parcours imposé

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parcours imposé
PARCOURS IMPOSÉ
Les candidat(e)s peuvent éventuellement se voir proposer par le jury un troisième parcours
dit « imposé ». La nature de cette épreuve est présentée aux candidat(e)s le jour de leur
convocation et se prépare dans la demi-journée de présence.
Quatre scènes vous sont proposées. Vous devez en choisir une et apprendre le rôle indiqué.
La double inconstance, Marivaux
Acte 1, scène 4
Le rôle à apprendre est celui d’Arlequin.
Trivelin - […] Vous souvenez-vous d’un certain cavalier qui a rendu cinq ou six visites à
Silvia, et que vous avez vu deux fois avec elle ?
Arlequin - Triste oui ; il avait la mine d’un hypocrite.
Trivelin - Cet homme-là a trouvé votre maîtresse fort aimable.
Arlequin - Pardi ! Il n’a rien trouvé de nouveau.
Trivelin - Il en a fait un récit au Prince qui l’a enchanté.
Arlequin - Le babillard !
Trivelin - Le Prince a voulu la voir, et a ordonné qu’on l’amenât ici.
Arlequin - Mais il me la rendra, comme cela est juste ?
Trivelin - Hum ! Il y a une petite difficulté ; il en est tombé amoureux et souhaiterait en être
aimé à son tour.
Arlequin - Son tour ne peut pas venir ; c’est moi qu’elle aime.
Trivelin - Écoutez jusqu’au bout.
Arlequin - Mais le voilà, le bout : est-ce que l’on veut me chicaner mon bon droit ?
Trivelin - Vous savez que le Prince doit se choisir une femme entre ses sujets ?
Arlequin - Je ne sais point cela ; cela m’est inutile.
Trivelin - Silvia plaît donc au Prince, et il aimerait lui plaire avant que de l’épouser. L’amour
qu’elle vous porte fait obstacle à celui qu’il tâche de lui donner.
Arlequin - Qu’il fasse donc l’amour ailleurs : car il n’aurait que la femme, moi j’aurais le
cœur ; il nous manquerait quelque chose à l’un et à l’autre, et nous serions tous trois mal à
notre aise.
Trivelin - Vous avez raison ; mais ne voyez-vous pas que, si vous épousiez Silvia, le
Prince resterait malheureux ?
Arlequin - À la vérité, il sera d’abord un peu triste ; mais il aura fait le devoir d’un brave
homme, et cela console. Au lieu que, s’il l’épouse, il fera pleurer ce pauvre enfant ; je
pleurerai aussi, moi ; et il n’y aura que lui qui rira, et il n’y a pas de plaisir à rire tout seul.
Trivelin - Seigneur Arlequin, croyez-moi, faites quelque chose pour votre maître ; il ne peut
se résoudre à quitter Silvia. Je vous dirai même qu’on lui a prédit l’aventure qui la lui fait
connaître, et qu’elle doit être sa femme ; il faut que cela arrive ; cela est écrit là-haut.
Arlequin - Là-haut on n’écrit pas de telles impertinences ; la preuve, si on avait prédit que
je dois vous assommer, vous tuer par derrière, trouveriez-vous bon que j’accomplisse la
prédiction ?
Trivelin - non, vraiment ! Il ne faut jamais faire de mal à personne.
Arlequin - Eh bien ! C’est ma mort qu’on a prédite.
Trivelin - Morbleu, Seigneur Arlequin, on ne prétend pas vous faire du mal ; nous avons ici
d’aimables filles ; épousez-en une, vous y trouverez votre avantage.
Arlequin - Ouiais ! Que je me marie à une autre, afin de mettre Silvia en colère et qu’elle
porte son amitié ailleurs ! Oh ! Mon mignon, combien vous a-t-on donné pour m’attraper?
Allez, mon fils, vous n’êtes qu’un butord ; gardez vos filles, nous ne nous accommoderons
pas ; vous êtes trop cher.
Trivelin - Savez-vous bien que le mariage que je vous propose vous promet l’amitié du
Prince ?
Trivelin - et les richesses que vous promet cette amitié…
Arlequin - On n’a que faire de toutes ces babioles-là, quand on se porte bien, qu’on a bon
appétit et de quoi vivre.
Trivelin - Vous ignorez le prix de ce que vous refusez.
Arlequin - C’est à cause de cela que je n’y perds rien.
Trivelin - Maison à la ville, maison à la campagne.
Arlequin - Ah ! Que cela est beau ! Il n’y a qu’une chose qui m’embarrasse ; qui est-ce qui
habitera ma maison de ville quand je serai à ma maison de campagne ?
Trivelin - Grand bleu, vos domestiques !
Arlequin - Mes domestiques ! Qu’ai-je le besoin de faire fortune pour ces canailles-là ? Je
ne pourrai donc pas les habiter toutes à la fois ?
Trivelin - Non vous ne pouvez pas être à deux endroits en même temps.
Arlequin - Eh bien si je n’ai pas ce pouvoir, il est inutile d’avoir deux maisons.
Trivelin - Mais quand il vous plaira, vous irez de l’une à l’autre.
Arlequin - À ce compte, je donnerai donc ma maîtresse pour avoir le plaisir de déménager
souvent ?
Trivelin - Mais vous êtes bien étrange. Rien ne vous touche! Cependant tout le monde est
charmé d’avoir de grands appartements, nombre de domestiques…
La double inconstance, Marivaux
Acte 2, Scène 12
Le rôle à apprendre est celui de Silvia
Silvia - Vous venez ; vous allez encore me dire que vous m'aimez, pour me mettre
davantage en peine.
Le Prince - Quand mon amour vous fatiguera, quand je vous déplairai moi-même, vous
n'avez qu'à m'ordonner de me taire et de me retirer ; j'irai où vous voudrez, je me tairai et je
souffrirai sans me plaindre, résolu de vous obéir en tout.
Silvia - Ne voilà-t-il pas ? Ne l'ai-je pas bien dit ? Comment voulez-vous que je vous
renvoie ? Vous vous tairez, s'il me plaît ; vous vous en irez, s'il me plaît. Comment voulezvous que je vous commande quelque chose !
Le Prince - Que voulez-vous donc que je devienne, belle Silvia ?
Silvia – Oh ! Ce que je veux ! J’attends qu'on me le dise ; j'en suis encore plus ignorante que
vous. Voilà Arlequin qui m'aime ; voilà le Prince qui demande mon cœur ; voilà vous qui
mériteriez de l'avoir ; voilà ces femmes qui m'injurient et que je voudrais punir ; voilà que
j'aurai un affront si je n'épouse pas le Prince ; Arlequin m'inquiète ; Vous ; Vous me donnez
du souci, vous m'aimez trop ; je voudrais ne vous avoir jamais connu, et je suis bien
malheureuse d'avoir tout ce tracas-là dans la tête.
Le Prince - Vous souffrez trop de ma douleur ; ma tendresse, toute grande qu'elle est, ne
vaut pas le chagrin que vous avez de ne pouvoir m'aimer.
Silvia – Oh je pourrais bien vous aimer; cela ne serait pas difficile, si je voulais.
Le Prince - Souffrez donc que je m'afflige en repos, et ne m'empêchez pas de vous regretter
toujours.
Silvia - Je vous en avertis, je ne saurais supporter de vous voir si tendre ; il semble que vous
le fassiez exprès. Pour moi, je laisserai tout là, voilà ce que vous gagnerez.
Le Prince - Je ne veux donc plus vous être à charge ; vous souhaitez que je vous quitte.
Adieu, Silvia.
Silvia - Adieu, Silvia ! Où allez-vous? Restez-là, c'est ma volonté; je la sais mieux que vous,
peut-être.
Le Prince - J'ai cru vous obliger.
Silvia - Qu’est-ce que cela veut dire ! Que faire d'Arlequin ? Encore si vous étiez Le Prince !
Le Prince - Et si je l’étais?
Silvia - Ah cela serait différent, je dirais à Arlequin que vous être le maître ; ce serait mon
excuse ; il ne saura pas que je vous prendrais par amour.
Silvia - Ah non, tenez, il vaut mieux que vous ne soyez pas Le Prince ; cela me tenterait
trop. Et pour moi je ne saurais me résoudre à être une infidèle ; voilà qui est fini.
Le Prince - Bientôt vous verrez le Prince, et je suis chargé de vous dire que vous serez libre
de vous retirer, si votre cœur ne vous dit rien pour lui.
Silvia – C’est tout comme si j'étais partie ; mais quand je serai chez nous, vous y viendrez ;
eh ! Que sait-on ce qui peut arriver ? Peut-être que vous m'aurez. J’y vais, de peur
qu’Arlequin ne vienne.
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Oncle Vania, Anton Tchekov – adaptation Éric Lacascade
Acte 3, scène 3
Le rôle à apprendre est celui de Sonia
Elena : Qu’est-ce qu’elle a ?
Sonia : Rien. Enfin oui, elle voudrait que… non rien.
Elena : Tu sais où est le docteur ?
Sonia : Quelque part. Il écrit. C’est bien que nous soyons un peu seules toutes les deux, j’ai
besoin de te parler.
Elena: De quoi?
Sonia : De quoi?
Elena : Ça va, ça va… ça va.
Sonia : Je ne suis pas belle.
Elena : De toutes les filles t’es la meilleure
Sonia : Non, on dit toujours ce genre de choses des filles qui ne sont pas belles. « Tu es la
meilleure, tu es bonne,». Non. Ça fait six ans que je l’aime. Je l’aime plus que je n’ai aimé
ma mère. J’entends sa voix, je sens sa main qui serre la mienne, j’ai toujours l’impression
qu’il va arriver, je l’attends. Maintenant il est ici tous les jours, mais il ne me voit pas, il ne me
regarde pas… C’est tellement dur ! Je n’ai aucun espoir, aucun, aucun ! Oh, donnez-moi la
force… souvent je le regarde dans les yeux… Presque je le provoque… Je perds toute fierté,
toute pudeur, je ne me maîtrise plus… Hier j’ai avoué à Vania que j’aimais… De toute façon
tout le monde le sait… Et moi j’ai envie de le crier.
Elena : Et lui?
Sonia : Non. Il ne fait pas attention à moi.
Elena : Il est étrange comme homme…
Sonia : Il est bizarre !
Elena : Tu sais quoi ? Laisse-moi lui parler… avec précaution, par allusions… Mais c’est
vrai, ça ne peut pas durer cette incertitude… Laisse-moi faire ! Parfait. Soit il aime, soit il
n’aime pas, ce n’est pas très difficile à savoir. Ne t’inquiète pas, je l’interrogerai discrètement,
il ne s’en apercevra même pas. Nous voulons juste savoir si c’est oui ou si c’est non. Si c’est
non, qu’il ne vienne plus. D’accord ? Ça sera moins pénible, si tu ne le vois plus. Et puis
c’est pas la peine d’attendre cent sept ans… il voulait me montrer je ne sais plus quels
plans… va lui dire que je veux le voir.
Sonia : Tu me diras la vérité ?
Elena: Oui, bien sûr. Il me semble que la vérité, quelle qu’elle soit, est tout de même moins
terrible que l’incertitude…
Sonia : D’accord, je vais lui dire.
Elena : Fais-moi confiance, ma douce.
Sonia : Je le préviens que tu veux voir ses plans… Non, l'incertitude, c'est mieux… il reste
quand même l'espoir...
Elena: Tu dis?
Sonia: Hein, non. Rien.
Oncle Vania, Anton Tchekov – adaptation Éric Lacascade
Acte 4, Scène 5
Le rôle à apprendre est celui d’Astrov
Elena : Tout à l’heure, vous m’aviez promis de partir d’ici.
Astrov : Je pars. Je n’ai pas oublié. Alors vous avez eu peur ? C’était donc si effrayant ?
Elena : Oui.
Astrov : Et si vous restiez quand même ? Hein ? Demain, au crépuscule… à la maison
forestière…
Elena : Non… C’est décidé… C’est pour cela que je vous regarde sans crainte, parce que le
départ est décidé… Je ne vous demande qu’une chose : essayez d’avoir une meilleure
image de moi. Je voudrais que vous m’estimiez.
Astrov : Allez rester, je vous le demande. Avouez-le, vous n’avez rien à faire dans ce
monde, vous n’avez aucun but dans la vie, rien qui retienne votre intérêt, et tôt ou tard,
l’amour vous rattrapera… C’est inévitable. Alors autant que ce ne soit pas à Kharkov, ou à
Koursk, mais ici, hein…ici la campagne est belle… C’est poétique… Nous avons la maison
forestière.
Elena : Ce que vous êtes drôle… Je vous en veux, mais quand même… je me souviendrai
de vous avec plaisir. Vous êtes un homme intéressant, original. Nous ne nous verrons
jamais plus alors autant vous le dire… j’ai même été un peu amoureuse de vous. Eh bien,
serrons-nous la main et quittons-nous bons amis. Ne gardez pas un trop mauvais souvenir
de moi.
Astrov : Ouiais, partez… Vous donnez l’impression d’être quelqu’un de bien, de sensible,
mais au fond, il y a quelque chose d’étrange en vous. Tenez, vous êtes arrivée, avec votre
mari, tous ceux qui travaillaient, qui s’activaient, qui cherchaient à créer, tous ceux-là ont dû
tout abandonner pour ne plus s’occuper que de vous, des rhumatismes de votre mari. Vous
nous avez tous contaminés avec votre oisiveté. Moi, vous m’avez séduit, j’ai passé un mois
à ne rien faire, pendant ce temps-là, des gens tombaient malades. Les paysans faisaient
paître leurs bêtes dans mes forêts, là où j’ai mes des plantations… Ainsi, où que vous alliez,
vous et votre mari, vous apportez la ruine… Je plaisante, mais quand même… C’est bizarre,
je suis certain que si vous étiez restée, les dégâts auraient été terribles. Moi, c’était ma
perte, mais pour vous aussi, ça aurait mal tourné. Allez partez. Finita la commedia!
Elena : Je vole ça, en souvenir.
Astrov : C’est étrange, hein… on se connaît et puis soudain sans savoir pourquoi... on ne se
verra plus. Ah c’est comme ça. Allez tant que nous sommes seuls, que Vania n’est pas
encore rentré, je peux… vous embrasser… En guise d’adieu…
Elena : Ah, tant qu’à faire, une seule fois dans la vie!