont les éleveurs conçoivent et organisent l'activité d'élevage devient
donc un élément central de l'étude des systèmes d'élevage : le découpage de l'espace pastoral et du
temps, la « construction » du troupeau...
La méthode retenue fait des pratiques le révélateur des relations des éleveurs à leur espace. Destinée à
valoriser les informations (l'allotement) ou les catégories empiriques (le secteur), la méthode est
conçue pour être développée et généralisée en collaboration avec les structures de développement. Cet
objectif, souligné en introduction par B. Vissac, est repris en conclusion de bon nombre d'articles. Il
justifie les démarches de recherche-action dont se réclament divers auteurs.
Se centrant sur la gestion des dépenses de travail affectées à l'élevage suivant les situations des
agriculteurs, Benoît Dedieu montre tout l'intérêt qu'il y a à prendre en compte l'organisation du travail
et les temps de travaux. La « simplification des pratiques d'élevage », « l'extensification » sont des
thèmes d'actualité.
Le dialogue rapporté par Michel Meuret (Les règles de l'Art... de la gardé) entre Francis le chevrier et
André le berger montre comment la parole rendue aux acteurs permet de mettre en évidence des
systèmes de gestion. Il en est de même pour la représentation systémique de l'activité de pilotage de
l'ingestion ou encore pour l'organisation de l'espace pastoral. Tous soulignent la relation
représentation-action. La mise en relation des pratiques avec les espaces (les secteurs) supports de
celles-ci, combinée à une approche modulaire des systèmes fourragers, permet de dégager la
hiérarchie des choix dans la stratégie globale de l'éleveur.
(*) In André L. Contrepoint INRA-SAD Versailles, 1991, pp. 117-121.
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Le travail poursuivi avec André Leroy sur l'alpage du Saut du Laire (parc national des Ecrins) dans
une perspective de modélisation renouvelle la recherche en introduisant une dimension écologique.
Ainsi, à partir des connaissances sur la distribution spatiale de la pression de pâturage, l'objectif
devient d'adapter les pratiques aux contraintes environnementales (prévention des risques de
dégradation, équilibre avec la faune sauvage, etc.). Cette dimension est ensuite approfondie avec
rigueur, à partir d'un point de vue très instrumenté, par Gérard Baient et al, qui analysent les effets
des pratiques pastorales sur la dynamique écologique des couverts prairiaux et leur évolution à moyen
et long terme. On entrevoit la portée de semblables approches sous d'autres cieux... Ces nouvelles
perspectives de recherche entraînent l'utilisation des systèmes d'information géographiques (SIG). La
question de la maîtrise spatiale du pâturage dans une ferme caprine ardéchoise en souligne l'intérêt. Le
SIG permet d'accéder à une meilleure connaissance des relations entre pratiques et territoire
(confrontation du déroulement prévu du circuit de pâturage avec le réalisé). Il constitue par ailleurs un
outil de dialogue avec les acteurs partenaires de la recherche.
L'article parfaitement original d'Elisabeth Lécrivain et al. sur les formes du troupeau au pâturage est
un véritable régal, le « dessert », dirait André L. ! On accède grâce au lexique des formes qu'ils ont
constitué à une lecture dans le paysage du troupeau au pâturage. L'information une fois élaborée et
construite est indissociable d'une forme. Les formes construisent en retour les bases d'un nouveau
regard porté sur le troupeau.
Cet ouvrage souligne la profonde cohérence des recherches menées au SAD. Il suffit de le lire pour
comprendre l'intensité des échanges, des débats, du travail en commun que E. Landais et G. Baient ont
réussi à instaurer à l'intérieur et entre les équipes multidisciplinaires qu'ils ont mobilisées autour de
cette recherche, à l'intérieur du SAD, mais aussi avec divers partenaires privés ou institutionnels.
L'architecture de l'ouvrage, oeuvre d'Etienne Landais, est tout à la fois séduisante et stimulante. Une
organisation commune à la plupart des articles (définitions, méthodes, terrains, perspectives) confère à
cet ouvrage collectif, malgré quelques répétitions (à chacun sa bibliographie), une grande clarté. Pas
un terme, une notion, un concept qui ne soit explicité.
Le lecteur a le choix de son circuit : soit lire chaque article séparément, en raison de la construction
modulaire de l'ouvrage, soit se laisser guider par le découpage qui relance son intérêt et le remet sans
cesse en appétit. Ce livre, le premier de la nouvelle collection Etudes et recherches sur les systèmes
agraires et le développement, participe au renouveau de la réflexion sur l'étude des systèmes d'élevage
extensifs. Et ceci de plusieurs manières. Tout d'abord à travers la préoccupation d'appui technique qui
sous-tend cette recherche dans une perspective d'aide à la décision avec le souci d'éviter « l'écueil de
l'individualisme méthodologique ». Ensuite, par la volonté d'impliquer dans cette construction de
connaissances les partenaires du développement afin d'être pertinents par rapport à leurs pratiques et
leurs interrogations. Enfin, il s'agit de rendre compte des nouveaux enjeux associés à la gestion de
l'espace par les systèmes d'élevage extensif en glissant des actions de développement aux questions
d'environnement. Il faut décidément lire Pratiques d'élevage extensif !
Chantai Blanc-Pamard
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Creepy-Crawlies
1992, éd. Media Design Interactive, CD-ROM Macintosh
Sales bestioles, -tel pourrait être, adapté en français, le titre de ce logiciel sur disque compact, qui nous
entraîne dans un monde rampant (creepy) et grouillant (crawly). Cette encyclopédie miniature se
propose de faire découvrir 70 animaux a priori mal connus et surtout mal aimés. Scorpion, araignée,
cloporte, limace, bourdon, ver de terre, homard, etc. : chaque espèce est illustrée par un écran où
prennent place une photo (pouvant être agrandie), un court texte, un film de quelques dizaines de
secondes, en petit format (superbe !). Un clic sur une icône fait accéder à la classification de l'animal
(Phylum, Class, Order, parfois Family) ainsi qu'à un commentaire audio un peu différent du texte de
l'écran. Notons la possibilité d'imprimer une fiche par espèce (voir celle du Bourdon, ci-dessous).
Creepy-Crawlies est manifestement conçu pour les nuls en zoologie : les fiches descriptives des
animaux sont regroupées en 7 répertoires, par similitude d'habitats ou de comportements, sans aucune
référence à leur place dans la systématique (c'est une façon de voir). L'apprentissage du maniement de
ce logiciel est cependant malaisé (nous ne disposions d'aucune brochure d'explications et n'avons pas
détecté de rubrique aide à l'écran).
Quelques perles
« La mite fait partie de la famille des
araignées , elle se trouve dans la terre
et sur les plantes » : il s'agit là de mite
facarien en français) et non de mite
(chenille dévoreuse de textiles).
Le texte français de la
fiche
Chironomis laisse pantois : sous le titre
« Une larve », ces deux seules
phrases : « Cette larve mange les
plantes. Les poissons aiment manger
les larves ». Rappelons que Tes
Chironomes (Insectes Diptères) sont
des sortes de petits moustiques
(inoffensifs), aux larves surtout aquatiques, vivant fréquement dans un tube,
et appelés vulgairement « vers de
vase » (effectivement appréciés des
poissons). La classification (en anglais)
est, quant à elle, correcte.
Quant aux homards (Crustacés Décapodes) « qui ont quatre pattes pour
marcher et beaucoup d'autres pour
nager » en français, ils ne possèdent
pas moins de « 3 pairs of legs used for
feeding, 10 pairs walking legs » dans la
version originale (très originale).
Creepy Crawlies
© Media Design Interactive 1992
Le bourdon
Le bourdon est un insecte. Il se
trouve partout dans le monde. Il
mange du nectar qu'il trouve
dans les fleurs. Il est plus grand
qu'une abeille. Faites attention
parce qu'il pique!
Phylum Arthropoda
Class
Order
Animais with a hardened
chitinous 'exoskeleton'.
Also with jointed limbs.
Insecta
Often wingedarthropods. 3
pairs limbs, 1 pairantennae
and compound eyes.
Hymenoptera
Bées, wasps and ants. With
4 or no wings. Some
solitary, others in colonies.
Family Apidae
Honey bées and related
bées.
Le choix est offert de consulter les textes en anglais ou en français (excellente idée), avec à chaque
fois deux niveaux de difficulté, normal ou simplifié (idem, mais la différence est vraiment minime).
L'écran d'orientation, les commentaires audio et la systématique restent en anglais (bon...). Le texte en
français, traduit de l'anglais simplifié, se voit encore simplifié pour la version simplifiée». On vous
laisse imaginer sa pauvreté et on ne peut éviter de signaler que la traduction est souvent puérile, quand
il n'y a pas de contresens (voir encadré), à donner la chair de poule (en anglais : creepy crawly feeling)
à une personne moyennement cultivée, qui imaginerait ce logiciel tombant sous les yeux d'un écolier.
Brigitte Cauvin
NDLR : La mise sur le marc hé français de logiciels sur CD-ROM réalisés en anglais et dont les frais de développement sont
déjà en amortis permet, en principe, d'offrir des catalogues étoffés et attractifs de produits bon marché. Sauf lorsqu'il s'agit
de jeux d'action, l'acheteur peut-il, au delà d'une première acquisition, se contenter de la version originale ou d'une
adaptation en français médiocre, voire dévalorisante, et le diffuseur peut-il supporter le coût d'une bonne adaptation ?
Creepy-Crawlies est distribué par Euro-CD : 13, cité Voltaire, 75011 Paris. Tél. : 40 09 80 30 ; fax : 43 67 00 38.
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Courrier de l'Environnement de l'inra n° 23
GEOLAB
1993, éd. Nathan-Logiciels,
logiciel MsDos
Ce logiciel propose des simulations
de l'évolution des écosystèmes présents dans une vallée alpine. Il est
basé sur une approche très géographique du milieu, et les résultats
des simulations sont visualisés
rapidement sous forme de cartes en deux ou trois dimensions. L'utilisateur peut assez facilement fixer
des conditions initiales (types de sols, végétation, bétail ou gibier présent...) et des caractéristiques du
système (hauteur des précipitations annuelles, « érodabilité » des sols, vitesse de croissance des
végétations...) différentes de celles qui lui sont proposées, tout en ayant la possibilité d'en faire vérifier
la vraisemblance par le logiciel. L'utilisateur peut alors aménager et gérer le milieu (tracé de routes,
mise en culture de certaines parcelles, plantations, installation de barrières d'avalanches, introduction
de bétail...) et constater les conséquences de sa gestion sur le système.
L'intérêt principal de ce logiciel est essentiellement pédagogique : les phénomènes sont simulés de
façon trop grossière pour être susceptibles de représenter des situations réelles. Mais des
comparaisons entre différentes simulations peuvent permettre à l'utilisateur d'identifier de façon
qualitative les effets directs et indirects d'une intervention donnée. Elles permettent aussi de constater
qu'une action en apparence très ciblée s'accompagne bien souvent d'effets annexes pas toujours
facilement prévisibles sans l'aide de modèles. Une autre qualité pédagogique est que le logiciel ne
porte pas de jugement sur les interventions entreprises et ne donne pas non plus de conseil vis-à-vis
d'une situation donnée. L'utilisateur doit donc effectuer un véritable travail d'interprétation de ses
propres simulations, en s'aidant d'une notice assez bien faite.
La structure du modèle, ainsi que les choix effectués par ses concepteurs pour simuler les différents
processus, sont présentés de façon succincte dans la notice, plus pour aider l'utilisateur à interpréter
ses résultats que pour l'initier à la modélisation. Il est donc difficile d'évaluer les limites et les défauts
de ce modèle en tant qu'outil de prédiction. Ceci est un peu gênant, même si le logiciel n'a pas été
conçu dans ce but.
Sous l'angle informatique, la prise en main du logiciel est assez aisée, la notice étant bien faite.
L'utilisation est assez agréable, malgré de petites imperfections : par exemple, les échelles des cartes
n'apparaissent pas spontanément et il faut les chercher dans un menu d'information. L'affichage des
légendes des cartes est également un peu lourd à manipuler.
Ce logiciel présente donc un grand intérêt pédagogique, à condition qu'il ne soit pas utilisé comme
une « boîte noire » par ses utilisateurs : ceux-ci doivent donc disposer des connaissances relatives aux
phénomènes élémentaires impliqués dans les simulations (action du climat sur les végétations,
mécanismes et facteurs de l'érosion, etc.) pour pouvoir interpréter les résultats obtenus.
Jean-François Castell
INA-PG, chaire de bioclimatologie, 78850 Thiverval
Nathan-Logiciels
3-5, avenue Galhéni, 94257 Gentilly cedex
Tel 47 40 66 66, fax 47 40 65 77
Parcs nationaux américains
1994, Micro Applications, CD-ROM Windows
Une trentaine de parcs, localisés sur la carte des Etat-Unis qui s'affiche d'entrée. Pour chacun, des
images et un commentaire à la fois naturaliste et touristique, que l'on peut lire ou écouter (c'est le
même, exactement). Dans un coin de l'écran, une séquence animée (en tout petit format) et sonorisée.
Sur un ordinateur très puissant et bien équipé (carte son, grand écran), la promenade n'est pas
désagréable, mais elle est brève.
A.F.
Micro Applications 58, rue du Faubourg-Poissonnière, 75010 Paris
Courrier de l'Environnement de I'INRA n° 23
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SOS Forêt vierge
1994, Cocktel Vision, logiciel MsDos
Le dos de l'enveloppe du coffret s'adresse aux dix-quinze ans en ces termes : « Au cours d'une
dangereuse aventure à rebondissements, découvre avec l'aide d'Adam, l'écosystème de la forêt
tropicale, le mode de vie de ses peuplades indigènes et implique-toi pour les protéger ! Pars en
exploration dans la forêt sud-américaine... Tu découvriras un somptueux décor : une végétation
luxuriante et colorée, de mystérieuses grottes, des ruines antiques rappelant la fascinante histoire de la
civilisation Inca. Apprends à connaître et à respecter les peuplades indigènes locales... Tu devras
dialoguer avec le Chaman, Musqui et tous les villageois et user de toute ton ingéniosité pour les
protéger de certains individus cupides qui menacent leur mode de vie. Sauve les espèces animales et
végétales en péril, leur sort est entre tes mains... La forêt tropicale est riche d'une infinité d'espèces
rares aussi bien animales que végétales, trésor inestimable menacé par les braconniers et autres
exploiteurs. Et enfin, découvre le Secret de la Forêt ! »
Le logiciel, installé (facilement et sans problème) sur une machine du réseau externe de la DPEnv.,
s'avéra tout à fait conforme à cette accroche et passionna les jeunes collaborateurs - même blasés auxquels il fut confié. Les plus âgés ont remarqué le fond intéressant et intelligent, la forme agréable
(beaux écrans, textes bien écrits), la manipulation simple - que même un « plus âgé » peut maîtriser
d'emblée...
A.F.
Cocktel Vision : 25, rue J.-Braconnier, 92366 Meudon-la-Forêt cedex. Tel : 33 (1) 46 30 99 57 ; fax : 33 (1) 42 75 94 26.
Planète verte
C'était sur France Culture, les samedis et dimanches de l'été passé, 10 grands dossiers de la
Communauté des radios publiques de langue française traités en une heure (de onze heures à midi)
chacun, sur l'environnement. Marie-Hélène Baconnet (France Culture), Lison Méric (Radio Suisse
Romande Espace 2), Jean-Marc Carpentier et André Corriveau (Société Radio Canada), Jean-Pol
Hecq (Radio Télévision Belge Francophone) et leurs invités (un de chaque pays) croisaient leur voix
(diversement colorées) pour nous parler de : - Les créations du monde ; - Droits de la nature, droits de
l'homme ; - L'invention du paysage ; - Savoirs écologiques : modernité et traditions ; - Vivre en ville ;
- Humanisme et nature ; - La peur de l'animal ; - Science, politique et environnement ; - Spiritualité et
nature : Dieu, l'homme et les petits oiseaux... ; - Le Prix de la nature.
Des paroles qui - faute d'enregistrement ou de transcription -se sont envolées définitivement. Reste le
souvenir - au travers de 4 ou 5 émissions - d'une série particulièrement réussie.
A.F.
Les petites bêtes
C'était aussi sur France Culture, l'été passé, tous les matins de la semaine en août ; juste après Culture
Matin, des histoires de scorpions, de libellules, d'insectes tués sur les autoroutes, d'araignées mais
aussi les galles, le mimétisme et le champ de maïs, histoires mises en scène par Anice Clément, en un
quart d'heure et sans les images... Toutes les petites bêtes et tous les zoologistes ne furent pas
également « radiogéniques » mais l'intention était excellente et le résultat aussi plaisant qu'intéressant.
A.F.
NB : ces moments de radio ont été conservés ; s'adresser à l'Office pour l'information écoentomologique (OPIE)
BP 9, 78285 Guyancourt cedex ; tél. : 30 44 13 43.
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Courrier de l'Environnement de l'inra n° 23
Agropolis Museum
Un lieu de rencontres et un outil de communication pour la communauté
Agropolis à Montpellier
L'idée d'un centre de culture scientifique sur l'alimentation et l'agriculture est formulée en 1986 et
reçoit, dès l'origine, le soutien déterminant du ministère de la Recherche et de la technologie. Tout va
alors très vite et, en juin 1993, le grand bâtiment circulaire d'Agropolis Museum est inauguré, en
même temps qu'il reçoit l'exposition temporaire «Terres Méditerranéennes». Parallèlement, sous
l'impulsion de Louis Malassis, président fondateur d'Agropolis et président d'Agropolis Muséum, le
schéma directeur du musée est arrêté et les premières expositions sont préparées par de nombreux
chercheurs d'Agropolis aidés par des architectes scénographes.
Agropolis Museum présentera, à terme, trois grandes parties :
- l'espace d'orientation, exposition permanente qui présentera l'évolution des systèmes alimentaires
dans le temps et dans l'espace pour s'achever sur « le banquet de l'humanité » qui mettra en évidence
les disparités criantes au niveau de la planète ;
- l'espace thématique, qui sera consacré à des expositions temporaires montrant la participation de la
communauté scientifique au combat contre la faim ;
- l'espace prospectif, dont l'exposition permanente reprendra les thèmes de l'espace d'orientation sous
un angle tourné vers l'avenir.
Aujourd'hui, le musée prend forme et trois des sept sections de l'espace d'orientation sont achevées et
présentées au public depuis le 29 septembre 1994 sous le titre (très à la mode) de « Paysans et
paysages du monde » :
- La fresque historique illustre en 17 scènes l'évolution des systèmes alimentaires dans le temps : âge
pré-agricole, agricole, agro-industriel.
- Les paysans du monde sont représentés par 8 agriculteurs que l'on rencontre dans leur vie
quotidienne au travers de la reconstitution succincte de leur environnement, d'images et
d'enregistrements sonores.
- Les paysages du monde apparaissent sur un écran géant. La genèse des paysages agraires et les
différents modes de mise en valeur sont expliqués par de nombreux documents et maquettes.
Le décor et la philosophie d'Agropolis Muséum sont donc en place. C'est maintenant à la communauté
scientifique de l'animer, d'en faire une vitrine de la recherche et un lieu de communication. Il faudra
pour cela trouver des thèmes renouvelés et le langage qui attireront et intéresseront le large public
auquel cette entreprise est somme toute destinée.
Evelyne Fèvre
1. — Poulailler portatif démontable
Courrier de l'Environnement de l'inra n° 23
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TEXTES
Préface de System studies in agriculture and rural development
de Jacques Brossier, Laurence de Bonneval et Etienne Landais (éd.)
Coll. Science Update, Versailles, INRA Editions, 1994
par G u y Paillotin (président de l'INRA)
La recherche agronomique doit relever, à l'approche du
troisième millénaire, l'un des plus grands défis qu'elle ait
connus. Elle est soumise à une tension sans précédent entre,
d'un côté, la vigueur de ses dynamiques internes et le
besoin toujours accru d'approfondissement (jamais sans
doute l'avancée des connaissances et des techniques
agronomiques n'a été aussi rapide) et, de l'autre côté, une
demande sociale extrêmement pressante, liée aux profonds
bouleversements qui affectent tant l'agriculture que l'agroalimentaire, en relation avec l'évolution de nos sociétés.
Il ne saurait bien entendu être question de limiter les
ambitions du progrès scientifique. Mais un institut de
recherche finalisée tel que l'INRA ne peut pas davantage,
sans renier sa mission, se résoudre à prendre la moindre
distance vis-à-vis des attentes de la société, si confuses
puissent-elles parfois paraître. Ceci conduit à encourager le
développement simultané, au sein de l'Institut, de
recherches diversement positionnées par rapport aux deux
dynamiques évoquées plus haut, avec la conviction que
cette diversité, loin d'être subie, représente l'une des
principales richesses et l'une des principales originalités de
l'INRA. Cela ne doit pas constituer pour autant un prétexte
pour perdre de vue l'exigence de l'excellence scientifique
ou à l'opposé celle de l'utilité sociale des travaux : nulle
recherche, si fondamentale ou au contraire si directement
appliquée qu'elle soit, ne saurait se justifier durablement
par référence à une seule de ces deux exigences, qui ne sont
d'ailleurs contradictoires qu'en apparence.
L'ambition des travaux du département « Systèmes agraires
et développement » (SAD) est exemplaire de ce point de
vue. Depuis quinze ans, les chercheurs du SAD s'attachent
en effet à répondre à des demandes multiformes, émanant
d'acteurs très divers, concernant des objets et des processus
de différente nature et mettant en jeu des échelles d'espace
et de temps très variées. Une telle extraversion n'était pas
sans comporter des risques scientifiques importants. Le
SAD n'a pu et su les assumer que parce qu'il a
contrebalancé l'étendue de son champ d'investigation par un
souci constant de cohérence et de formalisation théorique,
conceptuelle et méthodologique, appuyé sur les avancées
des sciences du complexe, des systèmes, bref de
l'intégration. Les compétences qu'il a ainsi acquises
notamment en matière de modélisation systémique, le
recours à la pluridisciplinarité dont face à la complexité de
ses objets il a du faire une pratique quotidienne, les
anticipations qu'il a réalisées sur des thèmes tels que le
fonctionnement des systèmes de production agricole, la
dynamique des systèmes agraires, la gestion de l'espace
rural, les problèmes environnementaux, le développement
local et régional ou encore la construction sociale de la
qualité des produits agricoles, ont indiscutablement enrichi
l'Institut, et continueront à le faire.
Une conséquence marquante des choix du SAD est
l'engagement délibéré de ses chercheurs dans l'action et le
partenariat. Ils participent ainsi à de nombreux réseaux,
qu'ils ont souvent contribué à créer, où ils ont l'occasion de
confronter leurs représentations et leurs points de vue avec
ceux de multiples acteurs sociaux. Ce point est essentiel,
car c'est dans de tels réseaux que se construisent les
innovations, qui sont tout autant des produits sociaux que
des produits scientifiques ou technologiques. Ces réseaux
sont aussi le lieu où les attentes multiples, souvent confuses
voire contradictoires de la société peuvent être captées,
décantées, triées, reconstruites, pour finalement émerger
sous la forme de demandes explicites, susceptibles d'être
traitées par la communauté scientifique. Le SAD contribue
ainsi de manière efficace à la construction de la demande
sociale, fonction dont la bonne réalisation est l'une des
conditions de l'efficacité d'un institut de recherche finalisée.
Cette contribution est d'autant plus précieuse que la
majorité des chercheurs, fût-ce à l'INRA, hésitent à
s'aventurer hors de leurs laboratoires. Cette réserve
m'apparaît singulièrement paradoxale dans la recherche
publique : pourquoi faut-il donc que la communauté
scientifique, tellement à l'aise dans le monde des artefacts,
se sente si mal à l'aise face aux débats qui animent notre
société ?
Les travaux du SAD commencent à être connus dans
diverses parties du monde. Leur écho n'est pas étranger, par
exemple, à la décision de tenir à Montpellier le prochain
symposium sur les « Recherches-système en agriculture et
développement ». Ce symposium, que la France organise
au nom de l'Europe, et que j'ai l'honneur de présider,
s'inscrit dans la filiation des colloques du réseau « Farming
Systems Research and Extension », qui pour la plupart se
sont jusqu'ici tenus aux Etats-Unis. Or j'ai pu constater à
diverses reprises que la diffusion internationale des acquis
du SAD restait insuffisante, notamment dans le monde
anglo-saxon. Ayant personnellement poussé pour que cette
lacune soit comblée, en particulier dans la perspective de ce
symposium, qui constitue une excellente occasion de faire
connaître ces travaux, le président de l'INRA ne peut donc
que se féliciter de la parution de cet ouvrage qui fournit, à
travers une sélection d'articles récents, une bonne image de
la diversité mais aussi de l'unité des recherches de ce
département atypique au sein de l'INRA et sans équivalent
dans les instituts de recherche des pays développés, qui
constitue au sein de l'Institut un lieu de création
particulièrement actif et une source de débats toujours
animés.
Reste la question du langage. La volonté de communiquer
n'est rien sans l'effort de se faire comprendre. Or, de sa
marginalité aujourd'hui révolue, le SAD a conservé une
forte propension à s'exprimer dans un jargon propre à
décourager le lecteur le mieux intentionné. J'étais donc tout
prêt à plaindre le lecteur anglophone, lorsque j'ai découvert
que, par une sorte de miracle linguistique, que nous devons
au talent des traducteurs et à la compétence très spécialisée
de Laurence de Bonneval (*), la version anglaise était
souvent plus claire que le texte original français ! Puis-je
donc suggérer, en guise de conclusion, que le SAD nous
donne bientôt, sous la forme d'une traduction du présent
volume, cet ouvrage de synthèse en français qui fait
actuellement défaut ?
(*) Qui avait ouvert la voie en publiant l'an passé le remarquable
ouvrage dont je tiens à signaler ci-dessous la référence au lecteur
intéressé : L. de Bonneval ( 1993) : Systèmes agraires, systèmes de
production. Vocabulaire français-anglais avec index anglais. Paris,
INRA Editions, 285 p.
96
Courrier de l'Environnement deiïNRA n' 23
Villes et campagnes, vers de nouveaux équilibres
Alors que lois sur l'aménagement du territoire et nouvelles
orientations de la politique agricole sont d'actualité, les
économistes de l'INRA ont fait une synthèse de leurs
réflexions concernant le devenir des espaces ruraux et
l'instauration de nouveaux équilibres entre villes et
campagnes.
Depuis vingt ans environ, des mouvements de personnes et
de capitaux façonnent une ruralité nouvelle, sous influence
urbaine et moins dépendante de l'agriculture.
La construction de logements, toujours plus loin des villes,
reste très importante : dans les années 80,130 000
logements par an étaient construits dans les communes
rurales contre moins de 40 000 dans les années 60. Les
bassins de retraite et les migrations temporaires vers le
rural séduisent également beaucoup d'urbains. Le résultat se
traduit, globalement, par un renversement du mouvement
séculaire d'exode rural : on assiste aujourd'hui à un exode
urbain. Selon les chiffres du recensement de 1990, la
population des villes-centres a crû de 0,5% entre 1982 et
1990 alors que le taux de croissance de la population des
communes rurales était de 7%. Le solde migratoire des
premières est négatif de 3% et positif de 7% pour les
secondes.
Le rural ne se porte pas si mal qu'on le dit, même s'il est
vrai que le recul démographique se poursuit dans 40% des
communes rurales.
La population rurale est profondément renouvelée par ces
mouvements. Un Français sur quatre vit dans une commune
rurale, mais les agriculteurs n'y représentent plus qu'un
ménage sur dix et un emploi sur quatre. L'agriculture
conserve un rôle primordial dans la gestion du territoire et
demeure un moteur économique puissant dans certains
bassins de production agro-alimentaire comme la Bretagne,
mais elle est de plus en plus minorisée dans l'équilibre
économique des espaces ruraux. Hormis les agriculteurs,
les retraités et les ouvriers sont les catégories sociales les
plus représentées dans le milieu rural.
Les retraités représentent près de 40% des ménages du rural
profond et apportent, avec les migrations de retraite, l'« or
gris » dans beaucoup de régions. Les ouvriers sont plus
nombreux dans le rural que dans les zones urbaines : dans
le périurbain, plus d'un homme actif sur trois est un ouvrier.
Dorénavant, on ne peut plus assimiler rural à agricole.
Des demandes d'espace, d'environnement et de biens
économiques sont à l'origine de cet attrait pour le rural :
- demandes d'espaces résidentiels, analysées en termes de
« débordement des villes », de banlieues lointaines ou de
« rurbanisation » ;
- demandes d'espaces récréatifs ou de loisirs ruraux
(résidences secondaires, tourisme vert...) ;
- demandes de biens de nature et d'environnement (produits
sains et fermiers, paysages, faune sauvage...).
L'espace économique est modifié par la mobilité
géographique des personnes et en particulier par les
migrations alternantes domicile-travail : les deux-tiers des
« périurbains », qui représentent 63% des ruraux, font en
moyenne plus de 16 km pour aller travailler. Ces nouvelles
données amènent nécessairement une redéfinition de
certains termes. En effet, que signifient urbain ou rural
quand on travaille en ville et qu'on habite à la campagne ?
Une métropole, du point de vue résidentiel, s'étend parfois
sur la moitié d'un département (beaucoup plus pour Paris),
même si les emplois du tertiaire supérieur, apanage des
grandes cités, se concentrent sur un petit périmètre urbain.
Ainsi, pour les régions Bourgogne, Midi-Pyrénées et
Rhône-Alpes, les 5 grandes agglomérations de Lyon,
Toulouse, Grenoble, Saint-Etienne et Dijon ont une aire
d'influence qui représente le sixième de la superficie
régionale et regroupe 40% de la population de ces régions.
D'un côté, les métropoles exercent leur influence sur le
quart du territoire national où près de 5 millions de
personnes vivent en communes rurales, avec un
accroissement démographique de 12 points entre 1982 et
1990 ; de l'autre côté, sur une surface comparable, le rural
profond abrite 2,4 millions d'habitants et sa population
recule de 3,8 points sur cette période.
L'évolution des communes rurales est fonction de la taille
de la ville dont elles dépendent : villes et campagnes sont
étroitement solidaires. « L'intégration ville-campagne est
l'ardente obligation de l'aménagement du territoire »
insistent la Délégation à l'aménagement du territoire et à
l'action régionale (DATAR) et l'INRA.
L'utilisation des sols porte l'empreinte des mouvements
économiques. L'artifïcialisation (construction de bâtiments,
de voies de communication...) utilise l'essentiel des terres
libérées par l'agriculture ; la friche progresse dans quelques
régions, mais beaucoup moins que ne le prédisaient certains
discours catastrophistes : en 1990, 2,5 millions d'hectares
étaient en friche (équivalent en superficie à 5 départements)
alors que l'on estimait à 5,5 millions d'hectares (équivalent
à 11 départements environ) en 1950 la surface non utilisée.
Les liens entre exParision urbaine, évolution des bassins de
production agricole et marginalisation de certains espaces
sont complexes à établir. Tantôt le rural est structuré par les
pôles urbains ou les axes de communication, et voit son
agriculture souvent en crise du fait d'un marché foncier
perturbé par l'exParision attendue des villes ; tantôt
l'agriculture occupe et « tient » l'espace, dans l'attente de
nouvelles réformes de la PAC. Tantôt enfin les handicaps
naturels et géographiques induisent des crises, auxquelles
on peut parfois remédier grâce au tourisme et à la vente de
produits de la ferme surtout.
Il semble évident qu'on ne peut pas appliquer le même
modèle de développement à tout l'espace régional.
La régression de l'agriculture, non compensée par des
apports migratoires, est la cause principale du
dépeuplement. Une politique compensatrice permettrait
d'éviter des conséquences irréversibles et de préserver un
patrimoine bâti, paysager et culturel.
Texte paru dans Presse-Informations (INRA/DIC), n"179, juin 1994
Courrier de l'Environnement de l'inra n° 23
97
Sauvetage et conservation des Tulipes sauvages en France
Circulaire d'information n°2
par Jean-Charles V i l l a r e t et Luc Garraud (Conservatoire botanique alpin, Gap-Charance)
1. Les Tulipes de France
La flore de France comprend une quinzaine d'espèces, néoespèces et variétés de tulipes sauvages (voir tableau ciaprès). Toutes ces espèces liées, de près ou de loin, aux
activités humaines (ce sont souvent des plantes messicoles
d'origine orientale, liées aux cultures peu intensives ou aux
pelouses sèches de caractère sub-steppique) subissent
actuellement une régression importante avec la mutation
des activités agraires, l'urbanisation, l'arrachage des
bulbes...
2. Le programme de conservation des Tulipes sauvages
Le Conservatoire botanique alpin de Gap-Charance a
engagé un programme de « Sauvetage et de conservation
des Tulipes sauvages de France » avec l'aide financière du
ministère de l'Environnement. Ce programme d'une durée
de cinq ans a débuté fin 1990. Pour l'ensemble des tulipes
sauvages de France, le programme aborde des volets aussi
divers que la description morphologique, la phénologie, la
génétique et la systématique, la répartition et la
cartographie des stations, la mise en place de mesures de
protection ex situ (cultures de collection et multiplication
des bulbes), la mise en oeuvre de mesures de protection des
dernières stations et la réintroduction en milieu naturel, les
aspects ethnobotaniques et la sensibilisation du public à la
conservation.
Les trois premières années du programme ont été
consacrées au sauvetage des tulipes néoendémiques (c'està-dire inféodées, depuis peu, à une aire géographique
restreinte) des Alpes françaises en particulier sur la Savoie,
avec l'aide de plusieurs partenaires : parc national de la
Vanoise, Conservatoire du patrimoine naturel savoyard,
groupe « Photosynthèse », etc. Le programme a été
progressivement étendu à d'autres régions françaises
(Dauphiné, Provence...) au cours des dernières années.
3. Les Tulipes de Savoie et du Dauphiné
L'espèce polytypique Tulipa gesneriana a donné naissance
à la plupart des variétés de tulipes horticoles. A l'état
sauvage en France, le groupe Gesnerianae est représenté
par 8 taxons néoendémiques localisés dans le département
de Savoie (7 taxons) et celui des Hautes-Alpes (1 taxon).
Ce sont en Savoie : Tulipa didieri, T. mauriana, T.
montisandrei, T. planifolia (= T. saracenica), T. aximensis,
T. perrieri et T. billietiana ; et dans les Hautes-Alpes : T.
platystigma.
L'origine de ces tulipes est controversée. Ont-elles été
introduites comme beaucoup de plantes messicoles à partir
du Moyen-Orient (certaines thèses établissent une relation
étroite entre la culture du safran, Crocus sativus L.,
introduit du Moyen-Orient à l'époque médiévale avec les
invasions sarrasines, et l'apparition des tulipes du groupe
Gesnerianae dans la flore locale), à la suite du transport
plus ou moins involontaire de bulbes ? Se sont-elles
échappées et naturalisées, à partir de plantes volontairement
introduites dans un but horticole et plus ou moins déjà
partiellement sélectionnées ? La présence de ces tulipes est
limitée géographiquement, en France, aux Alpes de Savoie
et du Dauphiné. Certaines formes voisines existent ou ont
existé dans les régions transfrontalières voisines : Valais
(Suisse) et Val de Suze (Italie) et à proximité de Florence et
Bologne (Italie). La création de ce groupe de Tulipes
semble donc occidentale, dérivée de types primitifs
botaniques d'origine orientale et peut-être déjà
partiellement sélectionnés par l'Homme sur le plan
horticole. Les études génétiques programmées en 1993 et
1994 permettront de resituer ces 8 à 9 taxons et d'établir les
éventuels liens de parenté avec les formes horticoles.
4. Le sauvetage des tulipes de Savoie et des Hautes-Alpes :
la nécessité d'une intervention urgente.
Sur les 8 taxons connus, 4 n'existent désormais plus dans le
milieu naturel et les 4 autres ne sont plus représentés que
par une à quatre stations chacun. La mise en culture, pour
multiplication, au Conservatoire, de ces tulipes a donc été
la première mesure urgente, en particulier grâce aux
collections de M. Prudhomme qui depuis plus de trente ans
a permis de maintenir certains taxons aujourd'hui disparus
du milieu naturel, comme Tulipa didieri, par exemple. La
multiplication des bulbes, outre l'intérêt de fournir du
matériel pour les études, permettra de programmer des
opérations de réintroduction dans les prochaines années. Un
site de Savoie recelant encore deux tulipes (Tulipa
planifolia et Tulipa montisandrei) a fait l'objet d'actions de
protection. Les parcelles concernées sont en cours
d'acquisition par la commune et devraient être gérées par le
Conservatoire du patrimoine naturel savoyard.
5. Extension aux autres espèces de Tulipes.
Des actions de conservation des autres espèces de tulipes
sauvages de France, notamment les tulipes méridionales
(Tulipa praecox, T. oculus-solis, T. lorteti) se mettent
progressivement en place et ont débuté en 1993 sur d'autres
régions : Drôme, Provence...
6. Inventaire des Tulipes sauvages de France.
Un inventaire national des stations de tulipes sauvages a
débuté à partir du printemps 1993 et doit se poursuivre au
cours des deux prochaines années. Il permettra de faire un
bilan sur la répartition des espèces, l'évolution des
populations, les besoins en protection et les acteurs à
mobiliser pour la sauvegarde de nos tulipes.
Environ 300 fiches d'observation mentionnant des stations
de Tulipes nous sont parvenues. Tous nos remerciements
aux observateurs ! Une synthèse intermédiaire est en
préparation et leur sera personnellement adressée dans les
mois qui viennent. Les efforts de prospection et de
transmission de l'information doivent se poursuivre. La
contribution des botanistes amateurs et professionnels est
nécessaire pour une bonne couverture et le succès de
l'opération...
7. Article de synthèse Tulipes sauvages de France.
Un article de synthèse, superbement illustré avec des
photographies du groupe « Photosynthèse », sur les Tulipes
sauvages de France et le programme de sauvetage en cours
est paru en deux parties dans Le Courrier de la Nature (n°
143, janvier-février et 144, mars-avril 1994), le bulletin de
la Société nationale de protection de la nature (57, rue
Cuvier, BP 405,75221 Paris cedex 05), qui s'est associée à
VInventaire Tulipes sauvages de France et que nous
remercions à nouveau.
Document reçu en juin 1994.
Domaine de Charance, 05000 Gap
Tél. : 92 53 56 82 ; fax : 92 51 94 58.
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Courrier de l'Environnement de l'INRA n* 23
Nom français
Nom scientifique
Couleur dominante de la corolle
Répartition
Tulipe du Cardinal Billiet
Tulipa billiatiana Jord.
Corolle jaune vif, marges des pétales
devenant rougeâtres
Savoie, endémique
Signalée dans les Alpes Maritimes, douteux (confusion ?)
Tulipe de Perrier
Tulipa perrieri Marjollet
Corolle blanc jaunâtre à blanc mat
avec panachures rougeâtres sur
les marges de pétales
Corolle rouge foncé
Tulipe d'Aime-en-Tarentaise
Tulipa aximensis Marjollet
Savoie : Tarentaise (canton d'Aime), endémique
Savoie : Tarentaise (canton d'Aime), endémique
Tulipe de Maurienne
Tulipa mauriana Jord. et Four.
Corolle rouge rosé devenant rouille,
avec tâche basale jaune vif
Savoie : Maurienne, endémique
Tulipe de Didier
Tulipa didieri Jord.
Corolle rouge pourpre à macule noir bleuté,
cerné de blanc-jaunâtre, formes à fleurs
jaune pâle
Savoie.
Suisse et Italie ? (confusion avec d'autres formes de tulipes ?)
Tulipe à feuilles planes
Tujipa planifolia Jord.
(=Tulipa saracenica Perr.)
Corolle rouge à macule basilaire
olivâtre à noirâtre
Savoie, endémique
Tulipe du Montandré
Tulipa montisandrei Prudh.
Corolle rouge carmin, grande macule
basilaire bleutée
Savoie, endémique
Tulipe de Guillestre
Tulipa platystigma Jord.
Corolle lilas violacé, petite macule
basilaire bleutée
Hautes-Alpes (région de Guillestre), endémique
Tulipe de Provence
Tulipa lorteti Jord.
Corolle rouge, macule basilaire noire
Provence, endémique, pratiquement éteinte ?
Tulipe oeil-de-soleil
Tulipa agenensis DC.
Corolle rouge, macule basilaire
ovale noire bordée de jaune
Languedoc, Provence, Dauphiné méridional, Aquitaine
Tulipe précoce
Tulipa raddiiReb.
= Tulipa praecoxT&n.
Corolle rouge, macule basilaire large
noire bordée de jaune
Languedoc, Provence, Dauphiné, Savoie, Aquitaine
Tulipe de Perse
Tulipa clusiana Ventenat
Assez grande. Corolle blanche avec bande
centrale rosée sur la face extérieure
des pétales
Autrefois en Savoie, Isère, éteinte ?
Deux stations en Provence, en régression forte
Deux stations en Gironde
Tulipe sauvage, T. sylvestre
Tulipa sylvestris L
Assez grande. Corolle jaune, verdâtre
extérieurement, inclinée avant
la floraison
Toute la France, mais en raréfaction
Tulipe méridionale
Tulipa australis Link.
Petite. Corolle jaune, orangée extérieurement,
inclinée avant la floraison
France méridionale, au nord jusque dans la région d'Angers
Assez fréquente en montagne
Tulipe alpestre
Tulipa alpestris Jord. et Fourr.
Petite. Corolle jaune, orangée extérieurement,
inclinée avant la floraison
Alpes. Autres montagnes ?
Forme critique très proche de Tulipa australis
Tulipe de France
Tulipa gallica Lois.
Petite. Corolle jaune, orangée ou verdâtre
extérieurement, inclinée avant la floraison
France méditerranéenne. Difficile à distinguer de T. australis
Groupe d'espèces mal connu

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