nouvelle réglementation quel impact pour la france
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nouvelle réglementation quel impact pour la france
54 NOUVELLE RÉGLEMENTATION QUEL IMPACT POUR LA FRANCE ? La transposition en droit français de la nouvelle réglementation pharmaceutique européenne devait être effective à la fin octobre. L’adoption du projet de loi sera retardée mais certaines dispositions sont d’ores et déjà sur les rails. Inventaire et état des lieux en 10 points. —————— e projet de loi (n°3062) visant à transtant la transposition d’autres directives relatives aux poser en droit français la nouvelle réproduits de santé ou adaptant le code de santé puglementation pharmaceutique euroblique au droit communautaire. Englobant de péenne a été adopté le 28 juin par la nombreux domaines, le projet de loi a encore commission des affaires culturelles, besoin d’être complété et précisé par de nombreux familiales et sociales de l’Assemblée décrets d’application déjà préparés, pour certains, nationale. Cette transposition qui par l’Afssaps et devant être acceptés par la Direcaurait dû être bouclée pour le 31 octobre 2005 est tion Générale de la Santé (DGS). Dans l’état actuel attendue au plus tôt pour début 2007. Un délai qui des travaux, cet article a vocation à fournir des semble aujourd’hui bel et bien compromis. Initiaéclairages sur quelques unes des principales modilement prévu pour octobre et novembre 2006, fications. l’examen du projet de loi par le Parlement a été retardé par les discussions autour de la fusion Suez1) Génériques GDF. Toutefois, deux dispositions essentielles de la L’article 9 devrait interdire la commercialisation directive européenne n°2004/27/CE ont déjà été d’un générique, d’un biosimilaire et d’un quasi-gétransposées via d’autres textes : la nouvelle défininérique pendant une période de dix ans après tion des génériques dans le texte l’AMM de la spécialité de référence, poude loi de réforme de l’assurancevant être prolongée d’un an soit en cas maladie (13 août 2004) ; et l’AMM d’obtention, par le titulaire de l’AMM de Échange globale dans le décret relatif aux référence, pendant les huit premières ansur les modifications d’AMM (18 février nées de sa commercialisation, d’une modifications 2005). nouvelle indication apportant un avanDans son premier chapitre, le tage clinique important par rapport aux projet de loi a pour objectif de thérapies existantes, soit en cas de noutransposer la directive n°2004/27/CE du Parlement velle indication concernant un médicament basé sur un usage médical bien établi ou encore lorseuropéen et du Conseil adoptée le 31 mars 2004, qu’un produit sur prescription obligatoire obtient modifiant la directive n° 2001/83/CE instituant un le statut de prescription facultative. Comme le soucode communautaire relatif aux médicaments à ligne Anne-Priscille Vlasto, conseiller juridique du usage humain. Son chapitre II a pour objet d’habiLeem, « le projet de loi ne précise pas que la deliter le gouvernement à adopter par voie d’ordonmande d’AMM générique devra se faire par réfénance plusieurs mesures transposant ou complé- L PHARMACEUTIQUES _ OCTOBRE 2006 EUROPE DU MÉDICAMENT d o s s i e r 55 rence à un médicament mis sur le marché depuis au moins huit ans. Il est également silencieux sur le fait que le génériqueur devra attendre deux ans de plus afin de pouvoir le commercialiser. Ces éléments seront sûrement prévus par décret ». 2) Propriété intellectuelle L’article 8 prévoit que le titulaire de l’AMM générique déclare, préalablement, à l’agence, les indications, formes pharmaceutiques et dosages de la spécialité de référence pour lesquels les droits de propriété intellectuelle n’ont pas expiré. D’après Anne-Priscille Vlasto, « on peut s’interroger sur Accélérer la la finalité de cette demande. Rien n’est précisé. réalisation Nous ne savons pas comment l’Afssaps d’essais compte les utiliser ». Par ailleurs, Fabrice Meillier, chargé de mission affaires réglementaires France à la direction des affaires scientifiques pharmaceutiques et médicales du Leem, rappelle que « le répertoire des génériques tel qu’il est rédigé actuellement ne fait pas mention de ces indications. » 3) Disposition Bolar L’article 10 modifie le code de propriété intellectuelle pour élargir le champ des exceptions à la protection par brevet. Celle-ci est écartée pour tous les actes et les essais réalisés en vue de l’obtention d’une AMM (donc non considérés comme de la contrefaçon). Une disposition permettant d’accélérer la réalisation d’essais pour des demandes d’AMM de génériques. Selon Anne-Priscille Vlasto, « cette disposition est transposée de façon non uniforme dans l’Union. Certains Etats l’ont limitée à l’obtention d’une AMM dans l’Union, d’autres Etats, comme la France, l’ont étendue de façon très large à l’obtention d’une AMM en France, dans un Etat de l’Union, ou dans des pays tiers. D’autres encore l’ont limité à l’obtention d’une AMM générique. La directive devrait tendre à harmoniser les droits. Ici, nous observons l’effet contraire ». 4) Renouvellement des AMM L’article 5 permet notamment de transposer les nouvelles règles relatives aux procédures de renouvellement. Ces règles doivent être détaillées via un décret toujours en attente. La notion de renouvellement telle qu’elle a été fixée par la réglementation française (tous les 5 ans) va disparaître. Dans la directive européenne, sauf exceptions, une AMM doit faire l’objet d’un premier renouvellement au bout de 5 ans et ensuite, si le dossier est validé, elle obtient une validité illimitée. Avec une condition essentielle : le renforcement de la pharmacovigilance, prévu dans la directive et faisant l’objet d’un décret sur lequel le Leem a déjà pu être consulté. Concernant la période de transition, comme le souligne Fabrice Meillier, « l’Afssaps a proposé une période transitoire de 9 mois entre le système actuel et la nouvelle procédure ». Par ailleurs, comme les autres Etats membres, la France prône un dossier de renouvellement non plus administratif mais néanmoins assez simple, sans dépôt de dossier d’AMM complet actualisé, tel qu’il est déjà demandé pour les renouvellement des AMM en procédure de reconnais- 4 44 OCTOBRE 2006 _ PHARMACEUTIQUES 56 de santé publique ou lorsque le recul sur ce produit est insuffisant. Pour certains médicaments dérivés du sang, le système actuel pourrait être maintenu : la période de validité de l’AMM serait de 2 ans et son renouvellement serait à redéposer tous les deux ans. Ces médicaments ne bénéficieraient pas de l’AMM à validité illimitée » 5) Caducité des AMM L’article 5 vise aussi à transposer les règles relatives à la caducité de l’AMM. Cette disposition n’est toutefois pas détaillée dans le projet de loi et le décret n’est pas encore disponible. La directive prévoit que lorsqu’un médicament n’est pas commercialisé pendant trois ans en continu (dès le lancement du produit sur le marché ou arrêt de commercialisation pour X raisons), son AMM devient caduque. Des exemptions ont, toutefois, été formulées au niveau européen (raison de santé publique, par exemple). Ainsi, sont exemptés les produits commercialisés de manière saisonnière ou ponctuelle (vaccins, médicaments pour certaines maladies tropicales…). La France a, par ailleurs, accepté le principe que les produits nécessitant une AMM octroyée en France et étant destinés uniquement au marché de l’export hors Europe, soient également exemptés. D’après Fabrice Meillier, « la caducité des AMM telle qu’elle est abordée dans la directive non reprise dans le projet de loi mais, bientôt, dans les décrets d’application, prévoit que la période pendant laquelle un médicament n’est pas légalement commercialisable ne soit pas prise en compte dans la période de trois ans de non commercialisation avant sa caducité ». Par ailleurs, lorsqu’une AMM regroupe différentes formes pharmaceutiques, cette notion de caducité est à considérer pour chacune de ces formes et chacune doit être commercialisée. 6) Autorisations d’office 444 sance mutuelle et en procédure centralisée. Le dossier comporterait des informations administratives et des attestations d’experts certifiant que les données pharmaceutiques sont à jour, que les guidelines ont bien été suivies… Pour les parties pré-cliniques et cliniques du dossier, ce même type d’attestations serait nécessaire. Il y aurait aussi les rapports de pharmacovigilance. « Selon nos dernières informations auprès de l’Afssaps, ce serait le dossier le plus complet à déposer. L’Afssaps serait d’accord pour qu’il y ait deux cas de figure. Pour les médicaments récents (moins de 5 ans), la France se dirigerait directement vers ce type de dossier à l’européenne. Et pour les médicaments ayant déjà fait l'objet d'un renouvellement quinquennal en France, les laboratoires pourraient déposer un dossier qui serait très proche du dossier administratif actuel », indique Sophie Leroy. Cette proposition de l’Afssaps transmise à la DGS a obtenu l’agrément complet des industriels. « Il n’y aurait pas de dossier actualisé complet à fournir. Dans le cas contraire, le délai laissé par la période de transition proposée serait trop court pour actualiser un dossier », note Fabrice Meillier. Le dossier sera déposé obligatoirement 6 mois avant la date d’expiration. D’après Fabrice Meillier, « le projet de décret devrait prévoir les exceptions. 5 ans après l'obtention de l'AMM, le premier renouvellement quinquennal ne donnerait pas forcément une AMM illimitée. Elle pourrait être renouvelée pour 5 ans supplémentaires seulement pour raisons PHARMACEUTIQUES _ OCTOBRE 2006 L’article 7 prévoit d’instaurer la possibilité pour l’Afssaps d’accorder pour des raisons de santé publique une AMM à un produit qui ne fait l’objet d’aucune demande en France mais est autorisé dans un autre pays membre. Les modalités de cette autorisation seront précisées par décret. Pour Béatrice Kressmann, « une telle disposition pourrait être appliquée par exemple pour les médicaments pédiatriques. La France pourrait ainsi chercher dans un autre pays de la Communauté européenne un médicament ayant une indication pédiatrique spécifique rentrant dans l’inventaire des besoins pédiatriques non remplis en France ». 7) Transparence L’article 26 prévoit l’adoption par voie réglementaire des conditions dans lesquelles l’Afssaps rendra désormais publique des synthèses de l’évaluation des nouveaux médicaments auxquels elle délivre une AMM. Le même article stipule qu’en outre, les compte-rendu et ordres du jour des réunions des Commissions et des Conseils de l’Afssaps seront rendus accessibles, ainsi que ses avis et décisions. Comme l’indique Sophie Leroy, la publication des résumés de rapport d’évaluation a été mise en place depuis 2004 en France (« RapPE »). « En revanche, ce qui est nouveau, c’est la publication des comptes rendus des Commissions de l’agence. L’Afssaps a été pionnière dans ce domaine, elle a publié les compte-rendu des commissions d’AMM et les compte-rendus des commissions de pharmacovigilance 57 EUROPE DU MÉDICAMENT d o s s i e r 35 (depuis le 16 mars 2006) avant même que la directive ne soit transposée ». D’après Fabrice Meillier, l’Afssaps publie « ces comptes-rendus sans base juridique. Ce point a été soulevé par le Leem auprès de l’agence. Outre le fait que l’Afssaps a agi avant la transposition, elle publie des éléments qui, contrairement à ce que demande la directive, sont des actes préparatoires et ne peuvent être considérés comme des décisions. Il y a eu une précipitation de la part de l’agence ». nériqueur de chercher dans les pays de l’Union européenne celui où le princeps a été commercialisé en premier, donc celui où la protection de données est la plus aboutie. Il pourra alors se référer à ce pays là pour déposer sa demande dans les autres pays de l’Union. « Au départ, cette disposition avait été prévue pour permettre l'enregistrement d'un générique dans les pays où la spécialité de référence n’existe pas », confie Fabrice Meillier. 9) Groupes génériques sans princeps de référence 8) Eurogénérique Cette disposition nouvelle permettrait de déposer une demande de générique dans un Etat membre A basé sur un princeps enregistré dans un Etat membre B. Peu importe que le princeps existe, soit commercialisé, supprimé ou n’ait jamais existé dans le pays A. Pour Béatrice Kressmann, (Directeur Affaires Européennes et Internationales, Leem), « c’est une mesure majeure pour le développement des génériques. Le laboratoire, peut, par exemple, faire une demande pour un générique en Pologne, puis le commercialiser sur l’ensemble du marché européen ». Par ailleurs, comme le souligne Sophie Leroy (Responsable Affaires Réglementaires Européennes à la Direction des Affaires Scientifiques, Pharmaceutiques et Médicales, Leem), « ce qui risque d’arriver, c’est que l’on respecte uniquement la protection des données (donc les huit ans écoulés) qui concerne le princeps utilisé comme référence. Du coup, les protections des données des médicaments princeps des autres Etats membres ne seront pas forcément respectées ». En effet, avec l’ « eurogénérique », l’intérêt sera pour le gé- L’article 4 stipule qu’« en l’absence de spécialités de référence, un groupe générique peut être constitué de spécialités ayant la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique et dont le profil de sécurité et d’efficacité est équivalent ». Selon Fabrice Meillier, cette disposition pourrait concerner notamment « les molécules anciennes (aspirine…) et qui pourraient être regroupées dans un groupe générique lorsque les médicaments sont équivalents (dosages et indications). Elle permet aussi de commercialiser un générique ou un groupe de génériques lorsque l’AMM du princeps a été supprimée pour non commercialisation (rendue caduque). Il pourra donc y avoir un groupe de générique sans spécialité de référence ». Autre possibilité, cette nouveauté permet « aussi de constituer un groupe de génériques n’ayant pas de référence car ils auraient été enregistrés avec un principe actif différent (sel, par exemple) ». ■ HÉLIA HAKIMI OCTOBRE 2006 _ PHARMACEUTIQUES