Allegro etude.film.romeo+juliette
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Allegro etude.film.romeo+juliette
L'histoire de Roméo et Juliette a été traitée et retraitée sous tous les angles possibles dans différents arts : - dans la danse : dans des ballets classiques - dans des comédies musicales - à l'opéra (Charles Gounod, par exemple) - au cinéma avec le film West Side Story ... 1961 En 1996, le réalisateur australien Baz Luhrmann a voulu montrer l'intemporalité de l'histoire écrite par Shakespeare à la fin du XVIe siècle ( 1589-1599) (autres œuvres de Shakespeare : La Mégère apprivoisée, Hamlet, Othello, Le roi Lear, Mac Beth…). Il s'agissait déjà pour Shakespeare de reprendre un myhe littéraire des amants maudits que l'on retrouve chez Ovide, dans Pyrame et Thisbé ou même dans le récit de Tristan et Iseut ... (mythe littéraire = réinvention, réécriture d'un même récit dans le but de donner de nouvelles dimensions qui le rapprochent du contexte de réception de l'œuvre littéraire) « Roméo + Juliette » est un film dont la force réside dans la conservation du texte d'origine, mais avec la recherche constante d'une extrême modernité par : - des plans, des cadrages, des montages presque comme des clips parfois - un rythme très dynamique - une BO pop - des décors et des costumes - des clins d'œil subtiles au théâtre Le prologue montre que la pièce si classique a bel et bien été transposée au cinéma ( flash télévisuel pour annoncer la mort des amants / redite du prologue dans un montage stroboscopique avec voix off, intertitres, rythme effréné, musique rock...) et crée un effet de modernité grâce à l’enchainement rapide des images donnant l’impression d’une bande annonce. L'acte I, scène 1 = la rixe entre 2 gangs urbains Les Capulet semblent ici supérieurs aux Montaigu, ceci pour forcer la scène comique et ridiculiser un gang : les Montaigu. De leur côté, les Capulet, et notamment Tybalt se trouve aussi ridiculisé par l'exagération de tous ses mouvements orchestrés comme dans un ballet. Cette scène est très parodique des comédies (jeu avec le comique de répétition), des faces grimaçantes mais aussi du western spaghetti (musique ample du genre Ennio Morricone / gros plans sur les regards dans les duels / gros plans sur les bottes métalliques / Jeux entre ralentis et accéléré...) Le feu final évoque l'embrasement de la haine entre les deux familles : on est dans l'exagération, dans le spectaculaire cf les films d'action (hélicoptère qui survole la ville) mais pour montrer l'importance des tensions qui se sont encore amplifiées ici. Le Prince, qui aurait été trop anachronique dans "Vérona Beach" est désormais représenté par le chef de la police, gérant ainsi les disputes entre les deux familles : Baz Luhrmann lui trouve une vraie raison d'être dans un monde moderne. Présentation des 2 amants : Chacun des deux personnages va être présenté au cours d’une scène à l’atmosphère reflétant parfaitement le personnage. Roméo est présenté par un gros plan, sur son visage : avec soleil naissant sur la plage, cheveux dans le vent, un ralenti, il paraît seul dans un paysage près du théâtre en ruines (mise en abyme : le théâtre dans le théâtre). Il ressemble à un poète romantique. C'est un penseur (il fume, il est en train d'écrire sur un cahier, voix off). Est-ce une représentation de Shakespeare, poète tourmenté avec un théâtre en ruines mais qui renaît avec ce soleil ? Juliette, elle, va apparaître dans un portrait en opposition totale à sa mère au cours d’une séquence pleine d’agitation rythmée par la 25e symphonie de Mozart, où les plans s’enchaînent à vitesse grand V, quand ils ne sont pas accélérés. L'hystérie s’arrête brusquement sur le visage apaisé d’un Juliette coupée de ce monde, la tête dans son bain. Cette présentation donne un côté très enfantin et enjoué du personnage. Acte I, scène 5 La scène de la rencontre entre Roméo et Juliette est sans doute la plus mémorable du film, par son romantisme exacerbé. Les amants se rencontrent toujours sous le symbole de l'eau : Roméo, à son tour, se passe la tête sous l'eau pour essayer de retrouver ses esprits après la drogue ingurgitée (analogie avec les plans pris pour présenter Juliette qui sort de son bain) / les amoureux se voient à travers un aquarium (+ scène du balcon dans la piscine). Ils étaient donc faits pour se rencontrer ! Un jeu de regards lent et romanesque se met en place : on pourra y voir une quasi superposition des visages des 2 amoureux. Aucune parole, seule la musique douce se fait entendre. Ils tombent amoureux, cela ne fait aucun doute : on est dans une scène de coup de foudre (réinventée, car dans le texte de Shakespeare, c'est Roméo qui tombe sous le charme de Juliette qui ne le verra que lorsqu'il lui aura pris la main) Roméo est en chevalier (en chevalier servant qui cherche sa princesse ?), elle en ange. Cela ne s'invente pas. Pâris est directement mis à l’écart, avec son costume d'astronaute ridicule et trop marqué dans le XXe siècle, et dont Juliette se moque. Mais tout le génie de Baz Luhrmann repose dans la scène du baiser : image connue dans l'affiche du film. Les deux amants s'embrassent langoureusement dans l'ascenseur, accablé d'une lumière fascinante, mais les lignes verticales trop abondantes annoncent un amour contrarié. De même que le magnifique aquarium formait déjà un mur entre eux ! La scène du balcon Baz Luhrmann arrive à la réinventer tout en conservant son côté théâtral d’origine. Déjà il annonce la séquence, en la débutant par un Roméo gravissant un muret. Ensuite, le décor des dessous de fenêtres de Juliette est très théâtral et plutôt contemporain de Shakespeare. La piscine annonce ainsi que c’est elle qui va apporter le renouveau à la scène. Pourtant, Luhrmann débute la séquence de la manière la plus classique en faisant monter Roméo au balcon. Mais, surprise, il fait apparaître Juliette, comme par magie, dans la cour, via un ascenseur caché. Il réinvente ainsi la scène, mais va aller encore plus loin en lui donnant un côté plus sensuel, lorsqu’il fait plonger ses deux héros dans la piscine. Le flottement des corps dans l’eau, la lumière particulière qu’elle renvoie, et son bruit confèrent un côté très doux à la séquence. Ainsi Luhrmann donne une véritable originalité à la scène plutôt que de simples champs/contre champs, qui n’auraient pas sublimé le texte comme c’est le cas avec sa mise en scène. Pour respecter la tradition de la scène, il l’achève cependant par la classique mise en scène du balcon. La mort des amants On sait que les dés sont jetés, et dès lors il n’y a plus qu’une chose qui compte : l’émotion. Le rythme est alors très posé, Roméo entame son chemin de croix à travers la nef de l’église pour rejoindre son lit de mort. Le décor parsemé de bougies donne à la scène un côté à la fois très tragique et très doux. La mise en scène se met ensuite en retrait derrière la force du drame. La séquence se termine par un magnifique travelling arrière vertical en plongée, qui semble faire flotter les deux amants au-dessus d’un tapis de bougies. Et au spectateur de verser sa petite larme…