STRATEGIE DES FIRMES ELEMENTS DE CORRECTION
Transcription
STRATEGIE DES FIRMES ELEMENTS DE CORRECTION
Université de RENNES I Année universitaire 2006-2007 FACULTE DES SCIENCES ECONOMIQUES LICENCE ECONOMIE-GESTION 2 et AES 2 Cours de : M. Thierry Pénard et Eric Darmon Durée : 2 heures Documents et calculatrice interdits ___________________________________________________________________________ STRATEGIE DES FIRMES ELEMENTS DE CORRECTION EXERCICE 1 : DOMINO’S PIZZA ET LE MARCHE DE LA LIVRAISON DE PIZZA A DOMICILE a) Après avoir rappelé ce qu’est un contrat de franchise, vous expliquerez les différents avantages théoriques pour une entreprise de recourir à la franchise. Voir cours sur McDonalds b) Pour quelles raisons les franchiseurs maintiennent-ils la plupart du temps de la mixité dans leurs réseaux ? Voir cours sur McDonalds c) Dans le cas de la chaîne Domino’s Pizza, en vous aidant des documents ci-dessous et de vos connaissances en stratégie des firmes, vous expliquerez l’intérêt pour cette enseigne de recourir à la franchise, mais aussi l’intérêt pour un candidat à la franchise d’intégrer la chaîne Domino’s Pizza. Intérêt pour Domino’s Pizza : Pour Domino’s pizza, l’intérêt est double : d’une part, le recours à des franchisés permet de desserrer la contrainte financière dans la mesure où la plus grande part des coûts d’installation sont à la charge du franchisé. Par ailleurs, Domino est une chaîne américaine dont le siège est éloigné de la France, d’où des problèmes de surveillance de ces points de vente en France (risque d’opportunisme) et des risques de mauvaise adaptation aux spécificités du marché français. Le recours à des franchisés français permet de pallier à ces difficultés (réduction des coûts d’agence et de maladaptation). Intérêt pour le franchisé : Domino’s Pizza est une marque reconnue disposant d’un savoir faire et fournissant une assistance continue. Ceci réduit le risque d’échec commercial pour le franchisé par rapport à l’ouverture d’une enseigne à son propre nom. De plus, Domino est une enseigne qui souhaite poursuivre son développement en France, ce qui va renforcer la visibilité de l’enseigne. De plus, le franchisé peut être rassuré sur le fait que Domino ne va pas délaisser son réseau en France et va même intensifier ses investissements en publicité et marketing pour accompagner l’ouverture de nouveaux points de vente. d) Pour quelles raisons économiques, Domino’s Pizza ne souhaite se développer que dans des villes de plus de 50 000 habitants ? L’activité de livraison de pizza est une activité présentant des économies d’échelle côté offre et des externalités de réseau côté demande. En effet, il faut un minimum de pizzas commandées chaque jour pour couvrir les coûts de fonctionnement (un pizzaiolo et quelques livreurs) dont une large partie sont des coûts fixes. La présence de coût fixe est à l’origine des économies d’échelle ou rendements croissants dont va bénéficier le point de vente Domino. Ainsi, plus il y aura de commandes et plus les coûts moyens de ce point de vente diminueront, ce qui améliorera la rentabilité de l’activité. Par ailleurs, plus il y a des clients qui commandent de pizzas auprès de Domino et plus Dominos va pouvoir embaucher de livreurs, ce qui permettra d’être encore plus rapide en matière de livraison, pour la plus grande satisfaction des clients. De ce point de vue, seules les villes de plus de 50 000 habitants (de taille importante) permettent d’espérer ces économies d’échelle et externalités de réseau. e) Supposons que Domino’s Pizza et Speed’Pizza souhaitent toutes les deux ouvrir un nouveau point de vente en Ile-et-Vilaine. Elles ont retenu comme implantation possible Redon ou Saint Malo. Chaque enseigne sait bien que la rentabilité de son nouveau point de vente dépendra non seulement de son choix d’implantation (Redon ou Saint Malo), mais aussi du choix du concurrent. Supposons que les profits associés à leurs choix de localisation soient donnés par le tableau suivant (le premier chiffre dans chaque case correspond au profit de Domino et le second chiffre au profit de Speed’Pizza). Choix de Domino’s Pizza Redon Saint Malo Choix de Speed’Pizza Redon Saint Malo (6,6) (10,12) (12,10) (5,5) Lecture du tableau : Par exemple, si Domino’s Pizza s’implante à Redon et Speed’Pizza à Saint Malo, alors le profit de Domino sera de 10 et celui de Saint Malo de 12. Selon vous, si les deux entreprises doivent choisir leur localisation en même temps, vont-elles se localiser dans la même ville ? Justifiez votre réponse à partir du tableau. Si les firmes choisissent simultanément leur localisation, elles ont intérêt à se localiser dans une ville différente. En effet, supposons que Domino choisisse de s’implanter à Redon, alors Speed Pizza obtiendra 6 en s’implantant aussi à Redon et 12 en s’implantant à Saint Malo. La meilleure stratégie de Speed Pizza est donc d’aller dans ce cas à Saint Malo. Il obtient un gain de 12 et Domino un gain de 10. De même, supposons que Domino choisisse de s’implanter à Saint Malo, alors Speed Pizza obtiendra 5 en s’implantant aussi à Saint Malo et 10 en s’implantant à Redon. La meilleure stratégie de Speed Pizza est donc d’aller dans ce cas à Redon. Nous avons donc deux équilibres possibles en termes de localisation (deux situations probables) : 1. Speed Pizza s’installe à Redon et Domino à Saint Malo 2. .Speed Pizza s’installe à Saint Malo et Domino à Saint Malo Notons toutefois que Domino préfère plutôt le premier équilibre, alors que Speed Pizza préfère plutôt le second. Un problème de coordination va donc apparaître. Qui va réussir à s’implanter à Saint Malo et qui va accepter d’aller à Redon ? Ce choix vat-il résulter d’une discussion ? Une solution pour l’une des firmes est d’avancer la date d’installation et d’ouvrir le plus vite possible à Saint Malo pour mettre l’autre devant le fait accompli et l’obliger à aller s’installer à Redon. La question suivante traite justement de cette situation. f) Si maintenant on suppose que Domino’s Pizza choisit en premier sa localisation, où a-t-il intérêt à se localiser et que fera ensuite Speed’Pizza ? Expliquez. Si Domino choisit sa localisation en premier, elle a intérêt à se localiser à Saint Malo. Car elle anticipe que dans ce cas, Speed Pizza s’implantera à Redon (c’est sa meilleure stratégie ou meilleure réponse). Domino obtiendra alors 12. Alors que si initialement elle s’implante à Redon, la réponse de Speed Pizza consistera à s’implanter à Saint Malo. Dans ce cas, Domino obtiendra un gain de 10. Donc comme 12 est supérieur à 10, Domino s’implantera à Saint Malo (et Speed à Redon). g) Plus généralement, quelles sont les stratégies offertes pour une entreprise qui souhaite se localiser ou s’implanter sur une ville où son concurrent est déjà installé ? Une entreprise dispose de deux stratégies possibles : - Une stratégie de différenciation consistant à se localiser le plus loin possible de son concurrent. Si par exemple, le concurrent est installé au nord de la ville, une stratégie de différenciation consiste à se localiser au Sud (exemple, Virgin et Fnac à Rennes qui ne sont pas localisés au même endroit). L’intérêt de cette stratégie est de relâcher la concurrence (d’éviter une concurrence frontale). - Une stratégie d’agglomération consistant à se localiser à proximité de la firme en place. Cette stratégie peut être guidée par plusieurs motifs. Tout d’abord, l’objectif peut être de réduire les coûts d’implantation, en venant parasiter la firme en place. Une localisation proche permet en effet de retirer des externalités positives d’agglomération (possibilité d’attirer plus facilement les clients de la firme en place grâce à la proximité, plus grande visibilité, réduction des dépenses de publicité pour se faire connaître) (exemple, la route du meuble à la Chapelle des Fougeretz). Un autre motif d’agglomération pour une firme puissante peut être d’éliminer la firme en place. La proximité permet à la firme en place de s’engager dans une concurrence agressive, dont le but est de faire sortir la firme en place (stratégie de prédation). Cette stratégie ne peut réussir que si la firme entrante dispose de ressources financières importantes (exemple, Mac Donalds). Exercice 2 : LA SOCIETE AQUAPROD a) Rappelez les principaux enseignements de la théorie des coûts de transaction en matière de choix entre faire et faire faire. Voir cours b) En vous appuyant sur cette théorie des coûts de transaction, expliquez pourquoi Aquaprod a dans un premier temps choisi d’externaliser sa production en Roumanie, avant de décider de la réintégrer dans son usine de Cheméré. Initialement, Aquaprod avait décidé d’externaliser pour des motifs de coût de production, la main d’œuvre en Roumanie étant moins chère qu’en France. Par ailleurs, elle avait estimé que les coûts de transaction liés à cette externalisation n’étaient pas très élevés. Mais elle s’est vite rendu compte que les coûts de transaction étaient plus élevés que prévu (problème de communication et de coordination), par ailleurs, les coûts de production ont aussi augmenté du fait de la hausse du prix du pétrole. Enfin, Aquaprod a décidé de repositionner son offre sur du haut de gamme, nécessitant une grande réactivité et un zéro défaut. Pour cela, elle a donc décidé d’investir dans des actifs spécifiques matériels pour faire du sur-mesure de qualité et des actifs spécifiques immatériels (marketing et communication sur une image de qualité, avec des cabines haut de gamme sur mesure). L’externalisation n’apparaissait alors plus la bonne solution pour organiser la production et elle a choisi de réintégrer sa production pour mieux protéger ses actifs spécifiques. La somme des coûts de production et de transaction associés à une intégration de la production était devenue plus faible que les coûts de production et de transaction associés à une externalisation en Roumanie. Le choix d’une localisation à proximité des clients en France est devenu un actif spécifique géographique (une production proche des clients permettant de répondre plus rapidement à leur demande), c) Comment qualifieriez-vous la machine conçue et fabriquée en Allemagne pour Aquaprod ? Justifiez. Cette machine est un actif spécifique matériel, peu redéployable dont la valeur d’usage est supérieure à la valeur de revente. En effet, elle a été conçue spécialement pour Aquaprod, en s’appuyant sur des technologies d’un autre secteur, le bois. Aquaprod a ensuite réorganisé toute sa production autour de cette machine qui constitue un actif stratégique. C’est pourquoi elle a réintégré la production dans son usine de Chéméré. EXERCICE 3 : AIR FRANCE ET ALITALIA a) Après avoir rappelé les caractéristiques du marché du transport aérien et la position actuellement occupée par Air France sur ce marché, vous discuterez de l’intérêt stratégique, mais aussi des risques stratégiques d’un rapprochement avec Alitalia. • Caractéristiques du marché du transport aérien et position d’Air-France sur ce marché Le marché aérien a fait l’objet d’une déréglementation dans les années 90 en deux temps (lignes internationales puis lignes intérieures). Cette déréglementation a poussé à l’entrée de nouveaux concurrents sur le marché (compagnies low costs) et a également contribué à une réorganisation du trafic sous la forme de « hubs & spokes » (au détriment des liaisons point-àpoint). Il s’agit également d’un marché très sensible aux chocs externes (cf. récemment, impact des attentats du 11 septembre, et augmentation du cout du kérosène). Plus spécifiquement, les caractéristiques de ce marché peuvent être analysées grâce à l’économie des réseaux. Ce marché peut en effet être qualifié d’industrie de réseau pour au moins deux types de raisons. D’une part, ce marché présente d’importantes économies d’échelle du côté de l’offre. La part des coûts fixes prédomine en effet dans le cout de production total (cout marginal d’un client supplémentaire inférieur au cout moyen des ‘autres’ passagers). Du côté de la demande, l’activité présente également des externalités de réseau. En effet, la présence d’un usager d’Air France ou de son réseau induit généralement des effets positifs sur l’utilité des autres passagers : des passagers plus nombreux permettent d’ouvrir de nouvelles lignes, d’accroître la fréquence des lignes existantes et/ou de multiplier les possibilités de correspondances, améliorant l’utilité globale qu’un utilisateur peut retirer du service. Pour ces deux raisons (rentabilisation des couts fixes et externalités positives du côté de la demande, les compagnies aériennes ont été largement incitées à se concentrer (cf. fusion entre Air France et KLM) et à former des alliances (cf. alliance SkyTeam à laquelle appartient le groupe Air-France KLM, OneWorld), renforçant les barrières à l’entrée sur ce marché. Sur ce marché, Air-France dispose d’une position de leader, que l’on mesure cette position en termes de chiffre d’affaires (2ème compagnie européenne) ou de nombre de passagers transportés (3ème compagnie mondiale). De plus, il convient de noter qu'AF-KLM est « l’une des compagnies les plus rentables du marché ». Plus précisément, la rentabilité d’Air France (en termes de résultat net), bien qu’en baisse depuis 2001, reste positive, à l’inverse de nombreuses autres compagnies en situation de faillite ou quasi-faillite (cf. Delta). Sur certaines lignes (marché intérieur français notamment), Air France dispose « de fait » d’une position de quasi-monopole. Cette position s’explique à la fois par des facteurs historiques (ancien opérateur historique) et économiques (stratégie de prédation sur certaines lignes pour éliminer des compagnies concurrentes). Il faut cependant noter que cette position de monopole se limite à quelques lignes aériennes intérieures, et que la concurrence reste néanmoins importante sur le marché dans sa globalité grâce à la présence de biens substituts proches (compagnies low costs telles Ryain Air ou EasyJet par exemple, TGV sur le marché intérieur français). • Intérêts et risques stratégiques liés au rapprochement avec Alitalia Les caractéristiques du marché aérien précédemment énoncées (externalités positives du côté de la demande et présence d’économies d’échelle du côté de l’offre) poussent vers une plus grande concentration du marché. Ces raisons peuvent expliquer le souhait d’Air France de mener à bien une alliance. Plus généralement, des perspectives d’effets de synergie motivent généralement ces alliances. Lors de l’alliance entre Air France et KLM, ces effets avaient été de deux ordres : synergies du côté des recettes (optimisation des réseaux, diminution des couts commerciaux, optimisation des politiques de prix notamment) et synergies du côté des couts (gestion commune des systèmes de réservation, regroupement des achats, maintenance, etc.). Des effets analogues seraient susceptibles de naître à l’issue du rapprochement entre AF et Alitalia. D’un point de vue stratégique, un tel projet pourrait favoriser l’émergence d’un troisième hub (Milan), complémentaire aux deux premiers hubs (Paris et Amsterdam) dont dispose déjà le groupe. Ainsi, en se rapprochant d’Alitalia, Air France pourrait ainsi obtenir une ressource rare (cf. stratégie de forclusion, théorie de l’organisation industrielle) et éviter qu’un de ses concurrents (British Airways ou Lufthansa par exemple) obtienne cette ressource. De cette dernière remarque, vient une première condition nécessaire à la réussite du rapprochement. Pour pouvoir exploiter au mieux les complémentarités entre les vols (possibilités de correspondance accrues), il apparaît nécessaire de réorganiser le trafic aérien d’Alitalia autour de Milan (capitale économique) au « détriment » de Rome (capitale politique), le maintien d’une stratégie de localisation mixte étant considéré par J.-C. Spinetta comme non recevable. De plus, une seconde clause concerne le maintien de l’emploi global au sein du groupe. La fusion pourrait donner lieu à la suppression de certaines lignes « en doublons », cette dernière permettant d’améliorer le taux de remplissage des avions et par conséquent de bénéficier d’économies d’échelle. Enfin, une troisième condition est d’ordre financier. Les difficultés financières actuelles de la compagnie Alitalia devant être résorbées avant de finaliser toute forme de rapprochement. b) En cas de fusion entre Air France-KLM et Alitalia, que devrait faire la Commission européenne, qui est en charge de la politique de la concurrence et donc du contrôle des concentrations au niveau européen ? Tout projet de fusion à l’échelle européenne doit être avant tout approuvé par les autorités de la concurrence. En effet, en venant réduire le nombre d’acteurs sur un marché, une fusion peut limiter la concurrence et créer ou renforcer des positions dominantes ou faciliter des formes d’ententes (sur les prix, sur la répartition géographique des destinations) nuisibles aux consommateurs dans leur ensemble. Au niveau européen, le Commission Européenne est en charge de ce contrôle. Pour examiner un projet de fusion, elle procède généralement en deux temps (bilan concurrentiel puis bilan économique). • Bilan concurrentiel Dans une première étape, elle dressera ainsi un bilan des effets potentiels de la fusion sur l’état de la concurrence sur le marché (effet en terme de concentration, de barrières à l'entrée, étude de la concurrence potentielle, puissance de la demande). Dans le cas du rapprochement entre AF et Alitalia, ce dernier peut avoir des effets néfastes en créant des situations de monopole sur certaines lignes sur lesquelles Air France, KLM et Alitalia étaient les seuls opérateurs. Il est également nécessaire d’étudier si du côté de la demande, il existe des moyens de transports substituts (train par exemple), permettant d’atténuer les effets de cette position de monopole et de limiter le pouvoir de marché de l’entreprise fusionnée. La fusion sera acceptée au terme de cette première étape si les effets néfastes sur la concurrence ne sont pas avérés. • Bilan économique Dans le cas contraire, la Commission Européenne dressera dans un second temps un bilan économique du projet de fusion et cherchera à évaluer le bénéfice de cette fusion à l’aide d’indicateurs plus larges : montant des synergies et des baisses de coûts envisagées, création de nouveaux services, capacité d’innovation, critères sociaux et politiques (défense de l'emploi). A cette étape, les entreprises Air France et Alitalia, pourraient faire valoir différents arguments : préservation de l’emploi au sein du groupe, création de nouvelles lignes et de nouvelles possibilités de correspondance pour l’usager, notamment. Au terme de cette seconde étape, la fusion pourra être rejetée ou acceptée sous certaines conditions (abandon de certaines lignes à la concurrence par exemple).