La montée du fascisme et de la Grande Dépression en Allemagne
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La montée du fascisme et de la Grande Dépression en Allemagne
La montée du fascisme et de la Grande Dépression en Allemagne, vue par la presse de France, de Grande-Bretagne et des États-Unis (1930-32) Mémoire Richard Boulé Maîtrise en histoire Maître ès arts (M.A.) Québec, Canada ©Richard Boulé, 2016 La montée du fascisme et de la Grande Dépression en Allemagne, vue par la presse de France, de Grande-Bretagne et des États-Unis (1930-32) Mémoire Richard Boulé Sous la direction de : Talbot Imlay, directeur de recherche Résumé : Dans les années 1931-32, les disputes à propos du traité de Versailles accompagnent la montée du fascisme et de la Grande Dépression en Allemagne. Les dirigeants anglosaxons ont justifié leur appui du Reich par leurs opinions publiques et des historiens ont expliqué que ces dernières s’étaient bercées d’illusions sur les enjeux allemands. Mais quelles étaient et d’où provenaient-elles ? Notre étude de quotidiens français, américains et britanniques montre qu’elles n’étaient pas uniquement constituées d’erreurs d’appréciation des réalités objectives, mais aussi de faits occultés, d’inventions, d’une guerre médiatique justifiant les choix de certains dirigeants financiers et politiques anglo-saxons. La diffusion rapide des mêmes inventions des deux côtés de l’Atlantique suggère l’existence de canaux de « fabrique d’opinions » entre l’Allemagne, la Grande-Bretagne, et les États-Unis. iii Summary : During the years 1931-32, international disputes about the Treaty of Versailles accompanied the rise of fascism and Great Depression in Germany. Leaders of the AngloSaxon powers justified their support of the Reich by public opinions. Historians have said that the latters were deluded about German issues, but what were those illusions and where do they came from ? This comparison of British, American and French newspapers shows that they were not only made from wrong assessments of objective realities, but also from hidden facts or inventions, even a media war serving to justify some financial and political choices. The fast dissemination of the same inventions on both sides of the Atlantic also suggest the existence of priviledged channels of « opinion fabrics » from Germany, to and between Britain and the United States. iv Table des matières Résumé :...............................................................................................................................iii Summary : ............................................................................................................................iv Table des matières..................................................................................................................v Introduction............................................................................................................................1 Chapitre I — Contextes sociopolitiques .............................................................................16 A) Les trois puissances occidentales et leur presse (1918-40).........................................16 1 — La France..............................................................................................................18 2 — La Grande-Bretagne.............................................................................................21 3 — Les États-Unis......................................................................................................24 B) Grande Dépression et crises politiques allemandes....................................................28 4 — La Grande Dépression .........................................................................................28 5 — La montée du fascisme dans la république de Weimar........................................30 6 — Réarmement clandestin et guerres diplomatiques 1919-33..................................33 C) L’offensive diplomatique allemande 1929-33..........................................................34 7 — Les négociations financières internationales (1930-33)......................................35 8 — La conférence du « désarmement » à Genève.....................................................39 Chapitre II — Revue de presse, l’agitation allemande........................................................41 A) Percée électorale fasciste au Reichstag (1930-09-14)................................................41 B) Réunion de Chequers et Manifeste Brüning (1931-06-06).........................................51 C) Moratoire Hoover (1931-06-21) .................................................................................60 Chapitre III — Grande Dépression, triomphe fasciste ........................................................68 A) Crise bancaire allemande et réunion de Paris (1931-07-13) ......................................68 B) Conférence de Londres (1931-07-21 au 23)...............................................................78 C) Première victoire électorale nazie (1932-07-31).........................................................88 CONCLUSIONS..................................................................................................................96 Annexe 1 : Fiche d’analyse, essai initial ...........................................................................105 Annexe 2 : Citations supplémentaires ...............................................................................106 Bibliographie......................................................................................................................118 v Introduction En août 1929, la communauté internationale s’attendait à ce que les gains importants du plan financier Young et du traité de La Haye 1 soient reçus avec joie en Allemagne. Elle assiste plutôt à la progression rapide du fascisme au début de la Grande Crise, progression favorisée par l’arrivée à majorité d’élèves endoctrinés et par les médias très majoritairement d’extrême droite. La démocratie parlementaire est aussi attaquée par les élites militaro-industrielles et le président Paul von Hindenburg. Dès janvier 1930, ce dernier muselle le Reichstag avec l’appui du haut commandement, nommant un cabinet ministériel qui ne s’appuie plus sur une majorité. Son chancelier Heinrich Brüning choisit d’aggraver la crise économique et l’agitation nationaliste afin de faire chanter les créanciers « anglo-saxons » 2 de l’Allemagne. Cette dernière obtient le gel de ses créances étrangères (juillet 1931) et, en pratique, la fin de ses réparations de guerre (juin 1932) et du traité de Versailles (déc. 1932). Tout cela s’acquiert au prix de la Grande Dépression et de la prise de contrôle du pays par les nazis. Britanniques et Américains refusent toujours de s’engager pour la sécurité européenne, les Français s’enferment derrière la ligne Maginot, tous renoncent à la coercition pour protéger démocratie allemande ou traités européens. 3 Pour expliquer cette victoire du fascisme en Allemagne, les historiens ont souligné les erreurs de ses partis de gauche, l’effet délétère de l’extrême droite dans les médias et les institutions, mais aussi les erreurs diplomatiques françaises et anglo-saxonnes. 4 Au début, la majorité des historiens occidentaux croyait que la victoire du fascisme était issue de la Grande Crise; par la suite, ils ont plutôt admis l’interaction entre ces deux phénomènes, 1 Règlement financier sur les réparations de guerre allemandes et fin de l’occupation de la Rhénanie. 2 Le terme « anglo-saxon » ne sera pas pas utilisé ici dans son sens ethnique, mais comme abréviation, selon le contexte, de citoyens ou de responsables officiels britanniques et américains » 3 William L. Patch, Heinrich Brüning and the Dissolution of the Weimar Republic, Cambridge UK, Cambridge University Press, 1998. Edward W. Bennett, German Rearmament and the West, 1932-33, Princeton NJ, Princeton University Press, 1979. Barton Whaley, Covert German Rearmament, 1919-39; Deception and Misperception. Frederick MD., University Publications of America inc, 1984. Edward W. Bennett, Germany and the Diplomacy of the Financial Crisis, 1931, Cambridge Mass., Harvard University Press, 1962. W.R. Garside ed., Capitalism in Crisis; International Response to Great Depression, New York, St. Martin’s Press, 1993. Gaines Post, The Civil-Military Fabric of Weimar Foreign Policy. Princeton NJ, Princeton University Press, 1973. 4 Rita Thalman, La république de Weimar, Paris, Presses universitaires de France,1986. Alfred Wahl, Les forces politiques en Allemagne : XIXe- XXe siècles, Paris, Armand Colin, 1999. Modris Ecksteins, The German Democratic Press and the Collapse of Weimar Democracy, Oxford, Oxford University Press, 1975. Peter Gay, Le suicide d’une république, Weimar 1918-33, Paris, Gallimard, 1993(68). 1 sans établir précisément la suite des causes aux effets à présent entremêlés dans des corpus considérables. 5 Depuis, nous avons appris que des chefs politiques du Reich, avec les castes militaro-industrielles, avaient provoqué l’hyperinflation des années 1920-23 afin d’annuler la dette de guerre aux dépens des épargnants et d’échapper aux réparations de guerre pour l’étranger. Fin 1929, ces mêmes élites s’attèlent au renversement de la démocratie parlementaire et des traités européens. Les historiens de la politique internationale, tels Zara S. Steiner, expliquent que c’est bien la diplomatie conflictuelle entre les grandes puissances, durant les années charnières 1930-32, qui a fait basculer l’Europe dans la course aux armements et le monde dans la Grande Dépression. 6 Problématique Les documents consultés dans notre recherche montrent bien l’acuité de ces conflits et que la mésentente entre Français et puissances anglo-saxonnes favorisa effectivement les progrès du fascisme et de la Grande Dépression en Allemagne. À la suite des politiciens cherchant à s’en excuser par l’opinion publique, les historiens occidentaux de l’aprèsguerre ont expliqué que cette opinion avait été victime « d’illusions » durant cette période. 7 Depuis les années 1960 cependant, sociologues, spécialistes des médias et historiens ont constaté la manipulation de la presse par des groupes d’intérêts et l’ingérence au moins ponctuelle des dirigeants nationaux. 8 Malgré tout, il est confirmé que les politiciens, au moins dans les décennies 1900-1970, considéraient bien ces opinions de la presse comme celles du public et que ce sont bien elles qui étaient liées aux décisions diplomatiques. 9 Il 5 Les histoires allemandes 1870-1939, économiques et diplomatiques de tous pays, etc. 6 L’historien de l'économie Harold James constate que les crises allemands sont déconnectées des cycles mondiaux et que des facteurs non économiques avaient du jouer. The German Slump Politics and Economics 1924-36. Oxford, Clarendon Press, 1986. Les historiens admettent depuis que la crise de la Ruhr et l’hyperinflation relevaient d’un choix politique. Ex. Zara S. Steiner, The Lights that Failed. European International History 1919-1933, Oxford university press, 2005. Richard Evans, The Coming of the IIIrd. Reich, New York, Penguin Books, 2003.Zarah S. Steiner, idem. 7 Comme si toutes les autres décennies n’en avaient pas leur lot… 8 Champagne, « Opinion publique », Encyclopedia Universalis et Faire l’opinion, le nouveau jeu politique, Paris, éditions de Minuit, 1990. A. Sauvy, L’opinion publique. Paris, P.U.F., 1997 (56). M. Perrot, La monnaie et l’opinion publique en France et en Angleterre de 1924 à 1936. Paris, Armand Colin, 1955, p15. Edward W. Bennet, German Rearmament and the West, 1932-1933, Princeton NJ, Princeton University Press, 1979, p5. Pierre Guillen, « Opinion publique et politique extérieure en France 1914-1940 », et Anthony P. Adamthwaite, « Democracies, Dictatorships and Public Opinion », École française de Rome ed., Opinion publique et politique extérieure-II, 1915-1940, 1984. 9 Eber M. Carroll, French Public Opinion and Foreign affairs 1870-1914, New York, 1938. Bernard C. Cohen, Relationship Between Public Opinion & Foreign Policy Makers et Alfred H. Kelly, Comment et Melvin Small, Public 2 reste donc pertinent de les comparer selon leur couleur idéologique ou partisane, leur pays de diffusion, aussi de tenter d’identifier certains individus ou groupes dont elles sont issues, tout ceci en reconnaissant que ces opinions de presse ne sont qu’un seul des facteurs importants de la politique extérieure des états. C’est ainsi qu’il s’est fait pour les décennies 1920-30, nombre d’études d’opinions dans des publications aux tendances politiques diverses, sur de courts épisodes politiques ou financiers. 10 D’autres études recherchaient les points de vue d’une ou de quelques publications pour une suite plus longue de ces évènements. 11 Mais elles sont toujours en nombre limité pour les « années diplomatiques charnières 1930-32 », 12 ayant influé sur les phénomènes concomitants de la montée du fascisme et de la Grande Dépression en Allemagne. Aucune n’a fait de travail comparatif à ce sujet entre des publications des trois autres puissances au cœur des disputes internationales qui les ont accompagnés. De plus, même si les explications de la presse reflètent forcément en partie les positions officielles nationales, nous croyons pertinent d’ajouter une étude plus exhaustive, en complément des recherches effectuées principalement à partir de la documentation officielle. Notre intention est de suivre la progression et d’identifier les illusions de la presse afin d’illustrer avec plus de précision comment la presse anglo-saxonne, sans le savoir nécessairement, s’est trouvée l’alliée du déclenchement de la Grande Dépression et de la montée du fascisme allemand. Cette étude d’histoire politique se veut complémentaire à celles effectuées à partir des archives diplomatiques et touche aussi à la sociologie des médias et des représentations qu’ils contribuent à former. Opinion and Historian dans Melvin Small ed., Public Opinion and Historians, Detroit, Wayne State University Press, 1970. Anthony P. Adamthwaite, Democracies, Dictatorships and Public Opinion et David N. Dilks, Public Opinion and Foreign Policy in Great Britain et Pierre Guillen, Opinion publique et politique extérieure en France 1914-1940, dans Opinion publique et politique extérieure-I, 1915-1940, École française de Rome, 1984. 10 Exemples; Pierre Miquel, La paix de Versailles et l’opinion publique française, Paris, Flammarion, 1972. Hans Hörling, « L’opinion française face à l’avènement d’Hitler au pouvoir », Francia, vol. 3 (sept. 1975). Ralph Schorr, « Les États-Unis vus de la droite : La crise américaine de 1929 à travers la presse française de droite », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, (oct. 1995), p568-576. 11 Exemples; Christine Fillion, L’Image de l’Allemagne dans la presse française (1933-38) : le cas de l’Oeuvre et du Figaro, M.A., Montréal, UQAM, 2004. Ralph Schorr,« Xénophobie et extrême droite : l’exemple de l’Ami du peuple (1928-37) », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 23 no. 1 (1976). J. Christopher-Chartier, La politique allemande de la France telle que perçue par la presse française (1919- 26), M.A., Université de Montréal, 2010. 12 Voir Zarah S. Steiner par exemple sur cette qualification d’ « années charnières », op. cit. 3 Historiographies Le premier champ de recherche que nous avons exploré, la presse occidentale (1900-1940) et l’historien en politique internationale nous a permis de faire le point sur les quotidiens pouvant être utilisés et sur la méthodologie. Le second champ est celui de La Grande Crise de 1929 et de ses incidences en Allemagne. Ils sont suivis par La montée du fascisme dans la république de Weimar (1918-33) et par La politique internationale européenne (1918-45), couvrant celle de l’Allemagne et des trois grandes puissances occidentales. C’est à partir de ces trois derniers champs que six évènements-clés des politiques internes et externes allemandes ont été sélectionnés aux fins d’analyse dans les quotidiens des trois puissances occidentales. Champ 1— La presse, l’opinion publique et l’historien en politique internationale Les travaux sur l’histoire de la presse ont débuté à la fin du 19e siècle et montraient surtout les aspects logistiques et parfois la vie sociale des propriétaires. Après les années 1920, certains historiens 13 ajoutent quelques informations sur leurs tendances idéologiques (Britanniques et Français de façon morcelée, 14 les Américains rarement 15). Cet aspect s’est étoffé après les années 1940, 16 grâce aux méthodes d’analyse de contenu systématisées par les Américains et aux méthodes historiennes incorporant tant les aspects logistiques que sociopolitiques de sa production. 17 L’étude de l’histoire immédiate reprend aussi de la vigueur, après un quasi-monopole de la critique des sources anciennes en Europe (18501990. 18 C’est aussi aux États-Unis que l’histoire récente reprend son essor, au point de voir les historiens américains devenir précurseurs de l’histoire européenne (avec des sociologues 13 Paul Sury d’Aspremont, La presse à travers les âges, Paris, 1929. 14 Exemples; Mick Temple, The British Press. Maidenhead UK, 2008/96. Claude Bellanger, Histoire générale de la presse française. Tome 3(1871-1940). Paris, 1972. Gilles Feyel, La presse en France, des origines à 1944, Paris, 1999. 15 Exemple; M. A. Blanchard ed., History of the Mass Media in United States, an Encyclopedia. Chicago, 1998. 16 Ainsi, les H. Lassell, N. Laites, A. Kaplan, P. Berelson.Voir à ce sujet Laurence Bardin, L’analyse de contenu, Paris, PUF, 1989 (77), 298p. 17 À ce sujet Jacques Kayser, Le quotidien français, Paris, Armand Colin, Paris, 175p. 18 Amplifiée après 1945 par suite des excès nationalistes. École de Chartres à Paris en 1821, l’Allemand Léopold Ranke en 1824, méthode positiviste de V. Langlois et C. Seignobos vers 1890, école publique de la IIIe république et régimes totalitaires 1919-45. 4 et des journalistes)... Ses méthodes se sont affinées en s’inspirant de celles des autres sciences humaines et se prêtent particulièrement aux domaines des représentations et des relations internationales, à travers les médias. 19 Des sociologues tels Alfred Sauvy et Patrick Champagne 20 ont étudié le concept d’opinion publique après la Seconde Guerre. Ils en concluent qu’elle est tributaire de préjugés et de sentiments plutôt que des faits, laissés aux historiens, mais que même ces derniers sont loin d’être à l’abri de la subjectivité. Ils concluent que la démocratie exige une bonne information du public, mais que ses coûts favorisent les détenteurs du capital qui souhaitent plutôt orienter son opinion. Il s’est ainsi développé un débat sur la liberté de presse et la concentration des médias dans les pays dits démocratiques. 21 L’influence de l’opinion publique en politique extérieure est aussi débattue depuis la Seconde Guerre (avec l’éclosion des sondages). Cette question s’insère en Occident dans les deux schèmes principaux d’analyses en relations internationales (réaliste et libéral, qui s’inspirent euxmêmes de la philosophie politique). Les « réalistes » prédominent dès le départ avec le « consensus Almond-Lippmann ». Pour eux, l’opinion publique est inepte en politique extérieure, puisqu’ignorante, inattentive, influençable à volonté et qu’elle ne serait en aucun cas prise au sérieux par les dirigeants nationaux (Almond 1950, Lippman 1955, Cohen et Morgenthau 1973). 22 Dans les milieux « libéraux », on remet en cause ce postulat après la guerre du Vietnam (Monroe 1979, Page et Shapiro 1984, Graham 1986). Des études quantitatives sur les sondages montrent des corrélations importantes entre opinion publique et décisions, mais aussi qu’un système de croyance nationale stable n’est pas si aisément manipulable (Hartley et Russett 1992, Page et Shapiro 1992, Bartels 1991, Jentleson 1992). Graham explique la fonction de l’opinion comme étant celle d’un frein (inertie) et défini les facteurs 19 Jean-François Soulet, L’histoire immédiate; historiographie, sources et méthodes, Paris, Armand Colin, 2009, p933,51-60. 20 P. Champagne, « Opinion publique », Encyclopedia Universalis et Faire l’opinion, le nouveau jeu politique, Paris, éditions de Minuit, 90. A. Sauvy, L’opinion publique. Paris, P.U.F., 1997 (56). 21 Judith Lazare, L’opinion publique, Paris, 1995. Noam Chomsky et Edward S. Herman, La fabrique de l’opinion publique, Paris, 2003 (1988). 22 Ole R. Holsti, Public Opinion and American Foreign Policy, 2004 (1996), University of Michigan Press, introduction. 5 qui l’inhibent : la force du support public apparent, l’efficacité de la communication des élites. Pour Jentleson, la morale publique accepte la guerre contre un état agresseur et s’y oppose pour l’imposition d’un régime à un autre pays, mais il ajoute que cette opposition peut être inhibée par l’utilisation rapide et victorieuse de la force. Page et Shapiro trouvent aussi que l’opinion publique est plutôt stable, raisonnable et sensible, mais qu’elle répond largement à l’influence d’« experts » et de commentateurs médiatiques. Il faut ici nous demander si toutes ces recherches, démontrant les nombreux moyens de manipuler l’opinion, n’entérinent pas de fait le consensus « réaliste » Almond-Lippman. Pour des politologues comme Ole R. Holsti et Richard Sobel, la question de l’influence de l’opinion publique en affaires internationales est ravivée par la mondialisation de nombreux enjeux. Depuis l’attentat de septembre 2001, elle le serait aussi par l’augmentation des actions secrètes étatiques et la guerre dite antiterroriste, par leurs effets sur les vies domestiques nationales, les libertés civiles et la vie privée. 23 Pour ce qui en est de l’étude de presse en politique internationale, Eber M. Carroll démontrait dès 1931 que les hommes d’État français recherchaient bien le pouls de l’opinion publique dans la presse et le politologue Bernard C. Cohen le confirme pour les dirigeants américains durant les décennies 1950-60. Il ajoute qu’une élite chargée des affaires extérieures modèle la presse selon ses intérêts et fustige le « mythe » historien d’une influence de l’opinion publique comme une incapacité d’aller au-delà des explications officielles. En 1970, l’historien Melvin Small constate que des chercheurs persistent à confondre les opinions publiques et de la presse. L’historien Athan Theoharis conclu qu’on doit simplement questionner dans quelle mesure l’« image publique » d’un pays tiers contribue à former la politique des dirigeants, mais aussi comment la rhétorique de ces derniers influence cette image. Cette approche est confirmée par les travaux des politologues mentionnés ci-devant. 24 En conclusion, au moins pour les années précédant la 23 Erin Carrière et Marc O’Reilly, « Public Opinin and Foreign Policy : Theoretical Perspectives » dans Richard Sobel ed., International Public Opinion and the Bosnia Crisis, 2003, Lanham Maryland, p2-5. Richard Sobel et E. Shiraev ed., International Public Opinion and the Bosnia Crisis, via https://books.google.ca, le 2015-07-05. « Richard Sobel » dans https// cyber.law.harvard.edu/mode/90974, en ligne le 2015-07-05. 24 E. M. Carroll, « French Public Opinion and Foreign affairs 1870-1914 », New York, 1938. B. C. Cohen, « Relationship Between Public Opinion & Foreign Policy Makers » et Athan Theoharis, « Comment », dans Melvin Small ed., Public Opinion and Historians, Detroit 1970.Melvin Small, ed., Public Opinion and Historians, Detroit, 1970H. R. Isaacs, « Sources of Images of Foreign Countries » et A. Theoharis, « Comment », dans Melvin Small ed., Public Opinion and Historians, Detroit 1970. 6 décennie 1980, les dirigeants nationaux persistaient à croire ou à prétendre croire que l’opinion de presse représentait celle du public. Nous devons bien lui accorder un impact important sur la politique internationale, quoique parmi d’autres facteurs principaux et c’est en cela qu’est justifié son analyse en complément de celle des archives officielles, à fortiori lorsque ces dernières ne sont pas disponibles pour les temps plus récents. Champ 2— La Grande Crise de 1929 Les crises économiques de l’entre-deux-guerres sont étudiées dès les années 1930, avec leurs effets sur les revenus nationaux et des entreprises, avec plus de difficulté sur l’emploi. Des économistes expliquent ensuite la Grande Dépression par une récession structurelle, aggravée d’erreurs monétaristes et de mutations sociales. Ainsi en 1946, les Américains Milton Friedman et Anna Schwarz constatent que le « Federal Reserve System » (FED) n’avait pas secouru les banques après ses restrictions au crédit. Pour W.R. Garside, la récession s’est propagée plus rapidement à cause du système monétaire « Gold Standard », ayant induit ces restrictions et parce que les gains de productivité de l’entredeux-guerre n’avaient pas échu aux masses (faiblesse des marchés). P. Fearon mentionne qu’après 1929, la purge du marché financier a été retardée par des interventions erratiques, en particulier celles du président Hoover (1930-32). W.R. Garside ajoute finalement que malgré la coopération requise, « il semble qu’une folie nationaliste ait alors prévalu » dans les rapports internationaux. 25 Plus récemment, l’historien Bernard Gazier fournit un autre exemple des explications purement économiques de la Grande Dépression. Elle avait été perçue comme un « fléau aveugle, issu du krach new-yorkais et d’où se multipliaient les banqueroutes en monstrueux gâchis matériel et humain ». Cependant, il ajoute les nombreuses conditions défavorables qui ont prévalu sur les marchés dans les années 1918-1929 (ressources naturelles en excès, politiques douanières). Marguerite Perrot fait aussi état, pour la France, d’une pénurie artificielle de numéraires induite par la crainte des attaques monétaires des années précédentes et de l’hyperinflation expérimentée en Allemagne. 26 25 Bernard Gazier, La crise de 1929, Paris, 1983, p.95,105-114. W.R. Garside « Introduction » et P. Fearon, « Hoover, Roosevelt and American Economic Policy During the 1930’s » dans Capitalism in Crisis; International Responses to the Great Depression. New York, 1993, p.1-5, 114-125. 7 Il faut attendre les années 1980-90, pour que le rapport entre les domaines financier et politique soit mieux éclairé. Ainsi, pour Patricia Clavin; « les causes de la Grande Dépression sont économiques, mais aussi politiques, car ce sont les nationalismes qui l’ont rendue si dévastatrice ». Les historiens de Weimar confirment aussi que les élites militaroindustrielles ont bien choisi de provoquer l’hyperinflation, avec les chanceliers Joseph Wirth et Wilhelm Cuno (1920-23), ceci afin d’effacer les dettes de guerre aux dépens des épargnants allemands et que leurs discours accusant les réparations de guerre étaient faux. Cet acte de guerre économique a nui à toute la reprise européenne. L’hyperinflation génère aussi une terreur qui aura des effets graves sur le crédit intérieur allemand et les décisions monétaires européennes entre 1929 et 1936. 27 Cette étude sur la Grande Dépression nous a permis de nous familiariser avec les soubresauts financiers cristallisés dans quatre de nos six évènements-clés étudiés via la presse. Champ 3 — La progression fasciste dans l’Allemagne de Weimar (1918-33) Dès après la Seconde Guerre, les historiens tentent d’expliquer l’avènement du pouvoir hitlérien à partir de questions formulées par Friedrich Meinecke; 28 comment cette nation allemande « si cultivée » a-t-elle sombré dans la barbarie nazie ? Comment tant d’Allemands n’ont-ils pas perçu sa nature ou lui ont-ils si peu résisté ? Certains l’expliquent par les faiblesses démocratiques de Weimar. Erice Kollman (1947) et A. Rosenberg (1955) croient en un rejet atavique de la démocratie, Peter Gay propose une sorte de « démoralisation » des démocrates après leur abandon de l’administration aux mains des anciens fonctionnaires impériaux en 1919. Depuis, les recherches ont montré les activités politiques et même terroristes de l’extrême droite, soutenues par les officines mêmes de la République. 29 En 1975, de nombreux documents classés « secrets » sont rendus publics et 26 Gazier, idem., p.5-6. M. Perrot, La monnaie et l’opinion publique en France et en Angleterre de 1924 à 1936 . Paris, Armand Colin, 1955. 27 Patricia Clavin, The Great Depression in Europe 1929-39, London, 2000, p.1,4,7,27,28,89, 31-35. Gazier, op. cit., p.27-34. 28 Friedrich Meinecke, The German Catastrophe; Reflections and Recollections, Harvard University Press, 1950 (46). 29 Principalement chancellerie et ministères de la justice, de la défense et des affaires extérieures. Peter Gay, Le suicide d’une république, Weimar 1918-33. Paris, Gallimard, 1993 (68). Rita Thalman, La république de Weimar. Paris, 1986. Alfred Wahl, L’Allemagne de 1918 à 45. Paris, 1993. 8 permettent une révision sur la société dans le Troisième Reich et Detlev Peukert peut ainsi en conclure qu’elle n’était pas très différente de celle des deux Reichs précédents. 30 La plupart des historiens avaient pensé que les excès de crises économiques, induites par le traité de Versailles, avaient amené la prise de pouvoir hitlérienne. Ce mythe de l’effet du traité a été lentement invalidé (chez les historiens spécialisés depuis 25 années, pas dans les médias). Les recherches montrent que c’est l’activisme des élites au pouvoir qui a aggravé les crises au pays, comme dans le reste de l’Europe et que ces élites ont exagéré l’aspect négatif de Versailles à des fins stratégiques. 31 En 2003, Richard Evans en conclut que la victoire du fascisme repose, avant tout, sur l’action de quatre groupes réactionnaires concurrents, seulement ensuite sur les facteurs conjoncturels de la Grande Crise et de l’intelligence tactique d’Hitler. Konrad Jarausch en déduit plus généralement, et avec raison, que les dérives fascistes proviennent surtout des ruptures sociales et culturelles des migrations européennes du 19e siècle et de la Grande Guerre et qu’en somme, elles témoignent de la fragilité de toutes sociétés modernes. 32 Nous pouvons nous demander à quoi mèneront les migrations encore plus massives de ce nouveau siècle. C’est donc l’agitation des nationalistes conservateurs, militaires et nazis qui mine la République dès ses débuts et c’est l’intensification de leurs efforts qui aggrave la situation économique du pays après 1928, annihile la démocratie, organise le totalitarisme militaroindustriel dès avant la prise de pouvoir hitlérienne. C’est ce dernier champ de recherche qui nous a fait choisir la « période diplomatique charnière » de 1930-32 et les deux événements électoraux qui en sont les points d’initialisation et de conclusion. 33 Champ 4 — La politique internationale européenne (1918-45) 30 Hans Mommsen, « National Socialism, Continuity and Change ». Laqueur ed. Fascism, Berkeley,1978. Detlev Peukert, Views Inside Nazi Germany; Conformity, Opposition and Racism in Everyday Life, Yale University Press, 1987. 31 Zara S. Steiner, The Lights that Failed. European International History 1919-33, Oxford University Press, 2005. Richard Evans, The Coming of the IIIrd. Reich, New York, Penguin Books, 2003.Patricia Clavin, The Great Depression in Europe, 1929-39, London, Macmillan Press, 2000. W.R. Garside ed. , Capitalism in Crisis; International Responses to the Great Depression, New York, St. Martin’s Press, 1993. 32 Rita Thalman, La république de Weimar. Paris, Presses universitaires de France,1986. Richard Evans, idem. Konrad H. Jarausch, Shattered Past; Reconstructing German Histories, Princeton NJ, Princeton University Press, 2003. 33 L’économie du pays est déja relancée. Il ne reste qu’à introniser le leader charismatique le plus populaire. 9 L’histoire de cette politique est vaste et le rôle de l'Allemagne y est central. En 1953, Edmond Vermeil pensait déjà que les deux Grandes Guerres résultaient de ses luttes hégémoniques, mais ce n’est qu’en 1961 que ce sujet est rediscuté, quand AJP. Taylor soutient que le nazisme est bien le produit de l’évolution de la société allemande et que Fritz Fischer admet que son pays était bien responsable de ces deux guerres. La politique internationale hitlérienne est aussi rapidement étudiée. Les historiens Bracher, Broszat et Mommsen préfèrent croire qu'elle ne suit pas de plan et répond aux tensions internes du régime nazi. Dès 1953 cependant, le biographe Hugh Trevor-Roper souligne que la conquête de l’U.R.S.S était déjà dans le Mein Kampf (1923) et en 1964, Allan Bullock argue d’un plan impérialiste préexistant. 34 Ce dernier point fait à présent consensus avec les Weinberg, Hillgruber, Hildebrand, Kaiser 35 et la question importante pour cette étude porte sur les « continuités » de la politique allemande (1870-1945). D’après les procès de Nuremberg, plusieurs historiens concluaient un peu rapidement que la responsabilité de la Seconde Guerre revenait seulement à Hitler et à quelques acolytes. Friedrich Meinecke et Gerhard Ritter refusent d’y voir une résultante de l’histoire nationale, Ralf Dahrendorff prétend qu’Hitler avait fait une « révolution bourgeoise contre les valeurs aristocratiques ». 36 Mais en 1961, le Britannique AJP. Taylor soutient qu’Hitler était bien un politicien normal, au surcroit d’habiletés et de ruses, mais poursuivant les objectifs impériaux de ceux qui l’avaient précédé au pouvoir. Depuis 1985, une majorité d’historiens conclut, comme Fritz Fischer et Lewis Namier, que la recherche de puissance des élites militaro-industrielles avait bien changé de 34 Edmond Vermeil, L’Allemagne contemporaine 1890-1950, Paris, Aubier, 1953. Ludwig Delhio, Germany and World Politics in the 20th Century, New York, 1959. AJP. Taylor, Origins of the Second World War, London, 1961. Fritz Fischer, Germany’s Aims in the First World War. London, Chatto & Windus, 1967 (61). K. D. Bracher, The German Dictatorship, London, 1977. M. Broszat, The Nazi State, Londres, 1981. H. Mommsen, « National Socialism, Continuity and Change » dans Laqueur ed. Fascism, 1979. H.Trevor-Roper, The Mind of Adolph Hitler, London, 1953. A. Bullock, Hitler, A Study in Tyranny, Londres, 1964. 35 A. Hillgruber, Germany and the Two World Wars, Harvard University Press, 1981. K. Hildebrand, The Foreign Policy of the Third Reich. Berkeley, 1973. G. Weinberg, The Foreign Policy of Hitler’s Germany; Diplomatic Revolution in Europe, London 1970. D. Kaiser, Modern Germany Reconsidered, London, 1992. I. Kershaw, The Nazi Dictatorship;Problems and Perspectives of Interpretation, London,1985. 36 E. Wiskeman, The Rome-Berlin Axis, London,1949. H.Trevor-Roper, The Last Days of Hitler, London, 1947. A. Bullock, Hitler; A study in Tyranny, London, 1952.F. Meinecke, The German Catastrophe; Reflections and Recollections, Boston 1950/46. G. Ritter dans RJB. Bosworth ed., Explaining Auschwitz and Hiroshima; History Writing and Second World War, London, 1953. R. Dahrendorff, Society and Democracy in Germany, London, 1966. AJP. Taylor, Origins of the Second World War, London, 1961. 10 forme, mais pas d’objectifs principaux de 1917 à 1945. Certains historiens essaient néanmoins de trouver des différences dans la politique hitlérienne, Geoffrey Eley parle d’un « surcroit d’extrémisme », à cause de l’extermination antisémite, Weinberg trouve les objectifs territoriaux d’Hitler plus importants que ceux perdus en 1919 et que son racisme lui ferait préférer la guerre et les cessez-le-feu temporaires, contre la paix. Lee et Michalska concluent que les diplomates de Weimar avaient « une pensée différente et un racisme anti slave moins accentué que ceux d’Hitler ». 37 Le lien entre toutes ces « formes de pensée » et quelqu’action de la politique extérieure n’a pas été démontré, contrairement aux continuités constatées entre les préparatifs de ceux qui avaient précédé Hitler et les politiques de ce dernier. Ce sont bien les élites militaires et industrielles qui ont contrôlé la politique extérieure de Weimar, mis en œuvre son réarmement (dès 1926), ordonné l’offensive contre les traités européens en 1930 (E. Craig, WL. Patch, G. Post). 38 Les « injustices économiques » du traité de Versailles et les « vexations » imposées par la France à l’Allemagne ont longtemps servi de prétextes aux choix diplomatiques anglo-américains. 39 Pourtant, quelques politiciens comme Winston Churchill et même les historiens anglo-saxons ont rapidement souligné les conséquences néfastes de leurs choix diplomatiques. Edward Bennett admoneste le laxisme des dirigeants anglo-américains envers l’Allemagne et leur manque d’éthique pour les autres pays. 40 En 2006, Patrick O. Cohrs reconnaît aussi que les puissances anglo-saxonnes sont grandement responsables de la dégradation politique européenne après l’imposition des traités de Locarno (1925). 41 En 37 Fritz Fischer, Germany’s Aims in the First World War. London, Chatto & Windus, 1967 (61). L.B.Namier, 1848; The Revolution of Intellectuals, London, 1986. F.Fisher, From Kaiserreich to Third Reich; Elements of Continuity in German History 1871-1945. London, 1986. G. Weinberg in Eubank ed., World War II. Roots and Causes. Toronto, 1975. M.L. Lee, German Foreign Policy 1917-1933, Continuity or Break ? New York, 1987. 38 E. Craig, Germany 1866-1945, Oxford, 1988. W. L. Patch. Heinrich Brüning and the Dissolution of the Weimar Republic. Cambridge University Press, 1998. G. Post. The Civil-Military Fabric of Weimar Foreign Policy. Princeton University Press, 1973. 39 Nous avons constaté que ces accusations font encore partie des notions de base dans le public, même jeune. 40 Winston Churchill, Second World War; The Gathering Storm, London,1948. Selig Adler, The Uncertain Giant, American Foreign Policy Between the Wars, New York, 1965. Ozer Carmi, La Grande-Bretagne et la Petite Entente Genève, 1972. R. D. Challener, From Isolation to Containment. American Foreign Policy from Harding to Truman. New York, 1970. D.C. Lukowirtz, « British Pacifists and Appeasement ; the Peace Pledge Union ». The Journal of Contemporary History,vol 9, 1974. Arnold A. Offner, American Appeasement. United States Foreign Policy and Germany 1933-38, New York, 1976. 41 Edward W. Bennett, German Rearmament and the West, 1932-33, Princeton University Press, 1979. Aussi Germany and the Diplomacy of the Financial Crisis, 1931, Harvard University Press, 1962. Zara S. Steiner, The Lights that Failed, 11 2003, Zara S. Steiner intitule son livre-somme sur la diplomatie européenne The Lights that Failed. La complicité des élites allemandes et anglo-saxonnes apparaît clairement, en particulier pour les « années charnières » 1930-32, à propos du « désarmement » de la France, du réarmement de l’Allemagne et de l’abolition de ses réparations de guerre. Questionnements-hypothèses Quelles sont précisément, pour les années 1930-32, les raisons données et les illusions à la base des décisions de la France, des États-Unis et de la Grande-Bretagne ? C’est sur ces représentations durant ces « années charnières » que nous avons œuvré à l’aide de quatre questions: 1— Comment leurs quotidiens montrent-ils et expliquent-ils les crises économiques et politiques allemandes ? ; 2— Quelles conséquences en déduisait-on pour le monde et l’Allemagne ? 3— Quelles étaient les actions diplomatiques préconisées ? 4— Quelles sources d’opinions étaient-elles évoquées ou observables ? Nos hypothèses étaient les suivantes : 1a) que la perception factuelle des crises économiques et politiques allemandes serait différente dans les trois pays; 1b) Que chez les Anglo-saxons, leurs causes seraient surtout perçues économiques et que ces explications seraient partagées par les Français qui ajouteraient des causes politiques; 2) Qu’il n’y aurait pas consensus entre les pays sur les conséquences des crises; 3) Qu’il n’y aurait pas consensus sur les mesures préconisées. 4) Que les opinions de presse seraient avant-tout le miroir de celles des milieux gouvernementaux et financiers. Sources Il apparaît pertinent d’utiliser la presse de droite 42 pour retrouver les opinions les plus courantes en politique extérieure. Pour les États-Unis, syndicalistes et socialistes n’ont à peu près aucune prise sur la politique extérieure. Quelques revues hebdomadaires étaient les seules publications d’envergure nationale et seraient valables pour cette étude, mais nous avons préféré l’utilisation de quotidiens afin de conserver la similitude entre médias des trois états. Des historiens comme Pierre Miquel ont constaté que les hebdomadaires ne European International History 1919-33. Oxford University press, 2005. Patrick O. Cohrs, The Unfinished Peace After World War I; America, Britain and the Stabilization of Europe, 1919-32. Cambridge University Press, 2006. 42 Nous entendons ici des partis politiques tenant de la doctrine économique capitaliste libérale en opposition aux doctrines socialiste et communiste, cela inclut donc les conservateurs et les libéraux au plan sociopolitique. 12 faisaient que résumer le contenu des quotidiens avec un peu de retard. 43 En Grande- Bretagne, le travailliste Macdonald et ses alliés libéraux administrent bien en ami des banquiers et la presse du pays est partagée presque entièrement (pour le tirage) entre « lords » conservateurs et quelques libéraux. En France, des historiens ont étiqueté à gauche les radicaux souvent au pouvoir. Ce sont de bons capitalistes libéraux (économiquement). Si la presse y est aussi diversifiée que les partis, la droite monopolise celle de masse et contrôle au moins 90 % du tirage. Le volume important des articles et des entrefilets consacrés à l'Allemagne nous a obligé à nous limiter à six publications (150 citations par semaine env.). Les deux titres choisis aux États-Unis sont le New York Times (conservateur modéré) et le Washington Post (républicain ultraconservateur de 1916 à 33). Ce dernier dépend des agences American Press et United Press pour ses reportages à l’étranger. Les deux quotidiens représentent les tendances politiques principales dans les partis de pouvoir et ils sont disponibles sur le web, via ProQuest. Pour la Grande-Bretagne, nous avons choisi le Times, très proche du parti conservateur et du Foreign Office, ainsi que le Manchester Guardian, qui suivait la ligne politique du chef libéral Lloyd George, mais aussi celle du travailliste MacDonald en politique extérieure. Ces quotidiens sont disponibles sur leurs propres sites Web. Pour la France, le choix s’est porté sur deux quotidiens dits d’influence, le Temps (libéral) et le Journal des débats politiques et littéraires (conservateur). Les opinions sur l’actualité internationale y sont limitées à une ou deux par jour, mais la couverture sur l’Allemagne est des plus importantes (souvent une page sur six) avec des reportages de correspondants à Berlin. Ils ont une influence sensible sur l’ensemble de la presse française. Ces documents sont disponibles via la Bibliothèque nationale de France/numérisation Gallica. Une mise en contexte nationale et une description plus complète de tous ces quotidiens font la première partie du chapitre I. Méthodologie 43 Pierre Miquel, La paix de Versailles et l’opinion publique française. Paris, Flammarion, 1972. 13 Le suivi des opinions sur une période de deux années aurait été une tâche immense (15 000 articles et entrefilets env.). Sachant qu’en dehors des crises, les opinions évoluent lentement en affaires internationales, un échantillonnage à partir d’évènements majeurs devait suffire (début, apogée et conclusion de la période choisie). Nous avons centré notre étude sur 6 évènements-clés des « années charnières » 1930-32. Les quatre négociations internationales qui ont vu passer la récession mondiale au stade de Grande Dépression étaient les plus susceptibles de nous apporter des représentations sur la crise économique allemande (du 6 juin au 25 juil. 1931 : manifeste Brüning, moratoire Hoover, négociations à Paris et à Londres). Cependant, la progression du fascisme allemand se déroulait de concert et nous avons observé les réactions à l’élection de septembre 1930 (début de l’offensive financière du chancelier Brüning), puis à la grande victoire hitlérienne de juillet 1932 (fin des disputes financières, appui anglo-saxon réitéré pour l’Allemagne). Les six semaines choisies ont fourni environ 900 articles ou entrefilets, dont plus de 530 offraient des informations ou des opinions sur les crises économiques et politiques allemandes. Ce corpus a été analysé sur fiches manuscrites par événement, nom du journal, date, page. Les opinions et explications éditoriales, des lecteurs et des journalistes ont été colligés. Un essai préalable avait mis en évidence le besoin d’uniformiser la recension et l’appréciation des opinions, processus qui comportait une part de subjectivité. Nous croyons que nos nombreuses années de lecture sur l’actualité internationale, ainsi qu’une étude approfondie du contexte et des évènements observés nous ont permis de l’atténuer. Certaines techniques d’« analyse de contenu », 44 justement développées pour faciliter l’étude de médias ont été utilisées de façon simplifiée. Les « thèmes pivots » requis pour l’analyse politique étaient bien présents dans notre questionnement. Nous avons jugé du caractère négatif ou positif d’une opinion (direction ) ainsi que de son « intensité » d’après notre perception de chaque article, puis en avons fait des moyennes arithmétiques, à notre usage personnel, pour chaque journal/évènement/jour/semaine. Cette approche, dite par « schéma de classification bipolaire » est fréquente pour la politique, surtout internationale. 44 Les conditions de base de l’analyse de contenu sont respectées; utiliser un échantillon qui est une partie représentative de l’univers de départ, les documents doivent ête homogènes sur des critères précis et pertinents à l’objectif de l’enquête.Voir Laurence Bardin, L’analyse de contenu, 1989(77), Paris, PUF, partie 3 (méthode), p100-110. 14 45 Une estimation de l’importance de la couverture s’est avérée inutile. Un résumé systématique des faits relatés dans les articles exigeait trop de travail tout en étant redondant. Des annotations sur les faits erronés ou imaginaires et l’adéquation/précision ont été ajoutées sur nos fiches qui incluaient finalement ce qui suit (voir aussi Annexe 1) : 1- Identification (évènement/journal/date/page), description (colonnes/photos). 2- Opinions économiques et politiques, adéquation des faits. 3- Notation des opinions (très négatif/-2, négatif/-1, neutre /0, positif/+1, très positif/+2). 4-Importance visuelle grande à nulle. L’approche sociologique « comparatiste », telle que formalisée par le sociologue François Soulet, était de mise entre les publications ou les évènements successifs, de même que l’approche systémique, développée en politique pour les structures de pouvoir officielles (et occultes). Nous avons ainsi analysé les informations explicitement exprimées, les non-dits et les opinions exprimées. 46 Plan de travail Le premier chapitre résume nos synthèses contextuelles et des évènements étudiés : La France, la Grande-Bretagne, les États-Unis et leurs presses. La montée du fascisme et la politique allemande (1919-33). La Grande Dépression, avec négociations diplomatiques et financières (1930-32). Dans les second et troisième chapitres, les opinions de presse sont exposées et commentées sur chacun des six évènements-clés (similitudes, différences, progressions). En conclusion, après résumé et discussion sur nos hypothèses, des considérations générales sont ajoutées. Nous avons inclu (Annexe 2) plus de citations et de références pour ceux qui souhaiteraient poursuivre sur le sujet. 45 Voir Laurence Bardin, L’analyse de contenu, 1989 (77), Paris, PUF, partie 3 (méthode), p100-120, 135-145, 170-175. 46 François Soulet, L’histoire immédiate; historiographie, sources et méthodes. Paris, Armand Colin, p57-60, 113-118. 15 Chapitre I — Contextes sociopolitiques En 1918, la démocratie a un prestige considérable en Europe, alors que la plupart des pays adoptent le modèle républicain français. Pourtant, 16 de ces 27 pays reviennent vite à des systèmes autoritaires. Selon l’historien Ralph Schorr, 47 ceci révèle une crise des valeurs et des assises sociales sur ce continent où la guerre a discrédité humanisme, justice et raison et a réduit l’importance de l’individu en faveur de l’« union sacrée » nationaliste. Cette dernière mène rapidement au racisme, dont l’antisémitisme est le plus répandu. Trois de ces gouvernements autoritaires sont révolutionnaires : l’Union soviétique, l’Allemagne, et l’Italie, les deux derniers aussi bien contre le marxisme que l’individualisme libéral. La Grande Dépression, après des années de récession, est vue comme la faillite du capitalisme et accrédite partout un contrôle étatique de l’économie. A) Les trois puissances occidentales et leur presse (1918-40) Il ne faudrait pas croire que la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis sont alors des paradis de stabilité économique et de justice sociale. Ces pays ont des difficultés de transition vers l’économie de paix (inflation, récession, dettes, chômage). Partout, la violence électorale fait partie de la normalité. Les élites de Grande-Bretagne, déjà aux prises avec la révolution irlandaise, jettent du lest pour assurer la paix dans le cœur d’un empire gigantesque, mais celles de France et des États-Unis répriment férocement les revendications sociales. Si la répression coloniale semble bénigne durant cette période, comparée aux deux qui l’encadrent, de vastes territoires français sont sous l’égide de compagnies dont les mercenaires maltraitent les indigènes. Il en est de même sous la domination indirecte des États-Unis. Dès 1917, le philosophe politique Walter Lippmann participe à l’instauration de la censure aux États-Unis, puis définit le concept de « fabrique d’opinions », tandis que le publiciste Edward. L. Bernays formalise les méthodes de manipulation des masses (politiques et commerciales). L’utilisation de la presse est un des moyens importants à cet égard et a des effets significatifs sur l’efficacité de la politique extérieure. L’historien de la 47 Ralph Schorr, Crises et dictatures dans l’Europe de l’entre-deux guerres 1919-39. Paris, éditions Nathan, 1993, p7-26, 33-54, 94, 102-105. 16 diplomatie Edward W. Bennett constate que ce domaine relève surtout de certains lobbys (financiers inclus) et de bureaucraties nationales (services secrets inclus). Dans son étude sur les politiques monétaires de France et d’Angleterre (1918-40), Marguerite Perrot notait que des éditorialistes se montrent au service d’intérêts et que les journalistes peuvent parler au nom d’une opinion souhaitée ou escamoter des faits pour mieux la manipuler. 48 En 1984, l’historien Pierre Guillen démontre des différences marquées entre les opinions de la presse française et celle du véritable public durant l’entre-deux-guerre (colligée par d’autres méthodes), mais il confirme que c’est bien celle de la presse qui est liée à la politique extérieure. D.N. Dilks ajoute qu’en Grande-Bretagne, l’opinion publique était une perception subjective de ses dirigeants, tandis que A.P. Adamthwaite a exposé une manipulation des médias par les dirigeants de ces pays en faveur de l’entente de Munich (1938). Modris Eksteins a aussi montré les effets de telles manipulations de la presse allemande, lors de la poussée des fascismes (1920-32). Elle tombe presque toute aux mains d’industriels d’extrême droite. En 1929, le magnat Hugenberg possède 1200 des 4000 titres du pays, en influence 2000 autres, contrôle 90 % du cinéma. Son empire, avec d’autres, est un obstacle sérieux aux idéaux démocratiques et il se rallie à Hitler. 49 De même, des consortiums assurent un quasi-monopole à l’idéologie capitaliste aux États-Unis, l’historien Howard Zinn nous rappelle les lois de censure (Espionnage, Sedition Act) adoptées dans les années 1917-18. En France et en Grande-Bretagne, ingérences et censure gouvernementale restent plus subtiles et occasionnelles, du moins pour les années qui nous concernent ici. 50 48 Walter Lippmann, Public Opinion, New York, 1922. Edward L. Bernays, Crystallizing Public Opinion, 1923, New York. Propaganda, New York, 1927. M. Perrot, La monnaie et l’opinion publique en France et en Angleterre de 1924 à 1936. Paris, Armand Colin, 1955, p15. Edward W. Bennet, German Rearmament and the West, 1932-1933, Princeton NJ, Princeton University Press, 1979, p5. 49 Pierre Guillen, « Opinion publique et politique extérieure en France 1914-1940 ». David, N. Dilks, « Public Opinion and Foreign Policy in Great Britain » et Anthony P. Adamthwaite, « Democracies, Dictatorships and Public Opinion » dans École française de Rome ed., Opinion publique et politique extérieure-II, 1915-1940, 1984. Modris Eksteins, The German Democratic Press and the Collapse of Weimar Democracy, Oxford University press, 1975, p IX-X, 70-83, 104-131. 50 Howard Zinn, Le vingtième siècle américain; une histoire populaire de 1890 à nos jours, Marseille, Agone, 2002 (1980), p126-127. Années 1950; chasse aux « rouges » du sénateur McCarthy. Après 2001, aggravation pour la guerre perpétuelle terroriste.Encyclopedia Universalis. Presse /L’ère des grands journaux 1870-1950. 17 1— La France Cependant, c’est la France qui est la plus exsangue en 1918. Seule l’immigration massive compense pour les pertes humaines de la guerre. Les nouvelles charges de l’État induisent l’inflation, le franc subit une seconde attaque en octobre 1923, durant l’occupation de la Ruhr, il est attaqué derechef contre un premier cabinet du « cartel des gauches » (radicaux alliés aux socialistes, 1924-26). L’échec électoral des socialistes et des grèves générales consacrent la faillite syndicale (1919-20). Il faut abandonner les projets d’aide sociale et bafouer le suffrage universel pour complaire au grand capital. Au début de 1929 pourtant, les Français croient que la prospérité et l’entente avec l’Allemagne se consolident enfin, mais après la perte des réparations de guerre et le réarmement officialisé de l’Allemagne (1932), leur économie sera étouffée entre les dictatures voisines et les pays ayant dévalué leur monnaie. Des programmes d’austérité prolongés, l’arrêt de l’immigration et l’instabilité politique amènent une faiblesse industrielle, aggravée par une « grève » des investisseurs contre le cabinet du Front populaire (1936-38). 51 En politique internationale, après le rejet du traité de Versailles par les Américains (1920), l’assistance des Britanniques devient tributaire d’une agression qu’ils prendront bien le temps de juger « non provoquée ». La France est la seule puissance désireuse d’appliquer les traités pour la sécurité européenne et c'est bientôt hors de ses capacités. Dès 1921, elle se heurte à l’obstruction anglo-allemande pour les réparations de guerre. Après les traités Dawes et Young, 52 qui les réduisent fortement et l’évacuation de la Rhénanie (juin 1930), les Français ont beaucoup cédé, mais perdent bientôt ce qui reste des réparations et les clauses du désarmement allemand constituant l’essentiel du traité de 51 Paul M. Bouju, et Henri Dubois, La troisième république. Paris, Presses universitaires de France, 1967, p87-103. JeanFrançois Sirinelli, « Le mystère français ». French Cultural Studies, vol. 7, no. 20 (juin 96), p121-124. L.D. Schwarz, « Searching for Recovery: Unbalanced Budget , Deflation and Rearmament in France during the 1930’s » dans W.R. Garside ed., Capitalism in Crisis; International Response to the Great Depression, New York, St. Martin’s Press, 1993, p96-113. Jean Noël Jeannenay, « De la spéculation financière comme arme diplomatique, la première bataille du franc 1923-24 », Relations internationales, vol.13, (print. 1978), p.5-27. Rémi Péres, Chronologie de la France au XXe siècle. Paris, Librairie Vuibert, p32. Marguerite Perrot, La monnaie et l’opinion publique en France et en Angleterre de 1924 à 1936, Paris, Armand Colin, 1955, p108-143. Henri Dubief, Le déclin de la troisième république, Paris, Seuil, 1976, p1117, 28-38, 68-69. Jean-Claude Debeir, « La crise du franc de 1924, exemple de spéculation internationale ». Relations internationales, vol.13 (printemps 1978), p. 29-49. Sylvie MONNET, La politique extérieure de la France depuis 1870. Paris, Armand Colin, 2000, p62-73. 52 En 1924 par suite de la crise de la Ruhr, le plan du banquier américain Dawes réduit fortement les réparations de guerre allemandes, instaure un contrôle financier du pays, mais annule le droit de rétorsion de ses créanciers belges et français. En 1929, le plan du banquier Young réduit encore les paiements allemands et instaure un système d’obligations internationales pour les gérer. 18 Versailles (juil.,déc. 1932). En misant sur un appui anglo-saxon inexistant, la France n’a pas tissé de liens solides avec ses alliés à l’Est (Tchécoslovaquie, Pologne, Roumanie, Yougoslavie), seuls en mesure de l’aider à sortir de ses faiblesses démographiques, industrielles, technologiques et militaires en face de l’Allemagne et de l’Italie fascistes. S’il y a résistance à la concentration de la presse, celle de Paris et des « droites » l’emporte de beaucoup. 53 Vers 1990, l’historien Gilles Feyel disait d’elle, sur la lancée des critiques d’après-guerre, qu’elle aurait « diffusé l’illusion d’un monde effrayant et un désir de repli, entre perfidie anglo-saxonne et danger allemand… tout en affaiblissant libéralisme et parlementarisme ». Cette critique comporte quelque ambivalence. Est-ce à dire qu’il considérait les faits relatés illusoires ou que leur censure aurait préservé paix, libéralisme, parlementarisme ? En 1929 pourtant, Sury d’Apresmont donne un aperçu de la diversité de cette presse, indice important de démocratie. Ainsi, l’Action française royaliste côtoie La Croix catholique, le Figaro commence seulement à s’approcher de l’Ami du peuple vers l’extrême droite. Les conservateurs comptent sur l’Intransigeant, l’Éclair, l’Écho de Paris, les radicaux (libéraux) sur l’Oeuvre et le Quotidien. La gauche sur l’Étincelle, le Populaire, l’Humanité. La presse de masse, qui se prétend apolitique, a le vent dans les voiles avec les Paris-midi, Paris-soir, La Presse et Le petit Parisien (un million d’exemplaires). Une pléthore de publications, spécialisées ou politiques, a des tirages plus faibles, parfois de quelques milliers. Parmi ceux-ci nous avons choisi les quotidiens le Temps et le Journal des débats politiques et littéraires pour l’influence qu’ils ont autant dans les officines politiques que dans celles de leurs compétiteurs en ce qui concerne la politique internationale. 54 Le Temps est relancé par Adrien Hébrard en 1872 et est garant du libéralisme bourgeois et républicain durant toute la troisième république, favorisant les entreprises coloniales et la liberté de conscience, chère à ses journalistes protestants. Dans l’entredeux-guerres il a, comme journal officieux de la diplomatie française, une renommée 53 90 % environ, si on se fie aux titres et aux estimations fort aléatoires de leur diffusion. 54 Henri Dubief, Le déclin de la troisième république, Paris, Seuil, 1976, p125-128. Claude Belllanger, Histoire générale de la presse française, Tome 3(1871-1940). Paris, Presses universitaires de France, 1972, p482-495. Gilles Feyel, La presse en France, des origines à 1944, Paris, Ellipses, 1999, p150-154. Paul Sury d’Aspremeont, La presse à travers les âges. Paris, Desclée de Brouwer, 1929, p32-36. Bibliothèque nationale de France/Collections Gallica/La presse. 19 européenne que seul le Times de Londres peut lui disputer. À cette époque, la méfiance des fils Hébrard pour les radicaux et leur hostilité envers socialistes et communistes le rangent nettement à droite. La bourgeoisie apprécie sa couverture des affaires étrangères et des idées, arts et sciences, même si son tirage reste modeste (de 50 000 à 80 000). En 1929, il est racheté par Louis Mill, pilier des cabinets radicaux qui tentent l’apaisement de l’Allemagne. Il est responsable des éditoriaux. Un document personnel, rendu public à son décès (1931), confirme qu’il était le prête-nom d’un vaste consortium d’industriels et de financiers voulant préserver la ligne éditoriale qui leur plaisait. Charles de Gaulle ne pardonna pas à son successeur, Jacques Chastenet (représentant des industriels du charbon), ses visites à Hitler et à Mussolini, ou ses campagnes pour l’accord de Munich. Les actifs du journal sont saisis à la libération et offerts au nouveau journal Le Monde, qui récupère aussi une partie du personnel. 55 Le Journal des débats politiques et littéraires est fondé dès la révolution de 1789 et est devenu l’un des principaux quotidiens parisiens jusqu’en 1914. Même s’il ne cesse de décliner ensuite, nous devons penser qu’il avait un tirage similaire à celui du Temps durant les années 1930. De 1895 à 1942, il est propriété du journaliste Étienne Bandy, comte de Nalèche, fils d’un notable (avocat au Conseil d’État, député républicain libéral). Bandy devient directeur du journal et préside le syndicat patronal de la presse parisienne. Par la qualité de la rédaction et la diversité de ses thèmes, ce journal conservateur devient une référence en affaires internationales pour les élites et ses compétiteurs. Les reportages en provenance de Berlin sont très détaillés. Dans ce quotidien, c’est surtout le journaliste et historien Pierre Bernus qui signe les éditoriaux sur ce sujet. Chargé de l’information diplomatique au ministère des Affaires étrangères (1917), il devient correspondant du Journal de Genève à Paris durant 41 années et rédacteur au Journal des débats. Il est fréquemment aidé par A. Albert-Petit (historien chevronné, commentateur de la politique française durant 40 ans et par un correspondant à 55 Jean-Guy Padioleau, Le Monde et le Washington Post, PUF, 1985, p20-23. Bibliothèque nationale de France « Le Temps », www.gallica.bnf.fr. Jolly, Jean dir., « Louis Mill » et « Jacques Chastenet » , Dictionnaire des parlementaires français 1889-1940, Paris, PUF, 1960. Archives Larousse, Dictionnaire de l’histoire de France. « Temps (le) », p1204. http://www.larousse.fr/archives. 20 Genève, un certain Ed. By… Ce journal fermera en 1944, miné par son implication dans des publicités financières trompeuses et d’autres affaires de corruption. 56 2— La Grande-Bretagne Beaucoup moins éprouvée que la France, avec « seulement » 500 000 morts et une dette de guerre plus modérée, la Grande-Bretagne termine la guerre sans dévastation, mais a détruit les forces navales de l’Allemagne, a saisi sa flotte commerciale et ses meilleures colonies, en plus des dépouilles pétrolières de l’Empire turc. Par crainte du bolchévisme, un consensus se fait sur des mesures de protection sociale qui formeront un « New Deal » durant la Grande Dépression et l’instabilité est évitée au cœur de l’empire. 57 Selon l’historien J.M. Mackenzie, l’impérialisme est le trait socioculturel dominant du pays et imprègne toute activité politique, sociale et commerciale. Les Britanniques se perçoivent étrangers et racialement supérieurs aux autres Européens, sauf les Allemands. En 1931, l’apparition d’un pacifisme de masse, étonnamment clérical et marxiste, favorise la montée des fascismes. Justement, l’Union des fascistes, avec l’aide du magnat de presse Rothermere, se ramifie dans tout l’empire, y inclus le Canada. 58 Dès 1920, des Britanniques se montrent d’intenses germanophiles et francophobes. Ceci s’explique par les remords d’un traité de Versailles perçu comme trop sévère, la peur des Soviétiques et les avantages escomptés de l’Allemagne. Le Foreign Office n’hésite pas à utiliser le chantage financier, avec la Banque d’Angleterre, pour nuire à tout traité entre la France et d’autres pays, puis à bloquer toutes les ententes économiques dans l’Est européen. Il affaiblit rapidenment le Traité de Trianon, qui lie les Autrichiens et les 56 Bibliothèque nationale de France, Journal des débats, www.bnf.fr/gallica. et « Pierre Bernus » data.bnf.fr/10935463/pierre_bernus. « Pierre Bernus 1881-1951 », www.persée.fr/article/bloc_0373-6237_1952. Archives Larousse, Dictionnaire de l’histoire de France. Journal des débats (le), http://www.larousse.fr/archives. 57 Rémi Péres, Chronologie de la Grande-Bretagne au XXe siècle, Paris, Librairie Vuibert, p36,65. Roland Marx, La Grande-Bretagne et le monde au XX ième siècle, Paris, Masson, 1986, p89-90. Allan Booth « The British Reaction to Economic Crisis » dans Garside ed., Capitalism in Crisis; International Responses to the Great Depression, New York, St. Martin’s Press, 1993, p35-51. Stéphane Lebecq et Fabrice Bensimon, Histoire des îles britanniques, Paris, Presses universitaires de France, 2007, p741-743. Marguerite Perrot, La monnaie et l’opinion publique en France et en Angleterre de 1924 à 1936. Paris, Armand Colin, p41, 54-55, 68, 74, 89, 94-100. 58 D.C. Lukowitz, « British Pacifists and Appeasement ; the Peace Pledge Union », Journal of Contemporary History,vol 9 (jan. 74 ), p.115-127. M. Pugh, « Pacifism and Politics in Britain 1931-1935 ». The Historical Journal, vol. 23 (1980), p641-656. John M. Mackenzie, Propaganda and Empire : The Manipulation of British Public Opinion, 1880-1960, Manchester, Manchester University Press, 1985, p1,11, 256-258. Roland Marx, idem., p100-102. Péres, idem., p34. 21 Hongrois à leurs voisins, approuve ces derniers pour leur diffusion de faux billets pour affaiblir le franc (1924). Avec le Traité de Locarno (1925), les Britanniques se donnent toute liberté de non-intervention, tout en neutralisant le pacte franco-polonais au profit de l’Allemagne. Puis, le Foreign Office ferme les yeux sur une campagne du Daily Mail prônant le démantèlement de la Tchécoslovaquie (1927). Entre 1930 et 1932, il s’oppose enfin à tout accord économique continental, contribuant à la récession et à l’emprise de l’Allemagne sur le continent. 59 Le mythe d’un « quatrième pouvoir » a vu le jour dans ce pays, où des propriétaires de presse se prétendaient défenseurs de l’« homme de la rue » malgré leurs liens avec les classes dirigeantes. Le règne des quelque cinq grands « lords » des médias débute en 1896 avec le Daily Mail de sir Northcliffe. En 1914, ce dernier contrôle déjà 42 % des titres du pays quand il achète le Times. Des quotidiens arrivent alors à des tirages d’un à deux millions d’exemplaires et des hebdomadaires à 6 millions. Le Daily Mail est unioniste et impérialiste, comme le Daily Express (de lord Beaverbrook), le plus diffusé des décennies 1920-30. Ces lords font une propagande plus intense après 1918. Ainsi, la diffusion d’une fausse lettre de Zinoviev, par lord Rothermere, contribue à la défaite du gouvernement travailliste (1924) et à l’effondrement prolongé de son allié libéral (qui ne compte que sur le News Chronicle et le Manchester Guardian). À l’opposé, le Daily Herald s’appuie sur un lectorat travailliste nombreux. Dans les années 1929-31, Beaverbrook et Rothermere utilisent leur presse pour soutenir leur éphémère parti d’extrême droite (United Empire). Dans les années 1930, presque tous les quotidiens du pays soutiennent l’« apaisement » de l’Allemagne, aucun ne défendra la démocratie sur le continent, tous vanteront l’économie fasciste, italienne ou hitlérienne. 60 Le Times est le plus influent des quotidiens britanniques. Après des années difficiles, le magnat de presse Northcliffe en refait une entreprise florissante, afin de promouvoir ses propres idées (1908-22). Le rédacteur en chef principal durant la période 59 Zara S. Steiner, The Lights that Failed. European International History 1919-1933, Oxford University Press, 2005. David N. Dilks, « Public Opinion and Foreign Policy in Great Britain » dans Opinion publique et politique extérieure- I; 1915-1940. École française de Rome, 1984, p75-77. Ozer Carmi, La Grande-Bretagne et la Petite Entente, Genève, Librairie Droz, 1972, p9-15, 23-32, 53, 60-116. 60 Daniel Griffith, The Encyclopedia of the British Press. London, Macmillan, 1992, p47-52. Mick Temple, The British Press. Maidenhead England, McGraw Hill Open University Press, 2008 (96), 272p., p19-37. 22 étudiée est George Geoffrey Dawson (1912-19, 23-41), qui participe grandement à la politique du pays. D’abord secrétaire de Joseph Chamberlain au Colonial Office, puis de Lord Milner (haut-commissaire d’Afrique du Sud), il reste impliqué chez les impérialistes loyalistes. Après une dispute avec Northcliffe au sujet de Versailles, il est réengagé par le nouveau propriétaire, John Jacob Astor (député conservateur, famille d’origine allemande). Mais Dawson est loisible d’utiliser le journal pour promouvoir ses idées. Il appuie les premiers ministres conservateurs Baldwin et Chamberlain, s’oppose au sionisme, interdit de mentionner l’antisémitisme allemand. En 1935, il joint l’Anglo-German Fellowship, amicale perçue ralliée au nazisme. Cette association regroupe plusieurs personnalités qui ont pu influer sur la politique internationale du pays. 61 Selon l’historien Peter Deli, le support de Dawson aux accords de Munich (1938) et son incompréhension de la signification du nazisme sont bien connus. De plus, il serait resté indifférent aux points de vues et aux explications de ses correspondants. Son assistant Robert M. Barrington-Ward lui est dévoué et il écrit l’essentiel des éditoriaux en politique extérieure de 1927 à 41, de concert avec son patron. L’éditorial reste généralement proche des milieux dirigeants du pays (financiers, politiques). Le style est sobre, orienté vers un public de professions libérales, d’hommes d’affaires et de politiciens. Nous estimons à 150 000 le tirage pour 1930, soit à mi-chemin entre la quantité supposée de 1908 (40 000) et celle reconnue pour 1961 (257 000).62 Le Manchester Guardian est fondé en 1821 pour une clientèle bourgeoise, libérale et non conformiste. Une réputation d’indépendance d’esprit accompagne son rédacteur et propriétaire Charles P. Scott (1872-1929). Ce dernier est député libéral progressiste et s’adjoint son fils Edward T. comme critique aux affaires étrangères. Ce dernier prend la direction en 1929 et reste sympathisant de l’Allemagne de Weimar. À sa mort, en avril 1932, c’est William Percival Crozier, sioniste engagé, mais désireux d’assurer la continuité 61 Entre autres Frank Cyril Tiarks, directeur de la Banque d’Angleterre d’origine allemande, Montague Norman, gouverneur de la même banque, Ernest Tennant, autre banquier ami de l’ambassadeur von Ribbentrop, le magnat de presse Rothermere, le Prince de Galles et au moins 40 députés et lords, surtout conservateurs. 62 Rupert Swyer, « Times the », Encyclopedia Universalis, en ligne fév.2012. Encyclopedia Britannica, « George Geoffrey Dawson ». Peter Deli, « Quality Press and the Soviet Union; Reactions of the Manchester Guardian and the Times to Stalin’s Great Purge 1936-38 » dans Media History, vol 5, nr. 2 (1999), p172-181. Helen LANGLEY, Dictionnary of National Biography. « John Jacob Astor », « George Geoffrey Dawson », « Ward, Robert McGowen Barrington », Oxford University Press, www.oxforddnb.com, le 2015-06-15. 23 éditoriale, qui devient éditeur aux affaires étrangères. Il se fait un devoir de dénoncer le nazisme et est un des rares à se prononcer contre l’accord de Munich. Le journal voit ses ventes progresser sur une base régulière pour égaler celles du Times dans les années 1960. Son tirage était donc inférieur en 1930, de l’ordre de 75 000 à 100 000 exemplaires. 63 3— Les États-Unis À la fin de la Grande Guerre, les États-Unis sont la plus grande nation industrielle, égalent la puissance navale et financière de la Grande-Bretagne et sont les créanciers du monde. Le slogan du futur président Harding est « Back to normalcy », normalité définie par les Whites Anglo-Saxons Protestants (WASP). Sévit alors, la « terreur blanche » contre le bolchévisme et les immigrants russe, de couleur, juif, catholique, orthodoxe, socialiste ou syndicaliste (Espionnage et Sedition Acts établis sous Wilson, 1917-18). Les présidents Harding et Coolidge laissent totale liberté aux gens d’affaires et à leurs polices privées ou publiques, provoquant ainsi nombre de grèves réprimées par de nouvelles chasses aux « rouges ». À tout cela, s’ajoute un nationalisme ethnique similaire à celui prévalant en Allemagne; le Ku-Klux-Klan, entre autres, regroupe 5 millions de membres en 1925. 64 Au refus des revendications ouvrières, s’ajoutent les tarifs douaniers Fordney-McCumber en 1922 65 pour la satisfaction des patrons. Alors que la récession mondiale s’aggrave en juin 1930, les nouveaux « Tariffs Smoot-Hawley » fixent les droits de douane les plus élevés du XXe siècle. Cette mesure réduit encore le commerce international. Cependant, la récession demeure un ajustement normal jusqu’en mai 1931, lorsque le choc bancaire d’Europe de l’Est et l’intervention des dirigeants anglo-saxons mènent à la Grande Dépression. Roosevelt essaie d’atténuer la misère, mais les conflits sociaux restent intenses jusqu’en 1934 : grévistes réprimés avec les mitrailleuses, l’artillerie, même des tanks. Dans les 63 Rupert Swyer, « Guardian the », Encyclopedia Universalis en ligne, consulté en mars 2012. Adam Matthew, C.P. Scott, a chronology, United Kingdom, Adam Matthew Publ., www.adammatthewpublications.co.uk/digital_guides, en ligne le 2015-06-15. MORRIS, A.J.A. .« Crozier, Willliam Percival», Dictionnary of National Biography, Oxford University Press, www.oxford.dnb.com. ROSSELLI, John. « Edward Taylor Scott », Dictionnary of National Biography, idem. WILSON, Trevor. « Charles Prestwich Scott ». Dictionnary of National Biography,idem. 64 Selig Adler, The Uncertain Giant. American Foreign Policy Between the Wars. New York, Macmillan co., 1965, p1, 2, 5, 11-20, 25-28, 33-42. Jean-Michel Lacroix, Histoire des États-Unis, Paris, Presses universitaires de France, 2001, p343356. Howard Zinn, Le XXième siècle américain; une histoire populaire de 1890 à nos jours. Marseille,Agone, 2003(1980), p71,84-93,107-110. 65 En 1922, les tarifs douaniers protectionnistes américains sont haussés à une moyenne de 38 %. 24 rapports municipaux, on parle de malnutrition et d’inanition. La Grande Dépression provoque un traumatisme aussi profond que celui de la guerre de Sécession. 66 De 1900 à 1933, les États-Unis sont intervenus militairement 20 fois en Amérique centrale et plusieurs fois au Sud et dans le Pacifique. Ces interventions ont dû se dérouler comme aux Philippines (1900-04), où les soldats torturent, violent et massacrent des centaines de milliers d’habitants. 67 Le mythe d’un isolationnisme américain a donc été rapidement mitigé par les historiens de la diplomatie. En 1921, si le secrétaire d’État C.E. Hughes prend une voie diplomatique floue en Europe, des traités sont signés avec les pays européens vaincus et « Wall Street » opère son expansion via l’Allemagne. Les tarifs douaniers, subventions et subsides administrés par le secrétaire au commerce (et futur président) Hoover, portent un dur coup à la capacité de remboursement des Européens. Après 1927, le secrétaire d’État F.B. Kellogg se contente d’une diplomatie aux buts chimériques et, ironiquement, son pacte de paix Kellogg-Briand (juil. 1928) donnera les justifications les plus claires jamais rédigées pour justifier les guerres qui suivront. Le président Hoover, toujours aveugle aux effets de son dumping, participe à la destruction de l’équilibre bancaire mondial en 1931. Les Américains adoptent alors un isolationnisme réel contre l’Europe, juste au moment de la prise de pouvoir hitlérienne. 68 Si la Grande Crise a renforcé les monopoles locaux de la presse, le degré de concentration n’atteint pas les proportions britanniques. Aux nombreux propriétaires de journaux à sensation ( Yellow press des W.R. Hearst, Patterson, etc.) s’ajoutent les trois seuls optant pour la qualité de l’information; A.S. Ochs (New York Times), J. Pulitzer (New York World), E.W. Scripps (United Press). Si rien ne limite la liberté d’expression en théorie, l’Espionnage Act (en guerres coloniales quasi continuelles), le Sédition Act contre 66 Jean Heffer, La Grande Dépression; les États-Unis en crise (1929-1933), Paris, Archives Gallimard/Juliard, 1976, p11,14, 26,27, 36,39, 57, 61, 85-87,121-129, 137-149, 161-174. Jean-Michel Lacroix, Histoire des Etats-Unis, Paris, Presses universitaires de France, 2001, p353-359, 364, 369. Howard ZINN, Le XXième siècle américain; une histoire populaire de 1890 à nos jours, Marseille,Agone, 2003(1980), p118-122. 67 Toutes les puissances européennes ont des opérations civilisatrices similaires à leur actif et dans lesquelles nous pouvons retrouver des racines des politiques coloniales nazies. 68 H. Zinn, op. cit., p33-36, 136-140. Richard D. Challener, From Isolation to Containment. American Foreign Policy from Harding to Truman. New York, St. Martins press, 1970, p3-5. Selig Adler, The Uncertain Giant,1921-1941, American Foreign Policy Between the Wars. New York, Macmillan co., 1965, p42-47, 57-89,125-127. Zara S. Steiner, The Lights that Failed. European International History 1919-1933, Oxford University Press, 2005. 25 syndicalistes ou socialistes et les poursuites en libelles sont omniprésents. Les pauvres ne peuvent s’en défendre, des procureurs subvertissent d’autres lois contre les publications de gauche. Si la « doctrine de l’objectivité » est officiellement clamée, elle n’empêche pas la presse de se lancer dans la propagande d’État à partir de 1917 et de tolérer les terreurs « anti- rouges » à l’encontre des droits civiques. Cette objectivité signifie souvent raconter les évènements isolément de ceux qui les ont précédés ou qui les suivront, en réduisant la possibilité de les comprendre… L’objectivité ne s’applique pas non plus en affaires internationales et seulement quelques quotidiens sont réputés sérieux en ce domaine pour les décennies 1920-30 : New York Times, Herald Tribune, Chicago Daily News. Les éditeurs font place aux « columnists », dont les plus influents sont Walter Lippman et A. Brisbane (prêches isolationnistes et ultranationalistes diffusés dans les publications du magnat Hearst). Lippman, aux arguments moins primaires, dénigre néanmoins tout autant les gouvernements étrangers. Il n’en demeure pas moins que l’entre-deux-guerres est une période florissante pour les correspondants américains à l’étranger. 69 Le New York Times est un journal conservateur fondé en 1851 et est déjà réputé pour ses comptes-rendus des nouvelles nationales et internationales. Il est racheté en 1896 par Adolf Simon Ochs, fils d’immigrants juifs, qui a pour objectif d’en refaire un journal de qualité respecté mondialement. Ochs devient le directeur de l’Associated Press (1900-35) et, fait important pour ce qui nous concerne ici, son journal obtient en 1901 les droits de publication du Times de Londres pour l’Amérique du Nord. Il a aussi un réseau étendu de correspondants et le tirage passe de 9 000 à 418 000 exemplaires en 1928. Son équipe éditoriale, qui se dit indépendante et démocrate, est composée d’éminents champions du conservatisme non extrémiste. Ochs prend part aux réunions éditoriales quotidiennes jusqu’à sa mort, en 1935. Au moment des évènements 1 à 5 (1930-31), son rédacteur en chef est Frederick T. Birchall (ancien chef de bureau à Londres, ami de l’Allemagne, correspondant à Berlin au sixième évènement). Edwin L. James, ancien chef des correspondants européens l’assiste en 1930 et le remplace en 1932. Birchall et James sont donc les deux responsables des éditoriaux sur l’Allemagne. Les autres correspondants pour 69 Donald Paneth. « Intro », p IX. « Freedom of the press », « Censorship », The Encyclopedia of American Journalism, New York, Facts File Publications, 1983, p70-73, 171-177.Selig Adler, The Uncertain Giant. American Foreign Policy Between the Wars. New York. Macmillan co., 1965, p31-33. Encyclopaedia Britannica. History of Publishing/Era of the Popular Press/United States. Donald Paneth, « Foreign Correspondance »,idem., p161. 26 les évènements qui nous concernent sont : Guido Enderis, d’origine allemande et à Berlin, Clarence K. Streit à Genève, fédéraliste-atlantiste et militant de l’Union européenne, Charles A. Selden à Londres, P.J. Phillip à Paris. 70 Le Washington Post est fondé en 1877, en tant qu’organe du parti démocrate. Il croît ensuite en taille, en réputation et en conservatisme avec le parti républicain. En 1905, le nouveau propriétaire John R. MacLean y ajoute reportages sociaux et sensationnalisme. Son successeur et fils Edward B. (en 1916) est un grand ami du président Harding et ce journal passe bientôt pour refléter de trop près ses politiques. La mauvaise administration, ainsi que des articles médiocres et complaisants entachent bientôt sa réputation. Cependant, ses lacunes ne paraissent pas excessives en politique internationale, grâce à l’utilisation de deux agences de presse. Le conservatisme extrême et partisan reste à la base de sa page éditoriale pour les années 1930-32, mais son tirage de 60 000 exemplaires est à présent loin de ses concurrents. La crise boursière de 1929 et la chute des républicains achèvent de le ruiner en 1933. C’est le grand financier Eugene Meyer qui le rachète et qui lui redonnera son lustre. Le correspondant de l’Associated Press à Berlin qui alimentait le Washington Post (1924-33) était Louis P. Lochner, Allemand d’origine, ancien agent de l’industriel Henry Ford. L’United Press est la propriété de l’un des rares tenants de la presse de qualité, E.W. Scripps et son chef de bureau en Europe était le réputé Webb Miller, à Paris de 1924 à 1940 (Pulitzer 1920, interview Hitler, Mussolini, David Lloyd George et plusieurs autres chefs d’État). 71 La liberté et la diversité de la presse semblent donc à leur zénith en France, ce qui reflétait la diversité du débat public. Les États-Unis, comme la république de Weimar, sont plus problématiques à cet égard et nous en avons constaté des effets lors de notre analyse. La Grande-Bretagne a une position mitoyenne à ce propos. Nous ferons à présent un tour d’horizon succinct sur la Grande Dépression et sur la montée du fascisme dans la République allemande. 70 Donald Paneth, « New York Times », ,p345-349. « Adolf S. Ochs », p355. « James, Edwin L. », p237. « McCormick, Anne », p293. « Birchall Frederick T. », p34. The Encyclopedia of American Journalism, New York, Facts File Publications, 1983. 71 Donald Paneth, « Washington Post », p507-509. « Associated Press », p21, 266. « United press », p495. The Encyclopedia of American Journalism, New York, Facts File Publications, 1983. Jean-Guy Padioleau, Le Monde et la Washington Post, PUF, 1985, p23-31. 27 B) Grande Dépression et crises politiques allemandes. 4— La Grande Dépression La Grande Dépression est indissociablement liée à la montée du fascisme et à la reprise d’une diplomatie agressive allemande qui réussit alors, à neutraliser ses adversaires occidentaux. C’est à ce titre que nous essaierons d’en rappeler les grands traits avant notre analyse des évènements-clés. Résumons d’abord les caractéristiques socio-économiques de cette crise, devenue Grande Dépression en 1931 : effondrement boursier mondial (É.-U., -66 %) et de la production industrielle (É.-U. et Allemagne, -54 %), baisse de 50 % des prix et du produit intérieur brut (PIB), chute du commerce international (-25 % volume, -69 % valeur). Des taux de chômage de 30 % atteignent certaines villes ou secteurs d’activité, cependant un taux global de 15 % est énorme, puisque la protection sociale est faible et que ce taux n’inclut pas les horaires de travail réduits. Si le pouvoir d’achat des salariés est maintenu, le sort des nombreux laissés pour compte et des paysans s’aggrave. Après 1930, des mobilisations de chômeurs et des marches de la faim sont réprimées en GrandeBretagne ou noyées dans le sang (Détroit et Washington, 1932). Ces manifestations n’ont jamais menacé l’ordre établi, mais la crise a eu des effets culturels, politiques et moraux importants partout dans le monde. 72 Des fuites de capitaux ont pénalisé tous les pays européens durant les décennies 1920-30. La France est très touchée de 1920 à 26, mais en profite depuis au grand dam des Britanniques. C’est le paroxysme de ces mouvements, au détriment de la Grande-Bretagne et des États-Unis, qui fait éclater le système monétaire « Gold Standard » et induit la Grande Dépression. Début 1931, l’économie globale se redressait après un ajustement qui restait normal. Mais une panique bancaire autrichienne éclate en mai, qui menace aussi l’Allemagne, dont la stabilité est affaiblie par l’agitation et des pratiques bancaires dites « fautives ». Depuis octobre 1930 en effet, le chancelier Brüning s’ingénie à inquiéter les investisseurs anglo-saxons pour obtenir la fin des réparations de guerre. Son manifeste du 6 juin 1931, les menace « d’être bientôt obligé » d’arrêter ces paiements ou ceux de leurs autres créances… 72 Bernard Gazier, La crise de 1929. Paris, Presses universitaires de France,1983, p7-25,64-69. 28 Le président Hoover, sur l’avis de certains banquiers, annonce un moratoire sur toutes les dettes interétatiques (21 juin 1931). Le chaos financier s’aggravera durant les disputes internationales qui s’en suivront. Le 13 juillet, l’Allemagne est en panique bancaire et le chancelier Brüning décrète un contrôle de toutes les créances étrangères, décision entérinée par les dirigeants de Londres et Washington. Ainsi, plusieurs autres banques nationales doivent amplifier leurs retraits à Londres, puis aux Etats-Unis (800 banques y feront faillite). C’est la Grande Dépression. Brüning réorganise déjà ce secteur en Allemagne et toute l’économie sous l’égide de l’État. Le nombre de chômeurs double néanmoins dans les industries (33 %), augmentant le désespoir et la popularité des partis communistes et nazis. 73 Le capitalisme libéral est mis partout sous surveillance, y inclu par les présidents Hoover et Roosevelt, ou par le gouvernement britannique. L’Allemagne, le Japon, et l’Italie subissent une cartellisation autarcique militariste. Une autre conférence à Londres (juin 1933) consacre la fragmentation des marchés mondiaux et le contrôle de l’Est européen par les Allemands. Ceux-ci menacent de faire défaut sur leurs créances privées américaines, tandis que le chef de la Reichsbank, Hjalmar Schacht, s’entend avec son ami Montague Norman (Banque d’Angleterre). En janvier 1934, le « Johnson Act » américain interdit tout prêt aux pays en défaut partiel de paiement. Ironiquement, la plupart des pays, dont la Grande-Bretagne, doivent ainsi faire défaut total et l’Allemagne est le seul pays à ne pas être étiqueté « mauvais payeur » par les Américains. Jusqu’à la Seconde Guerre, les économies fascistes sembleront florissantes, tandis que celles des Britanniques, des Américains et des Français resteront mal en point. 74 L’historien de l’économie James Harold avait conclu que la chute de Weimar provenait d’une longue stagnation empêchant l’allègement des tensions sociales, mais il admettait que la sévérité des récessions et l’étrangeté de leurs cycles supposaient d’autres 73 Patricia Clavin, The Great Depression in Europe, 1929-1939. London, Macmillan Press, 2000, p94-97,106,124129,149-155. Bernard Gazier, La crise de 1929. Paris, Presses universitaires de France,1983, p48-50. Jean-Michel Lacroix, Histoire des États-Unis. Paris, Presses universitaires de France, 2001, p353-369. 74 P. Clavin,op. cit., p110-111, 188-197. B.Gazier,op. cit., p50-60, 74-83. L.D. Schwarz, Searching for Recovery:Unbalanced Budget,Deflation and Rearmamaent in France during the 1930’s »dans Garside, Capitalism in Crisis;International Response to the Great Depression. New York, St.Martin’s Press, 1993, p96-113, 97-101. 29 facteurs qu’économiques. Bernard Gazier était d’avis que les racines du nazisme en faisaient une composante et non une conséquence de la Grande Dépression. À ce propos, les historiens de Weimar ont montré que des castes militaro-industrielles ont formé une sorte de monde interlope violent dès 1919 et dédié à la progression impériale. Elles étaient à l’origine de la crise de la Ruhr et de l'hyperinflation allemande (1920-23), avec les chanceliers Joseph Wirth et Wilhelm Cuno. Nous verrons qu’entre 1929 et 1932, ce sont ces castes qui ont aggravé les crises économiques et sociopolitiques allemandes, induit les disputes internationales menant à la Grande Dépression, installé des cabinets autoritaires et une économie sous contrôle étatique en Allemagne, donné l’élan final au parti nazi. 75 5— La montée du fascisme dans la république de Weimar On perçoit mieux à présent l’évolution de la société allemande qui a mené au nazisme et des historiens comme Rita Thalmann, Richard Evans ou Konrad H. Jaraush la relient aussi à celle de l’ensemble occidental. Dès 1870, l’instabilité des communautés allemandes en Europe et les grandes migrations induisent un nationalisme vociférant et un racisme généralisés. En Allemagne même, l’antisémitisme est dans les programmes de tous partis de droite dès 1900; des auteurs théorisent des darwinismes sociaux et raciaux extrêmes qui seront parties de l’idéologie hitlérienne. Selon l’historien Peter Gay, la république de Weimar n’a fait que poursuivre ces tendances dont la Grande Guerre avait exacerbé la violence. 76 En 1919, le traité de Versailles est perçu comme une humiliation par les Allemands et la dictature Hindenburg-Ludendorf en refile l’odieux au nouveau parlement en diffusant le mythe du « coup de poignard dans le dos » des communistes, socialistes et libéraux. Ces partis républicains ne s’entendent pas; élu président, le socialdémocrate Friedrich Ebert faillit à sa tâche en préservant la bureaucratie impériale et en approuvant des massacres de l’armée contre socialistes et communistes. L’extrême droite continue d’assassiner avec l’assentiment de la magistrature, l’influence de l’armée reste déterminante dans les institutions. Presque tous les partis s’entendent sur le rétablissement 75 B. Gazier,op.cit., p57-60. Harold James, The German Slump Politics and Economics 1924-1936. Oxford, Clarendon Press, 1986, p1-8, 283-285, 320, 422-423. 76 Richard J. Evans. Rereading German History, from Unification to Reunification 1800-1996. London, Routledge, 1997, pXXIII-XXIX. Rita Thalman, La république de Weimar. Paris, Presses universitaires de France,1986,p3-4,117-122. Konrad H. Jarausch et Michael Geyer. Shattered Past, Reconstructing German History. Princeton NJ, Princeton University Press, 2003, 392p. R.J. Evans,op. cit., p24-30, 34-41. Peter Gay, Le suicide d’une république, Weimar 19181933. Paris, Gallimard 1993 (68), p20. 30 de la puissance militaire. Les élites de droite imposent au peuple l’obsession de « briser les chaînes de Versailles » et, en inversant l’aphorisme de von Clausewitz, 77 poursuivent la guerre par la politique. Ainsi, même si les réparations de guerre ont été renégociées à environ 3 % du budget fédéral en 1921, les dirigeants choisissent d’utiliser l’hyperinflation afin de liquider la dette de guerre, beaucoup plus importante, aux dépens des épargnants nationaux. Après les tactiques dilatoires du chancelier Wirth, son successeur Cuno lance un défi menant à l’occupation de la Ruhr par les Belges et Français (janv. 1923). Sa « résistance passive », beaucoup plus coûteuse que les paiements refusés, achève la destruction du mark, mais élimine en même temps 90 % de la dette du Reich. La population est terrifiée et la famine est réelle avec ses combats, pillages et révolutions. La confiance en une justice libérale fait place au patriotisme extrême, à la haine des spéculateurs et des financiers, surtout les juifs. 78 Plusieurs historiens ont parlé d’un « âge d’or de Weimar » dans les années 1924-29. L’illusion d’un renforcement démocratique provient uniquement du ton modéré du ministre Stresemann à l’étranger. Dans le pays, déflation et mesures d’austérité multiplient d’impitoyables restructurations d’entreprises. Dès 1928, récession et guerre antisyndicale réapparaissent, la vindicte des nationalistes extrêmes n’est pas entamée. Après avoir harcelé le président Ebert jusqu’à sa mort (fév. 1925), ces derniers obtiennent une grande victoire par l’élection du maréchal von Hindenburg. Pour l’historien Richard Evans, la culture allemande baigne alors dans la déviance, les atrocités, l’extrémisme. Peter Gay l’a décrit comme empreinte de morbidité, de violence, d’un refus du modernisme ramenant à la barbarie. L’enseignement public se termine par « le coup de poignard dans le dos » et la « honte de Versailles ». Les universités sont un vivier de putschistes, puis de nazis. L’état comprime ses aides en bafouant les libertés civiles, la police resserre la surveillance. Des 77 Célèbre théoricien de la guerre, début 19 ième siècle: « La guerre, est la poursuite de la politique par d’autres moyens » 78 R. Evans op. cit., p7-9, 15-17, 61-76, 97-110, 156. Alfred Wahl, L’Allemagne de 1918 à 1945. Paris, Armand Colin,1993, p9-15, 22-28, 171. Jacques Bariety et Jacques Droze, L’Allemagne 3. République de Weimar et Régime hitlérien 1918-1945. Paris, Hatier université, 1973, p21-39, 51, 72. Gaines Post,The Civil-military Fabric of Weimar Foreign Policy. Princeton NJ, Princeton University Press, 1976, p34. Zara S. Steiner, The Lights that Failed. European International History 1919-33. Oxford University press, 2005, p604-613. Marshall M. Lee, German Foreign Policy 19171933, Continuity or Break ? Leamington Spa N.Y., New York Berg, 1987, p28-31. Patrick O. Cohrs, The Unfinished Peace After World War I; America, Britain and the Stabilization of Europe, 1919-1932. Cambridge University Press, 2006, p20-25. Peter Gay,op.cit., p28, 37-35. Rita Thalman, op.cit., p6-14, 35-37,46. Alfred Wahl, L’Allemagne de 1918 à 1945. Paris, Armand Colin,1993, p29-32. 31 fonctionnaires parlent d’euthanasier malades ou retardés mentaux, les cas psychiatriques mènent à l’exécution judiciaire. Il y a quatre mouvements réactionnaires : des intellectuels qui aspirent au Saint-Empire, les jeunes universitaires et des corps francs adeptes de la violence, les pangermanistes (parti DNVP, Casques d’acier) veulent refaire l’empire de 1918, la révolution « völkish » (dont le nazisme) ajoute à cela le racisme biologique, la démagogie et la brutalité qui lui assurent un vaste recrutement. 79 Au tout début de la récession, même les traités avantageux de Young et de La Haye (août 1929) relancent la vindicte nationaliste, tandis que l’armée et von Hindenburg exigent la collaboration entière du cabinet social-démocrate de Herman Müller pour le réarmement. En mars 1930, ils le remplacent par celui d’Heinrich Brüning (Parti catholique Zentrum), afin d’évincer les socialistes et de se rallier l’extrême droite. Ce dernier déclenche une élection en septembre 1930, pour imposer des mesures d’austérité. Ses ministres se joignent aux revendications nationalistes extrêmes, le parti nazi devient second au Reichstag et les nationalistes DNVP s’y rallient. Brüning s’attaque alors au traité de Versailles en clamant l’insolvabilité de l’Allemagne, puis il annonce (mars 1931) les prémisses d’un traité illicite avec l’Autriche (Anschluss). Le chômage, l’agitation et la violence nationaliste vont s’amplifiant, les communistes organisent des districts protégés et les bourgeois succombent à l’appel nazi. Brüning obtient le gel des crédits étrangers et un moratoire des réparations qui précède de peu leur abolition (juin 1932). Ces gains importants sont encore trop lents pour le président Hindenburg qui le renvoie, alors qu'il entamait une lutte sérieuse contre les milices nazies (31 mai). 80 Son successeur Franz von Papen, veut en finir avec le parlement et s’associer les nazis. Le 4 juin 1932, il réhabilite leurs milices et leur accorde une autre élection, puis il établit la loi martiale et abolit le gouvernement social-démocrate de Prusse. Les élections du 31 juillet sont un triomphe dans la violence pour Hitler, qui refuse d’intégrer le cabinet 79 Richard Evans, The Coming of the IIIrd. Reich. New-York, Penguin Books, 2003, p74-82, 113-117, 120, 133, 141145,156. Rita Thalman, La république de Weimar. Paris, Presses universitaires de France,1986, p40-51, 55.60, 70-77, 101. Alfred Wahl, L’Allemagne de 1918 à 1945. Paris, Armand Colin,1993, p38-55. Peter Gay, Le suicide d’une république, Weimar 1918-1933. Paris, Gallimard 1993 (68), p116. 80 Jacques Bariety et Jacques Droze, L’Allemagne 3. République de Weimar et régime hitlérien 1918-1945. Paris, Hatier université, 1973, p48-53, 63-68. R. Evans, op. cit., p234-246, 257-271, 83-96. Peter Gay, op. cit., p198. Alfred . Wahl, op cit., p55-58, 64-78. Rita.Thalman, op. cit., p105. Patricia Clavin, The Great Depression in Europe, 1929-1939. London, Macmillan Press, 2000, p89-92. 32 von Papen, mais réussit à faire déclencher une autre élection pour novembre. Von Papen est évincé par son ministre de la défense Kurt von Schleicher (déc. 1932), qui tente de réduire la popularité d’Hitler, mais von Hindenburg préfère s’entendre avec ce dernier en janvier 1933. En mars, durant la « dernière élection » convoquée par Hitler, 66 % des électeurs optent pour des partis prônant la fin de la démocratie. Selon l’historien Evans, les causes du succès hitlérien incluent la mentalité de violence acquise durant la guerre, la rage contre Versailles et l’hyperinflation, ainsi que la similarité des idéologies nazies, conservatrices et même libérales du pays. Il y ajoute des facteurs conjoncturels pour 1929-32 : la Grande Dépression, la division des conservateurs en face du dynamisme nazi et l’intelligence politique d’Hitler. 81 6— Réarmement clandestin et guerres diplomatiques 1919-33 Vers 1917, les objectifs des généraux et dictateurs Ludendorff et von Hindenburg étaient similaires à ceux d’Hitler. Dès la signature de Versailles, les élites militaroindustrielles contournent les clauses du désarmement. Une seconde période (1920-26) ajoute les recherches en armements et l’organisation clandestine de 1,1 million de miliciens. Les Britanniques montrent qu’ils ne tiennent pas au désarmement allemand et l’abolition de la Commission de surveillance (déc. 1926) permet un réarmement plus tangible, sous les chancelleries Marx et Müller. Brüning le poursuit tout en claironnant la faillite du Reich. Le rapport final sybillin de la Commission, montrant que les Allemands n’avaient pas respecté le désarmement, est tenu secret par les dirigeants de France et de Grande-Bretagne qui acceptent l’Allemagne à la Société des Nations. Le régime de Weimar n’est pas non plus un interrègne pour la diplomatie, car ses responsables impériaux n’ont pas été remplacés. Ils collaborent bientôt avec les militaires, tandis que le Reichstag est exclu de leurs deux domaines. On travaille à invalider le traité de Versailles en recherchant l’appui des Anglo-saxons contre la France, le cabinet pousse même certains secteurs économiques à leur point de rupture pour « démontrer » que les réparations de guerre sont excessives. Les coûts économiques de son obstination sont très 81 Alfred Wahl, op. cit., p80-83. Peter Gay, op. cit. p197. R. Evans, op. cit., p285-287, 295-307, 316-347, 442-452. 33 supérieurs aux paiements refusés, mais mettent fin au contrôle financier de la France et de l’Angleterre en faveur de Washington. 82 De ce fait, le plan Dawes réduit à nouveau les réparations et prive la France de son droit de rétorsion (1924). Le ministre allemand Stresemann obtient aussi des garanties anglo-italiennes pour protéger ses frontières contre la France (1925, accords de Locarno), la fin des contrôles sur l’armement et un siège à la Société des Nations. En 1929, les AngloSaxons lui accordent une autre réduction des réparations (plan Young) et la fin de l’occupation de la Rhénanie (juil. 1930). En septembre de cette même année, l’élection allemande peut être considérée comme le début de l’offensive diplomatique de Brüning, faisant écho aux nationalistes extrêmes. Il s’attèle à la déstabilisation financière européenne et demande à Hitler de poursuivre son agitation. Ensuite, il annonce l’union illicite austroallemande (Anschluss). Ses successeurs plus agressifs, les von Papen et Schleicher, obtiendront entière satisfaction des Anglo-saxons au détriment des pays voisins par la dissolution du traité de Versailles. Début 1933, Hitler reste plus discret afin de consolider son pouvoir, au soulagement fort temporaire des diplomates étrangers. 83 Voyons à présent les disputes internationales dont nous observerons l’écho dans la presse des trois autres puissances impliquées. C) L’offensive diplomatique allemande 1929-33 Pour l’historien Patrick Cohrs, la paix et la stabilisation en Europe devaient être consolidées et à ce titre, Britanniques et Américains ont failli après les traités de Locarno (1925). Leur refus d’imposer des concessions à l’Allemagne et de se concerter dans le système monétaire Gold Standard a eu les conséquences les plus néfastes à partir de 1928. Trois facteurs aggravent l’instabilité européenne en 1931. La complaisance des puissances devant l’agression japonaise en Chine discrédite la Société des Nations. La mésentente au 82 Andreas Hillgruber. Germany and the Two World Wars. Cambridge Mass, Harvard University Press, 1981, p41-48. Marshall M. Lee, German Foreign Policy 1917-1933, Continuity or Break ? Leamington Spa N.Y., New York Berg, 1987, p10-14, 32-47, 62-63. Barton Whaley. Covert German Rearmament, 1919-1939; Deception and Misperception. Frederick Md., University Publications of America inc., 1984, p1-15, 19-35, 41-45, 51,97. Gaines Post,The Civil-Military Fabric of Weimar Foreign Policy. Princeton NJ, Princeton University Press, p3,7-9,25,30,180,184-190. 83 Gaines Post, idem., p195-199, 267-275, 281-288, 302,355. P. Kruger, « La politique extérieure allemande et les relations franco-polonaises (1918-1932) ». Revue d’histoire diplomatique, issues 2-4 (1981), p.264-294. 34 sujet des crises bancaires induit la Grande Dépression, l’agressivité allemande provoque l’insécurité chez tous ses voisins. 84 7— Les négociations financières internationales (1930-33) En décembre 1929, le chef social démocrate Philipp Scheidemann dénonce le réarmement allemand au Reichstag, violant l’omerta des castes militaro-industrielles. Celles-ci et von Hindenburg décident alors de former uniquement des cabinets de droite en y incluant les extrémistes. Dès l’élection de septembre 1930 (premier évènement-clé), les ministres du cabinet Brüning se joignent aux extrémistes pour revendiquer d’autres compromis sur Versailles. Le chancelier s’engage dans une diplomatie agressive, dont il fait part à Hitler, car il entend bien utiliser la récession mondiale et l’agitation en une sorte de partie de « tout ou-rien » contre les traités. Selon l’historien Edward Bennett, cette subordination de la prospérité aux « intérêts supérieurs » de la Nation n’avait aucun précédent en temps de paix. 85 86 Dès avril 1930, Brüning avait rejeté un projet français de confédération de l’Est européen, déjà en récession grave. En octobre, il envoie plutôt le banquier Hjalmar Schacht prêcher contre les réparations de guerre aux États-Unis en arguant d’un risque de banqueroute. À ce moment, les Anglais rejettent toujours l’idée d’un moratoire des réparations, perçu comme nuisible au crédit allemand et inutile dans le cadre du plan Young… En mars 1931, Brüning provoque encore la communauté européenne avec un projet d’union douanière austro-allemande, prélude à l’annexion. Les Français lui offrent à nouveau l’union douanière dans l’Est européen et une aide financière assortie d’une trêve diplomatique. Après un nouveau refus, leurs pressions financières provoquent la mise en 84 Patrick O. Cohrs, The Unfinished Peace After World War I; America, Britain and the Stabilization of Europe, 19191932. Cambridge University Press, 2006, p8-11. Zara S. Steiner, The Lights that Failed. European International History 1919-33. Oxford University Press, 2005, p602-603, 614-21, 626-628, 632-637. Gaines Post,The Civil-Military Fabric of Weimar Foreign Policy. Princeton NJ, Princeton University Press, p358. 85 Edward W. Bennett, Germany and the Diplomacy of the Financial Crisis, 1931.Cambridge Mass., Harvard University Press, 1962, pVII, 1-13, 7,11-15,18-29,30,34. Gaines Post,op.cit., p302. Sylvie Monnet, La politique extérieure de la France depuis 1870. Paris, Armand Colin, 2000, p70-73,83. M. Lee, German Foreign Policy 1917-1933, Continuity or Break ? Leamington Spa N.Y., New York Berg, 1987, p113-122, 129-130. 86 L’hyperinflation provoquée des années 1920-23 était motivée par les mêmes objectifs extérieurs. 35 tutelle de la banque autrichienne Creditenstalt (12 mai), aggravant l’instabilité bancaire en Allemagne déjà induite par l’agitation nationaliste et les malversations. 87 Brüning déclare qu’il pourrait bientôt « être obligé » de cesser les paiements de réparations de guerre, 88 ce qu’il réitère dans son manifeste du 6 juin. Il convainc néanmoins les dirigeants britanniques d’oeuvrer à la destruction du plan Young lors de la réunion de Chequers (second évènement-clé). 89 Il est important de résumer ici son manifeste à l’encontre du plan Young, ce dernier « règlement complet et définitif » approuvé par le Reichstag seulement depuis mars 1930 : … que l’Allemagne ne peut se tirer seule de difficultés dont souffrent même les vainqueurs, que les conditions supposées pour le plan Young ne sont plus valables, que les réparations privent l’Allemagne, affaiblie par la guerre, des capitaux requis pour ses besoins et développement. Le fait que son gouvernement ait mis de l’ordre à son budget, fait tous les efforts pour répondre aux engagements résultant de la défaite et ait recours aux dernières forces et réserves de toutes les classes de la population lui donne le droit et lui fait un devoir de proclamer à la face du monde que la limite des privations imposées au peuple est atteinte, les conditions du nouveau plan sont démenties par l’évolution économique du monde, ce plan n’a pas apporté l’allègement promis de l’avis de tous les intéressés. Aussi le gouvernement, est-il conscient que la situation économique et financière du Reich l’oblige, de façon impérieuse, à délivrer l’Allemagne de la charge des réparations devenue intolérable. L’assainissement économique du monde en dépend également. Ce manifeste politique, sans démonstration économique, servira d’argumentaire aux intervenants appuyant les décisions du président Edgar Hoover et du premier ministre Ramsay MacDonald. À Chequers, le gouverneur Montague Norman (banque d’Angleterre) avait conseillé d’éviter les turbulences. En l’occurrence, ce manifeste a un effet désastreux sur la bourse de Berlin. Le 16 juin, une autre proposition d’aide française à l’Autriche est contrée par les promesses (non tenues) de Norman, ce pays cesse d’honorer ses créances et la crise s’aggrave derechef en Allemagne. Le 21 juin, l’annonce du moratoire Hoover prend de court celui, voulu unilatéral, d’un Brüning anxieux d’améliorer sa popularité (troisième évènement-clé). 90 87 Edward W. Bennett, Germany and the Diplomacy of the Financial Crisis, 1931.Cambridge Mass., Harvard University Press, 1962, p15-65. Ozer Carmi, La Grande-Bretagne et la Petite Entente. Genève, Librairie Droz, 1972, p155-176. Zara S. Steiner, The Lights that Failed. European International History 1919-33. Oxford University press, 2005, p638-646. 88 Sachant que cela ne réglait rien au niveau budgétaire. En réunion du cabinet, le ministre des finances Dietrich décrit ce manifeste comme « une véritable déclaration de guerre », ce qu’il devint en effet. 89 À ce moment l’Allemagne dépensait déjà 50 % de plus que les Britanniques et Français réunis pour les armements légers, et autant pour les armements lourds, ce dont le secrétaire Henderson voulait discuter, mais que le premier ministre MacDonald refusa de considérer. Voir Germany and the Diplomacy of the Financial Crisis, 1931. Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1962, p123-128. 36 À Paris, les ministres Pierre Laval et P.E. Flandin flairent un marché de dupe dans ce moratoire. Le refus par Hoover de leurs justes demandes pour préserver le plan Young, retarde son moratoire au 6 juillet 1931. Malgré les clameurs anglo-saxonnes à cet effet, la crise du crédit allemand s’aggrave simplement parce que les réparations n’étaient pas le noeud du problème. Même le dirigeant de la F.E.D. de New York, George. L. Harrison, demande lui aussi de nouvelles garanties pour un prêt à la Reichsbank. À Paris, on exige toujours un moratoire diplomatique, à nouveau refusé par Brüning sur les promesses toujours non tenues du banquier Norman. Le 13 juillet c’est la panique en Allemagne, on doit fermer toutes les banques pour trois jours, tous les crédits étrangers sont « gelés » dans le pays, des décrets contrôlent voyage, commerce, industrie, banque, ce qui restait de la liberté de presse. À Paris (18-20 juillet), Flandin propose un autre prêt des trois puissances, mais Hoover et MacDonald refusent de risquer d’autres crédits (quatrième évènement-clé). Une dernière conférence à Londres ne règle rien, mais déclenche au contraire la crise bancaire mondiale (21-23 juillet, cinquième évènement-clé). Les Anglo-saxons pensent sauver leurs créances immobilisées en Allemagne (Standstill Agreements), grâce au moratoire sur les réparations de guerre, mais un nouveau comité international, où la France sera minoritaire, proposera bientôt leur abolition. Entretemps, l’Allemagne pourra racheter ses autres créances selon ses propres termes, forcément beaucoup plus avantageux. 91 Si le cabinet allemand s’inquiète enfin des effets politiques de ses manœuvres financières, ses amis britanniques tiennent néanmoins à poursuivre leur action contre les réparations. Norman, voulant se débarrasser de ses créances austro-allemandes, fait vœu (avec le premier ministre MacDonald) d’abolir les dettes britanniques chez les Américains ou de s’emparer d’un « butin » français. Mais la pression financière s’amplifie contre la livre 92 et quand le public comprend que les banques britanniques possèdent 15 % des dettes allemandes « non liquides », c’est la panique. MacDonald doit former un nouveau cabinet 90 Edward W. Bennett, Germany and the Diplomacy of the Financial Crisis, 1931.Cambridge Mass., Harvard University Press, 1962, p73-85. Zara S. Steiner, The Lights that Failed. European International History 1919-33. Oxford University press, 2005, p647-650. 91 E. Bennett, idem., p166-172,177-190,202, 223-224, 237-249, 257-293. S. Steiner, idem., p650-58. 92 S. Steiner ,op. cit., p656-659. E. Bennett, op. cit., p204-218, 253-257. 37 d’union nationale, qui abandonne le Gold Standard en laissant flotter la livre (21 sept.). C’est ensuite la ruée vers l’or à New York. Environ 800 banques américaines font faillite en octobre, stoppant brutalement la relance du pays. Brüning ne gagne rien en popularité avec son dernier décret surnommé « de la faim » (déc. 1931); la masse des chômeurs sombre dans l’apathie ou les combats de rue. Il est démis de ses fonctions juste avant la conférence de Lausanne, qui abolit les réparations aux dépens de la France et de la Belgique (juin 1932), mais le « traitement injuste de l’ennemi » profite toujours aux nazis qui atteignent leur popularité électorale maximum (juillet 1932, dernier évènement). Avec un taux de chômage record aux États-Unis, Hoover perd son élection en novembre. En décembre, le premier ministre Édouard Herriot est roulé encore une fois par Macdonald sur le réarmement allemand. Sa défaite parlementaire consacre aussi la fin des paiements français sur la dette américaine, décision rapidement imitée par presque tous les autres pays. 93 Edward W. Bennett conclut que les alliés devaient faire montre de conciliation devant le refus allemand de payer les réparations, mais en exiger une meilleure attitude. Les dettes et les réparations de guerre nuisaient bien un peu à l’économie mondiale, mais cette dernière dépendait beaucoup des engagements interétatiques. Les procédures cavalières de Hoover, la francophobie des Macdonald et Norman ont fait piètre figure; leur irresponsabilité a maintenu l’Europe dans l’anxiété et encouragé les Allemands dans leur folie des grandeurs. Pour Patrick O. Cohrs, l’effondrement financier et diplomatique de 1931 est dû au refus anglo-saxon d’établir une coordination monétaire internationale et de renforcer les accords de Locarno par la sécurité paneuropéenne. Cependant, tous ces effondrements ont été déclenchés par la diplomatie du « tout ou rien » de Brüning qui a contribué à augmenter la popularité du fascisme en Allemagne, comme ses autres disputes sur le « désarmement », expliquées ci-après. 94 93 Edward W. Bennett,op. cit., p257-263. Zara S. Steiner, op. cit., p660-690. 94 E. Bennett,op. cit., p294-302,306-308. Patrick O. Cohrs, The unfinished peace after World War I; America, Britain and the Stabilization of Europe, 1919-1932. Cambridge University Press, 2006, p572-579. M. Lee, German Foreign Policy 1917-1933, Continuity or Break ? Leamington Spa N.Y., New York Berg, 1987, p151-152. S. Steiner, op. cit., p690-699. 38 8— La conférence du « désarmement » à Genève. Les problèmes de la sécurité et du désarmement ont constitué l’essentiel des travaux inaboutis de la Société des Nations à partir de 1925. La signature du traité de paix BriandKellogg améliore l’atmosphère en juillet 1928, si bien qu’un projet de convention pour le désarmement des nations voit le jour (mai 29), masquant aux publics des désaccords insolubles. C’est à l’automne de 1931, sous la pression des militaristes allemands et des pacifistes de Grande-Bretagne, que leurs dirigeants nationaux acceptent de fixer une date pour la conférence de Genève. Fort publicisée, elle renforcera encore le fascisme allemand pour les élections présidentielles (mars 1932) et parlementaires (juillet, sixième évènementclé). Dès janvier 1930, le réarmement allemand engouffrait 700 millions de marks par année. Les Français sortent bien un dossier sur ces violations (juin 1931), mais le premier ministre MacDonald impose sa francophobie extrême contre celle plus modérée du Foreign Office et de son secrétaire, Arthur Henderson, qui se voit imposer comme assistants deux pacifistes extrêmes et germanophiles. De son côté, le président Hoover croit que le désarmement de la France et la cession de Dantzig apaiseront l’Allemagne et que le désarmement de toutes les nations leur permettrait de payer leurs dettes américaines... En France et dans plusieurs autres pays bien au contraire, on exige de nouveaux traités de sécurité dans le cadre de la Société des Nations. Entretemps, l’invasion japonaise de la Mandchourie (dénoncée en déc.31) pose un premier grand défi à la Société, dont le dénouement sera négatif pour sa crédibilité. 95 Cependant, c’est bien la tragi-comédie de la conférence de Genève (fév. 1932- oct. 33) qui lui porte le coup fatal. Le chancelier Brüning est pressé de justifier son réarmement, le Britannique MacDonald veut plaire aux pacifistes, mais fait discrètement voter une hausse du budget militaire (50 %). Les multinationales américaines obtiennent plus d’escadres pour protéger leurs intérêts. Le délégué britannique John Simon informe rapidement les Allemands que les Anglo-saxons veulent neutraliser Versailles. Après nombre de manœuvres évasives, la conférence est suspendue (juin 1932) sur un 95 Edward W. Bennett, German Rearmament and the West, 1932-1933. Princeton NJ, Princeton University Press, 1979, p34-54,60, 77-95,100-119,135-138. Zara S. Steiner, op. cit., p565-579, 587-595,767-771. 39 communiqué vaseux suggéré par Hoover. En juillet, le ministre von Schleicher proclame que « les autres pays devront désarmer au niveau allemand (établi au traité de Versailles). Il prépare secrètement une armée d’un million d’hommes et son cabinet ne tiend plus aucun compte de la conférence. Les élections donnent pourtant la première place au parti nazi (46,5 % des sièges du Reichstag, avec alliés). Le 8 décembre, les Anglo-saxons coincent à nouveau le premier ministre Herriot et accordent à l’Allemagne l’égalité des droits en matière d’armements (déc. 1932), tout juste avant qu’Hitler ne prenne le pouvoir. 96 Les années charnières 1930-32 consacrent donc l’échec de la coopération internationale, qui mènera à la destruction de l’ordre mondial, à la Grande Dépression et à la militarisation en Europe. Nous verrons, ci-après, quelles étaient les explications fournies au grand public dans des quotidiens de France, de Grande-Bretagne et des États-Unis. 96 Edward W. Bennett, German Rearmament and the West, 1932-1933. Princeton NJ, Princeton University Press, 1979, p125-149, 176-218, 226-237,240-255, 259-273, 281-288, 303-04, 356-379. Ozer Carmi, La Grande-Bretagne et la Petite Entente. Genève, Librairie Droz, 1972, p16-17,198-228, 235. Richard D. Challener, From Isolation to Containment. American Foreign Policy from Harding to Truman. New York, St. Martins press, 1970, p65-67. Gaines Post,The Civilmilitary Fabric of Weimar Foreign Policy. Princeton NJ, Princeton University Press, p59-71,146, 309-314. Zara S. Steiner, op. cit., p579-585, 707-729, 738,750-791. 40 Chapitre II — A) Revue de presse, l’agitation allemande Percée électorale fasciste au Reichstag (1930-09-14) L’agitation nationaliste allemande reprend avec vigueur lors des accords du plan Young et de La Haye (août 1929). Pourtant, l’échec du référendum allemand tenu à leur encontre semble confirmer que les conflits issus de la Grande Guerre se résorbent. Le fait que le président von Hindenburg remplace le cabinet du social-démocrate Müller par celui du centriste Brüning (mars 1930) semble bénin à l’étranger. Pourtant l’état-major allemand et le président veulent y inclure les droites extrêmes et accélérer le réarmement. En pleine récession mondiale, Brüning en augmente le financement et applique des tarifs douaniers et des politiques d’austérité pour renforcer le pays sur les marchés et trouver prétexte contre les réparations de guerre. Ses décrets accélèrent le déplacement du vote des chômeurs, des classes moyennes et des fonctionnaires vers les partis extrêmes. Le fascisme se renforce aussi par les nouveaux électeurs, scolarisés dans la haine de l’étranger, tandis qu'Hitler utilise ses techniques oratoires, d’organisation et de propagande pour la manipulation de masses. 97 À l’étranger, le ministre des Affaires extérieures Stresemann (1924-29) avait donné l’impression que l’Allemagne était apaisée. La campagne électorale de septembre 1930 est l’instant où même les partis du cabinet centriste Brüning exigent de nouvelles concessions des anciens alliés. Le scrutin du 14 fait sortir les nazis de la marginalité électorale. C’est aussi le jour où l’agitation hitlérienne commence à déstabiliser financièrement le pays, tandis que Brüning entreprend sa campagne internationale pour obtenir l’abolition des réparations de guerre allemandes. 98 97 Presse et cinéma allemands selon Modris Ecksteins, p20. Une société empreinte de violence et de morbidité selon les historiens Richard Evans et Peter Guay, entre autres, p31-35. 98 Voir chapitre 1, p29-36. 41 En France, le Temps et le Journal des débats politiques et littéraires. Les deux quotidiens français couvrent cet évènement chacun par une dizaine d’articles importants. Le Temps a un correspondant à la Société des Nations et un autre à Berlin qui font état des résultats du scrutin et des conséquences politiques de façon détaillée : revues de presse allemande et internationale, programmes des partis, discours, conjoncture. La violence électorale n’est pas perçue anormale, de même que la situation économique du pays, mais on observe que les partis, divisés sur la fiscalité, font une « surenchère démagogique » en politique extérieure. Tous promettent la révision du plan Young, voire de tout le traité de Versailles. Des ministres masqueraient mal leur intention d’évincer la social-démocratie par un règne du maréchal von Hindenburg. On mentionne que la propagande nazie est financée par de grands industriels et propriétaires terriens, que la poussée du fascisme s’explique en partie par les deux millions de chômeurs supplémentaires, mais on ajoute que cette option a pourtant 7 millions de votes en plus… Un journaliste libéral allemand est cité à ce propos, Theodor Wolff 99 rappelle les méthodes brutales des patrons contre les syndicats, la bureaucratie oppressive, les « demi-mesures » de Brüning, la naïveté des jeunes face au programme nazi « saugrenu et abject ». Un autre article du Temps expose la réorganisation illicite de l’armée allemande depuis 1918.100 Dans son « Bulletin du jour » de la première page, l’éditorialiste Louis Mill 101 fait une critique acerbe de la politique allemande, proche de celle de quotidiens français dits nationalistes extrémistes par les journalistes anglo-saxons. Il dénonce la fausseté des programmes des partis, qui ont remplacé les questions sociales réelles par une surenchère nationaliste. Les partis extrêmes et en particulier les « racistes » nazis menacent la paix et aggravent l’instabilité économique. Mais l’éditorialiste redevient l’avocat de la réconciliation dès le retour du cabinet Brüning, même si un « sentiment de malaise et d’amertume se répand devant la violence de beaucoup d’Allemands, qui n’ont rien appris et 99 Écrivain et rédacteur en chef (1906-33) du prestigieux journal libéral Berliner Tageblatt. 100 Le Temps, 30-09-13-p2, Les programmes des partis. Un discours de M. Dietrich. -09-15-p1, Les élections pour le Reichstag allemand. -09-16-p1, Le tournant des élections allemandes. -09-16-p2, Les élections allemandes. -09-17-p2, Les élections allemandes. Revue de presse française. -09-18-p1, L’Armée allemande. Revue de presse internationale. 101 L’éditorialiste anonyme est probablement le propriétaire Louis Mill, prête-nom d’un vaste consortium d’industriels et de financiers, et proche des partis radicaux ayant œuvré à l’apaisement de l’Allemagne. Voir p. 20. 42 même si la détente reçoit un démenti au moins partiel… » 102 il trouve aussi « impensable » de laisser les sociaux-démocrates hors du cabinet, sous peine d’une dictature et d’un « saut dans l’inconnu » : C’est le chaos… Les partis ont préféré la surenchère démagogique en politique extérieure… On ne pourra former de majorité (sans les sociaux-démocrates, à moins d’une dictature… (Cette agitation) est supportée par des millions d’électeurs, triomphe des pires ennemis de la démocratie et de la paix… (En attendant), c’est de force (qu’Hitler) veut faire sa révolution de l’âme allemande… Tant que la menace de l’extrême droite raciste restera (il n’y aura pas) stabilisation en politique extérieure… (Ce peuple) a toujours déçu l’espoir en sa raison et en sa bonne foi . 103 Dans le Journal des débats, on explique aussi bien les effets locaux du scrutin : reportages à Berlin, revues de presse, analyses, la violence électorale semble aussi perçue dans la norme. On note que l’instabilité du Reichstag s’est aggravée, que les « centristes » de Brüning se sont réservé le choix d’une coalition avec socialistes ou extrême droite, mais surtout que tous les partis ont dénoncé les traités (citations de Hitler, des ministres Wirth, Stegerwald, Curtius). Hitler a promis d’établir 20 millions d’Allemands en Russie et Goebbels prétend remodeler l’Europe avec les ennemis de la France. Pierre Bernus 105 104 L’éditorialiste est résolument hostile à cette évolution. Il entrevoit une dictature nationaliste et militariste, dénonce les compromis faits à l’Allemagne par le ministre français Aristide Briand. L’autre éditorialiste, A. Albert-Petit, explique que le nationalisme et le militarisme extrêmes sont tellement courants en Allemagne, que seuls les tenants des compromis à tout prix, partisans du ministre Briand, peuvent être surpris de cette poussée fasciste. Bernus conclut : « Quels que soient ceux qui auront le pouvoir, ils poursuivront la campagne contre les traités et seront au service du pangermanisme, véritable vainqueur de ces élections » : 106 102 Le Temps, 30-09-18-p1, Après les élections allemandes. 30-09-19-p1, En Allemagne après les élections. 103 Le Temps, 30-09-15-p1, Au lendemain des élections. -17-p1,2,6, Le chaos politique en Allemagne. -20-p1, Chaos politique en Allemagne. 104 Journal des débats, 30-09-14-p1, Allemagne, les élections. -09-15-p1, Les élections allemandes. L’Allemagne vote Revue de presse. -09-16-p1,Résultats électoraux. Revue de presse. Le nouveau Reichstag. Le triomphe des extrémistes. -09-17-p1, L’effet produit. Les répercussions sur la politique extérieure. Une entente du centre avec les socialistes pourrait-elle empêcher l’aventure ? Revue de presse. Discours de M. Curtius à la S.D.N. -09-18-p1, Le discours de M. Curtius. L’effet des élections allemandes sur la politique extérieure. Revue de presse, où va l’Allemagne ? -09-21-p1, La politique allemande. 105 Bernus et Albert-Petit sont des journalistes et historiens chevronnés, voir chap. 1, p 20. 106 Journal des débats, 30-09-18-p1, L’effet des élections allemandes. -p1, Le discours de M. Curtius. 30-09-21-p1, Politique allemande. 43 P. Bernus; le malheur pour nos collectivistes est qu’aucun homme politique outre-Rhin ne cherche à donner le change… Tous partis allemands ont (demandé) la révision des traités (et) les plus violents ont le plus de succès… C’est possible qu’une partie de l’extrémisme soit dû à (la crise), mais ces crises ont souvent mené à une politique extérieure aventureuse… A.Albert-Petit; le succès des nationalistes (extrêmes) a surpris, il était inévitable. Hindenburg est érigé en protecteur de paix, des idéalistes comptent sur la sagesse des nonrévolutionnaires, veulent prendre le peuple aux sentiments (mais) l’Allemagne est intoxiquée par son éducation qui a surexcité l’orgueil national (par) l’idée fixe qu’elle doit être première nation, qu’on lui a volé sa place, préjudice intolérable. Ceux qui (le savent) ne sont pas surpris que les concessions aient donné ce résultat. 107 En somme, les quotidiens français fournissent les réactions les plus vives à cette poussée électorale fasciste, puisqu’un troisième allègement des réparations allemandes venait de s’ajouter à la fin de l’occupation de la Rhénanie et qu’on pensait ainsi apaiser le nationalisme allemand. 108 Il n’est pas question d’une crise économique aiguë, eu égard à la récession sur le continent, mais on pense qu’elle risque de s’aggraver par la mauvaise administration du Reich, son réarmement occulte et son agitation nationaliste. Tout cela fournit un tour d’horizon plutôt correct des crises économiques et sociopolitiques allemandes. En Grande-Bretagne, le Times, le Manchester Guardian. Les reportages en Grande-Bretagne sont aussi de qualité. Les violences électorales ne semblent pas perçues excessives dans le Times, mais on y produit un historique précis de la carrière d’Hitler et une description de l’organisation paramilitaire nazie. On parle de ses assemblées remplies de jeunes désireux d’une « marche sur Berlin » et de la répudiation des réparations de guerre, croyant que tous les problèmes du pays proviennent des Juifs, marxistes et financiers étrangers. Les enjeux budgétaires sont mentionnés : partis qui ne s’entendent pas, budget mal administré, fausseté des discours politiciens contre le traité de Versailles; on note même que « l’appel nazi d’un idéal nationaliste, subjuguant individus et intérêts de classe » n’est plus marginal. Ces informations sur la radicalisation, parlementaire, sociale, phobie des réparations et les revues de presse internationales contredisent l’optimisme de l’éditorialiste 109 et d’un seul correspondant à Berlin. L’éditorial laisse pourtant entrevoir certaines causes de la 107 Journal des débats, 30-09-15-p3, Revue de presse. -p1, Les élections en Allemagne. -16-p1, Le triomphe des extrémistes en Allemagne (Pierre Bernus). -17-p3, Revue de presse. –p6, Le discours de M. Curtius. -p1, Après les élections allemandes (Pierre Bernus). -17-p1, L’effet produit (A. Albert-Petit). 108 Armel Marin, « Plan Dawes », « Young plan » . Encyclopedia Universalis. En ligne, le 2011-04-25. 44 poussée extrémiste : « patriotisme belliqueux des jeunes », brutalités antisyndicales, conservateurs voulant une nation forte, « étrange ressentiment » contre Versailles, malgré les allègements du plan Young. Il ajoute enfin que des « gens compétents » ne croient pas que l’Allemagne souffre plus de la récession mondiale et que l’inclusion de nazis au cabinet serait désastreuse sur l’opinion internationale, mais que Brüning et ses alliés « refuseront cette expérience dangereuse ». Cependant, l’éditorialiste se recentre ensuite sur le seul aspect passager du chômage additionnel et il argue que les nazis modéreront probablement leur politique en s’approchant du pouvoir. Il prédit donc la poursuite habituelle des affaires, puisque les partis de l’ordre sont en contrôle et que leur politique extérieure sera raisonnable. Après le choc initial des reportages des premiers jours, la violence hitlérienne se voit minimisée, eu égard au seul dernier discours rassurant d’Hitler… ; 110 Articles; In Germany, (there is a) misleading idea that all ills proceed from reparations … Creditor countries consider Germany should be standing better with finances better managed… ideas against Versailles played a part, (but also) mismanagement… Nazis politics (is) revolution and capture of German soul, (to settle) accounts with those who had led its astray… Hitlerists anti-semitism, racial purity, economics, appealed to working class… (Commanders of) detachments are connected with murder. (Their) programme suggests violence against opponents, (but with) last words from Hitler, prospects clear considerably. Édito; Germany need a strong Democratic government for reconstruction (and to) eschew dangerous adventures in foreign politics… Resentment against Treaty (have) increase in spite of substancial remission of payments. (But) orderly elements are preponderant. (It may be that) expension will transform the nazi organization and that it will realize it can destroy confidence of the World, upon which prosperity continue to rely… 111 Au Manchester Guardian, un seul reportage touristique 112 échappe au « postulat» nationaliste allemand d’une crise économique spécialement grave, mais plusieurs articles donnent une idée précise de la situation politique. Selon l’éditorialiste Edward T. Scott 113 et son correspondant à Berlin, la république est en danger à cause de la manière dont le pays a été traité depuis la « soi-disant paix de Versailles » : détresse économique, « évacuation 109 Nous utiliserons ce qualificatif pour le duo George Geoffrey Dawson et Robert M. Barrington-Ward, sympathisants reconnus de l’Allemagne, même hitlérienne, voir p23. 110 The Times, 30-09-13-p9, The German Elections. -13-p11, German’s Choice. -15-p12, The German Elections. -16-p11, France and German Elections. -16-p13, The German Elections. -17-p12, The German Elections. -18-p11, The Rise of the Nazis. –19-p10, Outlook in Germany. 111 The Times, 30-09-13-p10, Germany’s Choice. -16-p13, German Elections. -17-p11, League assembly speech by Herr Curtius. -p12, The German Elections. 18-p11, Centre and the Nazis, Coalition Opposed. -19-p10, German Elections. 112 Manchester Guardian, 30-09-19-p8, Holiday Souvenirs from Germany. Nous disons ici « postulat », nous pourrions aussi utiliser le mot « dogme », puisqu’il s’agit d’une crise économique non appuyée par des enquêtes. 113 Sympathisant libéral de la république de Weimar depuis les conférences de Versailles (1919). 45 tardive » de la Rhénanie, « innombrables humiliations et inhumanités » imposées par Varsovie et Paris, promesses brisées du désarmement des pays voisins, minorité allemande maltraitée en Pologne… Selon le correspondant, il ne faut pas croire que tous ceux qui votent nazi soient antisémites ou violents, ou même que les nazis sont fascistes, puisqu’ils ont vaincu les réactionnaires qui le sont… Il est aussi premier à entrevoir sereinement une « semi-dictature… temporaire et modérée » qui inclurait les nazis, « puisque le président Hindenburg les préfère aux socialistes ». Un autre analyste fait un portrait précis des partis et conclut que la haine des Allemands envers riches et privilégiés a fait perdre l’élection aux réactionnaires et que le pays est déjà en semi-dictature. L’éditorialiste reste finalement serein face à la poussée extrémiste, considérée temporaire, le cabinet peut s’allier aux socialistes, le correspondant de Berlin la prétend même en régression grâce à la défaite des partis réactionnaires : Articles ; National Socialists stand against treaties, dictation of Powers and (for) the purging from Jewish and other influences… are for a modified Dictatorship. (Even if) parliamentary government fail, (long) Dictatorship is hardly to be feared, (but) will have consequences… corr. de Berlin; Elections are victory for radical protests… It is (not) possible to describe Nazis as Fascists. (This) movement is a consequence of the way Germany has been treated since so-called peace… Édito ; … It would be a mistake to take results too seriously. (Not all) fascists votes for official antisemitism and rowdyism of leaders, (many vote against) conservatives futility. Goverment may became more liberal… Fascist vote is only a protest against economic distress, indignity of German position, occupation of Rhineland that ended too late, innumerable hardships, inhumanities and humiliations, breaking of pledges to disarm… 114 En somme, la presse britannique a une couverture plutôt correcte de l’évènement sur le terrain. Elle est aussi surprise par cette poussée extrémiste et l’explique de deux façons opposées. L’éditorialiste du Times perçoit d’abord plusieurs problèmes de fond et déplore la colère permanente des nationalistes contre Versailles, dont il défend la légitimité. Il se recentre ensuite sur l’aspect temporaire des crises budgétaire et du chômage, sans les expliquer particulièrement catastrophiques et souligne le danger d’inclure des nazis au pouvoir. Le Manchester Guardian dénonce plutôt, avec les nationalistes allemands, l’« oppression de Versailles » comme cause de toutes difficultés du Reich, dont cette récession « très grave ». 115 Même pour l’éditorialiste E.T. Scott, attitré à la couverture de l’économie mondiale depuis 1919, le système monétaire Gold Standard et les entraves au 114 Man. Guardian, 30-09-15-p1, Shots Fired in Berlin. -15-p16, Extremists Gains in Germany. -16-p10, Germany’s Verdict. -16-p11, The Possible New Governments. -16-p16, Geneva and German Elections. -17-p15, Germany and League Aims. Discourse of Dr. Curtius. England’s Part in Europe. -20-p17, Political Outlook in Germany. -22-p4, More for French Armaments.Man. Guardian 31-06-16, p11, German democracy I danger. -16-p11, The Possible new Governments. -16-p15, England’s part in Europe, Blamed for German Elections.Man. Guardian 30-09-16, p10, Germany’s Verdict (editorial). -16-p15, Germany and League Aims. 46 commerce mondial n’entrent pas en ligne de compte. 116 Son correspondant à Berlin atténue les aspects violents et antisémites du nazisme et prétend que les conservateurs vaincus sont les fascistes (ils le sont presque). Il admet que le pays va passer « sous semi-dictature… temporaire », que les nazis seront appelés au cabinet, car le président les préfère aux socialistes (ce qui est vrai). L’éditorialiste conclut que la politique extérieure allemande restera modérée si elle obtient « enfin » des concessions... Aux États-Unis, le Washington Post, le New York Times Il n’y a pas d’inquiétude au Washington Post, qui a la couverture la plus faible, mais néanmoins correcte de cette élection. Les violences électorales sont rapportées sans insistance et trois enjeux sont bien identifiés; les effets financiers de l’agitation, l’attaque des partis bourgeois contre la sociale démocratie, la politique extérieure, qui ne serait pas remise en cause. On constate que la république est ébranlée par le succès des deux partis extrémistes (trois avec le DNVP) qui veulent la renverser. 117 L’éditorialiste anonyme 118 minimise la poussée fasciste et argue de son aspect passager, favorisé par le chômage. Il ne peut croire que la population se convertira à une « forme de dictature russo-italienne ». Ne restent ensuite que quelques entrefilets : la police allemande a arrêté 28 « rouges », le chancelier Brüning reste en poste, Hoover est rassuré par l’ambassadeur allemand. Un seul autre intervenant est pessimiste, E. A. Walsh, v.-p. de Georgetown University, craignant une dictature hitlérienne et une menace à la paix européenne : Édito; Conservative forces, which (struggled) to rejuvenate Germany were buried under a fascist landslide (due) to business depression, unemployment and taxation. (But there is no) wholesale conversion to policies of fascism nor to illusions of communism… Moderate elements will fend off attacks of the extremists (if) Social Democrats enter in the coalition… (Germans) must undergo a vast change before Republic is replaced by a mixed Italian-Russian dictatorship… Intervenant; Teutons give civilization something to worry… everything can happen now… With Hitler (holding) balance of power, every countries will be affected by these events in the Reich… That 13,5 million Germans votes against (Republic) may be discounted by business depression or protest against burdens of defeat. (However, the situation is) filled with gravest 115 Traité de Versailles fort allégé. 116 À ce sujet, chapitre 1, p8-9, 25, 29-31. 117 Washington Post, 30-09-14-p2, Riots Stir in Germany. -15-p1, Germany’s Republic Shakes in Landslide of Radical Ballott. -16-p1, Workable Regime Sought in Germany. -17-px, Rumors of fascist Plot in Berlin. 118 Anonyme, mais nous devons supposer qu’il oeuvrait avec son propriétaire Edward B. MacLean, ultraconservateur et du parti républicain. Voir chap. 1, p27. 47 possibilities… Concessions to Hitler would be unconditionnal surrender and the establishment of a fascist dictatorship. 119 Le New York Times a la couverture la plus importante de cet évènement (24 articles). Les reportages sont plutôt sombres. Les journalistes expliquent que la radicalisation de tous les partis contre les traités est un changement important de la donne politique, montrent bien la violence nazie, l’inquiétude internationale, parlent même d’une « intervention alliée possible en cas de répudiation de Versailles ». Ils remarquent aussi les premiers effets financiers de l’agitation. Tout cela contraste avec l’optimisme de l’éditorialiste 120 et exceptionnellement, de plusieurs intervenants de Wall Street. Selon eux, le surcroît d’extrémisme provient de l’abus des dépenses du Reich et de ses programmes sociaux, le tout aggravé par la récession et le chômage temporaires. On escompte que les sociaux-démocrates et les partis bourgeois veilleront à l’entente internationale, puisque même les nationalistes et le président Hindenburg ont toujours agi en ce sens… De plus, les partis extrémistes se rallieront forcément à la réalité. Pour Wall Street, il n’y a pas de problème, les partis centraux sauront faire face aux extrémistes trop divisés, le parti hitlérien est capitaliste et n’est qu’une autre expression du nationalisme traditionnel, qui a « heureusement pris de la force contre les partis de gauche ». Le discours en apparence modéré du ministre Curtius à la Société des Nations est ajouté à ces uniques opinions optimistes : Premiers articles; Campaign afforded inflammatory agitation (and follies from) Reichstag groups, (which) has financial repercussions… Reduction of reparations and evacuation of Rhineland (are achieved, paradoxally everybody is claiming) for revision of Versailles… Hitler exploited social privations, (kindled) imagination of young voters, the cry for dictatorship. British and other optimistics believe that if Nationalists get the control, they will be chastened by responsabilities… Édito; … Difficulties (caused by) excessive expenditures and social insurances. Depression and unemployment aggravated (them. We can assume a coalition) between Socialist and Bourgeois parties. (Those) tried reconciliation with Allies… Banquiers, économiste G.W. Edwards; capable men face foes divided in all. (Nazi) party is a capitalist one, (even if) some leaders criticized banks and (are) virulent anti-Jewish. This party (is just an) other expression of nationalism… Édito; Elections (have not) carried Germany much beyond the situation of half a dozen years ago… 121 119 Washington Post, 30-09-15-p1, Germany’s Republic shab in Landslides of Radical Ballots. 30-09-16-p6, The German Elections. -21-p13, Germany.s Future also contains Key to europe’s Peace (Henry K. Norton). 120 L’éditorial en affaires extérieures relevait d’une collaboration entre Frederick T. Birchall, d’origine britannique, ancien chef de bureau à Londres et Edwin L. James, ancien chef de bureau à Paris. Leur réunion quotidienne incluait aussi le propriétaire du journal Adolf Simon Ochs, d’origine juive. Voir, chap. 1, p26-27. 121 NY Times, 30-09-14-p1, Gun Battle in Berlin in Eve of Election. -14-p55, Reich Elctions expected to show Stiffening of Nationalistic Sentiment.-15-p1, Fascists Make Big gains in Germany (G. Enderis). -15-p2, Fascists Glorify PanGerman Ideal. -16-p1, Moderates Chape Coalition to Held Power. -16-p3, League is Uneasy over German Vote (C. K. 48 Articles 17-21 sept; Fascists discovered they are without programme, (reached) their peak… If they prevail, there would be repudiation of Versailles, (with) military intervention by Allies… While there is impatience in German quarters about Young plan, (they) absolve Germany of all responsabilities… Britten, Head of the Naval Committee, says Europe is arming for explosion, (as) election presage reconsideration of Treaties… Hitler’s fiery oratory has won all classes to support national-bolchevism and the youngs for a war of revenge... Éditos; Hindenburg has served the Republic loyally… analyste financier Walter W. Ross; Investors need no anxiety. (Liberals with Labor or Conservatives) would give most stable government. (Happily), there is a swing to nationalism (against left, and) radical parties always modify philosophies when they are invited to share power. 122 En somme, les articles de ces deux quotidiens américains ont une présentation plutôt sombre de cet évènement et pourtant, les deux éditoriaux en ont une même vision rassurante. Les enjeux politiques sont identifiés : effets financiers de l’agitation, offensive contre la sociale démocratie, république ébranlée par les révolutionnaires, radicalisation des partis. Ils restent optimistes sur la poursuite des politiques, puisque le succès hitlérien sera temporaire, relié au « taux de chômage », qu’ils ne montrent pourtant pas extraordinaire. Les partis bourgeois, avec le social-démocrate, remettront les choses en état et les nazis se rallieront aux réalités. Pour deux intervenants de Wall Street, le parti nazi est capitaliste et n’est qu’une expression du nationalisme traditionnel, heureusement renforcé contre la gauche. Nous devons donc constater une dichotomie entre le côté sombre des faits sociopolitiques rapportés dans les articles et les opinions éditoriales optimistes, partagées par le département d’État en ce qui concerne le Washington Post et par Wall Street, en ce qui concerne le NY Times. En conclusion, la couverture des évènements politiques en Allemagne est partout correcte. La violence électorale, en particulier celle des nazis, n’est pas perçue excessive et cela doit s’expliquer par le degré de violence usuelle (électorale et sociétale) dans les trois pays. 123 Cette poussée nazie est considérée comme fortuite et temporaire dans trois des quotidiens anglo-saxons (deux Times, Washington Post). Elle est expliquée comme un mouvement de fond chez les Français, pour qui l’agitation nationaliste est la première cause de l’instabilité économique en Allemagne et au Guardian, qui adopte à l’inverse le point de Streit) Clouds over Europe Cause London Gloom (C. E. Selden). NY Times, 30-09-14-p53, Germany’s General Election. -16-p3, Bankers Minimize Reich Fascist Gains. -16-p20, The German Elections. 122 NY Times, 31-06-17-p6, Fears War Menace in German Election. -17-p1, Reich Cabinet Stays, Socialists to Aid It. -20p1, Expect the Reich Ask Reparation Changes. -20-p9, Germany Tranquil in Spite of Politics. -21-p8, Britten, Back, dees Distant War Sights. -21-pE3, Anti-semitic Fight Looms in Reichstag. -21-pE3, French alarmed by Reich Election. -18p26, Other German Election. -21-pN11, Bankers Here Holds German Bonds safe. 123 Chap. 1, p16-26. 49 vue des nationalistes allemands contre les traités. C’est finalement le Guardian et le Journal des débats, chacun aux antipodes des camps diplomatiques, qui annoncent avec le plus de précision les évènements à venir de la politique allemande et de la diplomatie européenne. 50 B) Réunion de Chequers et Manifeste Brüning (1931-06-06). Nous avons vu au chapitre 1 que le chancelier Brüning s’était entendu avec Hitler dès octobre 1930, afin de poursuivre l’agitation nationaliste au pays, tandis que lui-même s’attaquerait au plan financier de Young et à l’ensemble du traité de Versailles. 124 Il envoie aussitôt le banquier Hjalmar Schacht aux États-Unis pour faire une longue campagne à l’encontre des réparations de guerre, en arguant d’un risque de faillite du Reich. Après avoir semé la controverse internationale avec le projet d’union douanière austro-allemande (mars 1931, prélude à l’annexion de l’Autriche), il prépare en mai un manifeste annonçant l’insolvabilité de l’Allemagne. Ce dernier est qualifié de « déclaration de guerre » par le ministre des Finances Dietrich et aura cet effet sur la diplomatie financière. Ce manifeste est diffusé durant la visite « informelle » de Brüning chez les Britanniques (à Chequers, 5-7 juin 1931) et est censé « démontrer les efforts terribles consentis par le peuple allemand ». En annonçant la faillite à court terme du Reich, il ne peut évidemment qu’aggraver la fuite de capitaux induite par l’agitation nazie. Le premier ministre MacDonald et le gouverneur Norman, de la Banque d’Angleterre sont néanmoins tout acquis aux objectifs révisionnistes du chancelier et, derrière les communiqués anodins de Chequers, coordonnent l’ultime campagne dirigée vers la Maison-Blanche, afin d’imposer l’abolition des réparations de guerre, surtout aux dépens des Français et Belges. 125 En France, le Temps et le Journal des débats politiques et littéraires Le Temps offre une bonne couverture de la visite de Brüning à Chequers, commençant par ses mondanités et communiqués officiels. Le premier jour, l’éditorialiste Louis Mill est compatissant pour Brüning, au vu de l’appui officiel britannique envers les traités, s’inquiétant même de l’impact de son échec. Mais après la diffusion du manifeste, il rejoint le Journal des débats dénonçant cette attaque contre le traité de Young. Pour lui, les nouveaux décrets d’austérité et le manifeste du chancelier sont émis juste au moment de la réunion pour justifier une nouvelle campagne contre les réparations de guerre, alors que tous les partis allemands semblent s’entendre pour faire pression sur les créanciers du pays. 124 Chapitre 1, p36-40, et résumé du manifeste de Brüning, p37. 125 Voir l’offensive diplomatique allemande/Négociations financières internationales, p35-38. 51 Mill dénonce ces « méthodes de ruse et de défis » et ce manifeste bien politique, « aux buts inavouables », masqués par des « arguments économiques trompeurs ». L’Allemagne n’a pas fait les efforts requis contre ses dépenses excessives de propagande pangermaniste, d’armements secrets et de crédits aux Soviétiques. Selon lui, la thèse économique de Brüning, selon laquelle les réparations enlèvent le capital à l’économie allemande et même à celle du monde, n’est pas justifiée. 126 Il faut refuser ce nouveau chantage allemand, respecter les traités pour « sauver l’Europe des épreuves qui l’attendraient autrement ». Cependant, Mill se réjouit de constater que les Anglais n’ont pas été « trompés » par toute cette agitation: (On se demande) si ces entretiens ne risquent pas d’aggraver le malaise (si) Brüning n’obtient pas de succès… On (est) frappé par la coïncidence (du manifeste avec la réunion), comme si elle était relative aux réparations. On oublie trop que sa détresse est due aux fautes de l’Allemagne, dépenses somptuaires, propagandes et armements… reste à montrer que (l’effort de M. Bruning) est suffisant… Ce danger d’effondrement du Reich (qui l’exploite) à des fins politiques ? La cause plaidée n’est ni claire ni simple (des préoccupations inavouables, masquées) par des arguments financiers qui ne trompent pas les Anglais (voyant ces) méthodes allemandes (de ruse et de défi)… (Cette nation consacre) des sommes énormes à un armement dépassant celui des traités, à des crédits aux Soviets (vit systématiquement) au-dessus de ses moyens… Si, contre toute logique, on devait (réviser les réparations), quelles garanties exiger ? ... (Les Allemands croient) qu’ils obtiendront plus par chantage que par loyale exécution des traités… La question (est) de sauver l’Europe des épreuves qui l’attendent si on n’agit pas dans un esprit de paix et de solidarité… 127 Au Journal des Débats, Pierre Bernus est du même avis sur les causes de la crise financière du Reich. Il souligne que les difficultés budgétaires allemandes proviennent simplement de ses dépenses militaires occultes, de travaux ou de dépenses sociales faits sur emprunts. En plus de fustiger le cynisme des Allemands à l’encontre de leurs obligations internationales, il dénonce la politique française de compromis, qui a mené à cette nouvelle attaque de l’Allemagne, aussi les pacifismes anglo-saxons « à la mode ». Pour lui la misère claironnée du Reich est toute relative et il conclut « qu’on sera surpris de la rapidité du rétablissement du Reich, si on cède à sa pression ». Enfin, il explique bien et dénonce ses objectifs stratégiques en Europe : Une entente anglo-allemande ne saurait favoriser la consolidation européenne. Les Allemands (seront encouragés, méthodes (et) buts sont condamnables … Le Reich (n’a pas) diminué ses dépenses militaires, gaspille ses ressources (met) l’Europe en demeure de lui prêter… Le plan Young (justifiait l’évacuation) de la Rhénanie. (L’Allemagne) n’a pas (attendu de faire croire qu’elle s’exécuterait)… (Sa) misère est relative (ses 126 Le Temps, 31-06-07-p1, Les entretiens de Chequers. -08-p1, L’Allemagne et les réparations, -09-p1, Les conversations anglo-allemandes à Chequers. -10-p1, Le problème allemand. -11-p1, La visite des minstres allemands en Angleterre. 127 Le Temps, 31-06-06-p1, Les entretiens anglo-allemands. -07-p1, Les entretiens de Chequers. -08-p1, L’Allemagne et les réparations. -09-p1, Les entretiens de Chequers. -10-p1, Le problème allemand. 52 embarras passagers). On sera surpris (de) la rapidité du rétablissement si l’on cède. (Elle veut) réarmer pour panser « la blessure ouverte à l’Europe » à la frontière polonaise. Avec l’Anschluss et la Mitteleuropa, l’Europe ressemblera à celle (rêvée par Guillaume II)… Une des erreurs des faux pacifismes à la mode est qu’ils favorisent gouvernements et hommes subversifs… L’apaisement ne fait que les exciter. (Garantir la paix de cette façon est travailler pour la guerre… 128 En somme, les Français imputent les problèmes financiers du Reich à l’agitation nationaliste et à celle financière de Brüning, à la mauvaise gestion du budget, au réarmement secret. Ces abus doivent cesser pour espérer une amélioration de la situation financière, exploitée à des fins politiques inavouables. La confiance de l’éditorialiste du Temps est au plus bas envers les Allemands, mais celle qu’il a pour les Britanniques repose sur des communiqués officiels voulus anodins. 129 Au Journal des débats, l’éditorialiste dénonce le « cynisme » des Allemands et cette seconde « faillite publicisée ». Il prévient les pacifistes et les partisans de l’apaisement « qu’on sera surpris de la rapidité de son rétablissement si on cède aux pressions du Reich ». Ce sera bien le cas dès 1933 et même chez les historiens de l’économie. Il décrit aussi correctement les objectifs stratégiques du Reich, effectivement atteints en 1938. 130 Dans ces quotidiens de France, on considère les actuels dirigeants du Reich presque aussi extrémistes que les chefs des partis nationalistes DNVP et Nazi pour la politique extérieure. En Grande-Bretagne, le Times et le Manchester Guardian Le Times couvre discrètement la réunion de Chequers, simplement montrée comme mondaine et informelle… Cependant, avec le discours succinct de Brüning et son manifeste du 6 juin, on adopte le « postulat » d’une récession et d’une crise budgétaire allemandes spécialement graves. Pourtant, y paraissent trois reportages d’un journaliste ayant visité le pays (The German Scene), rare témoignage allant à son encontre, exposant aussi le fanatisme et la violence des miliciens hitlériens. Mais les autres reportages issus de Berlin soutiennent que la situation allemande « contient de nombreux dangers », pouvant être 128 Journal des débats, 31-06-07-p6, L’acceuil fait à Londres aux ministres allemands (Pierre Bernus). -08-p1, Les nouvaux méfaits de la politique de liquidation (P. B.). -08-p1, Chequers, le manifeste allemand (P.B.). -09-p1, Vers une demande de revision du plan Young (P.B.). 129 Voir chap. 1, p37-40. 130 Réarmement, Mitteleuropa, Anschluss et frontière polonaise. 53 évités par un succès de Brüning contre les réparations, 131 puisque son « génie » est un « rempart de la démocratie et de la modération ». L’éditorialiste constate néanmoins au début que les difficultés des Allemands sont en partie de leur faute et qu’aucune preuve n’a été faite de leur incapacité à payer les réparations, qui sont par ailleurs justifiées, aussi faitil appel à leur raison. Pourtant, en percevant Brüning comme un modéré et en acceptant son postulat de difficultés allemandes extraordinaires, il endosse une partie des arguments des nationalistes extrêmes, dont il dénoncera plus loin la névrose… Le 10 juin, il plaide pour que les Américains reconsidèrent la question des dettes et des réparations de guerre, critiquant leur refus d’un lien entre ces deux types de créances. Malgré cela, il est le premier à reprendre une autre « thèse » issue de la City , celle d’une nuisance des créances étatiques et des obligations du plan Young pour le marché mondial des obligations privées : German Scene; A traveller in Germany (see) abundant countries, clean solid cities, but ear that agriculture is decaying, (In) peasant’s homes (he finds) comfort. (In) cities, he is told of unemployment and bankruptcy, (reparations) or other Treaty provisions are blamed, (he) see well filled shops, busy factories, neatly dressed solid people. (He read) that Germany’s exports exceeded those of Britain and (are) more resistant than Americans ones. (He also see) closed store, factory or coalmine, unemployed eating in public kitchens. (But) concludes that if the times are bad, they are not worse than elsewhere, as this is often printed. Édito; Correspondants shown desperate state of finances… (Struggle for) livelyhood is the topic of a people liable to mass suggestion and convincing himself that only relief of (reparations) can save the country. (This) just form of restitution (is) called « tribute payments », « plunder system of Versailles », exaggerations and falsehood… Government made efforts for management, (Brüning can) legitimely plead, (but) Germany must help herself… Is it too sanguine to hope (for) reconsideration of war debts ? Those paid by the same medium as commercial debts, though they do not owe (same origin), must inevitably impede normal exchange… Americans hold that there is no connection between war debts and reparations, (that) view is not accepted by most… Public sentiment (is) toward hitlerism, (wanting to) overthrow governement and reparations. Are the Germans finding their burden so intolerable (to regard) repudiation by revolution ? No evidence has yet been provided that Germany is incapable of payments. 132 Le Manchester Guardian a la couverture la plus importante pour cet unique évènement avec 39 articles de mondanités et de communiqués. Il reprend toujours les plaidoyers nationalistes allemands sur l’abolition des réparations de guerre. Son éditorialiste est en début de campagne médiatique contre la France, dénonçant même son très pacifiste ministre Briand et sa presse, « bien moins raisonnable que celle d’Allemagne ». Selon lui, le « monde sait » qu’il y a une crise économique exceptionnellement grave en Allemagne et que cela aboutira à une dictature. Ce pays « a 131 The Times, 31-06-08-p13, The German Scene. -09-p15, At the Brown House, Hitler’s View. -10-p17, Hitlerism and its Glamour.Times, -11-p15, German Visitor’s Return. -09-p17, The Visit to Chequers. -10-p17, the Visit to Chequers. 132 Times, 31-06-10-p17, The Visit to Chequers (éditorial). -06-p13, The German Visit (éditorial). 54 fait tous compromis depuis sept ans, presque rien obtenu »… La visite à Chequers met fin à une « tendance à isoler » l’Allemagne, mais elle le restera tant que les traités demeureront… Par son « discours succinct », Brüning a « démontré » comment la récession allemande est aiguë et comment son cabinet a tenté d’équilibrer le budget par ses décrets d’austérité « du jour précédent »… Depuis l’application du plan Young, le nombre de chômeurs est passé de 1,25 à 4 millions, le niveau de vie des bourgeois est descendu au niveau de celui des travailleurs et cela s’aggravera. L’Allemagne pourrait demander un moratoire du plan Young, mais son crédit en serait ébranlé et la Banque de règlement ferait une enquête « plus humiliante que les précédentes »… La situation exige des concessions financières et la France est isolée sur l’inviolabilité des réparations. Un entrefilet mentionne pourtant l’« atmosphère d’hystérie » provoquée par le manifeste Brüning dans les milieux financiers de Berlin: 133 Édito; (Since) Young plan, unemployed has risen from 1,25 to 4 million. (Germany) can call for a moratorium, (but) would damage credit (and) inflame nationalism in Europe. Alternative is dictatorship… German press (is) far more reasonable than French… Dr. Brüning abondantly prove (he) tried to restore its budget (with) decrees passed yesterday, (and the) exceptionally heavy burden (of) Germany. World know that there is a specially acute crisis in Germany and that political crisis is (near). That the problem is primarily economic seems clear… Germany (has co-operate) in foreign policy (and obtein) only certain claims. (Her) governments has been attacked (because of lack of) vigorous policy and these attacks (may) succeed. (Germany must have hope (for) a sane settlement of war indebtness… Days of coercicion are over. France is isolated in proclaiming inviolability of Young plan… M. Briand is talking against realities (and a) tolerable settlement of reparations. (So badly) out of his promotion of peace, how this quick-change artist can impress Germans… 134 En résumé à Londres, on adopte les explications fort succinctes et politisées du Manifeste Brüning 135 sur une crise économique allemande « spécialement grave », ceci au point d’en faire un postulat. On commence à parler de complaire au chancelier Brüning en tant que « rempart de la démocratie allemande ». Pourtant, au Times, un seul journaliste ayant visité l’Allemagne, explique que la crise est similaire à celle des autres pays. L’éditorial conserve aussi des doutes sur l’administration du Reich et son incapacité à payer les réparations « justifiées », dont les politiciens allemands « exagèrent malicieusement » le 133 Man Guardian, 31-06-06-p13, Repudiation Scare in Berlin. -06-p13, Chequers Talks. -06-p12, The Chequers Visit. -08-p13, Germany’s New Burden. -08-p8, Germany’s Last Sacrifice. -09-p4, The Chequers Meeting. 134 Man. Guardian, 1931-06-06-p12, The Chequers Visit (editorial). -06-p13, Chequers Talks Begin To- Day. -06-p18, Reparations Burden, German Appeal. -08-p8, Germany’s last sacrifice, Brüning’s manifest. -09-p8, Our London Correspondence. -09-p9, Anglo-German Gooodwill. -09-p8, After Chequers. -10-p13, Return from Chequers. 135 Voir chap.1, p37. 55 fardeau. Cependant, il est le premier à reprendre une autre thèse du gouverneur Montague Norman, de la banque d’Angleterre, selon qui les dettes interétatiques nuisent au marché des crédits privés (plutôt ses propres investissements en Allemagne). Au Guardian, on fait déjà une campagne intense pour l’abolition des réparations et du reste des traités de paix et on s’en prend déjà fortement à la France. On continue de relayer les plaidoyers des nationalistes extrêmes. Avec le plan Young (depuis un an), les bourgeois se sont appauvris au niveau des travailleurs (hyperinflation de 1920-23 ?). Cela s’aggravera avec les nouveaux décrets (grâce aux ?). L’Allemagne pourrait demander le moratoire au plan Young, mais son crédit en serait ébranlé (pas par l’agitation et le manifeste de Brüning ?). L’enquête de crédit serait « plus humiliante que les anciennes » (du Plan Dawes en 19241929 ?). Aux États-Unis, le Washington Post, le New York Times. Le Washington Post couvre cet évènement de façon modérée, mais on y adopte surtout, comme à Londres, le « postulat » Brüning d’une crise économique spécialement grave, requérant une révision des réparations. De nombreux germanophiles trouvent injuste que les Allemands soient « seuls à payer pour la Grande Guerre », puisque leurs créanciers se servent des réparations pour régler leurs dettes. Ils y ajoutent aussi un argument destiné au public américain, le désarmement des voisins de l’Allemagne leur permettrait de rembourser leurs dettes. L’éditorialiste n’est pas de cet avis, dénonçant la « campagne de peur téléguidée de Berlin » pour obtenir des concessions, mais aussi la construction de nouveaux cuirassés allemands. Il anticipe le danger de cette agitation pour les créances américaines et la Conférence de désarmement justement, tandis qu’un autre intervenant y va d’un avertissement contre les négociations financières à venir; « (Those) are just as likely to be injurious as beneficial… » : Édito; Germany is making every effort to impress (its) desperate political and financial situation. People are discouraged and resentful (about) taxation swallowed up in reparations. A campaign engineered from Berlin has been started to frightened Europe and United States into making concessions… postponement of (war debts) would be universally regarded as beginning of cancellation… Germany’s moves are destroying chances for disarmament. (Groaning) about reparations, she build a warship now and then. germanophiles; senator E. Borah said that revisions sough by Germans are expedient and just… Former ambassador to Germany held prosperity of the world contingent on help to Germany… Allied Nations (pay nothing) to the United States, they are merely transfert agents of the reparations payments they have forced Germany to pay. 56 (So, all the) war debts rest directly upon German people. (Its) spectacular effort to throw off the burden meets with sympathy in London. 136 L’éditorialiste du New York Times fait déjà une promotion intense d’un moratoire sur les réparations (une dizaine d’articles s’opposant à chacun des entrefilets critiquant cette position). Il mentionne que le cabinet britannique s’inquiète des troubles qui pourraient amener un régime soviétique ou fasciste en Allemagne. Comme chez la plupart des intervenants germanophiles du Washington Post, ceux du NY Times, avec les correspondants de Genève et de Paris, prétendent que la seule Allemagne paie pour la Grande Guerre et que le plan Young exacerbe la crise du pays et du monde. Si l’éditorial s’inquiète aussi des effets de l’agitation sur les créances américaines et le désarmement, les germanophiles rétorquent que les pays privés des réparations pourront rembourser leurs dettes américaines en réduisant leurs « dépenses militaires immorales ». Comme Brüning, ils dénoncent les « présuppositions erronées » ayant servi de base au traité de Young. Le sénateur William E. Borah 137 est difficile à surpasser pour sa défense de l’Allemagne et surtout de ses humbles travailleurs… Ce dernier met tous les troubles européens sur « l’armement excessif… de toutes les nations à l’encontre de l’Allemagne et des traités… Ces arguments sont aussi indiqués représentatifs de ceux du département d’État. Les correspondants de Paris, Genève et Londres, dénigrent férocement ceux qui les contredisent, surtout les Français. On espère pourtant que la coopération anglo-française sera relancée par le « not particularly philofrench » MacDonald : De Washington; Senator Borah (said) conditions in Germany are as bad as they can be, misery of the working people, its inhumanity, no tongue can express… Officials of Administration; One of great causes of depression (is) armaments of nations other than Germany, violation of Versailles; (Germany may stop) Young plan, this would be a call for a new conference… À Londres; Brüning’s cabinet (is determined to show) how serious is their plight for easier terms… (Hostile French and Polish accuse him) to bring dramatic climax to his story of distress, Britain public or government (take) the situation seriously… (Disturbance may produces) soviet or fascist regime, cessation of payments. 138 Rares infos; In (German) financial circles, opinion exist (that there is) no ground for moratorium. Owing to export surplus, (service) of the loans of Young plan is not threatened… Édito; Manifesto shown presuppositions of Young plan are wrong… Government has made a determined effort to balance its budget. It is impossible to finance through foreign loans after impairement of credit abroad. Domestic loans appear to 136 Washington Post, 31-06-07-p5, Anglo-German Discussion. -07-p2. German Move Held, Fresh Debt Threat. 10-p4, Germany Needs aid, Houghton Declares. -09-p6, France V.V. Germany. 137 Président du prestigieux Foreign Relations Committee (bipartisan) du congrès américain (1925-33). 138 NY Times, 31-06-07-p1, Debts are linked to arms. Britain Promises no Help. Upheavel in Reich Feared in Geneva. Discount German Effort. German Manifesto. -08-p15, Germany’s Hope. 57 be out of question… Record of British Labor Party is not philo-french, (but) today there is obvious recognition that basis for peace is cooperation (with) France. P.J. Phillipp; French believes that Germany is more active in getting rid of her burdens than self help… By skillful diplomacy, (making) use of sympathy from war years, French succeeded in having their debts reduced, transferred onto Germany the burden of payments… 139 En somme pour les États-Unis, même si l’éditorialiste du Washington Post perçoit des actions allemandes déstabilisatrices qu’il qualifie d’« erreurs », et que celui du NY Times reste inquiet de cette agitation pour les créances américaines et le désarmement, on adopte le postulat Brüning d’une crise allemande grave et pouvant mener à une dictature. Cela requiert donc une autre révision des réparations, puisque les prémisses financières du plan Young étaient fausses. Une autre thèse de la diplomatie allemande est relayée à l’adresse des Américains : l’Allemagne est seule à payer pour la Grande Guerre et puisque ses voisins utilisent ses paiements pour payer leurs propres dettes américaines, il suffit de les désarmer pour leur faire rembourser directement leurs dettes… Ce raisonnement, fort hétérodoxe dans ce pays capitaliste par excellence, sous-entend qu’un débiteur n’aurait pas à rembourser son créditeur si ce dernier est endetté, ou que les dettes et les dommages de guerre subis par les intermédiaires n’entrent plus en ligne de compte… L’appui de l’opulent sénateur Borah pour les humbles travailleurs allemands est difficile à surpasser. Pour lui, les paiements du plan Young auraient rendu la crise économique et la taxation intolérables (3 % du budget du Reich, contre 30 à 40 % en armements). En conclusion, c’est à ce moment que les explications sur les crises allemandes se scindent en deux interprétations contrastées, même si tous se réfèrent aux mêmes comptesrendus officiels. Les Français réfutent le plaidoyer du manifeste Brüning. Pour eux, la crise politique allemande est celle qui menace l’économie et la stabilité financière dans ce pays, mais aussi la paix européenne. Mais après les intervenants du Guardian, déjà acquis aux nationalistes allemands, Brüning obtient le support de la grande majorité des Anglo-saxons. Pour eux, la crise allemande est avant tout économique et c’est elle qui provoque la crise politique, au risque d’une dictature. Le choix des solutions s’en trouve forcément inversé. Si les éditorialistes du Washington Post et du Times restent sceptiques face aux manœuvres de Brüning, ils pensent aussi appuyer un cabinet « modéré » à l’encontre des partis extrémistes allemands. L’hostilité contre la France, déjà manifeste au Guardian, apparaît au 139 NY Times, 31-06-08, Berlin Sees Hope. -08-p15, Germany’s Hope. -09-p1, France to Oppose Debt Link to Arms (P.J. Philip). -06-10-p1, Houghton Warns We Must Aid Reich. -10-p23, Paris Keep Cool. 58 NY Times, au point de commencer à ressembler à une guerre médiatique. On appuie ces opinions sur ceux de germanophiles fort actifs, anonymes ou non. L’éditorial du Times y ajoute celui du gouverneur de la Banque d’Angleterre, celui du Washington Post cite surtout le sénateur républicain Borah (du Foreign Affairs Committee). Celui du NY Times ajoute à ce dernier une référence directe au département d’État. 59 C) Moratoire Hoover (1931-06-21) La longue campagne du chancelier Brüning, publicisant la faillite imminente du Reich et les démarches secrètes britanniques, après Chequers, commencent à faire paniquer certains banquiers américains. Le président Hoover s’informe en dernier recours au président Hindenburg, qui s’empresse évidemment de lui confirmer les explications de Brüning. Nanti de ces « nouvelles » informations, Hoover décide d’imposer un moratoire d’un an sur toutes les dettes interétatiques, officiellement pour préserver la stabilité politique en Allemagne et pour rassurer ses voisins, qu’il faut inciter à désarmer. Il s’agit en fait de préserver les créances de banques américaines trop investies en Allemagne. Cette offre est reçue avec joie chez certains banquiers anglo-saxons et par les dirigeants allemands, mais elle devra être durement négociée avec les Français et les Belges qui viennent tout juste d’obtenir avec le plan Young un règlement « complet et définitif » sur les réparations de guerre allemande. Cette action unilatérale d’Hoover enclenche des disputes diplomatiques qui provoqueront l’effondrement de la coopération, du système monétaire international, des systèmes bancaires allemand et anglo-saxons. 140 En France, Le Temps et le Journal des débats politiques et littéraires Les quotidiens français couvrent amplement cette proposition de Hoover par les opinions, communiqués et débats. Dans le Temps, si on fait un accueil poli à cette offre, l’éditorialiste Mill réfute déjà son libellé, qui pourrait miner le plan du traité établi par le banquier américain Young. Il fait remarquer au président américain que c’est à Berlin et non chez ses voisins qu’on fait obstacle à une réduction des armes et que la démonstration de la détresse du Reich n’a pas été faite. Il s’insurge ensuite des accusations de la presse britannique contre la France qui étudie cette offre durant quelques jours. On entrevoit plus généralement que cette action, accentuant les manœuvres allemandes, menace les intérêts français, la paix et l’économie européennes. Cependant, l’éditorialiste revient à une position de compromis à la première parole d’apaisement en provenance de Berlin : Hoover (espère) créer un esprit de bonne volonté… C’est à Berlin que ces paroles doivent être entendues… (De quoi) s’agit-il ? Sauver le Reich d’une autre faillite (due) à sa faute, mais (catastrophique pour d’autres) … Les victimes de 1914 (doivent) sauver ce pays qui a préparé sa détresse (dont la démonstration n’est pas 140 Pour détails, voir chap. 1, p37-38. 60 faite… (Une) campagne (inqualifiable) des journaux anglais rend la France responsable des difficultés (elle qui a tellement) fait pour la paix. (Il) est naturel (d’être surpris) du fait qu’elle n’ait pas été associée à cette initiative… Brüning a parlé de collaboration sur un ton nouveau dans ce pays. Il serait heureux qu’on (arrive à une) conception saine des relations franco-allemandes. La visite du chancelier en est la preuve, de même que le geste du président Hindenburg lors de la nomination de M. Doumer. 141 Pour Pierre Bernus, du Journal des débats, le moratoire Hoover confirme ses avertissements des semaines précédentes à l’encontre des Anglo-saxons, car son libellé invaliderait les dispositions du plan Young et qu’il est illusoire de penser que la France serait appuyée pour obtenir la reprise des paiements. Il dénonce les incidences négatives du projet Hoover pour la paix européenne, soulignant que ce dernier n’a pas en vue le bien commun, mais la protection d´intérêts américains et que ses méthodes détruisent des accords internationaux minutieux, favorisant les pays qui ne veulent tenir leurs engagements. Les difficultés économiques allemandes sont politiquement fabriquées et temporaires, ses méthodes budgétaires sont scandaleuses. Sous prétexte de garantir la paix, on travaille pour la guerre et demain c’est une question territoriale qui sera mise en jeu. On ne croit pas en un rapprochement anglo-français ou franco-allemand dans ces conditions : … les Américains ont consenti d’énormes crédits en Allemagne (ont) beaucoup contribué à la crise. (Ce projet) est de la charité bien entendue. (L’Allemagne obtiendrait la fin du plan Young avec son) cynisme larmoyant et menaçant. Sa situation est due à une gestion éhontée (et) une politique menaçant l’Europe. (On l’incite à continuer), elle deviendra plus dangereuse… Ces méthodes (de Hoover favorisent les) gouvernements (qui font du chantage pour) se débarrasser de leurs charges… (Hoover) entend disposer de sommes (qui) reviennent aux pays éprouvés (au profit) d’un état (attaquant) l’organisation de l’Europe, convoite de tous côtés des territoires… Sous prétexte de garantir la paix, on (travaille) pour la guerre. Ces déclarations de Brüning (sont banales). Il est favorable aux rapprochements si la France paie… On admet (que) les réparations devraient être payées, mais que les Allemands (y) attribuent leurs difficultés (et) qu’en résulte un esprit dangereux… Le même raisonnement pourra être fait quand l’Allemagne (exigera) qu’on dépèce la Pologne et rectifie sa frontière occidentale. Croit-on établir la paix ?... (Ce) gouvernement (veut la destruction des traités et une Pangermanie. 142 En somme pour ces quotidiens français, après la méfiance contre les dirigeants allemands, l’alerte est à présent donnée contre ceux des pays anglo-saxons. L’éditorialiste du Temps (Mill) est le seul à ne pas entrevoir les manœuvres occultes de Macdonald et revient à une position de compromis à la première parole polie de Berlin. Au Journal des débats par contre, Bernus constate que les méthodes diplomatiques de Hoover détruisent 141 Le Temps, 31-06-22-p1, L’offre du président Hoover. -23-p1, La proposition de Monsieur Hoover. -24-p1, La proposition Hoover. -25-1, La France et la proposition de M. Hoover. -27-p1, De M. Mellon à M. Brüning. 142 Journal des débats, 31-06-22-p1, L’initiative de M. Hoover (Pierre Bernus). -23-p1, Ou conduirait la plan américain (P.B.). -24-p1, Que fera le gouvernement français ? -24-p1, Le parlement et la proposition américaine.Journal des débats, 31-06-25-p1, Le triomphe de l’immoralité. -26-p1, Aujourd’hui et demain. -27-p1, Finance et politique internationale . 61 les accords les plus minutieux et favorisent ceux qui ne respectent aucun engagement. L’Allemagne cherchera la destruction des traités de paix et reformera une « pangermanie ». Les deux quotidiens se réfèrent principalement aux communiqués officiels et de presse des quatre pays concernés. En Grande-Bretagne, le Times et le Manchester Guardian Pour l’éditorial du Times, la proposition de Hoover fait suite à une « aggravation subite » de la situation financière allemande, dont la « preuve indubitable » est faite par la proposition elle-même… Quelques intervenants soulignent qu’un des facteurs de la fuite des capitaux, « valant trois fois le montant des réparations », est la « démonstration entêtée » de la faiblesse du pays par les Allemands et que le manifeste Brüning a provoqué une autre panique boursière. Cependant, l’éditorialiste accuse uniquement les anciens dirigeants allemands et de nombreux articles montrent l’appui « enthousiaste et universel » pour le projet de Hoover et sommant les Français de se « sacrifier pour le bien commun ». L’économie allemande et les dangers encourus par Brüning inquiètent, mais son « génie » secouru par celui d’Hoover, ramènera la confiance dans les marchés. Étrangement, l’éditorialiste reconnait qu’un aspect majeur de la crise allemande est bien politique et que les Français sont dans leur bon droit, mais il les dénonce de vouloir régler cette question. Il présente donc le projet de moratoire Hoover comme « indiscutable » et réglant un simple problème économique : Articles; One of the principal causes (of the lost of confidence) has been Germany’s demonstration, starting with the manifesto, to prove economic weakness and force a reparation discussion. (That) has cost three times as much in foreign exchange as (reparations)… One important item of reform, (readjustment) of Reich, States and Municipalities administrative systems, has been hardly touched. Édito; Problem of war debts and reparations is only one of numerous causes of economic depression, much of the unrest in Europe (is) political and social. Hesitations of France are intelligible. A solemn treaty assessed reparations… moreover they are (part of Versailles). (But) common welfare outweights individual advantage, (as it is) universally held outside France. No (French) bargaining, nor public discussion may be allowed to imperil world recovery. 143 Au Manchester Guardian, des informations à l’encontre des thèses de Brüning apparaissent aussi dans quelques entrefilets : facteurs politiques et psychologiques. Elles n’intéressent pas du tout la masse des germanophiles, dont la vision catastrophiste sur 143 TheTimes, 31-06-22-p11, Mr. Hoover’s proposal, German Agreement. -22-p12, The War Debt Moratorium. -22-p13, A Wise Lead. -24-p17, The Hesitations of France (éditorial). -25-p15,Profit and Loss (éditorial). 62 l’Allemagne accompagne celle des « génies » supposés des Brüning et Hoover. 144 L’un des articles révèle discrètement qu’en cherchant des informations sur la situation, Hoover s’est adressé au président von Hindenburg, qui lui a simplement confirmé les discours de Brüning… L’éditorialiste Scott y va même d’arguments révolutionnaires à l’encontre des Français et des traités européens; « il faut une opposition ferme à leur répression contre le Reich… et l’entière révision des réparations et des traités... le moratoire des réparations ne peut être une solution finale, l’Europe refusera de retourner dans un ordre qui l’a mené au bord de la ruine… » Pourtant, il avoue plus loin que le respect de la partie inconditionnelle des paiements du plan Young aurait soulagé l’Allemagne, mais que sa population en serait tout de même choquée. Il reprend à son tour les arguments issus de la City dénonçant les dettes « non saintes » de la Grande Guerre comme étant la grande cause de la récession mondiale : Édito; (Hoover’s moratorium refute) French propaganda, (which) have advocated repression. (We must) expect (entire revision of) Treaties. With shrewdeness, France advantaged herself, (suspension) of debts cannot be a solution, Europe will not return to a regime (of) ruin… France would give up 5 % of budget, this (is not) an heavier burden than other nation… révolution; Hoover’s proposals (undermine) all agreements since Versailles… (We lived) in impossible world and treaties, condemned by intelligent observers… (France) would make the greatest sacrifice (by securing our) loans, it will need to be thrusted upon her… If France had received unconditional part of annuities, Germany would have been relieved, (but discouraged after hopes for revision). Religion; (Debts of war) are of special character. (There is no) moral to pay them. (Sanctity of French claims are ridiculous, few) feel that they are on same moral plane as other debts; they can be erased without any grave shock to credit such as would have followed if Germany had to suspend payments on other debts… 145 Articles; Hoover’s move is culmination of (months of efforts) by most intelligent leaders of politics and business, whose views would have been read throughout the world. (They) agreed Germany would postpone reparations… German plight might led to gravest economic and political explosions… World’s opinion may induce France to accept (sacrifice, to be entitled) to sympathy. Hindenburg’s appeal (was because of Hoover’s request for) informations… 146 144 Man. Guardian, 31-06-22-p8, President Hoover Take a Hand. –22-p9, Germany Saved. -23-p15, World Welcome to the Hoover Plan. -23-p10, Hoover and France. -23-p11, Mr. Hoover Final Consultation. -23-p15, World Welcome to the Hoover Plan. -25-p9, Grave Disappointment. -26-p8, What Can be Done in a year ? -27-p13 Danger for Germany. -27p13, France Aims at Profit. 145 Man. Guardian, 1931-06-22-p8, President Hoover Takes a Hand. -23-p10, Hoover and France. -26-p8, What To do in a year ? -06-24-p8, The Hoover Tonic. -25-p8, Debts, Bad and Good. 146 Man. Guardian, 1931-06-22-p9,Mr. Hoover’s Plan and Disarmament. -22-p9, Bold Reversal of Policy. -23-p10, Our London correspondence, Waiting on France. -23-p11, Hoover Plan at Home, approving Chorus. -23-p11, Mr. Hoover’s final consultation. -23-p11, Good Markets Folllow Hoover Plan. -23-p15, Markets reacts, Vigorous rallly, German Jubilation. -24-p9, Mr. Keynes on the plan. -24-p13, Rotarians and Hoover Plan. -25-p4, Mr. Sowden on the Debt Plan. -25-p9, Washington Disappointed with France Reply. -25-p15, Money and Stocks financial editor. -27-p12, France Aims at Profit. -27-p13, Danger for Germany. 63 Ainsi à Londres, le moratoire Hoover est-il accueilli pratiquement avec délire. Pour les éditorialistes, il est la « preuve indubitable » (et circulaire, à défaut d’une autre) que la crise financière allemande s’est encore aggravée. Quelques intervenants rappellent bien qu’il y a abus budgétaires et facteurs politiques, l’éditorial du Times critique seulement les cabinets précédents. En reconnaissant le bien-fondé de leurs préoccupations, il dénonce les Français (oubliant les autres nationaux) qui condamnent les dérives politiques allemandes et refusent de se sacrifier au « bien commun mondial ». Il se joint ainsi à l’éditorialiste du Guardian, à la City et aux cabinets britannique et allemand. Au Guardian, les propos sont même révolutionnaires à l’encontre l’ordre européen. Ainsi, les Allemands sont seuls à payer pour la Grande Guerre et doivent être exonérés de tout. Étrangement, l’éditorialiste Scott reprend, après le Times, cet argument étrangement religieux issu de la City : les dettes de guerre « non saintes » (lire étatiques), contaminent le système financier et peuvent être effacées des livres comptables (France et Belgique, 5 % du budget), sans l’impact qu’aurait la répudiation de ses dettes privées (anglo-saxonnes) par l’Allemagne. On veut oublier les dommages subis par ces deux pays et leurs dettes de guerre nationales. Après les explications pseudo économiques de Brüning, on distorsionne donc l’« éthique » protestante et les règles comptables. Ces raisonnements, étranges en pays capitaliste, donnent de fait un aperçu des objectifs financiers de la Banque d’Angleterre et stratégiques des cabinets britannique ou allemand (affaiblir l’Empire français). Il n’est évidemment pas question des pressions exercées sur Hoover par MacDonald et Brüning, depuis la « réunion mondaine » de Chequers. 147 Un extrait du Guardian les mentionne pourtant de façon sybilline ; « le moratoire Hoover est l’apogée de mois d’efforts de « personnalités intelligentes » des affaires et en politique, dont les opinions métitaient d’être lues par le monde entier. Elles ont accepté que l’Allemagne est inévitablement forcée de cesser ses paiements de réparations… ». Il semble que ces personnalités ne se soient pas senties tenues de démontrer cette assertion dans un débat financier ou public avant de mettre en pratique leurs solutions… Un article aussi candide du Guardian nous informe que la source d’information privilégiée par Hoover n’a 147 À ce sujet, chap. 1, p28-29, 43-46. 64 pas été des banquiers ou des experts financiers de pays neutres (Suisse, pays scandinaves, Pays-Bas), mais le maréchal von Hindenburg, grand patron de Brüning. Aux États-Unis, le New York Times et le Washington Post Du 22 au 27 juin 1931, l’éditorialiste du Washington Post avoue que la presse est « mobilisée », pour appuyer le président Hoover et son moratoire, qu’on prétend être un moyen de favoriser la paix que les voisins de l’Allemagne troublent (préparatifs militaires français, ambitions italiennes, industrialisation soviétique…) : « Administration’s hope that peace is served, easening of reparation payments will advert violence in Germany, soften tensions with neighbours, add to the plea for disarmament… ». 148 On plaint la seule Allemagne, en « crise financière grave », à l’encontre de tous ses voisins et la confiance est totale envers ses dirigeants et en la sagacité d’Hoover. Comme en Grande-Bretagne, on cherche à donner l’illusion d’« une joie universelle » envers le projet, tandis qu’on réduit presque à néant les avis opposés. Cette joie se limite pourtant aux porte-paroles allemands, aux germanophiles américains et à certains banquiers anglo-saxons. L’avis des Français est « noyé » dans la masse et ouvertement méprisé, celui des autres Européens, inexistant (Europe Welcomes Hoover Debts Plan, ci-dessous). Les Français sont sommés d’accepter le moratoire en toute confiance, même s’ils sont trop bêtes pour comprendre son utilité... Les dettes de guerre dues au gouvernement américain ne sont pas un fardeau pour les voisins de l’Allemagne, mais les réparations de cette dernière nuiraient à son économie… Ici aussi (après le NY Times et Brüning), les études exhaustives à l’origine du plan Young sont déclarées fausses : Articles; French opinion (is) a dissenting note. Swift moving events have failed to convince (them) that German catastrophe was real… (Mere) national sensibilities have been troubled by Austro-German customs… (Europe is troubled) by military preparations of France, industrial advances of Russia, aspirations of Italy... Propagande; It is not the size of war debts that makes them weight greatly. (Amounts) are not tremendous but add enough fiscal demand to threaten recovery of Germany … (Young) plan was (based on) what was believed Germany’s ability to pay, (with) depression it is less… Édito; Moral forces has been marshalled… every governement is working to relieve Germany… France is piqued because U.S. government make its suggestion without consulting her… by intimation to accept it without reservation. (Criticism result of their misunderstanding)... World is afraid that French government fail to understand... (She) would not gain by exacting the unconditionnal payments. (It) is evident that Hoover (assert) that France (gain). Politicians will ring charge, (cold facts) left little substance in mere political opposition. 149 148 Washington Post, 31-06-22-p1, President Hoover Leaves for Camp. 65 La promotion du moratoire et même aussi de l’abolition des réparations est encore plus intense au N Y Times (20 articles/jour de témoignages « universels »). On souligne la déconvenue des Hitlériens et des Soviétiques, 150 reproche aux seuls Français de se questionner. Ces derniers subissent le mépris ouvert du correspondant à Paris P.J. Phillip (cité ci-bas). On entérine les discours d’Allemagne et on vante le génie et l’honnêteté de ses dirigeants. L’éditorialiste prend le chancelier Brüning comme champion de la démocratie et du pacifisme et menace les Français, qu’il déclare pourtant les « seuls en état d’apporter des crédits nouveaux ». On croit même voir une « augmentation de la popularité d’Hoover en France ». L’éditeur présente enfin les magnats de la finance anglo-saxonne comme garants d’une solution rapide aux récessions européenne et mondiale. : Mépris de la France; (In finance), representatives never seem able to rise higher than parochial scale of though, (have seldom, if ever been) wise creditors and good neighbours. (War-mindedness) obsesses them. (Newspapers) mentality has not evolved from armistice with « Germany must paid and hang the Kaiser » slogans. (These views, small and near sighted, come) from hysterical days when Nations promised France full compensations… French (fail) to realize changed circumstances… Amour de l’Allemagne; Venerable Hindenburg was deeply concerned over German situation. (Saying Young plan) put economy in danger… Opinion in Washington is that proposal may result in revision of Young plan, even that it has failed… (London) will have no sympathy (if France) impairs proposal… Paris; there is marked increase of praise for Hoover’s action… financial public (has) complete confidence that (Hoover’s action) meant beginning of better times. 151 Édito; Germany’s crisis (are) financial and political… (If it) had continued, (no one know) can tell what might happen… Brüning is rising to the statur of stateman. (British) esteem of France is at lower ebb (because of) hesitancy and carping criticism… (France) cannot stand against universal endorsement (of) Hoover. Demonstration is complete that banking crash will not be permitted if other nations are able to prevent it, (particularly) significant is (the Bank of France’s loan to Germany. It) shows community sense of obligation, (which) will enlarged… 152 Aux États-Unis en somme, l’éditorialiste du Washington Post avoue que la presse américaine est mobilisée pour soutenir le moratoire Hoover, moyen d’apaiser l’Allemagne et de favoriser l’entente avec ses voisins. Ce dernier raisonnement est reconnu issu du 149 Wash. Post, 31-06-22-p1, Europes Welcomes Hoover Debts Plan, President Hoover Leaves for Camp. -27-p6, Mr. Hoover’s Logic. -27-p6, Approaching Agreement. Washington Post, 31-06-23-p6, France in Doubt, Germany Gloom Dispersed. -24-p6, France’s Problem. 150 NY Times, 31-06-24-p17, Soviet Papers Scoff at Hoover Debt Plan. -23-p15, Hitlerites Attack Hoover Debt Offer . 151 New York Times, 31-06-22-p1, France not Ready to Make sacrifice (P.J. Philip). -22-p1, All Germany is Jubilant( Guido Enderis). -22-p1, German Letter aided Step (R.V. Oulahan).-22-p15, Worldwide Approval Voiced for Hoover’s Suspension Plan. -23p1 Briand is Drafting Reply. 152 New York Times, 31-06-23-p24, Political Effect in Germany. -23-p24, The Response to Mr. Hoover. -25-p1, French Reply to Hoover Accepts Aid but Within Young Plan. -25-p1, Debt Relief Offered to British Dominions.-25-p24, Germany and France. -26-p1, Stimson to Discuss Debt Plan in Europe. -27-p11, Banks to the Rescue. 66 département d’État. Dans les deux quotidiens on donne l’illusion d’une « joie universelle » par de nombreux témoignages allemands et anglo-saxons. La situation financière allemande se serait grandement détériorée en deux semaines et l’action du président en serait la preuve « indubitable » (circulaire cependant). Les avis contraires sont ignorés, celui des Français méprisé. Le N Y Times rejoint ici la vindicte du Guardian, certains mêmes parlent d’une abolition définitive des réparations, reprochent aux Français de se questionner, les menacent de la « juste colère » allemande . On trouve une première allusion à l’illégitimité de l’Assemblée française et d’une « hausse de la popularité d’Hoover » dans ce pays. Les opinions semblent toujours s’inspirer des déclarations officielles américaines, britanniques et allemandes et de celles indirectes des nationalistes extrêmes allemands. Cette fabrication d’un appui « universel» pour le président ou le fait de faire des déclarations au nom du « monde » n’est pas rare dans la presse anglo-saxonne, même aujourd’hui. Les critiques des correspondants du NY Times sur les opinions de Paris sont extrêmes, voire méprisantes. Nous n’en avons constaté aucune envers celles de Washington, Londres, Berlin, ou même d’Hitler et de la Pravda de Moscou. On vante l’honnêteté et l’intelligence des dirigeants allemands à l’origine de cette crise financière. Cependant, nous devons constater l’absence de description de ses effets économiques en Allemagne, non plus que d’explications sur les causes systémiques de la récession mondiale. 153 Le premier objectif d’Hoover est escamoté, soit la protection de certains banquiers particuliers. Si au Guardian, on est seuls à nier l’extrémisme des nationalistes allemands, chez les autres Anglo-saxons on pense plutôt à les apaiser en leur accordant tout ce qu’ils demandent. Les Français, ayant déjà fait maintes concessions depuis 1923 sont d’un avis contraire. Ils subissent à présent une guerre médiatique dans trois des quotidiens anglo-saxons, seul le Times de Londres conserve une certaine courtoisie. Nous verrons à présent les réactions de toute cette presse au moment ou ces disputes internationales favoriseront la poussée ultime du fascisme en Allemagne, tout en faisant basculer le monde dans la Grande Dépression. 153 Guerre douanière, « dumping » américain, intérêts bancaires élevés, pénuries de numéraires en France et en Allemagne, luttes sociales et agitation politique allemandes). À ce propos, chap. 1, p7-8, 25, 30-31. 67 Chapitre III — A) Grande Dépression, triomphe fasciste Crise bancaire allemande et réunion de Paris (1931-07-13) À la suite de l’offre de Hoover pour un moratoire des dettes interétatiques, les Français cherchent de nouveau à convaincre l’Allemagne d’accepter la trêve diplomatique demandée depuis 18 mois et refusent que la question des réparations de guerre soit traitée hors des cadres du plan Young. Hoover leur propose de saborder eux-mêmes cette entente (50 années des versements allemands) en échange d’une seule année de leurs propres paiements sur la dette américaine. Le 26 juin 1931, les Français proposent habilement le maintien des paiements allemands au plan Young, mais doublés de prêts de la Banque de règlement qui seraient garantis par la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis. Le 6 juillet, cette solution est officiellement acceptée par Hoover après dix jours de négociations. Les Britanniques s’empressent aussitôt de saper cette entente auprès des Allemands, avec la bénédiction tacite d’Hoover… Cependant, le délai pour accepter ces justes demandes françaises relance à nouveau la fuite des capitaux d’Allemagne et le 13 juillet 1931 un scandale financier bénin (après d’autres) force la fermeture de deux banques importantes à Berlin. Brüning prend enfin conscience de la fragilité de plusieurs institutions administrées de façon douteuse. Il se décide enfin au contrôle des changes, fait stopper la panique, réorganise le système bancaire (nationalisations, surveillance de la Reichsbank). Il entreprend finalement un autre quart de négociations à Paris. Les Britanniques mettent la responsabilité de cette nouvelle crise sur l’entêtement français, leurs dirigeants MacDonald et Norman (Banque d’Angleterre) agiotent avec succès contre une trêve franco-allemande à Paris, qui aurait été doublée d’un projet de relance conjoint franco-allemand pour l’Est européen. 154 En France, le Temps et le Journal des débats politiques et littéraires Après une courte embellie à la fin juin, le Temps fait à nouveau un portrait sombre de la situation allemande et surtout des manipulations politiques qui ont mené à cette crise bancaire, on y revient donc à la méfiance extrême du Journal des débats contre 154 Voir, chap.1, p39. 68 l’Allemagne. L’éditorialiste Mill parle d’une « folie collective », d’agitation raciste (nazie), de débâcle financière, d’un « souffle de panique qu’on cherche à exploiter à des fins politiques inavouables ». Ce sont bien les capitaux allemands qui s’évadent en sus de ceux des américains, tandis que le cabinet britannique semble tourner le dos au plan Young. Mill déclare que l’intimidation et l’injure allemandes ne devraient plus faire de dupes, puisque l’étonnante passivité du cabinet Brüning montre qu’il exagère l’aspect tragique de la crise pour obtenir une aide et rétablir la confiance dans un pays qui prépare pour la seconde fois sa faillite. Il rappelle encore que les réparations de guerre allemandes représentent une bien faible part des dépenses du Reich où les surenchères démagogiques et nationalistes, encouragées par le cabinet, provoquent des dépenses considérables en sus de la spéculation. Cependant, à l’arrivée du chancelier Brüning à Paris, Mill est bien à présent le seul à entrevoir une possibilité d’entente : « (Si certains) insinuent qu’il existe un plan angloaméricain pour l’Allemagne, contre la France, (c’est) une illusion au vu des répercussions de cette crise sur les finances britanniques et la livre sterling ». Après un nouvel échec de cette réunion à Paris, Mill réprouve à présent le soutien d’Anglo-saxons pour les déformations allemandes de l’histoire et réclame des dirigeants français l’obtention de gages tangibles des Allemands, puisque « leurs promesses ne valent rien… ». Il pense aussi que le cabinet allemand semble prêt à sacrifier le confort du peuple à sa politique extérieure. Aucun accord économique ou de désarmement ne doit donc être envisagé aussi longtemps que ce pays n’aura pas désarmé et qu’il contestera l’ordre européen : … les crises politique (et) financière sont aggravées par la panique, (on) cherche à les exploiter à des fins inavouables… Les réparations (sont) une faible part du budget, dépenses militaires ou sociales sont en cause… L’agitation raciste s’étend, folie collective. (Pour l’éditorialiste Steed, la crise provient) des campagnes antitraités, de l’appui d’(Anglo-saxons) pour les déformations historiques allemandes… On abuse des informations (tragiques), injures et intimidations (pour) un pays qui a préparé deux fois sa faillite. La détresse est exagérée, (ou on) sacrifie le peuple à (la) politique… Plus de contrats (ou désarmement) tant que le Reich sera contre l’ordre. (En venant à Paris, on peut penser que Brüning conclut) qu’une aide (mérite des accommodements). (L’Allemagne) fait des faillites ouvertement. Une l’a débarrassée de sa dette intérieure; il serait inadmissible qu’une autre (lui) permette de se débarrasser des (extérieures)… 155 Dans le Journal des débats, les politiques allemandes et anglo-saxonnes restent fermement dénoncées. Ce journal dit nationaliste extrémiste par plusieurs journalistes 155 Le Temps, 31-07-13-p1, L’heure décisive de la crise allemande. -13-p1, L’application du plan Hoover en Allemagne. -14-p1, L’Allemagne au tournant. -15-p1, L’Allemagne devant l’inconnu. -17-p1, Opinions de province. -17-p1, La crise allemande et les entretiens de Paris. -18-p1, Les entretiens de Paris et l’aide à l’Allemagne. -19-p1, la France et l’Allemagne. -20-p1, Les entretiens franco-allemands. 69 anglo-saxons a pourtant la même vision de la situation en Allemagne que le Temps qui favorisait l’entente avec ce pays. On y couvre la crise bancaire en Allemagne (expédients pour consolider cette activité), puis les négociations franco-allemandes à Paris. 156 Pour l’éditorialiste P. Bernus, la crise fait bien suite aux politiques allemandes et au moratoire de Hoover qui, en donnant à ses compatriotes le moyen de sortir leurs capitaux, a fini de tuer la confiance dans les banques ébranlée par le cabinet allemand. Ce dernier refuse pourtant de satisfaire ceux dont il demande l’aide, alors que ses provocations sont l’une des grandes causes de la crise dans ce pays, qui est devenu un danger pour l’Europe. Pour Bernus, le cabinet allemand sacrifie sûrement le sort de sa population pour des avantages diplomatiques. Il fustige le cabinet de MacDonald et les libéraux britanniques appuyant l’Allemagne, ainsi que les concessions du ministre français Briand. La France doit résister aux chantages allemands et aux pressions anglo-américaines, puisque la ruine du Reich est préférable à celle du franc et à la destruction de l’Europe : La politique allemande et l’erreur américaine continuent de progresser. (Hoover permet à ses banques) de retirer leurs capitaux. La confiance, (ébranlée par le cabinet allemand, est morte). Macdonald affirme que la S.D.N. et le traité de Locarno imposaient le désarmement (de tous). En vrai, l’Allemagne ne tient pas ses promesses. (Son agressivité) est l’une des grandes causes des crises économique et financière… La ruine du Reich est préférable à la destruction de l’Europe et du franc… (Le Reich), indifférent au sort des individus, se résigne aux cataclysmes d’où sortira un avantage. Sa première faillite ne lui a pas mal réussi (avec) les plans Dawes et Young. (Jusqu’où ira-t-elle) dans sa seconde entreprise catastrophique… la politique de M. Briand, aidée par les internationalistes et le bolchévisme si répandus, fait de ce pays un danger permanent. 157 Au début de la rencontre de Paris en somme, seul l’éditorialiste du Temps espère toujours des rapprochements anglo-franco-allemands. Pour lui, la longue passivité de Brüning pour la fuite des capitaux et cette seconde faillite annoncée (après celle de 1923), montre l’exagération de la crise allemande ou bien que le cabinet est prêt à sacrifier la prospérité du peuple pour des avantages diplomatiques (ce qui est vrai dans les deux cas). Il demande des gages solides pour une aide française, puisque les « promesses allemandes ne valent rien ». Enfin, dans les deux quotidiens on accuse avec raison le moratoire Hoover et les disputes allemandes d’avoir concrétisé la panique bancaire à Berlin et on reproche aux Anglais de les encourager, malgré les risques pour leur propre monnaie. En plus, on martèle 156 Journal des débats, 31-07-13-p1. La situation financière s’aggrave en Allemagne. -15-p6, Le cabinet du Reich recourt à des expédients. -19-p1, Les négociations franco-allemandes. -20-p1, Les premières conversations. 157 Journal des débats, 31-07-13-p1, Aveuglement (P. Bernus). -14-p1, La France et la faillite de l’Allemagne. -15-p1, La vraie question (P. Bernus). -15-p2, La leçon des faits (P. Bernus). -17-p1, L’occasion du redressement. -18-p1. Les heures décisives. 70 dans le Journal des débats que l’Allemagne est devenue un danger permanent et que la France doit résister aux chantages menant à la ruine du franc et à la destruction de l’ordre européen. Les communiqués officiels des quatre nations impliquées servent de référence principale à ces opinons, en sus d’un seul éditorial britannique (Steed, Daily Telegraph), dénonçant « les déformations allemandes de l’histoire adoptées par ses compatriotes ». En Grande-Bretagne, le Times et le Manchester Guardian. Le 13 juillet, avec la crise bancaire allemande et le rapport économique négatif du ministre Macmillan au Royaume-Uni, la pression augmente contre la livre et la « City » panique alors vraiment. Les articles du Times, après l’adoption du postulat catastrophiste du cabinet allemand, adoptent à présent le postulat diplomatique de même origine : tous les problèmes européens proviennent des traités européenes appuyés par la France. On fustige la diplomatie française et ses attaques financières contre la livre. Ces « mauvais Européens » doivent à présent prêter sans condition à l’Allemagne, une des opinions (voir second paragraphe) pourrait même provenir d’officines du Reich. On garde aussi toute confiance envers les Brüning, Hoover et MacDonald, même si des articles discrets relèvent les problèmes financiers générés par l’agitation du cabinet allemand. L’éditorial n’en a plus cure, comme les nombreux germanophiles qualifiant les négociations françaises « d’âpres marchandages ou de chantages ». On rejoint, ici aussi, la hargne francophobe du libéral Guardian, la guerre médiatique anglo-saxonne contre la France est à présent totale : Quelques infos; Concessions have assumed in (Germany) a shape of downright demands from France, stimulate revenge… (Alarm) is due in part to endeavours to prove that the country is as badly off as they have presented it. (It) has only been kept from pessimism by bankers in face of German hysteria… (Paris) considered most suspicious that Germany have (not checked the) exodus of capital and (have) present situation in worst possible light… Steps to prevent panic and export of capital (should) be enough. (Conditions are) far sounder (than during) (hyper)inflation. (Balance of trade) is favourable, (budget) now balanced. 158 Propagande germanophile: It is to France to (be « good European », aggravating) occupation of Germany with a burden (not supportable)… Uncertainty about the French is important, (with risks of) financial attacks… Since (hyper) inflation wiped out liquid capital, Germany had borrowed, often neither wisely nor productivaly. (If moratorium) have been immediately accepted, Germany would have turn the corner. (France) refusal except on political conditions, which Brüning is unable to accept, threatened Europe. (Uncertainty is) greatly aggravated by attitude of French holders of sterling who sold at unusually low 158 TheTimes, 31-07-13-p12, Attitude of France. -14-p13, German crisis/Conversations in Paris. -13-p12, The German Crisis. -13-p12, Message to the United States. -13-p13, America and the German Crisis. -13-p12, Armaments and Mistrust. -15-p13, U.S. Attitude to German Crisis. 71 prices… Édito; It may be regretted that (French) attempt is being made to obtain contributions from Germany per force of necessities. (French) hard bargaining with Hoover has nullified its beneficial effects … 159 Dans le Guardian, on diffuse toujours les mêmes postulats catastrophistes et contre les Français. Les quelques informations qui réfutent l’attaque monétaire française ou les avis économiques positifs sur l’Allemagne restent discrets sous la masse d’attaques francophobes. On accuse les Français des « âpres marchandages » qui ont « relancé la crise », de ne vouloir prêter sans condition à l’Allemagne. Tout cela serait « immoral » et entraînera des représailles méritées. On excuse aussi le réarmement naval allemand, puisqu’une « flotte polonaise pourrait bien être financée par la France », on dénonce le militarisme extrême et le réarmement de ce dernier pays. On n’hésite pas aussi à laisser entendre que les partis au pouvoir à Paris ne représentent pas le peuple, sous prétexte de l’unique contestation du chef socialiste... 160 Durant la rencontre franco-allemande (19-20 juillet), on fulmine de voir l’ombre d’une entente possible, même assortie d’un sauvetage économique de l’Est européen. On retrouve aussi, par hasard, la dénégation de la véritable politique économique de Brüning (première phrase, ci-bas : celle de baisser salaires et coûts allemands de 30 à 50 %, pour conquérir les marchés) : Propagande; German experts hold that help is necessary, or Germany will lower standard of living and costs of production (against) competition. (Justifying German) cruisers, (is Poland) building of a fleet (two submarines). Germany would be preponderant in Baltic, (but) high command remain british… Exceptionnal military preparations in France : (civilian security studies, M. Laval talk with ministers)… (As in 1913), France say she will disarm if Germany, Britain and America do first. (Impudent) way of saying she will not. Historical military parade (14 july) symbolised Empire and that she cannot disarm. Security of this centre of civilization so depends on semi-savage troops. 161 Édito; German government avoided (to) make the situation worse. (Control) of exchange would shake confidence, general moratorium is bankcruptcy… Hoover plan is not sufficient because of mean huckstering French, (unwilling) to give a loan except on terms (unacceptable to Germany, (for) they are not financial but political, prompted by selfishness, (stupid) and moraly wrong. (Hardship) to Germany will not be forgotten, (it) will be a worst neighbour… (Hoover) plan made revision of war debts inevitable, complete repudiation of reparations… 162 Propagande; It is inconceivable that Henderson would accept (Franco-German) treaty 159 TheTimes, 31-07-14-p15, France and Germany (Letter). -16-p13, A critical Day (editorial). -13-p12, The German Crisis. 160 Man. Guardian, 1931-07-14-p12, Reichsbank’s Crisis. -15-p9, Germany in Suspense. -15-p13, Hungarian Banks Closed, A Criticism of Germany. -17-p12, Depression Near its Ends ? -17-p15, German Banks Reopen.Man. Guardian, 1931-07-15-p13, Ex-(socialist) servicemen (?) and disarmament, Rally to Hoover Plan. -15-p13, France and German Collapse, Two (?) Contrasted Views (socialiste Léon Blum). 161 Man. Guardian, 1931-07-16-p9, German Emergency Decrees. -17-p11, German Opinion. -14,p9, Frontier Fever in France, Strange Military Precautions. -16-p12, French Fear of Disarming . 162 Man. Guardian, 31-07-14-p8, Hard Bargaining. -15-p8, What can Be done ? 72 before London conference… (German) nationalists will have been right when speaking of a second Versailles… (It) is difficult to see how Democracy and (German appeasement) will survive … Édito; French government has learnt nothing, still bent on exploiting German emergency… 163 En somme à Londres, la crise bancaire amplifie la panique dans la City, mais aussi dans la presse anglo-saxonne. On ajoute à présent à la déformation de la démocratie (illégitimité du cabinet français), une inversion grave des réalités politiques européennes : la France et la Pologne réarment depuis 1919, pas les Allemands; les traités imposés par la France sont responsables de la récession européenne, sinon mondiale; la crise économique allemande provoque la crise politique et un nationalisme exacerbé. On fustige aussi les boucs-émissaires français pour des attaques monétaires fictives à Londres et le refus d’un prêt sans condition pour l’Allemagne. Le Times encense toujours les génies de Brüning et Hoover, rejoint la francophobie initiale du Guardian. La guerre médiatique contre la France est totale dans les quatre quotidiens anglo-saxons. Dans le Guardian même, quelques faits objectifs restent lettre morte: il n’y a pas d’attaque française contre la livre, mais des avis économiques positifs en Allemagne. On reproche plutôt aux Français (pas à Hoover) les « marchandages » ayant mené à cette « nouvelle crise » bancaire et qui leur méritera des représailles. On approuve même les dépenses du Reich en réarmement naval, arguant de ceux des Français et des Polonais imaginaires. On fulmine, comme le gouverneur de la banque d’Angleterre Norman et le P.M. MacDonald, de voir l’ombre d’une possibilité d’entente franco-allemande, assortie d’une relance pour l’Est européen. Aux États-Unis, le New York Times, le Washington Post Dans ce pays aussi, on continue de croire les postulats économiques catastrophistes de Brüning et on attaque à présent la France systématiquement. Au Washington Post, on dénonce les méfaits économiques mondiaux des réparations payées par l’Allemagne et Hitler peut aussi y fustiger le plan Young, comme bientôt Mussolini, le 16 juillet. 164 Deux surtitres ajoutés aux articles de l’Associated Press exagèrent le blâme contre la France et atténuent ceux sur l’Allemagne (premiers, ci-après). Certains intervenants demandent à la 163 Man. Guardian 31-07-18-p12, our London Correspondance, The Danger of Delay. -18-p13, France Imperils Agreement. -18-p13, Germany Keeps her Head. -18-p12, Parliament Held in Contempt. -18-p13, Money and Stocks, is Germany Credit Worthy ? -18-p12, France’s New Conditions. -20-p8, Problems for London. 164 Washington Post, 31-07-14-p14, Nazis Would Make End to Young Plan at Once. 14-p2, German Troubles ar Real, Says Moses: New Hamshire Senator. 14-p2. London Regretful of Inability to Aid. -16-p1 Duce Declares Civilization at its Last Stand. German Situation Worst in History, Gerard Thinks. 73 France de renoncer aux réparations, puisqu’il en coûterait plus cher de faire une guerre pour les obtenir… Seul l’éditorialiste reste un peu mitigé, toujours conscient que cette crise est aggravée par les « erreurs » de Brüning et son refus de tout compromis diplomatique. Il admet que les Allemands ont exagéré leurs problèmes pour obtenir de l’aide, mais que Brüning n’avait pas prévu qu’en découlerait la panique des créditeurs et l’affaiblissement de sa monnaie… Il prédit néanmoins une entente « raisonnable » qui atténuera la crise : Surtitres tendancieux : Capital Lays Blame Largely Upon Paris. French delay (increased) hysteria in Germany and flight of capital. German cabinet is also blamed, (he should) have prevent citizens from sending money. Foreign Funds Withdrawal is Blamed in Crisis. Investors were frightened by success of radicals, (but) recall of funds assume alarming proportions when Germany seemed to availing herself off the Young plan… germanophiles: If Germany went broke (it would) end Young Plan, (unless) France decide war. (Therefore), sacrifices of the creditors are for their good… Édito. : Hitlerites are ready to take advantage of any concessions, (but) to build battleships is unreasonable… (Germany) magnified its woes in order to bring the world to its aid, (Her) government did not foresee (!!!?) that it would weaken its currency, frighten credit… (It) appears that if the situation should get beyond control, it will result from panic and not lack of credit… Moratorium should strenghtened Brüning. 165 Dans la guerre médiatique particulièrement intense du NY Times contre la France et en faveur de l’Allemagne (20-30 articles/jour), quelques articles parlent d’« erreurs allemandes », mais l’éditorialiste les déclare « bénignes » par rapport aux réparations. Les témoignages d’Hitler et même de la Pravda de Moscou contre le plan Young sont relayés sans critique. On colporte les rumeurs d’attaques monétaires de la France, attribuées au banquier Norman (Banque d’Angleterre) ou que le gouvernement français serait illégitime si le chef socialiste ne l’appuie pas… Les quelques données réfutant le postulat de Brüning sont isolées et non tenues en compte par l’éditorial. 166 167 Ici aussi on reproche aux Français leur « militarisme extrême », leur « réarmement menaçant la paix », un rapprochement « peut-être un jour militaire » avec les Soviétiques. On les prévient qu’aucune nation ne 165 Washington Post, 31-07-14-p14, President Confers with State and Treasury Aids, Capital Lays Blame Largely Upon Paris. -15-p1 German Reds Press For National Strike. -15-p2, Crisis Talk Gains New Significance (A.P.-London). -15-p6, Prudent Creditors. -15-p6, Germany’s responsibility (editorials). -18-p6, European Politics (editorials). 166 Par exemple, dans Reich Awaits Credit restrictions, on mentionne ces résultats désastreux des actions du cabinet allemand, mais cela semble avoir été retenu par erreur: « Germany has paid within last weeks (mémo Brüning), enough to defrays a year’s annuity of Young plan. In nine months (d’agitation), she has transferred sufficient capital for two years of payments». 167 NY Times, 31-07-15-p16, Bankers Says Delay Spoiled Debt Plan, Frances Hesitancies Has Cost Germany More than She Gained -15-p16 Reich Awaits New Credit Restrictions. -15-p18, Dutch Blame Germans (20 lignes). -18-p5, Glivic Assails Germany, Polish Financier charges Reich is exploiting Plight (30 lignes). . -19-pE3 Berliners Calm in Money Crisis (Guido Enderis). -20-p10 Belgian Press Decries Sollicitude for Reich, Attacks Campaign to Discredit France (30 lignes). -20-p10, French editors show suspicion of Britain. -22-p16, Fess Lays Bank Crisis to Reich Poverty Claim. 74 peut braver l’« opinion mondiale décente » en tenant les Allemands en esclavage. 168 Cependant, l’éditorialiste rassure lui aussi en concluant que l’harmonie entre banquiers atténuera finalement la crise… Toutes ces explications alternent donc entre ajout et exclusion du domaine politique (voir premier article ci-bas, intitulé avec à propos Confusing the Outsider). Mais un des intervenants rappelle que les négociations politiques seront bien reprises, mais seulement lorsque le Reich aura repris sa puissance : Édito; No one doubt danger of financial collapse in Germany. Government, overemphasized it, (making flight of capital graver, but) his faults touch only externals of difficulties, President and Chancellor deserve confidence... (Troubles are the French demands for) political garantees, (must leave) this until Germany acquire strenght… Financiers; Relief has been complicated by Germans (but) fault lies in Young Plan… A British banker, who know the governor Norman, said (France) should end manipulating exchange rates… Édito; Germans have taken flight from the mark, (can hardly) be blamed… Peril (is) infection to other countries, (so), to extend credits is strictly business operation. 169 Articles; Henderson will (try) to persuade French to abandon guarantees, (for it) is blackmail, (and also) wish the Germans abandon warships construction at least for Disarmament Conference… (His observer Malone said : avarice) of French bankers, arrogance of munition makers, stupidity of their political leaders (are the) greatest menace to peace… (No nation can), without disaster, withstsand decent opinion of World, (by keeping) Germans in slavery… Édito; Advice from governor Norman : « Don’t believe all you ear », (is) reassuring interpretation (that plight) of Germany is not desperate, that international finance feels like single entity… (French evolved) from the ideas that conditions to help must be abandonment of Customs Union and naval constructions, in plus of financial tutelage… 170 Correspondant P.J Phillip; (In France, financial interests are) in a clamor for revision, (but) there will be much opposition to act toward Germany otherwise than for defeated enemy, which has been one of Europeans worst mistakes. British (are) disturbed by aloofness of the French, (who ask) Germany to become vassal state. édito; Germany pride had to be consulted. When the crisis will ease, her attitude may be more pliable and conciliatory… 171 Dans toute la presse américaine en somme, il ne reste plus que l’éditorialiste du Washington Post pour demander des compromis politiques à l’Allemagne, tous les autres 168 NY Times, 31-07-15-p1, Great Army Display Marks Bastille Day, Press Hails Troops as guarantee for Peace. -15-p9, French Near Pact for Soviet Trade, Military Deal is Rumored. -18-p5, Soviet Holds Crisis Will not be Solved. 169 NY Times, 31-07-13-p14, Confusing the Outsider. 13-p8, Britis views Shift on Aid to Germany. -13-p8, Laval is Unmoved by Plea of Hoesh. -13-p26, Financial Markets, Other Considerations Arise. -13-p28, Debt Accord Leaves Markets Hesitant. -13-p28, Paris Views mixed on German Crisis. -14-p1, London Believes Aid Must Be Large Sum (C.A. Selden). -14-p1, washington thins Situation is better (R.V. Oulahan). -14-p21, Facing realities (editorials). 170 NY Times, 31-07-15-p13, Letter to the Editor, About Germany. -15-p16,London Puts Hope in Visit to Berlin (C.A. Selden). 16-p4, Avarice of France Scored by Malone. 16-p16, Minister’s Parley called by London. -19-p1, Germany cannot Buy Fruit. -19-p19, German Leaders Praise to Americans. -19-pN3, Paris Editor Asks Revision of Treaty.. 07-15p18, More than Meets the Ear (editorials). -16-p17 Germany Should Lead (editorials). 171 NY Times, 31-07-17-p1, German to Go to Paris (P.J. Philip). -19-p1, Difficulty Diminishing (P.J. Philip). -19-pE3, Paris Sees New Era in War-Debt Delay (P.J. Philips). -20-p10, Hitler Sees Force Needed to End Debts. -20p11, Soviet Press Sees Reich Surrender. -18-p1, Young plan Experts Await the Results (C.A. Selden). -19-p-E1, Germany’s Case (editorials). 75 intervenants sont en guerre médiatique contre la France et en faveur du Reich. Les traités de paix imposés par la France sont responsables du chaos économique en Allemagne et dans le monde. La France militariste doit de désarmer et corriger ses injustices en finançant l’Allemagne sans condition. Ces opinions font référence aux déclarations officielles, incluant des nationalistes extrêmes allemands, d’Hitler, de la Pravda et de l’omniprésent gouverneur Montague Norman de la banque d’Angleterre, certainement un des grands partisans du Reich depuis 1920 (investissements, attaques financières et monétaires en sa faveur en accord avec le Foreign Office). 172 En conclusion pour cet évènement, le Temps, malgré un autre sursaut d’espoir du seul éditorialiste Mill, rejoint à nouveau le Journal des débats dans sa condamnation totale des politiques allemandes, américaines et britanniques. Il n’est plus question pour la France de reculer devant les pressions, surtout de celles des nationalistes extrêmes allemands représentés par Brüning. Leur version des faits nous semble proche des récits historiques que nous avons consulté. À l’opposé, tous les quotidiens anglo-saxons sont en guerre médiatique contre la France, reflétant la financière entreprise par leurs dirigeants nationaux et le chancelier Brüning. Tous les problèmes allemands et même européens proviendraient des traités internationaux et de l’attitude des Français avec leur dernière attaque monétaire, leur militarisme, un traité franco-soviétique « pouvant devenir militaire », le réarmement intensif, cependant tous imaginaires… Il faut aussi remarquer que le fait de contester la légitimité de gouvernements qui ne suivent pas leurs diktats (ici la France) est, aujourd’hui encore, atavique chez les dirigeants et les journalistes de Londres, Washington et New York. De tous les journalistes anglo-saxons, seul l’éditorialiste du Washington Post reste préoccupé par les « erreurs » de Brüning et son refus de compromis diplomatique. Pour lui, les dirigeants allemands exagèrent leurs difficultés, mais il excuse le si « génial » Brüning de ne pas avoir prévu l’évidence, l’affaiblissement du mark et la panique des créditeurs. Ces opinions font référence aux déclarations officielles, y incluant des nationalistes extrêmes allemands, d’Hitler, de la Pravda et de l’omniprésent gouverneur Montague Norman de la banque d’Angleterre, certainement un des plus grands partisans du Reich depuis 1920 (investissements, attaques financières et monétaires en liaison avec le Foreign 172 Voir à ce sujet Ozer CARMI, La Grande-Bretagne et la Petite Entente. Genève, Librairie Droz, 1972, 384p. 76 Office). Pour expliquer cette crise prétendue essentiellement économique, il n’est toujours pas fait place à des expertises économiques. En Occident, seuls les journalistes et les diplomates anglo-saxons semblent ignorer le réarmement officieux et fort coûteux du Reich et ses accointances avec l’Union soviétique… Si des parties de plus en plus importantes de leurs explications ne concordent pas avec les faits historiques généralement admis à présent, elles reflètent bien des objectifs stratégiques tenus occultés (département d’État américain et cabinet britannique) ainsi que ceux financiers de quelques banquiers importants de Wall Street et de la City. 77 B) Conférence de Londres (1931-07-21 au 23) Durant la Conférence de Londres, la crise économique d’Allemagne commence à prendre vraiment les dimensions catastrophiques clamées par ses dirigeants depuis octobre 1930. Brüning avait inutilement misé sur l’aide financière promise par Norman (banque d’Angleterre) pour refuser la trêve diplomatique avec la France. Cependant, le moratoire sur les réparations entre en vigueur et le contrôle des changes permet au Reich de contrôler le paiement de toutes dettes dues à des étrangers. Cette décision est entérinée par Hoover et MacDonald, qui choisiront simplement quelques unes des créances à sacrifier (Standstill Agreements). Le gel de toutes ces créances permettra bien à l’Allemagne de sortir de son creux économique en février 1932, mais non sans que ce dernier donne le coup de pouce final au succès nazi pour les présidentielles de mars. Brüning obtient aussi un nouveau comité international où les Anglo-saxons majoritaires aboliront bientôt les réparations allemandes. Il sera tout de même destitué par von Hindenburg en mai, tout juste avant la capitulation, en termes sybillins, du français Herriot à ce sujet. Entretemps à Londres, les banques nationales de plusieurs pays doivent retirent leurs fonds afin de compenser pour ceux bloqués en Allemagne… La livre sterling est gravement atteinte (sept. 1931); la dépréciation sonne le glas du cabinet travailliste et libéral du P.M. MacDonald, remplacé par un cabinet d’Union nationale (conservateur, MacDonald transfuge). Le système monétaire mondial « Gold Standard », ironiquement mis en place par le gouverneur Norman (1922), s’effondre avec la livre sterling et c’est à présent la ruée vers l’or des banques américaines. La relance économiques est stoppée net par les faillites bancaires américaines (oct. 1931), Hoover perdra ses élections fin 1932. L’économie mondiale, en convalescence de janvier à mai 1931, replonge en récession grave, la Grande Dépression. 173 En France, le Temps et le Journal des débats politiques et littéraires Au début de la Conférence de Londres, seul l’éditorialiste du Temps, Louis Mill, espère toujours une amélioration de l’attitude des Britanniques sur la base rationnelle de leurs propres difficultés financières, mais cet espoir est à nouveau rapidement déçu. Il 173 À propos de ces évènements, chap. 1, p30-32, 39-41. 78 constate que les Américains refusent d’exiger des garanties de stabilité à l’Allemagne, que « l’opinion britannique est excitée contre la France », que les « libéraux et les travaillistes veulent la vaincre ». Il perçoit le discours inaugural de MacDonald comme délibérément vague et confus, biaisé par la politique « en faisant semblant de ne pas s’en occuper ». Selon Mill, la baisse du prix des matières premières évoquée ne peut expliquer la crise allemande, mais plutôt le gaspillage et l’agitation du Reich. Un autre intervenant se moque de ces Allemands et Anglo-saxons qui croyaient enrayer la faillite du mark en publicisant la débâcle économique, en déstabilisant les ententes signées et en montrant une « panique véhémente ». Mill prédit un retour aux arbitrages et aux solutions obscures à l’encontre de la France, tandis que l’Allemagne s’enlisera étouffée par son nationalisme. Il est le seul dans les quotidiens français à ne pas percevoir l’engrenage dangereux du comité international instauré par les Anglo-saxons sur les dettes du Reich : Édito; (L’Allemagne pourrait offrir) des garanties, (mais) une campagne (en prévient) les États-Unis, (excite) l’opinion anglaise contre la France. On insinue qu’il existerait un plan pour sauver l’Allemagne. C’est une illusion (au vu des) finances britanniques, (mais) pour l’opinion libérale et travailliste, il faut vaincre la France… (L’Allemagne) ne consent pas à une trêve, (ses chefs de droite la répudieraient… Nous ne voulons croire que les buts de la City répondent à (ceux) du gouvernement. (Un) comité fera une enquête sur les besoins du Reich, (mais ce qui prime) est la promesse de relations franco-allemandes confiantes… 174 Articles; s’est-il trouvé un économiste qui ait cru que l’intervention d’Hoover, la panique véhémente et la publicité de la débâcle suffiraient à enrayer la faillite du mark ? (Pour) cette restauration (considérée) nécessaire, (il fallait) démobiliser les bandes d’Hitler, (ajourner) le nouveau cuirassé (et) l’Anschluss. (La) campagne perfide de la presse anglaise justifiait la méfiance. (MacDonald, a fait des) déclarations confuses, autour du politique avec l’intention de ne pas en approcher. (Le mal, qu’il nie) existe en Allemagne, son budget infecte l’économie. (C’était erreur) de penser que la menace du chaos raciste (déciderait) la France à y jeter ses économies. (L’Allemagne) ne peut que s’enliser, (étouffée) par son nationalisme. 175 Dans le Journal des débats, l’opinion est similaire au sujet de la conférence, mais encore moins optimiste et polie envers les dirigeants étrangers. Pour P. Bernus, la question n’est plus de savoir si l’Allemagne vivra, mais comment elle laissera les autres vivre, puisqu’elle n’a rien perdu de ses ambitions depuis la guerre. Le discours « filandreux » de MacDonald cherche à masquer que la crise allemande provient d’un gaspillage des budgets et que la confiance financière est détruite par la politique menaçante de Brüning, présenté comme un héros de la paix. « Si le Reich peut se contenter des solutions de Hoover 174 Temps, 31-07-20-p1, Les entretiens franco-allemands. -20-p1, La crise financière allemande. -22-p1, La question des zones franches. -23-p1, Les difficultés de la conférence de Londres. -25-p1, La crise financière allemande. 175 Temps, 31-07-22-p3, L’Atmosphère britannique (J. Bardoux). -22-p1, La conférence de Londres. -22-p1, La crise financière allemande. -23-p1, La faute Allemande. -07-24-p1, Les décisions de la conférence de Londres. -24-p1, La crise financière allemande. 79 (Standstill Agreements), cela démontre que c’est avec la panique qu’on a donné à cette crise sa forme aiguë ». Il conclut que les Anglo-saxons voulaient « cyniquement » substituer des fonds français aux leurs, sans garanties financières ni politiques. La conférence était donc un « guet-apens » contre la France et la campagne contre les traités se poursuivra : (Le) « pacte de collaboration » de MacDonald, on sait ce qu’il a donné… (Les Anglo-saxons) veulent substituer des fonds français (aux leurs), avec cynisme, (sans) précaution… L’Allemagne a (usé) toutes bonnes volontés, (mais n’a rien) abandonné de ses ambitions… Le discours filandreux de Macdonald (appelle nos protestations). Ignore-t-il tout de l’Allemagne ou cherche-t-il à égarer ? Il ne peut ignorer que la crise est due au gaspillage des budgets, (que) la confiance est détruite par les extravagances financières et la politique menaçante (de) Brüning, (dont il fait) un héros de paix… (On) s’est contenté des solutions américaines. (Si le Reich s’en tire, cela montrera que c’est la panique qui a rendu la crise si aiguë. (La conférence était un guetapens. Son) but était la révision des traités… 176 En résumé pour Paris, seul l’éditorialiste du Temps espère à nouveau une amélioration de l’attitude anglo-saxonne en début de conférence, mais cet espoir est rapidement déçu. Le discours inaugural de Macdonald est perçu volontairement confus, gommant l’aspect politique de la crise. On réfute avec raison que les causes principales de la crise allemande sont la baisse du commerce mondial (la balance commerciale reste positive) et la charge des réparations de guerre (3% du budget fédéral allemand, contre 30 à 40 % pour la défense). Dans le Journal des débats, Pierre Bernus est encore plus sévère, cette conférence était un « guet-apens » pour la France. Les Anglo-saxons et les Allemands poursuivront leurs attaques contre les traités et cette analyse correspond le mieux à la documentation historique que nous avons consulté. 177 176 Journal des débats, 31-07-21-p1, De Paris à Londres (P. Bernus). -20-p1, Sur la pente. -22-p1, L’ouverture de la conférence. -24-p1, L’expérience de Londres (P. Bernus). -20-p1, Sur la pente. 177 À ce sujet, chapitre 1, p30-32, 39-40. 80 En Grande-Bretagne, le Times et le Manchester Guardian. La campagne intense du Times contre la France se poursuit jusqu’à la fin des négociations de Londres (23 juillet). Les informations contre le postulat catastrophiste allemand restent toujours discrètes. On ajoute aux plaidoyers allemands les plus extrêmes, 178 des arguments des plus contradictoires. Ainsi, on réprouve les demandes de garanties françaises à l’encontre de l’agitation allemande, tout en admettant que des négociations à ce sujet seront « bientôt indispensables ». On plaint le chancelier Brüning d’avoir si peu d’aide financière pour son « support politique ». L’éditorialiste relaie les excuses des Britanniques qui ne veulent risquer d’autres crédits en Allemagne, tout en reprochant aux Français de ne pas le faire. Ces derniers restant inflexibles, il trouve aussitôt que la crise allemande peut se régler avec les moyens issus du toujours « génial » Hoover (un entrefilet montre que plusieurs banquiers sont en désaccord avec ce gel des crédits en Allemagne). Il déclare, à présent comme au Guardian, que puisque tant de « citoyens honorables » allemands partagent les vues des extrémistes, c’est qu’elles sont fondées… Il conclut qu’il faut choisir entre la révision de tous les traités et le chaos, puisqu’il est impensable de retomber dans une politique de sanctions contre l’Allemagne. Cependant, il admet après la réunion, comme les Français s’entêtaient à le dire, que la stabilisation financière européenne est impossible sans règlement politique : Toutes infos; … against grossly exagerated reports for Germany, conditions (are) no worse (than in) other countries… (Not) unanimous approval of Hoovers plan in Wall street. Bankers see danger in freezing all credits… Édito; Real question is if confidence can be restored without larger unrest. (Dissatisfaction) is shared by millions of law abiding citizens. (It is) time (to examine) grievances, (for) the views of extremists are not peculiar to them… So long as burden of reparations continue to hang it will be impossible to establish confidence (and) will render Germany a menace to World. (Only) alternative is revision or chaos. (It is inconceivable) that Europe should relapse into a policy of sanctions. Crise jugulée; Germany proceed to solve difficulties… The world (?) got accustomed to credit for uneconomic purposes ; (reparation), deficits, maintaining prices… Causes of unrest in Europe and Germany are deeper than war debts. (Lack of confidence springs from) profound social and political forces (and) must be faced. (World) can have no confidence in peace until war mentality between France and Germany disappears... 179 178 The Times, 31-07-17-p13, German crisis and its causes (Minister Heinrich Dietrich). -24-p7, England and Germany (German Ambassador). 179 The Times, 31-07-21-p10, Points of Letters, Life in Germany (15 lignes) -23-p12, The U.S. Proposal, Danger in Freezing German Credits (partie de 0.25 colonne). Times, -22-p12, Strenght and weaknesses. -22-p13, Palliative or cure ? (editorials). A Lost of Opportunity (editorials). The Times, 31-07-16-p17, City Notes. -17-p15, A Pause (editorials). -20p13, A Momentous Meeting. -24-p15 The Conference Ends (editorials). 81 Au Guardian on est soulagé, tout comme les nationalistes extrêmes allemands, de voir que l’Allemagne refuse de modérer sa diplomatie et on compte sur Londres pour poursuivre l’abolition des traités. Le discours reste empli de haine contre les Français « imbéciles, militaristes, aux « mesquins marchandages de colporteurs » et dont la presse est contrôlée par un gouvernement non représentatif du peuple. La France ne fait que réarmer avec des « sous-marins géants… pourrait faire des myriades de sous-marins minuscules », tandis que les Allemands ne construisent que quelques « cuirassés de poche »… L’éditorialiste suggère un autre plan pour aider l’Allemagne; ses obligations nationales seraient garanties par les autres nations… Puis, il ajoute que tous les traités politiques devront être renégociés pour apaiser l’Allemagne. Des informations éparses surnagent toujours : banquiers suisses et hollandais méfiants du cabinet Brüning, « ton de barbarie » de la politique allemande, banquiers anglo-saxons inquiets du gel de tous crédits en Allemagne. 180 La France refusant d’aider l’Allemagne à ses dépens, ce gel des crédits et un simple contrôle des changes devient suffisant pour enrayer la crise financière allemande, grâce aux toujours « géniaux » Brüning et Hoover : Propagande; French build giant submarines, (tiny) hornets could be built in great numbers… (French are) misrepresented by government, parliament, tied press… (Their) naïve identification of Henderson’s views with theirs is amusing… There is talks in French military (about) expedition to Germany… French officers (are) bellicose… German press agree that Chancellor was right to come back empty-handed rather than accept (any) political conditions… Paris did not share enthousiam for « negative success » in London, it did not go in mass to applaude M. Laval at the Gare du Nord, (so his) popularity is an invention. 181 Édito; « We are indebted to Americans for keeping politics and economics distance apart… French demands may still cause trouble… They claim that this is due to battleships, Hitler’s movement, Custom Union, nationalist policies of revenge. (Extort) guarantees would increase this spirit… (It is) a pity, when political appeasement is recognized as the great need… (Germany) was not really insolvent, (budget) must be balanced, reparation revised, foreign relationship improved, politics to show less dangerous tendencies. (That) is why it had been hoped that conference (would) come to grip with those causes. Short-sightedness of French policy is amazing. Their attitude towards Germany remains implacable and afraid, (key cause) of Europe disquiet . 182 180 Man. Guardian, 31-07-21-p14 Money and Stocks. -22-p8, Our London Correspondence. -22-p9, American Government’s Views. -23-p12, Danger in Germany. -23-p14, Money and Stocks. -24-p9, How it Affects the City.-24-p13, Can Germany Pull Through ? 181 Man. Guardian, 31-07-20-p8, Our London Correspondance. -20-p13,Germany’s Plight Winter Outlook. -20-p9, How the Paris Ourlook Changed. -21-p13, The London Conference. -21-p13, French Demands on Germany. -22-p12, French Critics of England. -23-p9, Bellicose Talk in French Army. -23-p12, Germany’s Adverse Balance. -23-p12, French Press Vagaries. -25-p11, Dr. Brünings Return. -25-p15, French Premier’s Return. 182 Man. Guardian, 31-07-20-p8, Problems for London. -21-p8, London and the Hague. -22-p8, France and Disarmament. -23-p8, A Temporary Solution ? -24-p8, We Are Very Well Please. 82 Ainsi à Londres, le Times rejoint le Guardian et les dirigeants nationaux dans un révisionnisme intégral du traité de Versailles, non sans contradictions constantes. On réprouve les négociations françaises contre l’agitation allemande, jugées « indispensables seulement quand l’Allemagne sera renforcée ». Certains textes du Guardian, en omettant ce point, pourraient passer pour ceux de fols, entre exclusion et inclusion du politique, apocalypse économique, distorsion des réalités et solutions financières exotiques. Les Français refusant toujours de prêter à l’Allemagne, les deux éditorialistes croient aussitôt que la crise se règlera par les solutions issues des « génies » de Brüning et Hoover. Personne ne se demande pourquoi elles n’ont pas été simplement adoptées le mois d’avant… De plus, le gel de toutes créances allemandes du domaine privé est excessif, comme le remarquent plusieurs banquiers. On conclut maintenant au Times, comme au Guardian, que si tant de « citoyens honorables » allemands sont de l’avis des extrémistes, c’est que ces derniers ont raison (et non qu’il y a plus d’extrémistes). Le Times cesse ses attaques directes contre la France, sans doute pour faire oublier la commission bientôt mise sur pied pour abolir les réparations de guerre allemandes. 183 Aux États-Unis, le New York Times, le Washington Post Pour la Conférence de Londres, l’éditorialiste du Washington Post est bien le dernier de la presse anglo-saxonne à s’aligner entièrement (et temporairement) sur tous les postulats des dirigeants allemands et anglo-saxons. Dans son journal, les discours d’Hitler et d’autres extrémistes permettent de souligner la modération présumée de Brüning. 184 Il y a donc crise économique catastrophique en Allemagne et c’est au tour de la France de se sacrifier pour le « bien commun » mondial. Devant son refus, la solution fort simple du « génial » Hoover devient tout à coup suffisante. Des germanophiles mentionnent même qu’un crédit français était seulement requis pour augmenter le prestige politique du pauvre Brüning, « victime d’une crise cardiaque à la fin de la réunion de Chequers ». Malgré tout, l’éditorialiste est soulagé de voir clore ces conférences « de politiciens », conscient qu’elles ont envenimé la situation, il souhaite un retour aux négociations sérieuses, entre banquiers : 183 Sur ces sujets, chap. 1, p30-32, 39-40. 184 Washington Post, 31-07-21, p1. Address of MacDonald as Debt Parleys Begin. Von Hindenburg Plea to Hoover is revealed. -22-p2, German Crisis Laid to Brünings Rule: Hitler Faction’s resolution declare Government is Solely to Blame. 83 21 juillet; Whether France and Germany are to cooperate or take path to war may be decided today. (French) demand that Germany wear Versailles straight jacket. (Great Britain) is in desperate state, resentfull of French effort to extort political guarantees from Germany. (Agreement) may be reached, because of the harm that will befall to all countries (if Germany) collapse. Après la conférence; Obviously, most efective way to reassurance is to close London conference... Hoover’s solution suggest that fundamental issue is confidence. Lets turn the problem over the bankers. Germanophiles; Mr. Brüning (wanted) a long-term loan for political reasons… He will return on a volcano of economic rest and nationalism… (Poor) Chancellor will continue his dogged course, (however, some of his) friends are saying that after Chequers, he had a heart attack (?) … If American, British and French like him so well (why) don’t they give him another lift ? 185 Dans le NY Times, le dénigrement de l’opinion française se poursuit avec un raz-demarée de témoignages en faveur de la révision des traités. On prétend qu’en satisfaisant les demandes des extrémistes allemands, on nuirait à leur quête du pouvoir… Les discours de MacDonald, Hindenburg, d’Hitler ou de la Pravda sont toujours édités sans critique. La déformation de la réalité française et les contradictions qui en découlent sont frappantes : « les capitaux français sont les plus importants à fuir l’Allemagne / étrange que l’offre d’un prêt de 500 millions de dollars soit venu de ce pays… de nombreux français réclament la révision / beaucoup d’opposition pour traiter l’Allemagne autrement qu’en ennemie... ». On prétend toujours, comme MacDonald et Brüning, que c’est la baisse du commerce mondial et la « réalisation du fait » que les réparations allemandes sont trop lourdes, qui ont provoqué la fuite des capitaux. Ici aussi, l’apocalypse allemande est soudainement contrée par les mesures simples des « géniaux » Hoover et Brüning. Les germanophiles plaignent ici aussi le pauvre Brüning, pour sa crise cardiaque du 7 juin. Après cette conférence cependant, plusieurs intervenants américains peuvent donner dans des entrefilets une version de la réalité assez proche de celle des Français. Ainsi, nous apprenons 186 que « seulement deux banquiers » américains ont conseillé à Hoover de sauver l’Allemagne, les autres croyant qu’elle pouvait se tirer d’affaire seule. On note que les cercles financiers allemands considèrent l’économie du pays « plus solide que jamais et sans inflation », qu’il faut seulement éviter les paniques bancaires et imprimer plus de monnaie. À son retour d’Europe, l’éditeur McCormick déclare aussi que la conférence était une perte de temps, puisque l’Allemagne importe beaucoup plus d’or qu’elle n’en cède et 185 Washington Post, 31-07-19-p6, Face to Face (editorials). -20-p6, Statesmen in London (editorials). -22-p6, Another Hoover Plan (editorial). 7-23,p1. Plan to come Up at London Parley. -23-p1, Berlin Again Looks to U.S. Relief. -23-p2, Green Asks Longer Holiday on Debts. 186 NY Times, 31-07-17-p8, Doubt Reich Needs New American Loan. -20-p28, Industry Not Yet Hurt in Germany by Crisis (30 lignes). -20-p28, Paris Bourse Down Reports. -20-p15, Trustful Cooperation . 84 que le Reich (gaspille) beaucoup plus d’argent que le coût de ses réparations de guerre. On annonce, après le Daily Telegraph, que les ventes françaises de livres sterling n’étaient pas une attaque financière, ni politiquement motivée (voir : après la conférence, ci-bas) : P.J. Philip; Laval (want) victory over Germany, (England and U.S.A.). Costs seems subsidiary to immediate political interest… Londres; (The collapse) of old mark wiped out Germany’s liquid capital, danger of borrowing was not apparent during prosperity, but Trade depression and recognition abroad that reparation burden imposed too much strain resulted in foreign creditors withdrawing loans… French formed by far the largest proportion of credit withdrawn and therefore, surprise is expressed that proposal for $ 500 million loan have come from them… Édito; Hoover moratorium will be highly beneficial. (Opportunity) to reconsiderate war debts (and reparations, otherwise) breathing space will have been wasted. 187 Après la conférence; Credits already frozen in Germany, (Hoover) recognized the inevitable. (Only) two great banks had declared that rescue of Germany must be done, (majority thought that she) can alone restore credit… (German) circles agree that economy is as sound as ever, currency not inflated but deflated, only tasks are to avoid tie-up of banks and produce cash… Reduction (of short loans by German banks) followed election. The bulk has been pulled out, (however,) late spring (manifeste Brüning), foreign lenders take alarm, recalled funds (and past few weeks) 80 % of outflow was from Germans… (Publisher McCormick) says conference was waste of effort, (Germany) taking far more gold than she sends, spending much more than reparations… It was said in Daily Telegraph that alleged french political motive for tranfers of sterlings is being discounted… germanophiles; German hopes turned to America to stave off the fall of Brüning… his friends however (said that) after his return from Chequers, he had a heart attack… 188 Pour la presse américaine, la couverture de la Conférence s’articule donc toujours sur les postulats révisionnistes des traités. Les Français refusant de se « sacrifier pour le bien commun », l’apocalypse allemande est aussitôt contrée par les solutions fort courantes des « géniaux » Brüning et Hoover. On n’explique pas pourquoi elles n’ont pas été prises le mois précédent ou que la plupart des banquiers, anglo-saxons et autres, sont inquiets du gel de toutes leurs créances dans le Reich … Cependant, les révisionnistes et les germanophiles conservent le haut du pavé, prétendent que le pauvre Brüning aurait fait une crise cardiaque le 7 juin, ce qui est aberrant eu égard à son hyperactivité subséquente. On prétend toujours que c’est la « réalisation du fait » que les réparations allemandes sont trop lourdes qui provoque la fuite des capitaux. Cette « réalisation » est surtout imputable à la campagne de 187 NY Times, 31-07-21-p1, Paris Still Insist on Security Pledge (P.J. Philip) -20-p28, London approves German Measures. -21-p12, Address by Premier MacDonald. -21-p13, Political Appeasement Proviso Mystifies Mellon. -21-p13, Hindenburg’s Plea to Hoover is Made Public. -22-p1, Berlin Welcomes New Hoover Credit Memorendum. -22-p1, Paris Tell League it Cannot Cut Arms. -22-p20, German Public Finance (editorials). -22-p20, London and Washington (editorials). 188 NY Times, 31-07-23-p1, Markets Here Drop on London Reports. -24-p11, Germans Says Crisis is Up to the Reichsbank. -24-p11, Reich Short-term Loans Drop Fast in Year. -24-11, Wall Street Gloom over Debt Meeting. -25-p15, MacCormick Back, Scores Debt Talks. -25-p5, Soviet Paper Gibes at London Results. -25-p5, British Gold Drain Laid to Henderson. -24-p10, Berlin Press See Aid as a Stop Gap. -24-p1, Bankruptcy Staved Off. -24-p10, France Modifying Attitude to Reich. -24-p1, Accord Pleased Hoover. -23-p1, Germans will ask Stimson for Cash. -23-p6, The Times, London, Calls Parley Disappointing. 85 propagande de Brüning et associés. Quant au « fait », il est mis à mal dès la fin de la Conférence. Plusieurs intervenants, dont l’éditorialiste du Post, peuvent alors dénoncer l’inutilité de ces « disputes politiciennes ». Des entrefilets donnent raison au point de vue français sur la crise allemande. L’unanimité des appuis pour Hoover était donc limitée à celle de deux ou trois des banquiers américains, aux dirigeants britanniques, aux élites allemandes. Le redressement allemand, perçu « mystérieux ou extraordinaire » après juin 1932, trouve ici une bonne partie de son explication. Dans les medias anglo-saxons, on ne semble plus percevoir de frontière entre les souhaits du cabinet Brüning et celles des chefs des partis extrémistes, mais contrairement aux Français c’est parce qu’on y normalise la politique extrémiste. On oublie toujours les causes véritables de la récession mondiale : politiques déflationnistes, guerre douanière et dumping commercial d’Hoover surtout, taux de la Banque Fédérale à New York, tarifs douaniers records de Brüning, annonces de faillite et agitation allemandes. On ignore aussi les premiers signes de la déstabilisation bancaire mondiale provoquée par les décisions prises en faveur de l’Allemagne. 189 En conclusion pour cet évènement, la presse française perçoit les dirigeants actuels du Reich comme des nationalistes et militaristes extrêmes au même titre que les hitlériens. On conteste l’utilité de la conférence de Londres pour régler les problèmes économiques et politiques en Allemagne. À l’opposé, les Anglo-saxons croient au scénario-catastrophe véhiculé par Brüning à l’encontre des réparations de guerre et réprouvent les demandes de garanties de la France, exigeant son aide sans condition… Les Français restant inflexibles, leurs éditorialistes croient aussitôt que la crise « catastrophique » allemande se règlera par les solutions fort simples, cependant trop tardives et généralisées, des « géniaux » Hoover et Brüning. Tous les Anglo-saxons concluent qu’il faut choisir entre révision des traités ou chaos européen, puisque « tant de citoyens honorables allemands » sont à présent « du même avis que les » extrémistes. À l’inverse des Français, on considère donc à présent les politiques de ces derniers comme étant dans la normalité. Dès après la conférence de Londres pourtant, plusieurs intervenants américains dénoncent son inutilité pour régler la crise alllemande, montrant ainsi que l’approbation 189 Réf. chapitre 1, p7-8, 25-26, 30-32, 39-40, 86 « universelle » pour Hoover était bien fictive. La guerre des médias contre la France semble connaître une trêve, sauf dans le Guardian, maintenant qu’une autre « révision » des réparations allemandes lui a été imposée, mais on s’apprête aussi à la désarmer avec la prochaine Conférence de Genève. Partout, on continue à oublier les nombreuses causes structurelles de la récession mondiale et on ne semble pas percevoir les premiers effets du gel de toutes les créances en Allemagne, sur le crédit bancaire des autres pays, effets qui mèneront en deux mois à la Grande Dépression. 87 C) Première victoire électorale nazie (1932-07-31) Après juillet 1931, le monde entre en Grande Dépression. Les Britanniques poursuivent leurs attaques pour l’abolition définitive des réparations et les amplifient pour le désarmement de la France et de ses alliés lors de la Conférence de Genève (février-juin 1932). Le délégué britannique Simon déclare, dès le départ, aux Allemands ravis que les Anglo-saxons leur donneront l’égalité des droits en armement, invalidant l’essentiel du reste du traité de Versailles. En décembre 1931, un dernier décret d’austérité du chancelier Brüning, décret surnommé « de la faim » et la poursuite de ses menaces de faillite prolongaient aussi la dépression allemande (7 millions de chômeurs), permettant aux deux partis nazi et communiste de faire le plein de votes en avril 1932. Hitler obtient 37 % du suffrage présidentiel contre von Hindenburg, qui remplace le « trop modéré » chancelier Brüning par le réactionnaire Franz Von Papen. En juin 1932, les Anglo-saxons privent définitivement Français et Belges de leurs réparations de guerre. Von Papen libère les milices nazies des freins imposés par Brüning et accorde de nouvelles élections à Hitler. Ayant ainsi multiplié les violences, il en accuse les communistes et dissous le gouvernement social-démocrate de la région de Prusse. Le 31 juillet 1932, Hitler obtient 45,6 % des sièges au Reichstag (avec alliés). Sa nomination comme chancelier est retardée par Hindenburg, mais les milices nazies prennent le contrôle de la police et sont bien attirantes pour la remilitarisation du pays. Cette victoire électorale est bien l’aboutissement des « guerres » financière et diplomatique entreprises par Brüning depuis les élections de septembre 1930, tout comme la Grande Dépression en est la résultante pour le reste du monde. 190 En France, le Temps et le Journal des débats politiques et littéraires Dans le journal le Temps, peu après l’abandon des réparations de guerre et une première conférence de désarmement qui n’a rien produit, on mentionne amplement les violences hitlériennes qui s’amplifient après le scrutin et le fait qu’il ne reste que 18 % de catholiques centristes entre partis de droite et de gauche irréconciliables. L’éditorialiste croit ainsi que le cabinet réactionnaire de von Papen se trouve renforcé contre le Reichstag, 190 Réf. chap 1, p32-36, 39-42. 88 certains intervenants se rassurent du fait qu’Hitler n’aura pas la majorité absolue par des moyens électoraux. Pourtant, un correspondant montre que l’idée de dictature est ancrée dans tous les partis allemands. Le problème des réparations de guerre est à présent supplanté par celui du réarmement de l’Allemagne. On annonce que les rapports des commissions de surveillance du désarmement étaient de complaisance (1926, 1931) et que cela était tenu secret. L’Allemagne est donc encore plus dangereuse pour la sécurité européenne. Si l’éditorialiste s’illusionne encore sur l’« échec » électoral hitlérien, il ne fait pas plus confiance en la dictature réactionnaire et militariste des von Papen et Schleicher. Il demande au gouvernement français de résister fermement aux demandes des Anglo-saxons, ligués avec les Allemands pour désarmer la France : 191 La vague hitlérienne n’a pas déferlé… (les) nazis ont perdu leur chance… (Ce pays est près) d’une catastrophe, entre dictature militaire et guerre civile… (À Paris), le chef socialiste prétend qu’il faut désarmer la France pour assurer sa sécurité. (Est-ce) le plus sûr moyen face à ceux qui n’ont pas voulu désarmer et qui savent se passer du droit ? La quittance a-t-elle été donnée lorsque (les) rapport de la Commission du désarmement a été transmis ? Non, il ne pouvait l’être… Ces constats enlèvent à l’Allemagne le mérite d’un désarmement loyal, confirment une revanche, enlèvent l’argument d’inégalité... On comprend qu’à la veille d’une conférence (visant) à désarmer la France, des secrétariats aient étouffé ces documents. On comprend moins que cela soit toléré à Genève, pourquoi l’ignorance anglo-saxonne n’est pas éclairée et une occasion saisie. 192 Dans le Journal des débats, les explications sont aussi nombreuses et sévères sur les résultats électoraux. Constatant l’absence de démocratie libérale en Allemagne, on y conclut que tout dirigeant s’attaquera aux traités et que les von Schleicher et Hindenburg travaillent à recréer l’empire et recherchent l’appui des hitlériens. Des articles expliquent le non-désarmement de l’Allemagne et la duplicité de sa diplomatie (promotion des minorités pour détruire les frontières, racisme anti slave des arguments sur Dantzig). On fustige les manipulations pacifistes qui cherchent à estomper les faits brutaux qui se produisent en Allemagne, tout en répandant des illusions de sécurité et de paix : Anonymes : La propagande allemande répand la notion d’un couloir (polonais). Ne trouve-t-on pas d’ilots germaniques jusqu’en Russie ? … (L’Allemand) croit aux races inférieures (dont la polonaise) … (Ceux) qui prendront le dessus feront la révision des traités… C’est aussi le but (de leur promotion des minorités hors 191 Le Temps, 32-08-03-p4, L’Aviation de bombardement (Lt. Col. Reboul). -01-p1, L’Autriche et le protocole de Lausanne. 02-p2, Le problème du désarmement. -02-p6, Après les élections allemandes. -03-p2, Les projets de réarmement de l’Allemagne. -03-p8, Dernières nouvelles, le terrorisme hitlérien. -01-p4, L’Allemagne nomme son nouveau reichstag. -01-p1, Le rêve dangereux. -03-p1, Le cabinet Papen et les partis allemands. 192 Le Temps, 32-08-02-p1, Les élections pour le Reichstag. -03-p8, L’Allemagne après les élections. -05-p1, La crise politique en Allemagne. -01-p1, L’Autriche et le protocole de Lausanne. -01-p1, Le rêve dangereux. -01-p1, La légende du désarmemnt allemand (J. Bardoux). 89 frontières)… Mussolini (a dit vrai). Ce n’est pas sur le libéralisme que s’est fondée l’Allemagne, (mais) sur le militarisme et l’absolutisme. Le parlementarisme n’y est qu’exotique. 193 Édito : comme toujours, on affirme que les hitlériens ont fait leur plein, les Allemands (vont) redevenir sages, ce mouvement sera canalisé par la Reichswehr, mais il n’y a pas de quoi nous satisfaire… Est-ce l’intérêt de la paix de (cacher) les actes qui veulent la troubler ? Naïfs sont ceux qui ne voient pas que les von Schleicher et Hindenburg travaillent pour les Hohenzollern, (veulent s’entendre avec les hitlériens. (La palme de l’aveuglement) revient à Léon Blum, (pour lui) les hitlériens passent de 107 à 230 députés et ils marquent une pause. On s’explique, devant cette fantaisie, que les socialistes soient en tous pays incapables d’établir un budget ! 194 En somme, les quotidiens français restent au diapason lors de cette victoire nazie : aggravation de violence, complaisance de von Papen à ce propos, politique extérieure de plus en plus dangereuse. Seul l’éditorialiste du Temps se réconforte du fait qu’Hitler n’a pas la majorité absolue au Reichstag (avec 46,5 % d’appuis) comme si elle était si importante et quand la lutte de pouvoir est ailleurs qu’au parlement. Pourtant, il n’a pas plus confiance en la dictature des von Papen et Schleicher. Pour le Journal des débats, cette progression nazie démontre la disparition de la démocratie et que tout cabinet allemand s’attaquera à l’ordre européen. Les von Schleicher et Hindenburg veulent recréer l’empire et s’adjoindre les hitlériens. On critique les illusions pacifistes, en particulier des socialistes, puisqu’elles « rendent plus certaine la revanche allemande ». Dans ce pays français, décrit comme belliqueux et surarmé par la presse anglo-saxonne, personne ne songe à prôner une guerre préventive, même suggérée par le gouvernement de Pologne. En Grande-Bretagne, le Times et le Manchester Guardian. La couverture du Times est presque inexistante et la position éditoriale se veut très rassurante. Trois articles mentionnent bien les violences électorales, sans noter qu’elles se poursuivent plus meurtrières après le scrutin. L’éditorial conclut, de façon ambigue, que le résultat électoral est en accord avec ce qui était prévu et qu’il n’y a pas de parti vainqueur en face du cabinet… Il doute des chances de succès d’Hitler et compte sur von Papen pour le maîtriser. Ce dernier devrait aussi chercher à obtenir pour l’Allemagne l’égalité en fait 193 J. des débats, 31-08-01-p2, Races et frontières à l’Est. -04-p3, La politique allemande des minorités. -05-p1, La théorie du fascisme (A. Albert-Petit). 194 J.des débats, 31-08-02-p1, Le général von Schleicher et le nouveau Reichstag (P. Bernus). -03-p1, Les idées et les chiffres (A. Albert-Petit). -04-p1, Le gouvernemnt du reich et les hitlériens (P. Bernus). -03-p1, Les idées et les chiffres. -03-p1, Les fictions dangereuses. 90 d’armement. L’éditorial ne souffle mot des premières rumeurs, dans les pages financières, d’une « révision » par le Reich, de ses créances commerciales cette fois… : …result of election is in accordance with expectations… (Victory) goes to none, (only) victor is government. (It is) undoubtedly monarchist but has probably no intention to change Constitution… President Hindenburg whom all the world knows for a man of his word, has taken oath to Republic… this government will attempt to (gain) equality in armaments. But most important is necessity to maintain order. Germans have been excited to partisan fury in a series of election. Vote has been followed by atrocious violence, (these) despicable outrages should cease. 195 Les articles du Guardian nous donnent un compte-rendu aussi restreint, mais plus efficace. Ils expliquent la violence nazie meurtrière endémique et la complaisance de von Papen. Cependant, si le nouvel éditorialiste, W.P. Crozier, 196 tient à se rassurer du fait qu’Hitler a manqué sa chance en n’ayant pas la majorité absolue au Reichstag, on rappelle bien dans les articles que la lutte pour le pouvoir est à l’extérieur… L’éditorialiste est donc le seul optimiste sur les perspectives à venir. Il oublie les violences nazies, prétend qu’on pourra canaliser ce mouvement en une forme inoffensive, néglige l’aspect dictatorial et militariste du cabinet actuel et suggère même la suppression du parti communiste pour recréer une majorité factice. Il se rappelle enfin que les tarifs douaniers américains contribuent à la récession mondiale et aux difficultés sur les dettes européennes, mais il oublie, lui aussi, les rumeurs d’une autre « révision » par le Reich de toutes les créances privées. Lord Cecil, porte-parole pacifiste du gouvernement, poursuit avec plusieurs autres sa campagne pour fournir à l’Allemagne l’égalité des droits en armement et pour le désarmement de ses voisins : Articles; … Nazis disproved that Communists are agressors in the affrays which have grown since government came in power, (and which) has been defeated in parliamentary sense. Struggle for power (is) extra parliamentary… (Nazis) outrages are worst. Councellor Struff murdered in his bed, (Another) shot dead at home. Incendiary bombs thrown in offices of journals… almost all are committed by Nazis, (allowed) to do almost anything with impunity, government press is packed with false reporting… 197 Édito; Responsible politicians realize that American tariffs has made payments of war debts impossible… Nazis failed absolute majority. Hitler nor his colleagues desire to act against government, in confidence toward the future… Von Papen and von Schleicher will canalize nazi movement into harmless nationalism. Decrees must have stamp of Reichstag, it might be with Center party (or by) suppression of Communist party. 195 N.Y.Times, 32-08-02,p10, The German Election (editorial). 196 Sioniste engagé, il reste un appui du gouvernement allemand, mais s’opposera bientôt au nazisme. 197 Man. Guardian, 31-08-01-p9, Recrudescence of Disorders. -02-p9, German Elections and After. -03-p9, Dictatorship to Continue. -04-4, Nazi Outrages Continue. -04-p9, Emil Ludwig, Why he became a Swiss Citizen. -05-p4, Nazi Terrorism Continue. 91 Both Red and Black internationals will (only) play obstruction for months. Pacifistes; We should press for all, disarmament imposed to Germany… (Intelligent) French realised it is impossible to maintain artificial superiority. Equality (is) unassailable ground… French nationalist papers continue alarmist articles about Reichswehr… Radical papers have dropped disarmament policy. (So,) Mr. Blum (is alone to say that) von Papen is less dangerous than Hitler (and that) the other nations can only by disarming, prevent rearming of Germany. 198 En somme, on a l’impression d’une certaine gêne au Times, avec sa couverture discrète. On ne montre pas la violence plus meurtrière de l’après scrutin, malgré les concessions internationales obtenues. L’éditorial conclut étrangement que le résultat était prévu et qu’il n’y aurait pas de parti vainqueur... Il compte sur von Papen pour maîtriser ou intégrer Hitler et rien de fondamental n’est changé pour les affaires. Les journalistes du Guardian sont plus diserts sur la violence, qu’ils imputent avec raison aux hitlériens et à la complaisance de von Papen. Cependant, l’éditorialiste atténue la violence nazie, « dont le mouvement peut être canalisé en forme inoffensive ». On s’accommode donc, à Londres, d’un régime autoritaire, pourvu qu’il sauve les apparences parlementaires et on oublie que les décrets Brüning (juillet-déc. 1931) ont déjà orienté le Reich vers l’autarcie sous l’égide du complexe militaro-industriel. 199 Aux États-Unis, le New York Times, le Washington Post Malgré une couverture limitée, les éditorialiste et journalistes du Post donnent un bon aperçu de la radicalisation en Allemagne et de la violence, sans atténuation de la victoire hitlérienne et de ses effets possibles : dictature et réarmement. Si un article discret mentionne qu’une conférence internationale devra enfin traiter des tarifs douaniers et des autres barrières érigées contre le commerce, le sénateur protectionniste Borah 200 réitère que tous les problèmes économiques proviennent des dettes interétatiques de la Grande Guerre et qu’il faut donc poursuivre leur élimination après celle des réparations allemandes, tout en désarmant les débiteurs des États-Unis, surtout les voisins de l’Allemagne : Édito; …confusion is worse. Hitler fell short of majority, (however) his followers are twice as numerous… (This election will result in) more bitterness, bloodshed (in spite of emergencies) in financial, economic and 198 Man. Guardian, 31-08-02-p8, Two Ways with the War Debts. Reich Elections (édito) .Man. Guardian, 31-08-02-p9, Opinion in France. -03-p9, Lord Cecil on Disarmament. -04-p4, Germany and the New Regime. -08-05, French Fears of German Rearming, Alarmist Campaign in Nationalist Press. 199 Réf. Chapitre 1, l’Allemagne de Weimar. 200 Wash. Post, 1932-08-04-p1, Borah Favor Debt Erasure in Trade for Disarmament. 92 armament questions… Contentions will continue (with a) junker- capitalist cabinet leaning toward dictatorship or monarchy, already threatening peace with its intention to disregard Treaty restrictions about army… (With) strength of Fascists and Communists, (no) settlement of European troubles need to be expected until that country become stabilized. 201 Le NY Times fournit une couverture importante de l’élection et est le seul très positif sur les perspectives en Allemagne, même plus que les éditorialistes londoniens. Quelques articles contredisent cet optimisme. Cependant, le correspondant à Berlin (F.T. Birchall) soutient le chancelier von Papen déclarant que l’électorat a renié la violence de tous les partis et qu’un « nouveau genre » de gouvernement remplacera l’« ancien » et qu’il reprendra « l’idée américaine divisant l’exécutif et le législatif ». Birchall est rassuré par le manifeste d’Hitler demandant la poursuite du combat sans pause… Pour l’éditorialiste, intégrer Hitler au cabinet sera une victoire pour la démocratie. On atténue le fait que le Reich, après l’abolition des réparations de guerre, entend réviser aussi ses créances privées. Finalement, on continue la campagne pour désarmer la France et ses alliés et pour appuyer l’Allemagne, en donnant la tribune aux pacifistes et politiciens qui veulent poursuivre dans cette voie : (sénateur Borah en 4.5 colonnes, sénateurs C.A. Swanson et N.H. Davis, délégués à Genève). 202 203 FT Birchall : Nazi party get only 37 %, (possibly) reached its climax. (Centre party won victory) with pivotal position. (Germans do not) trust parties, (von Papen’s) independance is truer, (trying a new system) that differs from old parliamentary responsability… (for) law and order. American idea of division between executive and legislative (is carried further). Manifesto from Hitler is especially mild, it says (continue) the fight with renewed energy… Tragedy for Hitler (is) it’s triumph always beyond the horizon, (his impossible program) again postponed. Édito : election was disappointment to (find a) majority capable of governing, (but) Hitler’s party failed to win the mandate (of race and hatred) policies and provocation in foreign affairs… (To draw Hitler) into cabinet would be victory for democracy. Sunday’s election was a victory for moderation and Republic. (Von Schleicher expressed) admiration for Hitler, said his movement must be used because it is fired with faith... 204 Articles; Nazi orators shout for ending tributes… Hugenberg called for reduction of interests (or) of debts… (but should cabinet) intervene in private debts, (it would) injure confidence in nation’s credit… pacifistes; Mr. 201 Wash. Post, 1932-08-03p1, U.S. Accepts World Parley Bid of Britain. -02-p6, Germany’s Political tumult . 202 NY Times, 32-08-01-p8, 287 Arrests in Berlin (dizaines de morts et blessés). -01-p8, Milled in Reich as the Nation Votes. -02-p4, French Gratified Nazis Fell Short (democracy has failed and the parties of violence have been the most successful). NY Times, 32-08—05,p29, Tariff Walls Rise Higher Over World. 203 La conférence de désarmement de Genève, à partir de février 1932, verra à nouveau les Anglo-saxons appuyer l’Allemagne à l’encontre de tous ses voisins et en particulier de la France. Les congressistes améticains Swanson et Davis seront particulièrement zélés à cet effet. Voir, chap. 1, p41-42. 204 NY Times, 32-08-01-p1, Right Parties Fail to Carry Germany (F.T. Birchall). -01-p8, Cabinet Likely to Continue. -02p1, Election Gives reich New Kind of Regime (Birchall).NY Times, 32-08-02,p16, The German Election (éditorial). -04p6, Hitler is Praised by Von Shleicher. 93 Warner, (former Assistant Secretary of Navy), declared France would find 350 fighters sufficient (instead) of 5000 planes she now has… General Liautey said that French army was (not so powerful) and speaked about military organizations and spirit of violence in Germany. Westarp replied (that) increase of Hitlerites and violence (were because) injustice on which economic life was based… Amount of reparations was indefinite, uncertainty produced financial and political trouble, (but) Germans have shown (far more reasonable behaviors than expected… 205 Aux États-Unis, on est donc choqué par la violence allemande et l’éditorialiste du Washington Post s’inquiète des effets mondiaux de la déstabilisation du pays. Malgré la violence nazie expliquée dans ses articles, l’éditorial du NY Times (avec son correspondant F.T. Birchall) entérine le cabinet autoritaire von Papen et atténue la dangerosité du nazisme. La politique extérieure allemande restera modérée… Si on mentionne discrètement qu’il faudrait une conférence contre les barrières commerciales, on escamote les rumeurs d’une révision des dettes privées allemandes, après l’abolition des réparations devant l’empêcher... D’autres objectifs prennent la vedette. Pour Wall Street, c’est l’abolition de toutes dettes de guerre nationales (aux dépens du contribuable) et pour le département d’État, c’est le désarmement des pays débiteurs, surtout voisins de l’Allemagne. Le tout est « justifié » par le sénateur Borah. 206 Il prétend toujours qu’effacer les dettes de guerre des actifs nationaux n’aurait pas d’incidence significative sur les bilans comptables et que depuis 1914, les budgets militaires de tous les (autres) pays disparaitraient, en quelque sorte, des flux économiques. M. Borah n’explique pas pourquoi ce phénomène de disparition monétaire (en sus de celui des passifs) n’existe que depuis 1914 et ce qu’il advient des soldes et autres paiements. La fin des versements de la France sur sa dette américaine, avec celle des autres pays, n’aura évidemment pas l’effet de relance escompté par ce génie de la finance. En conclusion pour cet évènement, l’évolution de la politique allemande est perçue des plus dangereuses chez les Français désabusés. Sauf au Times de Londres, les quotidiens anglo-saxons montrent bien l’expansion du mouvement nazi et ses violences avec l’assentiment du cabinet von Papen. L’éditorialiste du Guardian suggère l’éviction des élus communistes pour former une majorité parlementaire (favorisant Hitler et alliés 207 ), solution qui sera mise en œuvre sous peu. L’éditorial du Times, prétend simplement que les 205 NY Times, 32-08-03-p1, Reich Would Seek Private Debts Cut at World Parley (Birchall). -04-p15, Issue at Parley Unlikely. -03-p2, 80 % Air Force Cut Urged at Williams. -04-p1, American Delegates Discuss Arms Parley. -04-p15, Text of Borah’s Speech on the War Debts and World Parley. 206 Président du prestigieux Foreign Affairs Committee, bi-partisan, aux États-Unis. 94 résultats étaient prévus et compte sur von Papen pour intégrer Hitler, comme son homologue du NY Times qui y verrait aussi une victoire pour la démocratie. C’est le sénateur Borah qui semble le mieux résumer et justifier les objectifs de Wall Street et du département d’État; effacer toutes créances interétatiques aux dépens du contribuable, désarmer les pays débiteurs des États-Unis, surtout voisins de l’Allemagne. Personne, chez les Anglo-saxons, ne semble se demander pourquoi l’extrémisme allemand a toujours le vent en poupe, malgré les mesures d’apaisement obtenues, 208 on cherche, contre toute attente à les poursuivre au détriment des voisins de l’Allemagne. 207 Il passerait ainsi de 46,5 % à 58,5 % des sièges du Reichstag. Hilter le fait d’ailleurs en mars 1933. 208 Évacuation de la région du Rhin avec cinq années d’avance, abolition complète des réparations de guerre, garanties anglo-saxonnes pour l’égalité des droits en matière d’armement. 95 CONCLUSIONS A) Résumé des observations Les explications sur la situation de l’Allemagne et de l’Europe se scindent rapidement entre deux groupes opposés à partir de l’évènement no 2 (Manifeste Brüning, 1931-06-06). En France, on reste toujours très inquiet de l’évolution politique allemande. Chez les Anglo-saxons, les explications sur les crises allemandes font bientôt place à une guerre médiatique totale contre la France. Par ailleurs, la violence électorale allemande ne semble nulle part perçue excessive et cela doit s’expliquer par son degré usuel (électoral et sociétal) dans tous les pays. 209 Cette indifférence envers la violence s’effrite rapidement chez les Français, qui en sont très alarmés en juillet 1932. À ce moment, elle s’atténue un peu au Washington Post et au Manchester Guardian, mais persiste dans les deux Times où l’on tente probablement de rassurer les marchés. Les reportages sont partout similaires sur l’élection allemande de septembre 1930. Trois éditorialistes anglo-saxons restent sereins, au Washington Post et aux deux Times, malgré leur surprise devant la poussée extrémiste. Ils l’expliquent « fortuite et temporaire », simplement causée par un surcroît de chômage, pourtant considéré dans la normalité. Cette explication est contredite par leurs propres reportages montrant, comme ceux de France, maintes causes sociopolitiques. Le NY Times cite quelques économistes et banquiers rassurants pour les marchés. Par contre, l’éditorialiste du Guardian appuie déjà totalement les nationalistes allemands. Pour lui, il faut abolir tous les traités européens pour faire cesser les « souffrances extrêmes» du peuple allemand. En France, la poussée nazie est expliquée comme un mouvement de fond qui est cause principale d’instabilité économique, mais on admet que le chômage ravive la poussée extrémiste. Le Guardian et le Journal des débats, aux antipodes des choix politiques pour l’Allemagne, anticipent néanmoins avec précision les évènements à venir de la politique allemande et de la diplomatie européenne. C’est avec le Manifeste de Brüning (1931-06-06), que les explications sur les crises allemandes se scindent en deux partis. Les Français réfutent tout son plaidoyer, 209 Les violences électorales, entre syndicats et patrons, raciales ou coloniales étaient courante dans tous ces pays. Voir chap. 1, p16-26. 96 dénoncent les failles budgétaires du Reich, son réarmement à l’encontre des traités, son agitation menaçante pour l’économie et la paix européenne. L’éditorialiste du Journal des débats avertit des conséquences néfastes d’une acceptation de ces thèses. 210 Mais Brüning obtient le support de la grande majorité des Anglo-saxons. Pour eux, la crise allemande est avant tout économique, provient des réparations de guerre et c’est elle qui provoque la crise politique. Ainsi, la relation de cause à effet est-elle à l’inverse de celle expliquée par les Français. Si les éditorialistes du Washington Post et du Times restent sceptiques sur les actions de Brüning, ils pensent appuyer un « modéré » à l’encontre des extrémistes. L’intervention massive de germanophiles, anonymes ou non, fait échos à la presse allemande. Le Times ajoute celle du gouverneur Norman (Banque d’Angleterre, partisan du Reich 211 ), le Washington Post cite le sénateur Borah, autre sympathisant du Reich. Au NY Times, on ajoute « la plupart des officiels du Département d’État ». Le tout commence à prend la forme d’une guerre médiatique contre le plan Young, avatar du traité de Versailles. Le projet de moratoire du président Hoover (21 juin 1931), sur les dettes interétatiques, est accueilli avec enthousiasme par la presse anglo-saxonne. L’éditorialiste du Washington Post avoue plusieurs fois qu’elle est « marshalled » en support du président. Pour celui du Times, ce moratoire est la « preuve indubitable », 212 malgré tout circulaire, que la crise allemande s’est aggravée… On crée l’illusion de joie et d’appuis « universels » en multipliant des témoignages allemands et anglo-saxons. 213 Les Français rétorquent que les difficultés du Reich proviennent de l’agitation et que les réparations sont une faible part de son budget. Les critiques contre ces arguments, au Guardian et au NY Times, sont méprisantes. Il n’y en a aucune envers les arguments issus de Washington, Londres, Berlin, d’Hitler et même de la Pravda de Moscou. Nous devons toujours constater l’absence d’une explication des effets de la crise économique en Allemagne, sauf dans quelques entrefilets 210 « On sera surpris de la rapidité de leur rétablissement si on cède à leurs pressions ». Ce qui sera le cas, même chez les historiens de l’économie. Il décrit bien les premiers objectifs stratégiques du Reich atteints avant la Seconde Guerre. 211 Depuis 1922, Investissements massifs dans le Reich, attaques financières et monétaires contre la France et ses possibles alliés, en accord avec la diplomatie du Foreign Office. 212 Pourtant circulaire, et faisant suite à la simple parole du président von Hindenburg. 213 Cette fabrication d’un appui « universel et enthousiaste » pour le président n’est pas rare dans la presse américaine et britannique, même actuellement. 97 qui réfutent les thèses de Brüning ou donnent d’autres causes à la récession mondiale. 214 Par contre, les intervenants anglo-saxons relaient des raisonnements financiers forts hétérodoxes, 215 qui sont une liste de souhaits des nationalistes allemands et de banquiers trop investis en Allemagne. Il y a aussi une première contestation de la légitimité du gouvernement français, « argument » atavique, semble-t-il, chez les dirigeants et les journalistes de Londres, Washington et New York, à l’encontre des gouvernements rétifs à leurs intérêts nationaux. La crise bancaire allemande du 13 juillet provoque bel et bien la panique dans la City. Les deux Times et le Washington Post rejoignent le degré de francophobie du Guardian. 216 Si l’éditorialiste du Post note que les Allemands ont exagéré leurs difficultés, il excuse le « génial » Brüning de ne pas avoir prévu l’évidence, l’affaiblissement du mark et la panique des créditeurs. On cite toujours Hitler, la Pravda et le banquier Norman, tous étrangement du même côté de la dispute. Il n’est toujours pas fait place à des études financières, mais on dénigre sans démonstration celles qui ont longuement préparé le plan Young pour les réparations. Ainsi, la plupart des explications sur les crises allemandes ou la récession mondiale ne concordent pas avec les faits historiques admis, mais reflètent des objectifs stratégiques occultés, 217 ainsi que ceux de certains banquiers de Wall Street et de la City. Le Temps, malgré un autre sursaut d’espoir de l’éditorialiste, rejoint le Journal des débats dans sa condamnation totale des politiques allemandes, à présent aussi des américaines et britanniques. 214 Faillite allemande (1920-23), mesures déflationnistes, guerre douanière et dumping américains, autres causes depuis 1928; Banque Fédérale à New York, tarifs douaniers des Hoover et Brüning, nouvelle menace de faillite alllemande et discorde diplomatique. On réfute sans preuve les seules faites sur l’Allemagne pour le plan Young. À ce propos, chap. 1, p7-8, 25, 30-31. 215 Les Allemands paient seuls pour la Grande Guerre et doivent en être exonérés; que des dettes de guerre « non saintes » (étatiques), contaminent le système des dettes privées; qu’effacer les réparations des actifs comptables de France et de Belgique, aurait moins d’impact sur le crédit d’Allemagne que pour elle le fait de répudier ses dettes privées (anglosaxonnes); que ce dernier pays n’a pas à rembourser ses créditeurs parce que ces derniers sont aussi débiteurs d’une tierce partie (des États-Unis). 216 Avec cet autre postulat allemand; la responsabilité française pour tous problèmes européens…Attaques financières, militarisme, réarmement, traité peut-être militaire avec les Soviétiques, tous imaginaires… 217 P.M. MacDonald et banquier Montague Norman; abolir les dettes de guerre britanniques envers les États-Unis, consolider leurs investissements en Allemagne, affaiblir la France au profit du Reich. Pour le président Hoover; Sauver les capitaux de la FED en Allemagne, éviter l’effet domino sur les autres banques américaines, assurer la puissance de Reich contre l’Union soviétique, désarmer tous pays débiteurs, en particulier l’Empire français. 98 Au début de la Conférence de Londres (21 juil. 1931), on est soulagé au Guardian du refus allemand de tout compromis. Tous les Anglo-saxons réprouvent les demandes de garanties de la France et exigent une aide sans condition pour l’Allemagne. Les Français restant inflexibles, les éditorialistes croient aussitôt que la crise catastrophique se règlera par les solutions fort simples des Brüning, 218 Hoover et MacDonald. Toute la presse anglosaxonne conclut néanmoins qu’il faut choisir entre la révision de tous les traités ou un chaos européen. On réhabilite les extrémistes allemands tout en dénonçant les Français comme militaristes extrémistes, ceci toujours à l’inverse des réalités objectives. Après la conférence pourtant, des notables et des banquiers américains peuvent dénoncer l’inutilité des mesures prises, montrant que l’approbation « universelle » pour Hoover était fictive. 219 La guerre médiatique contre la France s’allège bientôt (sauf au Guardian), en attendant la conférence pour « son » désarmement. On ne perçoit pas les premiers effets du gel de toutes créances étrangères en Allemagne, qui mènera à la Grande Dépression dans quelques semaines. En France, l’éditorialiste du Journal des débats en conclut que la conférence était un traquenard pour la France. Il s’attend aux prochaines attaques des trois puissances alliées contre la France. 220 La presse anglo-saxonne est moins unanime sur l’élection allemande de juillet 1932. Sauf au Times de Londres, elle montre l’expansion du mouvement nazi et de ses violences approuvées par le chancelier von Papen. L’éditorialiste du Guardian suggère l’éviction des communistes pour faire une majorité parlementaire (favorisant Hitler 221 ). L’éditorialiste du Times prétend que rien de fondamental n’est changé pour les affaires et compte sur von Papen pour intégrer Hitler, tout comme son homologue du NY Times. Au Washington Post, on appréhende les difficultés politiques à venir. Chez les Anglo-saxons, personne ne se demande pourquoi l’extrémisme allemand a le vent en poupe, malgré « leurs » mesures d’apaisement, 222 ou ne songe à critiquer les déclarations sur une prochaine « révision » de toutes les dettes étrangères par le Reich, ceci après l’abolition des 218 Cependant trop tardives pour le contrôle des changes et généralisées pour le gel des créances. 219 Des milieux bancaires en particulier, qui pensaient comme les Français que le Reich pouvait régler la crise de luimême. 220 États-Unis, Grande-Bretagne et Allemagne. 221 Il passerait ainsi de 46,5 % à 58,5 % des sièges du Reichstag. Hilter fera d’ailleurs ce geste en mars 1933. 99 réparations devant l’empêcher… À Paris, les deux quotidiens sont au diapason à l’encontre de l’Allemagne et sur l’exigence de plus de fermeté pour la défense. Même l’éditorialiste du Temps n’a pas plus confiance envers les von Papen et Schleicher, qu’envers les nazis. Il critique les pacifistes qui, avec leurs « illusions » de sécurité, rendent plus certaine la revanche allemande. Force nous est de constater que la couverture des quotidiens français apporte une explication des six évènements-clés de loin la plus compatible avec les récits historiens que nous avons consulté et que les conséquences qu’ils ont supposé des choix anglo-saxons se sont bel et bien réalisées par la suite. B) Réponses aux hypothèses Notre hypothèse voulant que la perception des crises économiques et politiques allemandes serait différente dans chacun des pays ne s’est pas confirmée entre pays anglosaxons. Si la description des luttes politiques allemandes est correcte dans la presse des trois pays, 223 les Anglo-saxons ne perçoivent pas le nationalisme et le militarisme de Brüning comme similaires à ceux des partis extrémistes (sauf l’éditorialiste du Guardian, en accord avec eux). Après leur première victoire électorale (juillet 1932), les nazis sont admis comme des politiciens valables, tout comme une « semi-dictature» allemande. Les Anglo-saxons prétendent aussi que l’Allemagne est restée désarmée et conciliante et que les Français lui imposent des humiliations continues depuis 1919. Ces perceptions de la presse anglo-saxonne sont bien au cœur de ces « années d’illusions » dénoncées par la suite, même par les historiens de ces pays. Pour ce qui en est de la crise économique, une seule description importante est parue dans le Times (évènement 2), elle infirmait les discours catastrophistes allemands. Quelques entrefilets apparaissent aussi positifs à ce propos, mais ces éléments ne sont pas tenus en compte dans l’argumentaire. Les Français donnent aussi peu de détails sur la récession allemande, mais s’opposent au postulat catastrophiste diffusé par Brüning et à l’invalidation des études ayant mené aux plans Dawes et Young pour le règlement des réparations de guerre. 222 Évacuation de la région du Rhin avec cinq années d’avance, abolition complète des réparations de guerre, garanties anglo-saxonnes pour obtenir l’égalité des droits en matière d’armement. 223 Extrémisme nazi et communiste, violence, probèmes budgétaires, instabilité parlementaire, « semi-dictature. 100 Nous pensions dans l’hypothèse « 1 b », que la cause de ces crises allemandes serait perçue principalement économique chez les Anglo-saxons et politique en France, mais qu’il y aurait des points communs au plan économique. Or, les explications sont aussi opposées en ce dernier domaine. En France, on admet que la récession mondiale a quelques effets sur le chômage et le vote extrémiste allemand, mais on ajoute que les nationalistes et les nazis progressaient déjà d’eux-mêmes et que c’est leur agitation, avec celle de Brüning, qui aggrave le déséquilibre financier du Reich. Ces explications demeurent tout au long de notre étude et sont corroborées par les travaux historiens consultés. Dans le Guardian, tout à fait à l’opposé, ce sont les seules injustices du traité de Versailles qui, en maintenant la dérive économique allemande, exacerbent un nationalisme salvateur. Dans les trois autres éditoriaux anglo-saxons, la poussée extrémiste fait au début seulement suite au surplus de chômage, pourtant décrit comme normal et temporaire, même si cela est démenti par les articles montrant maintes causes sociopolitiques. Cependant, après le Manifeste de Brüning, tous les Anglo-saxons rejoignent le Guardian en acceptant le postulat d’une crise économique catastrophique causée par le plan Young, avatar de Versailles. Nous devons souligner le dénigrement sans preuve des seules analyses financières (1924-1929) ayant abouti à ce traité. Les explications voulues comme « toutes économiques » oublient donc les causes multiples et bien réelles de la récession mondiale et la déstabilisation financière provoquée par les discours du chancelier Brüning. 224 Durant la crise bancaire de Berlin (1931-07-13), les problèmes allemands relèvent tous des injustices du traité de Versailles, des militarisme et nationalisme français et des autres voisins de l’Allemagne, en fait de tous les Européens sauf des Allemands eux-mêmes… Nos hypothèses 2 et 3 supposaient qu’il n’y aurait pas consensus sur les conséquences des crises allemandes et bien logiquement, sur les mesures à prendre. Elles ont été vérifiées. En France, la crise politique primait sur l’économique. Les réparations de guerre n’étaient pas le problème du Reich, mais ses dépenses douteuses et son réarmement. On perçoit que l’agitation nationaliste a des effets négatifs sur la finance mondiale et sur la sécurité européenne et c'est elle qu’on doit calmer avant tout. Cependant, on offre toujours 224 Aux États-Unis; guerre douanière, surchauffes spéculatives, augmentation des taux d’intérêts par la banque fédérale (FED, 1928-29), faible quantité de numéraires, aggravant la déflation (France, Allemagne), chantages financiers allemands présentés comme des erreurs bénignes. 101 une collaboration économique franco-allemande en échange d’une trêve diplomatique. Chez les Anglo-saxons par contre, on en vient à penser que si les exigences des partis extrémistes allemands sont devenues la norme, c’est qu’elles sont fondées… Ils décident donc de les satisfaire en demandant la révision, puis l’abolition des réparations. Il leur faut aussi affaiblir militairement la France, perçue comme menace principale pour la paix. Les dirigeants anglo-saxons, en prétendant l’éviter, obtiendront bel et bien le chaos économique et la course aux armements menant à la Seconde Guerre. Cela invalide donc, bien logiquement, leur analyse de la situation allemande et des bienfaits qu’ils prétendaient obtenir des solutions par eux imposées. Notre hypothèse 4 supposait que les opinions de la presse seraient en grande partie le miroir de celles des milieux gouvernementaux et financiers nationaux. Elle s’est révélée en partie exacte, mais avec quelques nuances. En France, l’éditorialiste du Temps a bien des prises de position similaires à celles des deux partis « radicaux » et des grands industriels et des financiers en faveur d’une collaboration avec l’Allemagne. De son côté, celui du Journal des débats est proche des nationalistes républicains, peu souvent au pouvoir, pas nécessairement des élites financières ou industrielles. Par contre, la presse anglo-saxonne reflète les opinions du chef d’État durant les crises, même de façon dithyrambique, mais seulement d’une partie des élites bancaires et diplomatiques, celles appuyant l’Allemagne. Les interventions d’une masse de germanophiles, anonymes ou non, au moment de ces négociations internationales peut s’expliquer en partie par les réseaux de propagande, aux États-Unis et en Grande-Bretagne, mentionnés par l’historien de la diplomatie Edward B. Bennett. Nous rappelons aussi les accoinctances germaniques de l’éditorialiste du Times, de plusieurs des députés britanniques, du dirigeant de la Banque d’Angleterre, avec quelques autres banquiers. 225 C) Conclusions générales Cette étude de quotidiens français, américains et britanniques montre que les « illusions », longtemps imputées à l’opinion publique, n’étaient pas tant constituées d’erreurs d’appréciation des réalités objectives, que de faits occultés et d’inventions, 225 Edward W. BENNETT, German Rearmament and the West, 1932-1933. Princeton NJ, Princeton University Press, 1979,p100-110. Par exemple, Margarete Gartner avait tissé un réseau de partisans qui étaient en mesure de placer des articles dans toute la presse londonienne, avait aussi circonvenu un groupe important de parlementaires. 102 souvent même farfelues, dans le cadre d’une guerre médiatique justifiant les choix de certains dirigeants financiers et politiques anglo-saxons. Leur diffusion systématique semble montrer que les méthodes de « fabrique d’opinions », formalisées dans les années 1920 par les W. Lippmann et E. Berneys, sont d’actualité à ce moment et que des réseaux de propagande allemands étaient efficaces aux États-Unis et en Grande-Bretagne, tels que mentionnés par l’historien Edward B. Bennett. Ces réseaux sont légitimes jusqu’à un certain point (diplomatie, reportages, conférences 226 ), mais les dirigeants allemands pouvaient aussi s’en servir pour subvertir institutions ou gouvernements étrangers (subsides occultes, chantages), méthodes aussi utilisées par le troisième Reich et usuelles chez les grandes puissances économiques ou politiques. À défaut de mentionner des études économiques réelles, la presse anglo-saxonne discrédite celles effectuées pour les réparations de guerre allemandes (1924-1929, plans Dawes et Young). Les Allemands se rallient une partie de leurs créanciers pour la promotion de thèses économiques fort hétérodoxes (comptabilité, éthique). 227 Pour l’élection allemande de septembre 1930, les éditoriaux des deux Times et du Washington Post se font rassurants en compagnie de banquiers ou de conseillers financiers désireux de rassurer les marchés. Durant la crise bancaire de juillet 1931 par contre, ces banquiers et financiers restent étrangement muets. Seul Montague Norman (banque d’Angleterre) y va d’interventions rassurantes. La première est bien étrange pour un banquier : « Les dettes de guerre étatiques « non saintes » nuisent au marché financier et ne méritent pas d’être respectées ». La seconde est plus vraie : « Ne croyez pas tout ce que vous lisez sur la crise ». Après les négociations financières ultimes de 1931, un entrefilet mentionne que « seulement deux banquiers » américains soutenaient qu’il fallait intervenir pour sauver l’Allemagne. Ces deux banquiers étaient certainement les plus près d’Hoover et pourraient donc être aisément identifiés. 226 Par exemple J.M. Keynes, chef libéral Lloyd George, Conférence du Count H. Kessler aux États-Unis dès 1922, (Germany and Europe, 1971(1923)). 227 Ainsi, le prestigieux sénateur Borah du Foreign Politic Committe et la Banque d’Angleterre avec Montague Norman; Les Allemands paient seuls pour la Grande Guerre et doivent être exonérés; des dettes de guerre « non saintes » (étatiques) contaminant le système des dettes privées; effacer les réparations allemandes des actifs comptables en France, aurait moins d’impact sur le crédit d’Allemagne que de répudier les dettes privées (anglo-saxonnes). Ce dernier pays n’a pas à rembourser ses créditeurs, parce que débiteurs des États-Unis. 103 La presse anglo-saxonne a aussi oublié de parler du budget du réarmement allemand, tout comme MacDonald volontairement à la réunion de Chequers. Cette « fabrication » d’une Allemagne désarmée devant ses voisins « militaristes » a préservé la bienveillance des opinions anglo-saxonnes pacifistes, tout en occultant les objectifs stratégiques du Foreign Office et du Département d’État, soit d’assurer l’hégémonie allemande en Europe pour contrer les Soviétiques. Force nous est de constater qu’en appuyant la révision des traités européens, la presse anglo-saxonne a contribué à l’instauration des chaos économique et diplomatique qu’elle disait vouloir éviter, tout en se faisant l’alliée, sans nécessairement le savoir, de la montée du fascisme en Allemagne. Pour l’historien de la diplomatie désireux de retracer les faits les plus objectifs, les sources diplomatiques ou d’institutions gouvernementales sont mieux structurées que les comptes-rendus de la presse, mais on ne peut exclure l’utilité de certains indices fournis par cette dernière, en particulier dans les pays où elle est diversifiés politiquement, comme justement chez les quelques démocraties européennes des années 1919-39. Les deux quotidiens français étudiés sont exemplaires à cet effet, ils nous ont donné des crises allemandes des explications proches de celles des historiens que nous avons consulté. Enfin, on ne peut nier l’utilité de toute la presse pour les faits contemporains toujours sous le sceau du secret d’État, ou plus simplement pour accéder aux narratifs et aux mythes sociétaux (ou « illusions »). En effet, qui rejoint le mieux la masse des populations et influence ses perceptions en relations internationales ? En tous les cas, elle le fait certainement plus que les thèses spécialisées et les sources diplomatiques, occultes à ses yeux. Richard Boulé, Université Laval, 2015-08-21. 104 Annexe 1 : Fiche d’analyse, essai initial 1— Article 01-01, Plébiscite allemand sur le plan Young du 1929-12-22. « L’échec du plébiscite allemand ». Le Temps, Paris le 1929-12-24, p.1. (première page deux colonnes sur six avec article connexe). 2— Résumé: Défaite pour les nationalistes racistes allemands-grave échec de Hugengerg malgré immense effort et dires extravagants des réactionnaires- division des nationalistes, car certains considèrent raisonnable d’agir dans le cadre républicain définitivement établi et d’éviter toute aventure pouvant retarder le relèvement de l’Allemagne- L’ensemble du peuple se rend compte des bénéfices de Young et La Haye- Tout gouvernement allemand ne peut que mettre en œuvre cette liquidation de la guerre- Mais le président de la Reichsbank (Schacht) poursuit une politique personnelle pour obtenir les sympathies de la droite et le cabinet Müller paraît singulièrement diminué- La situation politique commande la plus grande attention, car tout n’est pas dit après cet échec du plébiscite. Article annexe sur les résultats du plébiscite. 3— Mots clés d’opinion: Nationalistes racistes, dires extravagants des réactionnaires. Peuple se rend compte des bénéfices de Young et de La Haye, tout gouvernement ne peut que cette liquidation de la guerre. Certains nationalistes se rallient à la république, mais la situation commande la plus grande attention suite à l’affaiblissement du cabinet Müller. 4— Notation de l’importance visuelle : Grande/3 (Première page, deux colonnes /6 5— Notation de l’opinion neutre 0 Fiche d’analyse simplifiée utilisée 1—Numéro d’Article (s) 01-01, Évènement, page du registre. Journal, date-page. Nombre de colonnes- photos 2— Opinions; situations économique et sociopolitique. Adéquation des faits relatés. 3— Notation de l’opinion moyenne (entre -2 et +2) 4— Notation de l’importance visuelle (0 à 3) 105 Annexe 2 : Citations supplémentaires Évènement no 1, élection du 1930-09-14 Times, articles; In Germany, (there is a) misleading idea that all ills proceed from reparations plan… Creditor countries consider Germany should be standing the crisis better if finances had been better managed… Romantic ideas against Versailles played a part in revolt, (but) also mismanagement, (it) is admitted when Treaty revision is not discussed… (Politics) of Nazis; revolution of German soul and its capture, (settle) accounts with those who had led its astray… Everything depends on whether Reichstag (overcome) economic difficulties… Hitlerists anti-semitism, racial purity, economics, appealed to working class… (Commanders of their) detachments are connected with murder, (their) programme suggests violence against opponents, (but with) last words from Hitler, prospects clear considerably. édito; Germany need a strong Democratic government for reconstruction (and to) eschew dangerous adventures in foreign politics… Weakening of Moderates make it more difficult… Resentment against Peace Treaty (have) increase in spite of substancial remission of payments. (But) it would be a mistake to put too sinister (what) may be a transitionary phase… Orderly elements are largely preponderant. (It may be) expension will transform the nazi organization and that it will realize it can destroy confidence of the World upon which prosperity continue to rely… 228 Manchester Guardian, articles; Without definite programme, National Socialists stand against treaties, submission to dictation of other Powers and (for) the purging from Jewish and other influences. They are not Monarchists but for a modified Dictatorship. (For) near future, it is possible that parliamentary government will fail, (but long) Dictatorship is hardly to be feared althougth it will have consequences… corr. de Berlin; Elections are victory for radical protests, (not) reaction… It is (not) possible to describe Nazis as Fascists. (This) movement is a consequence of the way Germany has been treated since the so-called peace… (In Paris), explanation (is) British policy is responsible for result. (Wether one) is amused or depressed depends of the cynicism (he can) attain. 229 Édito; … (In) normal outlook, voters who (don’t usually vote) support stability… In Germany, those vote (are not a safety) for Democracy. (But) it would be mistake to take results too seriously. (Not all) fascists votes were for official antisemitism and rowdyism of the leaders; many (vote against) futility of conservatives. Goverment may became more liberal with a Great coalition… Fascist vote is a protest against economic distress, indignity of German position abroad, occupation of Rhineland that ended too late and innumerable hardships, inhumanities and humiliations, breaking of pledges to disarm, to protect minorities in Poland… Paris and Warsaw share responsability for this result (in) blindness to realities... 230 Washington Post, édito; Conservative forces, which (struggled) to rejuvenate Germany were buried under a fascist landslide… due to business depression, unemployment and taxation, Germans are turning to radical doctrines and quack remedies… (but there is no) wholesale conversion to reactionary policies of fascism nor to illusions of communism… moderate elements will be able to fend off attacks of the extremists (if) social democrats enter in (government) coalition… Hitler’s schemes were music to distressed Germans, but (they) must undergo a vast change before Republic is replaced by a mixed Italian-Russian dictatorship… (intervenant) Teutons give civilization something to worry about… observers feel that everything can happen now… Hitler (holding) balance of power, every countries will be affected by events in the Reich… The fact that 13,5 million Germans votes against their form of government may be discounted by business depression 228 The Times, 30-09-13-p10, Germany’s Choice. -16-p13, German Elections. -17-p11, League assembly speech by Herr Curtius. -p12, The German Elections. 18-p11, Centre and the Nazis, Coalition Opposed. -19-p10, German Elections. 229 Man. Guardian, 30-09-15-p1, Shots Fired in Berlin. -15-p16, Extremists Gains in Germany. -16-p10, Germany’s Verdict. -16-p11, The Possible New Governments. -16-p16, Geneva and German Elections. -17-p15, Germany and League Aims. Discourse of Dr. Curtius. England’s Part in Europe. -20-p17, Political Outlook in Germany. -22-p4, More for French Armaments.Man. Guardian 31-06-16, p11, German democracy I danger. -16-p11, The Possible new Governments. -16-p15, England’s part in Europe, Blamed for German Elections. 230 Man. Guardian 30-09-16, p10, Germany’s Verdict (editorial). -16-p15, Germany and League Aims. 106 or protest against burdens of defeat. (However, situation is) filled with gravest possibilities… Concessions to Hitler would appear to be unconditionnal surrender and to the establishment of a fascist dictatorship. 231 NY Times, articles négatifs; The campaign has afforded inflammatory agitation which, added to follies (of the) Reichstag groups, has serious political and financial repercussions. (Situation) is different from 1928. Prevailing spirit was reduction of reparations and evacuation of Rhineland (which has been achieved, but) paradoxal changes have been wrought, (everybody is claiming) for revision of Young plan and Versailles, without conciliatory procedure… Hitler (gained by) droit manners, he exploited social privations, (kindled) imagination of young voters, (fiery) nature of his oratory. Back it all, was the cry for dictatorship. (Prospects) for tranquility, required by domestic and foreign affairs, appear to be none too bright… (in Geneva, the) situation is considered worse… British and other optimistics believe that if Nationalists get the control, they will be chastened by responsabilities as with danger (for financial stability)… 232 Édito; …difficulties (are) traceable (to) excessive expenditures in public works and social insurances. Depression and unemployment aggravated (them. We can) assume the healing of breach between Socialist and Bourgeois parties, (arrangement) which shaped Germany since 1920. (Principle of those) coalitions has been reconciliation with Allies… (banquiers anonymes, économiste G.W. Edwards) Capable men of centre parties face foes who disagree in all. (National-socialist) party is a capitalist one. (True) that some of its leaders criticized banks for being internationalists and (have) virulent anti-Jewish feelings. However, this party has also active support of many industrialists (and is just an) other expression of nationalism, growing since the 1870’s… (édito.) Elections (are not) a disaster for moderate parties. (These have not) carried Germany very much beyond the situation of half a dozen years ago… 233 (17-21 sept.) Fascists discovered that they are without programme. (They) have reached their peak… (articles négatifs) If Fascists prevail, there would be repudiation of Versailles (and other things) which would compell military intervention by Allied powers… while there is impatience in German financial quarters over collapse of Young plan, (they) absolve Germany of all responsabilities… Britten, Head of the Naval Committee, says Europe is arming for explosion (as) election in Germany presage reconsideration of Treaties and boundaries… No one thought that parties of disorder would pool half of voters (for) entirely new political deal (or) « War of revenge »… Hitler’s fiery oratory has won all classes to support national-bolchevism and young generation whom may make of a new war of revenge... (éditorial) Nationalist upheaval of 1924 was followed by peace, President Hindenburg has served the Republic loyally… extremists, like predecessors will recognize the facts… (analyste financier Walter W. Ross) Investors need feel no anxiety. (It is) possible that Liberal and Labor will (take) government (or) Liberals may join conservatives. (It) would give more stable government that they have yet known. (Gratifying) fact is that there is a decided swing to nationalism (against the left, moreover) radical parties considerably and invariably modify philosophies as soon as they are invited to share power. 234 Évènement no 2, réunion de Chequers et manifeste Brüning 231 Washington Post, 30-09-15-p1, Germany’s Republic shab in Landslides of Radical Ballots. 30-09-16-p6, The German Elections. -21-p13, Germany.s Future also contains Key to europe’s Peace (Henry K. Norton). 232 NY Times, 30-09-14-p1, Gun Battle in Berlin in Eve of Election. -14-p55, Reich Elctions expected to show Stiffening of Nationalistic Sentiment.-15-p1, Fascists Make Big gains in Germany (G. Enderis). -15-p2, Fascists Glorify PanGerman Ideal. -16-p1, Moderates Chape Coalition to Held Power. -16-p3, League is Uneasy over German Vote (C. K. Streit) Clouds over Europe Cause London Gloom (C. E. Selden). 233 NY Times, 30-09-14-p53, Germany’s General Election. -16-p3, Bankers Minimize Reich Fascist Gains. -16-p20, The German Elections. 234 NY Times, 31-06-17-p6, Fears War Menace in German Election. -17-p1, Reich Cabinet Stays, Socialists to Aid It. -20p1, Expect the Reich Ask Reparation Changes. -20-p9, Germany Tranquil in Spite of Politics. -21-p8, Britten, Back, dees Distant War Sights. -21-pE3, Anti-semitic Fight Looms in Reichstag. -21-pE3, French alarmed by Reich Election. -18p26, Other German Election. -21-pN11, Bankers Here Holds German Bonds safe. 107 Times, German Scene; A traveller in Germany find difficulties to reconciliate evidences for his eyes and ears. (He see) abundant countries, clean solid cities, but ear that agriculture is decaying, (In) peasant’s homes (he finds) evidence of comfort. (In) cities, he is told of unemployment and bankruptcy, (reparations) or other Treaty provisions are blamed, (but he) see many well filled shops, busy factories and neatly dressed solid people, (read) that Germany’s exports exceeded those of Britain and (prove) more resistant than americans, (but also see) a closed store, factory or coalmine, unemployed eating in public kitchens. (The traveller) concludes that if the times are bad, they are not worse than elsewhere as this is often printed.édito; Correspondants have shown desperate state of national finances… (Struggle for) livelyhood form the staple topic of a people liable to mass suggestion and convincing himself that only the relief of burden imposed from outside can save the country. Reparations, a just form of restitution (are) called « tribute payments », public men talk about « plunder system of Versailles ». Wicked exaggerations and falsehood… Present government made efforts against damages done by earlier mismanagement, (Brüning) may legitimely plead, (but) Germany must help herself… 10 juin; Is it too sanguine to hope (for) reconsideration of war debts ? Those paid by the same medium as commercial debts, though they do not owe (the same origin), must inevitably impede normal exchange… However firmly Americans hold that there is no connection between war debts and reparations but exist a connection with disarmament, (that) view is not accepted by most… In Germany, (the) flow of public sentiment (is) toward hitlerism (a party) wich stands for the overthrow governement and reparation payments. Are the Germans finding their burden so intolerable (as to regard) repudiation by revolution ? No evidence has yet been provided that Germany is incapable of payments to which she agreed a year ago. It may be hoped that it will rally to the moderate counseless of its chancellor ». 235 NY Times, de Washington; Senator Borah (said that) conditions in Germany are just as bad as they can be, (revision of reparations is just), the misery of the working people (is) a calamity the evil consequences of which, its inhumanity, no tongue can properly express… These statements runs along with officials of Administration ; one of great causes of depression in Europe (is) armaments of nations other than Germany in violation of Versailles; (germany may step outside) the Young plan and this would be a call for a new conference… Correspondant à Londres; Brüning’s cabinet (is determined to show) how serious is their plight and how it needs easier terms… Hostile critics (accuse them) to bring dramatic climax to their story of distress, (French and Polish), the Britain public or government (take) the situation seriously… political disturbance (may produced) a soviet or fascist regime (and) cessation of payments. 236 Info; In (German) financial circles, opinion exist (that) Germany has no ground for moratorium. Owing to export surplus of last 16 months, difficulties of transfert in currencies are more remote than ever… service of the loans of Young plan is not threatened and safe… édito; manifesto indicate hope for Germany, (revision of Young plan). Presuppositions have been shown wrong… government has made a determined effort to balance its budget. It is impossible to finance through foreign loans after the impairement of credit abroad. Domestic loans appear to be out of question… record of British Labor Party is not philo-french, today there is obvious recognition in London that basis for peace is cooperation (with) France. P.J. Phillipp à Paris; French incline to believe that Germany has been more active in getting rid of her burdens than to practicing self help… By skillful diplomacy… adroitly making use of that sympathy from war years, French succeeded in having their debts reduced, then transferred onto Germany the burden of their payments… Former ambassador Houghton declared that (to) impoverish German people might prove expensive experiment. Behind Germany stands Russia with program of destruction… 237 Évènement no 3, moratoire Hoover Journal des débats; …les Américains ont consenti d’énormes crédits en Allemagne, (cela) a beaucoup contribué à la crise. (Ce projet) est de la charité bien entendue. (Il) ne resterait rien du (récent) plan Young. 235 Times, 31-06-10-p17, The Visit to Chequers (éditorial). -06-p13, The German Visit (éditorial). 236 NY Times, 31-06-07-p1, Debts are linked to arms. Britain Promises no Help. Upheavel in Reich Feared in Geneva. Discount German Effort. German Manifesto. -08-p15, Germany’s Hope. 237 NY Times, 31-06-08, Berlin Sees Hope. -08-p15, Germany’s Hope. -09-p1, France to Oppose Debt Link to Arms (P.J. Philip). -06-10-p1, Houghton Warns We Must Aid Reich. -10-p23, Paris Keep Cool. 108 (L’Allemagne l’aurait obtenu avec son) cynisme larmoyant ou menaçant. Sa situation est due à une gestion éhontée (et) une politique qui menace l’Europe. (On l’incitera à persévérer), sa politique deviendra plus dangereuse… Ces méthodes diplomatiques (de Hoover et MacDonald détruisent) les accords les plus minutieux (favorisent les) gouvernements (qui usent du chantage pour) se débarrasser de leurs charges… (Hoover) entend disposer de sommes (qui) reviennent aux pays éprouvés par la guerre (au profit) d’un état (qui) se prépare à attaquer l’organisation de l’Europe, convoite de tous côtés des territoires… Sous prétexte de garantir la paix, on (travaille) pour la guerre. (Demain), c’est peut-être une question territoriale que posera un gouvernement voulant pousser sa pointe… 238 Ces déclarations de Brüning (sont banales). Berlin s’est toujours montré favorable aux rapprochements si la France fait les frais… (Ses amis déclarent) avec joie que ses dettes seront (annulées)… On reconnait (que) les réparations devraient être payées, mais que les Allemands (y) attribuent leurs difficultés, (et) qu’en résulte un esprit dangereux… le même raisonnement pourra être fait quand l’Allemagne (exigera) qu’on dépèce la Pologne et qu’on rectifie sa frontière occidentale. Croit-on établir ainsi la paix ? Le moratoire ne (règlera rien. On le voudra définitif)… (Son) gouvernement (vise la destruction des traités et une Pangermanie. 239 Manchester Guardian, édito; (Hoover) opens way to revision of attitude between Nations. (Refute) French propaganda (by) politicians who have advocated repression for 13 years. What to be expected is (entire revision) of reparations and Treaties. With persistent shrewdeness, France advantaged herself (suspension) of debts cannot be a solution (and) Europe will not return to a regime (of) ruin… France would give up 5 % of budget, but it (is not) a much heavier burden than any other… Révolution; Hoover’s proposals (violate the) agreements for reparations, (undermine) entire agreements since Versailles… (We) were living in impossible world, impossible treaties, (a building) condemned by all intelligent observers… (French) would make greatest sacrifice (by securing our) loans, (anyway, to restore the defeated powers will need to be thrusted)… If France had received the unconditional part of annuities, Germany would have been relieved, (but with discouragement after hopes for revision). religion; (Debts of war) are of special character. (There) is no conviction about the moral to pay them. (Sanctity of French claims are ridiculous, few) feel that these are on same moral plane as ordinary debts; they can be erased without any grave shock to credit such as would have followed if Germany had to suspend payments on other debts. 240 Articles; Hoover’s programme is culmination of (months of efforts) by most intelligent leaders of politics and business, whose views expressed would have been read throughout the world. (They) agreed that Germany would inevitably be compelled to postpone reparations… German plight might led to gravest economic and political explosions… World’s opinion may induce France to accept this (sacrifice. She then will be entitled) to some sympathy. Hindenburg’s appeal (was because) of a request from (Hoover, in search for authentic) informations… 241 NY Times, mépris; (In finance) their representatives never seem able to rise higher than parochial scale of though, (have seldom) if ever, shown themselves wise creditors and good neighbours. (War-mindedness) still obsesses them. (Newspapers) mentality has not evolved from the armistice with « Germany must paid and hang the Kaiser » slogans. (It) is believed that France is called to make sacrifice for Germany which by her 238 Journal des débats, 31-06-22-p1, L’initiative de M. Hoover (Pierre Bernus). -23-p1, Ou conduirait la plan américain (P.B.). -24-p1, Que fera le gouvernement français ? -24-p1, Le parlement et la proposition américaine. 239 Journal des débats, 31-06-25-p1, Le triomphe de l’immoralité. -26-p1, Aujourd’hui et demain. -27-p1, Finance et politique internationale. 240 Man. Guardian, 1931-06-22-p8, President Hoover Takes a Hand. -23-p10, Hoover and France. -26-p8, What To do in a year ? -06-24-p8, The Hoover Tonic. -25-p8, Debts, Bad and Good. 241 Man. Guardian, 1931-06-22-p9,Mr. Hoover’s Plan and Disarmament. -22-p9, Bold Reversal of Policy. -23-p10, Our London correspondence, Waiting on France. -23-p11, Hoover Plan at Home, approving Chorus. -23-p11, Mr. Hoover’s final consultation. -23-p11, Good Markets Folllow Hoover Plan. -23-p15, Markets reacts, Vigorous rallly, German Jubilation. -24-p9, Mr. Keynes on the plan. -24-p13, Rotarians and Hoover Plan. -25-p4, Mr. Sowden on the Debt Plan. -25-p9, Washington Disappointed with France Reply. -25-p15, Money and Stocks financial editor. -27-p12, France Aims at Profit. -27-p13, Danger for Germany. 109 fault has fallen, (since) there are bad faith in her present difficulties. (These views, small and near sighted, come) from hysterical days when Nations promised France full compensation for devastations… French (fail) to realize changed circumstances… Amour de l’Allemagne; Venerable President Hindenburg was deeply concerned over German situation. (saying that Young plan) put economy in danger… Opinion in Washington is that proposal may result in revision of Young plan, even that it has failed… Britain hails relief. (London) will have no sympathy (for a France) that impairs proposal… Paris; there is marked increase of praise for President’s action except from extreme nationalist press. Newspapers continue to say France did not feel obliged (for Germany, but) financial public (has) complete confidence that (Hoover’s action) meant beginning of better times. 242 Édito; Germany’s crisis has been financial and political. (If it) had continued, (no one) can tell what might happen… Hitler movement will, (for now be stopped. A relief) for all who are convinced that stability of Germany is essential to peace… That unanimity of enthousiatic approval for Hoover (has) two implications. Paris reply to American administration is disappointing. (British) esteem of French is at lower ebb (because of) hesitancy and carping criticism… Brüning is rising to the statur of a stateman. (France) cannot stand universal endorsement (of) President. (Americans) would resent it. Demonstration is complete that banking crash will not be permitted if bankers of other nations see a way to prevent it, (particularly) significant is (Bank of France’s loan to Germany, it) shows community sense of obligation (which) will enlarged and be made more quickly effective. 243 Évènement no 4, crise bancaire allemande et conférence de Paris Le Temps… la crise politique joue comme la financière, un vent de panique aggrave les choses, (qu’on) cherche à exploiter à des fins inavouables… Les réparations ne (sont) qu’une faible part du budget, (gaspillages), dépenses militaires et sociales sont les causes des difficultés, (avec) l’agitation nationaliste (et des) milieux officiels… L’agitation raciste s’étend, folie collective. (L’éditorialiste anglais) Steed remarque que (la crise provient) des campagnes anti-traités, de l’appui d’Anglais et d’Américains pour les déformations historiques allemandes… La crise est aiguë, (mais) on abuse des informations (tragiques), l’injure et l’intimidation sont utilisées pour (obtenir l’aide et) rétablir la confiance dans un pays qui a préparé deux fois sa faillite. (Elles) sont trop visibles pour être dupe. La détresse est exagérée, (ou le cabinet) sacrifie le peuple à (sa) politique extérieure… Les Américains ont le pouvoir d’orienter ce pays (ne semblent pas vouloir, l’Angleterre) peut beaucoup pour (le ramener à de) sages pensées, (mais) libéraux et socialistes l’ont (toujours) favorisé. (La France peut) maintenir la paix (en s’opposant fermement). Plus de contrats (ou désarmement) tant que le Reich sera contre l’ordre. (À céder à des sommations injustes, on) courrait les plus graves périls. M. Brüning s’est décidé à la démarche à Paris. (On) ne voit pas à quoi elle servirait, (s’il n’avait conclu) qu’une aide doit comporter (des accommodements). (On) a fait avec l’Allemagne des expériences (de) faillites préconisées ouvertement. Une l’a débarrassée de sa dette intérieure; il serait inadmissible qu’une autre (lui) permette de se débarrasser des (extérieures)… 244 Journal des débats; La politique allemande et l’erreur américaine continuent de progresser. (Hoover), sabotant le plan Young, a (permis à ses banques) de retirer leurs capitaux. La confiance, (ébranlée par le cabinet allemand), a été tuée. Ce dernier (est encouragé) dans ses idées folles par Américains et Anglais. Macdonald affirme que la S.D.N. et le traité de Locarno imposaient le désarmement (de tous, Lloyd George 242 New York Times, 31-06-22-p1, France not Ready to Make sacrifice (P.J. Philip). -22-p1, All Germany is Jubilant( Guido Enderis). -22-p1, German Letter aided Step (R.V. Oulahan).-22-p15, Worldwide Approval Voiced for Hoover’s Suspension Plan. -23p1 Briand is Drafting Reply. 243 New York Times, 31-06-23-p24, Political Effect in Germany. -23-p24, The Response to Mr. Hoover. -25-p1, French Reply to Hoover Accepts Aid but Within Young Plan. -25-p1, Debt Relief Offered to British Dominions.-25-p24, Germany and France. -26-p1, Stimson to Discuss Debt Plan in Europe. -27-p11, Banks to the Rescue. 244 Le Temps, 31-07-13-p1, L’heure décisive de la crise allemande. -13-p1, L’application du plan Hoover en Allemagne. -14-p1, L’Allemagne au tournant. -15-p1, L’Allemagne devant l’inconnu. -17-p1, Opinions de province. -17-p1, La crise allemande et les entretiens de Paris. -18-p1, Les entretiens de Paris et l’aide à l’Allemagne. -19-p1, la France et l’Allemagne. -20-p1, Les entretiens franco-allemands. 110 dit) que les autres voient à ce que l’Allemagne tienne ses promesses (sans respecter les leurs). En vrai, l’Allemagne ne tient pas ses engagements. (Son agressivité) est l’une des grandes causes de la crise économique et financière… La ruine du Reich est préférable à la destruction de l’Europe et du franc… Les Allemands ne sont accessibles qu’aux actes énergiques (non à la justice. Il faut des engagements tangibles, pour les retarder quand ils chercheront à les tourner)… (L’Allemagne), indifférente au sort des individus, se résigne aux cataclysmes d’où sortira quelque avantage. Sa première faillite ne lui a pas mal réussi (avec) les plans Dawes et Young, certaine qu’ils seraient éphémères. (Rien) ne pourrait dire jusqu’où elle ira dans sa seconde entreprise catastrophique… la politique de M. Briand, aidée par les internationalistes et le bolchévisme si répandus, a fait de ce pays un danger permanent. 245 Times, quelques infos; Concessions have assumed in (Germany) a shape of downright demands from France, stimulate sentiment of revenge… (Alarm) is due in part to theatretical endeavours to prove that the country is as badly off as they have presented it. (It) has only been kept from pessimism by bankers in face of German hysteria… (In Paris) it is considered most suspicious that Germany have (not checked) exodus of capital and (have done everything) to present situation in worst possible light… steps to prevent panic and export of capital (should) be sufficient to meet emergency. (Conditions are) far sounder (than in) time of (hyper)inflation. (Balance of trade) is favourable (and) budget of Reich balanced. 246 propagande; It is to France to (show herself « good European »), as she has never seriously tried, (aggravating) occupation in Germany, alleviating a burden (not supportable)… Although situation is a banking problem, uncertainty about the French is playing an important role. (Risks) increased by financial attacks from Paris … World depression (had) magnified burden of reparations, imposed dangerous strain upon Germany… Since the disastrous inflation wiped out her liquid capital, Germany had borrowed, often neither wisely nor productivaly. (That ?) is why an unimportant event like failure of Creditenstalt was sufficient to induce withdraw of foreign loans. (If moratorium) have been immediately accepted, it would have enabled Germany to turn the corner. (France delay), its refusal to credit Germany except on political conditions which Dr. Brüning is unable to accept, threatened Europe. (Uncertainty) was greatly aggravated by nervous attitude of some French holders of sterling who sold at unusually low prices… What is needed is restoration of confidence, (possible if) French throw all narrow political considerations. (Only) obstacle to recovery (is) French intransigeance… édito; It may be regretted that (French) attempt is being made to obtain contributions from Germany per force of necessities. (French) hard bargaining with Hoover has nullified its beneficial effects already… 247 Manchester Guardian, propagande; Exceptionnal military preparations in France : (civilian security studies, M. Laval talk with ministers)… (As in 1913); France say she will disarm if Germany, Britain and America disarm first. (An) impudent way of saying she will not. Historical military parade (14 july) symbolised France’s Empire and that she cannot disarm. Security of this centre of civilization depends on semi-savage troops. 248 édito; German government avoided any remedy which (could) make situation worse. (Control) of foreign exchange would shake confidence, general moratorium would be bankcruptcy. … Hoover plan is not sufficient because of mean huckstering French methods… They seems unwilling to give a loan to Germany except on terms (unacceptable to Germany, (or) any country, for they are not financial but political and 245 Journal des débats, 31-07-13-p1, Aveuglement (P. Bernus). -14-p1, La France et la faillite de l’Allemagne. -15-p1, La vraie question (P. Bernus). -15-p2, La leçon des faits (P. Bernus). -17-p1, L’occasion du redressement. -18-p1. Les heures décisives. 246 TheTimes, 31-07-13-p12, Attitude of France. -14-p13, German crisis/Conversations in Paris. -13-p12, The German Crisis. -13-p12, Message to the United States. -13-p13, America and the German Crisis. -13-p12, Armaments and Mistrust. -15-p13, U.S. Attitude to German Crisis. 247 TheTimes, 31-07-14-p15, France and Germany (Letter). -16-p13, A critical Day (editorial). -13-p12, The German Crisis. 248 Man. Guardian, 1931-07-16-p9, German Emergency Decrees. -17-p11, German Opinion. -14,p9, Frontier Fever in France, Strange Military Precautions. -16-p12, French Fear of Disarming . 111 prompted by selfishness… stupid and moraly wrong. (We) must persuade the French of the duties of their financial position Hoover’s relief to German crisis has been unsufficient (because) French obstinancy… (Hardship) to German people will not be forgotten, (that) policy will make it a worst neighbour… (To accept the Hoover) plan made revision of war debts inevitable. Its rejection would (bring) total repudiation of reparations… 249 Propagande; it is inconcevable that Henderson would accept (Franco-german) treaty before London conference. (France) delay further by protracting negociations. (German) nationalists will have been right when speaking of a second Versailles… (It) is difficult to see how Democracy and (appeasement) can survive next election, (if there is no upheaval)… édito; French government has learnt nothing and is still bent on exploiting German emergency… 250 Washington Post, Surtitres tendancieux; Capital Lays Blame Largely Upon Paris; French delay (increased) hysteria in Germany and flight of capital. German cabinet is also blamed, (should) have prevent citizens from sending money out. Foreign Funds Withdrawal is Blamed in German Crisis; Foreign investors were frightened last fall by the success of radicals, (but) recall of funds assume alarming proportions when Germany seemed to availing herself off the Young plan (manifeste Brüning) … édito; Germany must have aid… Hitlerites are ready to take advantage of concessions (but) to build battleships is unreasonable, proposed Customs Union is of small consequences. (It) seems unreasonable to suppose that governants will allow financial crisis to materialize… (British) official circles (say) Germany would (not) emerge from crisis without aid. (But) pretend that it is the turn of America and France… If Germany went broke (it would) be end of Young Plan, (unless) France decide for war. (Therefore) the sacrifices of creditors, are as much for their good as for the Germans… Indications suggest that (Germany) magnified its woes in order to bring the world to its aid, (Her) government did not foresee (!!!?) that it would weaken its currency, frighten credit, accentuate difficulties. (It) appears that if the situation should get beyond control, it will result from panic and not lack of credit (government) cannot let the situation get worse. Moratorium should strenghtened Brüning. 251 NY Times, édito; No one doubt danger of financial collapse in Germany. Her government, overemphasized it, (hurried) for credits, making (flight of capital graver). These faults after all, touch only externals of difficulties. President and Chancellor deserve confidence (!!!?). (Troubles are from French demands for) political garantees… (perhaps natural, but,) leave those questions until Germany acquire strenght… financiers; relief has been complicated by Germans emphasizing their situation, (but) fault lies in the complicated reparations plan… A London banker, who know Mr. Norman, said (France) should end her usual tactic (of) manipulating exchange rates… édito; Millions of Germans which have taken flight from the mark (can hardly) be blamed, (government) has now perceived the danger… Peril (is) great of financial infection to other countries, (so) to extend credits is a strictly business operation. 252 Articles; Henderson will (try) to persuade French to abandon guarantees, (for it) is blackmail. (He also) wish Germans abandon warships construction for Disarmament Conference… (His lawyer Malone said; avarice) of French bankers, arrogance of munition makers and stupidity of political leaders (are) greatest menace to peace. (No) nation has been able, without disaster, to withstsand decent opinion of World, risking catastrophe 249 Man. Guardian, 31-07-14-p8, Hard Bargaining. -15-p8, What can Be done ? 250 Man. Guardian 31-07-18-p12, our London Correspondance, The Danger of Delay. -18-p13, France Imperils Agreement. -18-p13, Germany Keeps her Head. -18-p12, Parliament Held in Contempt. -18-p13, Money and Stocks, is Germany Credit Worthy ? -18-p12, France’s New Conditions. -20-p8, Problems for London. 251 Washington Post, 31-07-14-p14, President Confers with State and Treasury Aids, Capital Lays Blame Largely Upon Paris. -15-p1 German Reds Press For National Strike. -15-p2, Crisis Talk Gains New Significance (A.P.-London). -15-p6, Prudent Creditors. -15-p6, Germany’s responsibility (editorials). -18-p6, European Politics (editorials). 252 NY Times, 31-07-13-p14, Confusing the Outsider. 13-p8, Britis views Shift on Aid to Germany. -13-p8, Laval is Unmoved by Plea of Hoesh. -13-p26, Financial Markets, Other Considerations Arise. -13-p28, Debt Accord Leaves Markets Hesitant. -13-p28, Paris Views mixed on German Crisis. -14-p1, London Believes Aid Must Be Large Sum (C.A. Selden). -14-p1, washington thins Situation is better (R.V. Oulahan). -14-p21, Facing realities (editorials). 112 (by keeping) Germans in slavery… édito; Advice from the governor of the Bank of England; « Don’t believe all you ear » (is) a reassuring interpretation (that plight) of Germany is not desperate, international finance feels to be single entity… (French evolved) from the ideas that conditions to help must be abandonment of Customs Union, naval constructions, financial tutelage… Mr. Laval and Brüning found agreement, (each inheritated) from Versailles Treaty to which may be directly attributed insatisfactory relations… 253 Correspondant P.J Phillip; (In France) as elsewhere, (interests are) in a clamor for revision (but) there will be much opposition to a government wich act toward Germany otherwise than a defeated enemy, (a) policy which has been one of Europeans worst mistakes. British government is seriously disturbed by aloofness of the French, (with outspoken) denunciation. (France) is asking Germany become a vassal state. édito; German pride had to be consulted. Anything like apparent humiliation avoided. When the crisis will ease, her attitude may be more pliable and conciliatory… 254 Évènement no 5, conférence de Londres Le Temps, édito; (L’Allemagne pourrait consentir à) des garanties, (mais) une campagne (en prévient) les États-Unis, (excite) l’opinion anglaise contre la France. On insinue qu’il existerait un plan pour sauver l’Allemagne (de cette dernière). C’est une illusion, (vu les) finances britanniques, (mais) pour l’opinion libérale et travailliste, il faut vaincre la France… le cabinet allemand ne consent pas à une trêve (et ses chefs de droite la considéreraient nulle. Une aide ne donnerait) pas la certitude de rétablir ses finances… Nous ne voulons supposer que les actions de la City répondent à (celles) du gouvernement. (Un) comité fera une enquête sur les besoins du Reich, reposera la question des garanties (mais ce qui prime) est la promesse de relations franco-allemandes plus confiantes… 255 Articles; S’est-il trouvé un économiste qui ait cru que l’intervention d’Hoover, la panique véhémente angloaméricaine et la publicité de la débâcle suffiraient à enrayer la faillite du mark ? (Pour) cette restauration (qu’ils) considèrent si nécessaire, (il fallait) démobiliser les bandes d’Hitler, (ajourner) le nouveau cuirassé (et) l’Anschluss. (Le débat) sur les réparations (sera rouvert), arbitrages impérieux… (La) campagne perfide de la presse anglaise justifiait la méfiance. (Avec) ces déclarations confuses, tournant autour du politique avec l’intention de ne pas en approcher. (Le mal, que Macdonald nie) existe en Allemagne, son budget infecte l’économie du pays. (C’était erreur) de supposer que la menace du chaos raciste suffirait à décider la France de jeter ses économies dans ce gouffre. (L’Allemagne) ne peut que s’enliser, (étouffée) par son nationalisme. 256 Times, toutes les infos; … facts about grossly exagerated reports about Germany’s condition (are) no worse (than in) other countries… does not seem to have unanimous approval of Hoover plan in Wall street. Bankers see danger in freezing all German credits… (In Germany) the Right hanker (to take power and pursue) a policy hardly distinguishable from bolshevist Russia… édito; Real question is if confidence in Germany can be restored without facing larger causes of unrest. (Demonstrations show) dissatisfaction is shared by millions 253 NY Times, 31-07-15-p13, Letter to the Editor, About Germany. -15-p16,London Puts Hope in Visit to Berlin (C.A. Selden). 16-p4, Avarice of France Scored by Malone. 16-p16, Minister’s Parley called by London. -19-p1, Germany cannot Buy Fruit. -19-p19, German Leaders Praise to Americans. -19-pN3, Paris Editor Asks Revision of Treaty.. 07-15p18, More than Meets the Ear (editorials). -16-p17 Germany Should Lead (editorials). 254 NY Times, 31-07-17-p1, German to Go to Paris (P.J. Philip). -19-p1, Difficulty Diminishing (P.J. Philip). -19-pE3, Paris Sees New Era in War-Debt Delay (P.J. Philips). -20-p10, Hitler Sees Force Needed to End Debts. -20p11, Soviet Press Sees Reich Surrender. -18-p1, Young plan Experts Await the Results (C.A. Selden). -19-p-E1, Germany’s Case (editorials). 255 Temps, 31-07-20-p1, Les entretiens franco-allemands. -20-p1, La crise financière allemande. -22-p1, La question des zones franches. -23-p1, Les difficultés de la conférence de Londres. -25-p1, La crise financière allemande. 256 Temps, 31-07-22-p3, L’Atmosphère britannique (J. Bardoux). -22-p1, La conférence de Londres. -22-p1, La crise financière allemande. -23-p1, La faute Allemande. -07-24-p1, Les décisions de la conférence de Londres. -24-p1, La crise financière allemande. 113 of law abiding citizens. (It is) time (to examine their) grievances, (for) the views of extremists in regard to Treaties are not peculiar to them… Dr. Brüning is a warrant of moderation and good faith… So long as burden of reparations continue to hang it will be impossible to establish confidence (and) will render her a menace to world. (Only) alternative is revision or chaos. (It is inconceivable) that Europe should relapse into a policy of sanctions. 257 crise jugulée; Germany proceed herself to solve difficulties… World (?) got accustomed to use credit for uneconomic purposes; (reparation), budget deficits, maintainance of prices… Causes of unrest in Europe (?) and Germany go much deeper than reparations and war debts. Financial reconstruction is impossible (if) politics remain unsettled. (Temporary alleviation of (war debts and reparations) cannot bring lasting cure to Europe. (Lack of confidence springs from) profound social and political forces. (It) must be faced. (World) can have no confidence in the stability of peace until war mentality between France and Germany disappears... 258 Manchester Guardian, propagande; French has build giant submarines (and tiny) hornets could be built in enormous numbers… France is misrepresented by government, parliament and tied press, (we must appeal to masses)… Correspondents and writers in Paris spread suspicion for England. (Their) naïve identification of Henderson’s views with support to France is amusing and instructive… It is pleasant to turn from disgrunted nationalism, to one of very few with overlook of stateman. (Léon Blum) wrote that (it was) a grave blunder not to help Germany (without conditions)… There is talks in French military (about) expedition into Germany, temper of french officers is definitely bellicose… Ère nouvelle repeats the fiction that British government called the London conference to prevent negociations between France and Germany… Serious press in Germany agree that Chancellor was right to come back empty-handed rather than accept (any) political conditions… people of Paris did not share enthousiam for « negative success » of French in London, (did not go in mass to the Gare du Nord, (so) Laval’s popularity is an invention ». 259 Édito; « We are indebted to Americans for keeping politics and economics distance apart… French demands may still cause trouble… They claim that this is due to battleships, Hitler’s movement and Custom Union, nationalist policies of revenge. (Extort) guarantees would increase this spirit… Germany is condemned to impotent inferiority against France and her allies. (It is) a pity, when « political appeasement » is recognized as the great need… (Confidence in Germany’s credit can be restored if) creditor’s governments guarantee her credit. The cure of the crisis must be political settlement… (Germany) was not really insolvent, (budget) must be balanced, reparation revised, foreign relationship improved, politics to show less dangerous tendencies. (That) is why it had been hoped that conference (would) come to grip with those causes. Short-sightedness of French policy is amazing. Their attitude towards Germany remains implacable and afraid, (key cause) of Europe disquiet ». 260 NY Times, P.J. Philip; Mr. Laval (must) show political victory over Germany, (England and U.S). Cost seems subsidiary to immediate political interest… Londres; Even (if the collapse) of old mark wiped out Germany’s liquid capital, danger of borrowing was not apparent during prosperity. Trade depression and recognition abroad that reparation burden imposed too much strain resulted in foreign creditors withdrawing loans… French balances formed by far the largest proportion of credit withdrawn and surprise therefore is expressed 257 The Times, 31-07-21-p10, Points of Letters, Life in Germany (15 lignes) -23-p12, The U.S. Proposal, Danger in Freezing German Credits (partie de 0.25 colonne). Times, -22-p12, Strenght and weaknesses. -22-p13, Palliative or cure ? (editorials). A Lost of Opportunity (editorials). 258 The Times, 31-07-16-p17, City Notes. -17-p15, A Pause (editorials). -20-p13, A Momentous Meeting. -24-p15 The Conference Ends (editorials). 259 Man. Guardian, 31-07-20-p8, Our London Correspondance. -20-p13,Germany’s Plight Winter Outlook. -20-p9, How the Paris Ourlook Changed. -21-p13, The London Conference. -21-p13, French Demands on Germany. -22-p12, French Critics of England. -23-p9, Bellicose Talk in French Army. -23-p12, Germany’s Adverse Balance. -23-p12, French Press Vagaries. -25-p11, Dr. Brünings Return. -25-p15, French Premier’s Return. 260 Man. Guardian, 31-07-20-p8, Problems for London. -21-p8, London and the Hague. -22-p8, France and Disarmament. -23-p8, A Temporary Solution ? -24-p8, We Are Very Well Please. 114 that proposal for $ 500 million loan have come from France… Hoover moratorium will be highly beneficial next months. (An) opportunity to reconsiderate war debts (and reparations, otherwise) breathing space will have been wasted. 261 Après la conférence; with credits already frozen in Germany, (Hoover) recognized inevitable. (Only) two great banks had taken the stand that rescue of Germany must be done at any cost, (majority thought that she) can alone can restore credit… (German) circles agree that economy is as sound as ever, currency is not inflated but deflated, only tasks are to avoid tie-up of banks and produce cash… A reduction (of the short loans by German banks) followed the election (sept. 1930), the bulk has been since pulled out. (However), late spring (manifeste Brüning), foreign lenders take alarm and recalled huge funds (and past few weeks) 80 % of outflow was from Germans… (Publisher McCormick) says conference was absurd waste of effort, (Germany is) taking far more gold than she sends, spending much more than reparations… (it was said in Daily Telegraph that alleged french political motive for tranfers of funds is being discounted… Once again, German hopes turned to America to stave off the fall of Brüning… he will continue his dogged course….. his friends however (said that) it is little known that after his return from Chequers, he had a heart attack (si hyperactif depuis ?)… 262 261 NY Times, 31-07-21-p1, Paris Still Insist on Security Pledge (P.J. Philip) -20-p28, London approves German Measures. -21-p12, Address by Premier MacDonald. -21-p13, Political Appeasement Proviso Mystifies Mellon. -21-p13, Hindenburg’s Plea to Hoover is Made Public. -22-p1, Berlin Welcomes New Hoover Credit Memorendum. -22-p1, Paris Tell League it Cannot Cut Arms. -22-p20, German Public Finance (editorials). -22-p20, London and Washington (editorials). 262 NY Times, 31-07-23-p1, Markets Here Drop on London Reports. -24-p11, Germans Says Crisis is Up to the Reichsbank. -24-p11, Reich Short-term Loans Drop Fast in Year. -24-11, Wall Street Gloom over Debt Meeting. -25-p15, MacCormick Back, Scores Debt Talks. -25-p5, Soviet Paper Gibes at London Results. -25-p5, British Gold Drain Laid to Henderson. -24-p10, Berlin Press See Aid as a Stop Gap. -24-p1, Bankruptcy Staved Off. -24-p10, France Modifying Attitude to Reich. -24-p1, Accord Pleased Hoover. -23-p1, Germans will ask Stimson for Cash. -23-p6, The Times, London, Calls Parley Disappointing. 115 Évènement no 6, première victoire électorale hitlérienne Manchester Guardian, Articles; …recrudescence of sanguinary disorders. Nazis have disproved that Communists are agressors in the affrays which have grown since that government came in power, (and which) has been defeated in parliamentary sense. (But) struggle for power (is) extra parliamentary… (Nazis) outrages are different. Councellor Struff was murdered in his bed, (Another) shot dead at home. Several injured. Incendiary bombs thrown in offices of journals… There can be no doubt that almost all outrages have been committed by Nazis, (allowed) to do almost anything with impunity, (while) government press is packed with false reporting… 263 Édito; Most responsible politicians realize that American tariff policy has made payments of war debts impossible… Nazis failed to win absolute majority. It is inevitable that individuals follow up their private hatred in disappointment. (However,) Hitler nor his colleagues desire to act against government and look in confidence toward the future… Despite their words, von Papen and von Schleicher will try to canalize nazi movement into harmless manifestation of nationalism. Presidential decrees must have stamp of Reichstag, it might be by arrangement with Center party (or) suppression of Communist party. Both Red and Black internationals are strong but will (only) play obstruction for months. 264 Pacifistes; We should press for all, disarmament imposed to Germany… (Intelligent) French realised it is impossible to maintain (their) artificial superiority. Equality in disarmament (is) unassailable ground… (Socialist) Léon Blum denies Hitler and von Schleicher pursue identical aims… French nationalist papers continue alarmist articles about reorganisation of Reichswehr … Radical papers have dropped disarmament policy. (So,) Mr. Blum (is alone to say that) von Papen regime is less dangerous than Hitler (and that) only by disarming themselves can the other nations prevent rearming of Germany… Argument that other nations (have failed their promises to disarm) is not as unsound as French nationalists have made it out to be. 265 NY Times, FT Birchall; Nazi get only 37 %... (progress) is slowing down, possibly reach its climax. (Centre) party occupies pivotal position, (victory is his). (Germans refused) to entrust parties, (von Papen’s) independance will be truer. (He is is trying a new system), that differs from old government of parliamentary responsability. (Constitutional) form is maintained, (with) law and order. (It is) American idea of division between executive and legislative (carried further). If this method fail, there would be presidential decrees… Manifesto from Hitler is especially mild, it says (to continue) the fight with renewed energy… Tragedy for Hitler has been that it’s triumph is always been beyond the horizon. (his impossible program) is again postponed. 266 Édito; election was a disappointment in (finding a) majority capable of governing, (but not) if we take that Hitler’s party failed to win the mandate (of) policies based on race and hatred, and provocation in foreign affairs… Question is whether (if he) will be responsible stateman under constitutionnal regime. (To draw Hitler) into statemanship would be victory for democracy. Sunday’s election was a victory for moderation and Republic. (Von Schleicher expressed) admiration for Hitler, declared his movement must be used because it is fired with faith. 267 263 Man. Guardian, 31-08-01-p9, Recrudescence of Disorders. -02-p9, German Elections and After. -03-p9, Dictatorship to Continue. -04-4, Nazi Outrages Continue. -04-p9, Emil Ludwig, Why he became a Swiss Citizen. -05-p4, Nazi Terrorism Continue. 264 Man. Guardian, 31-08-02-p8, Two Ways with the War Debts. Reich Elections (édito) . 265 Man. Guardian, 31-08-02-p9, Opinion in France. -03-p9, Lord Cecil on Disarmament. -04-p4, Germany and the New Regime. -08-05, French Fears of German Rearming, Alarmist Campaign in Nationalist Press. 266 NY Times, 32-08-01-p1, Right Parties Fail to Carry Germany (F.T. Birchall). -01-p8, Cabinet Likely to Continue. -02p1, Election Gives reich New Kind of Regime (Birchall). 267 NY Times, 32-08-02,p16, The German Election (éditorial). -04-p6, Hitler is Praised by Von Shleicher. 116 Birchall; Nazi orators shout for ending tributes… Hugenberg called for reduction of interests (or) liquidation of debts (but) powerful influence would be heard should (German cabinet) intervene in private debts (and so) injure confidence in nation’s credit… pacifiste; Mr. Warner (former Assistant Secretary of Navy) declared France would find 350 fighters sufficient (instead) of the 5000 airplanes she now has… General Liautey said to Count Westarp, that French army was (not so powerful) and speaked about military organizations and spirit of violence in Germany. Westarp replied (that) increase of Hitlerites and talks of violence (were because) injustice on which the economic life was based… Amount of reparations was indefinite and uncertainty produced financial and political trouble, (but) Germans have shown cooperation and reasonable settlements far greater than expected… 268 268 NY Times, 32-08-03-p1, Reich Would Seek Private Debts Cut at World Parley (Birchall). -04-p15, Issue at Parley Unlikely. -03-p2, 80 % Air Force Cut Urged at Williams. -04-p1, American Delegates Discuss Arms Parley. -04-p15, Text of Borah’s Speech on the War Debts and World Parley. 117 Bibliographie Section no.1 : Opinion publique, presse et sources primaires 1a) Sources primaires Le Temps, en ligne: Bibliothèque nationale de France/ Collections Gallica/presse. Archives Larousse, Dictionnaire de l’histoire de France. « Temps (le) », p1204, http://www.larousse.fr/archives, en ligne le 2015-06-24. 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