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P B .2 i e l P. t le É 4 D t d dit P. Pa ép ’h o 5 rt êc u P. P. 1 P. 9 D en he me o 11 0 Fo ss aria s ur R B P. u e c ie t 12 zz nc us r s Po cu on rt ltu tre ra r it el P. 3 e si d gn B ti ers O U mé 9 / 21 L L N°06 d' art E É D ITO É D ITO ITO LD I PE R R A IC H ÈL E DÉP PPPÊCHE S M L ES PE H E 3 — P Écoutons comme ils se conjuguent et se déclinent. Je capitonne Écoutons comme ils Tu chariotes Il décore se conjuguent et se déclinent. Je capitonne Elle dessine Nous estampillons Tu chariotes Il décore Vous modelez Ils et elles cisèlent Elle dessine Et solutionnent. Nous estampillons Vous modelez Je fais, donc je suis, disent-ils. Ils et elles cisèlent Et solutionnent. Je fais, donc je suis, disent-ils. PH Les gestes portent en eux l’ U nion du corps et du mouvement. Les creux des mains ne sont plus jamais oisifs. Les coudes sont arrondis sur l’établi. Les têtes se penchent. Les cerveaux sortent de la friche. Les gestes sont féconds, dès lors qu’ils se L ient. L ibres sont les artisans-artistes quand ils deviennent E xigeants. IS TO C’est qu’elle doute en même temps qu’elle rêve. B rouillonne et confectionne. Il nous faut faire ce que nous sommes, dit la sagesse des Arts. O ser s’ouvrir à l’obstination. L’actualité est terrible et nous ramène toujours aux questions de fond pourvu qu’on ait de la chance, qu’on tombe sur le bon article ou sur une voix qui nous touche. Patrimoine. Un article du journal, dans Le Monde du samedi 31 mai, a fait tilt. Protéger le patrimoine oui mais jusqu’où ? Le genre de question qui agite souvent l’école Boulle et sa mission de préservation. Certains, en architecture, à force de vouloir toujours protéger, transforment Paris en ville-musée. Le risque est maintenant réel. Alors que faire ? Que faut-il exactement protéger ? Soyons clairs, l’école Boulle veut conserver et transmettre les gestes et les techniques, cela est indiscutable. Mais, et c’est tout le débat, on peut restaurer et figer des objets, pas les esprits. Et s’il faut dire et annoncer la volonté de l’école sur cette question, alors disons le : comme pour le Paris usé qu’on ne voudrait pas figer, il serait mortifère de vouloir fixer les métiers d’art aux seuls critères de la conservation et de la transmission. Le mouvement nécessaire à la vie et à la création demande de se défaire au contraire des habitudes, et non des gestes, des tics et des répétitions visuelles paresseuses, et avancer sur la prise de risque technique et plastique : l’innovation. Chômage. Autre nouvelle, la hausse du chômage, comme une maladie incurable, qui progresse, qui s’étend, qui diffuse et saisit la population, parfois résignée, qui détruit des régions et des villes, défait le tissu social. Au cœur de la question, parmi d’autres : la déficience grave de formation des jeunes. Des dizaines de milliers de jeunes sans diplôme chaque année, l’inadaptation de certaines formations professionnelles, l’insuffisance de l’alternance et de l’apprentissage, la méfiance réciproque parfois entre le monde de l’entreprise et l’école. L’école Boulle s’interroge elle aussi : comment mieux préparer les étudiants à l’entrée dans le monde du travail ? Elle le fait déjà mais dans le contexte actuel, l’école doit encore insister, c’est une grande responsabilité, sur cet enchaînement apprentissages/entreprises. Sans idée préconçue, resserrons encore nos relations avec les sociétés, les entreprises, assurons davantage le lien entre les futurs employeurs et nos élèves, travaillons à ces contacts, sans naïveté, avec réalisme et efficacité. Des dispositions importantes existent à l’école, via le travail des équipes, les partenariats et par les mesures prises au sein des formations non diplômantes. Les étudiants doivent sortir de notre système informés, armés, avertis, juridiquement prêts. Élections. Europe. Le repliement sur soi ? La pire des solutions et pour résoudre quoi ? Nous sommes tous citoyens d’ici et d’ailleurs, même si on peut comprendre les colères et les souffrances sociales de régions entières (voir la question ci-dessus). Pour l’école Boulle, il n’y a pas de débats, découvrir le monde et connaître l’Europe ne se discutent même pas. ¶ R Considérons cette ruche chercheuse, affairée et artiste. Elle écrit sa geste en même temps qu’elle la raconte. Vive. Appuyée. Agitée. Va et vient. Donne des yeux et de la voix. Elle n’est que perpétuelle impulsion. Pourvoyeuse d’actes, d’allures et de pas à pas. C’est ainsi qu’elle marche et avance. Esquisse. Rature. Fabrique. Trace et tourne. Crée et recommence. Patrimoine, chômage, Europe… H Boulle écrit sa geste… C P—2 B BILLET D’ HUMEUR INSERTION DANS LE MONDE DU TRAVAIL ET PRÉPARATION À L’EMPLOI… L’ÉCOLE BOULLE A DES RESPONSABILITÉS. QU’EST-CE QUE LA FORMATION COMPLÉMENTAIRE NON DIPLÔMANTE (FCND) ? L’école Boulle inscrit de nombreux étudiants dans l’école hors des parcours diplômants. Pourquoi ? L’école Boulle considère qu’elle a une responsabilité dans la capacité des étudiants à s’insérer dans le monde du travail ou pour aider à la poursuite d’études par des compléments nécessaires de formation, soit en entreprises, soit dans des modules d’apprentissage spécifiques. Tous les étudiants peuvent donc bénéficier du soutien de l’école par une réinscription après l’obtention d’un diplôme, quel qu’il soit. Pendant un an. Il existe plusieurs situations selon les choix proposés par l’école : 1 — LA FCND - STAGES Les étudiants peuvent se réinscrire à l’école Boulle afin de suivre un ou plusieurs stages dans l’année suivant leur diplôme. Il faut trouver l’entreprise et proposer cette activité au secrétariat du proviseur. Ces stages peuvent se dérouler à l’étranger. 2 — LA FCND-ATELIER COMPLÉMENTAIRE DE MÉTIER D’ART Les étudiants de DMA peuvent poursuivre leur apprentissage dans un atelier différent de leur métier d’origine en vue de la recherche de complémentarité des compétences. Dans ce cas l’année sera divisée en deux : un semestre en stage et un semestre dans l’atelier d’accueil. Les candidatures sont à déposer auprès de M. Laurent Bailly en juin. 3 — LA FCND - MADE (MÉTIER D’ART DESIGN EXPÉRIMENTATIONS) Ce projet permet à une dizaine d’étudiants de DMA de poursuivre leurs apprentissages autour d’un projet de recherche et d’innovation, tout en suivant des apprentissages scientifiques, linguistiques, de marketing. Deux stages en entreprises sont prévus dans l’année également ainsi que des rencontres avec des sociétés partenaires de l’action. Chaque étudiant sera parrainé et accompagné par un trinôme, Design / artisan d’art / tuteur d’entreprise. Les candidatures sont à déposer auprès de M. Bailly en juin. 4 — LA FCND - POST DSAA Ce projet s’adresse aux étudiants de DSAA. Il s’appuie sur une triple action : un stage en entreprise de 5 mois ; la conduite d’un projet de recherche ; la participation à trois workshops proposés par les écoles partenaires, Duperré, Estienne ou Boulle. Les candidatures sont à déposer en juin auprès des professeurs de DSAA. ¶ P ART E N ARI A S T D O SSIER O La pédagogie de partenariat, c’est faire un double saut périlleux arrière en se réceptionnant dans un filet… Mais je pense que la pédagogie de partenariat ne doit pas être la seule dans la formation. Il faut développer à côté des projets intramuros et des « abécédaires » de nos métiers qui doivent être enseignés à tous niveaux. Selon les formations l’équilibre entre ces trois pôles diffère. Par exemple si je compare mes niveaux d’enseignement en classe de FMA, les partenariats représentent 25% de la pédagogie, contre 50% en première année de BTS DCEV, et 75% voir 90% en DSAA. Ce qui permet cette approche, c’est l’existence d’une structure porteuse au sein de l’école, avec les chefs de travaux et la direction, ordonnateurs des projets, en maillage avec le projet d’établissement. Quand on fait de la recherche et du développement, on a tout intérêt à s’engager si possible sur la durée. On peut envisager une approche prospective quand notre relation au partenaire P—4 L’ambon et l’autel Les acteurs du partenariat sont le Père Lainé de la paroisse Sainte-Anne de la Butte aux Cailles, Marc Verdure conservateur pour la mairie de Paris, initiateur de la rencontre. Les 1re FMA 2 sous la houlette des enseignants, My Mach, Marie-Pierre Daugé, Dominique Robert. Le projet choisi est celui de l'équipe, Marie Frigoult, Charlotte Heckly et Flavian Garnier qui a posé les bases du concept. Les MANAMA sous la houlette de Patrick Vastel. Mireille Cot-Bédigis chef des travaux, à la baguette ! On fait du partenariat pour entrer dans le réel. Sachant que dans la vie lorsqu’on fait un double saut périlleux arrière, on retombe sur du béton, dans ce cadre on se réceptionne dans de la mousse ou des filets. C’est une association active qui permet de viser un objectif commun, tout en maintenant l’autonomie des différents partenaires à savoir l’entreprise, l’école, les professionnels, les étudiants, les enseignants, la direction. Mon rôle d’enseignant dans ce dispositif, consiste à irriguer le projet d’une démarche pédagogique afin qu’elle assure une construction de fond. Ainsi, que le projet aboutisse ou non, ce travail restera positif et formateur. Dans la mesure où le partenariat permet d’optimiser une vision de la réalité, il peut accélérer le processus de formation en interne. est établie depuis longtemps (deux ans, voire cinq ans) ; permettant que le discours s’affine, que nos particularités soient plus clairement identifiées. Les partenariats n’ont pas toujours le même rapport avec le réel. Ils peuvent être vrais à 100%, ou vrai-faux. S’il y a une convention, la démarche sera péremptoire, nous obligeant à aller au bout de quelque chose de défini. Mais le projet tout en étant lié à une réalité peut-être hors contrat, faisant parfois l’objet d’une rencontre à la fin avec les partenaires concernées qui feront un audit sur ce qui s’est passé. C’est cette métacorrection qui est drôle, quand on confronte nos différentes visions du monde. Car dans une classe, de DCEV notamment, il y aura 18 réponses possibles, qui valideront ou non la pertinence du cahier des charges. Le partenariat est par excellence le lieu de la complexité. On peut démarrer de manière très simple, en faisant la carte de vœux pour l’école ; jusqu’à construire des projets plus complexes, comme par exemple, le voyage que l’on a fait au Japon avec les DSAA DP, en janvier 2014 avec A. Fermey et V. Rossin. Sur place on a rencontré des gens importants, des directeurs d’usine, on a monté un workshop de trois jours tout en anglais, traduit en simultané en japonais avec les étudiants in situ. C’est une pédagogie du réel qui assume une forme de risque, mais c’est surtout très vivant ! ¶ O Petit lexique des gestes à Boulle P—5 D’ARTS APPLIQUÉS A ADMIRER — Il est plaisant de contempler la ruche qu'est l'atelier d'ébénisterie. Lorsque l'on en franchit la porte, on ressent une multitude de sensations exaltantes. 80 apprentis y fourmillent, affairés, concentrés sur leur établi, surmenés et attentifs, aux démonstrations de l'un des trois professeurs. Trois piliers, six puissantes mains et un millier de gestes soutiennent ce temple du savoirfaire. Jour après jour, ces maîtres du mime avec patience et passion transmettent leur soif de perfection. Après tant d'années, il est émouvant de constater la satisfaction que leur procure un ciseau affûté « aux petits oignons », ou le sifflement du fer de la varlope lorsque le copeau se dégage. Quand une scie devient prolongement de leur corps, le trait dans le hêtre descend avec précision, force et délicatesse à la fois. Et c'est l'admiration du geste : un geste de magicien, d'alchimiste, de savant, l'art de métamorphoser de la matière brute en lui offrant une lettre de noblesse. ALICE CAMBOIS, 1 FMA 1 - ATELIER RE D'ÉBÉNISTERIE AFFLEURER — Le panneau plaqué serré dans la presse de l’établi attend que le ciseau vienne l’affleurer. Tenu avec les deux mains, l’une sur le manche et l’autre sur la lame, le ciseau tranchant s’approche du placage qui dépasse. La main tenant la lame se pose sur le panneau et le ciseau commence son travail. En partant d’un angle, il s’insère délicatement dans le placage en espérant ne pas le casser jusqu’au panneau et coupe tout ce qui dépasse à quelques millimètres. La passe finale est décisive, la lame posée à plat rase le champ du panneau en coupant le reste de placages et les gouttes de colle, priant pour ne pas qu’ils éclatent. SÉBASTIEN BAILLOUX, 1 FMA 1 - ATELIER D'ÉBÉNISTERIE RE DOMINIQUE ROBERT – PROFESSEUR D’ARTS APPLIQUÉS PROPOS RECUEILLIS PAR CAROLINE LAFITTE le ciseleur frappe la surface des cuivres à l’aide de ciselets, petites tiges de section et de formes très diverses, à tête adaptée aux motifs souhaités, frappés perpendiculairement à la surface avec le marteau à ciseler. Ici, on n’enlève pas de matière, on pousse et on repousse infiniment le métal pour qu’il s’affine en ornement. CAROLINE LAFITTE, PROFESSEUR B BOULLER — Bouller, ou bouler (vieux français) synonyme de tromper signifiait avant le XIVe siècle « jouer de la trompe ». Ce verbe neutre, en prenant la forme réfléchie, « se tromper », a acquis le sens de « se jouer de », puis de « se moquer de ». BIDOUILLER — Bricoler un petit bout de truc pour faire une chose ou un machin. CLÉMENCE ROUGÉ - DSAA 2 DESIGN D’ESPACE BISER : Fabrice, 1000 fois par jour. C CAPITONNER — Seul, le velours moiré, la soierie raffinée, ou encore le cuir patiné attend de retrouver son camarade, le bouton ! Et hop ! Une simple pression sur la machine à boutons et les fiançailles ont lieu. Mais, le fauteuil, leur père, les attend. L’artisan prend ses ficelles de nylon blanches et s’apprête à une sentence ; afin d’obtenir les compliments de monsieur Napoléon III. Les capitons s’attachent aux sangles en jute et se tendent sous les forces de l’ouvrier averti. Forces nécessaires à la formation des courbes symétriques, losanges équivalents et plis identiques. L’œil expert se retrouve devant un savoir-faire exigeant. C’est ainsi que le fauteuil tout crapaud qu’il est, gonflé d’orgueil s’expose d’aise et de confort. QUENTIN DALLIER, 1 FMA 1 RE ATELIER DE TAPISSIER DÉCORATEUR CHARRETTER — Pratique intensive de la charrette, toujours bien torréfiée. IVAN BRÉLIVET, DSAA 2 DESIGN PRODUIT CHARIOTER — Usiner sur un tour un cylindre d’un certain diamètre par déplacement de l’outil de coupe suivant un axe parallèle à l’axe de rotation de la pièce. CISELER — Cette étrange odeur de cire brûlée qui s’offre à vous quand vous franchissez la porte de l’atelier, annonce une histoire de feu. Feu du métal, feu de la forge, feu brûlant du ciment rouge… Brodeur de métal, CONFECTIONNER — De mes mains, je fais de mon mieux pour que le travail réalisé soit le meilleur possible. Pour cela, je fais, je défais, je refais, parfois je me coupe ou me pique mais je continue. Coudre, couper, coller, agrafer étape par étape, le travail se construit petit à petit. Il ne faut négliger aucune étape, sinon la confection ne sera pas de qualité. JANE DEWILDE, 1 FMA 1 - ATELIER DE TAPISSIER DÉCORATEUR RE D DESSINER — « … qu’il s’agisse de peinture ou de sculpture, au fond, il n’y a que le dessin qui compte. Il faut s’accrocher uniquement, exclusivement au dessin. Si on dominait un peu le dessin, tout le reste serait possible ». ANDRÉ GIACOMETTI DONNER SA MAIN — Les mains se marquent à mesure qu’elles façonnent. L’artisan, le saviez-vous, est celui qui décide de donner le maximum d’intelligence à ses mains. Elles font œuvre de culture et de savoir-faire. C’est ainsi que les artisans boullistes jettent leurs main aux loups quand ils prennent le risque de l’excellence. BIANCA ROUX, 1 FMA 1 RE ATELIER DE TAPISSIER DÉCORATEUR DOUTER — Morceaux choisis, Alessandro Mendini, Fragilisme, Fondation Cartier pour l'art contemporain, 2002. Je ne sais pas si je dois voler les idées des autres. Je ne sais pas si je dois tout dire à tout le monde. Je ne sais pas si je dois avoir des remords. Je ne sais pas si je dois sortir de l'ambiguïté. Je ne sais pas si je dois préférer les lignes droites ou courbes. Je ne sais pas si je dois cesser de dire je ne sais pas… CÉCILE GUILLOU, DSAA 2 DESIGN PRODUIT DRIVER — (mot franglais). Terme récurrent en DSAA qui consiste à conduire un projet comme on conduirait une voiture : en évitant le fossé ! CLARA ASCENZIO - DSAA 1 DESIGN PRODUIT CISELER E M ECHANGER — Dans la cafétéria, assis autour d’une table taguée, des élèves parlent, échangent des idées. Pour certains, cela est anodin de s'exprimer, cependant c'est important, dans l’école le partage est de rigueur. La vie est faite de rencontres, de contacts, et à Boulle, la simplicité et l'amitié qui règnent nous permettent de voir le monde différemment et de le comprendre. MANCEL RICHARD, MARIER — Marier les couleurs, les textures, les tombés… tel est l’univers du tapissier. Au contact de toutes ces matières, mon regard compose. Il imagine, associe, projette tout en tâtant les tissus uniques qui se présentent à lui. Chaque étoffe semble révéler une âme ou une histoire. Que ce soit la douceur d’un velours, l’aspect rêche, râpeux, brillant ou sourd… je ne sais que choisir. BIANCA ROUX, 1 FMA 1 - ATELIER DE MENUISERIE EN SIÈGES 1 FMA 1 - ATELIER DE TAPISSIER DÉCORATEUR ESTAMPILLER — Laisser une trace, s'identifier, Une fois l'œuvre façonnée L'artiste peut, S'il le veut, Sortir du tiroir Certaines de ses petites barres Dessinées et forgées par des maîtres fériés. Après avoir été chauffées et martelées Elles sont ornementées À leurs extrémités D'un chiffre ou d'une lettre Qui servira peut-être, En les frappant sur le bois D'un geste sûr, avec un marteau dont le son fait écho, Comme une pierre que l'on jette dans l'eau, Sans se taper les doigts, pour éviter les sparadraps, Afin que tout le monde voie Quel maître d'art Ou artisan phare Réalisa cela. Peut-être, on ne le saura pas, Elle deviendra une pièce de musée Ou alimentera la décoration d'un palais richement décoré. MARQUETER — De magnifiques traités existent, mais la transmission des techniques se fait ici oralement, par l’exemple et la démonstration. L’ « approximatif » et « l’épate » sont proscrits, nous sommes dans l’univers de l’exigence. M AQ U E T T E R RE MANCEL RICHARD, 1 FMA 1 - ATELIER RE DE MENUISERIE EN SIÈGES F FAÇONNER — C'est une manière de travailler le bois afin de lui donner une forme particulière par enlèvement de matière. L'outil enlève la matière mais c'est l'élève qui apporte la technique et la confiance qui façonne la pièce finale. ARTHUR GILBERT, 1 FMA 1 - ATELIER RE D’ÉBÉNISTERIE FLÂNER — C’est à la fois déambuler et fouiller ; observer et questionner. C’est aussi collecter et comprendre ; pour enfin apprécier et designer. G — 6 TO U R N E R CHARLINE ROLLET, DSAA DESIGN D'ESPACE P GRAVER — Un simple trait d’incise sur le métal, et voilà l’impensable capture : l’ombre se voit contrainte par la lumière au fond d’un sillon. Pointe sèche, burin, gouge, échoppe sont les outils de la traque. Ils opèrent par une attaque incisive, poursuivie par une tenue ample de la ligne, enfin retenue par une finale tranchée. CAROLINE LAFITTE, PROFESSEUR D’ARTS G R AV E R APPLIQUÉS I IMAGINER — Penser à hier pour demain. JUDITH LASRY - DSAA 2 DESIGN PRODUIT RE MONTER — Monter quoi ? Le bronze, c’est évident. Avec ses deux forges en action, l’atelier de Monture en Bronze transforme les métaux : bronze, laiton, cuivre, fer mais aussi l’inox et l’aluminium. Ici, les plaques de laiton et les profilés arrivent bruts, ils n’attendent que le geste. Il faudra prendre son temps pour apprivoiser le matériau : apprendre à découper avec justesse, à cintrer avec patience, à déformer avec passion mais fermeté, à le chauffer pour l’assouplir, à le peaufiner pour qu’il puisse offrir le meilleur de lui-même. P PARER — L’été arrive, tout le monde se met à l’aise ! Même le cuir, ayant gardé son poil hivernal, se rend chez son artisan tapissier décorateur pour une coupe claire. Telle une paire de ciseaux, la pareuse se met en action. L’ouvrier s’installe devant son outil, assis sur la petite chaise. Un pied presseur courbé vient presser la peau et une cloche aiguisée se met en branle. Cet objet circulaire vient tourner sur un axe, situé sous le pied presseur. La cure de minceur peut commencer… Les mains de l’artisan conduisent la peau ou la lanière sur l’outil et les yeux experts jugent la perfection de la coupe. Séance terminée, le cuir est fin prêt à profiter de la pleine saison ! Direction : habillage ! QUENTIN DALIER, 1 FMA 1- ATELIER RE DE TAPISSIER DÉCORATEUR PERSÉVÉRER — Le métier de tapissier est l’aboutissement d’un travail de finition poussé, résultant de la précision et de l’entêtement du maître d’art qui le pratique. Délicat, fin, précis, autant qu’acharné et perfectionniste, celui-ci n’hésitera pas à faire, défaire, tendre et retendre à l’infini au vu d’obtenir le résultat souhaité. La persévérance lui est indispensable. CAMILLE GUERRACHE, 1 FMA 1 - ATELIER RE DE TAPISSIER DÉCORATEUR PHOTOSHOPER — Consiste à retoucher une image à l'aide du logiciel Photoshop pour la rendre plus séduisante et fidèle à une réalité inventée. Photoshoper c'est donc aussi tromper, donner une illusion de réel. Photoshoper donne lieu à des photomontages qui associent des éléments tirés du réel à un projet d'intervention dont on souhaite donner un aperçu. MARINA KHÉMIS, DSAA 2 DESIGN D'ESPACE POCHER — Mise en couleur et ajout de texture sur un plan avec Photoshop. CÉLIA DÉRIJARD, DSAA 2 DESIGN D’ESPACE PRENDRE-UN-CAFÉ — 9h15 / 11h05 / 12h35 / 14h55 / 23h45, parfois. CÉCILE GUILLOU, DSAA 2 DESIGN PRODUIT R RATER — Meilleure voie à la réussite. IVAN BRÉLIVET, DSAA 2 DESIGN PRODUIT RÉCOLTER — Travaillant sur la fiente de pigeon, la récolte fait aujourd'hui partie de mon quotidien. N'ayons pas peur d'y mettre les mains. IVAN BRÉLIVET, DSAA 2 DESIGN PRODUIT REGARDER — Le regard est sans doute l'outil que j'utilise le plus sur mon établi. Malgré tout cet outil n'échappe pas à la loi de la concentration car il m'est arrivé à plusieurs reprises de le mettre en cause pour des fautes qui lui sont dues. Le mien est jeune, il progresse de jour en jour. C'est là une différence que j'ai avec les anciens qui comprennent, analysent et guident le poignet par le seul regard. FRANÇOIS BAUDRILLER, 1 FMA 1 RE ATELIER D’ÉBÉNISTERIE RENDRE — Ce mot à l’apparence peu poétique, désigne la création d’un magnifique visuel destiné à produire une image réaliste d’un projet. HÉLÈNE FANDEUR, DSAA 2 DESIGN D’ESPACE PARESSER — Un coup de marteau, une scie qui démarre, quelques cris très vite relevés par des rires bruyants, c’est un va et vient incessant de visages connus ou non qui rythment les heures passées en atelier. Le tourbillon infernal des enfilades de rouleaux de tissu nous invite à explorer, chercher et dénicher celui qui sera le bon. Tandis que là, de tous les côtés, à ne plus savoir où donner de la tête, fauteuils et canapés s’évertuent à nous attirer à leurs côtés, prônant paresse et rêverie et lorsque enfin nous cédons tout n’est plus qu’amusement et détente, mais attention… le travail n’attend pas et très vite nous nous remettrons à l’ouvrage. RÉTREINDRE — Écoutez le ziiing, ziiing, ziiing… du maillet qui contraint la feuille de métal par martelage répété sur la bigorne à rétreindre. Puis la reprise du marteau dont les coups plus nombreux et plus serrés contraignent la plaque sans jamais frapper deux fois au même endroit. La rétreinte permet d’obtenir des formes creuses, des contenants luxueux pour l’orfèvrerie. CAROLINE LAFITTE, PROFESSEUR D’ARTS APPLIQUÉS CAMILLE GUERRACHE, 1 FMA 1 - ATELIER RHINOTER — Faire du dessin en 3D grâce au logiciel « Rhino », ajouter un décor et des textures, pour avoir de belles images de produits qu'on a jamais fabriquées ! CLÉMENCE COUCHOT, DE TAPISSIER DÉCORATEUR DSAA 2 DESIGN PRODUIT RE PÉDALER — Transformer le vroumvroum, en gling-gling, c’est le défi de la voiture à pédales ! Étudiants de tous bords gambergent le soir pour mettre en route la future boullemobile ! P—7 DSAA 2 DESIGN D'ESPACE P—8 SCIER — Voilà une machine qui m’a fait part de sa dangerosité par une alerte amicale : l’accident. Tout peut arriver si vite quand on n’est pas attentif. Je la redoute, je m’en méfie… et pourtant on n’arrêtera jamais de l'utiliser. Mon professeur me disait : « Gardez toujours vos yeux sur l'outil. » Effectivement… Mais maintenant j'ai retenu la leçon. La machine à besoin de l'artisan autant qu’il a besoin d'elle : et c'est à ce moment là qu'elle devient la meilleure amie des ébénistes. MARIE SEPRÉ, 1 FMA 1 – ATELIER RE D’ÉBÉNISTERIE SERRER LA MAIN — En entrant j'avance dans l’atelier, d'une poigne ferme il me serre la main, signe de respect derrière cet aspect si sérieux. La corne de sa main me fait me sentir si petite. Le rapport est humain. LOLA MOSSINO, 1 FMA 1 – ATELIER D’ÉBÉNISTERIE RE RIGOLER — Dessiner un projet est un acte optimiste. On a tous un ami qui nous lance un regard sceptique lorsqu’on lui parle de notre réflexion méta-physique sur la porosité de la limite entre l’espace extérieur collectif et l’espace intérieur domestique. Des considérations qui nous valent beaucoup d’éclats de rire, et parfois des railleries. Mais ce recul est parfois salutaire : rire fait avancer notre projet et rend nos charrettes plus agréables, entre autres lorsqu’on a les cernes jusqu’au nombril. Moralité, plus on rigole mieux on se porte en DSAA. T CU S P — 9 O D’ARTS APPLIQUÉS TRACER — Bon, qu'est-ce qu'on a ? Une courbe à tracer. Pas de problème, c'est parti, je me place bien, je prends mon crayon, je respire et… j'y vais ! Je tire mon trait, doucement, doucement, attention ! Et… c'est raté. C’est pas grave, je recommence, une grande inspiration, on souffle, et c'est reparti. Cette fois c'est bon, je suis arrivé au bout. Comment ça une bosse ? Mais non, c'est rien ça, c'est… je recommence. Cette fois-ci c'est la bonne, courage, je vais réussir. Je tire le trait, et.. OUI ! Elle est bonne, je la garde. De quoi ? Encore 7 autres ? Heureusement que j'aime ça. ARTHUR FERRON, 1 FMA 1 – ATELIER D’ÉBÉNISTERIE RE TRADUIRE — Passer de l'idée à l'objet / l'espace. Traduire, c'est aussi concrétiser : donner une forme à quelque chose d'aussi volatile qu'une idée. Lui donner une consistance par la main : ébaucher, esquisser, modeler, maquetter… MINH-TÂM NGUYEN, DSAA 2 Du geste juste au geste expérimental Nous n’avons de cesse d’interroger « Le geste » dans nos pratiques sans pour autant lui accorder une pleine et entière attention réflexive. Terme générique, souvent utilisé pour nos actions, il nous rend service tous les jours mais nous avons parfois bien du mal à nous entendre sur ce qu’il représente alors que nous le convoquons pour diverses raisons. Geste juste de l’artisan pour certains, geste expérimental du chercheur pour d’autres, empirique le plus souvent… Nous avons demandé aux élèves de terminale de se pencher sur cette réflexion dans le cadre de leur projet de Baccalauréat. DESIGN D’ESPACE TENDRE — Mon travail face à moi, j’adapte ma position. Une main tirant le tissu qui me scie les doigts et galbe mes muscles. De l’autre, mon ramponneau et une semence sur son bout aimanté, visant la feuillure. Je n’ai pas le droit à l’erreur car un geste erroné et c’est mon tissu qui est endommagé. Tendre n’est pas un travail de tout repos, on se doit de faire et défaire afin d’atteindre la bonne tension du tissu sur le support. ANNA GLONNEK, Le geste est initial, il est une sorte d’archicommencement d’une action… Ayant la possibilité de soulever tout le corps, il est producteur de mouvements et révélateur d’un sens, d’une intentionnalité. Nous avons demandé aux élèves de le caractériser. 1 FMA 1 – ATELIER DE TAPISSIER DÉCORATEUR RE ELSA ESCOBEDO, DSAA 2 DESIGN D’ESPACE RESPECTER LE MÉTIER — Blouse ajustée devant mon établi de bois, je suis prête à travailler. Chacun sait ce qu'il doit faire et s'attarde sur son ouvrage. À chaque fois que j’entre ici je suis fière et heureuse, car pour moi c'est le plus bel atelier du monde. U MARIE SEPRÉ, 1 FMA 1 – ATELIER RE D’ÉBÉNISTERIE S OO FO USINER (LES MACHINES) — La dégauchisseuse vrombit, la toupie crisse, les machines outils sifflent, les scies chuintent… V S’APPROPRIER — On l’utilise souvent pour parler de nos projets, parce qu’on aimerait bien que les futurs usagers s’approprient les espaces que l’on dessine. On l’utilise tellement qu’il finit par devenir un mot valise, duquel on a tendance à se moquer gentiment. Mais en même temps on se rend compte, en regardant les fanions qui décorent notre salle, que ce mot, même s’il est un peu galvaudé, parle d’un rapport instinctif et spontané à l’espace (et qui pour tout dire nous rend bien agréables les charrettes sur le plateau des DSAA). VARLOPER — La varlope tenue fermement à l’arrière et à l’avant, glisse sur les pièces de bois grâce à la paraffine frottée sur sa semelle. Son fer tranchant placé à plusieurs reprises dans la lumière jusqu’à ce qu’il soit correctement inséré caresse les pièces dans le sens du fil du bois en se heurtant à tous les défauts et les supprime parfois difficilement. YOHAN DELAHAYE, DSAA 2 DESIGN D'ESPACE SÉBASTIEN BAILLOUX, 1 FMA 1 – ATELIER RE D'ÉBÉNISTERIE ¶ Le geste peut être pensé comme « Geste d’agir », le geste comme action. L’action contribue à façonner notre vie quotidienne, elle permet d’entreprendre. En agissant, nous n’avons de cesse de questionner nos manières de faire, d’exécuter de manière plus ou moins imparfaite, d’œuvrer avec plus ou moins de technicité, de procéder de manière plus ou moins aléatoire, de se comporter, de travailler … On piste ses propres gestes, on les écoute, on les remarque chez autrui… Qu’il soit geste physique, geste appris, geste mimétique, dernier geste, geste en mutation, geste qui façonne ou transforme la matière ; le geste est à l’origine de nos postures actives. CHRISTINE ROUCH, ENSEIGNANTE S'EXUTER — Pour être créatif et mener à bien un projet, il est vital de s'exuter. S'exuter, c'est évacuer le « trop-plein » : le trop plein d'idées, le trop plein d'énergie, le trop plein de soucis. Sur le papier, on déballe toutes les idées, bonnes ou mauvaises, on défoule sa main et sa tête pour faire sortir tout ce que l'on a intériorisé. Il n'en ressort au final que du bon : une tête légère, une main assouplie et un projet enrichi. JEANNE GUYON, TOURNER — Les étudiants s’affairent et se faufilent entre les tours, dans un dédale mécanique. Ça et là, il en est un qui, penché, le corps plié, le pied posé sur l’immense pédale de commande, les yeux rivés sur la zone éclairée par la lampe, caresse d’un geste sûr, de son outil le cylindre de métal en rotation pour en retirer de délicats copeaux. Ici, la Machine est omniprésente et donne l’illusion de prolonger, de remplacer la main. Mais c’est bien l’œil et la main qui gouvernent et président à l’élaboration de ces pièces si subtiles dans leurs proportions, leurs décors et leurs patines. OLIVIER BIZERAY, PROFESSEUR EN ARTS APPLIQUÉS STD2 A ET MÉTIERS D’ART SCULPTER — Bing, bing, bing… vriiiip. Aïe ! Le geste c’est aussi, ce qui permet d’être ou de rentrer en contact pour appréhender le monde. Tout créateur le sait bien, il est amené à se pencher sur le rapport épidermique qu’il a avec le monde, sur cette manière « tangente » que nous entretenons avec ce qui nous apparaît comme extérieur. En design, le geste « haptique » est une notion ergonomique, psychologique, physiologique qui revêt toute son importance. Le rôle et la prégnance du toucher supposent de penser la réceptivité, la manière dont nous touchons le monde et le modifions simultanément en agissant dessus. Notre corps possède divers types de récepteurs sensoriels dans le derme qui en fonction des cas ont une sensibilité aux vibrations, aux pressions, déformations… En fonction du déplacement, du frottement, il est d’autant plus important de saisir ou d’imaginer les interactions que nous pouvons créer avec le monde extérieur quand nous envisageons de créer des objets, des espaces, des environnements, des textiles… Le Geste image, comme signe qui donne à voir. Aux travers de nos actions, de nos mimiques, de nos rituels, de nos codes… nous élaborons des gestes qui comptent, des gestes qui semblent l’expression d’un engagement, d’une éthique, d’une moralité, d’un langage… il est bon de savoir lire ses gestes et d’en comprendre les subtilités de communication culturelle, identitaire… pour imaginer les relations, nos interactions les uns aux autres. Voici en quelques mots, les pistes sur lesquelles se sont penchés les terminales. Nous ne doutons pas que chacun d’entre nous à l’école Boulle aura son idée sur la manière singulière de caractériser dans sa pratique cette large thématique. ¶ R P — P — 10 11 RR RENCONTRE O Design et métier d’art, rencontre autour du geste relations avec des ateliers d’artisans d’art et de réussir à se comprendre pour réussir à sortir des pièces vraiment intéressantes qui ne soient ni un pastiche des œuvres qui ont déjà été faites dans le passé, ni des choses qui épurent tellement le geste, qu’à la fin celuici pourrait être produit industriellement. ENTRETIEN AVEC LE STUDIO ST ANTOINE, À L’INCUBATEUR DES ATELIERS DE PARIS INTERVIEW RÉALISÉE PAR CAROLINE LAFITTE ET SOPHIE VALZAN Quelle a été votre formation ? Nous nous sommes rencontrés à Camondo, la formation englobe l’architecture intérieure et le design de produits d’environnement, pendant 5 ans. C’est lié, pour nous c’est une évidence, car le design a aujourd’hui beaucoup d’applications différentes. Ce qu’on appelle designer aujourd’hui, est protéiforme (entre la mode, le graphisme, l’évènementiel , le produit…). Il y a 1001 façons d’être designer. Dans notre façon de faire, le design est extrêmement lié à l’architecture intérieure, en tout cas à la notion de projet, d’espace et de contexte. Nous sommes amenés à concevoir des pièces qui sont dessinées pour un espace, pour un type d’habitat. C.L. C.L. C.L. Votre projet à l’incubateur des Ateliers de Paris, c’est quoi ? C’est d’essayer de mettre en œuvre une démarche de création, essentiellement sur des questions de mobilier, d’objet et à plus long terme espace. Ce qu’on trouve très excitant dans un projet, c’est la façon dont il se concrétise. Lassés l’un comme l’autre des projets qui existent en image de synthèse ou en prototype et qui ne voient jamais le jour, nous nous sommes orientés dans la démarche des ensembliers. C’est-à-dire de penser l’ensemble de l’espace et de tout ce qui le compose : le mobilier, les revêtements, les objets, les matériaux… c’est pourquoi cette approche nous lie avec l’artisanat d’art. Comment vous est venue cette idée de Tour de France ? Ce qui nous intéresse c’est la série limitée, voire la pièce unique, d’où le lien naturel avec le mode de fabrication et de relation avec les métiers d’art. Nous nous sommes dit qu’au lieu de dessiner des projets pour se demander ensuite qui va pouvoir les fabriquer et comment, nous allions faire exactement l’inverse : allons d’abord faire un tour d’atelier pour savoir ce qui existe, voir les gestes derrière les objets. Voir comment ces objets sont faits nous donne énormément d’autres idées. Nous avons donc décidé de faire ce tour d’ateliers avec des savoirs faire extrêmement variés, des supports de matériaux également très variés. Voir ces gestes, essayer de les comprendre à notre façon avec notre regard de designer, pour pouvoir ensuite dessiner avec nos envies, notre culture, les marchés que l’on vise (l’architecture intérieure) pour les types de séries qui nous intéressent, c’est à dire les petites séries, les pièces uniques. Notre tour de France s’est fait en plusieurs moments, mais en continu, tous les mois nous en visitons. Il y a bien des façons d’être designer. Notre façon de faire, c’est qu’on aime bien avoir un point de départ, parce qu’être designer c’est répondre à un cahier des charges. Ainsi, partir du geste, du matériau ou d’un savoir faire, est pour nous un point de départ fabuleux ! Parce que cela donne des possibilités, mais aussi des limites. La force des grands architectes décorateurs d’hier et d’aujourd’hui c’est d’avoir su et de savoir nouer des B BU ZZ C ULTUREL Avez-vous des exemples où le geste a guidé la rencontre entre l’artisan d’art et vous-même ? Dans le travail que nous faisons en lien avec les artisans d’art, on observe leurs gestes d’un point de vue extérieur, on les analyse différemment. C’est probablement l’intérêt de notre démarche. Ce recul nécessaire nous permet de réinterpréter les gestes que l’on voit et de les utiliser à notre façon avec notre culture. On s’émerveille de choses qui leur sont tout à fait naturelles, et au contraire on ne s’intéresse pas forcément à des choses qui pour eux sont extrêmement sophistiquées parce que requérant un travail énorme. Parfois même des gestes assez basiques dans leur formation, peuvent devenir extrêmement intéressants et très contemporains transposés autrement. Chaque artisan maîtrise quantité de gestes. Vouloir montrer la maîtrise de tous ces gestes sur une même pièce conduit à des objets qui sont techniquement des prouesses incroyables, mais qui pour nous esthétiquement n’ont pas forcément un intérêt fou. Au lieu de tout dire sur une seule pièce, on peut scinder les techniques, d’autant plus sur une logique de petite série, avoir une pensée plus globale et pas juste penser une seule pièce comme un chef d’œuvre. En allant rencontrer un artisan, on voit qu’avec tel geste, il réussit à produire telle pièce, mais notre travail c’est aussi de se dire qu’avec ce geste, il peut aussi probablement sortir un autre type de pièces… Là se situe le point de départ de notre discussion, qui nous permet de voir à la fois les difficultés mais aussi les limites. Par exemple il nous dira, « mon four il fait telle taille, donc, je ne peux pas sortir ce type de pièce, en revanche je peux en faire deux que j’assemble de telle façon… » Ainsi on commence à rentrer dans le projet… Prochainement nous allons travailler avec un céramiste japonais (partenariat entre les Ateliers de Paris et les artisans de Kyoto), qui maîtrise une technique très particulière de fabrication et d’émaillage de tuiles extrêmement fines. Aujourd’hui, il fait de la vaisselle car il sait qu’il peut utiliser cette technique à plat. Ces carreaux de céramique qui sont extrêmement fins et légers nous avons l’idée de les utiliser pour faire de la marqueterie que l’on utilisera sur du mobilier, des parois… Notre travail est donc intimement lié aux gestes et aux savoir-faire. On ne peut pas avoir des idées déconnectées de l’atelier, car elles n’aboutiront pas à un projet. Cela finira dans les cartons, ou sur un disque dur. C.L. Quel a été l’accueil dans les ateliers ? On a à faire à des gens généreux, heureux de partager leur passion. C’est un investissement en temps important, parce que les ateliers sont le plus souvent en dehors de Paris… Et nous sommes donc très bien reçus. Je pense que notre démarche qui est d’arriver volontairement les mains vides lors des premières visites, sans dessin, sans projet, et de dire :« voilà on vient un peu s’imprégner de ce que vous faites, montrez-nous », donne lieu à des moments très intéressants. Parfois l’accueil est un petit peu plus réservé au départ, mais au fur et à mesure du temps que l’on passe avec les artisans, ils ouvrent beaucoup de portes, ressortent des archives, des projets, on finit par dénicher dans l’atelier des objets qui peuvent être le point de départ d’un nouveau projet… La rencontre avec tous ces gens nous a amené à penser notre future collection non pas à partir de dessins, mais à partir de gens avec qui on s’est bien entendu et avec qui nous avons envie de travailler. Nos projets sont donc intimement liés à des personnes. Pour nous c’est aussi une façon de donner un sens à ce qu’on fait. On a une liste de matériaux, de procédés et de personnes artisans d’art en face, qui vont nous motiver pour construire. On dessine après coup, quand le lien est établi, on regarde toutes les photos et C.L. toutes les notes qu’on a prises. Aujourd’hui, ce qu’on fait le plus, pour démarrer notre activité, c’est de proposer un peu tout ce savoir faire à des architectes décorateurs qui ont des projets et qui se disent voilà moi je voudrais développer un luminaire, j’ai un croquis, et qu’est-ce que je peux faire ? On re-décortique tout ça. Ceci on va le faire avec untel, de telle façon, du coup ce ne sera pas cette épaisseur, ce sera peut-être celle-ci. Donc on redessine en fonction d’une typologie d’atelier et de fabrication avec qui on est en lien. Boulle s’expose cet été et à la rentrée CNAM CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS 292 Rue Saint-Martin, 75003 Paris. Du 10 juillet au 30 septembre 2014. Exposition des diplômes de Métiers d’art 2012 et 2013 dans les vitrines du musée et au cœur de la chapelle. ¶ TADAO ANDO ET LES DSAA DESIGN D’ESPACE AU BON MARCHÉ 24 Rue de Sèvres, 75007 Paris. Du 2 au 5 septembre 2014. Le 2 septembre au soir : intervention de Tadao Ando à l’École Boulle. ¶ On va souvent voir des ateliers d’exception qui ont un patrimoine de savoir faire très important et confronter à cela une vision LES JOURNÉES DU PATRIMOINE contemporaine est intéressant : AU CARROUSEL DU LOUVRE c’est se poser la question qu'est99 Rue de Rivoli, 75001 Paris. ce qu'une pièce de métier d’art Les 5, 6 et 7 décembre 2014. aujourd’hui ? Exposition des ateliers du métal Il y a un équilibre à trouver qui est et du bijou, avec des démonstraextrêmement difficile, assez fragile, tions in situ pendant trois jouret surtout très personnel. Doit-on nées consécutives d’étudiants adapter le savoir faire à ce qu’il sur des établis. ¶ sait faire ? Jusqu’où faut-il simplifier les formes pour les rendre plus contemporaines ? DUNKERQUE / BORDEAUX, Ce sont des débats qui EXPOSITION DES DSAA DESIGN D’ESPACE nous agitent au quotidien Dunkerque / Bordeaux exposition des DSAA et je pense que cette Design d’Espace. Première quinzaine tension est très créative. de septembre. ¶ Notre but n’est pas d’épurer absolument tout et de se retrouver avec des objets qui ne traduiraient plus un savoir faire, qui de fait ne L’ESPACE se voit presque plus. C’est de D’EXPOSITION trouver un juste milieu entre une DROUOT – tradition d’artisanat d’art où BOULLE / TASK il y a un travail de détail et 9, rue Drouot, d’ornements, et quelque chose 75009 Paris. de contemporain qui pousse Du 3 au 11 vers plus de minimalisme. octobre 2014. La recherche de cet équilibre Exposition des 104 - PARIS DESIGN est passionnante, il y a une diplômes de WEEK infinité de réponses à cela. ¶ métiers d’art 104 rue 2014 de l’école d'Aubervilliers, 75019 de Task Paris. Du 10 au 17 au Japon et de septembre 2014. l’école Boulle. ¶ Exposition des diplômes de métiers d’art 2014 et des DSAA Design Produit. ¶ CHÂTEAU DE VERSAILLES Place d'Armes, 78000 Versailles. Du 23 octobre au 22 février 2015. Les meubles du XVIIIe siècle, avec des interventions régulières d’étudiants en situation d’exercice, en semaine et certains week ends, qui concerneront les ateliers d’ébénisterie, de sculpture, de ciselure et de marqueterie. ¶ P O RTRAIT TRAIT P — 12 INTERVIEW COLOPHON Directeur de Publication : C. Hespel Rédactrice en chef : Caroline Laffite Conception graphique : Müesli RÉALISÉE PAR CAROLINE LAFITTE Jean-Pierre, on t’aime… Dès l’enfance, c’est en construisant des petites voitures avec des bouchons, des cures dents, du carton et de la tôle ondulée que Jean-Pierre a mis tout un monde en maquette ; celui des « Glups » (petits personnages de caoutchouc, offerts pour l’achat de 20 litres d’essence chez Esso, dans les années 70). Bien plus tard, une « certaine incompatibilité avec le système scolaire » le mène à passer le Bac « Construction Mécanique » en candidat libre. Après un détour d’un an sur les gros cargos flirtant avec les côtes africaines, il revient en France pour tenter le concours d’entrée aux beaux-arts de Rennes qu’il réussit avec succès. La culture lui va comme un gant. Le DNAT en poche, il enchaîne les rencontres avec les architectes, photographes, scénographes, ou publicistes avec qui il s’associe, travaillant dans une ancienne usine de filature du Nord-Pas-de-Calais. Jean-Pierre, breton d'origine, est vite conquis par l’esprit chtimi. Il s’installe alors en free-lance réalisant les maquettes des architectes de la région et des prototypes pour l’industrie. Le travail bat son plein. La révolution numérique met tout le monde à terre En 1997, c’est le lancement d’AutoCAD 14, avec la révolution numérique qui s’en suit. À l’époque, nous dit-il, pour allumer ou éteindre un ordinateur il fallait suivre une formation, alors pour maîtriser un nouveau logiciel ! De plus il fallait réinvestir dans un nouveau parc machines extrêmement coûteux. Un bon concours de circonstances lui permit de bénéficier de cette formation (AutoCAD et SolidWorks). L’investissement dans un ordinateur portable lui évita le parc machines retrouvant de surcroît son indépendance. Du free-lance à l’enseignement ça s’est passé comment ? « À la même époque, on m’a contacté pour prendre en charge le poste de maquettiste à l’ESAT de Roubaix, en BTS ACI (Assistant Conception Industrielle). J’ai dit oui, et puis, vous savez comment c’est dans l’administration, ça prend son temps. Je n’ai plus entendu parler d’eux pendant un an. Fin août, à la veille de la prérentrée, le proviseur de l’établissement m’a appelé en disant : « M. Queffelou, je me permets de vous rappeler, pour vous signifier que nous comptons toujours sur vous demain… ! » Ça s’appelle la veille pour le lendemain. Alors grosse panique, car je n’avais jamais eu d’élèves à part ceux du canoë. J’y vais, et là un prof arts appliqués me dit : « T’inquiètes pas, de toute façon ils en savent toujours moins que toi, ça se passera bien ! » Et voilà comment je suis devenu prof. Et puis les opportunités se sont enchaînées, j’ai poursuivi l’expérience à Vauréal dans des ateliers tout neufs. Puis j’ai été sollicité par l’école Boulle. J’étais impressionné, vous pensez, l’école Boulle ça devait être une chasse gardée. J’en avais une image idéalisée, une espèce de château fort dans lequel on ne peut entrer! Alors je suis arrivé sur ma moto, c’était en décembre 2006 je crois, j’avais rendez-vous pour visiter les lieux. Et quand j’ai vu la façade, je me suis dit : c’est pas possible, ça doit être l’entrée des matériaux ! » L’atelier maquettes, le lieu de la dernière chance… Ce qui frappe à l’atelier maquettes, ce n’est pas l’étendue du parc machines, mais le nombre de mots gentils et de remerciements adressés au maître des lieux. Patron des opérations impossibles, ici on trouve des solutions. Les étudiants post-bac issus des différentes filières du Design et des métiers d’art viennent prototyper, « trotec-quer », souder, forger, scier, découper, assembler, thermoformer… Les besoins et les attentes sont nombreux. Enfin, face à un trépied forgé de haute lutte, pour une structure de meuble en ébénisterie, il nous confia que dans cette opération « one shot », « il faut juste se dire que si on ne réussit pas, le bateau coule ! » ¶