La montée du fascisme et de la Grande Dépression en Allemagne

Transcription

La montée du fascisme et de la Grande Dépression en Allemagne
La montée du fascisme et de la Grande Dépression
en Allemagne, vue par la presse de France, de
Grande-Bretagne et des États-Unis (1930-32)
Mémoire
Richard Boulé
Maîtrise en histoire
Maître ès arts (M.A.)
Québec, Canada
©Richard Boulé, 2016
La montée du fascisme et de la Grande Dépression en
Allemagne, vue par la presse de France, de Grande-Bretagne et
des États-Unis (1930-32)
Mémoire
Richard Boulé
Sous la direction de :
Talbot Imlay, directeur de recherche
Résumé :
Dans les années 1931-32, les disputes à propos du traité de Versailles accompagnent
la montée du fascisme et de la Grande Dépression en Allemagne. Les dirigeants anglosaxons ont justifié leur appui du Reich par leurs opinions publiques et des historiens ont
expliqué que ces dernières s’étaient bercées d’illusions sur les enjeux allemands. Mais
quelles étaient et d’où provenaient-elles ? Notre étude de quotidiens français, américains et
britanniques montre qu’elles n’étaient pas uniquement constituées d’erreurs d’appréciation
des réalités objectives, mais aussi de faits occultés, d’inventions, d’une guerre médiatique
justifiant les choix de certains dirigeants financiers et politiques anglo-saxons. La diffusion
rapide des mêmes inventions des deux côtés de l’Atlantique suggère l’existence de canaux
de « fabrique d’opinions » entre l’Allemagne, la Grande-Bretagne, et les États-Unis.
iii
Summary :
During the years 1931-32, international disputes about the Treaty of Versailles
accompanied the rise of fascism and Great Depression in Germany. Leaders of the AngloSaxon powers justified their support of the Reich by public opinions. Historians have said
that the latters were deluded about German issues, but what were those illusions and where
do they came from ? This comparison of British, American and French newspapers shows
that they were not only made from wrong assessments of objective realities, but also from
hidden facts or inventions, even a media war serving to justify some financial and political
choices. The fast dissemination of the same inventions on both sides of the Atlantic also
suggest the existence of priviledged channels of « opinion fabrics » from Germany, to and
between Britain and the United States.
iv
Table des matières
Résumé :...............................................................................................................................iii
Summary : ............................................................................................................................iv
Table des matières..................................................................................................................v
Introduction............................................................................................................................1
Chapitre I — Contextes sociopolitiques .............................................................................16
A) Les trois puissances occidentales et leur presse (1918-40).........................................16
1 — La France..............................................................................................................18
2 — La Grande-Bretagne.............................................................................................21
3 — Les États-Unis......................................................................................................24
B) Grande Dépression et crises politiques allemandes....................................................28
4 — La Grande Dépression .........................................................................................28
5 — La montée du fascisme dans la république de Weimar........................................30
6 — Réarmement clandestin et guerres diplomatiques 1919-33..................................33
C)
L’offensive diplomatique allemande 1929-33..........................................................34
7 — Les négociations financières internationales (1930-33)......................................35
8 — La conférence du « désarmement » à Genève.....................................................39
Chapitre II — Revue de presse, l’agitation allemande........................................................41
A) Percée électorale fasciste au Reichstag (1930-09-14)................................................41
B) Réunion de Chequers et Manifeste Brüning (1931-06-06).........................................51
C) Moratoire Hoover (1931-06-21) .................................................................................60
Chapitre III — Grande Dépression, triomphe fasciste ........................................................68
A) Crise bancaire allemande et réunion de Paris (1931-07-13) ......................................68
B) Conférence de Londres (1931-07-21 au 23)...............................................................78
C) Première victoire électorale nazie (1932-07-31).........................................................88
CONCLUSIONS..................................................................................................................96
Annexe 1 : Fiche d’analyse, essai initial ...........................................................................105
Annexe 2 : Citations supplémentaires ...............................................................................106
Bibliographie......................................................................................................................118
v
Introduction
En août 1929, la communauté internationale s’attendait à ce que les gains
importants du plan financier Young et du traité de La Haye
1
soient reçus avec joie en
Allemagne. Elle assiste plutôt à la progression rapide du fascisme au début de la Grande
Crise, progression favorisée par l’arrivée à majorité d’élèves endoctrinés et par les médias
très majoritairement d’extrême droite. La démocratie parlementaire est aussi attaquée par
les élites militaro-industrielles et le président Paul von Hindenburg. Dès janvier 1930, ce
dernier muselle le Reichstag avec l’appui du haut commandement, nommant un cabinet
ministériel qui ne s’appuie plus sur une majorité. Son chancelier Heinrich Brüning choisit
d’aggraver la crise économique et l’agitation nationaliste afin de faire chanter les créanciers
« anglo-saxons » 2 de l’Allemagne. Cette dernière obtient le gel de ses créances étrangères
(juillet 1931) et, en pratique, la fin de ses réparations de guerre (juin 1932) et du traité de
Versailles (déc. 1932). Tout cela s’acquiert au prix de la Grande Dépression et de la prise
de contrôle du pays par les nazis. Britanniques et Américains refusent toujours de s’engager
pour la sécurité européenne, les Français s’enferment derrière la ligne Maginot, tous
renoncent à la coercition pour protéger démocratie allemande ou traités européens. 3
Pour expliquer cette victoire du fascisme en Allemagne, les historiens ont souligné
les erreurs de ses partis de gauche, l’effet délétère de l’extrême droite dans les médias et les
institutions, mais aussi les erreurs diplomatiques françaises et anglo-saxonnes. 4 Au début,
la majorité des historiens occidentaux croyait que la victoire du fascisme était issue de la
Grande Crise; par la suite, ils ont plutôt admis l’interaction entre ces deux phénomènes,
1
Règlement financier sur les réparations de guerre allemandes et fin de l’occupation de la Rhénanie.
2
Le terme « anglo-saxon » ne sera pas pas utilisé ici dans son sens ethnique, mais comme abréviation, selon le contexte,
de citoyens ou de responsables officiels britanniques et américains »
3
William L. Patch, Heinrich Brüning and the Dissolution of the Weimar Republic, Cambridge UK, Cambridge University
Press, 1998. Edward W. Bennett, German Rearmament and the West, 1932-33, Princeton NJ, Princeton University Press,
1979. Barton Whaley, Covert German Rearmament, 1919-39; Deception and Misperception. Frederick MD., University
Publications of America inc, 1984. Edward W. Bennett, Germany and the Diplomacy of the Financial Crisis, 1931,
Cambridge Mass., Harvard University Press, 1962. W.R. Garside ed., Capitalism in Crisis; International Response to
Great Depression, New York, St. Martin’s Press, 1993. Gaines Post, The Civil-Military Fabric of Weimar Foreign Policy.
Princeton NJ, Princeton University Press, 1973.
4
Rita Thalman, La république de Weimar, Paris, Presses universitaires de France,1986. Alfred Wahl, Les forces
politiques en Allemagne : XIXe- XXe siècles, Paris, Armand Colin, 1999. Modris Ecksteins, The German Democratic
Press and the Collapse of Weimar Democracy, Oxford, Oxford University Press, 1975. Peter Gay, Le suicide d’une
république, Weimar 1918-33, Paris, Gallimard, 1993(68).
1
sans établir précisément la suite des causes aux effets à présent entremêlés dans des corpus
considérables.
5
Depuis, nous avons appris que des chefs politiques du Reich, avec les
castes militaro-industrielles, avaient provoqué l’hyperinflation des années 1920-23 afin
d’annuler la dette de guerre aux dépens des épargnants et d’échapper aux réparations de
guerre pour l’étranger. Fin 1929, ces mêmes élites s’attèlent au renversement de la
démocratie parlementaire et des traités européens. Les historiens de la politique
internationale, tels Zara S. Steiner, expliquent que c’est bien la diplomatie conflictuelle
entre les grandes puissances, durant les années charnières 1930-32, qui a fait basculer
l’Europe dans la course aux armements et le monde dans la Grande Dépression. 6
Problématique
Les documents consultés dans notre recherche montrent bien l’acuité de ces conflits
et que la mésentente entre Français et puissances anglo-saxonnes favorisa effectivement les
progrès du fascisme et de la Grande Dépression en Allemagne. À la suite des politiciens
cherchant à s’en excuser par l’opinion publique, les historiens occidentaux de l’aprèsguerre ont expliqué que cette opinion avait été victime « d’illusions » durant cette période. 7
Depuis les années 1960 cependant, sociologues, spécialistes des médias et historiens ont
constaté la manipulation de la presse par des groupes d’intérêts et l’ingérence au moins
ponctuelle des dirigeants nationaux.
8
Malgré tout, il est confirmé que les politiciens, au
moins dans les décennies 1900-1970, considéraient bien ces opinions de la presse comme
celles du public et que ce sont bien elles qui étaient liées aux décisions diplomatiques. 9 Il
5
Les histoires allemandes 1870-1939, économiques et diplomatiques de tous pays, etc.
6
L’historien de l'économie Harold James constate que les crises allemands sont déconnectées des cycles mondiaux et que
des facteurs non économiques avaient du jouer. The German Slump Politics and Economics 1924-36. Oxford, Clarendon
Press, 1986. Les historiens admettent depuis que la crise de la Ruhr et l’hyperinflation relevaient d’un choix politique. Ex.
Zara S. Steiner, The Lights that Failed. European International History 1919-1933, Oxford university press, 2005.
Richard Evans, The Coming of the IIIrd. Reich, New York, Penguin Books, 2003.Zarah S. Steiner, idem.
7
Comme si toutes les autres décennies n’en avaient pas leur lot…
8
Champagne, « Opinion publique », Encyclopedia Universalis et Faire l’opinion, le nouveau jeu politique, Paris, éditions
de Minuit, 1990. A. Sauvy, L’opinion publique. Paris, P.U.F., 1997 (56). M. Perrot, La monnaie et l’opinion publique en
France et en Angleterre de 1924 à 1936. Paris, Armand Colin, 1955, p15. Edward W. Bennet, German Rearmament and
the West, 1932-1933, Princeton NJ, Princeton University Press, 1979, p5. Pierre Guillen, « Opinion publique et politique
extérieure en France 1914-1940 », et Anthony P. Adamthwaite, « Democracies, Dictatorships and Public Opinion », École
française de Rome ed., Opinion publique et politique extérieure-II, 1915-1940, 1984.
9
Eber M. Carroll, French Public Opinion and Foreign affairs 1870-1914, New York, 1938. Bernard C. Cohen,
Relationship Between Public Opinion & Foreign Policy Makers et Alfred H. Kelly, Comment et Melvin Small, Public
2
reste donc pertinent de les comparer selon leur couleur idéologique ou partisane, leur pays
de diffusion, aussi de tenter d’identifier certains individus ou groupes dont elles sont issues,
tout ceci en reconnaissant que ces opinions de presse ne sont qu’un seul des facteurs
importants de la politique extérieure des états.
C’est ainsi qu’il s’est fait pour les décennies 1920-30, nombre d’études d’opinions
dans des publications aux tendances politiques diverses, sur de courts épisodes politiques
ou financiers.
10
D’autres études recherchaient les points de vue d’une ou de quelques
publications pour une suite plus longue de ces évènements.
11
Mais elles sont toujours en
nombre limité pour les « années diplomatiques charnières 1930-32 »,
12
ayant influé sur les
phénomènes concomitants de la montée du fascisme et de la Grande Dépression en
Allemagne. Aucune n’a fait de travail comparatif à ce sujet entre des publications des trois
autres puissances au cœur des disputes internationales qui les ont accompagnés. De plus,
même si les explications de la presse reflètent forcément en partie les positions officielles
nationales, nous croyons pertinent d’ajouter une étude plus exhaustive, en complément des
recherches effectuées principalement à partir de la documentation officielle. Notre intention
est de suivre la progression et d’identifier les illusions de la presse afin d’illustrer avec plus
de précision comment la presse anglo-saxonne, sans le savoir nécessairement, s’est trouvée
l’alliée du déclenchement de la Grande Dépression et de la montée du fascisme allemand.
Cette étude d’histoire politique se veut complémentaire à celles effectuées à partir des
archives diplomatiques et touche aussi à la sociologie des médias et des représentations
qu’ils contribuent à former.
Opinion and Historian dans Melvin Small ed., Public Opinion and Historians, Detroit, Wayne State University Press,
1970. Anthony P. Adamthwaite, Democracies, Dictatorships and Public Opinion et David N. Dilks, Public Opinion and
Foreign Policy in Great Britain et Pierre Guillen, Opinion publique et politique extérieure en France 1914-1940, dans
Opinion publique et politique extérieure-I, 1915-1940, École française de Rome, 1984.
10
Exemples; Pierre Miquel, La paix de Versailles et l’opinion publique française, Paris, Flammarion, 1972. Hans
Hörling, « L’opinion française face à l’avènement d’Hitler au pouvoir », Francia, vol. 3 (sept. 1975). Ralph Schorr, « Les
États-Unis vus de la droite : La crise américaine de 1929 à travers la presse française de droite », Revue d’Histoire
Moderne et Contemporaine, (oct. 1995), p568-576.
11
Exemples; Christine Fillion, L’Image de l’Allemagne dans la presse française (1933-38) : le cas de l’Oeuvre et du
Figaro, M.A., Montréal, UQAM, 2004. Ralph Schorr,« Xénophobie et extrême droite : l’exemple de l’Ami du peuple
(1928-37) », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 23 no. 1 (1976). J. Christopher-Chartier, La politique
allemande de la France telle que perçue par la presse française (1919- 26), M.A., Université de Montréal, 2010.
12
Voir Zarah S. Steiner par exemple sur cette qualification d’ « années charnières », op. cit.
3
Historiographies
Le premier champ de recherche que nous avons exploré, la presse occidentale
(1900-1940) et l’historien en politique internationale nous a permis de faire le point sur les
quotidiens pouvant être utilisés et sur la méthodologie. Le second champ est celui de La
Grande Crise de 1929 et de ses incidences en Allemagne. Ils sont suivis par La montée du
fascisme dans la république de Weimar (1918-33) et par La politique internationale
européenne (1918-45), couvrant celle de l’Allemagne et des trois grandes puissances
occidentales. C’est à partir de ces trois derniers champs que six évènements-clés des
politiques internes et externes allemandes ont été sélectionnés aux fins d’analyse dans les
quotidiens des trois puissances occidentales.
Champ 1— La presse, l’opinion publique et l’historien en politique internationale
Les travaux sur l’histoire de la presse ont débuté à la fin du 19e siècle et montraient
surtout les aspects logistiques et parfois la vie sociale des propriétaires. Après les années
1920, certains historiens 13 ajoutent quelques informations sur leurs tendances idéologiques
(Britanniques et Français de façon morcelée,
14
les Américains rarement 15). Cet aspect s’est
étoffé après les années 1940, 16 grâce aux méthodes d’analyse de contenu systématisées par
les Américains et aux méthodes historiennes incorporant tant les aspects logistiques que
sociopolitiques de sa production.
17
L’étude de l’histoire immédiate reprend aussi de la
vigueur, après un quasi-monopole de la critique des sources anciennes en Europe (18501990. 18 C’est aussi aux États-Unis que l’histoire récente reprend son essor, au point de voir
les historiens américains devenir précurseurs de l’histoire européenne (avec des sociologues
13
Paul Sury d’Aspremont, La presse à travers les âges, Paris, 1929.
14
Exemples; Mick Temple, The British Press. Maidenhead UK, 2008/96. Claude Bellanger, Histoire générale de la
presse française. Tome 3(1871-1940). Paris, 1972. Gilles Feyel, La presse en France, des origines à 1944, Paris, 1999.
15
Exemple; M. A. Blanchard ed., History of the Mass Media in United States, an Encyclopedia. Chicago, 1998.
16
Ainsi, les H. Lassell, N. Laites, A. Kaplan, P. Berelson.Voir à ce sujet Laurence Bardin, L’analyse de contenu, Paris,
PUF, 1989 (77), 298p.
17
À ce sujet Jacques Kayser, Le quotidien français, Paris, Armand Colin, Paris, 175p.
18
Amplifiée après 1945 par suite des excès nationalistes. École de Chartres à Paris en 1821, l’Allemand Léopold Ranke
en 1824, méthode positiviste de V. Langlois et C. Seignobos vers 1890, école publique de la IIIe république et régimes
totalitaires 1919-45.
4
et des journalistes)... Ses méthodes se sont affinées en s’inspirant de celles des autres
sciences humaines et se prêtent particulièrement aux domaines des représentations et des
relations internationales, à travers les médias. 19
Des sociologues tels Alfred Sauvy et Patrick Champagne
20
ont étudié le concept
d’opinion publique après la Seconde Guerre. Ils en concluent qu’elle est tributaire de
préjugés et de sentiments plutôt que des faits, laissés aux historiens, mais que même ces
derniers sont loin d’être à l’abri de la subjectivité. Ils concluent que la démocratie exige une
bonne information du public, mais que ses coûts favorisent les détenteurs du capital qui
souhaitent plutôt orienter son opinion. Il s’est ainsi développé un débat sur la liberté de
presse et la concentration des médias dans les pays dits démocratiques.
21
L’influence de
l’opinion publique en politique extérieure est aussi débattue depuis la Seconde Guerre (avec
l’éclosion des sondages). Cette question s’insère en Occident dans les deux schèmes
principaux d’analyses en relations internationales (réaliste et libéral, qui s’inspirent euxmêmes de la philosophie politique). Les « réalistes » prédominent dès le départ avec le
« consensus Almond-Lippmann ». Pour eux, l’opinion publique est inepte en politique
extérieure, puisqu’ignorante, inattentive, influençable à volonté et qu’elle ne serait en aucun
cas prise au sérieux par les dirigeants nationaux (Almond 1950, Lippman 1955, Cohen et
Morgenthau 1973). 22
Dans les milieux « libéraux », on remet en cause ce postulat après la guerre du
Vietnam (Monroe 1979, Page et Shapiro 1984, Graham 1986). Des études quantitatives sur
les sondages montrent des corrélations importantes entre opinion publique et décisions,
mais aussi qu’un système de croyance nationale stable n’est pas si aisément manipulable
(Hartley et Russett 1992, Page et Shapiro 1992, Bartels 1991, Jentleson 1992). Graham
explique la fonction de l’opinion comme étant celle d’un frein (inertie) et défini les facteurs
19
Jean-François Soulet, L’histoire immédiate; historiographie, sources et méthodes, Paris, Armand Colin, 2009, p933,51-60.
20
P. Champagne, « Opinion publique », Encyclopedia Universalis et Faire l’opinion, le nouveau jeu politique, Paris,
éditions de Minuit, 90. A. Sauvy, L’opinion publique. Paris, P.U.F., 1997 (56).
21
Judith Lazare, L’opinion publique, Paris, 1995. Noam Chomsky et Edward S. Herman, La fabrique de l’opinion
publique, Paris, 2003 (1988).
22
Ole R. Holsti, Public Opinion and American Foreign Policy, 2004 (1996), University of Michigan Press, introduction.
5
qui l’inhibent : la force du support public apparent, l’efficacité de la communication des
élites. Pour Jentleson, la morale publique accepte la guerre contre un état agresseur et s’y
oppose pour l’imposition d’un régime à un autre pays, mais il ajoute que cette opposition
peut être inhibée par l’utilisation rapide et victorieuse de la force. Page et Shapiro trouvent
aussi que l’opinion publique est plutôt stable, raisonnable et sensible, mais qu’elle répond
largement à l’influence d’« experts » et de commentateurs médiatiques. Il faut ici nous
demander si toutes ces recherches, démontrant les nombreux moyens de manipuler
l’opinion, n’entérinent pas de fait le consensus « réaliste » Almond-Lippman. Pour des
politologues comme Ole R. Holsti et Richard Sobel, la question de l’influence de l’opinion
publique en affaires internationales est ravivée par la mondialisation de nombreux enjeux.
Depuis l’attentat de septembre 2001, elle le serait aussi par l’augmentation des actions
secrètes étatiques et la guerre dite antiterroriste, par leurs effets sur les vies domestiques
nationales, les libertés civiles et la vie privée. 23
Pour ce qui en est de l’étude de presse en politique internationale, Eber M. Carroll
démontrait dès 1931 que les hommes d’État français recherchaient bien le pouls de
l’opinion publique dans la presse et le politologue Bernard C. Cohen le confirme pour les
dirigeants américains durant les décennies 1950-60. Il ajoute qu’une élite chargée des
affaires extérieures modèle la presse selon ses intérêts et fustige le « mythe » historien
d’une influence de l’opinion publique comme une incapacité d’aller au-delà des
explications officielles. En 1970, l’historien Melvin Small constate que des chercheurs
persistent à confondre les opinions publiques et de la presse. L’historien Athan Theoharis
conclu qu’on doit simplement questionner dans quelle mesure l’« image publique » d’un
pays tiers contribue à former la politique des dirigeants, mais aussi comment la rhétorique
de ces derniers influence cette image. Cette approche est confirmée par les travaux des
politologues mentionnés ci-devant. 24 En conclusion, au moins pour les années précédant la
23
Erin Carrière et Marc O’Reilly, « Public Opinin and Foreign Policy : Theoretical Perspectives » dans Richard Sobel ed.,
International Public Opinion and the Bosnia Crisis, 2003, Lanham Maryland, p2-5. Richard Sobel et E. Shiraev ed.,
International Public Opinion and the Bosnia Crisis, via https://books.google.ca, le 2015-07-05. « Richard Sobel » dans
https// cyber.law.harvard.edu/mode/90974, en ligne le 2015-07-05.
24
E. M. Carroll, « French Public Opinion and Foreign affairs 1870-1914 », New York, 1938. B. C. Cohen, « Relationship
Between Public Opinion & Foreign Policy Makers » et Athan Theoharis, « Comment », dans Melvin Small ed., Public
Opinion and Historians, Detroit 1970.Melvin Small, ed., Public Opinion and Historians, Detroit, 1970H. R. Isaacs,
« Sources of Images of Foreign Countries » et A. Theoharis, « Comment », dans Melvin Small ed., Public Opinion and
Historians, Detroit 1970.
6
décennie 1980, les dirigeants nationaux persistaient à croire ou à prétendre croire que
l’opinion de presse représentait celle du public. Nous devons bien lui accorder un impact
important sur la politique internationale, quoique parmi d’autres facteurs principaux et c’est
en cela qu’est justifié son analyse en complément de celle des archives officielles, à fortiori
lorsque ces dernières ne sont pas disponibles pour les temps plus récents.
Champ 2— La Grande Crise de 1929
Les crises économiques de l’entre-deux-guerres sont étudiées dès les années 1930,
avec leurs effets sur les revenus nationaux et des entreprises, avec plus de difficulté sur
l’emploi. Des économistes expliquent ensuite la Grande Dépression par une récession
structurelle, aggravée d’erreurs monétaristes et de mutations sociales. Ainsi en 1946, les
Américains Milton Friedman et Anna Schwarz constatent que le « Federal Reserve
System » (FED) n’avait pas secouru les banques après ses restrictions au crédit. Pour W.R.
Garside, la récession s’est propagée plus rapidement à cause du système monétaire « Gold
Standard », ayant induit ces restrictions et parce que les gains de productivité de l’entredeux-guerre n’avaient pas échu aux masses (faiblesse des marchés). P. Fearon mentionne
qu’après 1929, la purge du marché financier a été retardée par des interventions erratiques,
en particulier celles du président Hoover (1930-32). W.R. Garside ajoute finalement que
malgré la coopération requise, « il semble qu’une folie nationaliste ait alors prévalu » dans
les rapports internationaux. 25
Plus récemment, l’historien Bernard Gazier fournit un autre exemple des
explications purement économiques de la Grande Dépression. Elle avait été perçue comme
un « fléau aveugle, issu du krach new-yorkais et d’où se multipliaient les banqueroutes en
monstrueux gâchis matériel et humain ». Cependant, il ajoute les nombreuses conditions
défavorables qui ont prévalu sur les marchés dans les années 1918-1929 (ressources
naturelles en excès, politiques douanières). Marguerite Perrot fait aussi état, pour la France,
d’une pénurie artificielle de numéraires induite par la crainte des attaques monétaires des
années précédentes et de l’hyperinflation expérimentée en Allemagne. 26
25
Bernard Gazier, La crise de 1929, Paris, 1983, p.95,105-114. W.R. Garside « Introduction » et P. Fearon, « Hoover,
Roosevelt and American Economic Policy During the 1930’s » dans Capitalism in Crisis; International Responses to the
Great Depression. New York, 1993, p.1-5, 114-125.
7
Il faut attendre les années 1980-90, pour que le rapport entre les domaines financier
et politique soit mieux éclairé. Ainsi, pour Patricia Clavin; « les causes de la Grande
Dépression sont économiques, mais aussi politiques, car ce sont les nationalismes qui l’ont
rendue si dévastatrice ». Les historiens de Weimar confirment aussi que les élites militaroindustrielles ont bien choisi de provoquer l’hyperinflation, avec les chanceliers Joseph
Wirth et Wilhelm Cuno (1920-23), ceci afin d’effacer les dettes de guerre aux dépens des
épargnants allemands et que leurs discours accusant les réparations de guerre étaient faux.
Cet acte de guerre économique a nui à toute la reprise européenne. L’hyperinflation génère
aussi une terreur qui aura des effets graves sur le crédit intérieur allemand et les décisions
monétaires européennes entre 1929 et 1936.
27
Cette étude sur la Grande Dépression nous a
permis de nous familiariser avec les soubresauts financiers cristallisés dans quatre de nos
six évènements-clés étudiés via la presse.
Champ 3 — La progression fasciste dans l’Allemagne de Weimar (1918-33)
Dès après la Seconde Guerre, les historiens tentent d’expliquer l’avènement du
pouvoir hitlérien à partir de questions formulées par Friedrich Meinecke;
28
comment cette
nation allemande « si cultivée » a-t-elle sombré dans la barbarie nazie ? Comment tant
d’Allemands n’ont-ils pas perçu sa nature ou lui ont-ils si peu résisté ? Certains l’expliquent
par les faiblesses démocratiques de Weimar. Erice Kollman (1947) et A. Rosenberg (1955)
croient en un rejet atavique de la démocratie, Peter Gay propose une sorte de
« démoralisation » des démocrates après leur abandon de l’administration aux mains des
anciens fonctionnaires impériaux en 1919. Depuis, les recherches ont montré les activités
politiques et même terroristes de l’extrême droite, soutenues par les officines mêmes de la
République. 29 En 1975, de nombreux documents classés « secrets » sont rendus publics et
26
Gazier, idem., p.5-6. M. Perrot, La monnaie et l’opinion publique en France et en Angleterre de 1924 à 1936 . Paris,
Armand Colin, 1955.
27
Patricia Clavin, The Great Depression in Europe 1929-39, London, 2000, p.1,4,7,27,28,89, 31-35. Gazier, op. cit.,
p.27-34.
28
Friedrich Meinecke, The German Catastrophe; Reflections and Recollections, Harvard University Press, 1950 (46).
29
Principalement chancellerie et ministères de la justice, de la défense et des affaires extérieures. Peter Gay, Le suicide
d’une république, Weimar 1918-33. Paris, Gallimard, 1993 (68). Rita Thalman, La république de Weimar. Paris, 1986.
Alfred Wahl, L’Allemagne de 1918 à 45. Paris, 1993.
8
permettent une révision sur la société dans le Troisième Reich et Detlev Peukert peut ainsi
en conclure qu’elle n’était pas très différente de celle des deux Reichs précédents. 30
La plupart des historiens avaient pensé que les excès de crises économiques,
induites par le traité de Versailles, avaient amené la prise de pouvoir hitlérienne. Ce mythe
de l’effet du traité a été lentement invalidé (chez les historiens spécialisés depuis 25 années,
pas dans les médias). Les recherches montrent que c’est l’activisme des élites au pouvoir
qui a aggravé les crises au pays, comme dans le reste de l’Europe et que ces élites ont
exagéré l’aspect négatif de Versailles à des fins stratégiques.
31
En 2003, Richard Evans en
conclut que la victoire du fascisme repose, avant tout, sur l’action de quatre groupes
réactionnaires concurrents, seulement ensuite sur les facteurs conjoncturels de la Grande
Crise et de l’intelligence tactique d’Hitler. Konrad Jarausch en déduit plus généralement, et
avec raison, que les dérives fascistes proviennent surtout des ruptures sociales et culturelles
des migrations européennes du 19e siècle et de la Grande Guerre et qu’en somme, elles
témoignent de la fragilité de toutes sociétés modernes.
32
Nous pouvons nous demander à
quoi mèneront les migrations encore plus massives de ce nouveau siècle.
C’est donc l’agitation des nationalistes conservateurs, militaires et nazis qui mine la
République dès ses débuts et c’est l’intensification de leurs efforts qui aggrave la situation
économique du pays après 1928, annihile la démocratie, organise le totalitarisme militaroindustriel dès avant la prise de pouvoir hitlérienne. C’est ce dernier champ de recherche qui
nous a fait choisir la « période diplomatique charnière » de 1930-32 et les deux événements
électoraux qui en sont les points d’initialisation et de conclusion. 33
Champ 4 — La politique internationale européenne (1918-45)
30
Hans Mommsen, « National Socialism, Continuity and Change ». Laqueur ed. Fascism, Berkeley,1978. Detlev Peukert,
Views Inside Nazi Germany; Conformity, Opposition and Racism in Everyday Life, Yale University Press, 1987.
31
Zara S. Steiner, The Lights that Failed. European International History 1919-33, Oxford University Press, 2005.
Richard Evans, The Coming of the IIIrd. Reich, New York, Penguin Books, 2003.Patricia Clavin, The Great Depression
in Europe, 1929-39, London, Macmillan Press, 2000. W.R. Garside ed. , Capitalism in Crisis; International Responses to
the Great Depression, New York, St. Martin’s Press, 1993.
32
Rita Thalman, La république de Weimar. Paris, Presses universitaires de France,1986. Richard Evans, idem. Konrad H.
Jarausch, Shattered Past; Reconstructing German Histories, Princeton NJ, Princeton University Press, 2003.
33
L’économie du pays est déja relancée. Il ne reste qu’à introniser le leader charismatique le plus populaire.
9
L’histoire de cette politique est vaste et le rôle de l'Allemagne y est central. En
1953, Edmond Vermeil pensait déjà que les deux Grandes Guerres résultaient de ses luttes
hégémoniques, mais ce n’est qu’en 1961 que ce sujet est rediscuté, quand AJP. Taylor
soutient que le nazisme est bien le produit de l’évolution de la société allemande et que
Fritz Fischer admet que son pays était bien responsable de ces deux guerres. La politique
internationale hitlérienne est aussi rapidement étudiée. Les historiens Bracher, Broszat et
Mommsen préfèrent croire qu'elle ne suit pas de plan et répond aux tensions internes du
régime nazi. Dès 1953 cependant, le biographe Hugh Trevor-Roper souligne que la
conquête de l’U.R.S.S était déjà dans le Mein Kampf (1923) et en 1964, Allan Bullock
argue d’un plan impérialiste préexistant. 34
Ce dernier point fait à présent consensus avec les Weinberg, Hillgruber, Hildebrand,
Kaiser
35
et la question importante pour cette étude porte sur les « continuités » de la
politique allemande (1870-1945). D’après les procès de Nuremberg, plusieurs historiens
concluaient un peu rapidement que la responsabilité de la Seconde Guerre revenait
seulement à Hitler et à quelques acolytes. Friedrich Meinecke et Gerhard Ritter refusent d’y
voir une résultante de l’histoire nationale, Ralf Dahrendorff prétend qu’Hitler avait fait une
« révolution bourgeoise contre les valeurs aristocratiques ». 36 Mais en 1961, le Britannique
AJP. Taylor soutient qu’Hitler était bien un politicien normal, au surcroit d’habiletés et de
ruses, mais poursuivant les objectifs impériaux de ceux qui l’avaient précédé au pouvoir.
Depuis 1985, une majorité d’historiens conclut, comme Fritz Fischer et Lewis
Namier, que la recherche de puissance des élites militaro-industrielles avait bien changé de
34
Edmond Vermeil, L’Allemagne contemporaine 1890-1950, Paris, Aubier, 1953. Ludwig Delhio, Germany and World
Politics in the 20th Century, New York, 1959. AJP. Taylor, Origins of the Second World War, London, 1961. Fritz
Fischer, Germany’s Aims in the First World War. London, Chatto & Windus, 1967 (61). K. D. Bracher, The German
Dictatorship, London, 1977. M. Broszat, The Nazi State, Londres, 1981. H. Mommsen, « National Socialism, Continuity
and Change » dans Laqueur ed. Fascism, 1979. H.Trevor-Roper, The Mind of Adolph Hitler, London, 1953. A. Bullock,
Hitler, A Study in Tyranny, Londres, 1964.
35
A. Hillgruber, Germany and the Two World Wars, Harvard University Press, 1981. K. Hildebrand, The Foreign Policy
of the Third Reich. Berkeley, 1973. G. Weinberg, The Foreign Policy of Hitler’s Germany; Diplomatic Revolution in
Europe, London 1970. D. Kaiser, Modern Germany Reconsidered, London, 1992. I. Kershaw, The Nazi
Dictatorship;Problems and Perspectives of Interpretation, London,1985.
36
E. Wiskeman, The Rome-Berlin Axis, London,1949. H.Trevor-Roper, The Last Days of Hitler, London, 1947. A.
Bullock, Hitler; A study in Tyranny, London, 1952.F. Meinecke, The German Catastrophe; Reflections and Recollections,
Boston 1950/46. G. Ritter dans RJB. Bosworth ed., Explaining Auschwitz and Hiroshima; History Writing and Second
World War, London, 1953. R. Dahrendorff, Society and Democracy in Germany, London, 1966. AJP. Taylor, Origins of
the Second World War, London, 1961.
10
forme, mais pas d’objectifs principaux de 1917 à 1945. Certains historiens essaient
néanmoins de trouver des différences dans la politique hitlérienne, Geoffrey Eley parle
d’un « surcroit d’extrémisme », à cause de l’extermination antisémite, Weinberg trouve les
objectifs territoriaux d’Hitler plus importants que ceux perdus en 1919 et que son racisme
lui ferait préférer la guerre et les cessez-le-feu temporaires, contre la paix. Lee et Michalska
concluent que les diplomates de Weimar avaient « une pensée différente et un racisme anti
slave moins accentué que ceux d’Hitler ». 37 Le lien entre toutes ces « formes de pensée » et
quelqu’action de la politique extérieure n’a pas été démontré, contrairement aux continuités
constatées entre les préparatifs de ceux qui avaient précédé Hitler et les politiques de ce
dernier. Ce sont bien les élites militaires et industrielles qui ont contrôlé la politique
extérieure de Weimar, mis en œuvre son réarmement (dès 1926), ordonné l’offensive contre
les traités européens en 1930 (E. Craig, WL. Patch, G. Post). 38
Les « injustices économiques » du traité de Versailles et les « vexations » imposées
par la France à l’Allemagne ont longtemps servi de prétextes aux choix diplomatiques
anglo-américains.
39
Pourtant, quelques politiciens comme Winston Churchill et même les
historiens anglo-saxons ont rapidement souligné les conséquences néfastes de leurs choix
diplomatiques. Edward Bennett admoneste le laxisme des dirigeants anglo-américains
envers l’Allemagne et leur manque d’éthique pour les autres pays.
40
En 2006, Patrick O.
Cohrs reconnaît aussi que les puissances anglo-saxonnes sont grandement responsables de
la dégradation politique européenne après l’imposition des traités de Locarno (1925).
41
En
37
Fritz Fischer, Germany’s Aims in the First World War. London, Chatto & Windus, 1967 (61). L.B.Namier, 1848; The
Revolution of Intellectuals, London, 1986. F.Fisher, From Kaiserreich to Third Reich; Elements of Continuity in German
History 1871-1945. London, 1986. G. Weinberg in Eubank ed., World War II. Roots and Causes. Toronto, 1975. M.L.
Lee, German Foreign Policy 1917-1933, Continuity or Break ? New York, 1987.
38
E. Craig, Germany 1866-1945, Oxford, 1988. W. L. Patch. Heinrich Brüning and the Dissolution of the Weimar
Republic. Cambridge University Press, 1998. G. Post. The Civil-Military Fabric of Weimar Foreign Policy. Princeton
University Press, 1973.
39
Nous avons constaté que ces accusations font encore partie des notions de base dans le public, même jeune.
40
Winston Churchill, Second World War; The Gathering Storm, London,1948. Selig Adler, The Uncertain Giant,
American Foreign Policy Between the Wars, New York, 1965. Ozer Carmi, La Grande-Bretagne et la Petite Entente
Genève, 1972. R. D. Challener, From Isolation to Containment. American Foreign Policy from Harding to Truman. New
York, 1970. D.C. Lukowirtz, « British Pacifists and Appeasement ; the Peace Pledge Union ». The Journal of
Contemporary History,vol 9, 1974. Arnold A. Offner, American Appeasement. United States Foreign Policy and
Germany 1933-38, New York, 1976.
41
Edward W. Bennett, German Rearmament and the West, 1932-33, Princeton University Press, 1979. Aussi Germany
and the Diplomacy of the Financial Crisis, 1931, Harvard University Press, 1962. Zara S. Steiner, The Lights that Failed,
11
2003, Zara S. Steiner intitule son livre-somme sur la diplomatie européenne The Lights that
Failed. La complicité des élites allemandes et anglo-saxonnes apparaît clairement, en
particulier pour les « années charnières » 1930-32, à propos du « désarmement » de la
France, du réarmement de l’Allemagne et de l’abolition de ses réparations de guerre.
Questionnements-hypothèses
Quelles sont précisément, pour les années 1930-32, les raisons données et les
illusions à la base des décisions de la France, des États-Unis et de la Grande-Bretagne ?
C’est sur ces représentations durant ces « années charnières » que nous avons œuvré à
l’aide de quatre questions: 1— Comment leurs quotidiens montrent-ils et expliquent-ils les
crises économiques et politiques allemandes ? ; 2— Quelles conséquences en déduisait-on
pour le monde et l’Allemagne ? 3— Quelles étaient les actions diplomatiques préconisées ?
4— Quelles sources d’opinions étaient-elles évoquées ou observables ? Nos hypothèses
étaient les suivantes : 1a) que la perception factuelle des crises économiques et politiques
allemandes serait différente dans les trois pays; 1b) Que chez les Anglo-saxons, leurs
causes seraient surtout perçues économiques et que ces explications seraient partagées par
les Français qui ajouteraient des causes politiques; 2) Qu’il n’y aurait pas consensus entre
les pays sur les conséquences des crises; 3) Qu’il n’y aurait pas consensus sur les mesures
préconisées. 4) Que les opinions de presse seraient avant-tout le miroir de celles des
milieux gouvernementaux et financiers.
Sources
Il apparaît pertinent d’utiliser la presse de droite
42
pour retrouver les opinions les
plus courantes en politique extérieure. Pour les États-Unis, syndicalistes et socialistes n’ont
à peu près aucune prise sur la politique extérieure. Quelques revues hebdomadaires étaient
les seules publications d’envergure nationale et seraient valables pour cette étude, mais
nous avons préféré l’utilisation de quotidiens afin de conserver la similitude entre médias
des trois états. Des historiens comme Pierre Miquel ont constaté que les hebdomadaires ne
European International History 1919-33. Oxford University press, 2005. Patrick O. Cohrs, The Unfinished Peace After
World War I; America, Britain and the Stabilization of Europe, 1919-32. Cambridge University Press, 2006.
42
Nous entendons ici des partis politiques tenant de la doctrine économique capitaliste libérale en opposition aux
doctrines socialiste et communiste, cela inclut donc les conservateurs et les libéraux au plan sociopolitique.
12
faisaient que résumer le contenu des quotidiens avec un peu de retard.
43
En Grande-
Bretagne, le travailliste Macdonald et ses alliés libéraux administrent bien en ami des
banquiers et la presse du pays est partagée presque entièrement (pour le tirage) entre « lords
» conservateurs et quelques libéraux. En France, des historiens ont étiqueté à gauche les
radicaux souvent au pouvoir. Ce sont de bons capitalistes libéraux (économiquement). Si la
presse y est aussi diversifiée que les partis, la droite monopolise celle de masse et contrôle
au moins 90 % du tirage.
Le volume important des articles et des entrefilets consacrés à l'Allemagne nous a
obligé à nous limiter à six publications (150 citations par semaine env.). Les deux titres
choisis aux États-Unis sont le New York Times (conservateur modéré) et le Washington
Post (républicain ultraconservateur de 1916 à 33). Ce dernier dépend des agences
American Press et United Press pour ses reportages à l’étranger. Les deux quotidiens
représentent les tendances politiques principales dans les partis de pouvoir et ils sont
disponibles sur le web, via ProQuest. Pour la Grande-Bretagne, nous avons choisi le Times,
très proche du parti conservateur et du Foreign Office, ainsi que le Manchester Guardian,
qui suivait la ligne politique du chef libéral Lloyd George, mais aussi celle du travailliste
MacDonald en politique extérieure. Ces quotidiens sont disponibles sur leurs propres sites
Web.
Pour la France, le choix s’est porté sur deux quotidiens dits d’influence, le Temps
(libéral) et le Journal des débats politiques et littéraires (conservateur). Les opinions sur
l’actualité internationale y sont limitées à une ou deux par jour, mais la couverture sur
l’Allemagne est des plus importantes (souvent une page sur six) avec des reportages de
correspondants à Berlin. Ils ont une influence sensible sur l’ensemble de la presse française.
Ces documents sont disponibles via la Bibliothèque nationale de France/numérisation
Gallica. Une mise en contexte nationale et une description plus complète de tous ces
quotidiens font la première partie du chapitre I.
Méthodologie
43
Pierre Miquel, La paix de Versailles et l’opinion publique française. Paris, Flammarion, 1972.
13
Le suivi des opinions sur une période de deux années aurait été une tâche immense (15 000
articles et entrefilets env.). Sachant qu’en dehors des crises, les opinions évoluent lentement
en affaires internationales, un échantillonnage à partir d’évènements majeurs devait suffire
(début, apogée et conclusion de la période choisie). Nous avons centré notre étude sur 6
évènements-clés des « années charnières » 1930-32. Les quatre négociations internationales
qui ont vu passer la récession mondiale au stade de Grande Dépression étaient les plus
susceptibles de nous apporter des représentations sur la crise économique allemande (du 6
juin au 25 juil. 1931 : manifeste Brüning, moratoire Hoover, négociations à Paris et à
Londres). Cependant, la progression du fascisme allemand se déroulait de concert et nous
avons observé les réactions à l’élection de septembre 1930 (début de l’offensive financière
du chancelier Brüning), puis à la grande victoire hitlérienne de juillet 1932 (fin des disputes
financières, appui anglo-saxon réitéré pour l’Allemagne). Les six semaines choisies ont
fourni environ 900 articles ou entrefilets, dont plus de 530 offraient des informations ou des
opinions sur les crises économiques et politiques allemandes. Ce corpus a été analysé sur
fiches manuscrites par événement, nom du journal, date, page. Les opinions et explications
éditoriales, des lecteurs et des journalistes ont été colligés.
Un essai préalable avait mis en évidence le besoin d’uniformiser la recension et
l’appréciation des opinions, processus qui comportait une part de subjectivité. Nous
croyons que nos nombreuses années de lecture sur l’actualité internationale, ainsi qu’une
étude approfondie du contexte et des évènements observés nous ont permis de l’atténuer.
Certaines techniques d’« analyse de contenu »,
44
justement développées pour faciliter
l’étude de médias ont été utilisées de façon simplifiée. Les « thèmes pivots » requis pour
l’analyse politique étaient bien présents dans notre questionnement. Nous avons jugé du
caractère négatif ou positif d’une opinion (direction ) ainsi que de son « intensité » d’après
notre perception de chaque article, puis en avons fait des moyennes arithmétiques, à notre
usage personnel, pour chaque journal/évènement/jour/semaine. Cette approche, dite par
« schéma de classification bipolaire » est fréquente pour la politique, surtout internationale.
44
Les conditions de base de l’analyse de contenu sont respectées; utiliser un échantillon qui est une partie
représentative de l’univers de départ, les documents doivent ête homogènes sur des critères précis et
pertinents à l’objectif de l’enquête.Voir Laurence Bardin, L’analyse de contenu, 1989(77), Paris, PUF, partie
3 (méthode), p100-110.
14
45
Une estimation de l’importance de la couverture s’est avérée inutile. Un résumé
systématique des faits relatés dans les articles exigeait trop de travail tout en étant
redondant. Des annotations sur les faits erronés ou imaginaires et l’adéquation/précision
ont été ajoutées sur nos fiches qui incluaient finalement ce qui suit (voir aussi Annexe 1) :
1- Identification (évènement/journal/date/page), description (colonnes/photos). 2- Opinions
économiques et politiques, adéquation des faits. 3- Notation des opinions (très négatif/-2,
négatif/-1, neutre /0, positif/+1, très positif/+2). 4-Importance visuelle grande à nulle.
L’approche sociologique « comparatiste », telle que formalisée par le sociologue
François Soulet, était de mise entre les publications ou les évènements successifs, de même
que l’approche systémique, développée en politique pour les structures de pouvoir
officielles (et occultes). Nous avons ainsi analysé les informations explicitement exprimées,
les non-dits et les opinions exprimées. 46
Plan de travail
Le premier chapitre résume nos synthèses contextuelles et des évènements étudiés :
La France, la Grande-Bretagne, les États-Unis et leurs presses. La montée du fascisme et la
politique allemande (1919-33). La Grande Dépression, avec négociations diplomatiques et
financières (1930-32). Dans les second et troisième chapitres, les opinions de presse sont
exposées et commentées sur chacun des six évènements-clés (similitudes, différences,
progressions). En conclusion, après résumé et discussion sur nos hypothèses, des
considérations générales sont ajoutées. Nous avons inclu (Annexe 2) plus de citations et de
références pour ceux qui souhaiteraient poursuivre sur le sujet.
45
Voir Laurence Bardin, L’analyse de contenu, 1989 (77), Paris, PUF, partie 3 (méthode), p100-120, 135-145, 170-175.
46
François Soulet, L’histoire immédiate; historiographie, sources et méthodes. Paris, Armand Colin, p57-60, 113-118.
15
Chapitre I —
Contextes sociopolitiques
En 1918, la démocratie a un prestige considérable en Europe, alors que la plupart
des pays adoptent le modèle républicain français. Pourtant, 16 de ces 27 pays reviennent
vite à des systèmes autoritaires. Selon l’historien Ralph Schorr,
47
ceci révèle une crise des
valeurs et des assises sociales sur ce continent où la guerre a discrédité humanisme, justice
et raison et a réduit l’importance de l’individu en faveur de l’« union sacrée » nationaliste.
Cette dernière mène rapidement au racisme, dont l’antisémitisme est le plus répandu. Trois
de ces gouvernements autoritaires sont révolutionnaires : l’Union soviétique, l’Allemagne,
et l’Italie, les deux derniers aussi bien contre le marxisme que l’individualisme libéral. La
Grande Dépression, après des années de récession, est vue comme la faillite du capitalisme
et accrédite partout un contrôle étatique de l’économie.
A)
Les trois puissances occidentales et leur presse (1918-40)
Il ne faudrait pas croire que la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis sont
alors des paradis de stabilité économique et de justice sociale. Ces pays ont des difficultés
de transition vers l’économie de paix (inflation, récession, dettes, chômage). Partout, la
violence électorale fait partie de la normalité. Les élites de Grande-Bretagne, déjà aux
prises avec la révolution irlandaise, jettent du lest pour assurer la paix dans le cœur d’un
empire gigantesque, mais celles de France et des États-Unis répriment férocement les
revendications sociales. Si la répression coloniale semble bénigne durant cette période,
comparée aux deux qui l’encadrent, de vastes territoires français sont sous l’égide de
compagnies dont les mercenaires maltraitent les indigènes. Il en est de même sous la
domination indirecte des États-Unis.
Dès 1917, le philosophe politique Walter Lippmann participe à l’instauration de la
censure aux États-Unis, puis définit le concept de « fabrique d’opinions », tandis que le
publiciste Edward. L. Bernays formalise les méthodes de manipulation des masses
(politiques et commerciales). L’utilisation de la presse est un des moyens importants à cet
égard et a des effets significatifs sur l’efficacité de la politique extérieure. L’historien de la
47
Ralph Schorr, Crises et dictatures dans l’Europe de l’entre-deux guerres 1919-39. Paris, éditions Nathan, 1993, p7-26,
33-54, 94, 102-105.
16
diplomatie Edward W. Bennett constate que ce domaine relève surtout de certains lobbys
(financiers inclus) et de bureaucraties nationales (services secrets inclus). Dans son étude
sur les politiques monétaires de France et d’Angleterre (1918-40), Marguerite Perrot notait
que des éditorialistes se montrent au service d’intérêts et que les journalistes peuvent parler
au nom d’une opinion souhaitée ou escamoter des faits pour mieux la manipuler. 48
En 1984, l’historien Pierre Guillen démontre des différences marquées entre les
opinions de la presse française et celle du véritable public durant l’entre-deux-guerre
(colligée par d’autres méthodes), mais il confirme que c’est bien celle de la presse qui est
liée à la politique extérieure. D.N. Dilks ajoute qu’en Grande-Bretagne, l’opinion publique
était une perception subjective de ses dirigeants, tandis que A.P. Adamthwaite a exposé une
manipulation des médias par les dirigeants de ces pays en faveur de l’entente de Munich
(1938). Modris Eksteins a aussi montré les effets de telles manipulations de la presse
allemande, lors de la poussée des fascismes (1920-32). Elle tombe presque toute aux mains
d’industriels d’extrême droite. En 1929, le magnat Hugenberg possède 1200 des 4000 titres
du pays, en influence 2000 autres, contrôle 90 % du cinéma. Son empire, avec d’autres, est
un obstacle sérieux aux idéaux démocratiques et il se rallie à Hitler. 49
De même, des consortiums assurent un quasi-monopole à l’idéologie capitaliste aux
États-Unis, l’historien Howard Zinn nous rappelle les lois de censure (Espionnage, Sedition
Act) adoptées dans les années 1917-18. En France et en Grande-Bretagne, ingérences et
censure gouvernementale restent plus subtiles et occasionnelles, du moins pour les années
qui nous concernent ici. 50
48
Walter Lippmann, Public Opinion, New York, 1922. Edward L. Bernays, Crystallizing Public Opinion, 1923, New
York. Propaganda, New York, 1927. M. Perrot, La monnaie et l’opinion publique en France et en Angleterre de 1924 à
1936. Paris, Armand Colin, 1955, p15. Edward W. Bennet, German Rearmament and the West, 1932-1933, Princeton NJ,
Princeton University Press, 1979, p5.
49
Pierre Guillen, « Opinion publique et politique extérieure en France 1914-1940 ». David, N. Dilks, « Public Opinion and
Foreign Policy in Great Britain » et Anthony P. Adamthwaite, « Democracies, Dictatorships and Public Opinion » dans
École française de Rome ed., Opinion publique et politique extérieure-II, 1915-1940, 1984. Modris Eksteins, The German
Democratic Press and the Collapse of Weimar Democracy, Oxford University press, 1975, p IX-X, 70-83, 104-131.
50
Howard Zinn, Le vingtième siècle américain; une histoire populaire de 1890 à nos jours, Marseille, Agone, 2002
(1980), p126-127. Années 1950; chasse aux « rouges » du sénateur McCarthy. Après 2001, aggravation pour la guerre
perpétuelle terroriste.Encyclopedia Universalis. Presse /L’ère des grands journaux 1870-1950.
17
1—
La France
Cependant, c’est la France qui est la plus exsangue en 1918. Seule l’immigration
massive compense pour les pertes humaines de la guerre. Les nouvelles charges de l’État
induisent l’inflation, le franc subit une seconde attaque en octobre 1923, durant
l’occupation de la Ruhr, il est attaqué derechef contre un premier cabinet du « cartel des
gauches » (radicaux alliés aux socialistes, 1924-26). L’échec électoral des socialistes et des
grèves générales consacrent la faillite syndicale (1919-20). Il faut abandonner les projets
d’aide sociale et bafouer le suffrage universel pour complaire au grand capital. Au début de
1929 pourtant, les Français croient que la prospérité et l’entente avec l’Allemagne se
consolident enfin, mais après la perte des réparations de guerre et le réarmement officialisé
de l’Allemagne (1932), leur économie sera étouffée entre les dictatures voisines et les pays
ayant dévalué leur monnaie. Des programmes d’austérité prolongés, l’arrêt de
l’immigration et l’instabilité politique amènent une faiblesse industrielle, aggravée par une
« grève » des investisseurs contre le cabinet du Front populaire (1936-38). 51
En politique internationale, après le rejet du traité de Versailles par les Américains
(1920), l’assistance des Britanniques devient tributaire d’une agression qu’ils prendront
bien le temps de juger « non provoquée ». La France est la seule puissance désireuse
d’appliquer les traités pour la sécurité européenne et c'est bientôt hors de ses capacités. Dès
1921, elle se heurte à l’obstruction anglo-allemande pour les réparations de guerre. Après
les traités Dawes et Young,
52
qui les réduisent fortement et l’évacuation de la Rhénanie
(juin 1930), les Français ont beaucoup cédé, mais perdent bientôt ce qui reste des
réparations et les clauses du désarmement allemand constituant l’essentiel du traité de
51
Paul M. Bouju, et Henri Dubois, La troisième république. Paris, Presses universitaires de France, 1967, p87-103. JeanFrançois Sirinelli, « Le mystère français ». French Cultural Studies, vol. 7, no. 20 (juin 96), p121-124. L.D. Schwarz,
« Searching for Recovery: Unbalanced Budget , Deflation and Rearmament in France during the 1930’s » dans W.R.
Garside ed., Capitalism in Crisis; International Response to the Great Depression, New York, St. Martin’s Press, 1993,
p96-113. Jean Noël Jeannenay, « De la spéculation financière comme arme diplomatique, la première bataille du franc
1923-24 », Relations internationales, vol.13, (print. 1978), p.5-27. Rémi Péres, Chronologie de la France au XXe siècle.
Paris, Librairie Vuibert, p32. Marguerite Perrot, La monnaie et l’opinion publique en France et en Angleterre de 1924 à
1936, Paris, Armand Colin, 1955, p108-143. Henri Dubief, Le déclin de la troisième république, Paris, Seuil, 1976, p1117, 28-38, 68-69. Jean-Claude Debeir, « La crise du franc de 1924, exemple de spéculation internationale ». Relations
internationales, vol.13 (printemps 1978), p. 29-49. Sylvie MONNET, La politique extérieure de la France depuis 1870.
Paris, Armand Colin, 2000, p62-73.
52
En 1924 par suite de la crise de la Ruhr, le plan du banquier américain Dawes réduit fortement les réparations de guerre
allemandes, instaure un contrôle financier du pays, mais annule le droit de rétorsion de ses créanciers belges et français.
En 1929, le plan du banquier Young réduit encore les paiements allemands et instaure un système d’obligations
internationales pour les gérer.
18
Versailles (juil.,déc. 1932). En misant sur un appui anglo-saxon inexistant, la France n’a
pas tissé de liens solides avec ses alliés à l’Est (Tchécoslovaquie, Pologne, Roumanie,
Yougoslavie), seuls en mesure de l’aider à sortir de ses faiblesses démographiques,
industrielles, technologiques et militaires en face de l’Allemagne et de l’Italie fascistes.
S’il y a résistance à la concentration de la presse, celle de Paris et des « droites »
l’emporte de beaucoup. 53 Vers 1990, l’historien Gilles Feyel disait d’elle, sur la lancée des
critiques d’après-guerre, qu’elle aurait « diffusé l’illusion d’un monde effrayant et un désir
de repli, entre perfidie anglo-saxonne et danger allemand… tout en affaiblissant libéralisme
et parlementarisme ». Cette critique comporte quelque ambivalence. Est-ce à dire qu’il
considérait les faits relatés illusoires ou que leur censure aurait préservé paix, libéralisme,
parlementarisme ? En 1929 pourtant, Sury d’Apresmont donne un aperçu de la diversité de
cette presse, indice important de démocratie. Ainsi, l’Action française royaliste côtoie La
Croix catholique, le Figaro commence seulement à s’approcher de l’Ami du peuple vers
l’extrême droite. Les conservateurs comptent sur l’Intransigeant, l’Éclair, l’Écho de Paris,
les radicaux (libéraux) sur l’Oeuvre et le Quotidien. La gauche sur l’Étincelle, le Populaire,
l’Humanité. La presse de masse, qui se prétend apolitique, a le vent dans les voiles avec les
Paris-midi, Paris-soir, La Presse et Le petit Parisien (un million d’exemplaires). Une
pléthore de publications, spécialisées ou politiques, a des tirages plus faibles, parfois de
quelques milliers. Parmi ceux-ci nous avons choisi les quotidiens le Temps et le Journal
des débats politiques et littéraires pour l’influence qu’ils ont autant dans les officines
politiques que dans celles de leurs compétiteurs en ce qui concerne la politique
internationale. 54
Le Temps est relancé par Adrien Hébrard en 1872 et est garant du libéralisme
bourgeois et républicain durant toute la troisième république, favorisant les entreprises
coloniales et la liberté de conscience, chère à ses journalistes protestants. Dans l’entredeux-guerres il a, comme journal officieux de la diplomatie française, une renommée
53
90 % environ, si on se fie aux titres et aux estimations fort aléatoires de leur diffusion.
54
Henri Dubief, Le déclin de la troisième république, Paris, Seuil, 1976, p125-128. Claude Belllanger, Histoire générale
de la presse française, Tome 3(1871-1940). Paris, Presses universitaires de France, 1972, p482-495. Gilles Feyel, La
presse en France, des origines à 1944, Paris, Ellipses, 1999, p150-154. Paul Sury d’Aspremeont, La presse à travers les
âges. Paris, Desclée de Brouwer, 1929, p32-36. Bibliothèque nationale de France/Collections Gallica/La presse.
19
européenne que seul le Times de Londres peut lui disputer. À cette époque, la méfiance des
fils Hébrard pour les radicaux et leur hostilité envers socialistes et communistes le rangent
nettement à droite. La bourgeoisie apprécie sa couverture des affaires étrangères et des
idées, arts et sciences, même si son tirage reste modeste (de 50 000 à 80 000). En 1929, il
est racheté par Louis Mill, pilier des cabinets radicaux qui tentent l’apaisement de
l’Allemagne. Il est responsable des éditoriaux. Un document personnel, rendu public à son
décès (1931), confirme qu’il était le prête-nom d’un vaste consortium d’industriels et de
financiers voulant préserver la ligne éditoriale qui leur plaisait. Charles de Gaulle ne
pardonna pas à son successeur, Jacques Chastenet (représentant des industriels du charbon),
ses visites à Hitler et à Mussolini, ou ses campagnes pour l’accord de Munich. Les actifs du
journal sont saisis à la libération et offerts au nouveau journal Le Monde, qui récupère aussi
une partie du personnel. 55
Le Journal des débats politiques et littéraires est fondé dès la révolution de 1789 et
est devenu l’un des principaux quotidiens parisiens jusqu’en 1914. Même s’il ne cesse de
décliner ensuite, nous devons penser qu’il avait un tirage similaire à celui du Temps durant
les années 1930. De 1895 à 1942, il est propriété du journaliste Étienne Bandy, comte de
Nalèche, fils d’un notable (avocat au Conseil d’État, député républicain libéral). Bandy
devient directeur du journal et préside le syndicat patronal de la presse parisienne. Par la
qualité de la rédaction et la diversité de ses thèmes, ce journal conservateur devient une
référence en affaires internationales pour les élites et ses compétiteurs. Les reportages en
provenance de Berlin sont très détaillés.
Dans ce quotidien, c’est surtout le journaliste et historien Pierre Bernus qui signe les
éditoriaux sur ce sujet. Chargé de l’information diplomatique au ministère des Affaires
étrangères (1917), il devient correspondant du Journal de Genève à Paris durant 41 années
et rédacteur au Journal des débats. Il est fréquemment aidé par A. Albert-Petit (historien
chevronné, commentateur de la politique française durant 40 ans et par un correspondant à
55
Jean-Guy Padioleau, Le Monde et le Washington Post, PUF, 1985, p20-23. Bibliothèque nationale de France « Le
Temps », www.gallica.bnf.fr. Jolly, Jean dir., « Louis Mill » et « Jacques Chastenet » , Dictionnaire des parlementaires
français 1889-1940, Paris, PUF, 1960. Archives Larousse, Dictionnaire de l’histoire de France. « Temps (le) », p1204.
http://www.larousse.fr/archives.
20
Genève, un certain Ed. By… Ce journal fermera en 1944, miné par son implication dans
des publicités financières trompeuses et d’autres affaires de corruption. 56
2—
La Grande-Bretagne
Beaucoup moins éprouvée que la France, avec « seulement » 500 000 morts et une
dette de guerre plus modérée, la Grande-Bretagne termine la guerre sans dévastation, mais
a détruit les forces navales de l’Allemagne, a saisi sa flotte commerciale et ses meilleures
colonies, en plus des dépouilles pétrolières de l’Empire turc. Par crainte du bolchévisme, un
consensus se fait sur des mesures de protection sociale qui formeront un « New Deal »
durant la Grande Dépression et l’instabilité est évitée au cœur de l’empire.
57
Selon
l’historien J.M. Mackenzie, l’impérialisme est le trait socioculturel dominant du pays et
imprègne toute activité politique, sociale et commerciale. Les Britanniques se perçoivent
étrangers et racialement supérieurs aux autres Européens, sauf les Allemands. En 1931,
l’apparition d’un pacifisme de masse, étonnamment clérical et marxiste, favorise la montée
des fascismes. Justement, l’Union des fascistes, avec l’aide du magnat de presse
Rothermere, se ramifie dans tout l’empire, y inclus le Canada. 58
Dès 1920, des Britanniques se montrent d’intenses germanophiles et francophobes.
Ceci s’explique par les remords d’un traité de Versailles perçu comme trop sévère, la peur
des Soviétiques et les avantages escomptés de l’Allemagne. Le Foreign Office n’hésite pas
à utiliser le chantage financier, avec la Banque d’Angleterre, pour nuire à tout traité entre la
France et d’autres pays, puis à bloquer toutes les ententes économiques dans l’Est
européen. Il affaiblit rapidenment le Traité de Trianon, qui lie les Autrichiens et les
56
Bibliothèque nationale de France, Journal des débats, www.bnf.fr/gallica. et « Pierre Bernus »
data.bnf.fr/10935463/pierre_bernus. « Pierre Bernus 1881-1951 », www.persée.fr/article/bloc_0373-6237_1952.
Archives Larousse, Dictionnaire de l’histoire de France. Journal des débats (le), http://www.larousse.fr/archives.
57
Rémi Péres, Chronologie de la Grande-Bretagne au XXe siècle, Paris, Librairie Vuibert, p36,65. Roland Marx, La
Grande-Bretagne et le monde au XX ième siècle, Paris, Masson, 1986, p89-90. Allan Booth « The British Reaction to
Economic Crisis » dans Garside ed., Capitalism in Crisis; International Responses to the Great Depression, New York,
St. Martin’s Press, 1993, p35-51. Stéphane Lebecq et Fabrice Bensimon, Histoire des îles britanniques, Paris, Presses
universitaires de France, 2007, p741-743. Marguerite Perrot, La monnaie et l’opinion publique en France et en Angleterre
de 1924 à 1936. Paris, Armand Colin, p41, 54-55, 68, 74, 89, 94-100.
58
D.C. Lukowitz, « British Pacifists and Appeasement ; the Peace Pledge Union », Journal of Contemporary History,vol
9 (jan. 74 ), p.115-127. M. Pugh, « Pacifism and Politics in Britain 1931-1935 ». The Historical Journal, vol. 23 (1980),
p641-656. John M. Mackenzie, Propaganda and Empire : The Manipulation of British Public Opinion, 1880-1960,
Manchester, Manchester University Press, 1985, p1,11, 256-258. Roland Marx, idem., p100-102. Péres, idem., p34.
21
Hongrois à leurs voisins, approuve ces derniers pour leur diffusion de faux billets pour
affaiblir le franc (1924). Avec le Traité de Locarno (1925), les Britanniques se donnent
toute liberté de non-intervention, tout en neutralisant le pacte franco-polonais au profit de
l’Allemagne. Puis, le Foreign Office ferme les yeux sur une campagne du Daily Mail
prônant le démantèlement de la Tchécoslovaquie (1927). Entre 1930 et 1932, il s’oppose
enfin à tout accord économique continental, contribuant à la récession et à l’emprise de
l’Allemagne sur le continent. 59
Le mythe d’un « quatrième pouvoir » a vu le jour dans ce pays, où des propriétaires
de presse se prétendaient défenseurs de l’« homme de la rue » malgré leurs liens avec les
classes dirigeantes. Le règne des quelque cinq grands « lords » des médias débute en 1896
avec le Daily Mail de sir Northcliffe. En 1914, ce dernier contrôle déjà 42 % des titres du
pays quand il achète le Times. Des quotidiens arrivent alors à des tirages d’un à deux
millions d’exemplaires et des hebdomadaires à 6 millions. Le Daily Mail est unioniste et
impérialiste, comme le Daily Express (de lord Beaverbrook), le plus diffusé des décennies
1920-30. Ces lords font une propagande plus intense après 1918. Ainsi, la diffusion d’une
fausse lettre de Zinoviev, par lord Rothermere, contribue à la défaite du gouvernement
travailliste (1924) et à l’effondrement prolongé de son allié libéral (qui ne compte que sur
le News Chronicle et le Manchester Guardian). À l’opposé, le Daily Herald s’appuie sur un
lectorat travailliste nombreux. Dans les années 1929-31, Beaverbrook et Rothermere
utilisent leur presse pour soutenir leur éphémère parti d’extrême droite (United Empire).
Dans les années 1930, presque tous les quotidiens du pays soutiennent l’« apaisement » de
l’Allemagne, aucun ne défendra la démocratie sur le continent, tous vanteront l’économie
fasciste, italienne ou hitlérienne. 60
Le Times est le plus influent des quotidiens britanniques. Après des années
difficiles, le magnat de presse Northcliffe en refait une entreprise florissante, afin de
promouvoir ses propres idées (1908-22). Le rédacteur en chef principal durant la période
59
Zara S. Steiner, The Lights that Failed. European International History 1919-1933, Oxford University Press, 2005.
David N. Dilks, « Public Opinion and Foreign Policy in Great Britain » dans Opinion publique et politique extérieure- I;
1915-1940. École française de Rome, 1984, p75-77. Ozer Carmi, La Grande-Bretagne et la Petite Entente, Genève,
Librairie Droz, 1972, p9-15, 23-32, 53, 60-116.
60
Daniel Griffith, The Encyclopedia of the British Press. London, Macmillan, 1992, p47-52. Mick Temple, The British
Press. Maidenhead England, McGraw Hill Open University Press, 2008 (96), 272p., p19-37.
22
étudiée est George Geoffrey Dawson (1912-19, 23-41), qui participe grandement à la
politique du pays. D’abord secrétaire de Joseph Chamberlain au Colonial Office, puis de
Lord Milner (haut-commissaire d’Afrique du Sud), il reste impliqué chez les impérialistes
loyalistes. Après une dispute avec Northcliffe au sujet de Versailles, il est réengagé par le
nouveau propriétaire, John Jacob Astor (député conservateur, famille d’origine allemande).
Mais Dawson est loisible d’utiliser le journal pour promouvoir ses idées. Il appuie les
premiers ministres conservateurs Baldwin et Chamberlain, s’oppose au sionisme, interdit de
mentionner l’antisémitisme allemand. En 1935, il joint l’Anglo-German Fellowship,
amicale perçue ralliée au nazisme. Cette association regroupe plusieurs personnalités qui
ont pu influer sur la politique internationale du pays. 61
Selon l’historien Peter Deli, le support de Dawson aux accords de Munich (1938) et
son incompréhension de la signification du nazisme sont bien connus. De plus, il serait
resté indifférent aux points de vues et aux explications de ses correspondants. Son assistant
Robert M. Barrington-Ward lui est dévoué et il écrit l’essentiel des éditoriaux en politique
extérieure de 1927 à 41, de concert avec son patron. L’éditorial reste généralement proche
des milieux dirigeants du pays (financiers, politiques). Le style est sobre, orienté vers un
public de professions libérales, d’hommes d’affaires et de politiciens. Nous estimons à
150 000 le tirage pour 1930, soit à mi-chemin entre la quantité supposée de 1908 (40 000)
et celle reconnue pour 1961 (257 000).62
Le Manchester Guardian est fondé en 1821 pour une clientèle bourgeoise, libérale
et non conformiste. Une réputation d’indépendance d’esprit accompagne son rédacteur et
propriétaire Charles P. Scott (1872-1929). Ce dernier est député libéral progressiste et
s’adjoint son fils Edward T. comme critique aux affaires étrangères. Ce dernier prend la
direction en 1929 et reste sympathisant de l’Allemagne de Weimar. À sa mort, en avril
1932, c’est William Percival Crozier, sioniste engagé, mais désireux d’assurer la continuité
61
Entre autres Frank Cyril Tiarks, directeur de la Banque d’Angleterre d’origine allemande, Montague Norman,
gouverneur de la même banque, Ernest Tennant, autre banquier ami de l’ambassadeur von Ribbentrop, le magnat de
presse Rothermere, le Prince de Galles et au moins 40 députés et lords, surtout conservateurs.
62
Rupert Swyer, « Times the », Encyclopedia Universalis, en ligne fév.2012. Encyclopedia Britannica, « George Geoffrey
Dawson ». Peter Deli, « Quality Press and the Soviet Union; Reactions of the Manchester Guardian and the Times to
Stalin’s Great Purge 1936-38 » dans Media History, vol 5, nr. 2 (1999), p172-181. Helen LANGLEY, Dictionnary of
National Biography. « John Jacob Astor », « George Geoffrey Dawson », « Ward, Robert McGowen
Barrington », Oxford University Press, www.oxforddnb.com, le 2015-06-15.
23
éditoriale, qui devient éditeur aux affaires étrangères. Il se fait un devoir de dénoncer le
nazisme et est un des rares à se prononcer contre l’accord de Munich. Le journal voit ses
ventes progresser sur une base régulière pour égaler celles du Times dans les années 1960.
Son tirage était donc inférieur en 1930, de l’ordre de 75 000 à 100 000 exemplaires. 63
3—
Les États-Unis
À la fin de la Grande Guerre, les États-Unis sont la plus grande nation industrielle,
égalent la puissance navale et financière de la Grande-Bretagne et sont les créanciers du
monde. Le slogan du futur président Harding est « Back to normalcy », normalité définie
par les Whites Anglo-Saxons Protestants (WASP). Sévit alors, la « terreur blanche » contre
le bolchévisme et les immigrants russe, de couleur, juif, catholique, orthodoxe, socialiste ou
syndicaliste (Espionnage et Sedition Acts établis sous Wilson, 1917-18). Les présidents
Harding et Coolidge laissent totale liberté aux gens d’affaires et à leurs polices privées ou
publiques, provoquant ainsi nombre de grèves réprimées par de nouvelles chasses aux
« rouges ». À tout cela, s’ajoute un nationalisme ethnique similaire à celui prévalant en
Allemagne; le Ku-Klux-Klan, entre autres, regroupe 5 millions de membres en 1925.
64
Au
refus des revendications ouvrières, s’ajoutent les tarifs douaniers Fordney-McCumber en
1922
65
pour la satisfaction des patrons. Alors que la récession mondiale s’aggrave en juin
1930, les nouveaux « Tariffs Smoot-Hawley » fixent les droits de douane les plus élevés du
XXe siècle. Cette mesure réduit encore le commerce international. Cependant, la récession
demeure un ajustement normal jusqu’en mai 1931, lorsque le choc bancaire d’Europe de
l’Est et l’intervention des dirigeants anglo-saxons mènent à la Grande Dépression.
Roosevelt essaie d’atténuer la misère, mais les conflits sociaux restent intenses jusqu’en
1934 : grévistes réprimés avec les mitrailleuses, l’artillerie, même des tanks. Dans les
63
Rupert Swyer, « Guardian the », Encyclopedia Universalis en ligne, consulté en mars 2012. Adam Matthew, C.P.
Scott, a chronology, United Kingdom, Adam Matthew Publ., www.adammatthewpublications.co.uk/digital_guides, en
ligne le 2015-06-15. MORRIS, A.J.A. .« Crozier, Willliam Percival», Dictionnary of National Biography, Oxford
University Press, www.oxford.dnb.com. ROSSELLI, John. « Edward Taylor Scott », Dictionnary of National Biography,
idem. WILSON, Trevor. « Charles Prestwich Scott ». Dictionnary of National Biography,idem.
64
Selig Adler, The Uncertain Giant. American Foreign Policy Between the Wars. New York, Macmillan co., 1965, p1, 2,
5, 11-20, 25-28, 33-42. Jean-Michel Lacroix, Histoire des États-Unis, Paris, Presses universitaires de France, 2001, p343356. Howard Zinn, Le XXième siècle américain; une histoire populaire de 1890 à nos jours. Marseille,Agone,
2003(1980), p71,84-93,107-110.
65
En 1922, les tarifs douaniers protectionnistes américains sont haussés à une moyenne de 38 %.
24
rapports municipaux, on parle de malnutrition et d’inanition. La Grande Dépression
provoque un traumatisme aussi profond que celui de la guerre de Sécession. 66
De 1900 à 1933, les États-Unis sont intervenus militairement 20 fois en Amérique
centrale et plusieurs fois au Sud et dans le Pacifique. Ces interventions ont dû se dérouler
comme aux Philippines (1900-04), où les soldats torturent, violent et massacrent des
centaines de milliers d’habitants.
67
Le mythe d’un isolationnisme américain a donc été
rapidement mitigé par les historiens de la diplomatie. En 1921, si le secrétaire d’État C.E.
Hughes prend une voie diplomatique floue en Europe, des traités sont signés avec les pays
européens vaincus et « Wall Street » opère son expansion via l’Allemagne. Les tarifs
douaniers, subventions et subsides administrés par le secrétaire au commerce (et futur
président) Hoover, portent un dur coup à la capacité de remboursement des Européens.
Après 1927, le secrétaire d’État F.B. Kellogg se contente d’une diplomatie aux buts
chimériques et, ironiquement, son pacte de paix Kellogg-Briand (juil. 1928) donnera les
justifications les plus claires jamais rédigées pour justifier les guerres qui suivront. Le
président Hoover, toujours aveugle aux effets de son dumping, participe à la destruction de
l’équilibre bancaire mondial en 1931. Les Américains adoptent alors un isolationnisme réel
contre l’Europe, juste au moment de la prise de pouvoir hitlérienne. 68
Si la Grande Crise a renforcé les monopoles locaux de la presse, le degré de
concentration n’atteint pas les proportions britanniques. Aux nombreux propriétaires de
journaux à sensation ( Yellow press des W.R. Hearst, Patterson, etc.) s’ajoutent les trois
seuls optant pour la qualité de l’information; A.S. Ochs (New York Times), J. Pulitzer (New
York World), E.W. Scripps (United Press). Si rien ne limite la liberté d’expression en
théorie, l’Espionnage Act (en guerres coloniales quasi continuelles), le Sédition Act contre
66
Jean Heffer, La Grande Dépression; les États-Unis en crise (1929-1933), Paris, Archives Gallimard/Juliard, 1976,
p11,14, 26,27, 36,39, 57, 61, 85-87,121-129, 137-149, 161-174. Jean-Michel Lacroix, Histoire des Etats-Unis, Paris,
Presses universitaires de France, 2001, p353-359, 364, 369. Howard ZINN, Le XXième siècle américain; une histoire
populaire de 1890 à nos jours, Marseille,Agone, 2003(1980), p118-122.
67
Toutes les puissances européennes ont des opérations civilisatrices similaires à leur actif et dans lesquelles
nous pouvons retrouver des racines des politiques coloniales nazies.
68
H. Zinn, op. cit., p33-36, 136-140. Richard D. Challener, From Isolation to Containment. American Foreign Policy
from Harding to Truman. New York, St. Martins press, 1970, p3-5. Selig Adler, The Uncertain Giant,1921-1941,
American Foreign Policy Between the Wars. New York, Macmillan co., 1965, p42-47, 57-89,125-127. Zara S. Steiner,
The Lights that Failed. European International History 1919-1933, Oxford University Press, 2005.
25
syndicalistes ou socialistes et les poursuites en libelles sont omniprésents. Les pauvres ne
peuvent s’en défendre, des procureurs subvertissent d’autres lois contre les publications de
gauche. Si la « doctrine de l’objectivité » est officiellement clamée, elle n’empêche pas la
presse de se lancer dans la propagande d’État à partir de 1917 et de tolérer les terreurs
« anti- rouges » à l’encontre des droits civiques. Cette objectivité signifie souvent raconter
les évènements isolément de ceux qui les ont précédés ou qui les suivront, en réduisant la
possibilité de les comprendre…
L’objectivité ne s’applique pas non plus en affaires
internationales et seulement quelques quotidiens sont réputés sérieux en ce domaine pour
les décennies 1920-30 : New York Times, Herald Tribune, Chicago Daily News. Les
éditeurs font place aux « columnists », dont les plus influents sont Walter Lippman et A.
Brisbane (prêches isolationnistes et ultranationalistes diffusés dans les publications du
magnat Hearst). Lippman, aux arguments moins primaires, dénigre néanmoins tout autant
les gouvernements étrangers. Il n’en demeure pas moins que l’entre-deux-guerres est une
période florissante pour les correspondants américains à l’étranger. 69
Le New York Times est un journal conservateur fondé en 1851 et est déjà réputé
pour ses comptes-rendus des nouvelles nationales et internationales. Il est racheté en 1896
par Adolf Simon Ochs, fils d’immigrants juifs, qui a pour objectif d’en refaire un journal de
qualité respecté mondialement. Ochs devient le directeur de l’Associated Press (1900-35)
et, fait important pour ce qui nous concerne ici, son journal obtient en 1901 les droits de
publication du Times de Londres pour l’Amérique du Nord. Il a aussi un réseau étendu de
correspondants et le tirage passe de 9 000 à 418 000 exemplaires en 1928. Son équipe
éditoriale, qui se dit indépendante et démocrate, est composée d’éminents champions du
conservatisme non extrémiste. Ochs prend part aux réunions éditoriales quotidiennes
jusqu’à sa mort, en 1935. Au moment des évènements 1 à 5 (1930-31), son rédacteur en
chef est Frederick T. Birchall (ancien chef de bureau à Londres, ami de l’Allemagne,
correspondant à Berlin au sixième évènement). Edwin L. James, ancien chef des
correspondants européens l’assiste en 1930 et le remplace en 1932. Birchall et James sont
donc les deux responsables des éditoriaux sur l’Allemagne. Les autres correspondants pour
69
Donald Paneth. « Intro », p IX. « Freedom of the press », « Censorship », The Encyclopedia of American Journalism,
New York, Facts File Publications, 1983, p70-73, 171-177.Selig Adler, The Uncertain Giant. American Foreign Policy
Between the Wars. New York. Macmillan co., 1965, p31-33. Encyclopaedia Britannica. History of Publishing/Era of the
Popular Press/United States. Donald Paneth, « Foreign Correspondance »,idem., p161.
26
les évènements qui nous concernent sont : Guido Enderis, d’origine allemande et à Berlin,
Clarence K. Streit à Genève, fédéraliste-atlantiste et militant de l’Union européenne,
Charles A. Selden à Londres, P.J. Phillip à Paris. 70
Le Washington Post est fondé en 1877, en tant qu’organe du parti démocrate. Il
croît ensuite en taille, en réputation et en conservatisme avec le parti républicain. En 1905,
le nouveau propriétaire John R. MacLean y ajoute reportages sociaux et sensationnalisme.
Son successeur et fils Edward B. (en 1916) est un grand ami du président Harding et ce
journal passe bientôt pour refléter de trop près ses politiques. La mauvaise administration,
ainsi que des articles médiocres et complaisants entachent bientôt sa réputation. Cependant,
ses lacunes ne paraissent pas excessives en politique internationale, grâce à l’utilisation de
deux agences de presse. Le conservatisme extrême et partisan reste à la base de sa page
éditoriale pour les années 1930-32, mais son tirage de 60 000 exemplaires est à présent loin
de ses concurrents. La crise boursière de 1929 et la chute des républicains achèvent de le
ruiner en 1933. C’est le grand financier Eugene Meyer qui le rachète et qui lui redonnera
son lustre. Le correspondant de l’Associated Press à Berlin qui alimentait le Washington
Post (1924-33) était Louis P. Lochner, Allemand d’origine, ancien agent de l’industriel
Henry Ford. L’United Press est la propriété de l’un des rares tenants de la presse de qualité,
E.W. Scripps et son chef de bureau en Europe était le réputé Webb Miller, à Paris de 1924 à
1940 (Pulitzer 1920, interview Hitler, Mussolini, David Lloyd George et plusieurs autres
chefs d’État). 71
La liberté et la diversité de la presse semblent donc à leur zénith en France, ce qui
reflétait la diversité du débat public. Les États-Unis, comme la république de Weimar, sont
plus problématiques à cet égard et nous en avons constaté des effets lors de notre analyse.
La Grande-Bretagne a une position mitoyenne à ce propos. Nous ferons à présent un tour
d’horizon succinct sur la Grande Dépression et sur la montée du fascisme dans la
République allemande.
70
Donald Paneth, « New York Times », ,p345-349. « Adolf S. Ochs », p355. « James, Edwin L. », p237. « McCormick,
Anne », p293. « Birchall Frederick T. », p34. The Encyclopedia of American Journalism, New York, Facts File
Publications, 1983.
71
Donald Paneth, « Washington Post », p507-509. « Associated Press », p21, 266. « United press », p495. The
Encyclopedia of American Journalism, New York, Facts File Publications, 1983. Jean-Guy Padioleau, Le Monde et la
Washington Post, PUF, 1985, p23-31.
27
B) Grande Dépression et crises politiques allemandes.
4—
La Grande Dépression
La Grande Dépression est indissociablement liée à la montée du fascisme et à la
reprise d’une diplomatie agressive allemande qui réussit alors, à neutraliser ses adversaires
occidentaux. C’est à ce titre que nous essaierons d’en rappeler les grands traits avant notre
analyse des évènements-clés. Résumons d’abord les caractéristiques socio-économiques de
cette crise, devenue Grande Dépression en 1931 : effondrement boursier mondial (É.-U.,
-66 %) et de la production industrielle (É.-U. et Allemagne, -54 %), baisse de 50 % des prix
et du produit intérieur brut (PIB), chute du commerce international (-25 % volume, -69 %
valeur). Des taux de chômage de 30 % atteignent certaines villes ou secteurs d’activité,
cependant un taux global de 15 % est énorme, puisque la protection sociale est faible et que
ce taux n’inclut pas les horaires de travail réduits. Si le pouvoir d’achat des salariés est
maintenu, le sort des nombreux laissés pour compte et des paysans s’aggrave. Après 1930,
des mobilisations de chômeurs et des marches de la faim sont réprimées en GrandeBretagne ou noyées dans le sang (Détroit et Washington, 1932). Ces manifestations n’ont
jamais menacé l’ordre établi, mais la crise a eu des effets culturels, politiques et moraux
importants partout dans le monde. 72
Des fuites de capitaux ont pénalisé tous les pays européens durant les décennies
1920-30. La France est très touchée de 1920 à 26, mais en profite depuis au grand dam des
Britanniques. C’est le paroxysme de ces mouvements, au détriment de la Grande-Bretagne
et des États-Unis, qui fait éclater le système monétaire « Gold Standard » et induit la
Grande Dépression. Début 1931, l’économie globale se redressait après un ajustement qui
restait normal. Mais une panique bancaire autrichienne éclate en mai, qui menace aussi
l’Allemagne, dont la stabilité est affaiblie par l’agitation et des pratiques bancaires dites
« fautives ». Depuis octobre 1930 en effet, le chancelier Brüning s’ingénie à inquiéter les
investisseurs anglo-saxons pour obtenir la fin des réparations de guerre. Son manifeste du 6
juin 1931, les menace « d’être bientôt obligé » d’arrêter ces paiements ou ceux de leurs
autres créances…
72
Bernard Gazier, La crise de 1929. Paris, Presses universitaires de France,1983, p7-25,64-69.
28
Le président Hoover, sur l’avis de certains banquiers, annonce un moratoire sur
toutes les dettes interétatiques (21 juin 1931). Le chaos financier s’aggravera durant les
disputes internationales qui s’en suivront. Le 13 juillet, l’Allemagne est en panique
bancaire et le chancelier Brüning décrète un contrôle de toutes les créances étrangères,
décision entérinée par les dirigeants de Londres et Washington. Ainsi, plusieurs autres
banques nationales doivent amplifier leurs retraits à Londres, puis aux Etats-Unis (800
banques y feront faillite). C’est la Grande Dépression. Brüning réorganise déjà ce secteur
en Allemagne et toute l’économie sous l’égide de l’État. Le nombre de chômeurs double
néanmoins dans les industries (33 %), augmentant le désespoir et la popularité des partis
communistes et nazis. 73
Le capitalisme libéral est mis partout sous surveillance, y inclu par les présidents
Hoover et Roosevelt, ou par le gouvernement britannique. L’Allemagne, le Japon, et l’Italie
subissent une cartellisation autarcique militariste. Une autre conférence à Londres (juin
1933) consacre la fragmentation des marchés mondiaux et le contrôle de l’Est européen par
les Allemands. Ceux-ci menacent de faire défaut sur leurs créances privées américaines,
tandis que le chef de la Reichsbank, Hjalmar Schacht, s’entend avec son ami Montague
Norman (Banque d’Angleterre). En janvier 1934, le « Johnson Act » américain interdit tout
prêt aux pays en défaut partiel de paiement. Ironiquement, la plupart des pays, dont la
Grande-Bretagne, doivent ainsi faire défaut total et l’Allemagne est le seul pays à ne pas
être étiqueté « mauvais payeur » par les Américains. Jusqu’à la Seconde Guerre, les
économies fascistes sembleront florissantes, tandis que celles des Britanniques, des
Américains et des Français resteront mal en point. 74
L’historien de l’économie James Harold avait conclu que la chute de Weimar
provenait d’une longue stagnation empêchant l’allègement des tensions sociales, mais il
admettait que la sévérité des récessions et l’étrangeté de leurs cycles supposaient d’autres
73
Patricia Clavin, The Great Depression in Europe, 1929-1939. London, Macmillan Press, 2000, p94-97,106,124129,149-155. Bernard Gazier, La crise de 1929. Paris, Presses universitaires de France,1983, p48-50. Jean-Michel
Lacroix, Histoire des États-Unis. Paris, Presses universitaires de France, 2001, p353-369.
74
P. Clavin,op. cit., p110-111, 188-197. B.Gazier,op. cit., p50-60, 74-83. L.D. Schwarz, Searching for
Recovery:Unbalanced Budget,Deflation and Rearmamaent in France during the 1930’s »dans Garside, Capitalism in
Crisis;International Response to the Great Depression. New York, St.Martin’s Press, 1993, p96-113, 97-101.
29
facteurs qu’économiques. Bernard Gazier était d’avis que les racines du nazisme en
faisaient une composante et non une conséquence de la Grande Dépression. À ce propos,
les historiens de Weimar ont montré que des castes militaro-industrielles ont formé une
sorte de monde interlope violent dès 1919 et dédié à la progression impériale. Elles étaient
à l’origine de la crise de la Ruhr et de l'hyperinflation allemande (1920-23), avec les
chanceliers Joseph Wirth et Wilhelm Cuno. Nous verrons qu’entre 1929 et 1932, ce sont
ces castes qui ont aggravé les crises économiques et sociopolitiques allemandes, induit les
disputes internationales menant à la Grande Dépression, installé des cabinets autoritaires et
une économie sous contrôle étatique en Allemagne, donné l’élan final au parti nazi. 75
5—
La montée du fascisme dans la république de Weimar
On perçoit mieux à présent l’évolution de la société allemande qui a mené au
nazisme et des historiens comme Rita Thalmann, Richard Evans ou Konrad H. Jaraush la
relient aussi à celle de l’ensemble occidental. Dès 1870, l’instabilité des communautés
allemandes en Europe et les grandes migrations induisent un nationalisme vociférant et un
racisme généralisés. En Allemagne même, l’antisémitisme est dans les programmes de tous
partis de droite dès 1900; des auteurs théorisent des darwinismes sociaux et raciaux
extrêmes qui seront parties de l’idéologie hitlérienne. Selon l’historien Peter Gay, la
république de Weimar n’a fait que poursuivre ces tendances dont la Grande Guerre avait
exacerbé la violence.
76
En 1919, le traité de Versailles est perçu comme une humiliation
par les Allemands et la dictature Hindenburg-Ludendorf en refile l’odieux au nouveau
parlement en diffusant le mythe du « coup de poignard dans le dos » des communistes,
socialistes et libéraux. Ces partis républicains ne s’entendent pas; élu président, le socialdémocrate Friedrich Ebert faillit à sa tâche en préservant la bureaucratie impériale et en
approuvant des massacres de l’armée contre socialistes et communistes. L’extrême droite
continue d’assassiner avec l’assentiment de la magistrature, l’influence de l’armée reste
déterminante dans les institutions. Presque tous les partis s’entendent sur le rétablissement
75
B. Gazier,op.cit., p57-60. Harold James, The German Slump Politics and Economics 1924-1936. Oxford, Clarendon
Press, 1986, p1-8, 283-285, 320, 422-423.
76
Richard J. Evans. Rereading German History, from Unification to Reunification 1800-1996. London, Routledge, 1997,
pXXIII-XXIX. Rita Thalman, La république de Weimar. Paris, Presses universitaires de France,1986,p3-4,117-122.
Konrad H. Jarausch et Michael Geyer. Shattered Past, Reconstructing German History. Princeton NJ, Princeton
University Press, 2003, 392p. R.J. Evans,op. cit., p24-30, 34-41. Peter Gay, Le suicide d’une république, Weimar 19181933. Paris, Gallimard 1993 (68), p20.
30
de la puissance militaire. Les élites de droite imposent au peuple l’obsession de « briser
les chaînes de Versailles » et, en inversant l’aphorisme de von Clausewitz, 77 poursuivent la
guerre par la politique. Ainsi, même si les réparations de guerre ont été renégociées à
environ 3 % du budget fédéral en 1921, les dirigeants choisissent d’utiliser l’hyperinflation
afin de liquider la dette de guerre, beaucoup plus importante, aux dépens des épargnants
nationaux. Après les tactiques dilatoires du chancelier Wirth, son successeur Cuno lance un
défi menant à l’occupation de la Ruhr par les Belges et Français (janv. 1923). Sa
« résistance passive », beaucoup plus coûteuse que les paiements refusés, achève la
destruction du mark, mais élimine en même temps 90 % de la dette du Reich. La population
est terrifiée et la famine est réelle avec ses combats, pillages et révolutions. La confiance en
une justice libérale fait place au patriotisme extrême, à la haine des spéculateurs et des
financiers, surtout les juifs. 78
Plusieurs historiens ont parlé d’un « âge d’or de Weimar » dans les années 1924-29.
L’illusion d’un renforcement démocratique provient uniquement du ton modéré du ministre
Stresemann à l’étranger. Dans le pays, déflation et mesures d’austérité multiplient
d’impitoyables restructurations d’entreprises. Dès 1928, récession et guerre antisyndicale
réapparaissent, la vindicte des nationalistes extrêmes n’est pas entamée. Après avoir harcelé
le président Ebert jusqu’à sa mort (fév. 1925), ces derniers obtiennent une grande victoire
par l’élection du maréchal von Hindenburg. Pour l’historien Richard Evans, la culture
allemande baigne alors dans la déviance, les atrocités, l’extrémisme. Peter Gay l’a décrit
comme empreinte de morbidité, de violence, d’un refus du modernisme ramenant à la
barbarie. L’enseignement public se termine par « le coup de poignard dans le dos » et la
« honte de Versailles ». Les universités sont un vivier de putschistes, puis de nazis. L’état
comprime ses aides en bafouant les libertés civiles, la police resserre la surveillance. Des
77
Célèbre théoricien de la guerre, début 19 ième siècle: « La guerre, est la poursuite de la politique par d’autres
moyens »
78
R. Evans op. cit., p7-9, 15-17, 61-76, 97-110, 156. Alfred Wahl, L’Allemagne de 1918 à 1945. Paris, Armand
Colin,1993, p9-15, 22-28, 171. Jacques Bariety et Jacques Droze, L’Allemagne 3. République de Weimar et Régime
hitlérien 1918-1945. Paris, Hatier université, 1973, p21-39, 51, 72. Gaines Post,The Civil-military Fabric of Weimar
Foreign Policy. Princeton NJ, Princeton University Press, 1976, p34. Zara S. Steiner, The Lights that Failed. European
International History 1919-33. Oxford University press, 2005, p604-613. Marshall M. Lee, German Foreign Policy 19171933, Continuity or Break ? Leamington Spa N.Y., New York Berg, 1987, p28-31. Patrick O. Cohrs, The Unfinished
Peace After World War I; America, Britain and the Stabilization of Europe, 1919-1932. Cambridge University Press,
2006, p20-25. Peter Gay,op.cit., p28, 37-35. Rita Thalman, op.cit., p6-14, 35-37,46. Alfred Wahl, L’Allemagne de 1918 à
1945. Paris, Armand Colin,1993, p29-32.
31
fonctionnaires parlent d’euthanasier malades ou retardés mentaux, les cas psychiatriques
mènent à l’exécution judiciaire. Il y a quatre mouvements réactionnaires : des intellectuels
qui aspirent au Saint-Empire, les jeunes universitaires et des corps francs adeptes de la
violence, les pangermanistes (parti DNVP, Casques d’acier) veulent refaire l’empire de
1918, la révolution « völkish » (dont le nazisme) ajoute à cela le racisme biologique, la
démagogie et la brutalité qui lui assurent un vaste recrutement. 79
Au tout début de la récession, même les traités avantageux de Young et de La Haye
(août 1929) relancent la vindicte nationaliste, tandis que l’armée et von Hindenburg exigent
la collaboration entière du cabinet social-démocrate de Herman Müller pour le réarmement.
En mars 1930, ils le remplacent par celui d’Heinrich Brüning (Parti catholique Zentrum),
afin d’évincer les socialistes et de se rallier l’extrême droite. Ce dernier déclenche une
élection en septembre 1930, pour imposer des mesures d’austérité. Ses ministres se joignent
aux revendications nationalistes extrêmes, le parti nazi devient second au Reichstag et les
nationalistes DNVP s’y rallient. Brüning s’attaque alors au traité de Versailles en clamant
l’insolvabilité de l’Allemagne, puis il annonce (mars 1931) les prémisses d’un traité illicite
avec l’Autriche (Anschluss). Le chômage, l’agitation et la violence nationaliste vont
s’amplifiant, les communistes organisent des districts protégés et les bourgeois succombent
à l’appel nazi. Brüning obtient le gel des crédits étrangers et un moratoire des réparations
qui précède de peu leur abolition (juin 1932). Ces gains importants sont encore trop lents
pour le président Hindenburg qui le renvoie, alors qu'il entamait une lutte sérieuse contre
les milices nazies (31 mai). 80
Son successeur Franz von Papen, veut en finir avec le parlement et s’associer les
nazis. Le 4 juin 1932, il réhabilite leurs milices et leur accorde une autre élection, puis il
établit la loi martiale et abolit le gouvernement social-démocrate de Prusse. Les élections
du 31 juillet sont un triomphe dans la violence pour Hitler, qui refuse d’intégrer le cabinet
79
Richard Evans, The Coming of the IIIrd. Reich. New-York, Penguin Books, 2003, p74-82, 113-117, 120, 133, 141145,156. Rita Thalman, La république de Weimar. Paris, Presses universitaires de France,1986, p40-51, 55.60, 70-77,
101. Alfred Wahl, L’Allemagne de 1918 à 1945. Paris, Armand Colin,1993, p38-55. Peter Gay, Le suicide d’une
république, Weimar 1918-1933. Paris, Gallimard 1993 (68), p116.
80
Jacques Bariety et Jacques Droze, L’Allemagne 3. République de Weimar et régime hitlérien 1918-1945. Paris, Hatier
université, 1973, p48-53, 63-68. R. Evans, op. cit., p234-246, 257-271, 83-96. Peter Gay, op. cit., p198. Alfred . Wahl,
op cit., p55-58, 64-78. Rita.Thalman, op. cit., p105. Patricia Clavin, The Great Depression in Europe, 1929-1939.
London, Macmillan Press, 2000, p89-92.
32
von Papen, mais réussit à faire déclencher une autre élection pour novembre. Von Papen est
évincé par son ministre de la défense Kurt von Schleicher (déc. 1932), qui tente de réduire
la popularité d’Hitler, mais von Hindenburg préfère s’entendre avec ce dernier en janvier
1933. En mars, durant la « dernière élection » convoquée par Hitler, 66 % des électeurs
optent pour des partis prônant la fin de la démocratie. Selon l’historien Evans, les causes du
succès hitlérien incluent la mentalité de violence acquise durant la guerre, la rage contre
Versailles et l’hyperinflation, ainsi que la similarité des idéologies nazies, conservatrices et
même libérales du pays. Il y ajoute des facteurs conjoncturels pour 1929-32 : la Grande
Dépression, la division des conservateurs en face du dynamisme nazi et l’intelligence
politique d’Hitler. 81
6—
Réarmement clandestin et guerres diplomatiques 1919-33
Vers 1917, les objectifs des généraux et dictateurs Ludendorff et von Hindenburg
étaient similaires à ceux d’Hitler. Dès la signature de Versailles, les élites militaroindustrielles contournent les clauses du désarmement. Une seconde période (1920-26)
ajoute les recherches en armements et l’organisation clandestine de 1,1 million de
miliciens. Les Britanniques montrent qu’ils ne tiennent pas au désarmement allemand et
l’abolition de la Commission de surveillance (déc. 1926) permet un réarmement plus
tangible, sous les chancelleries Marx et Müller. Brüning le poursuit tout en claironnant la
faillite du Reich. Le rapport final sybillin de la Commission, montrant que les Allemands
n’avaient pas respecté le désarmement, est tenu secret par les dirigeants de France et de
Grande-Bretagne qui acceptent l’Allemagne à la Société des Nations.
Le régime de Weimar n’est pas non plus un interrègne pour la diplomatie, car ses
responsables impériaux n’ont pas été remplacés. Ils collaborent bientôt avec les militaires,
tandis que le Reichstag est exclu de leurs deux domaines. On travaille à invalider le traité
de Versailles en recherchant l’appui des Anglo-saxons contre la France, le cabinet pousse
même certains secteurs économiques à leur point de rupture pour « démontrer » que les
réparations de guerre sont excessives. Les coûts économiques de son obstination sont très
81
Alfred Wahl, op. cit., p80-83. Peter Gay, op. cit. p197. R. Evans, op. cit., p285-287, 295-307, 316-347, 442-452.
33
supérieurs aux paiements refusés, mais mettent fin au contrôle financier de la France et de
l’Angleterre en faveur de Washington. 82
De ce fait, le plan Dawes réduit à nouveau les réparations et prive la France de son
droit de rétorsion (1924). Le ministre allemand Stresemann obtient aussi des garanties
anglo-italiennes pour protéger ses frontières contre la France (1925, accords de Locarno), la
fin des contrôles sur l’armement et un siège à la Société des Nations. En 1929, les AngloSaxons lui accordent une autre réduction des réparations (plan Young) et la fin de
l’occupation de la Rhénanie (juil. 1930). En septembre de cette même année, l’élection
allemande peut être considérée comme le début de l’offensive diplomatique de Brüning,
faisant écho aux nationalistes extrêmes. Il s’attèle à la déstabilisation financière européenne
et demande à Hitler de poursuivre son agitation. Ensuite, il annonce l’union illicite austroallemande (Anschluss). Ses successeurs plus agressifs, les von Papen et Schleicher,
obtiendront entière satisfaction des Anglo-saxons au détriment des pays voisins par la
dissolution du traité de Versailles. Début 1933, Hitler reste plus discret afin de consolider
son pouvoir, au soulagement fort temporaire des diplomates étrangers.
83
Voyons à présent
les disputes internationales dont nous observerons l’écho dans la presse des trois autres
puissances impliquées.
C)
L’offensive diplomatique allemande 1929-33
Pour l’historien Patrick Cohrs, la paix et la stabilisation en Europe devaient être
consolidées et à ce titre, Britanniques et Américains ont failli après les traités de Locarno
(1925). Leur refus d’imposer des concessions à l’Allemagne et de se concerter dans le
système monétaire Gold Standard a eu les conséquences les plus néfastes à partir de 1928.
Trois facteurs aggravent l’instabilité européenne en 1931. La complaisance des puissances
devant l’agression japonaise en Chine discrédite la Société des Nations. La mésentente au
82
Andreas Hillgruber. Germany and the Two World Wars. Cambridge Mass, Harvard University Press, 1981, p41-48.
Marshall M. Lee, German Foreign Policy 1917-1933, Continuity or Break ? Leamington Spa N.Y., New York Berg,
1987, p10-14, 32-47, 62-63. Barton Whaley. Covert German Rearmament, 1919-1939; Deception and Misperception.
Frederick Md., University Publications of America inc., 1984, p1-15, 19-35, 41-45, 51,97. Gaines Post,The Civil-Military
Fabric of Weimar Foreign Policy. Princeton NJ, Princeton University Press, p3,7-9,25,30,180,184-190.
83
Gaines Post, idem., p195-199, 267-275, 281-288, 302,355. P. Kruger, « La politique extérieure allemande et les
relations franco-polonaises (1918-1932) ». Revue d’histoire diplomatique, issues 2-4 (1981), p.264-294.
34
sujet des crises bancaires induit la Grande Dépression, l’agressivité allemande provoque
l’insécurité chez tous ses voisins. 84
7—
Les négociations financières internationales (1930-33)
En décembre 1929, le chef social démocrate Philipp Scheidemann dénonce le
réarmement allemand au Reichstag, violant l’omerta des castes militaro-industrielles.
Celles-ci et von Hindenburg décident alors de former uniquement des cabinets de droite en
y incluant les extrémistes. Dès l’élection de septembre 1930 (premier évènement-clé), les
ministres du cabinet Brüning se joignent aux extrémistes pour revendiquer d’autres
compromis sur Versailles. Le chancelier s’engage dans une diplomatie agressive, dont il
fait part à Hitler, car il entend bien utiliser la récession mondiale et l’agitation en une sorte
de partie de « tout ou-rien » contre les traités. Selon l’historien Edward Bennett, cette
subordination de la prospérité aux « intérêts supérieurs » de la Nation n’avait aucun
précédent en temps de paix. 85
86
Dès avril 1930, Brüning avait rejeté un projet français de confédération de l’Est
européen, déjà en récession grave. En octobre, il envoie plutôt le banquier Hjalmar Schacht
prêcher contre les réparations de guerre aux États-Unis en arguant d’un risque de
banqueroute. À ce moment, les Anglais rejettent toujours l’idée d’un moratoire des
réparations, perçu comme nuisible au crédit allemand et inutile dans le cadre du plan
Young… En mars 1931, Brüning provoque encore la communauté européenne avec un
projet d’union douanière austro-allemande, prélude à l’annexion. Les Français lui offrent à
nouveau l’union douanière dans l’Est européen et une aide financière assortie d’une trêve
diplomatique. Après un nouveau refus, leurs pressions financières provoquent la mise en
84
Patrick O. Cohrs, The Unfinished Peace After World War I; America, Britain and the Stabilization of Europe, 19191932. Cambridge University Press, 2006, p8-11. Zara S. Steiner, The Lights that Failed. European International History
1919-33. Oxford University Press, 2005, p602-603, 614-21, 626-628, 632-637. Gaines Post,The Civil-Military Fabric of
Weimar Foreign Policy. Princeton NJ, Princeton University Press, p358.
85
Edward W. Bennett, Germany and the Diplomacy of the Financial Crisis, 1931.Cambridge Mass., Harvard University
Press, 1962, pVII, 1-13, 7,11-15,18-29,30,34. Gaines Post,op.cit., p302. Sylvie Monnet, La politique extérieure de la
France depuis 1870. Paris, Armand Colin, 2000, p70-73,83. M. Lee, German Foreign Policy 1917-1933, Continuity or
Break ? Leamington Spa N.Y., New York Berg, 1987, p113-122, 129-130.
86
L’hyperinflation provoquée des années 1920-23 était motivée par les mêmes objectifs extérieurs.
35
tutelle de la banque autrichienne Creditenstalt (12 mai), aggravant l’instabilité bancaire en
Allemagne déjà induite par l’agitation nationaliste et les malversations. 87
Brüning déclare qu’il pourrait bientôt « être obligé » de cesser les paiements de
réparations de guerre, 88 ce qu’il réitère dans son manifeste du 6 juin. Il convainc néanmoins
les dirigeants britanniques d’oeuvrer à la destruction du plan Young lors de la réunion de
Chequers (second évènement-clé).
89
Il est important de résumer ici son manifeste à
l’encontre du plan Young, ce dernier « règlement complet et définitif » approuvé par le
Reichstag seulement depuis mars 1930 :
… que l’Allemagne ne peut se tirer seule de difficultés dont souffrent même les vainqueurs, que les
conditions supposées pour le plan Young ne sont plus valables, que les réparations privent l’Allemagne,
affaiblie par la guerre, des capitaux requis pour ses besoins et développement. Le fait que son gouvernement
ait mis de l’ordre à son budget, fait tous les efforts pour répondre aux engagements résultant de la défaite et
ait recours aux dernières forces et réserves de toutes les classes de la population lui donne le droit et lui fait un
devoir de proclamer à la face du monde que la limite des privations imposées au peuple est atteinte, les
conditions du nouveau plan sont démenties par l’évolution économique du monde, ce plan n’a pas apporté
l’allègement promis de l’avis de tous les intéressés. Aussi le gouvernement, est-il conscient que la situation
économique et financière du Reich l’oblige, de façon impérieuse, à délivrer l’Allemagne de la charge des
réparations devenue intolérable. L’assainissement économique du monde en dépend également.
Ce manifeste politique, sans démonstration économique, servira d’argumentaire aux
intervenants appuyant les décisions du président Edgar Hoover et du premier ministre
Ramsay MacDonald. À Chequers, le gouverneur Montague Norman (banque d’Angleterre)
avait conseillé d’éviter les turbulences. En l’occurrence, ce manifeste a un effet désastreux
sur la bourse de Berlin. Le 16 juin, une autre proposition d’aide française à l’Autriche est
contrée par les promesses (non tenues) de Norman, ce pays cesse d’honorer ses créances et
la crise s’aggrave derechef en Allemagne. Le 21 juin, l’annonce du moratoire Hoover prend
de court celui, voulu unilatéral, d’un Brüning anxieux d’améliorer sa popularité (troisième
évènement-clé). 90
87
Edward W. Bennett, Germany and the Diplomacy of the Financial Crisis, 1931.Cambridge Mass., Harvard University
Press, 1962, p15-65. Ozer Carmi, La Grande-Bretagne et la Petite Entente. Genève, Librairie Droz, 1972, p155-176. Zara
S. Steiner, The Lights that Failed. European International History 1919-33. Oxford University press, 2005, p638-646.
88
Sachant que cela ne réglait rien au niveau budgétaire. En réunion du cabinet, le ministre des finances
Dietrich décrit ce manifeste comme « une véritable déclaration de guerre », ce qu’il devint en effet.
89
À ce moment l’Allemagne dépensait déjà 50 % de plus que les Britanniques et Français réunis pour les armements
légers, et autant pour les armements lourds, ce dont le secrétaire Henderson voulait discuter, mais que le premier ministre
MacDonald refusa de considérer. Voir Germany and the Diplomacy of the Financial Crisis, 1931. Cambridge, Mass.,
Harvard University Press, 1962, p123-128.
36
À Paris, les ministres Pierre Laval et P.E. Flandin flairent un marché de dupe dans
ce moratoire. Le refus par Hoover de leurs justes demandes pour préserver le plan Young,
retarde son moratoire au 6 juillet 1931. Malgré les clameurs anglo-saxonnes à cet effet, la
crise du crédit allemand s’aggrave simplement parce que les réparations n’étaient pas le
noeud du problème. Même le dirigeant de la F.E.D. de New York, George. L. Harrison,
demande lui aussi de nouvelles garanties pour un prêt à la Reichsbank. À Paris, on exige
toujours un moratoire diplomatique, à nouveau refusé par Brüning sur les promesses
toujours non tenues du banquier Norman.
Le 13 juillet c’est la panique en Allemagne, on doit fermer toutes les banques pour
trois jours, tous les crédits étrangers sont « gelés » dans le pays, des décrets contrôlent
voyage, commerce, industrie, banque, ce qui restait de la liberté de presse. À Paris (18-20
juillet), Flandin propose un autre prêt des trois puissances, mais Hoover et MacDonald
refusent de risquer d’autres crédits (quatrième évènement-clé). Une dernière conférence à
Londres ne règle rien, mais déclenche au contraire la crise bancaire mondiale (21-23 juillet,
cinquième évènement-clé). Les Anglo-saxons pensent sauver leurs créances immobilisées
en Allemagne (Standstill Agreements), grâce au moratoire sur les réparations de guerre,
mais un nouveau comité international, où la France sera minoritaire, proposera bientôt leur
abolition. Entretemps, l’Allemagne pourra racheter ses autres créances selon ses propres
termes, forcément beaucoup plus avantageux. 91
Si le cabinet allemand s’inquiète enfin des effets politiques de ses manœuvres
financières, ses amis britanniques tiennent néanmoins à poursuivre leur action contre les
réparations. Norman, voulant se débarrasser de ses créances austro-allemandes, fait vœu
(avec le premier ministre MacDonald) d’abolir les dettes britanniques chez les Américains
ou de s’emparer d’un « butin » français. Mais la pression financière s’amplifie contre la
livre 92 et quand le public comprend que les banques britanniques possèdent 15 % des dettes
allemandes « non liquides », c’est la panique. MacDonald doit former un nouveau cabinet
90
Edward W. Bennett, Germany and the Diplomacy of the Financial Crisis, 1931.Cambridge Mass., Harvard University
Press, 1962, p73-85. Zara S. Steiner, The Lights that Failed. European International History 1919-33. Oxford University
press, 2005, p647-650.
91
E. Bennett, idem., p166-172,177-190,202, 223-224, 237-249, 257-293. S. Steiner, idem., p650-58.
92
S. Steiner ,op. cit., p656-659. E. Bennett, op. cit., p204-218, 253-257.
37
d’union nationale, qui abandonne le Gold Standard en laissant flotter la livre (21 sept.).
C’est ensuite la ruée vers l’or à New York. Environ 800 banques américaines font faillite en
octobre, stoppant brutalement la relance du pays.
Brüning ne gagne rien en popularité avec son dernier décret surnommé « de la
faim » (déc. 1931); la masse des chômeurs sombre dans l’apathie ou les combats de rue. Il
est démis de ses fonctions juste avant la conférence de Lausanne, qui abolit les réparations
aux dépens de la France et de la Belgique (juin 1932), mais le « traitement injuste de
l’ennemi » profite toujours aux nazis qui atteignent leur popularité électorale maximum
(juillet 1932, dernier évènement). Avec un taux de chômage record aux États-Unis, Hoover
perd son élection en novembre. En décembre, le premier ministre Édouard Herriot est roulé
encore une fois par Macdonald sur le réarmement allemand. Sa défaite parlementaire
consacre aussi la fin des paiements français sur la dette américaine, décision rapidement
imitée par presque tous les autres pays. 93
Edward W. Bennett conclut que les alliés devaient faire montre de conciliation
devant le refus allemand de payer les réparations, mais en exiger une meilleure attitude. Les
dettes et les réparations de guerre nuisaient bien un peu à l’économie mondiale, mais cette
dernière dépendait beaucoup des engagements interétatiques. Les procédures cavalières de
Hoover, la francophobie des Macdonald et Norman ont fait piètre figure; leur
irresponsabilité a maintenu l’Europe dans l’anxiété et encouragé les Allemands dans leur
folie des grandeurs. Pour Patrick O. Cohrs, l’effondrement financier et diplomatique de
1931 est dû au refus anglo-saxon d’établir une coordination monétaire internationale et de
renforcer les accords de Locarno par la sécurité paneuropéenne. Cependant, tous ces
effondrements ont été déclenchés par la diplomatie du « tout ou rien » de Brüning qui a
contribué à augmenter la popularité du fascisme en Allemagne, comme ses autres disputes
sur le « désarmement », expliquées ci-après. 94
93
Edward W. Bennett,op. cit., p257-263. Zara S. Steiner, op. cit., p660-690.
94
E. Bennett,op. cit., p294-302,306-308. Patrick O. Cohrs, The unfinished peace after World War I; America, Britain and
the Stabilization of Europe, 1919-1932. Cambridge University Press, 2006, p572-579. M. Lee, German Foreign Policy
1917-1933, Continuity or Break ? Leamington Spa N.Y., New York Berg, 1987, p151-152. S. Steiner, op. cit., p690-699.
38
8—
La conférence du « désarmement » à Genève.
Les problèmes de la sécurité et du désarmement ont constitué l’essentiel des travaux
inaboutis de la Société des Nations à partir de 1925. La signature du traité de paix BriandKellogg améliore l’atmosphère en juillet 1928, si bien qu’un projet de convention pour le
désarmement des nations voit le jour (mai 29), masquant aux publics des désaccords
insolubles. C’est à l’automne de 1931, sous la pression des militaristes allemands et des
pacifistes de Grande-Bretagne, que leurs dirigeants nationaux acceptent de fixer une date
pour la conférence de Genève. Fort publicisée, elle renforcera encore le fascisme allemand
pour les élections présidentielles (mars 1932) et parlementaires (juillet, sixième évènementclé).
Dès janvier 1930, le réarmement allemand engouffrait 700 millions de marks par
année. Les Français sortent bien un dossier sur ces violations (juin 1931), mais le premier
ministre MacDonald impose sa francophobie extrême contre celle plus modérée du Foreign
Office et de son secrétaire, Arthur Henderson, qui se voit imposer comme assistants deux
pacifistes extrêmes et germanophiles. De son côté, le président Hoover croit que le
désarmement de la France et la cession de Dantzig apaiseront l’Allemagne et que le
désarmement de toutes les nations leur permettrait de payer leurs dettes américaines... En
France et dans plusieurs autres pays bien au contraire, on exige de nouveaux traités de
sécurité dans le cadre de la Société des Nations. Entretemps, l’invasion japonaise de la
Mandchourie (dénoncée en déc.31) pose un premier grand défi à la Société, dont le
dénouement sera négatif pour sa crédibilité. 95
Cependant, c’est bien la tragi-comédie de la conférence de Genève (fév. 1932- oct.
33) qui lui porte le coup fatal. Le chancelier Brüning est pressé de justifier son réarmement,
le Britannique MacDonald veut plaire aux pacifistes, mais fait discrètement voter une
hausse du budget militaire (50 %). Les multinationales américaines obtiennent plus
d’escadres pour protéger leurs intérêts. Le délégué britannique John Simon informe
rapidement les Allemands que les Anglo-saxons veulent neutraliser Versailles. Après
nombre de manœuvres évasives, la conférence est suspendue (juin 1932) sur un
95
Edward W. Bennett, German Rearmament and the West, 1932-1933. Princeton NJ, Princeton University Press, 1979,
p34-54,60, 77-95,100-119,135-138. Zara S. Steiner, op. cit., p565-579, 587-595,767-771.
39
communiqué vaseux suggéré par Hoover. En juillet, le ministre von Schleicher proclame
que « les autres pays devront désarmer au niveau allemand (établi au traité de Versailles). Il
prépare secrètement une armée d’un million d’hommes et son cabinet ne tiend plus aucun
compte de la conférence. Les élections donnent pourtant la première place au parti nazi
(46,5 % des sièges du Reichstag, avec alliés). Le 8 décembre, les Anglo-saxons coincent à
nouveau le premier ministre Herriot et accordent à l’Allemagne l’égalité des droits en
matière d’armements (déc. 1932), tout juste avant qu’Hitler ne prenne le pouvoir. 96
Les années charnières 1930-32 consacrent donc l’échec de la coopération
internationale, qui mènera à la destruction de l’ordre mondial, à la Grande Dépression et à
la militarisation en Europe. Nous verrons, ci-après, quelles étaient les explications fournies
au grand public dans des quotidiens de France, de Grande-Bretagne et des États-Unis.
96
Edward W. Bennett, German Rearmament and the West, 1932-1933. Princeton NJ, Princeton University Press, 1979,
p125-149, 176-218, 226-237,240-255, 259-273, 281-288, 303-04, 356-379. Ozer Carmi, La Grande-Bretagne et la Petite
Entente. Genève, Librairie Droz, 1972, p16-17,198-228, 235. Richard D. Challener, From Isolation to Containment.
American Foreign Policy from Harding to Truman. New York, St. Martins press, 1970, p65-67. Gaines Post,The Civilmilitary Fabric of Weimar Foreign Policy. Princeton NJ, Princeton University Press, p59-71,146, 309-314. Zara S.
Steiner, op. cit., p579-585, 707-729, 738,750-791.
40
Chapitre II —
A)
Revue de presse, l’agitation allemande
Percée électorale fasciste au Reichstag (1930-09-14)
L’agitation nationaliste allemande reprend avec vigueur lors des accords du plan
Young et de La Haye (août 1929). Pourtant, l’échec du référendum allemand tenu à leur
encontre semble confirmer que les conflits issus de la Grande Guerre se résorbent. Le fait
que le président von Hindenburg remplace le cabinet du social-démocrate Müller par celui
du centriste Brüning (mars 1930) semble bénin à l’étranger. Pourtant l’état-major allemand
et le président veulent y inclure les droites extrêmes et accélérer le réarmement. En pleine
récession mondiale, Brüning en augmente le financement et applique des tarifs douaniers et
des politiques d’austérité pour renforcer le pays sur les marchés et trouver prétexte contre
les réparations de guerre. Ses décrets accélèrent le déplacement du vote des chômeurs, des
classes moyennes et des fonctionnaires vers les partis extrêmes. Le fascisme se renforce
aussi par les nouveaux électeurs, scolarisés dans la haine de l’étranger, tandis qu'Hitler
utilise ses techniques oratoires, d’organisation et de propagande pour la manipulation de
masses.
97
À l’étranger, le ministre des Affaires extérieures Stresemann (1924-29) avait donné
l’impression que l’Allemagne était apaisée. La campagne électorale de septembre 1930 est
l’instant où même les partis du cabinet centriste Brüning exigent de nouvelles concessions
des anciens alliés. Le scrutin du 14 fait sortir les nazis de la marginalité électorale. C’est
aussi le jour où l’agitation hitlérienne commence à déstabiliser financièrement le pays,
tandis que Brüning entreprend sa campagne internationale pour obtenir l’abolition des
réparations de guerre allemandes. 98
97
Presse et cinéma allemands selon Modris Ecksteins, p20. Une société empreinte de violence et de morbidité
selon les historiens Richard Evans et Peter Guay, entre autres, p31-35.
98
Voir chapitre 1, p29-36.
41
En France, le Temps et le Journal des débats politiques et littéraires.
Les deux quotidiens français couvrent cet évènement chacun par une dizaine
d’articles importants. Le Temps a un correspondant à la Société des Nations et un autre à
Berlin qui font état des résultats du scrutin et des conséquences politiques de façon
détaillée : revues de presse allemande et internationale, programmes des partis, discours,
conjoncture. La violence électorale n’est pas perçue anormale, de même que la situation
économique du pays, mais on observe que les partis, divisés sur la fiscalité, font une
« surenchère démagogique » en politique extérieure. Tous promettent la révision du plan
Young, voire de tout le traité de Versailles. Des ministres masqueraient mal leur intention
d’évincer la social-démocratie par un règne du maréchal von Hindenburg. On mentionne
que la propagande nazie est financée par de grands industriels et propriétaires terriens, que
la poussée du fascisme s’explique en partie par les deux millions de chômeurs
supplémentaires, mais on ajoute que cette option a pourtant 7 millions de votes en plus…
Un journaliste libéral allemand est cité à ce propos, Theodor Wolff 99 rappelle les méthodes
brutales des patrons contre les syndicats, la bureaucratie oppressive, les « demi-mesures »
de Brüning, la naïveté des jeunes face au programme nazi « saugrenu et abject ». Un autre
article du Temps expose la réorganisation illicite de l’armée allemande depuis 1918.100
Dans son « Bulletin du jour » de la première page, l’éditorialiste Louis Mill
101
fait
une critique acerbe de la politique allemande, proche de celle de quotidiens français dits
nationalistes extrémistes par les journalistes anglo-saxons. Il dénonce la fausseté des
programmes des partis, qui ont remplacé les questions sociales réelles par une surenchère
nationaliste. Les partis extrêmes et en particulier les « racistes » nazis menacent la paix et
aggravent l’instabilité économique. Mais l’éditorialiste redevient l’avocat de la
réconciliation dès le retour du cabinet Brüning, même si un « sentiment de malaise et
d’amertume se répand devant la violence de beaucoup d’Allemands, qui n’ont rien appris et
99
Écrivain et rédacteur en chef (1906-33) du prestigieux journal libéral Berliner Tageblatt.
100
Le Temps, 30-09-13-p2, Les programmes des partis. Un discours de M. Dietrich. -09-15-p1, Les élections pour le
Reichstag allemand. -09-16-p1, Le tournant des élections allemandes. -09-16-p2, Les élections allemandes. -09-17-p2,
Les élections allemandes. Revue de presse française. -09-18-p1, L’Armée allemande. Revue de presse internationale.
101
L’éditorialiste anonyme est probablement le propriétaire Louis Mill, prête-nom d’un vaste consortium d’industriels et
de financiers, et proche des partis radicaux ayant œuvré à l’apaisement de l’Allemagne. Voir p. 20.
42
même si la détente reçoit un démenti au moins partiel… » 102 il trouve aussi « impensable »
de laisser les sociaux-démocrates hors du cabinet, sous peine d’une dictature et d’un « saut
dans l’inconnu » :
C’est le chaos… Les partis ont préféré la surenchère démagogique en politique extérieure… On ne pourra
former de majorité (sans les sociaux-démocrates, à moins d’une dictature… (Cette agitation) est supportée par
des millions d’électeurs, triomphe des pires ennemis de la démocratie et de la paix… (En attendant), c’est de
force (qu’Hitler) veut faire sa révolution de l’âme allemande… Tant que la menace de l’extrême droite raciste
restera (il n’y aura pas) stabilisation en politique extérieure… (Ce peuple) a toujours déçu l’espoir en sa raison
et en sa bonne foi . 103
Dans le Journal des débats, on explique aussi bien les effets locaux du scrutin :
reportages à Berlin, revues de presse, analyses, la violence électorale semble aussi perçue
dans la norme. On note que l’instabilité du Reichstag s’est aggravée, que les « centristes »
de Brüning se sont réservé le choix d’une coalition avec socialistes ou extrême droite, mais
surtout que tous les partis ont dénoncé les traités (citations de Hitler, des ministres Wirth,
Stegerwald, Curtius). Hitler a promis d’établir 20 millions d’Allemands en Russie et
Goebbels prétend remodeler l’Europe avec les ennemis de la France.
Pierre Bernus
105
104
L’éditorialiste
est résolument hostile à cette évolution. Il entrevoit une dictature
nationaliste et militariste, dénonce les compromis faits à l’Allemagne par le ministre
français Aristide Briand. L’autre éditorialiste, A. Albert-Petit, explique que le nationalisme
et le militarisme extrêmes sont tellement courants en Allemagne, que seuls les tenants des
compromis à tout prix, partisans du ministre Briand, peuvent être surpris de cette poussée
fasciste. Bernus conclut : « Quels que soient ceux qui auront le pouvoir, ils poursuivront la
campagne contre les traités et seront au service du pangermanisme, véritable vainqueur de
ces élections » : 106
102
Le Temps, 30-09-18-p1, Après les élections allemandes. 30-09-19-p1, En Allemagne après les élections.
103
Le Temps, 30-09-15-p1, Au lendemain des élections. -17-p1,2,6, Le chaos politique en Allemagne. -20-p1, Chaos
politique en Allemagne.
104
Journal des débats, 30-09-14-p1, Allemagne, les élections. -09-15-p1, Les élections allemandes. L’Allemagne vote
Revue de presse. -09-16-p1,Résultats électoraux. Revue de presse. Le nouveau Reichstag. Le triomphe des extrémistes.
-09-17-p1, L’effet produit. Les répercussions sur la politique extérieure. Une entente du centre avec les socialistes
pourrait-elle empêcher l’aventure ? Revue de presse. Discours de M. Curtius à la S.D.N. -09-18-p1, Le discours de M.
Curtius. L’effet des élections allemandes sur la politique extérieure. Revue de presse, où va l’Allemagne ? -09-21-p1, La
politique allemande.
105
Bernus et Albert-Petit sont des journalistes et historiens chevronnés, voir chap. 1, p 20.
106
Journal des débats, 30-09-18-p1, L’effet des élections allemandes. -p1, Le discours de M. Curtius. 30-09-21-p1,
Politique allemande.
43
P. Bernus; le malheur pour nos collectivistes est qu’aucun homme politique outre-Rhin ne cherche à donner
le change… Tous partis allemands ont (demandé) la révision des traités (et) les plus violents ont le plus de
succès… C’est possible qu’une partie de l’extrémisme soit dû à (la crise), mais ces crises ont souvent mené à
une politique extérieure aventureuse… A.Albert-Petit; le succès des nationalistes (extrêmes) a surpris, il était
inévitable. Hindenburg est érigé en protecteur de paix, des idéalistes comptent sur la sagesse des nonrévolutionnaires, veulent prendre le peuple aux sentiments (mais) l’Allemagne est intoxiquée par son
éducation qui a surexcité l’orgueil national (par) l’idée fixe qu’elle doit être première nation, qu’on lui a volé
sa place, préjudice intolérable. Ceux qui (le savent) ne sont pas surpris que les concessions aient donné ce
résultat. 107
En somme, les quotidiens français fournissent les réactions les plus vives à cette
poussée électorale fasciste, puisqu’un troisième allègement des réparations allemandes
venait de s’ajouter à la fin de l’occupation de la Rhénanie et qu’on pensait ainsi apaiser le
nationalisme allemand. 108 Il n’est pas question d’une crise économique aiguë, eu égard à la
récession sur le continent, mais on pense qu’elle risque de s’aggraver par la mauvaise
administration du Reich, son réarmement occulte et son agitation nationaliste. Tout cela
fournit un tour d’horizon plutôt correct des crises économiques et sociopolitiques
allemandes.
En Grande-Bretagne, le Times, le Manchester Guardian.
Les reportages en Grande-Bretagne sont aussi de qualité. Les violences électorales
ne semblent pas perçues excessives dans le Times, mais on y produit un historique précis de
la carrière d’Hitler et une description de l’organisation paramilitaire nazie. On parle de ses
assemblées remplies de jeunes désireux d’une « marche sur Berlin » et de la répudiation des
réparations de guerre, croyant que tous les problèmes du pays proviennent des Juifs,
marxistes et financiers étrangers. Les enjeux budgétaires sont mentionnés : partis qui ne
s’entendent pas, budget mal administré, fausseté des discours politiciens contre le traité de
Versailles; on note même que « l’appel nazi d’un idéal nationaliste, subjuguant individus et
intérêts de classe » n’est plus marginal.
Ces informations sur la radicalisation, parlementaire, sociale, phobie des réparations
et les revues de presse internationales contredisent l’optimisme de l’éditorialiste
109
et d’un
seul correspondant à Berlin. L’éditorial laisse pourtant entrevoir certaines causes de la
107
Journal des débats, 30-09-15-p3, Revue de presse. -p1, Les élections en Allemagne. -16-p1, Le triomphe des
extrémistes en Allemagne (Pierre Bernus). -17-p3, Revue de presse. –p6, Le discours de M. Curtius. -p1, Après les
élections allemandes (Pierre Bernus). -17-p1, L’effet produit (A. Albert-Petit).
108
Armel Marin, « Plan Dawes », « Young plan » . Encyclopedia Universalis. En ligne, le 2011-04-25.
44
poussée extrémiste : « patriotisme belliqueux des jeunes », brutalités antisyndicales,
conservateurs voulant une nation forte, « étrange ressentiment » contre Versailles, malgré
les allègements du plan Young. Il ajoute enfin que des « gens compétents » ne croient pas
que l’Allemagne souffre plus de la récession mondiale et que l’inclusion de nazis au cabinet
serait désastreuse sur l’opinion internationale, mais que Brüning et ses alliés « refuseront
cette expérience dangereuse ». Cependant, l’éditorialiste se recentre ensuite sur le seul
aspect passager du chômage additionnel et il argue que les nazis modéreront probablement
leur politique en s’approchant du pouvoir. Il prédit donc la poursuite habituelle des affaires,
puisque les partis de l’ordre sont en contrôle et que leur politique extérieure sera
raisonnable. Après le choc initial des reportages des premiers jours, la violence hitlérienne
se voit minimisée, eu égard au seul dernier discours rassurant d’Hitler… ; 110
Articles; In Germany, (there is a) misleading idea that all ills proceed from reparations … Creditor countries
consider Germany should be standing better with finances better managed… ideas against Versailles played a
part, (but also) mismanagement… Nazis politics (is) revolution and capture of German soul, (to settle)
accounts with those who had led its astray… Hitlerists anti-semitism, racial purity, economics, appealed to
working class… (Commanders of) detachments are connected with murder. (Their) programme suggests
violence against opponents, (but with) last words from Hitler, prospects clear considerably. Édito; Germany
need a strong Democratic government for reconstruction (and to) eschew dangerous adventures in foreign
politics… Resentment against Treaty (have) increase in spite of substancial remission of payments. (But)
orderly elements are preponderant. (It may be that) expension will transform the nazi organization and that it
will realize it can destroy confidence of the World, upon which prosperity continue to rely… 111
Au Manchester Guardian, un seul reportage touristique
112
échappe au « postulat»
nationaliste allemand d’une crise économique spécialement grave, mais plusieurs articles
donnent une idée précise de la situation politique. Selon l’éditorialiste Edward T. Scott 113 et
son correspondant à Berlin, la république est en danger à cause de la manière dont le pays a
été traité depuis la « soi-disant paix de Versailles » : détresse économique, « évacuation
109
Nous utiliserons ce qualificatif pour le duo George Geoffrey Dawson et Robert M. Barrington-Ward,
sympathisants reconnus de l’Allemagne, même hitlérienne, voir p23.
110
The Times, 30-09-13-p9, The German Elections. -13-p11, German’s Choice. -15-p12, The German Elections. -16-p11,
France and German Elections. -16-p13, The German Elections. -17-p12, The German Elections. -18-p11, The Rise of the
Nazis. –19-p10, Outlook in Germany.
111
The Times, 30-09-13-p10, Germany’s Choice. -16-p13, German Elections. -17-p11, League assembly speech by Herr
Curtius. -p12, The German Elections. 18-p11, Centre and the Nazis, Coalition Opposed. -19-p10, German Elections.
112
Manchester Guardian, 30-09-19-p8, Holiday Souvenirs from Germany. Nous disons ici « postulat », nous pourrions
aussi utiliser le mot « dogme », puisqu’il s’agit d’une crise économique non appuyée par des enquêtes.
113
Sympathisant libéral de la république de Weimar depuis les conférences de Versailles (1919).
45
tardive » de la Rhénanie, « innombrables humiliations et inhumanités » imposées par
Varsovie et Paris, promesses brisées du désarmement des pays voisins, minorité allemande
maltraitée en Pologne… Selon le correspondant, il ne faut pas croire que tous ceux qui
votent nazi soient antisémites ou violents, ou même que les nazis sont fascistes, puisqu’ils
ont vaincu les réactionnaires qui le sont… Il est aussi premier à entrevoir sereinement une
« semi-dictature… temporaire et modérée » qui inclurait les nazis, « puisque le président
Hindenburg les préfère aux socialistes ». Un autre analyste fait un portrait précis des partis
et conclut que la haine des Allemands envers riches et privilégiés a fait perdre l’élection
aux réactionnaires et que le pays est déjà en semi-dictature. L’éditorialiste reste finalement
serein face à la poussée extrémiste, considérée temporaire, le cabinet peut s’allier aux
socialistes, le correspondant de Berlin la prétend même en régression grâce à la défaite des
partis réactionnaires :
Articles ; National Socialists stand against treaties, dictation of Powers and (for) the purging from Jewish and
other influences… are for a modified Dictatorship. (Even if) parliamentary government fail, (long)
Dictatorship is hardly to be feared, (but) will have consequences… corr. de Berlin; Elections are victory for
radical protests… It is (not) possible to describe Nazis as Fascists. (This) movement is a consequence of the
way Germany has been treated since so-called peace… Édito ; … It would be a mistake to take results too
seriously. (Not all) fascists votes for official antisemitism and rowdyism of leaders, (many vote against)
conservatives futility. Goverment may became more liberal… Fascist vote is only a protest against economic
distress, indignity of German position, occupation of Rhineland that ended too late, innumerable hardships,
inhumanities and humiliations, breaking of pledges to disarm… 114
En somme, la presse britannique a une couverture plutôt correcte de l’évènement sur
le terrain. Elle est aussi surprise par cette poussée extrémiste et l’explique de deux façons
opposées. L’éditorialiste du Times perçoit d’abord plusieurs problèmes de fond et déplore
la colère permanente des nationalistes contre Versailles, dont il défend la légitimité. Il se
recentre ensuite sur l’aspect temporaire des crises budgétaire et du chômage, sans les
expliquer particulièrement catastrophiques et souligne le danger d’inclure des nazis au
pouvoir. Le Manchester Guardian dénonce plutôt, avec les nationalistes allemands,
l’« oppression de Versailles » comme cause de toutes difficultés du Reich, dont cette
récession « très grave ».
115
Même pour l’éditorialiste E.T. Scott, attitré à la couverture de
l’économie mondiale depuis 1919, le système monétaire Gold Standard et les entraves au
114
Man. Guardian, 30-09-15-p1, Shots Fired in Berlin. -15-p16, Extremists Gains in Germany. -16-p10, Germany’s
Verdict. -16-p11, The Possible New Governments. -16-p16, Geneva and German Elections. -17-p15, Germany and
League Aims. Discourse of Dr. Curtius. England’s Part in Europe. -20-p17, Political Outlook in Germany. -22-p4, More
for French Armaments.Man. Guardian 31-06-16, p11, German democracy I danger. -16-p11, The Possible new
Governments. -16-p15, England’s part in Europe, Blamed for German Elections.Man. Guardian 30-09-16, p10,
Germany’s Verdict (editorial). -16-p15, Germany and League Aims.
46
commerce mondial n’entrent pas en ligne de compte.
116
Son correspondant à Berlin atténue
les aspects violents et antisémites du nazisme et prétend que les conservateurs vaincus sont
les fascistes (ils le sont presque). Il admet que le pays va passer « sous semi-dictature…
temporaire », que les nazis seront appelés au cabinet, car le président les préfère aux
socialistes (ce qui est vrai). L’éditorialiste conclut que la politique extérieure allemande
restera modérée si elle obtient « enfin » des concessions...
Aux États-Unis, le Washington Post, le New York Times
Il n’y a pas d’inquiétude au Washington Post, qui a la couverture la plus faible, mais
néanmoins correcte de cette élection. Les violences électorales sont rapportées sans
insistance et trois enjeux sont bien identifiés; les effets financiers de l’agitation, l’attaque
des partis bourgeois contre la sociale démocratie, la politique extérieure, qui ne serait pas
remise en cause. On constate que la république est ébranlée par le succès des deux partis
extrémistes (trois avec le DNVP) qui veulent la renverser.
117
L’éditorialiste anonyme
118
minimise la poussée fasciste et argue de son aspect passager, favorisé par le chômage. Il ne
peut croire que la population se convertira à une « forme de dictature russo-italienne ». Ne
restent ensuite que quelques entrefilets : la police allemande a arrêté 28 « rouges », le
chancelier Brüning reste en poste, Hoover est rassuré par l’ambassadeur allemand. Un seul
autre intervenant est pessimiste, E. A. Walsh, v.-p. de Georgetown University, craignant
une dictature hitlérienne et une menace à la paix européenne :
Édito; Conservative forces, which (struggled) to rejuvenate Germany were buried under a fascist landslide
(due) to business depression, unemployment and taxation. (But there is no) wholesale conversion to policies
of fascism nor to illusions of communism… Moderate elements will fend off attacks of the extremists (if)
Social Democrats enter in the coalition… (Germans) must undergo a vast change before Republic is replaced
by a mixed Italian-Russian dictatorship… Intervenant; Teutons give civilization something to worry…
everything can happen now… With Hitler (holding) balance of power, every countries will be affected by
these events in the Reich… That 13,5 million Germans votes against (Republic) may be discounted by
business depression or protest against burdens of defeat. (However, the situation is) filled with gravest
115
Traité de Versailles fort allégé.
116
À ce sujet, chapitre 1, p8-9, 25, 29-31.
117
Washington Post, 30-09-14-p2, Riots Stir in Germany. -15-p1, Germany’s Republic Shakes in Landslide of Radical
Ballott. -16-p1, Workable Regime Sought in Germany. -17-px, Rumors of fascist Plot in Berlin.
118
Anonyme, mais nous devons supposer qu’il oeuvrait avec son propriétaire Edward B. MacLean, ultraconservateur et
du parti républicain. Voir chap. 1, p27.
47
possibilities… Concessions to Hitler would be unconditionnal surrender and the establishment of a fascist
dictatorship. 119
Le New York Times a la couverture la plus importante de cet évènement (24
articles). Les reportages sont plutôt sombres. Les journalistes expliquent que la
radicalisation de tous les partis contre les traités est un changement important de la donne
politique, montrent bien la violence nazie, l’inquiétude internationale, parlent même d’une
« intervention alliée possible en cas de répudiation de Versailles ». Ils remarquent aussi les
premiers effets financiers de l’agitation. Tout cela contraste avec l’optimisme de
l’éditorialiste 120 et exceptionnellement, de plusieurs intervenants de Wall Street. Selon eux,
le surcroît d’extrémisme provient de l’abus des dépenses du Reich et de ses programmes
sociaux, le tout aggravé par la récession et le chômage temporaires. On escompte que les
sociaux-démocrates et les partis bourgeois veilleront à l’entente internationale, puisque
même les nationalistes et le président Hindenburg ont toujours agi en ce sens… De plus, les
partis extrémistes se rallieront forcément à la réalité. Pour Wall Street, il n’y a pas de
problème, les partis centraux sauront faire face aux extrémistes trop divisés, le parti
hitlérien est capitaliste et n’est qu’une autre expression du nationalisme traditionnel, qui a
« heureusement pris de la force contre les partis de gauche ». Le discours en apparence
modéré du ministre Curtius à la Société des Nations est ajouté à ces uniques opinions
optimistes :
Premiers articles; Campaign afforded inflammatory agitation (and follies from) Reichstag groups, (which)
has financial repercussions… Reduction of reparations and evacuation of Rhineland (are achieved,
paradoxally everybody is claiming) for revision of Versailles… Hitler exploited social privations, (kindled)
imagination of young voters, the cry for dictatorship. British and other optimistics believe that if Nationalists
get the control, they will be chastened by responsabilities… Édito; … Difficulties (caused by) excessive
expenditures and social insurances. Depression and unemployment aggravated (them. We can assume a
coalition) between Socialist and Bourgeois parties. (Those) tried reconciliation with Allies… Banquiers,
économiste G.W. Edwards; capable men face foes divided in all. (Nazi) party is a capitalist one, (even if)
some leaders criticized banks and (are) virulent anti-Jewish. This party (is just an) other expression of
nationalism… Édito; Elections (have not) carried Germany much beyond the situation of half a dozen years
ago… 121
119
Washington Post, 30-09-15-p1, Germany’s Republic shab in Landslides of Radical Ballots. 30-09-16-p6, The German
Elections. -21-p13, Germany.s Future also contains Key to europe’s Peace (Henry K. Norton).
120
L’éditorial en affaires extérieures relevait d’une collaboration entre Frederick T. Birchall, d’origine britannique, ancien
chef de bureau à Londres et Edwin L. James, ancien chef de bureau à Paris. Leur réunion quotidienne incluait aussi le
propriétaire du journal Adolf Simon Ochs, d’origine juive. Voir, chap. 1, p26-27.
121
NY Times, 30-09-14-p1, Gun Battle in Berlin in Eve of Election. -14-p55, Reich Elctions expected to show Stiffening
of Nationalistic Sentiment.-15-p1, Fascists Make Big gains in Germany (G. Enderis). -15-p2, Fascists Glorify PanGerman Ideal. -16-p1, Moderates Chape Coalition to Held Power. -16-p3, League is Uneasy over German Vote (C. K.
48
Articles 17-21 sept; Fascists discovered they are without programme, (reached) their peak… If they prevail,
there would be repudiation of Versailles, (with) military intervention by Allies… While there is impatience in
German quarters about Young plan, (they) absolve Germany of all responsabilities… Britten, Head of the
Naval Committee, says Europe is arming for explosion, (as) election presage reconsideration of Treaties…
Hitler’s fiery oratory has won all classes to support national-bolchevism and the youngs for a war of
revenge... Éditos; Hindenburg has served the Republic loyally… analyste financier Walter W. Ross;
Investors need no anxiety. (Liberals with Labor or Conservatives) would give most stable government.
(Happily), there is a swing to nationalism (against left, and) radical parties always modify philosophies when
they are invited to share power. 122
En somme, les articles de ces deux quotidiens américains ont une présentation plutôt
sombre de cet évènement et pourtant, les deux éditoriaux en ont une même vision
rassurante. Les enjeux politiques sont identifiés : effets financiers de l’agitation, offensive
contre la sociale démocratie, république ébranlée par les révolutionnaires, radicalisation des
partis. Ils restent optimistes sur la poursuite des politiques, puisque le succès hitlérien sera
temporaire, relié au « taux de chômage », qu’ils ne montrent pourtant pas extraordinaire.
Les partis bourgeois, avec le social-démocrate, remettront les choses en état et les nazis se
rallieront aux réalités. Pour deux intervenants de Wall Street, le parti nazi est capitaliste et
n’est qu’une expression du nationalisme traditionnel, heureusement renforcé contre la
gauche. Nous devons donc constater une dichotomie entre le côté sombre des faits
sociopolitiques rapportés dans les articles et les opinions éditoriales optimistes, partagées
par le département d’État en ce qui concerne le Washington Post et par Wall Street, en ce
qui concerne le NY Times.
En conclusion, la couverture des évènements politiques en Allemagne est partout
correcte. La violence électorale, en particulier celle des nazis, n’est pas perçue excessive et
cela doit s’expliquer par le degré de violence usuelle (électorale et sociétale) dans les trois
pays.
123
Cette poussée nazie est considérée comme fortuite et temporaire dans trois des
quotidiens anglo-saxons (deux Times, Washington Post). Elle est expliquée comme un
mouvement de fond chez les Français, pour qui l’agitation nationaliste est la première cause
de l’instabilité économique en Allemagne et au Guardian, qui adopte à l’inverse le point de
Streit) Clouds over Europe Cause London Gloom (C. E. Selden). NY Times, 30-09-14-p53, Germany’s General Election.
-16-p3, Bankers Minimize Reich Fascist Gains. -16-p20, The German Elections.
122
NY Times, 31-06-17-p6, Fears War Menace in German Election. -17-p1, Reich Cabinet Stays, Socialists to Aid It. -20p1, Expect the Reich Ask Reparation Changes. -20-p9, Germany Tranquil in Spite of Politics. -21-p8, Britten, Back, dees
Distant War Sights. -21-pE3, Anti-semitic Fight Looms in Reichstag. -21-pE3, French alarmed by Reich Election. -18p26, Other German Election. -21-pN11, Bankers Here Holds German Bonds safe.
123
Chap. 1, p16-26.
49
vue des nationalistes allemands contre les traités. C’est finalement le Guardian et le
Journal des débats, chacun aux antipodes des camps diplomatiques, qui annoncent avec le
plus de précision les évènements à venir de la politique allemande et de la diplomatie
européenne.
50
B) Réunion de Chequers et Manifeste Brüning (1931-06-06).
Nous avons vu au chapitre 1 que le chancelier Brüning s’était entendu avec Hitler
dès octobre 1930, afin de poursuivre l’agitation nationaliste au pays, tandis que lui-même
s’attaquerait au plan financier de Young et à l’ensemble du traité de Versailles.
124
Il envoie
aussitôt le banquier Hjalmar Schacht aux États-Unis pour faire une longue campagne à
l’encontre des réparations de guerre, en arguant d’un risque de faillite du Reich. Après
avoir semé la controverse internationale avec le projet d’union douanière austro-allemande
(mars 1931, prélude à l’annexion de l’Autriche), il prépare en mai un manifeste annonçant
l’insolvabilité de l’Allemagne. Ce dernier est qualifié de « déclaration de guerre » par le
ministre des Finances Dietrich et aura cet effet sur la diplomatie financière. Ce manifeste
est diffusé durant la visite « informelle » de Brüning chez les Britanniques (à Chequers, 5-7
juin 1931) et est censé « démontrer les efforts terribles consentis par le peuple allemand ».
En annonçant la faillite à court terme du Reich, il ne peut évidemment qu’aggraver la fuite
de capitaux induite par l’agitation nazie. Le premier ministre MacDonald et le gouverneur
Norman, de la Banque d’Angleterre sont néanmoins tout acquis aux objectifs révisionnistes
du chancelier et, derrière les communiqués anodins de Chequers, coordonnent l’ultime
campagne dirigée vers la Maison-Blanche, afin d’imposer l’abolition des réparations de
guerre, surtout aux dépens des Français et Belges. 125
En France, le Temps et le Journal des débats politiques et littéraires
Le Temps offre une bonne couverture de la visite de Brüning à Chequers,
commençant par ses mondanités et communiqués officiels. Le premier jour, l’éditorialiste
Louis Mill est compatissant pour Brüning, au vu de l’appui officiel britannique envers les
traités, s’inquiétant même de l’impact de son échec. Mais après la diffusion du manifeste, il
rejoint le Journal des débats dénonçant cette attaque contre le traité de Young. Pour lui, les
nouveaux décrets d’austérité et le manifeste du chancelier sont émis juste au moment de la
réunion pour justifier une nouvelle campagne contre les réparations de guerre, alors que
tous les partis allemands semblent s’entendre pour faire pression sur les créanciers du pays.
124
Chapitre 1, p36-40, et résumé du manifeste de Brüning, p37.
125
Voir l’offensive diplomatique allemande/Négociations financières internationales, p35-38.
51
Mill dénonce ces « méthodes de ruse et de défis » et ce manifeste bien politique, « aux buts
inavouables », masqués par des « arguments économiques trompeurs ». L’Allemagne n’a
pas fait les efforts requis contre ses dépenses excessives de propagande pangermaniste,
d’armements secrets et de crédits aux Soviétiques. Selon lui, la thèse économique de
Brüning, selon laquelle les réparations enlèvent le capital à l’économie allemande et même
à celle du monde, n’est pas justifiée.
126
Il faut refuser ce nouveau chantage allemand,
respecter les traités pour « sauver l’Europe des épreuves qui l’attendraient autrement ».
Cependant, Mill se réjouit de constater que les Anglais n’ont pas été « trompés » par toute
cette agitation:
(On se demande) si ces entretiens ne risquent pas d’aggraver le malaise (si) Brüning n’obtient pas de succès…
On (est) frappé par la coïncidence (du manifeste avec la réunion), comme si elle était relative aux réparations.
On oublie trop que sa détresse est due aux fautes de l’Allemagne, dépenses somptuaires, propagandes et
armements… reste à montrer que (l’effort de M. Bruning) est suffisant… Ce danger d’effondrement du Reich
(qui l’exploite) à des fins politiques ? La cause plaidée n’est ni claire ni simple (des préoccupations
inavouables, masquées) par des arguments financiers qui ne trompent pas les Anglais (voyant ces) méthodes
allemandes (de ruse et de défi)… (Cette nation consacre) des sommes énormes à un armement dépassant celui
des traités, à des crédits aux Soviets (vit systématiquement) au-dessus de ses moyens… Si, contre toute
logique, on devait (réviser les réparations), quelles garanties exiger ? ... (Les Allemands croient) qu’ils
obtiendront plus par chantage que par loyale exécution des traités… La question (est) de sauver l’Europe des
épreuves qui l’attendent si on n’agit pas dans un esprit de paix et de solidarité… 127
Au Journal des Débats, Pierre Bernus est du même avis sur les causes de la crise
financière du Reich. Il souligne que les difficultés budgétaires allemandes proviennent
simplement de ses dépenses militaires occultes, de travaux ou de dépenses sociales faits sur
emprunts. En plus de fustiger le cynisme des Allemands à l’encontre de leurs obligations
internationales, il dénonce la politique française de compromis, qui a mené à cette nouvelle
attaque de l’Allemagne, aussi les pacifismes anglo-saxons « à la mode ». Pour lui la misère
claironnée du Reich est toute relative et il conclut « qu’on sera surpris de la rapidité du
rétablissement du Reich, si on cède à sa pression ». Enfin, il explique bien et dénonce ses
objectifs stratégiques en Europe :
Une entente anglo-allemande ne saurait favoriser la consolidation européenne. Les Allemands (seront
encouragés, méthodes (et) buts sont condamnables … Le Reich (n’a pas) diminué ses dépenses militaires,
gaspille ses ressources (met) l’Europe en demeure de lui prêter… Le plan Young (justifiait l’évacuation) de la
Rhénanie. (L’Allemagne) n’a pas (attendu de faire croire qu’elle s’exécuterait)… (Sa) misère est relative (ses
126
Le Temps, 31-06-07-p1, Les entretiens de Chequers. -08-p1, L’Allemagne et les réparations, -09-p1, Les conversations
anglo-allemandes à Chequers. -10-p1, Le problème allemand. -11-p1, La visite des minstres allemands en Angleterre.
127
Le Temps, 31-06-06-p1, Les entretiens anglo-allemands. -07-p1, Les entretiens de Chequers. -08-p1, L’Allemagne et
les réparations. -09-p1, Les entretiens de Chequers. -10-p1, Le problème allemand.
52
embarras passagers). On sera surpris (de) la rapidité du rétablissement si l’on cède. (Elle veut) réarmer pour
panser « la blessure ouverte à l’Europe » à la frontière polonaise. Avec l’Anschluss et la Mitteleuropa,
l’Europe ressemblera à celle (rêvée par Guillaume II)… Une des erreurs des faux pacifismes à la mode est
qu’ils favorisent gouvernements et hommes subversifs… L’apaisement ne fait que les exciter. (Garantir la
paix de cette façon est travailler pour la guerre… 128
En somme, les Français imputent les problèmes financiers du Reich à l’agitation
nationaliste et à celle financière de Brüning, à la mauvaise gestion du budget, au
réarmement secret. Ces abus doivent cesser pour espérer une amélioration de la situation
financière, exploitée à des fins politiques inavouables. La confiance de l’éditorialiste du
Temps est au plus bas envers les Allemands, mais celle qu’il a pour les Britanniques repose
sur des communiqués officiels voulus anodins.
129
Au Journal des débats, l’éditorialiste
dénonce le « cynisme » des Allemands et cette seconde « faillite publicisée ». Il prévient les
pacifistes et les partisans de l’apaisement « qu’on sera surpris de la rapidité de son
rétablissement si on cède aux pressions du Reich ». Ce sera bien le cas dès 1933 et même
chez les historiens de l’économie. Il décrit aussi correctement les objectifs stratégiques du
Reich, effectivement atteints en 1938.
130
Dans ces quotidiens de France, on considère les
actuels dirigeants du Reich presque aussi extrémistes que les chefs des partis nationalistes
DNVP et Nazi pour la politique extérieure.
En Grande-Bretagne, le Times et le Manchester Guardian
Le Times couvre discrètement la réunion de Chequers, simplement montrée comme
mondaine et informelle… Cependant, avec le discours succinct de Brüning et son manifeste
du 6 juin, on adopte le « postulat » d’une récession et d’une crise budgétaire allemandes
spécialement graves. Pourtant, y paraissent trois reportages d’un journaliste ayant visité le
pays (The German Scene), rare témoignage allant à son encontre, exposant aussi le
fanatisme et la violence des miliciens hitlériens. Mais les autres reportages issus de Berlin
soutiennent que la situation allemande « contient de nombreux dangers », pouvant être
128
Journal des débats, 31-06-07-p6, L’acceuil fait à Londres aux ministres allemands (Pierre Bernus). -08-p1, Les
nouvaux méfaits de la politique de liquidation (P. B.). -08-p1, Chequers, le manifeste allemand (P.B.). -09-p1, Vers une
demande de revision du plan Young (P.B.).
129
Voir chap. 1, p37-40.
130
Réarmement, Mitteleuropa, Anschluss et frontière polonaise.
53
évités par un succès de Brüning contre les réparations,
131
puisque son « génie » est un
« rempart de la démocratie et de la modération ». L’éditorialiste constate néanmoins au
début que les difficultés des Allemands sont en partie de leur faute et qu’aucune preuve n’a
été faite de leur incapacité à payer les réparations, qui sont par ailleurs justifiées, aussi faitil appel à leur raison. Pourtant, en percevant Brüning comme un modéré et en acceptant son
postulat de difficultés allemandes extraordinaires, il endosse une partie des arguments des
nationalistes extrêmes, dont il dénoncera plus loin la névrose… Le 10 juin, il plaide pour
que les Américains reconsidèrent la question des dettes et des réparations de guerre,
critiquant leur refus d’un lien entre ces deux types de créances. Malgré cela, il est le
premier à reprendre une autre « thèse » issue de la City , celle d’une nuisance des créances
étatiques et des obligations du plan Young pour le marché mondial des obligations privées :
German Scene; A traveller in Germany (see) abundant countries, clean solid cities, but ear that agriculture is
decaying, (In) peasant’s homes (he finds) comfort. (In) cities, he is told of unemployment and bankruptcy,
(reparations) or other Treaty provisions are blamed, (he) see well filled shops, busy factories, neatly dressed
solid people. (He read) that Germany’s exports exceeded those of Britain and (are) more resistant than
Americans ones. (He also see) closed store, factory or coalmine, unemployed eating in public kitchens. (But)
concludes that if the times are bad, they are not worse than elsewhere, as this is often printed.
Édito; Correspondants shown desperate state of finances… (Struggle for) livelyhood is the topic of a people
liable to mass suggestion and convincing himself that only relief of (reparations) can save the country. (This)
just form of restitution (is) called « tribute payments », « plunder system of Versailles », exaggerations and
falsehood… Government made efforts for management, (Brüning can) legitimely plead, (but) Germany must
help herself… Is it too sanguine to hope (for) reconsideration of war debts ? Those paid by the same medium
as commercial debts, though they do not owe (same origin), must inevitably impede normal exchange…
Americans hold that there is no connection between war debts and reparations, (that) view is not accepted by
most… Public sentiment (is) toward hitlerism, (wanting to) overthrow governement and reparations. Are the
Germans finding their burden so intolerable (to regard) repudiation by revolution ? No evidence has yet been
provided that Germany is incapable of payments. 132
Le Manchester Guardian a la couverture la plus importante pour cet unique
évènement avec 39 articles de mondanités et de communiqués. Il reprend toujours les
plaidoyers nationalistes allemands sur l’abolition des réparations de guerre. Son
éditorialiste est en début de campagne médiatique contre la France, dénonçant même son
très pacifiste ministre Briand et sa presse, « bien moins raisonnable que celle
d’Allemagne ». Selon lui, le « monde sait » qu’il y a une crise économique
exceptionnellement grave en Allemagne et que cela aboutira à une dictature. Ce pays « a
131
The Times, 31-06-08-p13, The German Scene. -09-p15, At the Brown House, Hitler’s View. -10-p17, Hitlerism and its
Glamour.Times, -11-p15, German Visitor’s Return. -09-p17, The Visit to Chequers. -10-p17, the Visit to Chequers.
132
Times, 31-06-10-p17, The Visit to Chequers (éditorial). -06-p13, The German Visit (éditorial).
54
fait tous compromis depuis sept ans, presque rien obtenu »… La visite à Chequers met fin à
une « tendance à isoler » l’Allemagne, mais elle le restera tant que les traités
demeureront… Par son « discours succinct », Brüning a « démontré » comment la récession
allemande est aiguë et comment son cabinet a tenté d’équilibrer le budget par ses décrets
d’austérité « du jour précédent »… Depuis l’application du plan Young, le nombre de
chômeurs est passé de 1,25 à 4 millions, le niveau de vie des bourgeois est descendu au
niveau de celui des travailleurs et cela s’aggravera. L’Allemagne pourrait demander un
moratoire du plan Young, mais son crédit en serait ébranlé et la Banque de règlement ferait
une enquête « plus humiliante que les précédentes »… La situation exige des concessions
financières et la France est isolée sur l’inviolabilité des réparations. Un entrefilet mentionne
pourtant l’« atmosphère d’hystérie » provoquée par le manifeste Brüning dans les milieux
financiers de Berlin: 133
Édito; (Since) Young plan, unemployed has risen from 1,25 to 4 million. (Germany) can call for a
moratorium, (but) would damage credit (and) inflame nationalism in Europe. Alternative is dictatorship…
German press (is) far more reasonable than French… Dr. Brüning abondantly prove (he) tried to restore its
budget (with) decrees passed yesterday, (and the) exceptionally heavy burden (of) Germany. World know that
there is a specially acute crisis in Germany and that political crisis is (near). That the problem is primarily
economic seems clear… Germany (has co-operate) in foreign policy (and obtein) only certain claims. (Her)
governments has been attacked (because of lack of) vigorous policy and these attacks (may) succeed.
(Germany must have hope (for) a sane settlement of war indebtness… Days of coercicion are over. France is
isolated in proclaiming inviolability of Young plan… M. Briand is talking against realities (and a) tolerable
settlement of reparations. (So badly) out of his promotion of peace, how this quick-change artist can impress
Germans… 134
En résumé à Londres, on adopte les explications fort succinctes et politisées du
Manifeste Brüning
135
sur une crise économique allemande « spécialement grave », ceci au
point d’en faire un postulat. On commence à parler de complaire au chancelier Brüning en
tant que « rempart de la démocratie allemande ». Pourtant, au Times, un seul journaliste
ayant visité l’Allemagne, explique que la crise est similaire à celle des autres pays.
L’éditorial conserve aussi des doutes sur l’administration du Reich et son incapacité à payer
les réparations « justifiées », dont les politiciens allemands « exagèrent malicieusement » le
133
Man Guardian, 31-06-06-p13, Repudiation Scare in Berlin. -06-p13, Chequers Talks. -06-p12, The Chequers Visit.
-08-p13, Germany’s New Burden. -08-p8, Germany’s Last Sacrifice. -09-p4, The Chequers Meeting.
134
Man. Guardian, 1931-06-06-p12, The Chequers Visit (editorial). -06-p13, Chequers Talks Begin To- Day. -06-p18,
Reparations Burden, German Appeal. -08-p8, Germany’s last sacrifice, Brüning’s manifest. -09-p8, Our London
Correspondence. -09-p9, Anglo-German Gooodwill. -09-p8, After Chequers. -10-p13, Return from Chequers.
135
Voir chap.1, p37.
55
fardeau. Cependant, il est le premier à reprendre une autre thèse du gouverneur Montague
Norman, de la banque d’Angleterre, selon qui les dettes interétatiques nuisent au marché
des crédits privés (plutôt ses propres investissements en Allemagne). Au Guardian, on fait
déjà une campagne intense pour l’abolition des réparations et du reste des traités de paix et
on s’en prend déjà fortement à la France. On continue de relayer les plaidoyers des
nationalistes extrêmes. Avec le plan Young (depuis un an), les bourgeois se sont appauvris
au niveau des travailleurs (hyperinflation de 1920-23 ?). Cela s’aggravera avec les
nouveaux décrets (grâce aux ?). L’Allemagne pourrait demander le moratoire au plan
Young, mais son crédit en serait ébranlé (pas par l’agitation et le manifeste de Brüning ?).
L’enquête de crédit serait « plus humiliante que les anciennes » (du Plan Dawes en 19241929 ?).
Aux États-Unis, le Washington Post, le New York Times.
Le Washington Post couvre cet évènement de façon modérée, mais on y adopte
surtout, comme à Londres, le « postulat » Brüning d’une crise économique spécialement
grave, requérant une révision des réparations. De nombreux germanophiles trouvent injuste
que les Allemands soient « seuls à payer pour la Grande Guerre », puisque leurs créanciers
se servent des réparations pour régler leurs dettes. Ils y ajoutent aussi un argument destiné
au public américain, le désarmement des voisins de l’Allemagne leur permettrait de
rembourser leurs dettes. L’éditorialiste n’est pas de cet avis, dénonçant la « campagne de
peur téléguidée de Berlin » pour obtenir des concessions, mais aussi la construction de
nouveaux cuirassés allemands. Il anticipe le danger de cette agitation pour les créances
américaines et la Conférence de désarmement justement, tandis qu’un autre intervenant y
va d’un avertissement contre les négociations financières à venir; « (Those) are just as
likely to be injurious as beneficial… » :
Édito; Germany is making every effort to impress (its) desperate political and financial situation. People are
discouraged and resentful (about) taxation swallowed up in reparations. A campaign engineered from Berlin
has been started to frightened Europe and United States into making concessions… postponement of (war
debts) would be universally regarded as beginning of cancellation… Germany’s moves are destroying
chances for disarmament. (Groaning) about reparations, she build a warship now and then. germanophiles;
senator E. Borah said that revisions sough by Germans are expedient and just… Former ambassador to
Germany held prosperity of the world contingent on help to Germany… Allied Nations (pay nothing) to the
United States, they are merely transfert agents of the reparations payments they have forced Germany to pay.
56
(So, all the) war debts rest directly upon German people. (Its) spectacular effort to throw off the burden meets
with sympathy in London. 136
L’éditorialiste du New York Times fait déjà une promotion intense d’un moratoire
sur les réparations (une dizaine d’articles s’opposant à chacun des entrefilets critiquant cette
position). Il mentionne que le cabinet britannique s’inquiète des troubles qui pourraient
amener un régime soviétique ou fasciste en Allemagne. Comme chez la plupart des
intervenants germanophiles du Washington Post, ceux du NY Times, avec les
correspondants de Genève et de Paris, prétendent que la seule Allemagne paie pour la
Grande Guerre et que le plan Young exacerbe la crise du pays et du monde. Si l’éditorial
s’inquiète aussi des effets de l’agitation sur les créances américaines et le désarmement, les
germanophiles rétorquent que les pays privés des réparations pourront rembourser leurs
dettes américaines en réduisant leurs « dépenses militaires immorales ». Comme Brüning,
ils dénoncent les « présuppositions erronées » ayant servi de base au traité de Young. Le
sénateur William E. Borah
137
est difficile à surpasser pour sa défense de l’Allemagne et
surtout de ses humbles travailleurs… Ce dernier met tous les troubles européens sur
« l’armement excessif… de toutes les nations à l’encontre de l’Allemagne et des traités…
Ces arguments sont aussi indiqués représentatifs de ceux du département d’État. Les
correspondants de Paris, Genève et Londres, dénigrent férocement ceux qui les
contredisent, surtout les Français. On espère pourtant que la coopération anglo-française
sera relancée par le « not particularly philofrench » MacDonald :
De Washington; Senator Borah (said) conditions in Germany are as bad as they can be, misery of the
working people, its inhumanity, no tongue can express… Officials of Administration; One of great causes of
depression (is) armaments of nations other than Germany, violation of Versailles; (Germany may stop) Young
plan, this would be a call for a new conference… À Londres; Brüning’s cabinet (is determined to show) how
serious is their plight for easier terms… (Hostile French and Polish accuse him) to bring dramatic climax to
his story of distress, Britain public or government (take) the situation seriously… (Disturbance may produces)
soviet or fascist regime, cessation of payments. 138
Rares infos; In (German) financial circles, opinion exist (that there is) no ground for moratorium. Owing to
export surplus, (service) of the loans of Young plan is not threatened… Édito; Manifesto shown
presuppositions of Young plan are wrong… Government has made a determined effort to balance its budget.
It is impossible to finance through foreign loans after impairement of credit abroad. Domestic loans appear to
136
Washington Post, 31-06-07-p5, Anglo-German Discussion. -07-p2. German Move Held, Fresh Debt Threat. 10-p4,
Germany Needs aid, Houghton Declares. -09-p6, France V.V. Germany.
137
Président du prestigieux Foreign Relations Committee (bipartisan) du congrès américain (1925-33).
138
NY Times, 31-06-07-p1, Debts are linked to arms. Britain Promises no Help. Upheavel in Reich Feared in Geneva.
Discount German Effort. German Manifesto. -08-p15, Germany’s Hope.
57
be out of question… Record of British Labor Party is not philo-french, (but) today there is obvious
recognition that basis for peace is cooperation (with) France. P.J. Phillipp; French believes that Germany is
more active in getting rid of her burdens than self help… By skillful diplomacy, (making) use of sympathy
from war years, French succeeded in having their debts reduced, transferred onto Germany the burden of
payments… 139
En somme pour les États-Unis, même si l’éditorialiste du Washington Post perçoit
des actions allemandes déstabilisatrices qu’il qualifie d’« erreurs », et que celui du NY
Times reste inquiet de cette agitation pour les créances américaines et le désarmement, on
adopte le postulat Brüning d’une crise allemande grave et pouvant mener à une dictature.
Cela requiert donc une autre révision des réparations, puisque les prémisses financières du
plan Young étaient fausses. Une autre thèse de la diplomatie allemande est relayée à
l’adresse des Américains : l’Allemagne est seule à payer pour la Grande Guerre et puisque
ses voisins utilisent ses paiements pour payer leurs propres dettes américaines, il suffit de
les désarmer pour leur faire rembourser directement leurs dettes… Ce raisonnement, fort
hétérodoxe dans ce pays capitaliste par excellence, sous-entend qu’un débiteur n’aurait pas
à rembourser son créditeur si ce dernier est endetté, ou que les dettes et les dommages de
guerre subis par les intermédiaires n’entrent plus en ligne de compte… L’appui de l’opulent
sénateur Borah pour les humbles travailleurs allemands est difficile à surpasser. Pour lui,
les paiements du plan Young auraient rendu la crise économique et la taxation intolérables
(3 % du budget du Reich, contre 30 à 40 % en armements).
En conclusion, c’est à ce moment que les explications sur les crises allemandes se
scindent en deux interprétations contrastées, même si tous se réfèrent aux mêmes comptesrendus officiels. Les Français réfutent le plaidoyer du manifeste Brüning. Pour eux, la crise
politique allemande est celle qui menace l’économie et la stabilité financière dans ce pays,
mais aussi la paix européenne. Mais après les intervenants du Guardian, déjà acquis aux
nationalistes allemands, Brüning obtient le support de la grande majorité des Anglo-saxons.
Pour eux, la crise allemande est avant tout économique et c’est elle qui provoque la crise
politique, au risque d’une dictature. Le choix des solutions s’en trouve forcément inversé.
Si les éditorialistes du Washington Post et du Times restent sceptiques face aux manœuvres
de Brüning, ils pensent aussi appuyer un cabinet « modéré » à l’encontre des partis
extrémistes allemands. L’hostilité contre la France, déjà manifeste au Guardian, apparaît au
139
NY Times, 31-06-08, Berlin Sees Hope. -08-p15, Germany’s Hope. -09-p1, France to Oppose Debt Link to Arms (P.J.
Philip). -06-10-p1, Houghton Warns We Must Aid Reich. -10-p23, Paris Keep Cool.
58
NY Times, au point de commencer à ressembler à une guerre médiatique. On appuie ces
opinions sur ceux de germanophiles fort actifs, anonymes ou non. L’éditorial du Times y
ajoute celui du gouverneur de la Banque d’Angleterre, celui du Washington Post cite
surtout le sénateur républicain Borah (du Foreign Affairs Committee). Celui du NY Times
ajoute à ce dernier une référence directe au département d’État.
59
C)
Moratoire Hoover (1931-06-21)
La longue campagne du chancelier Brüning, publicisant la faillite imminente du
Reich et les démarches secrètes britanniques, après Chequers, commencent à faire paniquer
certains banquiers américains. Le président Hoover s’informe en dernier recours au
président Hindenburg, qui s’empresse évidemment de lui confirmer les explications de
Brüning. Nanti de ces « nouvelles » informations, Hoover décide d’imposer un moratoire
d’un an sur toutes les dettes interétatiques, officiellement pour préserver la stabilité
politique en Allemagne et pour rassurer ses voisins, qu’il faut inciter à désarmer. Il s’agit en
fait de préserver les créances de banques américaines trop investies en Allemagne. Cette
offre est reçue avec joie chez certains banquiers anglo-saxons et par les dirigeants
allemands, mais elle devra être durement négociée avec les Français et les Belges qui
viennent tout juste d’obtenir avec le plan Young un règlement « complet et définitif » sur
les réparations de guerre allemande. Cette action unilatérale d’Hoover enclenche des
disputes diplomatiques qui provoqueront l’effondrement de la coopération, du système
monétaire international, des systèmes bancaires allemand et anglo-saxons. 140
En France, Le Temps et le Journal des débats politiques et littéraires
Les quotidiens français couvrent amplement cette proposition de Hoover par les
opinions, communiqués et débats. Dans le Temps, si on fait un accueil poli à cette offre,
l’éditorialiste Mill réfute déjà son libellé, qui pourrait miner le plan du traité établi par le
banquier américain Young. Il fait remarquer au président américain que c’est à Berlin et
non chez ses voisins qu’on fait obstacle à une réduction des armes et que la démonstration
de la détresse du Reich n’a pas été faite. Il s’insurge ensuite des accusations de la presse
britannique contre la France qui étudie cette offre durant quelques jours. On entrevoit plus
généralement que cette action, accentuant les manœuvres allemandes, menace les intérêts
français, la paix et l’économie européennes. Cependant, l’éditorialiste revient à une position
de compromis à la première parole d’apaisement en provenance de Berlin :
Hoover (espère) créer un esprit de bonne volonté… C’est à Berlin que ces paroles doivent être entendues…
(De quoi) s’agit-il ? Sauver le Reich d’une autre faillite (due) à sa faute, mais (catastrophique pour d’autres)
… Les victimes de 1914 (doivent) sauver ce pays qui a préparé sa détresse (dont la démonstration n’est pas
140
Pour détails, voir chap. 1, p37-38.
60
faite… (Une) campagne (inqualifiable) des journaux anglais rend la France responsable des difficultés (elle
qui a tellement) fait pour la paix. (Il) est naturel (d’être surpris) du fait qu’elle n’ait pas été associée à cette
initiative… Brüning a parlé de collaboration sur un ton nouveau dans ce pays. Il serait heureux qu’on (arrive
à une) conception saine des relations franco-allemandes. La visite du chancelier en est la preuve, de même
que le geste du président Hindenburg lors de la nomination de M. Doumer. 141
Pour Pierre Bernus, du Journal des débats, le moratoire Hoover confirme ses
avertissements des semaines précédentes à l’encontre des Anglo-saxons, car son libellé
invaliderait les dispositions du plan Young et qu’il est illusoire de penser que la France
serait appuyée pour obtenir la reprise des paiements. Il dénonce les incidences négatives du
projet Hoover pour la paix européenne, soulignant que ce dernier n’a pas en vue le bien
commun, mais la protection d´intérêts américains et que ses méthodes détruisent des
accords internationaux minutieux, favorisant les pays qui ne veulent tenir leurs
engagements. Les difficultés économiques allemandes sont politiquement fabriquées et
temporaires, ses méthodes budgétaires sont scandaleuses. Sous prétexte de garantir la paix,
on travaille pour la guerre et demain c’est une question territoriale qui sera mise en jeu. On
ne croit pas en un rapprochement anglo-français ou franco-allemand dans ces conditions :
… les Américains ont consenti d’énormes crédits en Allemagne (ont) beaucoup contribué à la crise. (Ce
projet) est de la charité bien entendue. (L’Allemagne obtiendrait la fin du plan Young avec son) cynisme
larmoyant et menaçant. Sa situation est due à une gestion éhontée (et) une politique menaçant l’Europe. (On
l’incite à continuer), elle deviendra plus dangereuse… Ces méthodes (de Hoover favorisent les)
gouvernements (qui font du chantage pour) se débarrasser de leurs charges… (Hoover) entend disposer de
sommes (qui) reviennent aux pays éprouvés (au profit) d’un état (attaquant) l’organisation de l’Europe,
convoite de tous côtés des territoires… Sous prétexte de garantir la paix, on (travaille) pour la guerre.
Ces déclarations de Brüning (sont banales). Il est favorable aux rapprochements si la France paie… On admet
(que) les réparations devraient être payées, mais que les Allemands (y) attribuent leurs difficultés (et) qu’en
résulte un esprit dangereux… Le même raisonnement pourra être fait quand l’Allemagne (exigera) qu’on
dépèce la Pologne et rectifie sa frontière occidentale. Croit-on établir la paix ?... (Ce) gouvernement (veut la
destruction des traités et une Pangermanie. 142
En somme pour ces quotidiens français, après la méfiance contre les dirigeants
allemands, l’alerte est à présent donnée contre ceux des pays anglo-saxons. L’éditorialiste
du Temps (Mill) est le seul à ne pas entrevoir les manœuvres occultes de Macdonald et
revient à une position de compromis à la première parole polie de Berlin. Au Journal des
débats par contre, Bernus constate que les méthodes diplomatiques de Hoover détruisent
141
Le Temps, 31-06-22-p1, L’offre du président Hoover. -23-p1, La proposition de Monsieur Hoover. -24-p1, La
proposition Hoover. -25-1, La France et la proposition de M. Hoover. -27-p1, De M. Mellon à M. Brüning.
142
Journal des débats, 31-06-22-p1, L’initiative de M. Hoover (Pierre Bernus). -23-p1, Ou conduirait la plan américain
(P.B.). -24-p1, Que fera le gouvernement français ? -24-p1, Le parlement et la proposition américaine.Journal des débats,
31-06-25-p1, Le triomphe de l’immoralité. -26-p1, Aujourd’hui et demain. -27-p1, Finance et politique internationale .
61
les accords les plus minutieux et favorisent ceux qui ne respectent aucun engagement.
L’Allemagne cherchera la destruction des traités de paix et reformera une « pangermanie ».
Les deux quotidiens se réfèrent principalement aux communiqués officiels et de presse des
quatre pays concernés.
En Grande-Bretagne, le Times et le Manchester Guardian
Pour l’éditorial du Times, la proposition de Hoover fait suite à une « aggravation
subite » de la situation financière allemande, dont la « preuve indubitable » est faite par la
proposition elle-même… Quelques intervenants soulignent qu’un des facteurs de la fuite
des capitaux, « valant trois fois le montant des réparations », est la « démonstration
entêtée » de la faiblesse du pays par les Allemands et que le manifeste Brüning a provoqué
une autre panique boursière. Cependant, l’éditorialiste accuse uniquement les anciens
dirigeants allemands et de nombreux articles montrent l’appui « enthousiaste et universel »
pour le projet de Hoover et sommant les Français de se « sacrifier pour le bien commun ».
L’économie allemande et les dangers encourus par Brüning inquiètent, mais son « génie »
secouru par celui d’Hoover, ramènera la confiance dans les marchés. Étrangement,
l’éditorialiste reconnait qu’un aspect majeur de la crise allemande est bien politique et que
les Français sont dans leur bon droit, mais il les dénonce de vouloir régler cette question. Il
présente donc le projet de moratoire Hoover comme « indiscutable » et réglant un simple
problème économique :
Articles; One of the principal causes (of the lost of confidence) has been Germany’s demonstration, starting
with the manifesto, to prove economic weakness and force a reparation discussion. (That) has cost three times
as much in foreign exchange as (reparations)… One important item of reform, (readjustment) of Reich, States
and Municipalities administrative systems, has been hardly touched. Édito; Problem of war debts and
reparations is only one of numerous causes of economic depression, much of the unrest in Europe (is)
political and social. Hesitations of France are intelligible. A solemn treaty assessed reparations… moreover
they are (part of Versailles). (But) common welfare outweights individual advantage, (as it is) universally
held outside France. No (French) bargaining, nor public discussion may be allowed to imperil world recovery.
143
Au Manchester Guardian, des informations à l’encontre des thèses de Brüning
apparaissent aussi dans quelques entrefilets : facteurs politiques et psychologiques. Elles
n’intéressent pas du tout la masse des germanophiles, dont la vision catastrophiste sur
143
TheTimes, 31-06-22-p11, Mr. Hoover’s proposal, German Agreement. -22-p12, The War Debt Moratorium. -22-p13,
A Wise Lead. -24-p17, The Hesitations of France (éditorial). -25-p15,Profit and Loss (éditorial).
62
l’Allemagne accompagne celle des « génies » supposés des Brüning et Hoover. 144 L’un des
articles révèle discrètement qu’en cherchant des informations sur la situation, Hoover s’est
adressé au président von Hindenburg, qui lui a simplement confirmé les discours de
Brüning… L’éditorialiste Scott y va même d’arguments révolutionnaires à l’encontre des
Français et des traités européens; « il faut une opposition ferme à leur répression contre le
Reich… et l’entière révision des réparations et des traités... le moratoire des réparations ne
peut être une solution finale, l’Europe refusera de retourner dans un ordre qui l’a mené au
bord de la ruine… » Pourtant, il avoue plus loin que le respect de la partie inconditionnelle
des paiements du plan Young aurait soulagé l’Allemagne, mais que sa population en serait
tout de même choquée. Il reprend à son tour les arguments issus de la City dénonçant les
dettes « non saintes » de la Grande Guerre comme étant la grande cause de la récession
mondiale :
Édito; (Hoover’s moratorium refute) French propaganda, (which) have advocated repression. (We must)
expect (entire revision of) Treaties. With shrewdeness, France advantaged herself, (suspension) of debts
cannot be a solution, Europe will not return to a regime (of) ruin… France would give up 5 % of budget, this
(is not) an heavier burden than other nation… révolution; Hoover’s proposals (undermine) all agreements
since Versailles… (We lived) in impossible world and treaties, condemned by intelligent observers…
(France) would make the greatest sacrifice (by securing our) loans, it will need to be thrusted upon her… If
France had received unconditional part of annuities, Germany would have been relieved, (but discouraged
after hopes for revision). Religion; (Debts of war) are of special character. (There is no) moral to pay them.
(Sanctity of French claims are ridiculous, few) feel that they are on same moral plane as other debts; they can
be erased without any grave shock to credit such as would have followed if Germany had to suspend
payments on other debts… 145
Articles; Hoover’s move is culmination of (months of efforts) by most intelligent leaders of politics and
business, whose views would have been read throughout the world. (They) agreed Germany would postpone
reparations… German plight might led to gravest economic and political explosions… World’s opinion may
induce France to accept (sacrifice, to be entitled) to sympathy. Hindenburg’s appeal (was because of
Hoover’s request for) informations… 146
144
Man. Guardian, 31-06-22-p8, President Hoover Take a Hand. –22-p9, Germany Saved. -23-p15, World Welcome to
the Hoover Plan. -23-p10, Hoover and France. -23-p11, Mr. Hoover Final Consultation. -23-p15, World Welcome to the
Hoover Plan. -25-p9, Grave Disappointment. -26-p8, What Can be Done in a year ? -27-p13 Danger for Germany. -27p13, France Aims at Profit.
145
Man. Guardian, 1931-06-22-p8, President Hoover Takes a Hand. -23-p10, Hoover and France. -26-p8, What To do in
a year ? -06-24-p8, The Hoover Tonic. -25-p8, Debts, Bad and Good.
146
Man. Guardian, 1931-06-22-p9,Mr. Hoover’s Plan and Disarmament. -22-p9, Bold Reversal of Policy. -23-p10, Our
London correspondence, Waiting on France. -23-p11, Hoover Plan at Home, approving Chorus. -23-p11, Mr. Hoover’s
final consultation. -23-p11, Good Markets Folllow Hoover Plan. -23-p15, Markets reacts, Vigorous rallly, German
Jubilation. -24-p9, Mr. Keynes on the plan. -24-p13, Rotarians and Hoover Plan. -25-p4, Mr. Sowden on the Debt Plan.
-25-p9, Washington Disappointed with France Reply. -25-p15, Money and Stocks financial editor. -27-p12, France Aims
at Profit. -27-p13, Danger for Germany.
63
Ainsi à Londres, le moratoire Hoover est-il accueilli pratiquement avec délire. Pour
les éditorialistes, il est la « preuve indubitable » (et circulaire, à défaut d’une autre) que la
crise financière allemande s’est encore aggravée. Quelques intervenants rappellent bien
qu’il y a abus budgétaires et facteurs politiques, l’éditorial du Times critique seulement les
cabinets précédents. En reconnaissant le bien-fondé de leurs préoccupations, il dénonce les
Français (oubliant les autres nationaux) qui condamnent les dérives politiques allemandes
et refusent de se sacrifier au « bien commun mondial ». Il se joint ainsi à l’éditorialiste du
Guardian, à la City et aux cabinets britannique et allemand.
Au Guardian, les propos sont même révolutionnaires à l’encontre l’ordre européen.
Ainsi, les Allemands sont seuls à payer pour la Grande Guerre et doivent être exonérés de
tout. Étrangement, l’éditorialiste Scott reprend, après le Times, cet argument étrangement
religieux issu de la City : les dettes de guerre « non saintes » (lire étatiques), contaminent le
système financier et peuvent être effacées des livres comptables (France et Belgique, 5 %
du budget), sans l’impact qu’aurait la répudiation de ses dettes privées (anglo-saxonnes) par
l’Allemagne. On veut oublier les dommages subis par ces deux pays et leurs dettes de
guerre nationales. Après les explications pseudo économiques de Brüning, on distorsionne
donc l’« éthique » protestante et les règles comptables. Ces raisonnements, étranges en pays
capitaliste, donnent de fait un aperçu des objectifs financiers de la Banque d’Angleterre et
stratégiques des cabinets britannique ou allemand (affaiblir l’Empire français). Il n’est
évidemment pas question des pressions exercées sur Hoover par MacDonald et Brüning,
depuis la « réunion mondaine » de Chequers.
147
Un extrait du Guardian les mentionne pourtant de façon sybilline ; « le moratoire
Hoover est l’apogée de mois d’efforts de « personnalités intelligentes » des affaires et en
politique, dont les opinions métitaient d’être lues par le monde entier. Elles ont accepté que
l’Allemagne est inévitablement forcée de cesser ses paiements de réparations… ». Il semble
que ces personnalités ne se soient pas senties tenues de démontrer cette assertion dans un
débat financier ou public avant de mettre en pratique leurs solutions… Un article aussi
candide du Guardian nous informe que la source d’information privilégiée par Hoover n’a
147
À ce sujet, chap. 1, p28-29, 43-46.
64
pas été des banquiers ou des experts financiers de pays neutres (Suisse, pays scandinaves,
Pays-Bas), mais le maréchal von Hindenburg, grand patron de Brüning.
Aux États-Unis, le New York Times et le Washington Post
Du 22 au 27 juin 1931, l’éditorialiste du Washington Post avoue que la presse est
« mobilisée », pour appuyer le président Hoover et son moratoire, qu’on prétend être un
moyen de favoriser la paix que les voisins de l’Allemagne troublent (préparatifs militaires
français, ambitions italiennes, industrialisation soviétique…) : « Administration’s hope that
peace is served, easening of reparation payments will advert violence in Germany, soften
tensions with neighbours, add to the plea for disarmament… ».
148
On plaint la seule
Allemagne, en « crise financière grave », à l’encontre de tous ses voisins et la confiance est
totale envers ses dirigeants et en la sagacité d’Hoover. Comme en Grande-Bretagne, on
cherche à donner l’illusion d’« une joie universelle » envers le projet, tandis qu’on réduit
presque à néant les avis opposés. Cette joie se limite pourtant aux porte-paroles allemands,
aux germanophiles américains et à certains banquiers anglo-saxons. L’avis des Français est
« noyé » dans la masse et ouvertement méprisé, celui des autres Européens, inexistant
(Europe Welcomes Hoover Debts Plan, ci-dessous). Les Français sont sommés d’accepter
le moratoire en toute confiance, même s’ils sont trop bêtes pour comprendre son utilité...
Les dettes de guerre dues au gouvernement américain ne sont pas un fardeau pour les
voisins de l’Allemagne, mais les réparations de cette dernière nuiraient à son économie…
Ici aussi (après le NY Times et Brüning), les études exhaustives à l’origine du plan Young
sont déclarées fausses :
Articles; French opinion (is) a dissenting note. Swift moving events have failed to convince (them) that
German catastrophe was real… (Mere) national sensibilities have been troubled by Austro-German
customs… (Europe is troubled) by military preparations of France, industrial advances of Russia, aspirations
of Italy... Propagande; It is not the size of war debts that makes them weight greatly. (Amounts) are not
tremendous but add enough fiscal demand to threaten recovery of Germany … (Young) plan was (based on)
what was believed Germany’s ability to pay, (with) depression it is less… Édito; Moral forces has been
marshalled… every governement is working to relieve Germany… France is piqued because U.S. government
make its suggestion without consulting her… by intimation to accept it without reservation. (Criticism result
of their misunderstanding)... World is afraid that French government fail to understand... (She) would not gain
by exacting the unconditionnal payments. (It) is evident that Hoover (assert) that France (gain). Politicians
will ring charge, (cold facts) left little substance in mere political opposition. 149
148
Washington Post, 31-06-22-p1, President Hoover Leaves for Camp.
65
La promotion du moratoire et même aussi de l’abolition des réparations est encore
plus intense au N Y Times (20 articles/jour de témoignages « universels »). On souligne la
déconvenue des Hitlériens et des Soviétiques,
150
reproche aux seuls Français de se
questionner. Ces derniers subissent le mépris ouvert du correspondant à Paris P.J. Phillip
(cité ci-bas). On entérine les discours d’Allemagne et on vante le génie et l’honnêteté de ses
dirigeants. L’éditorialiste prend le chancelier Brüning comme champion de la démocratie et
du pacifisme et menace les Français, qu’il déclare pourtant les « seuls en état d’apporter des
crédits nouveaux ». On croit même voir une « augmentation de la popularité d’Hoover en
France ». L’éditeur présente enfin les magnats de la finance anglo-saxonne comme garants
d’une solution rapide aux récessions européenne et mondiale. :
Mépris de la France; (In finance), representatives never seem able to rise higher than parochial scale of
though, (have seldom, if ever been) wise creditors and good neighbours. (War-mindedness) obsesses them.
(Newspapers) mentality has not evolved from armistice with « Germany must paid and hang the Kaiser »
slogans. (These views, small and near sighted, come) from hysterical days when Nations promised France full
compensations… French (fail) to realize changed circumstances… Amour de l’Allemagne; Venerable
Hindenburg was deeply concerned over German situation. (Saying Young plan) put economy in danger…
Opinion in Washington is that proposal may result in revision of Young plan, even that it has failed…
(London) will have no sympathy (if France) impairs proposal… Paris; there is marked increase of praise for
Hoover’s action… financial public (has) complete confidence that (Hoover’s action) meant beginning of
better times. 151
Édito; Germany’s crisis (are) financial and political… (If it) had continued, (no one know) can tell what
might happen… Brüning is rising to the statur of stateman. (British) esteem of France is at lower ebb (because
of) hesitancy and carping criticism… (France) cannot stand against universal endorsement (of) Hoover.
Demonstration is complete that banking crash will not be permitted if other nations are able to prevent it,
(particularly) significant is (the Bank of France’s loan to Germany. It) shows community sense of obligation,
(which) will enlarged… 152
Aux États-Unis en somme, l’éditorialiste du Washington Post avoue que la presse
américaine est mobilisée pour soutenir le moratoire Hoover, moyen d’apaiser l’Allemagne
et de favoriser l’entente avec ses voisins. Ce dernier raisonnement est reconnu issu du
149
Wash. Post, 31-06-22-p1, Europes Welcomes Hoover Debts Plan, President Hoover Leaves for Camp. -27-p6, Mr.
Hoover’s Logic. -27-p6, Approaching Agreement. Washington Post, 31-06-23-p6, France in Doubt, Germany Gloom
Dispersed. -24-p6, France’s Problem.
150
NY Times, 31-06-24-p17, Soviet Papers Scoff at Hoover Debt Plan. -23-p15, Hitlerites Attack Hoover Debt Offer .
151
New York Times, 31-06-22-p1, France not Ready to Make sacrifice (P.J. Philip). -22-p1, All Germany is
Jubilant( Guido Enderis). -22-p1, German Letter aided Step (R.V. Oulahan).-22-p15, Worldwide Approval Voiced for
Hoover’s Suspension Plan. -23p1 Briand is Drafting Reply.
152
New York Times, 31-06-23-p24, Political Effect in Germany. -23-p24, The Response to Mr. Hoover. -25-p1, French
Reply to Hoover Accepts Aid but Within Young Plan. -25-p1, Debt Relief Offered to British Dominions.-25-p24,
Germany and France. -26-p1, Stimson to Discuss Debt Plan in Europe. -27-p11, Banks to the Rescue.
66
département d’État. Dans les deux quotidiens on donne l’illusion d’une « joie universelle »
par de nombreux témoignages allemands et anglo-saxons. La situation financière allemande
se serait grandement détériorée en deux semaines et l’action du président en serait la preuve
« indubitable » (circulaire cependant). Les avis contraires sont ignorés, celui des Français
méprisé. Le N Y Times rejoint ici la vindicte du Guardian, certains mêmes parlent d’une
abolition définitive des réparations, reprochent aux Français de se questionner, les
menacent de la « juste colère » allemande . On trouve une première allusion à l’illégitimité
de l’Assemblée française et d’une « hausse de la popularité d’Hoover » dans ce pays. Les
opinions semblent toujours s’inspirer des déclarations officielles américaines, britanniques
et allemandes et de celles indirectes des nationalistes extrêmes allemands.
Cette fabrication d’un appui « universel» pour le président ou le fait de faire des
déclarations au nom du « monde » n’est pas rare dans la presse anglo-saxonne, même
aujourd’hui. Les critiques des correspondants du NY Times sur les opinions de Paris sont
extrêmes, voire méprisantes. Nous n’en avons constaté aucune envers celles de
Washington, Londres, Berlin, ou même d’Hitler et de la Pravda de Moscou. On vante
l’honnêteté et l’intelligence des dirigeants allemands à l’origine de cette crise financière.
Cependant, nous devons constater l’absence de description de ses effets économiques en
Allemagne, non plus que d’explications sur les causes systémiques de la récession
mondiale.
153
Le premier objectif d’Hoover est escamoté, soit la protection de certains
banquiers particuliers. Si au Guardian, on est seuls à nier l’extrémisme des nationalistes
allemands, chez les autres Anglo-saxons on pense plutôt à les apaiser en leur accordant tout
ce qu’ils demandent. Les Français, ayant déjà fait maintes concessions depuis 1923 sont
d’un avis contraire. Ils subissent à présent une guerre médiatique dans trois des quotidiens
anglo-saxons, seul le Times de Londres conserve une certaine courtoisie. Nous verrons à
présent les réactions de toute cette presse au moment ou ces disputes internationales
favoriseront la poussée ultime du fascisme en Allemagne, tout en faisant basculer le monde
dans la Grande Dépression.
153
Guerre douanière, « dumping » américain, intérêts bancaires élevés, pénuries de numéraires en France et en
Allemagne, luttes sociales et agitation politique allemandes). À ce propos, chap. 1, p7-8, 25, 30-31.
67
Chapitre III —
A)
Grande Dépression, triomphe fasciste
Crise bancaire allemande et réunion de Paris (1931-07-13)
À la suite de l’offre de Hoover pour un moratoire des dettes interétatiques, les
Français cherchent de nouveau à convaincre l’Allemagne d’accepter la trêve diplomatique
demandée depuis 18 mois et refusent que la question des réparations de guerre soit traitée
hors des cadres du plan Young. Hoover leur propose de saborder eux-mêmes cette entente
(50 années des versements allemands) en échange d’une seule année de leurs propres
paiements sur la dette américaine. Le 26 juin 1931, les Français proposent habilement le
maintien des paiements allemands au plan Young, mais doublés de prêts de la Banque de
règlement qui seraient garantis par la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis. Le 6
juillet, cette solution est officiellement acceptée par Hoover après dix jours de négociations.
Les Britanniques s’empressent aussitôt de saper cette entente auprès des Allemands, avec la
bénédiction tacite d’Hoover…
Cependant, le délai pour accepter ces justes demandes françaises relance à nouveau
la fuite des capitaux d’Allemagne et le 13 juillet 1931 un scandale financier bénin (après
d’autres) force la fermeture de deux banques importantes à Berlin. Brüning prend enfin
conscience de la fragilité de plusieurs institutions administrées de façon douteuse. Il se
décide enfin au contrôle des changes, fait stopper la panique, réorganise le système
bancaire (nationalisations, surveillance de la Reichsbank). Il entreprend finalement un autre
quart de négociations à Paris. Les Britanniques mettent la responsabilité de cette nouvelle
crise sur l’entêtement français, leurs dirigeants MacDonald et Norman (Banque
d’Angleterre) agiotent avec succès contre une trêve franco-allemande à Paris, qui aurait été
doublée d’un projet de relance conjoint franco-allemand pour l’Est européen. 154
En France, le Temps et le Journal des débats politiques et littéraires
Après une courte embellie à la fin juin, le Temps fait à nouveau un portrait sombre
de la situation allemande et surtout des manipulations politiques qui ont mené à cette crise
bancaire, on y revient donc à la méfiance extrême du Journal des débats contre
154
Voir, chap.1, p39.
68
l’Allemagne. L’éditorialiste Mill parle d’une « folie collective », d’agitation raciste (nazie),
de débâcle financière, d’un « souffle de panique qu’on cherche à exploiter à des fins
politiques inavouables ». Ce sont bien les capitaux allemands qui s’évadent en sus de ceux
des américains, tandis que le cabinet britannique semble tourner le dos au plan Young. Mill
déclare que l’intimidation et l’injure allemandes ne devraient plus faire de dupes, puisque
l’étonnante passivité du cabinet Brüning montre qu’il exagère l’aspect tragique de la crise
pour obtenir une aide et rétablir la confiance dans un pays qui prépare pour la seconde fois
sa faillite. Il rappelle encore que les réparations de guerre allemandes représentent une bien
faible part des dépenses du Reich où les surenchères démagogiques et nationalistes,
encouragées par le cabinet, provoquent des dépenses considérables en sus de la spéculation.
Cependant, à l’arrivée du chancelier Brüning à Paris, Mill est bien à présent le seul à
entrevoir une possibilité d’entente : « (Si certains) insinuent qu’il existe un plan angloaméricain pour l’Allemagne, contre la France, (c’est) une illusion au vu des répercussions
de cette crise sur les finances britanniques et la livre sterling ». Après un nouvel échec de
cette réunion à Paris, Mill réprouve à présent le soutien d’Anglo-saxons pour les
déformations allemandes de l’histoire et réclame des dirigeants français l’obtention de
gages tangibles des Allemands, puisque « leurs promesses ne valent rien… ». Il pense aussi
que le cabinet allemand semble prêt à sacrifier le confort du peuple à sa politique
extérieure. Aucun accord économique ou de désarmement ne doit donc être envisagé aussi
longtemps que ce pays n’aura pas désarmé et qu’il contestera l’ordre européen :
… les crises politique (et) financière sont aggravées par la panique, (on) cherche à les exploiter à des fins
inavouables… Les réparations (sont) une faible part du budget, dépenses militaires ou sociales sont en
cause… L’agitation raciste s’étend, folie collective. (Pour l’éditorialiste Steed, la crise provient) des
campagnes antitraités, de l’appui d’(Anglo-saxons) pour les déformations historiques allemandes… On abuse
des informations (tragiques), injures et intimidations (pour) un pays qui a préparé deux fois sa faillite. La
détresse est exagérée, (ou on) sacrifie le peuple à (la) politique… Plus de contrats (ou désarmement) tant que
le Reich sera contre l’ordre. (En venant à Paris, on peut penser que Brüning conclut) qu’une aide (mérite des
accommodements). (L’Allemagne) fait des faillites ouvertement. Une l’a débarrassée de sa dette intérieure; il
serait inadmissible qu’une autre (lui) permette de se débarrasser des (extérieures)… 155
Dans le Journal des débats, les politiques allemandes et anglo-saxonnes restent
fermement dénoncées. Ce journal dit nationaliste extrémiste par plusieurs journalistes
155
Le Temps, 31-07-13-p1, L’heure décisive de la crise allemande. -13-p1, L’application du plan Hoover en Allemagne.
-14-p1, L’Allemagne au tournant. -15-p1, L’Allemagne devant l’inconnu. -17-p1, Opinions de province. -17-p1, La crise
allemande et les entretiens de Paris. -18-p1, Les entretiens de Paris et l’aide à l’Allemagne. -19-p1, la France et
l’Allemagne. -20-p1, Les entretiens franco-allemands.
69
anglo-saxons a pourtant la même vision de la situation en Allemagne que le Temps qui
favorisait l’entente avec ce pays. On y couvre la crise bancaire en Allemagne (expédients
pour consolider cette activité), puis les négociations franco-allemandes à Paris.
156
Pour
l’éditorialiste P. Bernus, la crise fait bien suite aux politiques allemandes et au moratoire de
Hoover qui, en donnant à ses compatriotes le moyen de sortir leurs capitaux, a fini de tuer
la confiance dans les banques ébranlée par le cabinet allemand. Ce dernier refuse pourtant
de satisfaire ceux dont il demande l’aide, alors que ses provocations sont l’une des grandes
causes de la crise dans ce pays, qui est devenu un danger pour l’Europe. Pour Bernus, le
cabinet allemand sacrifie sûrement le sort de sa population pour des avantages
diplomatiques. Il fustige le cabinet de MacDonald et les libéraux britanniques appuyant
l’Allemagne, ainsi que les concessions du ministre français Briand. La France doit résister
aux chantages allemands et aux pressions anglo-américaines, puisque la ruine du Reich est
préférable à celle du franc et à la destruction de l’Europe :
La politique allemande et l’erreur américaine continuent de progresser. (Hoover permet à ses banques) de
retirer leurs capitaux. La confiance, (ébranlée par le cabinet allemand, est morte). Macdonald affirme que la
S.D.N. et le traité de Locarno imposaient le désarmement (de tous). En vrai, l’Allemagne ne tient pas ses
promesses. (Son agressivité) est l’une des grandes causes des crises économique et financière… La ruine du
Reich est préférable à la destruction de l’Europe et du franc… (Le Reich), indifférent au sort des individus, se
résigne aux cataclysmes d’où sortira un avantage. Sa première faillite ne lui a pas mal réussi (avec) les plans
Dawes et Young. (Jusqu’où ira-t-elle) dans sa seconde entreprise catastrophique… la politique de M. Briand,
aidée par les internationalistes et le bolchévisme si répandus, fait de ce pays un danger permanent. 157
Au début de la rencontre de Paris en somme, seul l’éditorialiste du Temps espère
toujours des rapprochements anglo-franco-allemands. Pour lui, la longue passivité de
Brüning pour la fuite des capitaux et cette seconde faillite annoncée (après celle de 1923),
montre l’exagération de la crise allemande ou bien que le cabinet est prêt à sacrifier la
prospérité du peuple pour des avantages diplomatiques (ce qui est vrai dans les deux cas). Il
demande des gages solides pour une aide française, puisque les « promesses allemandes ne
valent rien ». Enfin, dans les deux quotidiens on accuse avec raison le moratoire Hoover et
les disputes allemandes d’avoir concrétisé la panique bancaire à Berlin et on reproche aux
Anglais de les encourager, malgré les risques pour leur propre monnaie. En plus, on martèle
156
Journal des débats, 31-07-13-p1. La situation financière s’aggrave en Allemagne. -15-p6, Le cabinet du Reich recourt
à des expédients. -19-p1, Les négociations franco-allemandes. -20-p1, Les premières conversations.
157
Journal des débats, 31-07-13-p1, Aveuglement (P. Bernus). -14-p1, La France et la faillite de l’Allemagne. -15-p1, La
vraie question (P. Bernus). -15-p2, La leçon des faits (P. Bernus). -17-p1, L’occasion du redressement. -18-p1. Les heures
décisives.
70
dans le Journal des débats que l’Allemagne est devenue un danger permanent et que la
France doit résister aux chantages menant à la ruine du franc et à la destruction de l’ordre
européen. Les communiqués officiels des quatre nations impliquées servent de référence
principale à ces opinons, en sus d’un seul éditorial britannique (Steed, Daily Telegraph),
dénonçant « les déformations allemandes de l’histoire adoptées par ses compatriotes ».
En Grande-Bretagne, le Times et le Manchester Guardian.
Le 13 juillet, avec la crise bancaire allemande et le rapport économique négatif du
ministre Macmillan au Royaume-Uni, la pression augmente contre la livre et la « City »
panique alors vraiment. Les articles du Times, après l’adoption du postulat catastrophiste du
cabinet allemand, adoptent à présent le postulat diplomatique de même origine : tous les
problèmes européens proviennent des traités européenes appuyés par la France. On fustige
la diplomatie française et ses attaques financières contre la livre. Ces « mauvais
Européens » doivent à présent prêter sans condition à l’Allemagne, une des opinions (voir
second paragraphe) pourrait même provenir d’officines du Reich. On garde aussi toute
confiance envers les Brüning, Hoover et MacDonald, même si des articles discrets relèvent
les problèmes financiers générés par l’agitation du cabinet allemand. L’éditorial n’en a plus
cure, comme les nombreux germanophiles qualifiant les négociations françaises « d’âpres
marchandages ou de chantages ». On rejoint, ici aussi, la hargne francophobe du libéral
Guardian, la guerre médiatique anglo-saxonne contre la France est à présent totale :
Quelques infos; Concessions have assumed in (Germany) a shape of downright demands from France,
stimulate revenge… (Alarm) is due in part to endeavours to prove that the country is as badly off as they have
presented it. (It) has only been kept from pessimism by bankers in face of German hysteria… (Paris)
considered most suspicious that Germany have (not checked the) exodus of capital and (have) present
situation in worst possible light… Steps to prevent panic and export of capital (should) be enough.
(Conditions are) far sounder (than during) (hyper)inflation. (Balance of trade) is favourable, (budget) now
balanced. 158
Propagande germanophile: It is to France to (be « good European », aggravating) occupation of Germany
with a burden (not supportable)… Uncertainty about the French is important, (with risks of) financial
attacks… Since (hyper) inflation wiped out liquid capital, Germany had borrowed, often neither wisely nor
productivaly. (If moratorium) have been immediately accepted, Germany would have turn the corner.
(France) refusal except on political conditions, which Brüning is unable to accept, threatened Europe.
(Uncertainty is) greatly aggravated by attitude of French holders of sterling who sold at unusually low
158
TheTimes, 31-07-13-p12, Attitude of France. -14-p13, German crisis/Conversations in Paris. -13-p12, The German
Crisis. -13-p12, Message to the United States. -13-p13, America and the German Crisis. -13-p12, Armaments and
Mistrust. -15-p13, U.S. Attitude to German Crisis.
71
prices… Édito; It may be regretted that (French) attempt is being made to obtain contributions from Germany
per force of necessities. (French) hard bargaining with Hoover has nullified its beneficial effects … 159
Dans le Guardian, on diffuse toujours les mêmes postulats catastrophistes et contre
les Français. Les quelques informations qui réfutent l’attaque monétaire française ou les
avis économiques positifs sur l’Allemagne restent discrets sous la masse d’attaques
francophobes. On accuse les Français des « âpres marchandages » qui ont « relancé la
crise », de ne vouloir prêter sans condition à l’Allemagne. Tout cela serait « immoral » et
entraînera des représailles méritées. On excuse aussi le réarmement naval allemand,
puisqu’une « flotte polonaise pourrait bien être financée par la France », on dénonce le
militarisme extrême et le réarmement de ce dernier pays. On n’hésite pas aussi à laisser
entendre que les partis au pouvoir à Paris ne représentent pas le peuple, sous prétexte de
l’unique contestation du chef socialiste...
160
Durant la rencontre franco-allemande (19-20
juillet), on fulmine de voir l’ombre d’une entente possible, même assortie d’un sauvetage
économique de l’Est européen. On retrouve aussi, par hasard, la dénégation de la véritable
politique économique de Brüning (première phrase, ci-bas : celle de baisser salaires et coûts
allemands de 30 à 50 %, pour conquérir les marchés) :
Propagande; German experts hold that help is necessary, or Germany will lower standard of living and costs
of production (against) competition. (Justifying German) cruisers, (is Poland) building of a fleet (two
submarines). Germany would be preponderant in Baltic, (but) high command remain british… Exceptionnal
military preparations in France : (civilian security studies, M. Laval talk with ministers)… (As in 1913),
France say she will disarm if Germany, Britain and America do first. (Impudent) way of saying she will not.
Historical military parade (14 july) symbolised Empire and that she cannot disarm. Security of this centre of
civilization so depends on semi-savage troops. 161
Édito; German government avoided (to) make the situation worse. (Control) of exchange would shake
confidence, general moratorium is bankcruptcy… Hoover plan is not sufficient because of mean huckstering
French, (unwilling) to give a loan except on terms (unacceptable to Germany, (for) they are not financial but
political, prompted by selfishness, (stupid) and moraly wrong. (Hardship) to Germany will not be forgotten,
(it) will be a worst neighbour… (Hoover) plan made revision of war debts inevitable, complete repudiation of
reparations… 162 Propagande; It is inconceivable that Henderson would accept (Franco-German) treaty
159
TheTimes, 31-07-14-p15, France and Germany (Letter). -16-p13, A critical Day (editorial). -13-p12, The German
Crisis.
160
Man. Guardian, 1931-07-14-p12, Reichsbank’s Crisis. -15-p9, Germany in Suspense. -15-p13, Hungarian Banks
Closed, A Criticism of Germany. -17-p12, Depression Near its Ends ? -17-p15, German Banks Reopen.Man. Guardian,
1931-07-15-p13, Ex-(socialist) servicemen (?) and disarmament, Rally to Hoover Plan.
-15-p13, France and German
Collapse, Two (?) Contrasted Views (socialiste Léon Blum).
161
Man. Guardian, 1931-07-16-p9, German Emergency Decrees. -17-p11, German Opinion. -14,p9, Frontier Fever in
France, Strange Military Precautions. -16-p12, French Fear of Disarming .
162
Man. Guardian, 31-07-14-p8, Hard Bargaining. -15-p8, What can Be done ?
72
before London conference… (German) nationalists will have been right when speaking of a second
Versailles… (It) is difficult to see how Democracy and (German appeasement) will survive … Édito; French
government has learnt nothing, still bent on exploiting German emergency… 163
En somme à Londres, la crise bancaire amplifie la panique dans la City, mais aussi
dans la presse anglo-saxonne. On ajoute à présent à la déformation de la démocratie
(illégitimité du cabinet français), une inversion grave des réalités politiques européennes :
la France et la Pologne réarment depuis 1919, pas les Allemands; les traités imposés par la
France sont responsables de la récession européenne, sinon mondiale; la crise économique
allemande provoque la crise politique et un nationalisme exacerbé. On fustige aussi les
boucs-émissaires français pour des attaques monétaires fictives à Londres et le refus d’un
prêt sans condition pour l’Allemagne. Le Times encense toujours les génies de Brüning et
Hoover, rejoint la francophobie initiale du Guardian. La guerre médiatique contre la France
est totale dans les quatre quotidiens anglo-saxons. Dans le Guardian même, quelques faits
objectifs restent lettre morte: il n’y a pas d’attaque française contre la livre, mais des avis
économiques positifs en Allemagne. On reproche plutôt aux Français (pas à Hoover) les
« marchandages » ayant mené à cette « nouvelle crise » bancaire et qui leur méritera des
représailles. On approuve même les dépenses du Reich en réarmement naval, arguant de
ceux des Français et des Polonais imaginaires. On fulmine, comme le gouverneur de la
banque d’Angleterre Norman et le P.M. MacDonald, de voir l’ombre d’une possibilité
d’entente franco-allemande, assortie d’une relance pour l’Est européen.
Aux États-Unis, le New York Times, le Washington Post
Dans ce pays aussi, on continue de croire les postulats économiques catastrophistes
de Brüning et on attaque à présent la France systématiquement. Au Washington Post, on
dénonce les méfaits économiques mondiaux des réparations payées par l’Allemagne et
Hitler peut aussi y fustiger le plan Young, comme bientôt Mussolini, le 16 juillet.
164
Deux
surtitres ajoutés aux articles de l’Associated Press exagèrent le blâme contre la France et
atténuent ceux sur l’Allemagne (premiers, ci-après). Certains intervenants demandent à la
163
Man. Guardian 31-07-18-p12, our London Correspondance, The Danger of Delay. -18-p13, France Imperils
Agreement. -18-p13, Germany Keeps her Head. -18-p12, Parliament Held in Contempt. -18-p13, Money and Stocks, is
Germany Credit Worthy ? -18-p12, France’s New Conditions. -20-p8, Problems for London.
164
Washington Post, 31-07-14-p14, Nazis Would Make End to Young Plan at Once. 14-p2, German Troubles ar Real,
Says Moses: New Hamshire Senator. 14-p2. London Regretful of Inability to Aid. -16-p1 Duce Declares Civilization at its
Last Stand. German Situation Worst in History, Gerard Thinks.
73
France de renoncer aux réparations, puisqu’il en coûterait plus cher de faire une guerre pour
les obtenir… Seul l’éditorialiste reste un peu mitigé, toujours conscient que cette crise est
aggravée par les « erreurs » de Brüning et son refus de tout compromis diplomatique. Il
admet que les Allemands ont exagéré leurs problèmes pour obtenir de l’aide, mais que
Brüning n’avait pas prévu qu’en découlerait la panique des créditeurs et l’affaiblissement
de sa monnaie… Il prédit néanmoins une entente « raisonnable » qui atténuera la crise :
Surtitres tendancieux : Capital Lays Blame Largely Upon Paris. French delay (increased) hysteria in
Germany and flight of capital. German cabinet is also blamed, (he should) have prevent citizens from sending
money. Foreign Funds Withdrawal is Blamed in Crisis. Investors were frightened by success of radicals, (but)
recall of funds assume alarming proportions when Germany seemed to availing herself off the Young plan…
germanophiles: If Germany went broke (it would) end Young Plan, (unless) France decide war. (Therefore),
sacrifices of the creditors are for their good… Édito. : Hitlerites are ready to take advantage of any
concessions, (but) to build battleships is unreasonable… (Germany) magnified its woes in order to bring the
world to its aid, (Her) government did not foresee (!!!?) that it would weaken its currency, frighten credit…
(It) appears that if the situation should get beyond control, it will result from panic and not lack of credit…
Moratorium should strenghtened Brüning. 165
Dans la guerre médiatique particulièrement intense du NY Times contre la France et
en faveur de l’Allemagne (20-30 articles/jour), quelques articles parlent d’« erreurs
allemandes », mais l’éditorialiste les déclare « bénignes » par rapport aux réparations. Les
témoignages d’Hitler et même de la Pravda de Moscou contre le plan Young sont relayés
sans critique. On colporte les rumeurs d’attaques monétaires de la France, attribuées au
banquier Norman (Banque d’Angleterre) ou que le gouvernement français serait illégitime
si le chef socialiste ne l’appuie pas… Les quelques données réfutant le postulat de Brüning
sont isolées et non tenues en compte par l’éditorial.
166 167
Ici aussi on reproche aux Français
leur « militarisme extrême », leur « réarmement menaçant la paix », un rapprochement
« peut-être un jour militaire » avec les Soviétiques. On les prévient qu’aucune nation ne
165
Washington Post, 31-07-14-p14, President Confers with State and Treasury Aids, Capital Lays Blame Largely Upon
Paris. -15-p1 German Reds Press For National Strike. -15-p2, Crisis Talk Gains New Significance (A.P.-London). -15-p6,
Prudent Creditors. -15-p6, Germany’s responsibility (editorials). -18-p6, European Politics (editorials).
166
Par exemple, dans Reich Awaits Credit restrictions, on mentionne ces résultats désastreux des actions du cabinet
allemand, mais cela semble avoir été retenu par erreur: « Germany has paid within last weeks (mémo Brüning), enough to
defrays a year’s annuity of Young plan. In nine months (d’agitation), she has transferred sufficient capital for two years of
payments».
167
NY Times, 31-07-15-p16, Bankers Says Delay Spoiled Debt Plan, Frances Hesitancies Has Cost Germany More than
She Gained -15-p16 Reich Awaits New Credit Restrictions. -15-p18, Dutch Blame Germans (20 lignes). -18-p5, Glivic
Assails Germany, Polish Financier charges Reich is exploiting Plight (30 lignes). . -19-pE3 Berliners Calm in Money
Crisis (Guido Enderis). -20-p10 Belgian Press Decries Sollicitude for Reich, Attacks Campaign to Discredit France (30
lignes). -20-p10, French editors show suspicion of Britain. -22-p16, Fess Lays Bank Crisis to Reich Poverty Claim.
74
peut braver l’« opinion mondiale décente » en tenant les Allemands en esclavage.
168
Cependant, l’éditorialiste rassure lui aussi en concluant que l’harmonie entre banquiers
atténuera finalement la crise… Toutes ces explications alternent donc entre ajout et
exclusion du domaine politique (voir premier article ci-bas, intitulé avec à propos
Confusing the Outsider). Mais un des intervenants rappelle que les négociations politiques
seront bien reprises, mais seulement lorsque le Reich aura repris sa puissance :
Édito; No one doubt danger of financial collapse in Germany. Government, overemphasized it, (making flight
of capital graver, but) his faults touch only externals of difficulties, President and Chancellor deserve
confidence... (Troubles are the French demands for) political garantees, (must leave) this until Germany
acquire strenght… Financiers; Relief has been complicated by Germans (but) fault lies in Young Plan… A
British banker, who know the governor Norman, said (France) should end manipulating exchange rates…
Édito; Germans have taken flight from the mark, (can hardly) be blamed… Peril (is) infection to other
countries, (so), to extend credits is strictly business operation. 169
Articles; Henderson will (try) to persuade French to abandon guarantees, (for it) is blackmail, (and also) wish
the Germans abandon warships construction at least for Disarmament Conference… (His observer Malone
said : avarice) of French bankers, arrogance of munition makers, stupidity of their political leaders (are the)
greatest menace to peace… (No nation can), without disaster, withstsand decent opinion of World, (by
keeping) Germans in slavery… Édito; Advice from governor Norman : « Don’t believe all you ear », (is)
reassuring interpretation (that plight) of Germany is not desperate, that international finance feels like single
entity… (French evolved) from the ideas that conditions to help must be abandonment of Customs Union and
naval constructions, in plus of financial tutelage… 170
Correspondant P.J Phillip; (In France, financial interests are) in a clamor for revision, (but) there will be
much opposition to act toward Germany otherwise than for defeated enemy, which has been one of Europeans
worst mistakes. British (are) disturbed by aloofness of the French, (who ask) Germany to become vassal state.
édito; Germany pride had to be consulted. When the crisis will ease, her attitude may be more pliable and
conciliatory… 171
Dans toute la presse américaine en somme, il ne reste plus que l’éditorialiste du
Washington Post pour demander des compromis politiques à l’Allemagne, tous les autres
168
NY Times, 31-07-15-p1, Great Army Display Marks Bastille Day, Press Hails Troops as guarantee for Peace. -15-p9,
French Near Pact for Soviet Trade, Military Deal is Rumored. -18-p5, Soviet Holds Crisis Will not be Solved.
169
NY Times, 31-07-13-p14, Confusing the Outsider. 13-p8, Britis views Shift on Aid to Germany. -13-p8, Laval is
Unmoved by Plea of Hoesh. -13-p26, Financial Markets, Other Considerations Arise. -13-p28, Debt Accord Leaves
Markets Hesitant. -13-p28, Paris Views mixed on German Crisis. -14-p1, London Believes Aid Must Be Large Sum (C.A.
Selden). -14-p1, washington thins Situation is better (R.V. Oulahan). -14-p21, Facing realities (editorials).
170
NY Times, 31-07-15-p13, Letter to the Editor, About Germany. -15-p16,London Puts Hope in Visit to Berlin (C.A.
Selden). 16-p4, Avarice of France Scored by Malone. 16-p16, Minister’s Parley called by London. -19-p1, Germany
cannot Buy Fruit. -19-p19, German Leaders Praise to Americans. -19-pN3, Paris Editor Asks Revision of Treaty.. 07-15p18, More than Meets the Ear (editorials). -16-p17 Germany Should Lead (editorials).
171
NY Times, 31-07-17-p1, German to Go to Paris (P.J. Philip). -19-p1, Difficulty Diminishing (P.J. Philip). -19-pE3,
Paris Sees New Era in War-Debt Delay (P.J. Philips). -20-p10, Hitler Sees Force Needed to End Debts. -20p11, Soviet
Press Sees Reich Surrender. -18-p1, Young plan Experts Await the Results (C.A. Selden). -19-p-E1, Germany’s Case
(editorials).
75
intervenants sont en guerre médiatique contre la France et en faveur du Reich. Les traités de
paix imposés par la France sont responsables du chaos économique en Allemagne et dans le
monde. La France militariste doit de désarmer et corriger ses injustices en finançant
l’Allemagne sans condition. Ces opinions font référence aux déclarations officielles,
incluant des nationalistes extrêmes allemands, d’Hitler, de la Pravda et de l’omniprésent
gouverneur Montague Norman de la banque d’Angleterre, certainement un des grands
partisans du Reich depuis 1920 (investissements, attaques financières et monétaires en sa
faveur en accord avec le Foreign Office). 172
En conclusion pour cet évènement, le Temps, malgré un autre sursaut d’espoir du
seul éditorialiste Mill, rejoint à nouveau le Journal des débats dans sa condamnation totale
des politiques allemandes, américaines et britanniques. Il n’est plus question pour la France
de reculer devant les pressions, surtout de celles des nationalistes extrêmes allemands
représentés par Brüning. Leur version des faits nous semble proche des récits historiques
que nous avons consulté. À l’opposé, tous les quotidiens anglo-saxons sont en guerre
médiatique contre la France, reflétant la financière entreprise par leurs dirigeants nationaux
et le chancelier Brüning. Tous les problèmes allemands et même européens proviendraient
des traités internationaux et de l’attitude des Français avec leur dernière attaque monétaire,
leur militarisme, un traité franco-soviétique « pouvant devenir militaire », le réarmement
intensif, cependant tous imaginaires… Il faut aussi remarquer que le fait de contester la
légitimité de gouvernements qui ne suivent pas leurs diktats (ici la France) est, aujourd’hui
encore, atavique chez les dirigeants et les journalistes de Londres, Washington et New
York. De tous les journalistes anglo-saxons, seul l’éditorialiste du Washington Post reste
préoccupé par les « erreurs » de Brüning et son refus de compromis diplomatique. Pour lui,
les dirigeants allemands exagèrent leurs difficultés, mais il excuse le si « génial » Brüning
de ne pas avoir prévu l’évidence, l’affaiblissement du mark et la panique des créditeurs.
Ces opinions font référence aux déclarations officielles, y incluant des nationalistes
extrêmes allemands, d’Hitler, de la Pravda et de l’omniprésent gouverneur Montague
Norman de la banque d’Angleterre, certainement un des plus grands partisans du Reich
depuis 1920 (investissements, attaques financières et monétaires en liaison avec le Foreign
172
Voir à ce sujet Ozer CARMI, La Grande-Bretagne et la Petite Entente. Genève, Librairie Droz, 1972, 384p.
76
Office). Pour expliquer cette crise prétendue essentiellement économique, il n’est toujours
pas fait place à des expertises économiques. En Occident, seuls les journalistes et les
diplomates anglo-saxons semblent ignorer le réarmement officieux et fort coûteux du Reich
et ses accointances avec l’Union soviétique… Si des parties de plus en plus importantes de
leurs explications ne concordent pas avec les faits historiques généralement admis à
présent, elles reflètent bien des objectifs stratégiques tenus occultés (département d’État
américain et cabinet britannique) ainsi que ceux financiers de quelques banquiers
importants de Wall Street et de la City.
77
B) Conférence de Londres (1931-07-21 au 23)
Durant la Conférence de Londres, la crise économique d’Allemagne commence à
prendre vraiment les dimensions catastrophiques clamées par ses dirigeants depuis octobre
1930. Brüning avait inutilement misé sur l’aide financière promise par Norman (banque
d’Angleterre) pour refuser la trêve diplomatique avec la France. Cependant, le moratoire
sur les réparations entre en vigueur et le contrôle des changes permet au Reich de contrôler
le paiement de toutes dettes dues à des étrangers. Cette décision est entérinée par Hoover et
MacDonald, qui choisiront simplement quelques unes des créances à sacrifier (Standstill
Agreements). Le gel de toutes ces créances permettra bien à l’Allemagne de sortir de son
creux économique en février 1932, mais non sans que ce dernier donne le coup de pouce
final au succès nazi pour les présidentielles de mars. Brüning obtient aussi un nouveau
comité international où les Anglo-saxons majoritaires aboliront bientôt les réparations
allemandes. Il sera tout de même destitué par von Hindenburg en mai, tout juste avant la
capitulation, en termes sybillins, du français Herriot à ce sujet.
Entretemps à Londres, les banques nationales de plusieurs pays doivent retirent
leurs fonds afin de compenser pour ceux bloqués en Allemagne… La livre sterling est
gravement atteinte (sept. 1931); la dépréciation sonne le glas du cabinet travailliste et
libéral du P.M. MacDonald, remplacé par un cabinet d’Union nationale (conservateur,
MacDonald transfuge). Le système monétaire mondial « Gold Standard », ironiquement
mis en place par le gouverneur Norman (1922), s’effondre avec la livre sterling et c’est à
présent la ruée vers l’or des banques américaines. La relance économiques est stoppée net
par les faillites bancaires américaines (oct. 1931), Hoover perdra ses élections fin 1932.
L’économie mondiale, en convalescence de janvier à mai 1931, replonge en récession
grave, la Grande Dépression. 173
En France, le Temps et le Journal des débats politiques et littéraires
Au début de la Conférence de Londres, seul l’éditorialiste du Temps, Louis Mill,
espère toujours une amélioration de l’attitude des Britanniques sur la base rationnelle de
leurs propres difficultés financières, mais cet espoir est à nouveau rapidement déçu. Il
173
À propos de ces évènements, chap. 1, p30-32, 39-41.
78
constate que les Américains refusent d’exiger des garanties de stabilité à l’Allemagne, que
« l’opinion britannique est excitée contre la France », que les « libéraux et les travaillistes
veulent la vaincre ». Il perçoit le discours inaugural de MacDonald comme délibérément
vague et confus, biaisé par la politique « en faisant semblant de ne pas s’en occuper ».
Selon Mill, la baisse du prix des matières premières évoquée ne peut expliquer la crise
allemande, mais plutôt le gaspillage et l’agitation du Reich. Un autre intervenant se moque
de ces Allemands et Anglo-saxons qui croyaient enrayer la faillite du mark en publicisant la
débâcle économique, en déstabilisant les ententes signées et en montrant une « panique
véhémente ». Mill prédit un retour aux arbitrages et aux solutions obscures à l’encontre de
la France, tandis que l’Allemagne s’enlisera étouffée par son nationalisme. Il est le seul
dans les quotidiens français à ne pas percevoir l’engrenage dangereux du comité
international instauré par les Anglo-saxons sur les dettes du Reich :
Édito; (L’Allemagne pourrait offrir) des garanties, (mais) une campagne (en prévient) les États-Unis, (excite)
l’opinion anglaise contre la France. On insinue qu’il existerait un plan pour sauver l’Allemagne. C’est une
illusion (au vu des) finances britanniques, (mais) pour l’opinion libérale et travailliste, il faut vaincre la
France… (L’Allemagne) ne consent pas à une trêve, (ses chefs de droite la répudieraient… Nous ne voulons
croire que les buts de la City répondent à (ceux) du gouvernement. (Un) comité fera une enquête sur les
besoins du Reich, (mais ce qui prime) est la promesse de relations franco-allemandes confiantes… 174
Articles; s’est-il trouvé un économiste qui ait cru que l’intervention d’Hoover, la panique véhémente et la
publicité de la débâcle suffiraient à enrayer la faillite du mark ? (Pour) cette restauration (considérée)
nécessaire, (il fallait) démobiliser les bandes d’Hitler, (ajourner) le nouveau cuirassé (et) l’Anschluss. (La)
campagne perfide de la presse anglaise justifiait la méfiance. (MacDonald, a fait des) déclarations confuses,
autour du politique avec l’intention de ne pas en approcher. (Le mal, qu’il nie) existe en Allemagne, son
budget infecte l’économie. (C’était erreur) de penser que la menace du chaos raciste (déciderait) la France à y
jeter ses économies. (L’Allemagne) ne peut que s’enliser, (étouffée) par son nationalisme. 175
Dans le Journal des débats, l’opinion est similaire au sujet de la conférence, mais
encore moins optimiste et polie envers les dirigeants étrangers. Pour P. Bernus, la question
n’est plus de savoir si l’Allemagne vivra, mais comment elle laissera les autres vivre,
puisqu’elle n’a rien perdu de ses ambitions depuis la guerre. Le discours « filandreux » de
MacDonald cherche à masquer que la crise allemande provient d’un gaspillage des budgets
et que la confiance financière est détruite par la politique menaçante de Brüning, présenté
comme un héros de la paix. « Si le Reich peut se contenter des solutions de Hoover
174
Temps, 31-07-20-p1, Les entretiens franco-allemands. -20-p1, La crise financière allemande. -22-p1, La question des
zones franches. -23-p1, Les difficultés de la conférence de Londres. -25-p1, La crise financière allemande.
175
Temps, 31-07-22-p3, L’Atmosphère britannique (J. Bardoux). -22-p1, La conférence de Londres. -22-p1, La crise
financière allemande. -23-p1, La faute Allemande. -07-24-p1, Les décisions de la conférence de Londres. -24-p1, La crise
financière allemande.
79
(Standstill Agreements), cela démontre que c’est avec la panique qu’on a donné à cette
crise sa forme aiguë ». Il conclut que les Anglo-saxons voulaient « cyniquement »
substituer des fonds français aux leurs, sans garanties financières ni politiques. La
conférence était donc un « guet-apens » contre la France et la campagne contre les traités se
poursuivra :
(Le) « pacte de collaboration » de MacDonald, on sait ce qu’il a donné… (Les Anglo-saxons) veulent
substituer des fonds français (aux leurs), avec cynisme, (sans) précaution… L’Allemagne a (usé) toutes
bonnes volontés, (mais n’a rien) abandonné de ses ambitions… Le discours filandreux de Macdonald (appelle
nos protestations). Ignore-t-il tout de l’Allemagne ou cherche-t-il à égarer ? Il ne peut ignorer que la crise est
due au gaspillage des budgets, (que) la confiance est détruite par les extravagances financières et la politique
menaçante (de) Brüning, (dont il fait) un héros de paix… (On) s’est contenté des solutions américaines. (Si le
Reich s’en tire, cela montrera que c’est la panique qui a rendu la crise si aiguë. (La conférence était un guetapens. Son) but était la révision des traités… 176
En résumé pour Paris, seul l’éditorialiste du Temps espère à nouveau une
amélioration de l’attitude anglo-saxonne en début de conférence, mais cet espoir est
rapidement déçu. Le discours inaugural de Macdonald est perçu volontairement confus,
gommant l’aspect politique de la crise. On réfute avec raison que les causes principales de
la crise allemande sont la baisse du commerce mondial (la balance commerciale reste
positive) et la charge des réparations de guerre (3% du budget fédéral allemand, contre 30 à
40 % pour la défense). Dans le Journal des débats, Pierre Bernus est encore plus sévère,
cette conférence était un « guet-apens » pour la France. Les Anglo-saxons et les Allemands
poursuivront leurs attaques contre les traités et cette analyse correspond le mieux à la
documentation historique que nous avons consulté. 177
176
Journal des débats, 31-07-21-p1, De Paris à Londres (P. Bernus). -20-p1, Sur la pente. -22-p1, L’ouverture de la
conférence. -24-p1, L’expérience de Londres (P. Bernus). -20-p1, Sur la pente.
177
À ce sujet, chapitre 1, p30-32, 39-40.
80
En Grande-Bretagne, le Times et le Manchester Guardian.
La campagne intense du Times contre la France se poursuit jusqu’à la fin des
négociations de Londres (23 juillet). Les informations contre le postulat catastrophiste
allemand restent toujours discrètes. On ajoute aux plaidoyers allemands les plus extrêmes,
178
des arguments des plus contradictoires. Ainsi, on réprouve les demandes de garanties
françaises à l’encontre de l’agitation allemande, tout en admettant que des négociations à ce
sujet seront « bientôt indispensables ». On plaint le chancelier Brüning d’avoir si peu d’aide
financière pour son « support politique ». L’éditorialiste relaie les excuses des Britanniques
qui ne veulent risquer d’autres crédits en Allemagne, tout en reprochant aux Français de ne
pas le faire. Ces derniers restant inflexibles, il trouve aussitôt que la crise allemande peut se
régler avec les moyens issus du toujours « génial » Hoover (un entrefilet montre que
plusieurs banquiers sont en désaccord avec ce gel des crédits en Allemagne). Il déclare, à
présent comme au Guardian, que puisque tant de « citoyens honorables » allemands
partagent les vues des extrémistes, c’est qu’elles sont fondées… Il conclut qu’il faut choisir
entre la révision de tous les traités et le chaos, puisqu’il est impensable de retomber dans
une politique de sanctions contre l’Allemagne. Cependant, il admet après la réunion,
comme les Français s’entêtaient à le dire, que la stabilisation financière européenne est
impossible sans règlement politique :
Toutes infos; … against grossly exagerated reports for Germany, conditions (are) no worse (than in) other
countries… (Not) unanimous approval of Hoovers plan in Wall street. Bankers see danger in freezing all
credits… Édito; Real question is if confidence can be restored without larger unrest. (Dissatisfaction) is
shared by millions of law abiding citizens. (It is) time (to examine) grievances, (for) the views of extremists
are not peculiar to them… So long as burden of reparations continue to hang it will be impossible to establish
confidence (and) will render Germany a menace to World. (Only) alternative is revision or chaos. (It is
inconceivable) that Europe should relapse into a policy of sanctions. Crise jugulée; Germany proceed to
solve difficulties… The world (?) got accustomed to credit for uneconomic purposes ; (reparation), deficits,
maintaining prices… Causes of unrest in Europe and Germany are deeper than war debts. (Lack of confidence
springs from) profound social and political forces (and) must be faced. (World) can have no confidence in
peace until war mentality between France and Germany disappears... 179
178
The Times, 31-07-17-p13, German crisis and its causes (Minister Heinrich Dietrich). -24-p7, England and Germany
(German Ambassador).
179
The Times, 31-07-21-p10, Points of Letters, Life in Germany (15 lignes) -23-p12, The U.S. Proposal, Danger in
Freezing German Credits (partie de 0.25 colonne). Times, -22-p12, Strenght and weaknesses. -22-p13, Palliative or cure ?
(editorials). A Lost of Opportunity (editorials). The Times, 31-07-16-p17, City Notes. -17-p15, A Pause (editorials). -20p13, A Momentous Meeting. -24-p15 The Conference Ends (editorials).
81
Au Guardian on est soulagé, tout comme les nationalistes extrêmes allemands, de
voir que l’Allemagne refuse de modérer sa diplomatie et on compte sur Londres pour
poursuivre l’abolition des traités. Le discours reste empli de haine contre les Français
« imbéciles, militaristes, aux « mesquins marchandages de colporteurs » et dont la presse
est contrôlée par un gouvernement non représentatif du peuple. La France ne fait que
réarmer avec des « sous-marins géants… pourrait faire des myriades de sous-marins
minuscules », tandis que les Allemands ne construisent que quelques « cuirassés de
poche »… L’éditorialiste suggère un autre plan pour aider l’Allemagne; ses obligations
nationales seraient garanties par les autres nations… Puis, il ajoute que tous les traités
politiques devront être renégociés pour apaiser l’Allemagne. Des informations éparses
surnagent toujours : banquiers suisses et hollandais méfiants du cabinet Brüning, « ton de
barbarie » de la politique allemande, banquiers anglo-saxons inquiets du gel de tous crédits
en Allemagne. 180 La France refusant d’aider l’Allemagne à ses dépens, ce gel des crédits et
un simple contrôle des changes devient suffisant pour enrayer la crise financière allemande,
grâce aux toujours « géniaux » Brüning et Hoover :
Propagande; French build giant submarines, (tiny) hornets could be built in great numbers… (French are)
misrepresented by government, parliament, tied press… (Their) naïve identification of Henderson’s views
with theirs is amusing… There is talks in French military (about) expedition to Germany… French officers
(are) bellicose… German press agree that Chancellor was right to come back empty-handed rather than accept
(any) political conditions… Paris did not share enthousiam for « negative success » in London, it did not go in
mass to applaude M. Laval at the Gare du Nord, (so his) popularity is an invention. 181
Édito; « We are indebted to Americans for keeping politics and economics distance apart… French demands
may still cause trouble… They claim that this is due to battleships, Hitler’s movement, Custom Union,
nationalist policies of revenge. (Extort) guarantees would increase this spirit… (It is) a pity, when political
appeasement is recognized as the great need… (Germany) was not really insolvent, (budget) must be
balanced, reparation revised, foreign relationship improved, politics to show less dangerous tendencies. (That)
is why it had been hoped that conference (would) come to grip with those causes. Short-sightedness of French
policy is amazing. Their attitude towards Germany remains implacable and afraid, (key cause) of Europe
disquiet . 182
180
Man. Guardian, 31-07-21-p14 Money and Stocks. -22-p8, Our London Correspondence. -22-p9, American
Government’s Views. -23-p12, Danger in Germany. -23-p14, Money and Stocks. -24-p9, How it Affects the City.-24-p13,
Can Germany Pull Through ?
181
Man. Guardian, 31-07-20-p8, Our London Correspondance. -20-p13,Germany’s Plight Winter Outlook. -20-p9, How
the Paris Ourlook Changed. -21-p13, The London Conference. -21-p13, French Demands on Germany. -22-p12, French
Critics of England. -23-p9, Bellicose Talk in French Army. -23-p12, Germany’s Adverse Balance. -23-p12, French Press
Vagaries. -25-p11, Dr. Brünings Return. -25-p15, French Premier’s Return.
182
Man. Guardian, 31-07-20-p8, Problems for London. -21-p8, London and the Hague. -22-p8, France and Disarmament.
-23-p8, A Temporary Solution ? -24-p8, We Are Very Well Please.
82
Ainsi à Londres, le Times rejoint le Guardian et les dirigeants nationaux dans un
révisionnisme intégral du traité de Versailles, non sans contradictions constantes. On
réprouve les négociations françaises contre l’agitation allemande, jugées « indispensables
seulement quand l’Allemagne sera renforcée ». Certains textes du Guardian, en omettant ce
point, pourraient passer pour ceux de fols, entre exclusion et inclusion du politique,
apocalypse économique, distorsion des réalités et solutions financières exotiques. Les
Français refusant toujours de prêter à l’Allemagne, les deux éditorialistes croient aussitôt
que la crise se règlera par les solutions issues des « génies » de Brüning et Hoover.
Personne ne se demande pourquoi elles n’ont pas été simplement adoptées le mois
d’avant… De plus, le gel de toutes créances allemandes du domaine privé est excessif,
comme le remarquent plusieurs banquiers. On conclut maintenant au Times, comme au
Guardian, que si tant de « citoyens honorables » allemands sont de l’avis des extrémistes,
c’est que ces derniers ont raison (et non qu’il y a plus d’extrémistes). Le Times cesse ses
attaques directes contre la France, sans doute pour faire oublier la commission bientôt mise
sur pied pour abolir les réparations de guerre allemandes. 183
Aux États-Unis, le New York Times, le Washington Post
Pour la Conférence de Londres, l’éditorialiste du Washington Post est bien le
dernier de la presse anglo-saxonne à s’aligner entièrement (et temporairement) sur tous les
postulats des dirigeants allemands et anglo-saxons. Dans son journal, les discours d’Hitler
et d’autres extrémistes permettent de souligner la modération présumée de Brüning.
184
Il y
a donc crise économique catastrophique en Allemagne et c’est au tour de la France de se
sacrifier pour le « bien commun » mondial. Devant son refus, la solution fort simple du
« génial » Hoover devient tout à coup suffisante. Des germanophiles mentionnent même
qu’un crédit français était seulement requis pour augmenter le prestige politique du pauvre
Brüning, « victime d’une crise cardiaque à la fin de la réunion de Chequers ». Malgré tout,
l’éditorialiste est soulagé de voir clore ces conférences « de politiciens », conscient qu’elles
ont envenimé la situation, il souhaite un retour aux négociations sérieuses, entre banquiers :
183
Sur ces sujets, chap. 1, p30-32, 39-40.
184
Washington Post, 31-07-21, p1. Address of MacDonald as Debt Parleys Begin. Von Hindenburg Plea to Hoover is
revealed. -22-p2, German Crisis Laid to Brünings Rule: Hitler Faction’s resolution declare Government is Solely to
Blame.
83
21 juillet; Whether France and Germany are to cooperate or take path to war may be decided today. (French)
demand that Germany wear Versailles straight jacket. (Great Britain) is in desperate state, resentfull of French
effort to extort political guarantees from Germany. (Agreement) may be reached, because of the harm that
will befall to all countries (if Germany) collapse. Après la conférence; Obviously, most efective way to
reassurance is to close London conference... Hoover’s solution suggest that fundamental issue is confidence.
Lets turn the problem over the bankers. Germanophiles; Mr. Brüning (wanted) a long-term loan for political
reasons… He will return on a volcano of economic rest and nationalism… (Poor) Chancellor will continue his
dogged course, (however, some of his) friends are saying that after Chequers, he had a heart attack (?) … If
American, British and French like him so well (why) don’t they give him another lift ? 185
Dans le NY Times, le dénigrement de l’opinion française se poursuit avec un raz-demarée de témoignages en faveur de la révision des traités. On prétend qu’en satisfaisant les
demandes des extrémistes allemands, on nuirait à leur quête du pouvoir… Les discours de
MacDonald, Hindenburg, d’Hitler ou de la Pravda sont toujours édités sans critique. La
déformation de la réalité française et les contradictions qui en découlent sont frappantes :
« les capitaux français sont les plus importants à fuir l’Allemagne / étrange que l’offre d’un
prêt de 500 millions de dollars soit venu de ce pays… de nombreux français réclament la
révision / beaucoup d’opposition pour traiter l’Allemagne autrement qu’en ennemie... ». On
prétend toujours, comme MacDonald et Brüning, que c’est la baisse du commerce mondial
et la « réalisation du fait » que les réparations allemandes sont trop lourdes, qui ont
provoqué la fuite des capitaux. Ici aussi, l’apocalypse allemande est soudainement contrée
par les mesures simples des « géniaux » Hoover et Brüning. Les germanophiles plaignent
ici aussi le pauvre Brüning, pour sa crise cardiaque du 7 juin.
Après cette conférence cependant, plusieurs intervenants américains peuvent donner
dans des entrefilets une version de la réalité assez proche de celle des Français. Ainsi, nous
apprenons
186
que « seulement deux banquiers » américains ont conseillé à Hoover de
sauver l’Allemagne, les autres croyant qu’elle pouvait se tirer d’affaire seule. On note que
les cercles financiers allemands considèrent l’économie du pays « plus solide que jamais et
sans inflation », qu’il faut seulement éviter les paniques bancaires et imprimer plus de
monnaie. À son retour d’Europe, l’éditeur McCormick déclare aussi que la conférence était
une perte de temps, puisque l’Allemagne importe beaucoup plus d’or qu’elle n’en cède et
185
Washington Post, 31-07-19-p6, Face to Face (editorials). -20-p6, Statesmen in London (editorials). -22-p6, Another
Hoover Plan (editorial). 7-23,p1. Plan to come Up at London Parley. -23-p1, Berlin Again Looks to U.S. Relief. -23-p2,
Green Asks Longer Holiday on Debts.
186
NY Times, 31-07-17-p8, Doubt Reich Needs New American Loan. -20-p28, Industry Not Yet Hurt in Germany by
Crisis (30 lignes). -20-p28, Paris Bourse Down Reports. -20-p15, Trustful Cooperation .
84
que le Reich (gaspille) beaucoup plus d’argent que le coût de ses réparations de guerre. On
annonce, après le Daily Telegraph, que les ventes françaises de livres sterling n’étaient pas
une attaque financière, ni politiquement motivée (voir : après la conférence, ci-bas) :
P.J. Philip; Laval (want) victory over Germany, (England and U.S.A.). Costs seems subsidiary to immediate
political interest… Londres; (The collapse) of old mark wiped out Germany’s liquid capital, danger of
borrowing was not apparent during prosperity, but Trade depression and recognition abroad that reparation
burden imposed too much strain resulted in foreign creditors withdrawing loans… French formed by far the
largest proportion of credit withdrawn and therefore, surprise is expressed that proposal for $ 500 million loan
have come from them… Édito; Hoover moratorium will be highly beneficial. (Opportunity) to reconsiderate
war debts (and reparations, otherwise) breathing space will have been wasted. 187
Après la conférence; Credits already frozen in Germany, (Hoover) recognized the inevitable. (Only) two
great banks had declared that rescue of Germany must be done, (majority thought that she) can alone restore
credit… (German) circles agree that economy is as sound as ever, currency not inflated but deflated, only
tasks are to avoid tie-up of banks and produce cash… Reduction (of short loans by German banks) followed
election. The bulk has been pulled out, (however,) late spring (manifeste Brüning), foreign lenders take alarm,
recalled funds (and past few weeks) 80 % of outflow was from Germans… (Publisher McCormick) says
conference was waste of effort, (Germany) taking far more gold than she sends, spending much more than
reparations… It was said in Daily Telegraph that alleged french political motive for tranfers of sterlings is
being discounted… germanophiles; German hopes turned to America to stave off the fall of Brüning… his
friends however (said that) after his return from Chequers, he had a heart attack… 188
Pour la presse américaine, la couverture de la Conférence s’articule donc toujours
sur les postulats révisionnistes des traités. Les Français refusant de se « sacrifier pour le
bien commun », l’apocalypse allemande est aussitôt contrée par les solutions fort courantes
des « géniaux » Brüning et Hoover. On n’explique pas pourquoi elles n’ont pas été prises le
mois précédent ou que la plupart des banquiers, anglo-saxons et autres, sont inquiets du gel
de toutes leurs créances dans le Reich … Cependant, les révisionnistes et les germanophiles
conservent le haut du pavé, prétendent que le pauvre Brüning aurait fait une crise cardiaque
le 7 juin, ce qui est aberrant eu égard à son hyperactivité subséquente. On prétend toujours
que c’est la « réalisation du fait » que les réparations allemandes sont trop lourdes qui
provoque la fuite des capitaux. Cette « réalisation » est surtout imputable à la campagne de
187
NY Times, 31-07-21-p1, Paris Still Insist on Security Pledge (P.J. Philip) -20-p28, London approves German
Measures. -21-p12, Address by Premier MacDonald. -21-p13, Political Appeasement Proviso Mystifies Mellon. -21-p13,
Hindenburg’s Plea to Hoover is Made Public. -22-p1, Berlin Welcomes New Hoover Credit Memorendum. -22-p1, Paris
Tell League it Cannot Cut Arms. -22-p20, German Public Finance (editorials). -22-p20, London and Washington
(editorials).
188
NY Times, 31-07-23-p1, Markets Here Drop on London Reports. -24-p11, Germans Says Crisis is Up to the
Reichsbank. -24-p11, Reich Short-term Loans Drop Fast in Year. -24-11, Wall Street Gloom over Debt Meeting. -25-p15,
MacCormick Back, Scores Debt Talks. -25-p5, Soviet Paper Gibes at London Results. -25-p5, British Gold Drain Laid to
Henderson. -24-p10, Berlin Press See Aid as a Stop Gap. -24-p1, Bankruptcy Staved Off. -24-p10, France Modifying
Attitude to Reich. -24-p1, Accord Pleased Hoover. -23-p1, Germans will ask Stimson for Cash. -23-p6, The Times,
London, Calls Parley Disappointing.
85
propagande de Brüning et associés. Quant au « fait », il est mis à mal dès la fin de la
Conférence. Plusieurs intervenants, dont l’éditorialiste du Post, peuvent alors dénoncer
l’inutilité de ces « disputes politiciennes ». Des entrefilets donnent raison au point de vue
français sur la crise allemande. L’unanimité des appuis pour Hoover était donc limitée à
celle de deux ou trois des banquiers américains, aux dirigeants britanniques, aux élites
allemandes. Le redressement allemand, perçu « mystérieux ou extraordinaire » après juin
1932, trouve ici une bonne partie de son explication.
Dans les medias anglo-saxons, on ne semble plus percevoir de frontière entre les
souhaits du cabinet Brüning et celles des chefs des partis extrémistes, mais contrairement
aux Français c’est parce qu’on y normalise la politique extrémiste. On oublie toujours les
causes véritables de la récession mondiale : politiques déflationnistes, guerre douanière et
dumping commercial d’Hoover surtout, taux de la Banque Fédérale à New York, tarifs
douaniers records de Brüning, annonces de faillite et agitation allemandes. On ignore aussi
les premiers signes de la déstabilisation bancaire mondiale provoquée par les décisions
prises en faveur de l’Allemagne. 189
En conclusion pour cet évènement, la presse française perçoit les dirigeants actuels
du Reich comme des nationalistes et militaristes extrêmes au même titre que les hitlériens.
On conteste l’utilité de la conférence de Londres pour régler les problèmes économiques et
politiques en Allemagne. À l’opposé, les Anglo-saxons croient au scénario-catastrophe
véhiculé par Brüning à l’encontre des réparations de guerre et réprouvent les demandes de
garanties de la France, exigeant son aide sans condition… Les Français restant inflexibles,
leurs éditorialistes croient aussitôt que la crise « catastrophique » allemande se règlera par
les solutions fort simples, cependant trop tardives et généralisées, des « géniaux » Hoover
et Brüning. Tous les Anglo-saxons concluent qu’il faut choisir entre révision des traités ou
chaos européen, puisque « tant de citoyens honorables allemands » sont à présent « du
même avis que les » extrémistes. À l’inverse des Français, on considère donc à présent les
politiques de ces derniers comme étant dans la normalité.
Dès après la conférence de Londres pourtant, plusieurs intervenants américains
dénoncent son inutilité pour régler la crise alllemande, montrant ainsi que l’approbation
189
Réf. chapitre 1, p7-8, 25-26, 30-32, 39-40,
86
« universelle » pour Hoover était bien fictive. La guerre des médias contre la France semble
connaître une trêve, sauf dans le Guardian, maintenant qu’une autre « révision » des
réparations allemandes lui a été imposée, mais on s’apprête aussi à la désarmer avec la
prochaine Conférence de Genève. Partout, on continue à oublier les nombreuses causes
structurelles de la récession mondiale et on ne semble pas percevoir les premiers effets du
gel de toutes les créances en Allemagne, sur le crédit bancaire des autres pays, effets qui
mèneront en deux mois à la Grande Dépression.
87
C)
Première victoire électorale nazie (1932-07-31)
Après juillet 1931, le monde entre en Grande Dépression. Les Britanniques
poursuivent leurs attaques pour l’abolition définitive des réparations et les amplifient pour
le désarmement de la France et de ses alliés lors de la Conférence de Genève (février-juin
1932). Le délégué britannique Simon déclare, dès le départ, aux Allemands ravis que les
Anglo-saxons leur donneront l’égalité des droits en armement, invalidant l’essentiel du
reste du traité de Versailles. En décembre 1931, un dernier décret d’austérité du chancelier
Brüning, décret surnommé « de la faim » et la poursuite de ses menaces de faillite
prolongaient aussi la dépression allemande (7 millions de chômeurs), permettant aux deux
partis nazi et communiste de faire le plein de votes en avril 1932. Hitler obtient 37 % du
suffrage présidentiel contre von Hindenburg, qui remplace le « trop modéré » chancelier
Brüning par le réactionnaire Franz Von Papen. En juin 1932, les Anglo-saxons privent
définitivement Français et Belges de leurs réparations de guerre. Von Papen libère les
milices nazies des freins imposés par Brüning et accorde de nouvelles élections à Hitler.
Ayant ainsi multiplié les violences, il en accuse les communistes et dissous le
gouvernement social-démocrate de la région de Prusse. Le 31 juillet 1932, Hitler obtient
45,6 % des sièges au Reichstag (avec alliés). Sa nomination comme chancelier est retardée
par Hindenburg, mais les milices nazies prennent le contrôle de la police et sont bien
attirantes pour la remilitarisation du pays. Cette victoire électorale est bien l’aboutissement
des « guerres » financière et diplomatique entreprises par Brüning depuis les élections de
septembre 1930, tout comme la Grande Dépression en est la résultante pour le reste du
monde. 190
En France, le Temps et le Journal des débats politiques et littéraires
Dans le journal le Temps, peu après l’abandon des réparations de guerre et une
première conférence de désarmement qui n’a rien produit, on mentionne amplement les
violences hitlériennes qui s’amplifient après le scrutin et le fait qu’il ne reste que 18 % de
catholiques centristes entre partis de droite et de gauche irréconciliables. L’éditorialiste
croit ainsi que le cabinet réactionnaire de von Papen se trouve renforcé contre le Reichstag,
190
Réf. chap 1, p32-36, 39-42.
88
certains intervenants se rassurent du fait qu’Hitler n’aura pas la majorité absolue par des
moyens électoraux. Pourtant, un correspondant montre que l’idée de dictature est ancrée
dans tous les partis allemands. Le problème des réparations de guerre est à présent
supplanté par celui du réarmement de l’Allemagne. On annonce que les rapports des
commissions de surveillance du désarmement étaient de complaisance (1926, 1931) et que
cela était tenu secret. L’Allemagne est donc encore plus dangereuse pour la sécurité
européenne. Si l’éditorialiste s’illusionne encore sur l’« échec » électoral hitlérien, il ne fait
pas plus confiance en la dictature réactionnaire et militariste des von Papen et Schleicher. Il
demande au gouvernement français de résister fermement aux demandes des Anglo-saxons,
ligués avec les Allemands pour désarmer la France :
191
La vague hitlérienne n’a pas déferlé… (les) nazis ont perdu leur chance… (Ce pays est près) d’une
catastrophe, entre dictature militaire et guerre civile… (À Paris), le chef socialiste prétend qu’il faut désarmer
la France pour assurer sa sécurité. (Est-ce) le plus sûr moyen face à ceux qui n’ont pas voulu désarmer et qui
savent se passer du droit ? La quittance a-t-elle été donnée lorsque (les) rapport de la Commission du
désarmement a été transmis ? Non, il ne pouvait l’être… Ces constats enlèvent à l’Allemagne le mérite d’un
désarmement loyal, confirment une revanche, enlèvent l’argument d’inégalité... On comprend qu’à la veille
d’une conférence (visant) à désarmer la France, des secrétariats aient étouffé ces documents. On comprend
moins que cela soit toléré à Genève, pourquoi l’ignorance anglo-saxonne n’est pas éclairée et une occasion
saisie. 192
Dans le Journal des débats, les explications sont aussi nombreuses et sévères sur les
résultats électoraux. Constatant l’absence de démocratie libérale en Allemagne, on y
conclut que tout dirigeant s’attaquera aux traités et que les von Schleicher et Hindenburg
travaillent à recréer l’empire et recherchent l’appui des hitlériens. Des articles expliquent le
non-désarmement de l’Allemagne et la duplicité de sa diplomatie (promotion des minorités
pour détruire les frontières, racisme anti slave des arguments sur Dantzig). On fustige les
manipulations pacifistes qui cherchent à estomper les faits brutaux qui se produisent en
Allemagne, tout en répandant des illusions de sécurité et de paix :
Anonymes : La propagande allemande répand la notion d’un couloir (polonais). Ne trouve-t-on pas d’ilots
germaniques jusqu’en Russie ? … (L’Allemand) croit aux races inférieures (dont la polonaise) … (Ceux) qui
prendront le dessus feront la révision des traités… C’est aussi le but (de leur promotion des minorités hors
191
Le Temps, 32-08-03-p4, L’Aviation de bombardement (Lt. Col. Reboul). -01-p1, L’Autriche et le protocole de
Lausanne. 02-p2, Le problème du désarmement. -02-p6, Après les élections allemandes. -03-p2, Les projets de
réarmement de l’Allemagne. -03-p8, Dernières nouvelles, le terrorisme hitlérien. -01-p4, L’Allemagne nomme son
nouveau reichstag. -01-p1, Le rêve dangereux. -03-p1, Le cabinet Papen et les partis allemands.
192
Le Temps, 32-08-02-p1, Les élections pour le Reichstag. -03-p8, L’Allemagne après les élections. -05-p1, La crise
politique en Allemagne. -01-p1, L’Autriche et le protocole de Lausanne. -01-p1, Le rêve dangereux. -01-p1, La légende
du désarmemnt allemand (J. Bardoux).
89
frontières)… Mussolini (a dit vrai). Ce n’est pas sur le libéralisme que s’est fondée l’Allemagne, (mais) sur le
militarisme et l’absolutisme. Le parlementarisme n’y est qu’exotique. 193
Édito : comme toujours, on affirme que les hitlériens ont fait leur plein, les Allemands (vont) redevenir sages,
ce mouvement sera canalisé par la Reichswehr, mais il n’y a pas de quoi nous satisfaire… Est-ce l’intérêt de
la paix de (cacher) les actes qui veulent la troubler ? Naïfs sont ceux qui ne voient pas que les von Schleicher
et Hindenburg travaillent pour les Hohenzollern, (veulent s’entendre avec les hitlériens. (La palme de
l’aveuglement) revient à Léon Blum, (pour lui) les hitlériens passent de 107 à 230 députés et ils marquent une
pause. On s’explique, devant cette fantaisie, que les socialistes soient en tous pays incapables d’établir un
budget ! 194
En somme, les quotidiens français restent au diapason lors de cette victoire nazie :
aggravation de violence, complaisance de von Papen à ce propos, politique extérieure de
plus en plus dangereuse. Seul l’éditorialiste du Temps se réconforte du fait qu’Hitler n’a pas
la majorité absolue au Reichstag (avec 46,5 % d’appuis) comme si elle était si importante et
quand la lutte de pouvoir est ailleurs qu’au parlement. Pourtant, il n’a pas plus confiance en
la dictature des von Papen et Schleicher. Pour le Journal des débats, cette progression nazie
démontre la disparition de la démocratie et que tout cabinet allemand s’attaquera à l’ordre
européen. Les von Schleicher et Hindenburg veulent recréer l’empire et s’adjoindre les
hitlériens. On critique les illusions pacifistes, en particulier des socialistes, puisqu’elles
« rendent plus certaine la revanche allemande ». Dans ce pays français, décrit comme
belliqueux et surarmé par la presse anglo-saxonne, personne ne songe à prôner une guerre
préventive, même suggérée par le gouvernement de Pologne.
En Grande-Bretagne, le Times et le Manchester Guardian.
La couverture du Times est presque inexistante et la position éditoriale se veut très
rassurante. Trois articles mentionnent bien les violences électorales, sans noter qu’elles se
poursuivent plus meurtrières après le scrutin. L’éditorial conclut, de façon ambigue, que le
résultat électoral est en accord avec ce qui était prévu et qu’il n’y a pas de parti vainqueur
en face du cabinet… Il doute des chances de succès d’Hitler et compte sur von Papen pour
le maîtriser. Ce dernier devrait aussi chercher à obtenir pour l’Allemagne l’égalité en fait
193
J. des débats, 31-08-01-p2, Races et frontières à l’Est. -04-p3, La politique allemande des minorités. -05-p1, La théorie
du fascisme (A. Albert-Petit).
194
J.des débats, 31-08-02-p1, Le général von Schleicher et le nouveau Reichstag (P. Bernus). -03-p1, Les idées et les
chiffres (A. Albert-Petit). -04-p1, Le gouvernemnt du reich et les hitlériens (P. Bernus). -03-p1, Les idées et les chiffres.
-03-p1, Les fictions dangereuses.
90
d’armement. L’éditorial ne souffle mot des premières rumeurs, dans les pages financières,
d’une « révision » par le Reich, de ses créances commerciales cette fois… :
…result of election is in accordance with expectations… (Victory) goes to none, (only) victor is government.
(It is) undoubtedly monarchist but has probably no intention to change Constitution… President Hindenburg
whom all the world knows for a man of his word, has taken oath to Republic… this government will attempt
to (gain) equality in armaments. But most important is necessity to maintain order. Germans have been
excited to partisan fury in a series of election. Vote has been followed by atrocious violence, (these)
despicable outrages should cease. 195
Les articles du Guardian nous donnent un compte-rendu aussi restreint, mais plus
efficace. Ils expliquent la violence nazie meurtrière endémique et la complaisance de von
Papen. Cependant, si le nouvel éditorialiste, W.P. Crozier,
196
tient à se rassurer du fait
qu’Hitler a manqué sa chance en n’ayant pas la majorité absolue au Reichstag, on rappelle
bien dans les articles que la lutte pour le pouvoir est à l’extérieur… L’éditorialiste est donc
le seul optimiste sur les perspectives à venir. Il oublie les violences nazies, prétend qu’on
pourra canaliser ce mouvement en une forme inoffensive, néglige l’aspect dictatorial et
militariste du cabinet actuel et suggère même la suppression du parti communiste pour
recréer une majorité factice.
Il se rappelle enfin que les tarifs douaniers américains
contribuent à la récession mondiale et aux difficultés sur les dettes européennes, mais il
oublie, lui aussi, les rumeurs d’une autre « révision » par le Reich de toutes les créances
privées. Lord Cecil, porte-parole pacifiste du gouvernement, poursuit avec plusieurs autres
sa campagne pour fournir à l’Allemagne l’égalité des droits en armement et pour le
désarmement de ses voisins :
Articles; … Nazis disproved that Communists are agressors in the affrays which have grown since
government came in power, (and which) has been defeated in parliamentary sense. Struggle for power (is)
extra parliamentary… (Nazis) outrages are worst. Councellor Struff murdered in his bed, (Another) shot dead
at home. Incendiary bombs thrown in offices of journals… almost all are committed by Nazis, (allowed) to do
almost anything with impunity, government press is packed with false reporting… 197
Édito; Responsible politicians realize that American tariffs has made payments of war debts impossible…
Nazis failed absolute majority. Hitler nor his colleagues desire to act against government, in confidence
toward the future… Von Papen and von Schleicher will canalize nazi movement into harmless nationalism.
Decrees must have stamp of Reichstag, it might be with Center party (or by) suppression of Communist party.
195
N.Y.Times, 32-08-02,p10, The German Election (editorial).
196
Sioniste engagé, il reste un appui du gouvernement allemand, mais s’opposera bientôt au nazisme.
197
Man. Guardian, 31-08-01-p9, Recrudescence of Disorders. -02-p9, German Elections and After. -03-p9, Dictatorship
to Continue. -04-4, Nazi Outrages Continue. -04-p9, Emil Ludwig, Why he became a Swiss Citizen. -05-p4, Nazi
Terrorism Continue.
91
Both Red and Black internationals will (only) play obstruction for months. Pacifistes; We should press for
all, disarmament imposed to Germany… (Intelligent) French realised it is impossible to maintain artificial
superiority. Equality (is) unassailable ground… French nationalist papers continue alarmist articles about
Reichswehr… Radical papers have dropped disarmament policy. (So,) Mr. Blum (is alone to say that) von
Papen is less dangerous than Hitler (and that) the other nations can only by disarming, prevent rearming of
Germany. 198
En somme, on a l’impression d’une certaine gêne au Times, avec sa couverture
discrète. On ne montre pas la violence plus meurtrière de l’après scrutin, malgré les
concessions internationales obtenues. L’éditorial conclut étrangement que le résultat était
prévu et qu’il n’y aurait pas de parti vainqueur... Il compte sur von Papen pour maîtriser ou
intégrer Hitler et rien de fondamental n’est changé pour les affaires. Les journalistes du
Guardian sont plus diserts sur la violence, qu’ils imputent avec raison aux hitlériens et à la
complaisance de von Papen. Cependant, l’éditorialiste atténue la violence nazie, « dont le
mouvement peut être canalisé en forme inoffensive ». On s’accommode donc, à Londres,
d’un régime autoritaire, pourvu qu’il sauve les apparences parlementaires et on oublie que
les décrets Brüning (juillet-déc. 1931) ont déjà orienté le Reich vers l’autarcie sous l’égide
du complexe militaro-industriel.
199
Aux États-Unis, le New York Times, le Washington Post
Malgré une couverture limitée, les éditorialiste et journalistes du Post donnent un
bon aperçu de la radicalisation en Allemagne et de la violence, sans atténuation de la
victoire hitlérienne et de ses effets possibles : dictature et réarmement. Si un article discret
mentionne qu’une conférence internationale devra enfin traiter des tarifs douaniers et des
autres barrières érigées contre le commerce, le sénateur protectionniste Borah
200
réitère que
tous les problèmes économiques proviennent des dettes interétatiques de la Grande Guerre
et qu’il faut donc poursuivre leur élimination après celle des réparations allemandes, tout en
désarmant les débiteurs des États-Unis, surtout les voisins de l’Allemagne :
Édito; …confusion is worse. Hitler fell short of majority, (however) his followers are twice as numerous…
(This election will result in) more bitterness, bloodshed (in spite of emergencies) in financial, economic and
198
Man. Guardian, 31-08-02-p8, Two Ways with the War Debts. Reich Elections (édito) .Man. Guardian, 31-08-02-p9,
Opinion in France. -03-p9, Lord Cecil on Disarmament. -04-p4, Germany and the New Regime. -08-05, French Fears of
German Rearming, Alarmist Campaign in Nationalist Press.
199
Réf. Chapitre 1, l’Allemagne de Weimar.
200
Wash. Post, 1932-08-04-p1, Borah Favor Debt Erasure in Trade for Disarmament.
92
armament questions… Contentions will continue (with a) junker- capitalist cabinet leaning toward
dictatorship or monarchy, already threatening peace with its intention to disregard Treaty restrictions about
army… (With) strength of Fascists and Communists, (no) settlement of European troubles need to be
expected until that country become stabilized. 201
Le NY Times fournit une couverture importante de l’élection et est le seul très positif
sur les perspectives en Allemagne, même plus que les éditorialistes londoniens. Quelques
articles contredisent cet optimisme. Cependant, le correspondant à Berlin (F.T. Birchall)
soutient le chancelier von Papen déclarant que l’électorat a renié la violence de tous les
partis et qu’un « nouveau genre » de gouvernement remplacera l’« ancien » et qu’il
reprendra « l’idée américaine divisant l’exécutif et le législatif ». Birchall est rassuré par le
manifeste d’Hitler demandant la poursuite du combat sans pause… Pour l’éditorialiste,
intégrer Hitler au cabinet sera une victoire pour la démocratie. On atténue le fait que le
Reich, après l’abolition des réparations de guerre, entend réviser aussi ses créances privées.
Finalement, on continue la campagne pour désarmer la France et ses alliés et pour appuyer
l’Allemagne, en donnant la tribune aux pacifistes et politiciens qui veulent poursuivre dans
cette voie : (sénateur Borah en 4.5 colonnes, sénateurs C.A. Swanson et N.H. Davis,
délégués à Genève). 202 203
FT Birchall : Nazi party get only 37 %, (possibly) reached its climax. (Centre party won victory) with pivotal
position. (Germans do not) trust parties, (von Papen’s) independance is truer, (trying a new system) that
differs from old parliamentary responsability… (for) law and order. American idea of division between
executive and legislative (is carried further). Manifesto from Hitler is especially mild, it says (continue) the
fight with renewed energy… Tragedy for Hitler (is) it’s triumph always beyond the horizon, (his impossible
program) again postponed. Édito : election was disappointment to (find a) majority capable of governing,
(but) Hitler’s party failed to win the mandate (of race and hatred) policies and provocation in foreign affairs…
(To draw Hitler) into cabinet would be victory for democracy. Sunday’s election was a victory for moderation
and Republic. (Von Schleicher expressed) admiration for Hitler, said his movement must be used because it is
fired with faith... 204
Articles; Nazi orators shout for ending tributes… Hugenberg called for reduction of interests (or) of debts…
(but should cabinet) intervene in private debts, (it would) injure confidence in nation’s credit… pacifistes; Mr.
201
Wash. Post, 1932-08-03p1, U.S. Accepts World Parley Bid of Britain. -02-p6, Germany’s Political tumult .
202
NY Times, 32-08-01-p8, 287 Arrests in Berlin (dizaines de morts et blessés). -01-p8, Milled in Reich as the Nation
Votes. -02-p4, French Gratified Nazis Fell Short (democracy has failed and the parties of violence have been the most
successful). NY Times, 32-08—05,p29, Tariff Walls Rise Higher Over World.
203
La conférence de désarmement de Genève, à partir de février 1932, verra à nouveau les Anglo-saxons
appuyer l’Allemagne à l’encontre de tous ses voisins et en particulier de la France. Les congressistes
améticains Swanson et Davis seront particulièrement zélés à cet effet. Voir, chap. 1, p41-42.
204
NY Times, 32-08-01-p1, Right Parties Fail to Carry Germany (F.T. Birchall). -01-p8, Cabinet Likely to Continue. -02p1, Election Gives reich New Kind of Regime (Birchall).NY Times, 32-08-02,p16, The German Election (éditorial). -04p6, Hitler is Praised by Von Shleicher.
93
Warner, (former Assistant Secretary of Navy), declared France would find 350 fighters sufficient (instead) of
5000 planes she now has… General Liautey said that French army was (not so powerful) and speaked about
military organizations and spirit of violence in Germany. Westarp replied (that) increase of Hitlerites and
violence (were because) injustice on which economic life was based… Amount of reparations was indefinite,
uncertainty produced financial and political trouble, (but) Germans have shown (far more reasonable
behaviors than expected… 205
Aux États-Unis, on est donc choqué par la violence allemande et l’éditorialiste du
Washington Post s’inquiète des effets mondiaux de la déstabilisation du pays. Malgré la
violence nazie expliquée dans ses articles, l’éditorial du NY Times (avec son correspondant
F.T. Birchall) entérine le cabinet autoritaire von Papen et atténue la dangerosité du nazisme.
La politique extérieure allemande restera modérée… Si on mentionne discrètement qu’il
faudrait une conférence contre les barrières commerciales, on escamote les rumeurs d’une
révision des dettes privées allemandes, après l’abolition des réparations devant
l’empêcher... D’autres objectifs prennent la vedette. Pour Wall Street, c’est l’abolition de
toutes dettes de guerre nationales (aux dépens du contribuable) et pour le département
d’État, c’est le désarmement des pays débiteurs, surtout voisins de l’Allemagne. Le tout est
« justifié » par le sénateur Borah.
206
Il prétend toujours qu’effacer les dettes de guerre des
actifs nationaux n’aurait pas d’incidence significative sur les bilans comptables et que
depuis 1914, les budgets militaires de tous les (autres) pays disparaitraient, en quelque
sorte, des flux économiques. M. Borah n’explique pas pourquoi ce phénomène de
disparition monétaire (en sus de celui des passifs) n’existe que depuis 1914 et ce qu’il
advient des soldes et autres paiements. La fin des versements de la France sur sa dette
américaine, avec celle des autres pays, n’aura évidemment pas l’effet de relance escompté
par ce génie de la finance.
En conclusion pour cet évènement, l’évolution de la politique allemande est perçue
des plus dangereuses chez les Français désabusés. Sauf au Times de Londres, les quotidiens
anglo-saxons montrent bien l’expansion du mouvement nazi et ses violences avec
l’assentiment du cabinet von Papen. L’éditorialiste du Guardian suggère l’éviction des élus
communistes pour former une majorité parlementaire (favorisant Hitler et alliés
207
),
solution qui sera mise en œuvre sous peu. L’éditorial du Times, prétend simplement que les
205
NY Times, 32-08-03-p1, Reich Would Seek Private Debts Cut at World Parley (Birchall). -04-p15, Issue at Parley
Unlikely. -03-p2, 80 % Air Force Cut Urged at Williams. -04-p1, American Delegates Discuss Arms Parley. -04-p15,
Text of Borah’s Speech on the War Debts and World Parley.
206
Président du prestigieux Foreign Affairs Committee, bi-partisan, aux États-Unis.
94
résultats étaient prévus et compte sur von Papen pour intégrer Hitler, comme son
homologue du NY Times qui y verrait aussi une victoire pour la démocratie. C’est le
sénateur Borah qui semble le mieux résumer et justifier les objectifs de Wall Street et du
département d’État; effacer toutes créances interétatiques aux dépens du contribuable,
désarmer les pays débiteurs des États-Unis, surtout voisins de l’Allemagne. Personne, chez
les Anglo-saxons, ne semble se demander pourquoi l’extrémisme allemand a toujours le
vent en poupe, malgré les mesures d’apaisement obtenues,
208
on cherche, contre toute
attente à les poursuivre au détriment des voisins de l’Allemagne.
207
Il passerait ainsi de 46,5 % à 58,5 % des sièges du Reichstag. Hilter le fait d’ailleurs en mars 1933.
208
Évacuation de la région du Rhin avec cinq années d’avance, abolition complète des réparations de guerre,
garanties anglo-saxonnes pour l’égalité des droits en matière d’armement.
95
CONCLUSIONS
A) Résumé des observations
Les explications sur la situation de l’Allemagne et de l’Europe se scindent
rapidement entre deux groupes opposés à partir de l’évènement no 2 (Manifeste Brüning,
1931-06-06). En France, on reste toujours très inquiet de l’évolution politique allemande.
Chez les Anglo-saxons, les explications sur les crises allemandes font bientôt place à une
guerre médiatique totale contre la France. Par ailleurs, la violence électorale allemande ne
semble nulle part perçue excessive et cela doit s’expliquer par son degré usuel (électoral et
sociétal) dans tous les pays.
209
Cette indifférence envers la violence s’effrite rapidement
chez les Français, qui en sont très alarmés en juillet 1932. À ce moment, elle s’atténue un
peu au Washington Post et au Manchester Guardian, mais persiste dans les deux Times où
l’on tente probablement de rassurer les marchés.
Les reportages sont partout similaires sur l’élection allemande de septembre 1930.
Trois éditorialistes anglo-saxons restent sereins, au Washington Post et aux deux Times,
malgré leur surprise devant la poussée extrémiste. Ils l’expliquent « fortuite et temporaire »,
simplement causée par un surcroît de chômage, pourtant considéré dans la normalité. Cette
explication est contredite par leurs propres reportages montrant, comme ceux de France,
maintes causes sociopolitiques. Le NY Times cite quelques économistes et banquiers
rassurants pour les marchés. Par contre, l’éditorialiste du Guardian appuie déjà totalement
les nationalistes allemands. Pour lui, il faut abolir tous les traités européens pour faire
cesser les « souffrances extrêmes» du peuple allemand. En France, la poussée nazie est
expliquée comme un mouvement de fond qui est cause principale d’instabilité économique,
mais on admet que le chômage ravive la poussée extrémiste. Le Guardian et le Journal
des débats, aux antipodes des choix politiques pour l’Allemagne, anticipent néanmoins
avec précision les évènements à venir de la politique allemande et de la diplomatie
européenne.
C’est avec le Manifeste de Brüning (1931-06-06), que les explications sur les
crises allemandes se scindent en deux partis. Les Français réfutent tout son plaidoyer,
209
Les violences électorales, entre syndicats et patrons, raciales ou coloniales étaient courante dans tous ces
pays. Voir chap. 1, p16-26.
96
dénoncent les failles budgétaires du Reich, son réarmement à l’encontre des traités, son
agitation menaçante pour l’économie et la paix européenne. L’éditorialiste du Journal des
débats avertit des conséquences néfastes d’une acceptation de ces thèses.
210
Mais Brüning
obtient le support de la grande majorité des Anglo-saxons. Pour eux, la crise allemande est
avant tout économique, provient des réparations de guerre et c’est elle qui provoque la crise
politique. Ainsi, la relation de cause à effet est-elle à l’inverse de celle expliquée par les
Français. Si les éditorialistes du Washington Post et du Times restent sceptiques sur les
actions de Brüning, ils pensent appuyer un « modéré » à l’encontre des extrémistes.
L’intervention massive de germanophiles, anonymes ou non, fait échos à la presse
allemande. Le Times ajoute celle du gouverneur Norman (Banque d’Angleterre, partisan du
Reich 211 ), le Washington Post cite le sénateur Borah, autre sympathisant du Reich. Au NY
Times, on ajoute « la plupart des officiels du Département d’État ». Le tout commence à
prend la forme d’une guerre médiatique contre le plan Young, avatar du traité de Versailles.
Le projet de moratoire du président Hoover (21 juin 1931), sur les dettes
interétatiques, est accueilli avec enthousiasme par la presse anglo-saxonne. L’éditorialiste
du Washington Post avoue plusieurs fois qu’elle est « marshalled » en support du président.
Pour celui du Times, ce moratoire est la « preuve indubitable »,
212
malgré tout circulaire,
que la crise allemande s’est aggravée… On crée l’illusion de joie et d’appuis « universels »
en multipliant des témoignages allemands et anglo-saxons.
213
Les Français rétorquent que
les difficultés du Reich proviennent de l’agitation et que les réparations sont une faible part
de son budget. Les critiques contre ces arguments, au Guardian et au NY Times, sont
méprisantes. Il n’y en a aucune envers les arguments issus de Washington, Londres, Berlin,
d’Hitler et même de la Pravda de Moscou. Nous devons toujours constater l’absence d’une
explication des effets de la crise économique en Allemagne, sauf dans quelques entrefilets
210
« On sera surpris de la rapidité de leur rétablissement si on cède à leurs pressions ». Ce qui sera le cas,
même chez les historiens de l’économie. Il décrit bien les premiers objectifs stratégiques du Reich atteints
avant la Seconde Guerre.
211
Depuis 1922, Investissements massifs dans le Reich, attaques financières et monétaires contre la France et
ses possibles alliés, en accord avec la diplomatie du Foreign Office.
212
Pourtant circulaire, et faisant suite à la simple parole du président von Hindenburg.
213
Cette fabrication d’un appui « universel et enthousiaste » pour le président n’est pas rare dans la presse
américaine et britannique, même actuellement.
97
qui réfutent les thèses de Brüning ou donnent d’autres causes à la récession mondiale.
214
Par contre, les intervenants anglo-saxons relaient des raisonnements financiers forts
hétérodoxes,
215
qui sont une liste de souhaits des nationalistes allemands et de banquiers
trop investis en Allemagne. Il y a aussi une première contestation de la légitimité du
gouvernement français, « argument » atavique, semble-t-il, chez les dirigeants et les
journalistes de Londres, Washington et New York, à l’encontre des gouvernements rétifs à
leurs intérêts nationaux.
La crise bancaire allemande du 13 juillet provoque bel et bien la panique dans la
City. Les deux Times et le Washington Post rejoignent le degré de francophobie du
Guardian. 216 Si l’éditorialiste du Post note que les Allemands ont exagéré leurs difficultés,
il excuse le « génial » Brüning de ne pas avoir prévu l’évidence, l’affaiblissement du mark
et la panique des créditeurs. On cite toujours Hitler, la Pravda et le banquier Norman, tous
étrangement du même côté de la dispute. Il n’est toujours pas fait place à des études
financières, mais on dénigre sans démonstration celles qui ont longuement préparé le plan
Young pour les réparations. Ainsi, la plupart des explications sur les crises allemandes ou la
récession mondiale ne concordent pas avec les faits historiques admis, mais reflètent des
objectifs stratégiques occultés,
217
ainsi que ceux de certains banquiers de Wall Street et de
la City. Le Temps, malgré un autre sursaut d’espoir de l’éditorialiste, rejoint le Journal des
débats dans sa condamnation totale des politiques allemandes, à présent aussi des
américaines et britanniques.
214
Faillite allemande (1920-23), mesures déflationnistes, guerre douanière et dumping américains, autres causes depuis
1928; Banque Fédérale à New York, tarifs douaniers des Hoover et Brüning, nouvelle menace de faillite alllemande et
discorde diplomatique. On réfute sans preuve les seules faites sur l’Allemagne pour le plan Young. À ce propos, chap. 1,
p7-8, 25, 30-31.
215
Les Allemands paient seuls pour la Grande Guerre et doivent en être exonérés; que des dettes de guerre « non saintes »
(étatiques), contaminent le système des dettes privées; qu’effacer les réparations des actifs comptables de France et de
Belgique, aurait moins d’impact sur le crédit d’Allemagne que pour elle le fait de répudier ses dettes privées (anglosaxonnes); que ce dernier pays n’a pas à rembourser ses créditeurs parce que ces derniers sont aussi débiteurs d’une tierce
partie (des États-Unis).
216
Avec cet autre postulat allemand; la responsabilité française pour tous problèmes européens…Attaques financières,
militarisme, réarmement, traité peut-être militaire avec les Soviétiques, tous imaginaires…
217
P.M. MacDonald et banquier Montague Norman; abolir les dettes de guerre britanniques envers les États-Unis,
consolider leurs investissements en Allemagne, affaiblir la France au profit du Reich. Pour le président Hoover; Sauver les
capitaux de la FED en Allemagne, éviter l’effet domino sur les autres banques américaines, assurer la puissance de Reich
contre l’Union soviétique, désarmer tous pays débiteurs, en particulier l’Empire français.
98
Au début de la Conférence de Londres (21 juil. 1931), on est soulagé au Guardian
du refus allemand de tout compromis. Tous les Anglo-saxons réprouvent les demandes de
garanties de la France et exigent une aide sans condition pour l’Allemagne. Les Français
restant inflexibles, les éditorialistes croient aussitôt que la crise catastrophique se règlera
par les solutions fort simples des Brüning, 218 Hoover et MacDonald. Toute la presse anglosaxonne conclut néanmoins qu’il faut choisir entre la révision de tous les traités ou un
chaos européen. On réhabilite les extrémistes allemands tout en dénonçant les Français
comme militaristes extrémistes, ceci toujours à l’inverse des réalités objectives. Après la
conférence pourtant, des notables et des banquiers américains peuvent dénoncer l’inutilité
des mesures prises, montrant que l’approbation « universelle » pour Hoover était fictive. 219
La guerre médiatique contre la France s’allège bientôt (sauf au Guardian), en attendant la
conférence pour « son » désarmement. On ne perçoit pas les premiers effets du gel de
toutes créances étrangères en Allemagne, qui mènera à la Grande Dépression dans quelques
semaines. En France, l’éditorialiste du Journal des débats en conclut que la conférence était
un traquenard pour la France. Il s’attend aux prochaines attaques des trois puissances alliées
contre la France. 220
La presse anglo-saxonne est moins unanime sur l’élection allemande de juillet
1932. Sauf au Times de Londres, elle montre l’expansion du mouvement nazi et de ses
violences approuvées par le chancelier von Papen. L’éditorialiste du Guardian suggère
l’éviction des communistes pour faire une majorité parlementaire (favorisant Hitler
221
).
L’éditorialiste du Times prétend que rien de fondamental n’est changé pour les affaires et
compte sur von Papen pour intégrer Hitler, tout comme son homologue du NY Times. Au
Washington Post, on appréhende les difficultés politiques à venir. Chez les Anglo-saxons,
personne ne se demande pourquoi l’extrémisme allemand a le vent en poupe, malgré
« leurs » mesures d’apaisement,
222
ou ne songe à critiquer les déclarations sur une
prochaine « révision » de toutes les dettes étrangères par le Reich, ceci après l’abolition des
218
Cependant trop tardives pour le contrôle des changes et généralisées pour le gel des créances.
219
Des milieux bancaires en particulier, qui pensaient comme les Français que le Reich pouvait régler la crise de luimême.
220
États-Unis, Grande-Bretagne et Allemagne.
221
Il passerait ainsi de 46,5 % à 58,5 % des sièges du Reichstag. Hilter fera d’ailleurs ce geste en mars 1933.
99
réparations devant l’empêcher… À Paris, les deux quotidiens sont au diapason à l’encontre
de l’Allemagne et sur l’exigence de plus de fermeté pour la défense. Même l’éditorialiste
du Temps n’a pas plus confiance envers les von Papen et Schleicher, qu’envers les nazis. Il
critique les pacifistes qui, avec leurs « illusions » de sécurité, rendent plus certaine la
revanche allemande. Force nous est de constater que la couverture des quotidiens français
apporte une explication des six évènements-clés de loin la plus compatible avec les récits
historiens que nous avons consulté et que les conséquences qu’ils ont supposé des choix
anglo-saxons se sont bel et bien réalisées par la suite.
B) Réponses aux hypothèses
Notre hypothèse voulant que la perception des crises économiques et politiques
allemandes serait différente dans chacun des pays ne s’est pas confirmée entre pays anglosaxons. Si la description des luttes politiques allemandes est correcte dans la presse des
trois pays,
223
les Anglo-saxons ne perçoivent pas le nationalisme et le militarisme de
Brüning comme similaires à ceux des partis extrémistes (sauf l’éditorialiste du Guardian,
en accord avec eux). Après leur première victoire électorale (juillet 1932), les nazis sont
admis comme des politiciens valables, tout comme une « semi-dictature» allemande. Les
Anglo-saxons prétendent aussi que l’Allemagne est restée désarmée et conciliante et que les
Français lui imposent des humiliations continues depuis 1919. Ces perceptions de la presse
anglo-saxonne sont bien au cœur de ces « années d’illusions » dénoncées par la suite, même
par les historiens de ces pays.
Pour ce qui en est de la crise économique, une seule description importante est
parue dans le Times (évènement 2), elle infirmait les discours catastrophistes allemands.
Quelques entrefilets apparaissent aussi positifs à ce propos, mais ces éléments ne sont pas
tenus en compte dans l’argumentaire. Les Français donnent aussi peu de détails sur la
récession allemande, mais s’opposent au postulat catastrophiste diffusé par Brüning et à
l’invalidation des études ayant mené aux plans Dawes et Young pour le règlement des
réparations de guerre.
222
Évacuation de la région du Rhin avec cinq années d’avance, abolition complète des réparations de guerre, garanties
anglo-saxonnes pour obtenir l’égalité des droits en matière d’armement.
223
Extrémisme nazi et communiste, violence, probèmes budgétaires, instabilité parlementaire, « semi-dictature.
100
Nous pensions dans l’hypothèse « 1 b », que la cause de ces crises allemandes serait
perçue principalement économique chez les Anglo-saxons et politique en France, mais qu’il
y aurait des points communs au plan économique. Or, les explications sont aussi opposées
en ce dernier domaine. En France, on admet que la récession mondiale a quelques effets sur
le chômage et le vote extrémiste allemand, mais on ajoute que les nationalistes et les nazis
progressaient déjà d’eux-mêmes et que c’est leur agitation, avec celle de Brüning, qui
aggrave le déséquilibre financier du Reich. Ces explications demeurent tout au long de
notre étude et sont corroborées par les travaux historiens consultés. Dans le Guardian, tout
à fait à l’opposé, ce sont les seules injustices du traité de Versailles qui, en maintenant la
dérive économique allemande, exacerbent un nationalisme salvateur.
Dans les trois autres éditoriaux anglo-saxons, la poussée extrémiste fait au début
seulement suite au surplus de chômage, pourtant décrit comme normal et temporaire, même
si cela est démenti par les articles montrant maintes causes sociopolitiques. Cependant,
après le Manifeste de Brüning, tous les Anglo-saxons rejoignent le Guardian en acceptant
le postulat d’une crise économique catastrophique causée par le plan Young, avatar de
Versailles. Nous devons souligner le dénigrement sans preuve des seules analyses
financières (1924-1929) ayant abouti à ce traité. Les explications voulues comme « toutes
économiques » oublient donc les causes multiples et bien réelles de la récession mondiale et
la déstabilisation financière provoquée par les discours du chancelier Brüning. 224 Durant la
crise bancaire de Berlin (1931-07-13), les problèmes allemands relèvent tous des injustices
du traité de Versailles, des militarisme et nationalisme français et des autres voisins de
l’Allemagne, en fait de tous les Européens sauf des Allemands eux-mêmes…
Nos hypothèses 2 et 3 supposaient qu’il n’y aurait pas consensus sur les
conséquences des crises allemandes et bien logiquement, sur les mesures à prendre. Elles
ont été vérifiées. En France, la crise politique primait sur l’économique. Les réparations de
guerre n’étaient pas le problème du Reich, mais ses dépenses douteuses et son réarmement.
On perçoit que l’agitation nationaliste a des effets négatifs sur la finance mondiale et sur la
sécurité européenne et c'est elle qu’on doit calmer avant tout. Cependant, on offre toujours
224
Aux États-Unis; guerre douanière, surchauffes spéculatives, augmentation des taux d’intérêts par la banque fédérale
(FED, 1928-29), faible quantité de numéraires, aggravant la déflation (France, Allemagne), chantages financiers
allemands présentés comme des erreurs bénignes.
101
une collaboration économique franco-allemande en échange d’une trêve diplomatique.
Chez les Anglo-saxons par contre, on en vient à penser que si les exigences des partis
extrémistes allemands sont devenues la norme, c’est qu’elles sont fondées… Ils décident
donc de les satisfaire en demandant la révision, puis l’abolition des réparations. Il leur faut
aussi affaiblir militairement la France, perçue comme menace principale pour la paix. Les
dirigeants anglo-saxons, en prétendant l’éviter, obtiendront bel et bien le chaos économique
et la course aux armements menant à la Seconde Guerre. Cela invalide donc, bien
logiquement, leur analyse de la situation allemande et des bienfaits qu’ils prétendaient
obtenir des solutions par eux imposées.
Notre hypothèse 4 supposait que les opinions de la presse seraient en grande partie
le miroir de celles des milieux gouvernementaux et financiers nationaux. Elle s’est révélée
en partie exacte, mais avec quelques nuances. En France, l’éditorialiste du Temps a bien des
prises de position similaires à celles des deux partis « radicaux » et des grands industriels et
des financiers en faveur d’une collaboration avec l’Allemagne. De son côté, celui du
Journal des débats est proche des nationalistes républicains, peu souvent au pouvoir, pas
nécessairement des élites financières ou industrielles. Par contre, la presse anglo-saxonne
reflète les opinions du chef d’État durant les crises, même de façon dithyrambique, mais
seulement d’une partie des élites bancaires et diplomatiques, celles appuyant l’Allemagne.
Les interventions d’une masse de germanophiles, anonymes ou non, au moment de ces
négociations internationales peut s’expliquer en partie par les réseaux de propagande, aux
États-Unis et en Grande-Bretagne, mentionnés par l’historien de la diplomatie Edward B.
Bennett. Nous rappelons aussi les accoinctances germaniques de l’éditorialiste du Times, de
plusieurs des députés britanniques, du dirigeant de la Banque d’Angleterre, avec quelques
autres banquiers.
225
C) Conclusions générales
Cette étude de quotidiens français, américains et britanniques montre que les
« illusions », longtemps imputées à l’opinion publique, n’étaient pas tant constituées
d’erreurs d’appréciation des réalités objectives, que de faits occultés et d’inventions,
225
Edward W. BENNETT, German Rearmament and the West, 1932-1933. Princeton NJ, Princeton University Press,
1979,p100-110. Par exemple, Margarete Gartner avait tissé un réseau de partisans qui étaient en mesure de placer des
articles dans toute la presse londonienne, avait aussi circonvenu un groupe important de parlementaires.
102
souvent même farfelues, dans le cadre d’une guerre médiatique justifiant les choix de
certains dirigeants financiers et politiques anglo-saxons. Leur diffusion systématique
semble montrer que les méthodes de « fabrique d’opinions », formalisées dans les années
1920 par les W. Lippmann et E. Berneys, sont d’actualité à ce moment et que des réseaux
de propagande allemands étaient efficaces aux États-Unis et en Grande-Bretagne, tels que
mentionnés par l’historien Edward B. Bennett. Ces réseaux sont légitimes jusqu’à un
certain point (diplomatie, reportages, conférences
226
), mais les dirigeants allemands
pouvaient aussi s’en servir pour subvertir institutions ou gouvernements étrangers (subsides
occultes, chantages), méthodes aussi utilisées par le troisième Reich et usuelles chez les
grandes puissances économiques ou politiques.
À défaut de mentionner des études économiques réelles, la presse anglo-saxonne
discrédite celles effectuées pour les réparations de guerre allemandes (1924-1929, plans
Dawes et Young). Les Allemands se rallient une partie de leurs créanciers pour la
promotion de thèses économiques fort hétérodoxes (comptabilité, éthique).
227
Pour
l’élection allemande de septembre 1930, les éditoriaux des deux Times et du Washington
Post se font rassurants en compagnie de banquiers ou de conseillers financiers désireux de
rassurer les marchés. Durant la crise bancaire de juillet 1931 par contre, ces banquiers et
financiers restent étrangement muets. Seul Montague Norman (banque d’Angleterre) y va
d’interventions rassurantes. La première est bien étrange pour un banquier : « Les dettes de
guerre étatiques « non saintes » nuisent au marché financier et ne méritent pas d’être
respectées ». La seconde est plus vraie : « Ne croyez pas tout ce que vous lisez sur la
crise ». Après les négociations financières ultimes de 1931, un entrefilet mentionne que
« seulement deux banquiers » américains soutenaient qu’il fallait intervenir pour sauver
l’Allemagne. Ces deux banquiers étaient certainement les plus près d’Hoover et pourraient
donc être aisément identifiés.
226
Par exemple J.M. Keynes, chef libéral Lloyd George, Conférence du Count H. Kessler aux États-Unis dès 1922,
(Germany and Europe, 1971(1923)).
227
Ainsi, le prestigieux sénateur Borah du Foreign Politic Committe et la Banque d’Angleterre avec Montague Norman;
Les Allemands paient seuls pour la Grande Guerre et doivent être exonérés; des dettes de guerre « non saintes »
(étatiques) contaminant le système des dettes privées; effacer les réparations allemandes des actifs comptables en France,
aurait moins d’impact sur le crédit d’Allemagne que de répudier les dettes privées (anglo-saxonnes). Ce dernier pays n’a
pas à rembourser ses créditeurs, parce que débiteurs des États-Unis.
103
La presse anglo-saxonne a aussi oublié de parler du budget du réarmement
allemand, tout comme MacDonald volontairement à la réunion de Chequers. Cette
« fabrication » d’une Allemagne désarmée devant ses voisins « militaristes » a préservé la
bienveillance des opinions anglo-saxonnes pacifistes, tout en occultant les objectifs
stratégiques du Foreign Office et du Département d’État, soit d’assurer l’hégémonie
allemande en Europe pour contrer les Soviétiques. Force nous est de constater qu’en
appuyant la révision des traités européens, la presse anglo-saxonne a contribué à
l’instauration des chaos économique et diplomatique qu’elle disait vouloir éviter, tout en se
faisant l’alliée, sans nécessairement le savoir, de la montée du fascisme en Allemagne.
Pour l’historien de la diplomatie désireux de retracer les faits les plus
objectifs, les sources diplomatiques ou d’institutions gouvernementales sont mieux
structurées que les comptes-rendus de la presse, mais on ne peut exclure l’utilité de certains
indices fournis par cette dernière, en particulier dans les pays où elle est diversifiés
politiquement, comme justement chez les quelques démocraties européennes des années
1919-39. Les deux quotidiens français étudiés sont exemplaires à cet effet, ils nous ont
donné des crises allemandes des explications proches de celles des historiens que nous
avons consulté. Enfin, on ne peut nier l’utilité de toute la presse pour les faits
contemporains toujours sous le sceau du secret d’État, ou plus simplement pour accéder aux
narratifs et aux mythes sociétaux (ou « illusions »). En effet, qui rejoint le mieux la masse
des populations et influence ses perceptions en relations internationales ? En tous les cas,
elle le fait certainement plus que les thèses spécialisées et les sources diplomatiques,
occultes à ses yeux.
Richard Boulé, Université Laval, 2015-08-21.
104
Annexe 1 : Fiche d’analyse, essai initial
1— Article 01-01, Plébiscite allemand sur le plan Young du 1929-12-22.
« L’échec du plébiscite allemand ». Le Temps, Paris le 1929-12-24, p.1. (première page
deux colonnes sur six avec article connexe).
2— Résumé:
Défaite pour les nationalistes racistes allemands-grave échec de Hugengerg malgré
immense effort et dires extravagants des réactionnaires- division des nationalistes, car
certains considèrent raisonnable d’agir dans le cadre républicain définitivement établi et
d’éviter toute aventure pouvant retarder le relèvement de l’Allemagne- L’ensemble du
peuple se rend compte des bénéfices de Young et La Haye- Tout gouvernement allemand
ne peut que mettre en œuvre cette liquidation de la guerre- Mais le président de la
Reichsbank (Schacht) poursuit une politique personnelle pour obtenir les sympathies de la
droite et le cabinet Müller paraît singulièrement diminué- La situation politique commande
la plus grande attention, car tout n’est pas dit après cet échec du plébiscite. Article annexe
sur les résultats du plébiscite.
3— Mots clés d’opinion:
Nationalistes racistes, dires extravagants des réactionnaires. Peuple se rend compte des
bénéfices de Young et de La Haye, tout gouvernement ne peut que cette liquidation de la
guerre. Certains nationalistes se rallient à la république, mais la situation commande la plus
grande attention suite à l’affaiblissement du cabinet Müller.
4— Notation de l’importance visuelle : Grande/3 (Première page, deux colonnes /6
5— Notation de l’opinion neutre 0
Fiche d’analyse simplifiée utilisée
1—Numéro d’Article (s) 01-01, Évènement, page du registre.
Journal, date-page. Nombre de colonnes- photos
2— Opinions; situations économique et sociopolitique. Adéquation des faits relatés.
3— Notation de l’opinion moyenne (entre -2 et +2)
4— Notation de l’importance visuelle (0 à 3)
105
Annexe 2 : Citations supplémentaires
Évènement no 1, élection du 1930-09-14
Times, articles; In Germany, (there is a) misleading idea that all ills proceed from reparations plan… Creditor
countries consider Germany should be standing the crisis better if finances had been better managed…
Romantic ideas against Versailles played a part in revolt, (but) also mismanagement, (it) is admitted when
Treaty revision is not discussed… (Politics) of Nazis; revolution of German soul and its capture, (settle)
accounts with those who had led its astray… Everything depends on whether Reichstag (overcome) economic
difficulties… Hitlerists anti-semitism, racial purity, economics, appealed to working class… (Commanders of
their) detachments are connected with murder, (their) programme suggests violence against opponents, (but
with) last words from Hitler, prospects clear considerably. édito; Germany need a strong Democratic
government for reconstruction (and to) eschew dangerous adventures in foreign politics… Weakening of
Moderates make it more difficult… Resentment against Peace Treaty (have) increase in spite of substancial
remission of payments. (But) it would be a mistake to put too sinister (what) may be a transitionary phase…
Orderly elements are largely preponderant. (It may be) expension will transform the nazi organization and
that it will realize it can destroy confidence of the World upon which prosperity continue to rely… 228
Manchester Guardian, articles; Without definite programme, National Socialists stand against treaties,
submission to dictation of other Powers and (for) the purging from Jewish and other influences. They are not
Monarchists but for a modified Dictatorship. (For) near future, it is possible that parliamentary government
will fail, (but long) Dictatorship is hardly to be feared althougth it will have consequences… corr. de Berlin;
Elections are victory for radical protests, (not) reaction… It is (not) possible to describe Nazis as Fascists.
(This) movement is a consequence of the way Germany has been treated since the so-called peace… (In
Paris), explanation (is) British policy is responsible for result. (Wether one) is amused or depressed depends
of the cynicism (he can) attain. 229
Édito; … (In) normal outlook, voters who (don’t usually vote) support stability… In Germany, those vote (are
not a safety) for Democracy. (But) it would be mistake to take results too seriously. (Not all) fascists votes
were for official antisemitism and rowdyism of the leaders; many (vote against) futility of conservatives.
Goverment may became more liberal with a Great coalition… Fascist vote is a protest against economic
distress, indignity of German position abroad, occupation of Rhineland that ended too late and innumerable
hardships, inhumanities and humiliations, breaking of pledges to disarm, to protect minorities in Poland…
Paris and Warsaw share responsability for this result (in) blindness to realities... 230
Washington Post, édito; Conservative forces, which (struggled) to rejuvenate Germany were buried under a
fascist landslide… due to business depression, unemployment and taxation, Germans are turning to radical
doctrines and quack remedies… (but there is no) wholesale conversion to reactionary policies of fascism nor
to illusions of communism… moderate elements will be able to fend off attacks of the extremists (if) social
democrats enter in (government) coalition… Hitler’s schemes were music to distressed Germans, but (they)
must undergo a vast change before Republic is replaced by a mixed Italian-Russian dictatorship…
(intervenant) Teutons give civilization something to worry about… observers feel that everything can happen
now… Hitler (holding) balance of power, every countries will be affected by events in the Reich… The fact
that 13,5 million Germans votes against their form of government may be discounted by business depression
228
The Times, 30-09-13-p10, Germany’s Choice. -16-p13, German Elections. -17-p11, League assembly speech by Herr
Curtius. -p12, The German Elections. 18-p11, Centre and the Nazis, Coalition Opposed. -19-p10, German Elections.
229
Man. Guardian, 30-09-15-p1, Shots Fired in Berlin. -15-p16, Extremists Gains in Germany. -16-p10, Germany’s
Verdict. -16-p11, The Possible New Governments. -16-p16, Geneva and German Elections. -17-p15, Germany and
League Aims. Discourse of Dr. Curtius. England’s Part in Europe. -20-p17, Political Outlook in Germany. -22-p4, More
for French Armaments.Man. Guardian 31-06-16, p11, German democracy I danger. -16-p11, The Possible new
Governments. -16-p15, England’s part in Europe, Blamed for German Elections.
230
Man. Guardian 30-09-16, p10, Germany’s Verdict (editorial). -16-p15, Germany and League Aims.
106
or protest against burdens of defeat. (However, situation is) filled with gravest possibilities… Concessions to
Hitler would appear to be unconditionnal surrender and to the establishment of a fascist dictatorship. 231
NY Times, articles négatifs; The campaign has afforded inflammatory agitation which, added to follies (of the)
Reichstag groups, has serious political and financial repercussions. (Situation) is different from 1928.
Prevailing spirit was reduction of reparations and evacuation of Rhineland (which has been achieved, but)
paradoxal changes have been wrought, (everybody is claiming) for revision of Young plan and Versailles,
without conciliatory procedure… Hitler (gained by) droit manners, he exploited social privations, (kindled)
imagination of young voters, (fiery) nature of his oratory. Back it all, was the cry for dictatorship. (Prospects)
for tranquility, required by domestic and foreign affairs, appear to be none too bright… (in Geneva, the)
situation is considered worse… British and other optimistics believe that if Nationalists get the control, they
will be chastened by responsabilities as with danger (for financial stability)… 232
Édito; …difficulties (are) traceable (to) excessive expenditures in public works and social insurances.
Depression and unemployment aggravated (them. We can) assume the healing of breach between Socialist
and Bourgeois parties, (arrangement) which shaped Germany since 1920. (Principle of those) coalitions has
been reconciliation with Allies… (banquiers anonymes, économiste G.W. Edwards) Capable men of centre
parties face foes who disagree in all. (National-socialist) party is a capitalist one. (True) that some of its
leaders criticized banks for being internationalists and (have) virulent anti-Jewish feelings. However, this
party has also active support of many industrialists (and is just an) other expression of nationalism, growing
since the 1870’s… (édito.) Elections (are not) a disaster for moderate parties. (These have not) carried
Germany very much beyond the situation of half a dozen years ago… 233
(17-21 sept.) Fascists discovered that they are without programme. (They) have reached their peak… (articles
négatifs) If Fascists prevail, there would be repudiation of Versailles (and other things) which would compell
military intervention by Allied powers… while there is impatience in German financial quarters over collapse
of Young plan, (they) absolve Germany of all responsabilities… Britten, Head of the Naval Committee, says
Europe is arming for explosion (as) election in Germany presage reconsideration of Treaties and
boundaries… No one thought that parties of disorder would pool half of voters (for) entirely new political
deal (or) « War of revenge »… Hitler’s fiery oratory has won all classes to support national-bolchevism and
young generation whom may make of a new war of revenge... (éditorial) Nationalist upheaval of 1924 was
followed by peace, President Hindenburg has served the Republic loyally… extremists, like predecessors will
recognize the facts… (analyste financier Walter W. Ross) Investors need feel no anxiety. (It is) possible that
Liberal and Labor will (take) government (or) Liberals may join conservatives. (It) would give more stable
government that they have yet known. (Gratifying) fact is that there is a decided swing to nationalism (against
the left, moreover) radical parties considerably and invariably modify philosophies as soon as they are invited
to share power. 234
Évènement no 2, réunion de Chequers et manifeste Brüning
231
Washington Post, 30-09-15-p1, Germany’s Republic shab in Landslides of Radical Ballots. 30-09-16-p6, The German
Elections. -21-p13, Germany.s Future also contains Key to europe’s Peace (Henry K. Norton).
232
NY Times, 30-09-14-p1, Gun Battle in Berlin in Eve of Election. -14-p55, Reich Elctions expected to show Stiffening
of Nationalistic Sentiment.-15-p1, Fascists Make Big gains in Germany (G. Enderis). -15-p2, Fascists Glorify PanGerman Ideal. -16-p1, Moderates Chape Coalition to Held Power. -16-p3, League is Uneasy over German Vote (C. K.
Streit) Clouds over Europe Cause London Gloom (C. E. Selden).
233
NY Times, 30-09-14-p53, Germany’s General Election. -16-p3, Bankers Minimize Reich Fascist Gains. -16-p20, The
German Elections.
234
NY Times, 31-06-17-p6, Fears War Menace in German Election. -17-p1, Reich Cabinet Stays, Socialists to Aid It. -20p1, Expect the Reich Ask Reparation Changes. -20-p9, Germany Tranquil in Spite of Politics. -21-p8, Britten, Back, dees
Distant War Sights. -21-pE3, Anti-semitic Fight Looms in Reichstag. -21-pE3, French alarmed by Reich Election. -18p26, Other German Election. -21-pN11, Bankers Here Holds German Bonds safe.
107
Times, German Scene; A traveller in Germany find difficulties to reconciliate evidences for his eyes and ears.
(He see) abundant countries, clean solid cities, but ear that agriculture is decaying, (In) peasant’s homes (he
finds) evidence of comfort. (In) cities, he is told of unemployment and bankruptcy, (reparations) or other
Treaty provisions are blamed, (but he) see many well filled shops, busy factories and neatly dressed solid
people, (read) that Germany’s exports exceeded those of Britain and (prove) more resistant than americans,
(but also see) a closed store, factory or coalmine, unemployed eating in public kitchens. (The traveller)
concludes that if the times are bad, they are not worse than elsewhere as this is often printed.édito;
Correspondants have shown desperate state of national finances… (Struggle for) livelyhood form the staple
topic of a people liable to mass suggestion and convincing himself that only the relief of burden imposed from
outside can save the country. Reparations, a just form of restitution (are) called « tribute payments », public
men talk about « plunder system of Versailles ». Wicked exaggerations and falsehood… Present government
made efforts against damages done by earlier mismanagement, (Brüning) may legitimely plead, (but)
Germany must help herself… 10 juin; Is it too sanguine to hope (for) reconsideration of war debts ? Those
paid by the same medium as commercial debts, though they do not owe (the same origin), must inevitably
impede normal exchange… However firmly Americans hold that there is no connection between war debts
and reparations but exist a connection with disarmament, (that) view is not accepted by most… In Germany,
(the) flow of public sentiment (is) toward hitlerism (a party) wich stands for the overthrow governement and
reparation payments. Are the Germans finding their burden so intolerable (as to regard) repudiation by
revolution ? No evidence has yet been provided that Germany is incapable of payments to which she agreed a
year ago. It may be hoped that it will rally to the moderate counseless of its chancellor ». 235
NY Times, de Washington; Senator Borah (said that) conditions in Germany are just as bad as they can be,
(revision of reparations is just), the misery of the working people (is) a calamity the evil consequences of
which, its inhumanity, no tongue can properly express… These statements runs along with officials of
Administration ; one of great causes of depression in Europe (is) armaments of nations other than Germany in
violation of Versailles; (germany may step outside) the Young plan and this would be a call for a new
conference… Correspondant à Londres; Brüning’s cabinet (is determined to show) how serious is their plight
and how it needs easier terms… Hostile critics (accuse them) to bring dramatic climax to their story of
distress, (French and Polish), the Britain public or government (take) the situation seriously… political
disturbance (may produced) a soviet or fascist regime (and) cessation of payments. 236
Info; In (German) financial circles, opinion exist (that) Germany has no ground for moratorium. Owing to
export surplus of last 16 months, difficulties of transfert in currencies are more remote than ever… service of
the loans of Young plan is not threatened and safe… édito; manifesto indicate hope for Germany, (revision of
Young plan). Presuppositions have been shown wrong… government has made a determined effort to balance
its budget. It is impossible to finance through foreign loans after the impairement of credit abroad. Domestic
loans appear to be out of question… record of British Labor Party is not philo-french, today there is obvious
recognition in London that basis for peace is cooperation (with) France. P.J. Phillipp à Paris; French incline to
believe that Germany has been more active in getting rid of her burdens than to practicing self help… By
skillful diplomacy… adroitly making use of that sympathy from war years, French succeeded in having their
debts reduced, then transferred onto Germany the burden of their payments… Former ambassador Houghton
declared that (to) impoverish German people might prove expensive experiment. Behind Germany stands
Russia with program of destruction… 237
Évènement no 3, moratoire Hoover
Journal des débats; …les Américains ont consenti d’énormes crédits en Allemagne, (cela) a beaucoup
contribué à la crise. (Ce projet) est de la charité bien entendue. (Il) ne resterait rien du (récent) plan Young.
235
Times, 31-06-10-p17, The Visit to Chequers (éditorial). -06-p13, The German Visit (éditorial).
236
NY Times, 31-06-07-p1, Debts are linked to arms. Britain Promises no Help. Upheavel in Reich Feared in Geneva.
Discount German Effort. German Manifesto. -08-p15, Germany’s Hope.
237
NY Times, 31-06-08, Berlin Sees Hope. -08-p15, Germany’s Hope. -09-p1, France to Oppose Debt Link to Arms (P.J.
Philip). -06-10-p1, Houghton Warns We Must Aid Reich. -10-p23, Paris Keep Cool.
108
(L’Allemagne l’aurait obtenu avec son) cynisme larmoyant ou menaçant. Sa situation est due à une gestion
éhontée (et) une politique qui menace l’Europe. (On l’incitera à persévérer), sa politique deviendra plus
dangereuse… Ces méthodes diplomatiques (de Hoover et MacDonald détruisent) les accords les plus
minutieux (favorisent les) gouvernements (qui usent du chantage pour) se débarrasser de leurs charges…
(Hoover) entend disposer de sommes (qui) reviennent aux pays éprouvés par la guerre (au profit) d’un état
(qui) se prépare à attaquer l’organisation de l’Europe, convoite de tous côtés des territoires… Sous prétexte de
garantir la paix, on (travaille) pour la guerre. (Demain), c’est peut-être une question territoriale que posera un
gouvernement voulant pousser sa pointe… 238
Ces déclarations de Brüning (sont banales). Berlin s’est toujours montré favorable aux rapprochements si la
France fait les frais… (Ses amis déclarent) avec joie que ses dettes seront (annulées)… On reconnait (que) les
réparations devraient être payées, mais que les Allemands (y) attribuent leurs difficultés, (et) qu’en résulte un
esprit dangereux… le même raisonnement pourra être fait quand l’Allemagne (exigera) qu’on dépèce la
Pologne et qu’on rectifie sa frontière occidentale. Croit-on établir ainsi la paix ? Le moratoire ne (règlera rien.
On le voudra définitif)… (Son) gouvernement (vise la destruction des traités et une Pangermanie. 239
Manchester Guardian, édito; (Hoover) opens way to revision of attitude between Nations. (Refute) French
propaganda (by) politicians who have advocated repression for 13 years. What to be expected is (entire
revision) of reparations and Treaties. With persistent shrewdeness, France advantaged herself (suspension) of
debts cannot be a solution (and) Europe will not return to a regime (of) ruin… France would give up 5 % of
budget, but it (is not) a much heavier burden than any other… Révolution; Hoover’s proposals (violate the)
agreements for reparations, (undermine) entire agreements since Versailles… (We) were living in impossible
world, impossible treaties, (a building) condemned by all intelligent observers… (French) would make
greatest sacrifice (by securing our) loans, (anyway, to restore the defeated powers will need to be thrusted)…
If France had received the unconditional part of annuities, Germany would have been relieved, (but with
discouragement after hopes for revision). religion; (Debts of war) are of special character. (There) is no
conviction about the moral to pay them. (Sanctity of French claims are ridiculous, few) feel that these are on
same moral plane as ordinary debts; they can be erased without any grave shock to credit such as would have
followed if Germany had to suspend payments on other debts. 240
Articles; Hoover’s programme is culmination of (months of efforts) by most intelligent leaders of politics and
business, whose views expressed would have been read throughout the world. (They) agreed that Germany
would inevitably be compelled to postpone reparations… German plight might led to gravest economic and
political explosions… World’s opinion may induce France to accept this (sacrifice. She then will be entitled)
to some sympathy. Hindenburg’s appeal (was because) of a request from (Hoover, in search for authentic)
informations… 241
NY Times, mépris; (In finance) their representatives never seem able to rise higher than parochial scale of
though, (have seldom) if ever, shown themselves wise creditors and good neighbours. (War-mindedness) still
obsesses them. (Newspapers) mentality has not evolved from the armistice with « Germany must paid and
hang the Kaiser » slogans. (It) is believed that France is called to make sacrifice for Germany which by her
238
Journal des débats, 31-06-22-p1, L’initiative de M. Hoover (Pierre Bernus). -23-p1, Ou conduirait la plan américain
(P.B.). -24-p1, Que fera le gouvernement français ? -24-p1, Le parlement et la proposition américaine.
239
Journal des débats, 31-06-25-p1, Le triomphe de l’immoralité. -26-p1, Aujourd’hui et demain. -27-p1, Finance et
politique internationale.
240
Man. Guardian, 1931-06-22-p8, President Hoover Takes a Hand. -23-p10, Hoover and France. -26-p8, What To do in
a year ? -06-24-p8, The Hoover Tonic. -25-p8, Debts, Bad and Good.
241
Man. Guardian, 1931-06-22-p9,Mr. Hoover’s Plan and Disarmament. -22-p9, Bold Reversal of Policy. -23-p10, Our
London correspondence, Waiting on France. -23-p11, Hoover Plan at Home, approving Chorus. -23-p11, Mr. Hoover’s
final consultation. -23-p11, Good Markets Folllow Hoover Plan. -23-p15, Markets reacts, Vigorous rallly, German
Jubilation. -24-p9, Mr. Keynes on the plan. -24-p13, Rotarians and Hoover Plan. -25-p4, Mr. Sowden on the Debt Plan.
-25-p9, Washington Disappointed with France Reply. -25-p15, Money and Stocks financial editor. -27-p12, France Aims
at Profit. -27-p13, Danger for Germany.
109
fault has fallen, (since) there are bad faith in her present difficulties. (These views, small and near sighted,
come) from hysterical days when Nations promised France full compensation for devastations… French (fail)
to realize changed circumstances… Amour de l’Allemagne; Venerable President Hindenburg was deeply
concerned over German situation. (saying that Young plan) put economy in danger… Opinion in Washington
is that proposal may result in revision of Young plan, even that it has failed… Britain hails relief. (London)
will have no sympathy (for a France) that impairs proposal… Paris; there is marked increase of praise for
President’s action except from extreme nationalist press. Newspapers continue to say France did not feel
obliged (for Germany, but) financial public (has) complete confidence that (Hoover’s action) meant beginning
of better times. 242
Édito; Germany’s crisis has been financial and political. (If it) had continued, (no one) can tell what might
happen… Hitler movement will, (for now be stopped. A relief) for all who are convinced that stability of
Germany is essential to peace… That unanimity of enthousiatic approval for Hoover (has) two implications.
Paris reply to American administration is disappointing. (British) esteem of French is at lower ebb (because
of) hesitancy and carping criticism… Brüning is rising to the statur of a stateman. (France) cannot stand
universal endorsement (of) President. (Americans) would resent it. Demonstration is complete that banking
crash will not be permitted if bankers of other nations see a way to prevent it, (particularly) significant is
(Bank of France’s loan to Germany, it) shows community sense of obligation (which) will enlarged and be
made more quickly effective. 243
Évènement no 4, crise bancaire allemande et conférence de Paris
Le Temps… la crise politique joue comme la financière, un vent de panique aggrave les choses, (qu’on)
cherche à exploiter à des fins inavouables… Les réparations ne (sont) qu’une faible part du budget,
(gaspillages), dépenses militaires et sociales sont les causes des difficultés, (avec) l’agitation nationaliste (et
des) milieux officiels… L’agitation raciste s’étend, folie collective. (L’éditorialiste anglais) Steed remarque
que (la crise provient) des campagnes anti-traités, de l’appui d’Anglais et d’Américains pour les déformations
historiques allemandes… La crise est aiguë, (mais) on abuse des informations (tragiques), l’injure et
l’intimidation sont utilisées pour (obtenir l’aide et) rétablir la confiance dans un pays qui a préparé deux fois
sa faillite. (Elles) sont trop visibles pour être dupe. La détresse est exagérée, (ou le cabinet) sacrifie le peuple
à (sa) politique extérieure… Les Américains ont le pouvoir d’orienter ce pays (ne semblent pas vouloir,
l’Angleterre) peut beaucoup pour (le ramener à de) sages pensées, (mais) libéraux et socialistes l’ont
(toujours) favorisé. (La France peut) maintenir la paix (en s’opposant fermement). Plus de contrats (ou
désarmement) tant que le Reich sera contre l’ordre. (À céder à des sommations injustes, on) courrait les plus
graves périls. M. Brüning s’est décidé à la démarche à Paris. (On) ne voit pas à quoi elle servirait, (s’il n’avait
conclu) qu’une aide doit comporter (des accommodements). (On) a fait avec l’Allemagne des expériences
(de) faillites préconisées ouvertement. Une l’a débarrassée de sa dette intérieure; il serait inadmissible qu’une
autre (lui) permette de se débarrasser des (extérieures)… 244
Journal des débats; La politique allemande et l’erreur américaine continuent de progresser. (Hoover),
sabotant le plan Young, a (permis à ses banques) de retirer leurs capitaux. La confiance, (ébranlée par le
cabinet allemand), a été tuée. Ce dernier (est encouragé) dans ses idées folles par Américains et Anglais.
Macdonald affirme que la S.D.N. et le traité de Locarno imposaient le désarmement (de tous, Lloyd George
242
New York Times, 31-06-22-p1, France not Ready to Make sacrifice (P.J. Philip). -22-p1, All Germany is
Jubilant( Guido Enderis). -22-p1, German Letter aided Step (R.V. Oulahan).-22-p15, Worldwide Approval Voiced for
Hoover’s Suspension Plan. -23p1 Briand is Drafting Reply.
243
New York Times, 31-06-23-p24, Political Effect in Germany. -23-p24, The Response to Mr. Hoover. -25-p1, French
Reply to Hoover Accepts Aid but Within Young Plan. -25-p1, Debt Relief Offered to British Dominions.-25-p24,
Germany and France. -26-p1, Stimson to Discuss Debt Plan in Europe. -27-p11, Banks to the Rescue.
244
Le Temps, 31-07-13-p1, L’heure décisive de la crise allemande. -13-p1, L’application du plan Hoover en Allemagne.
-14-p1, L’Allemagne au tournant. -15-p1, L’Allemagne devant l’inconnu. -17-p1, Opinions de province. -17-p1, La crise
allemande et les entretiens de Paris. -18-p1, Les entretiens de Paris et l’aide à l’Allemagne. -19-p1, la France et
l’Allemagne. -20-p1, Les entretiens franco-allemands.
110
dit) que les autres voient à ce que l’Allemagne tienne ses promesses (sans respecter les leurs). En vrai,
l’Allemagne ne tient pas ses engagements. (Son agressivité) est l’une des grandes causes de la crise
économique et financière… La ruine du Reich est préférable à la destruction de l’Europe et du franc… Les
Allemands ne sont accessibles qu’aux actes énergiques (non à la justice. Il faut des engagements tangibles,
pour les retarder quand ils chercheront à les tourner)… (L’Allemagne), indifférente au sort des individus, se
résigne aux cataclysmes d’où sortira quelque avantage. Sa première faillite ne lui a pas mal réussi (avec) les
plans Dawes et Young, certaine qu’ils seraient éphémères. (Rien) ne pourrait dire jusqu’où elle ira dans sa
seconde entreprise catastrophique… la politique de M. Briand, aidée par les internationalistes et le
bolchévisme si répandus, a fait de ce pays un danger permanent. 245
Times, quelques infos; Concessions have assumed in (Germany) a shape of downright demands from France,
stimulate sentiment of revenge… (Alarm) is due in part to theatretical endeavours to prove that the country is
as badly off as they have presented it. (It) has only been kept from pessimism by bankers in face of German
hysteria… (In Paris) it is considered most suspicious that Germany have (not checked) exodus of capital and
(have done everything) to present situation in worst possible light… steps to prevent panic and export of
capital (should) be sufficient to meet emergency. (Conditions are) far sounder (than in) time of
(hyper)inflation. (Balance of trade) is favourable (and) budget of Reich balanced. 246
propagande; It is to France to (show herself « good European »), as she has never seriously tried,
(aggravating) occupation in Germany, alleviating a burden (not supportable)… Although situation is a
banking problem, uncertainty about the French is playing an important role. (Risks) increased by financial
attacks from Paris … World depression (had) magnified burden of reparations, imposed dangerous strain
upon Germany… Since the disastrous inflation wiped out her liquid capital, Germany had borrowed, often
neither wisely nor productivaly. (That ?) is why an unimportant event like failure of Creditenstalt was
sufficient to induce withdraw of foreign loans. (If moratorium) have been immediately accepted, it would
have enabled Germany to turn the corner. (France delay), its refusal to credit Germany except on political
conditions which Dr. Brüning is unable to accept, threatened Europe. (Uncertainty) was greatly aggravated by
nervous attitude of some French holders of sterling who sold at unusually low prices… What is needed is
restoration of confidence, (possible if) French throw all narrow political considerations. (Only) obstacle to
recovery (is) French intransigeance… édito; It may be regretted that (French) attempt is being made to obtain
contributions from Germany per force of necessities. (French) hard bargaining with Hoover has nullified its
beneficial effects already… 247
Manchester Guardian, propagande; Exceptionnal military preparations in France : (civilian security studies,
M. Laval talk with ministers)… (As in 1913); France say she will disarm if Germany, Britain and America
disarm first. (An) impudent way of saying she will not. Historical military parade (14 july) symbolised
France’s Empire and that she cannot disarm. Security of this centre of civilization depends on semi-savage
troops. 248
édito; German government avoided any remedy which (could) make situation worse. (Control) of foreign
exchange would shake confidence, general moratorium would be bankcruptcy. … Hoover plan is not
sufficient because of mean huckstering French methods… They seems unwilling to give a loan to Germany
except on terms (unacceptable to Germany, (or) any country, for they are not financial but political and
245
Journal des débats, 31-07-13-p1, Aveuglement (P. Bernus). -14-p1, La France et la faillite de l’Allemagne. -15-p1, La
vraie question (P. Bernus). -15-p2, La leçon des faits (P. Bernus). -17-p1, L’occasion du redressement. -18-p1. Les heures
décisives.
246
TheTimes, 31-07-13-p12, Attitude of France. -14-p13, German crisis/Conversations in Paris. -13-p12, The German
Crisis. -13-p12, Message to the United States. -13-p13, America and the German Crisis. -13-p12, Armaments and
Mistrust. -15-p13, U.S. Attitude to German Crisis.
247
TheTimes, 31-07-14-p15, France and Germany (Letter). -16-p13, A critical Day (editorial). -13-p12, The German
Crisis.
248
Man. Guardian, 1931-07-16-p9, German Emergency Decrees. -17-p11, German Opinion. -14,p9, Frontier Fever in
France, Strange Military Precautions. -16-p12, French Fear of Disarming .
111
prompted by selfishness… stupid and moraly wrong. (We) must persuade the French of the duties of their
financial position Hoover’s relief to German crisis has been unsufficient (because) French obstinancy…
(Hardship) to German people will not be forgotten, (that) policy will make it a worst neighbour… (To accept
the Hoover) plan made revision of war debts inevitable. Its rejection would (bring) total repudiation of
reparations… 249
Propagande; it is inconcevable that Henderson would accept (Franco-german) treaty before London
conference. (France) delay further by protracting negociations. (German) nationalists will have been right
when speaking of a second Versailles… (It) is difficult to see how Democracy and (appeasement) can survive
next election, (if there is no upheaval)… édito; French government has learnt nothing and is still bent on
exploiting German emergency… 250
Washington Post, Surtitres tendancieux; Capital Lays Blame Largely Upon Paris; French delay (increased)
hysteria in Germany and flight of capital. German cabinet is also blamed, (should) have prevent citizens from
sending money out. Foreign Funds Withdrawal is Blamed in German Crisis; Foreign investors were
frightened last fall by the success of radicals, (but) recall of funds assume alarming proportions when
Germany seemed to availing herself off the Young plan (manifeste Brüning) … édito; Germany must have
aid… Hitlerites are ready to take advantage of concessions (but) to build battleships is unreasonable, proposed
Customs Union is of small consequences. (It) seems unreasonable to suppose that governants will allow
financial crisis to materialize… (British) official circles (say) Germany would (not) emerge from crisis
without aid. (But) pretend that it is the turn of America and France… If Germany went broke (it would) be
end of Young Plan, (unless) France decide for war. (Therefore) the sacrifices of creditors, are as much for
their good as for the Germans… Indications suggest that (Germany) magnified its woes in order to bring the
world to its aid, (Her) government did not foresee (!!!?) that it would weaken its currency, frighten credit,
accentuate difficulties. (It) appears that if the situation should get beyond control, it will result from panic and
not lack of credit (government) cannot let the situation get worse. Moratorium should strenghtened Brüning.
251
NY Times, édito; No one doubt danger of financial collapse in Germany. Her government, overemphasized it,
(hurried) for credits, making (flight of capital graver). These faults after all, touch only externals of
difficulties. President and Chancellor deserve confidence (!!!?). (Troubles are from French demands for)
political garantees… (perhaps natural, but,) leave those questions until Germany acquire strenght…
financiers; relief has been complicated by Germans emphasizing their situation, (but) fault lies in the
complicated reparations plan… A London banker, who know Mr. Norman, said (France) should end her usual
tactic (of) manipulating exchange rates… édito; Millions of Germans which have taken flight from the mark
(can hardly) be blamed, (government) has now perceived the danger… Peril (is) great of financial infection to
other countries, (so) to extend credits is a strictly business operation. 252
Articles; Henderson will (try) to persuade French to abandon guarantees, (for it) is blackmail. (He also) wish
Germans abandon warships construction for Disarmament Conference… (His lawyer Malone said; avarice) of
French bankers, arrogance of munition makers and stupidity of political leaders (are) greatest menace to
peace. (No) nation has been able, without disaster, to withstsand decent opinion of World, risking catastrophe
249
Man. Guardian, 31-07-14-p8, Hard Bargaining. -15-p8, What can Be done ?
250
Man. Guardian 31-07-18-p12, our London Correspondance, The Danger of Delay. -18-p13, France Imperils
Agreement. -18-p13, Germany Keeps her Head. -18-p12, Parliament Held in Contempt. -18-p13, Money and Stocks, is
Germany Credit Worthy ? -18-p12, France’s New Conditions. -20-p8, Problems for London.
251
Washington Post, 31-07-14-p14, President Confers with State and Treasury Aids, Capital Lays Blame Largely Upon
Paris. -15-p1 German Reds Press For National Strike. -15-p2, Crisis Talk Gains New Significance (A.P.-London). -15-p6,
Prudent Creditors. -15-p6, Germany’s responsibility (editorials). -18-p6, European Politics (editorials).
252
NY Times, 31-07-13-p14, Confusing the Outsider. 13-p8, Britis views Shift on Aid to Germany. -13-p8, Laval is
Unmoved by Plea of Hoesh. -13-p26, Financial Markets, Other Considerations Arise. -13-p28, Debt Accord Leaves
Markets Hesitant. -13-p28, Paris Views mixed on German Crisis. -14-p1, London Believes Aid Must Be Large Sum (C.A.
Selden). -14-p1, washington thins Situation is better (R.V. Oulahan). -14-p21, Facing realities (editorials).
112
(by keeping) Germans in slavery… édito; Advice from the governor of the Bank of England; « Don’t believe
all you ear » (is) a reassuring interpretation (that plight) of Germany is not desperate, international finance
feels to be single entity… (French evolved) from the ideas that conditions to help must be abandonment of
Customs Union, naval constructions, financial tutelage… Mr. Laval and Brüning found agreement, (each
inheritated) from Versailles Treaty to which may be directly attributed insatisfactory relations… 253
Correspondant P.J Phillip; (In France) as elsewhere, (interests are) in a clamor for revision (but) there will be
much opposition to a government wich act toward Germany otherwise than a defeated enemy, (a) policy
which has been one of Europeans worst mistakes. British government is seriously disturbed by aloofness of
the French, (with outspoken) denunciation. (France) is asking Germany become a vassal state. édito; German
pride had to be consulted. Anything like apparent humiliation avoided. When the crisis will ease, her attitude
may be more pliable and conciliatory… 254
Évènement no 5, conférence de Londres
Le Temps, édito; (L’Allemagne pourrait consentir à) des garanties, (mais) une campagne (en prévient) les
États-Unis, (excite) l’opinion anglaise contre la France. On insinue qu’il existerait un plan pour sauver
l’Allemagne (de cette dernière). C’est une illusion, (vu les) finances britanniques, (mais) pour l’opinion
libérale et travailliste, il faut vaincre la France… le cabinet allemand ne consent pas à une trêve (et ses chefs
de droite la considéreraient nulle. Une aide ne donnerait) pas la certitude de rétablir ses finances… Nous ne
voulons supposer que les actions de la City répondent à (celles) du gouvernement. (Un) comité fera une
enquête sur les besoins du Reich, reposera la question des garanties (mais ce qui prime) est la promesse de
relations franco-allemandes plus confiantes… 255
Articles; S’est-il trouvé un économiste qui ait cru que l’intervention d’Hoover, la panique véhémente angloaméricaine et la publicité de la débâcle suffiraient à enrayer la faillite du mark ? (Pour) cette restauration
(qu’ils) considèrent si nécessaire, (il fallait) démobiliser les bandes d’Hitler, (ajourner) le nouveau cuirassé
(et) l’Anschluss. (Le débat) sur les réparations (sera rouvert), arbitrages impérieux… (La) campagne perfide
de la presse anglaise justifiait la méfiance. (Avec) ces déclarations confuses, tournant autour du politique avec
l’intention de ne pas en approcher. (Le mal, que Macdonald nie) existe en Allemagne, son budget infecte
l’économie du pays. (C’était erreur) de supposer que la menace du chaos raciste suffirait à décider la France
de jeter ses économies dans ce gouffre. (L’Allemagne) ne peut que s’enliser, (étouffée) par son nationalisme.
256
Times, toutes les infos; … facts about grossly exagerated reports about Germany’s condition (are) no worse
(than in) other countries… does not seem to have unanimous approval of Hoover plan in Wall street. Bankers
see danger in freezing all German credits… (In Germany) the Right hanker (to take power and pursue) a
policy hardly distinguishable from bolshevist Russia… édito; Real question is if confidence in Germany can
be restored without facing larger causes of unrest. (Demonstrations show) dissatisfaction is shared by millions
253
NY Times, 31-07-15-p13, Letter to the Editor, About Germany. -15-p16,London Puts Hope in Visit to Berlin (C.A.
Selden). 16-p4, Avarice of France Scored by Malone. 16-p16, Minister’s Parley called by London. -19-p1, Germany
cannot Buy Fruit. -19-p19, German Leaders Praise to Americans. -19-pN3, Paris Editor Asks Revision of Treaty.. 07-15p18, More than Meets the Ear (editorials). -16-p17 Germany Should Lead (editorials).
254
NY Times, 31-07-17-p1, German to Go to Paris (P.J. Philip). -19-p1, Difficulty Diminishing (P.J. Philip). -19-pE3,
Paris Sees New Era in War-Debt Delay (P.J. Philips). -20-p10, Hitler Sees Force Needed to End Debts. -20p11, Soviet
Press Sees Reich Surrender. -18-p1, Young plan Experts Await the Results (C.A. Selden). -19-p-E1, Germany’s Case
(editorials).
255
Temps, 31-07-20-p1, Les entretiens franco-allemands. -20-p1, La crise financière allemande. -22-p1, La question des
zones franches. -23-p1, Les difficultés de la conférence de Londres. -25-p1, La crise financière allemande.
256
Temps, 31-07-22-p3, L’Atmosphère britannique (J. Bardoux). -22-p1, La conférence de Londres. -22-p1, La crise
financière allemande. -23-p1, La faute Allemande. -07-24-p1, Les décisions de la conférence de Londres. -24-p1, La crise
financière allemande.
113
of law abiding citizens. (It is) time (to examine their) grievances, (for) the views of extremists in regard to
Treaties are not peculiar to them… Dr. Brüning is a warrant of moderation and good faith… So long as
burden of reparations continue to hang it will be impossible to establish confidence (and) will render her a
menace to world. (Only) alternative is revision or chaos. (It is inconceivable) that Europe should relapse into a
policy of sanctions. 257
crise jugulée; Germany proceed herself to solve difficulties… World (?) got accustomed to use credit for
uneconomic purposes; (reparation), budget deficits, maintainance of prices… Causes of unrest in Europe (?)
and Germany go much deeper than reparations and war debts. Financial reconstruction is impossible (if)
politics remain unsettled. (Temporary alleviation of (war debts and reparations) cannot bring lasting cure to
Europe. (Lack of confidence springs from) profound social and political forces. (It) must be faced. (World)
can have no confidence in the stability of peace until war mentality between France and Germany
disappears... 258
Manchester Guardian, propagande; French has build giant submarines (and tiny) hornets could be built in
enormous numbers… France is misrepresented by government, parliament and tied press, (we must appeal to
masses)… Correspondents and writers in Paris spread suspicion for England. (Their) naïve identification of
Henderson’s views with support to France is amusing and instructive… It is pleasant to turn from disgrunted
nationalism, to one of very few with overlook of stateman. (Léon Blum) wrote that (it was) a grave blunder
not to help Germany (without conditions)… There is talks in French military (about) expedition into
Germany, temper of french officers is definitely bellicose… Ère nouvelle repeats the fiction that British
government called the London conference to prevent negociations between France and Germany… Serious
press in Germany agree that Chancellor was right to come back empty-handed rather than accept (any)
political conditions… people of Paris did not share enthousiam for « negative success » of French in London,
(did not go in mass to the Gare du Nord, (so) Laval’s popularity is an invention ». 259
Édito; « We are indebted to Americans for keeping politics and economics distance apart… French demands
may still cause trouble… They claim that this is due to battleships, Hitler’s movement and Custom Union,
nationalist policies of revenge. (Extort) guarantees would increase this spirit… Germany is condemned to
impotent inferiority against France and her allies. (It is) a pity, when « political appeasement » is recognized
as the great need… (Confidence in Germany’s credit can be restored if) creditor’s governments guarantee her
credit. The cure of the crisis must be political settlement… (Germany) was not really insolvent, (budget) must
be balanced, reparation revised, foreign relationship improved, politics to show less dangerous tendencies.
(That) is why it had been hoped that conference (would) come to grip with those causes. Short-sightedness of
French policy is amazing. Their attitude towards Germany remains implacable and afraid, (key cause) of
Europe disquiet ». 260
NY Times, P.J. Philip; Mr. Laval (must) show political victory over Germany, (England and U.S). Cost seems
subsidiary to immediate political interest… Londres; Even (if the collapse) of old mark wiped out Germany’s
liquid capital, danger of borrowing was not apparent during prosperity. Trade depression and recognition
abroad that reparation burden imposed too much strain resulted in foreign creditors withdrawing loans…
French balances formed by far the largest proportion of credit withdrawn and surprise therefore is expressed
257
The Times, 31-07-21-p10, Points of Letters, Life in Germany (15 lignes) -23-p12, The U.S. Proposal, Danger in
Freezing German Credits (partie de 0.25 colonne). Times, -22-p12, Strenght and weaknesses. -22-p13, Palliative or cure ?
(editorials). A Lost of Opportunity (editorials).
258
The Times, 31-07-16-p17, City Notes. -17-p15, A Pause (editorials). -20-p13, A Momentous Meeting. -24-p15 The
Conference Ends (editorials).
259
Man. Guardian, 31-07-20-p8, Our London Correspondance. -20-p13,Germany’s Plight Winter Outlook. -20-p9, How
the Paris Ourlook Changed. -21-p13, The London Conference. -21-p13, French Demands on Germany. -22-p12, French
Critics of England. -23-p9, Bellicose Talk in French Army. -23-p12, Germany’s Adverse Balance. -23-p12, French Press
Vagaries. -25-p11, Dr. Brünings Return. -25-p15, French Premier’s Return.
260
Man. Guardian, 31-07-20-p8, Problems for London. -21-p8, London and the Hague. -22-p8, France and Disarmament.
-23-p8, A Temporary Solution ? -24-p8, We Are Very Well Please.
114
that proposal for $ 500 million loan have come from France… Hoover moratorium will be highly beneficial
next months. (An) opportunity to reconsiderate war debts (and reparations, otherwise) breathing space will
have been wasted. 261
Après la conférence; with credits already frozen in Germany, (Hoover) recognized inevitable. (Only) two
great banks had taken the stand that rescue of Germany must be done at any cost, (majority thought that she)
can alone can restore credit… (German) circles agree that economy is as sound as ever, currency is not
inflated but deflated, only tasks are to avoid tie-up of banks and produce cash… A reduction (of the short
loans by German banks) followed the election (sept. 1930), the bulk has been since pulled out. (However),
late spring (manifeste Brüning), foreign lenders take alarm and recalled huge funds (and past few weeks) 80
% of outflow was from Germans… (Publisher McCormick) says conference was absurd waste of effort,
(Germany is) taking far more gold than she sends, spending much more than reparations… (it was said in
Daily Telegraph that alleged french political motive for tranfers of funds is being discounted… Once again,
German hopes turned to America to stave off the fall of Brüning… he will continue his dogged course….. his
friends however (said that) it is little known that after his return from Chequers, he had a heart attack (si
hyperactif depuis ?)… 262
261
NY Times, 31-07-21-p1, Paris Still Insist on Security Pledge (P.J. Philip) -20-p28, London approves German
Measures. -21-p12, Address by Premier MacDonald. -21-p13, Political Appeasement Proviso Mystifies Mellon. -21-p13,
Hindenburg’s Plea to Hoover is Made Public. -22-p1, Berlin Welcomes New Hoover Credit Memorendum. -22-p1, Paris
Tell League it Cannot Cut Arms. -22-p20, German Public Finance (editorials). -22-p20, London and Washington
(editorials).
262
NY Times, 31-07-23-p1, Markets Here Drop on London Reports. -24-p11, Germans Says Crisis is Up to the
Reichsbank. -24-p11, Reich Short-term Loans Drop Fast in Year. -24-11, Wall Street Gloom over Debt Meeting. -25-p15,
MacCormick Back, Scores Debt Talks. -25-p5, Soviet Paper Gibes at London Results. -25-p5, British Gold Drain Laid to
Henderson. -24-p10, Berlin Press See Aid as a Stop Gap. -24-p1, Bankruptcy Staved Off. -24-p10, France Modifying
Attitude to Reich. -24-p1, Accord Pleased Hoover. -23-p1, Germans will ask Stimson for Cash. -23-p6, The Times,
London, Calls Parley Disappointing.
115
Évènement no 6, première victoire électorale hitlérienne
Manchester Guardian, Articles; …recrudescence of sanguinary disorders. Nazis have disproved that
Communists are agressors in the affrays which have grown since that government came in power, (and which)
has been defeated in parliamentary sense. (But) struggle for power (is) extra parliamentary… (Nazis) outrages
are different. Councellor Struff was murdered in his bed, (Another) shot dead at home. Several injured.
Incendiary bombs thrown in offices of journals… There can be no doubt that almost all outrages have been
committed by Nazis, (allowed) to do almost anything with impunity, (while) government press is packed with
false reporting… 263
Édito; Most responsible politicians realize that American tariff policy has made payments of war debts
impossible… Nazis failed to win absolute majority. It is inevitable that individuals follow up their private
hatred in disappointment. (However,) Hitler nor his colleagues desire to act against government and look in
confidence toward the future… Despite their words, von Papen and von Schleicher will try to canalize nazi
movement into harmless manifestation of nationalism. Presidential decrees must have stamp of Reichstag, it
might be by arrangement with Center party (or) suppression of Communist party. Both Red and Black
internationals are strong but will (only) play obstruction for months. 264
Pacifistes; We should press for all, disarmament imposed to Germany… (Intelligent) French realised it is
impossible to maintain (their) artificial superiority. Equality in disarmament (is) unassailable ground…
(Socialist) Léon Blum denies Hitler and von Schleicher pursue identical aims… French nationalist papers
continue alarmist articles about reorganisation of Reichswehr … Radical papers have dropped disarmament
policy. (So,) Mr. Blum (is alone to say that) von Papen regime is less dangerous than Hitler (and that) only by
disarming themselves can the other nations prevent rearming of Germany… Argument that other nations
(have failed their promises to disarm) is not as unsound as French nationalists have made it out to be. 265
NY Times, FT Birchall; Nazi get only 37 %... (progress) is slowing down, possibly reach its climax. (Centre)
party occupies pivotal position, (victory is his). (Germans refused) to entrust parties, (von Papen’s)
independance will be truer. (He is is trying a new system), that differs from old government of parliamentary
responsability. (Constitutional) form is maintained, (with) law and order. (It is) American idea of division
between executive and legislative (carried further). If this method fail, there would be presidential decrees…
Manifesto from Hitler is especially mild, it says (to continue) the fight with renewed energy… Tragedy for
Hitler has been that it’s triumph is always been beyond the horizon. (his impossible program) is again
postponed. 266
Édito; election was a disappointment in (finding a) majority capable of governing, (but not) if we take that
Hitler’s party failed to win the mandate (of) policies based on race and hatred, and provocation in foreign
affairs… Question is whether (if he) will be responsible stateman under constitutionnal regime. (To draw
Hitler) into statemanship would be victory for democracy. Sunday’s election was a victory for moderation and
Republic. (Von Schleicher expressed) admiration for Hitler, declared his movement must be used because it is
fired with faith. 267
263
Man. Guardian, 31-08-01-p9, Recrudescence of Disorders. -02-p9, German Elections and After. -03-p9, Dictatorship
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116
Birchall; Nazi orators shout for ending tributes… Hugenberg called for reduction of interests (or) liquidation
of debts (but) powerful influence would be heard should (German cabinet) intervene in private debts (and so)
injure confidence in nation’s credit… pacifiste; Mr. Warner (former Assistant Secretary of Navy) declared
France would find 350 fighters sufficient (instead) of the 5000 airplanes she now has… General Liautey said
to Count Westarp, that French army was (not so powerful) and speaked about military organizations and spirit
of violence in Germany. Westarp replied (that) increase of Hitlerites and talks of violence (were because)
injustice on which the economic life was based… Amount of reparations was indefinite and uncertainty
produced financial and political trouble, (but) Germans have shown cooperation and reasonable settlements
far greater than expected… 268
268
NY Times, 32-08-03-p1, Reich Would Seek Private Debts Cut at World Parley (Birchall). -04-p15, Issue at Parley
Unlikely. -03-p2, 80 % Air Force Cut Urged at Williams. -04-p1, American Delegates Discuss Arms Parley. -04-p15,
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