Le Concert des anges

fiche de visite
le concert des anges, (volet gauche de l’Incarnation )
Retable d’Issenheim
Sous une construction irréelle, des figures ailées aux doigts bagués s’agitent, jouant de l’archet de
façon surprenante, parfois en total déséquilibre : est ce vraiment un concert ?
Les figures sont de tailles différentes , mais quelle règle organise cette hiérarchie ? Est-ce une image
de l’ordre ou du désordre ? Trois d’entre elles, les musiciens, gardent, agenouillées, des attitudes
humaines. Mais elles portent des ailes et pour l’une d’elles une étrange crête de plumes. D’autres
figures, minuscules, évoluent dans l’air, flottant comme des esprits. En lisière, se tient une petite figure féminine lumineuse, que deux anges s’apprêtent à couronner...
Tous ces personnages sont tournés, comme un public passionné - mais, semble-t-il aussi, indocilevers l’image du panneau de droite, la Vierge à l’Enfant. Ils contemplent une image géante du futur qui
les dépasse, et que certains réprouvent : “La lumière divine éclaire la terre. Car elle a pris corps,
née d’un corps de femme, c’est un enfant humain.”
Sur les colonnes, des personnages que les historiens ne
peuvent clairement définir ; seul
Moïse est reconnaissable : il
porte les tables de la loi.
L’architecture mèle le végétal et des
motifs gothiques et n’évoque aucun
lieu réel.
Cet espace obscur serait symboliquement celui de la religion ancienne
(L’Ancien Testament), en attente de la
lumière.
La figure féminine lumineuse (peutêtre Marie) se tient en marge de cet
espace et porte son regard vers le
monde naissant nouveau, baigné de
lumière.
La limite entre les deux
espaces est marquée
par une grande tenture
verte.
Un visage éblouissant :
s’agit-il de Marie portant
la Lumière en elle ?
(enceinte de Jésus)
Le premier plan est occupé
par une figure importante, son
visage est boursouflé, gonflé
de l’intérieur.
Derrière lui, deux autres musiciens. L’un deux porte une
crête.
Certains auteurs le désigne
comme étant “Lucifer” un nom
qui signifie “le porteur de
lumière” . C’est un ange déchu
pour s’être, par orgueil, opposé à Dieu (il voulait briller plus
que lui !). Devenu diable, c’est
le prince des ténèbres.
On n’entend pas la musique,
mais on la voit : Grünewald la
rend visible à travers tous les
jeux de couleurs qu’il organise,
irrisations sur les vêtements,
chromatismes, polyphonie...
Une aiguière de cristal,
symbolise la pureté de
Marie.
Au sol, de grandes dalles
relient les deux images, les
deux mondes.
Mais de nombreuses questions res tent sans réponses : pourquoi ces
attitudes instables , ces doigts
bagués ? Pourquoi ces effets chro matiques subtils sur les vêtements
des anges : faut-il y voir la musique
rendue visible par le peintre ? Ces
vêtement irisés sont-il faits de
matière ou de quelque chose de
mouvant,d’impalpable, comme
les idées, comme la musique ?
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MIEUX VOIR LE TRAVAIL DU PEINTRE
UNE OREILLE DANS L’ŒIL?
REGARD LUMINEUX
De nombreux artistes, Paul Klee, Vassily Kandinsky se
sont passionnés pour les correspondances musiquecouleur. Un musicien du vingtième siècle, Scriabine,
avait imaginé un “piano à lumière”, chaque son produisant une couleur. Mais cinq siècles plus tôt, dans le
“concert des anges”, Grunewald n’invente-t-il pas, lui,
un pinceau à musique ? Ce panneau ne nous présente-t-il pas le spectacle grandiose de la musique peinte?
UNE MUSIQUE MAGNIFIQUE
“Parmi les six contrastes de couleurs, le contraste
chaud-froid est le plus éclatant ; Il permet de composer
au moyen des couleurs une musique magnifique. C’est
ce contraste que Grünewald choisit pour le Concert des
Anges/...”
Une vue très agrandie
montre que des
rayons de lumière,
dirigés vers Dieu le
père du panneau de
droite, sortent de l’œil
d’un des anges.
Il porte une crête, comme un démon. N’est ce pas
Lucifer, celui qui, comme son nom l’indique, “porte la
lumière”? Se sent-il trahi, déchu, dépossédé de son
pouvoir ? Car c’est un être humain, impur -une femme-,
qui maintenant a été désigné pour porter la lumière : un
scandale pour le monde ancien qui est cependant obligé de se soumettre...
Johannes Itten, peintre et théoricien enseignant au Bauhaus,
L’art de la couleur
EST-CE BIEN MARIE, QUI PORTE LA
LUMIÈRE EN ELLE,
et qui va être couronnée par les
deux anges qui sont au dessus
d’elle ou... une image de
l’Eglise, symboliquement représentée comme une femme couronnée, en majesté ?
GESTES ÉTRANGES,
Les mains des musiciens
prennent des positions
étranges... Pourquoi ?
Une question qui est aujourd’hui sans réponse.
SAVOIR ET COMPRENDRE
L’ICONOGRAPHIE (LA SIGNIFICATION DES IMAGES) EST PARTICULIÈREMENT INCERTAINE POUR CERTAINS ÉLÉMENTS DE CE PANNEAU.
Plusieurs interprétations sont proposées par les historiens, mais il serait scientifiquement erroné d’en privilégier
une en particulier : pour cette étude les historiens ne disposent pas d’une pièce essentielle qui a disparu : le
contrat écrit passé entre le commanditaire et les exécutants.
Le peintre avait-il une certaine liberté d’interprétation, ou a-t-il suivi à la lettre un programme iconographique
imposé ? Quelles en sont les clefs de lecture?
Cette peinture fait partie d’un ensemble qui représente
L’INCARNATION DU FILS DE DIEU. QU’EST-CE QUE L’INCARNATION?
C’est une croyance selon laquelle, une chose abstraite, une idée, un esprit, une divinité, peut prendre “chair”
-s’incarner-, dans le corps d’un homme ou d’un animal.
Les mots “chair”, “incarner” et “incarnation”” sont de la même famille.
Dans la religion chrétienne, l’Incarnation du Fils de Dieu, c’est quand l’ Esprit divin devient homme. Jésus, fils
de Dieu, né d’une mère humaine, va vivre une vraie vie humaine, dans un vrai corps d’homme, partager les
bonheurs et les souffrances de tous les humains, jusqu’à la mort.
Le Mystère de L’Incarnation est un signe distinctif essentiel de la foi chrétienne.
"Dieu, par nature invisible, est devenu visible à nos yeux " : son visage peut ainsi être représenté et peint,
comme le décide le concile de Nicée en 787.