Défis dans le monde arabe : La réponse de l`OIT

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Défis dans le monde arabe : La réponse de l`OIT
Défis dans le monde arabe :
La réponse de l’OIT
Assurer des possibilités de travail décent
au Moyen-Orient et en Afrique du Nord
Résumé analytique
Défis dans le monde arabe: La réponse de l’OIT
RESUME ANALYTIQUE
Les soulèvements populaires qui se sont produits dans les pays arabes ont de nombreuses causes
communes. Les obstacles structurels à une croissance équitable et à la justice sociale ont exacerbé la
pauvreté, le chômage, l’inégalité et l’exclusion, et ils résultent eux-mêmes d’un déficit de longue date
en matière de gouvernance démocratique, de libertés fondamentales et de dialogue social.
La justice sociale et le travail décent sont au cœur des revendications de la vague actuelle de
mouvements populaires, et l’OIT se trouve dans une situation idéale, au sein du système des Nations
Unies, pour aider les pays arabes et placer le travail décent et l’emploi au centre des politiques et
stratégies sociales et économiques. La stratégie de l’Organisation a pour but de relever les défis
actuels tout en traitant les problèmes structurels qui exigent des réponses à moyen et à long terme.
Elle suppose un soutien au niveau des politiques et en aval pour réexaminer les aspects structurels
du chômage, de la faible productivité et de l’accès insuffisant aux opportunités de travail décent et à
la protection sociale, ainsi que le respect des droits au travail. Elle cible les défis du marché du travail
et les déficits de travail décent, et offre une réponse intégrée fondée sur les avantages comparatifs et
les domaines potentiels de coopération technique de l’OIT.
Dans tous les pays couverts par cette stratégie, les disparités locales en matière de pauvreté sont
importantes. Les progrès significatifs accomplis au niveau national par nombre d’entre eux au
Moyen-Orient et en Afrique du Nord pour concrétiser l’OMD no 1 dissimulent de graves disparités au
niveau local. L’absence d’infrastructure, l’accès insuffisant aux services et à l’éducation, et l’accès
inégal aux technologies de l’information sont quelques-unes des causes de ces disparités. Les pays
défavorisés sont pris dans un cercle vicieux: compte tenu de leur situation, leur productivité et leur
production ne peuvent s’améliorer, d’où l’impossibilité d’un accroissement du revenu, qui aggrave à
son tour la mauvaise situation... En général, la région est aussi confrontée à des problèmes dans des
domaines tels que le commerce, les migrations et le changement climatique qui touchent tous les
pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.
Le chômage est au cœur de la crise. La croissance économique récente dans les pays concernés n’a
pas créé assez d’emplois pour absorber les nouveaux arrivés sur le marché du travail, ou bien elle n’a
généré que des emplois de mauvaise qualité dont certains sont occupés par la main-d’œuvre
immigrée. Les défis du marché du travail dans la région sont structurels plutôt que cycliques, et le
défi que représente en particulier l’emploi des jeunes n’a pas encore été relevé: il n’y a pas
d’approche globale à l’intégration des jeunes femmes et des jeunes hommes sur le marché du travail,
et les efforts consentis à cet égard ne sont pas liés comme ils devraient l’être à un cadre national
économique centré sur l’emploi; par ailleurs, la coordination et la cohérence des politiques sont
insuffisantes entre les principaux organismes gouvernementaux, les partenaires nationaux et les
institutions internationales.
Parmi les principaux déficits de travail décent, on peut citer :
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Un rapport emploi/population faible et des taux de chômage élevés, notamment pour les jeunes
et les femmes et quel que soit leur niveau d’instruction: le rapport emploi/population en
Afrique du Nord et au Moyen-Orient était en 2010 de 46,6 et 45,4 pour cent respectivement
(comparé à une moyenne mondiale de 61,1 pour cent). Autant dire que, sur 100 personnes qui
sont en mesure de travailler, il n’y en a même pas la moitié qui travaillent. En 2010, les taux de
chômage ont atteint 9,8 pour cent en Afrique du Nord et 10,1 pour cent au Moyen-Orient, les
chiffres relevés étant particulièrement élevés pour les femmes (15 et 17 pour cent en Afrique du
Nord et au Moyen-Orient, respectivement, comparés à une moyenne mondiale de 6,5 pour cent).
Le taux de chômage des jeunes Arabes est le plus élevé du monde (23,6 pour cent en Afrique du
Nord et 25,1 pour cent au Moyen-Orient, comparé à une moyenne mondiale de 12,6 pour cent).
Les jeunes courent un risque de se retrouver au chômage quatre fois plus élevé que les adultes;
en Egypte, ce chiffre est six fois plus élevé. Des niveaux importants de sous-emploi et de
pauvreté persistent: l’absence de débouchés dans le secteur formel ainsi que le sous-emploi
poussent souvent les gens dans l’économie informelle, qui est tentaculaire. Du fait de l’absence
d’emplois de qualité, plus de quatre personnes sur dix qui occupaient en 2009 un emploi
vulnérable étaient soit des travailleurs indépendants, soit des travailleurs familiaux non
rémunérés et, dans tous les pays de la région, ce pourcentage est beaucoup plus élevé pour les
femmes que pour les hommes. Les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord ont été les seuls
au cours de la décennie passée à constater une augmentation du nombre des femmes dans
l’emploi agricole, principalement en tant que travailleuses vulnérables. Environ 70 pour cent des
jeunes travailleurs et 60 pour cent des jeunes travailleuses dans plusieurs de ces pays ne sont
pas au bénéfice d’un contrat d’emploi.
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Les services publics de l’emploi, en manque chronique de personnel et qui n’ont ni les moyens
ni les compétences voulus pour fournir des services de qualité. L’absence d’un cadre
réglementaire pour les agences d’emploi privées pose également problème.
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L’absence d’un environnement propice à la croissance des microentreprises comme des
petites et moyennes entreprises, car l’esprit d’entreprise est peu développé et les
connaissances sur la manière de créer et de gérer les entreprises sont insuffisantes, et le milieu
n’encourage pas à leur création.
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L’absence d’une réglementation des migrations: de nombreux migrants doivent se contenter
d’emplois de mauvaise qualité, rester sans protection sociale et être privés de la jouissance de
leurs droits. C’est le produit de politiques d’immigration qui laissent à désirer et de systèmes de
gestion insuffisants ou défectueux à cet égard.
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L’accroissement des niveaux de productivité a été minime au cours des dernières années dans
ces pays, car la plupart des emplois créés sont des emplois de faible productivité dans le secteur
informel. Les augmentations de la productivité dans cette partie du monde sont en général à
forte intensité de capital, en dépit des objectifs atteints en éducation. La qualité de l’éducation
dans les pays couverts par la stratégie est extrêmement variable. Les écoles, les universités et les
institutions d’éducation et de formation professionnelles produisent des diplômés qui n’ont
pas acquis les compétences dont ont besoin les marchés du travail compétitifs. Très souvent, les
diplômes ne sont pas reconnus sur le plan international. Le pourcentage des jeunes qui sont à la
fois sortis de l’école et sans travail est plus élevé dans les pays arabes que dans n’importe quelle
autre région en développement (60 pour cent).
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Les pays arabes ont instauré des régimes de pensions et des institutions y relatives au cours des
dernières décennies, mais ils sont peu nombreux à avoir mis au point une politique nationale et
cohérente de la sécurité sociale comprenant une assurance sociale et des services et transferts
non subordonnés au versement de cotisations. Un socle de protection sociale effectif fait
défaut.
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Les faiblesses du dialogue social sont le reflet de lacunes plus graves en matière de
gouvernance, de respect de l’Etat de droit, et de création d’un espace et d’un rôle pour la société
civile. Les acteurs principaux ne sont pas du tout à même de jouer un rôle effectif dans les
processus ou les institutions de dialogue social. Les organisations d’employeurs et de travailleurs
restent faibles, et le rôle de l’Etat dans la promotion du dialogue social et sa participation à ce
dialogue est relativement mal compris. Les institutions nationales de dialogue social qui
fonctionnent vraiment sont rares.
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Tous les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord connaissent des problèmes en matière de
normes du travail. Les pays du Maghreb ont ratifié les conventions nos 87 et 98 de l’OIT, excepté
le Maroc, qui n’a pas encore ratifié la convention no 87 1, mais la plupart ont des difficultés avec
plusieurs conventions fondamentales.
La réponse de l’OIT
La réponse de l’OIT est centrée sur la promotion des possibilités d’emploi par un recours accru
aux ressources locales, à l’investissement à forte intensité de main-d’œuvre et aux emplois verts. Il
faut améliorer la capacité des pays de réduire la vulnérabilité, et faire fond sur les stratégies
existantes et utiles des filets de sécurité en matière sociale et d’emploi pour assurer la mise en œuvre
d’un socle de protection sociale élargi. Autre défi à relever: il faut renforcer et élargir le dialogue
social pour assurer une démocratisation dans la sous-région, renforcer aussi l’Etat de droit, car la
stratégie de l’OIT est fondée sur les droits. Ses valeurs de référence sont les normes internationales
du travail et leur promotion qui doivent guider le développement.
Les programmes de l’OIT pour promouvoir l’emploi des jeunes prennent de plus en plus
d’importance dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, où ils travaillent avec les
mandants de l’OIT à l’élaboration d’une approche plurielle visant à améliorer la transition de l’école
au travail, et à la promotion de politiques actives du marché du travail et de l’esprit d’entreprise.
L’OIT s’est engagée à restructurer la gouvernance et les institutions du marché du travail, et à
favoriser l’apparition de syndicats et d’organisations d’employeurs démocratiques.
C87: convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948;
C98: convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
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La réponse de l’OIT s’inspire de la Déclaration de l’OIT sur la justice sociale pour une
mondialisation équitable, 2008, et elle comprend un certain nombre de considérations
transversales; le recentrage des initiatives de renforcement des capacités sur une transition vers
le pluralisme et la démocratie, notamment en ce qui concerne la gouvernance du marché du travail;
la relance de la participation des partenaires sociaux, du dialogue social et du renforcement de la
société civile; la promotion des aspects de l’approche «économie sociale», de l’égalité entre
hommes et femmes, et de l’abolition du travail des enfants.
Le soutien au secteur privé est une préoccupation majeure, et notamment la promotion d’un
environnement et d’une assistance propices au développement de petites et microentreprises.
L’OIT recherche un financement supplémentaire pour mettre en œuvre des propositions spécifiques
concernant les pays suivants: Algérie, Bahreïn, Egypte, Jordanie, Maroc, Oman, République arabe
syrienne et Tunisie.
Les propositions les plus importantes portent sur les emplois décents pour les jeunes;
l’investissement à forte intensité d’emploi dans le renforcement des capacités et les projets pilotes;
les travaux publics à forte intensité d’emploi; la promotion d’un dialogue social participatif et
équitable, capable de susciter un consensus dans les pays arabes; et le renforcement des
organisations de travailleurs.
La réussite de la mise en œuvre de ces propositions fournira les éléments clés d’une meilleure
gouvernance, fondement d’une reprise économique durable, et qui fera des procédures
démocratiques un moteur du développement national.
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