Histoire des langues néo-latines: italien, français
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Histoire des langues néo-latines: italien, français
1 Histoire des langues néo-latines: italien, français, espagnol On voudrait montrer: 1. que le Latin constitue le noyau central et portant des trois langues 2. quels ont été les facteurs de diversification 3. les différences les plus évidentes parmi ces langues a. SUBSTRAT Gaulois Gaule cisalpine Liguriens Basques Etrusques Latins Peuples italiques Celtibères Grecs Les peuples indiqués sur la carte habitaient l’Europe occidentale avant l’expansion de Rome. Leurs langues ont eu une certaine influence sur le Latin des conquérants. Cette influence s’appelle substrat. Substrat: influence exercée sur le Latin par les langues auxquelles il se superpose. Les Basques: ils s’établissent dans la région des Pyrénées orientales entre France et Espagne, provenant probablement de l’Afrique du nord. Le Basque est une langue encore vivante qui a des origines très anciennes; elle montre des liens avec les langues caucasiennes et des contacts avec les langues chamitiques de Libye. Il y en a des traces dans l’Espagnol dans quelques toponymes et en: arroyo (ruisseau) < arroila (fosse) vega < bega ( plaine fertile) Xavier est un prénom d’origibe basque: de Francisco de Jassu de Xavier, du château de Xavier de la haute Navarre où le saint est né : Xavier < Xaberri < etxeberri (nouvelle maison). Phénomènes phonétiques qui passent du Basque à l’Espagnol: • prosthèse vocalique devant r : rota > errota , regem > errege • f > h ( f n’existe pas dans le système phonologique du Basque) : ferrum > hierro, mais, devant ue: focum > fuego 2 Ibères: ils arrivent dans la péninsule ibérique de l’Afrique du nord après les Basques. Ibère: langue très ancienne, chamitique, semblable au Basque, aux probables racines libyennes; on en connaît des inscriptions dans un alphabet en partie pareil au phénicien et en partie inconnu Celtibères: groupe ethnique sorti de la fusion des Celtes et des Ibères. Italiques: peuples d’origine indo-européenne habitant l’Italie avant l’expansion de Rome Dialectes italiques: langues indo-européennes parlées en Italie avant la conquête romaine: avec le Latin, l’Osque, l’Ombrien, le Vénitien, le Ligurien, le Sicilien. En Osque on possède des inscriptions du IIe et Ier siècles a.C. rédigées dans un alphabet dérivé de l’Etrusque ou, d’autres fois, en Grec ou en Latin. Phénomènes phonétiques dus à cette langue: b /d intervocaliques > f : bubulus > bufalus Mots d’origine osque-ombrienne: loup, chez, langue, larme (lupo, casa, lingua, lacrima). Etrusques: aux origines de Rome, peuple établi entre les fleuves Tibre et Arne, de provenance douteuse, il domine sur les Romains par la dynastie des Tarquinii au VI sècle a.C. Etrusque: cette langue n’est pas d’origine indo-européenne et se présente tout à fait différente du Latin. Son alphabet ressemble au grec occidental. On en possède de nombreuses inscriptions, mais leur interprétation est encore incertaine. On sait que cette langue était enseignée à Rome. Le Latin en a assimilé des suffixes (mots en -na, -ena, -enna, -ina comme Ravenna, catena, persona, sacena > scena). On en a gardé aussi le système nominal composé de trois mots: praenomen, nomen, cognomen. Le nom même de Rome est d’origine étrusque, le terme ne pouvant dériver de Romulus, selon la légende, mais d’une souche gentilice étrusque, Ruma, qu’on retrouve aussi dans l’ancien nom du Tibre, Rumon. La langue italienne a gardé peu de traces de l’Etrusque et c’est la différence radicale entre les deux langues qui a empêché la formation de mélanges étrusco-latins et produit une meilleure conservation du Latin en Toscan, source de la langue nationale italienne. Substrat grec: le Latin entre en contact avec le Grec d’abord en Grande-Grèce où le processus de romanisation a été plus difficile à cause de la supériorité de la culture grecque. La colonisation grecque commence au VIII siècle et arrive au maximum de prospérité entre le VII et le VI siècle. Au sud d’Italie on a encore deux îles linguistiques qui parlent grec. La langue latine avait déjà absorbé des éléments grecs: machina, purpura, oliva, balaena, delphinus, petra, apotheca ( > bottega/boutique), brachium (> braccio/bras)... La première évangélisation en emporta d’autres: monacha, clericus, presbyter > prete (prêtre), episcopus > vescovo (évêque), eclesia > chiesa (église), martyr, angelus. On remarque en particulier que les deux termes “parole” et “parabole” dérivent du grec “parabolé” (comparaison). Rappelons enfin que la ville de Marseille < Massilia < Massalia était une colonie grecque. Les Gaulois: peuple du groupe celtique, branche de la famille linguistique indo-européenne. Ils vivaient dans la plupart du nord d’Italie et dans le territoire français actuel. Le Gaulois: langue celtique qui a constitué l’influence la plus forte dans le domaine roman. Dans le domaine lexical, carrus (char à quatre roues qui remplace le char romain à deux roues), braca (habit qui n’était pas connu à Rome), bouleau, bouc, mouton, charrue, sillon, lieue, tonneau, borner, briser, chemin, comme le nom des villes Mediolanum (plaine au milieu) (Milan), Parisii (Paris), Lugdunum (Lyon), sont d’origine gauloise. Rappelons aussi le système gaulois de numération vicésimal qui reste dans quatre-vingts, soixantedix, quatre-vingt-dix. 3 Influences phonétiques du Gaulois: • ū > ü (son qu’on retrouve aussi dans les patois gallo-italiques) • ct > it : nocte > nuit, fructu > fruit, octo > huit • a tonique > e : mare > mer, pratu > pré • sonorisation des consonnes sourdes intervocaliques (phénomène commun aux langues romanes occidentales: lupa > loba > louve, vita > vida > vie, amica > amiga > amie. b. Le noyau central : LE LATIN Les langues néolatines ou romanes sont la continuation directe du Latin, soit en ce qui concerne le patrimoine lexical, soit quant à l’organisme grammatical. Elles en représentent la continuation ininterrompue, car entre le Latin et le Roman il n’y a pas de décollement, mais un lent et constant développement. Le Latin était au début un modeste patois de bergers du Latium qui fondèrent la ville de Rome, un idiome indo-européen dont on possède une documentation continue dès le III siècle a.C. Une fois fixée, grâce aux grands écrivains de l’âge d’or, la langue écrite garde une certaine rigidité imposée par les modèles et l’autorité de grammairiens. Toutefois, au cœur même de l’urbs et non pas seulement dans les provinciae, la langue parlée diffère plus ou moins considérablement de la langue écrite. Nous nous en apercevons en comparant les passages du même auteur classique lorsqu’il s’adresse aux amis ou aux parents: Cicéron par exemple, dans ses lettres privées, utilise un style très différent de celui qu’on retrouve dans les ouvrages destinés à la publication (ses discours ou œuvres philosophiques ou rhétoriques). Cette langue familière est appelée par Cicéron rustica vox et elle contient déjà les germes des diversificatons dialectales qui se développeront dans les langues romanes. Donc le Latin vulgaire (sermo vulgaris) ne doit pas être interprété comme une langue parlée par les classes sociales de basse extraction mais comme une langue familière parlée pas toutes les catégories sociales, avec ses nuances infinies. Nous n’avons jamais eu en effet un Latin unitaire. Il est important toutefois de remarquer que la plupart des mots latins de la langue parlée étaient égaux à ceux du Latin classique. Sources du Latin vulgaire ou des langues préromanes: • • • • auteurs latins dans les œuvres les plus proches de la langue parlée: comédies, lettres familiales écrivains de culture médiocre, écrivains chrétiens qui choisissent dans leurs ouvrages une langue plus proche des humbles à qui ils adressent. Rappelons la plus ancienne traduction de la Bible, appelée Itala, exécutée sur le texte original grec, et la Vulgata de St. Jérôme. les grammairiens latins là où ils parlent de formes à éviter. Rappelons l’œuvre appelée Appendix Probi où on lit par exemple: auris non oricla , oculum non oclus , facies non facia ... Inscriptions privées, comme dans une épigraphe de Pompéi où on trouve agustus à la place de augustus Lexique: la plupart des termes coïncident avec le Latin classique. Quelques mots présentent des déplacements de sens: : ignis est remplacé par focus (= foyer), equus par caballus (cheval de trait), auris par auricola (petite oreille), os par bucca (joue) caput par testa (pot en argile); d’autres, des rétrécissements de sens: necare (tuer) > annegare (tuer dans l’eau), noyer, anegar; homo continue de vivre dans son sens original, mais, en français il prendra aussi une 4 valeur impersonnelle: homo dicit > on dit; orbus ab oculis (privé des yeux) > aveugle, tandis que cieco, ciego continuent caecus. Syntaxe: au nominatif et à l’accusatif, les lettres finales –m et –s qui déterminent la fonction du terme, tombent; à cause de cela l’ordre des mots devient moins libre et la structure sujet + verbe + complément direct s’impose. Ex.: Latin classique: Petrus vidit Paulum / Paulum vidit Petrus / Petrus Paulum vidit ... Latin vulgaire: Pierre vit Paul. Les cas obliques sont remplacés par des tournures formées par préposition + nom: regis filius > filius de rege. La parataxe est substituée par l’hypotaxe: toutefois la construction paratactique sera réintroduite par la culture et l’école. Voyelles toniques: • la quantité de la syllabe (c’est-à-dire sa durée) disparaît au profit de l’ouverture ou clôture de la voyelle: ainsi, dans le Latin vulgaire, les voyelles longues se tranforment en voyelles fermées et les brèves en ouvertes. Voilà: ī=i ĭ, ē = e ĕ=ɛ ā, ă = a ŏ=ɔ ō, ŭ = o ū=u Exemples mīlle > mille, mil vĭridem > vert, verde fĕrrum = fer, ferro, hierro (en Espagnol diphtongaison de ĕ et ŏ en syllabe ouverte et fermée) partem = part, parte ŏs > ossum > os, osso, hueso cōrtem > cort, corte diŭrnum > jorn, giorno (mais diem > dia en Espagnol) nūllum > nül, nullo, nulo • • • • • Si la brève est en syllabe ouverte, elle peut engendrer une diphtongue: pĕdem > peedem > pied, piede, pie D’autres diphtongues se simplifient: cauda > coda (queue), cola, laudare > lodare (louer), loar On observe la syncope de la voyelle post-tonique: oculus > oclus calidus > caldus domina > domna Les voyelles entre deux syllabes toniques disparaissent aussi: bon(i)tatem > bontate, cer(e)bellum > cerbello l + yod (i + voyelle.) > gli (it.), ll (fr), χ (sp.) : mulierem > moglie, mujer; filia >figlia, fille 5 Consonnes: • Le h initial disparaît, mais laisse des traces dans l’ortographe (dues au rôle de l’école aussi): ha, homme • Le c et le g, qui en Latin classique étaient prononcés [k] et [g] même face aux voyelles e et i , se palatalisent: - en Italien elles seront prononcés respectivement [t∫] e [dz], en Français [s] e [z], en Espagnol [ϑ] - g intervocalique a tendance à disparaître: it.: ego > eo > io, esp.: yo, mais fr: je - palatalisation et assibilation di d , t + yod: nationem > nazione, nation, nación - ns > s : mensem > mese, mois, més - disparition de –m final (exceptés: rem > rien, quem > quen, meum > mon, cum > con) - -s final souvent se perd, mais il reste à l’accusatif pluriel comme marque du pluriel en Français et en Espagnol. - -t final tombe d’habitude (mais on le retrouve dans plusieurs verbes français: facit > fait, dicunt > disent) Morphologie: • le neutre disparaît et passe au masculin (il reste en Roumain et en Italien dans une série de subtantifs à deux genres (masculin au singulier et féminin au pluriel): l’uovo / le uova, il dito / le dita, il braccio / le braccia... • la cinquième déclinaison est absorbée par la première (diem > dia) et la quatrième par la seconde • les cas se simplifient et il ne reste peu à peu qu’une seule forme au singulier et une seule au pluriel • formation du pluriel: les langues française et espagnole ont gardé le –s de la forme de l’accusatif pluriel: muros > murs muros, rosas > roses, rosas; en Italien l’emporte le nominatif pluriel: rosae > rose, muri > muri • le comparatif en –ior se perd presque totalement et on a recours aux adverbes magis (sp. más) et plus (it. più, fr. plus) • ille, (lat. = quello, ce) est ò la base du fr. il , it. egli, esp. él • ille, illa, illi, illas, illos sont encore à la base des articles définis, qui n’existent pas en Latin • de ecce illum > quello, ce, ese, aquel; de ecce istum > questo, este Verbes: • la première et la quatrième conjugaison sont les mieux conservées; en Espagnol la troisième est assimilée par la seconde; les quatre conjugaisons du Latin restent seulement en Italien et Roumain • des verbes irréguliers se régularisent: posse, velle > pouvoir, vouloir (potere, poder; volere ) • les verbes déponents prennent forme active: mourir, morire, morir < mori • le futur simple est remplacé par une tournure périphrastique qui remplace la voix latine: cantabo > cantare + habeo > chanterai, canterò; on invente le conditionnel (qui en Latin coïncide avec l’imparfait du subjonctif), par les tournures: cantare + habebat > chanterait (fr) et cantare + hebuit > canterebbe (it) • un passé composé se développe à côté du parfait: habeo + cantatum c. ADSTRAT Les langues d’adstrat sont celles auxquelles le Latin ne put s’imposer à cause de leur supériorité culturelle: sur le Latin et par conséquent sur les langues romanes, c’est le Grec (langue indoeuropéenne attestée dès le XV siècle a.C.) qui exerce l’influence d’adstrat la plus importante. Dans 6 certaines régions de l’empire, le Latin et le Grec vivent donc l’un à côté de l’autre avec des emprunts réciproques. Le Latin assimile par exemple des termes scientifiques, philosophiques ou politiques (démocratie, aristocratie, oligarchie), des éléments tirés d’auteurs chrétiens, qui vont rester dans les langues néolatines. Après le Moyen Âge, l’influence du Grec renaît à travers la redécouverte des auteurs classiques par les Humanistes. De nouveaux mots s’imposent surtout dans les domaines de la médecine et de la botanique. La terminologie scientifique moderne continue d’exploiter la langue grecque qui enrichit nos langues de termes tels que ortopédie, paléontologie, biologie, glottologie; de mots en –phile (zoophile, anglophile, philanthrope...), en –ite (arthrite, néphrite, laryngite...). Sur pyrite on créera aussi anthracite, graphite, chlorite... ainsi que des termes hybrides formés d’un élément grec et d’un autre latin (automobile par exemple). d. SUPERSTRAT C’est l’influence exercée sur les langues romanes par les idiomes de souche indo-européenne des peuples germaniques qui ont envahi l’Europe lors de la chute de l’empire romain. On a des emprunts communs à toutes les langues néolatines: ce sont des termes qui ont pénétré dans le Latin vulgaire avant les invasions à cause des contacts entre les Latins et les peuples barbares situés aux frontères de l’empire; d’autres termes sont absorbés après les invasions et changent dans les différentes langues selon l’idiome du peuple envahisseur: Wisigoths et Vandales en Espagne, Goths et Lombards en Italie, Francs en France. Wisigoth et Vandale: peu de traces dans l’Espagnol qui reste la langue néolatine avec le moins de germanismes: *gansus > ganso (oison), *hagja (protecteur) > aya (bonne d’enfants) Andalusia < Vandalusia En Espagne on a plutôt l’influence arabe. Les Arabes pénètrent dans la péninsule ibérique en 711. Dans le sud leur domination dure jusqu’à la chute de Grenade en 1492. Pendant ces siècles, la majorité de la population romane assume des coutumes arabes tout en gardant la foi chrétienne. La plupart sont bilingues et continuent l’usage du Roman. Dès la moitié du IX siècle, le Castillan commence à pénétrer dans le sud: l’Arabe ne survit qu’à Malte. Arabe: langue de la souche sémite. En Espagnol on a des termes liés à la culture arabe qui sont partagés aussi par le Français et l’Italien comme algébre (réduction), chiffre, zéro, azimut, nadir, alchimie, alcool, échecs, amiral, arsenal, magasin; en toponymie on trouve Gibraltar > Gebel Tarik = mont de Tarik ( commandant arabe qui entreprend d’ici la conquête de l’Espagne), les noms des fleuves en guad < wād (fleuve, vallée), Guadalquivir < wādi al-Kabir (le grand fleuve) dans l’administration: alcalde < al-qādī (juge, maire) quelques noms de lieux d’origine latine restent par leur forme arabe: Caesaraugusta > Zaragoza D’autres fois le mot d’origine arabe est gardé avec son article: azucar (sucre), azafran (safran). En 493 Zénon, empereur de l’Empire d’Orient, envoie en Italie Théodoric, roi des Goths. De leur langue, le Gothique, on a des traces dans la toponymie: Goito, Rovigo < Hrotheigs 7 (glorieux) et dans un petit nombre de mots: briglia < brigdil, fiasco < *flaskô. Les patois gardent un nombre supérieur de termes gothiques. En 568 les Lombards (Longobardi en Italien) s’installent dans l’Italie du nord et du centre. Lombard (Longobardo): c’est une langue peu connue dont on garde quelques mots tirés de documents juridiques rédigés en Latin: Longobardia > Lombardia, fara (groupe de familles > Fara Novarese, Fara Vicentino, steinberga (maison en pierre) > stamberga, spëhon (observer avec attention) > spiare (guetter), balk, palk > balcone, palco (balcon, scènes d’un théâtre). D’autres termes se fixent en Italien par le Galloroman après la conquête de Charlemagne qui battit le dernier roi lombard Didier en 774. A la fin du V siècle les Francs occupent tout le territoire romain au nord de la Loire. Parmi les peuples germaniques, ils s’imposent comme les plus forts du point de vue militaire; par la conversion de leur roi Clovis au Catholicisme ils obtiennent l’appui de l’Eglise. En moins d’un demi-siècle leur domination s’étend sur d’autres régions, en faisant de la Gaule le plus solide des royaumes barbares occidentaux. Dans les régions du nord les conquérants francs atteignent une densité de 20% sur le total des habitants. Leur cohabitation avec la population galloromane fut pacifique. Le dernier texte parvenu en langue franque date du 881 et le premier souverain français qui ignore la langue germanique fut Ugues Capet. Vers l’an 1000 la disparition du Franc est complète: les Francs ont été absorbés par la romanitè, mais il continue d’être parlé à l’est du Rhin, où il donne lieu à plusieurs dialectes allemands. Du Franc dérivent les termes suivants: sapo (shampooing pour blondir) > savon blecier > blesser, gaaignier (mener paître le bétail) > gagner les couleurs blond, blanc (qui remplace albus), brun, fauve, gris, concernant les peaux des chevaux rauba > robe termes liés à la vie sociale et politique: baron, maréchal, fief, gage, guerre < werra (qui remplace bellum) termes de l’agriculture et de l’élevage: blé, haie, bois, jardin < jart < gard (enclos), troupeau certains prénoms: Charles, Louis, Robert, Raoul, Guillaume, Henri Dans la phonétique le Franc réintroduit le h aspiré: haut, Hollande, honte, hardi. e. ITALIEN Quand en 1861 l’Italie se constitua en nation unie, on eut le problème de choisir la langue nationale parmi les centaines de patois parlés dans la péninsule. Le choix tomba sur le Florentin pour des raisons littéraires: les trois grands écrivains du XIV siècle, Dante, Pétrarque et Boccace, en déterminèrent la priorité. Traits distinctifs du Florentin par rapport au Latin: • ŏ + consonne simple devient ō et peut engendrer une diphtongue: homo > uomo, sonum > suono, solum > suolo, rotam > ruota, tonat > tuona, focum > fuoco • - r + yod > yod: morio(r) > muoio (je meurs), paria > paia (paire) • manque (comme en Espagnol) de sons vocaliques troublés/perturbés [se dit de sons vocaliques qui présentent une combinaison de sons qui appartiennent à des voyelles diffèrentes: y (ü) e Ø (ö)] et de sons vocaliques peu perceptibles comme on en trouve dans certains patois du sud d’Italie] • conservation des voyelles finales, mais disparition de toutes les consonnes finales du Latin: 8 • • • • ainsi tous les termes italiens se terminent par une voyelle. présence des consonnes géminées: fato ≠ fatto, pala ≠ palla, rete ≠ rette, sete ≠ sette - iamo devient la seule terminaison dans toutes les conjugaisons (comme en fr. –ons); en esp. au contraire: amamos, tenemus, finimus variabilité de position de l’accent tonique: d’habitute on retrouve l’accent du Latin, ce qui est remarquable par rapport au français qui réduit considérablement les mots en faisant tomber presque tout ce qui suit l’accent tonique plus grande liberté dans la structure de la phrase affirmative, qui peut prévoir le sujet après le verbe: suona il telefono, rispondo io! f. FRANÇAIS La Gaule réunifiée par les Francs devient le plus solide des royaumes occidentaux. Même son nom est remplacé par “France”, la terre des Francs. Leur langue dure jusqu’au IX siècle. Pour Charlemagne le Latin des Gallo-romans est encore une langue étrangère. Le dernier texte franc qui nous est parvenu, date de 881 et Ugues Capet est le premier roi qui ignore le Franc. Le Français littéraire vient des dialectes de l’Île-de-France: c’est la Langue d’Oïl. Dès le XV siècle, l’influence de Paris modifie les dialectes autour de la capitale (en > ã, oi > wa): le Francien, base de la langue littéraire actuelle, commence à s’imposer. La Langue d’Oc reste plus proche du Latin vulgaire et l’influence germanique y est moins forte. Traits distinctifs principaux du Français: ŏ (syllabe ouverte) > Ø (eu, œu): focum > feu, paucum > pocu > peu a (syllabe ouverte) >e: mare >mer, matrem > mère (influence gauloise) ē e ō diphtonguent: ē > ei > oi: pilum > pelum > poil [wa]; ō > eu: hora > heure [œr] c + a (syllabe ouverte) > ch: caput > chef l + cons > u : alterum > autre, alba > aube dès le IX siècle toutes les voyelles fermées suivies par n ou m sont nasalisées les voyelles atones des syllabes finales tombent; le a final s’affaiblit et devient e (aujourd’hui muet): puisqu’on fait tomber tout ce qui suit l’accent tonique, on développe la tendance à l’accent sur la dernière syllabe • les voyelles qui précèdent la syllabe tonique tombent (liberare > livrer) et les voyelles post-toniques aussi (titulum > titre, asinu > asne, arborem > arbre) • s + consonne s’affaiblit et disparaît: testam > tête, asne > âne La graphie toutefois conserve les prononciations qui ont disparu. • • • • • • • g. ESPAGNOL L’ Espagnol, ou plus exactement le Castillan, se base sur la langue de Tolède, qui devint langue officielle du royaume de Castille et des royaumes annexés et qui s’étendra au sud à l’époque de la “Reconquista” des territoires dominés par les Arabes. Traits distinctifs de l’Espagnol: • diphtongaison de ĕ et ŏ en syllabe ouverte et fermée: tĕrra > tierra, bŏnum > bueno, pŏrta > puerta. A cause de l’influence de phonèmes adjacents, les diphtongues peuvent se réduire: ie > i, ue > e (ex.: castillo ou frente) • les voyelles finales sont bien conservées comme en Italien • les consonnes initiales sont gardées en général, mais f- devient h- muet (sauf que face au diphtongue ue: fuego): fabulare > hablar • consonne + l > ll: clamare > llamar, planum > llano 9 • • • • • • les consonnes sourdes intervocaliques deviennent sonores et, dans la prononciation, fricatives: focum > fuego, vita > vida, lupum > lobo les géminées ne deviennent pas sonores, mais se simplifient: bucca > boca ll et nn se palatalisent: annum > año, caballum > caballo [l’] ct > ch [t∫]: lacte > leche, octo > ocho l + yod > j qui en Espagnol moderne est une spirante vélaire [χ] : mulierem > mujer variabilité de position de l’accent tonique TABLEAUX COMPARATIFS PHONOLOGIQUES Latin: octo huit otto ocho • • • huit: ct > it : nocte > nuit, fructu > fruit, octo > huit ocho: > ch [t∫]: lacte > leche, octo > ocho otto: ct > tt : nocte > notte, fructu > frutto 10 Latin: focum feu fuoco fuego • • • Feu: ŏ (syllabe ouverte) > Ø (eu, œu): focum > feu, paucum > pocu > peu Fuego : diphtongaison de ĕ et ŏ en syllabe ouverte et fermée: tĕrra > tierra, bŏnum > bueno Fuoco: ŏ + consonne simple devient ō et peut engendrer une diphtongue: homo > uomo, sonum > suono 11 Latin: viridem vert verde verde Ces changements sont dèjà présents dans le Latin vulgaire: • Voyelles toniques: la quantité de la syllabe (c’est-à-dire sa durée) disparaît au profit de l’ouverture ou clôture de la voyelle: ainsi, dans le Latin vulgaire, les voyelles longues se tranforment en voyelles fermées et les brèves en ouvertes. Voilà: ī=i • ĭ, ē = e ĕ=ɛ ā, ă = a ŏ=ɔ On observe aussi la syncope de la voyelle post-tonique: viridem > vert, verde; oculus > oclus ... ō, ŭ = o ū=u 12 Variations phonologiques: Latin: ferrum fer ferro hierro • • • Fer: le français réduit les mots en faisant tomber presque tout ce qui suit l’accent tonique Hierro : f > h ( f n’existe pas dans le système phonologique du Basque) : ferrum > hierro, mais, devant ue: focum > fuego Ferro: conservation des voyelles finales, mais disparition de toutes les consonnes finales du Latin: ainsi tous les termes italiens se terminent par une voyelle 13 Variations phonologiques: Latin: bonitatem bonté (bontade) bontà bondad • • • • On observe la syncope de la voyelle placée entre deux accents: bon(i)tatem bonté: a tonique > e (influence gauloise) bontà: dans l’italien ancien: bontade bondad: une consonne sourde intervocalique devient sonore: t > d 14 Variations phonologiques Latin classique: caput, capitis Latin vulgaire: testa (pot en argile) chef tête capo testa cabeza Chef: c + a ouverte > ch. (caballum > cheval, carrum > char...) a tonique > e (influence gauloise) tête: s + consonne s’affaiblit et disparaît: testam > tête, asne > âne cabeza: une consonne sourde intervocalique devient sonore: p > b. On remarque aussi: t >[ϑ] 15 TABLEAUX COMPARATIFS LEXICAUX Italien: donna < dom(i)na < domina (dame, maîtresse de maison) Français: femme < fem(i)na < femina Espagnol: mujer < mulier Italien: uccidere < occidĕre Français: tuer < lat. vulgaire: tutare < tutari (protéger; dans le latin médiéval : éteindre) Espagnol: matar < mactare (sacrifier) Italien: fratello < fratellum (petit frère) Français: frère < fratrem Espagnol: hermano < germanum (de germen: qui a le même sang) Italien: zio < theîos (grec) Français: oncle < avunculum (oncle maternel) Espagnol: tío < theîos (grec) Italien: lavorare < laborare (peiner, avoir du mal) Français: travailler < lat. vulgaire: tripaliare (torturer avec le “tripalium) Espagnol: trabajar < lat. vulgaire: tripaliare (torturer avec le “tripalium) Italien: ferire < ferīre Français: blesser < franc: blecier Espagnol: herir < ferīre Italien: ferire < ferīre Français: blesser < franc: blecier 16 Espagnol: herir < ferīre Italien: casa < casa (maison de campagne) Français: maison < mansionem (là où on reste, on demeure: v. manēre) Espagnol: casa < casa COMPARAISON MORPHOLOGIQUE Formation du pluriel Italien: cassa, casse < capsa, capsæ Français: caisse, caisses < capsa, capsas Espagnol: caja, cajas < capsa, capsas Italien: amico, amici < amicum, amici Français: ami, amis < amicum, amicos Espagnol: amigo, amigos < amicum, amicos Le neutre disparaît, mais il en reste quelques traces en italien: Italien: labbro, labbra < labrum, labra Français: lèvre. lèvres < labrum, labra Espagnol: labio, labios < labrum, labra Italien: braccio, braccia < brachium, brachia Français: bras, bras < brachium, brachia Espagnol: brazo, brazos < brachium, brachia