instillation post-opératoire précoce de mitomycine C

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instillation post-opératoire précoce de mitomycine C
◆ NOTE TECHNIQUE
Progrès en Urologie (2004), 14, 249-251
L’IPOP : instillation post-opératoire précoce de mitomycine C.
Quand et comment ?
Olivier TRAXER, Bernard GATTEGNO
Service d’Urologie, Hôpital Tenon, Paris, France
RESUME
Le rationnel de la chimiothérapie endovésicale dans le traitement des TSV est basé sur la connaissance de leur
histoire naturelle, en particulier leur propension à la récidive pour une grande part alors que seulement une petite proportion de ces tumeurs a un risque de progression. L’objectif de la chimiothérapie endovésicale est de prévenir l’implantation tumorale sur le site de la résection et d’éliminer la maladie résiduelle éventuelle à l’origine
des récidives : c’est la “chimioprophylaxie”.
Le but de cette note technique est de rappeler les modalités de réalisation de l’IPOP : Instillation Post-Opératoire Précoce de Mitomycine C en mettant l’accent sur deux points techniques.
Mots clés : Vessie, chimiothérapie intra-vésicale, tumeur.
Le but de la chimiothérapie endovésicale est de diminuer le risque
de récidive des tumeurs superficielles de vessie, quelque soient les
mécanismes : implantation tumorale sur le site de la résection, élimination de la maladie résiduelle. Elle est indiquée en cas de
tumeur superficielle de vessie (TSV) à risque intermédiaire (groupe II : pTa G1-G2 de taille supérieur à 3 cm, pTa G2 multifocal, pTa
G1-G2 multirécidivant, pTa G3, pT1 G2 unique) [3].
tumorale au cours de la résection [2 ,8, 9].
Le but de cette note technique est de rappeler les modalités de réalisation de l’instillation post-opératoire précoce de Mitomycine C en
mettent l’accent sur deux points techniques.
- Puis IPOP systématique de MMC
Une instillation précoce de MMC ne contre-indique pas l’utilisation
ultérieure du BCG. Ainsi, SOLOWAY a récemment rapporté son
protocole de traitement des TSV pT1 de haut grade de malignité
avec ou sans CIS associé [7].
- RTUV complète
- Au 15ème jour : protocole d’instillations de BCG (1
instillation/sem/6 sem)
Les données de la littérature n’étant pas suffisantes, les indications
de l’IPOP ne répondent actuellement à aucun consensus. Ainsi,
l’IPOP pourra :
GENERALITES
Les modalités reconnues pour le traitement curatif des TSV à risque
intermédiaire (groupe II) après résection transuréthrale (RTUV) est
le suivant : Une instillation de 40 mg de Mitomycine C (MMC) par
semaine pendant 8 semaines (320 mg au total) avec respect des
modalités suivantes :
- Rester isolée en cas de TSV du groupe I (risque faible) ;
- 40 mg de MMC dans 40 ml de solvant;
- Etre suivie ou non d’un protocole d’instillations de MMC qui
pourra être débuté la semaine suivant la résection, l’IPOP comptant
pour la première instillation (TSV du groupe II : risque intermédiaire) ;
- Réduction de la diurèse (0.62 ml/min) 8 heures avant et pendant
l’instillation;
- Etre suivie d’un protocole d’instillations de BCG (TSV du groupe III : risque élevé)
- Alcalinisation des urines : NaHCO3 1.3 g la veille, le matin et 30
min avant;
QUAND REALISER L’IPOP ?
- Vérification de l’absence de résidu post-mictionnel avant l’instillation;
La nécessité de réaliser l’IPOP dans les 24 heures qui suivent la
RTUV semble confirmée. En effet, après le premier jour post-opératoire, le risque de récidive passe de 37 à 64% et le fait de réaliser
l’instillation au-delà des 24 heures augmente de 2,2 fois le risque
relatif de récidive. Il n’existe cependant pas de consensus quant au
- Durée d’instillation de 2 heures [3, 6, 10].
L’Instillation Post Opératoire Précoce (IPOP) de Mitomycine C
(MMC) est définie par une instillation intra-vésicale de MMC réalisée au plus tard 24 heures après la résection trans-uréthrale de vessie [1, 4]. Le rationnel des IPOP est de prévenir les récidives précoces liées en majeure partie à la greffe de cellules tumorales libérées au moment de la résection.
Manuscrit reçu : août 2003, accepté : janvier 2004
Adresse pour correspondance : Dr. O. Traxer, Service d’Urologie, Hôpital Tenon, 4, rue
de la Chine, 75020 Paris.
Les données de la littérature montrent que le bénéfice de l’IPOP
semble limité aux récidives précoces et au risque d’implantation
e-mail : [email protected]
Ref : TRAXER O., GATTEGNO B., Prog. Urol., 2004, 14, 249-251
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Olivier Traxer, Bernard Gattegno, Progrès en Urologie (2004), 14, 249-251
Tableau I. Manipulation de la MMC et Modalités d’administration
Manipulation
- Eviter le contact du produit et des urines avec la peau
- Préparation par un personnel spécialisé et entraîné
- Respect de l'environnement et protection du personnel
- Local de préparation réservé à cet usage (interdiction de fumer, de manger, de
boire)
- Protections individuelles pour la manipulation : blouse, masque, calot, lunettes, gants
- Champs de protection du plan de travail, conteneurs et sacs de collecte des
déchets
- Eviter la manipulation de cytotoxiques par les femmes enceintes
- Tout contenant cassé doit être considéré comme un déchet contaminé
- Elimination des déchets contaminés par incinération dans des conteneurs rigides
- Volume de reconstitution : 40 ml de solvant pour 40 mg de produit : 1mg/ml
- Solvants : eau p.p.i. ou solution de chlorure de sodium à 9 0/00
- Après reconstitution, la solution doit être utilisée immédiatement
- Changement de coloration de la solution du violet au rose : dénaturation du
produit
Figure 1 : Embout Vygon Luer-lock.
Modalités d'administration
- L'administration de MMC par voie endovésicale doit être effectuée dans un
établissement de santé public ou privé et dans les conditions qui sont requises
pour la mise en œuvre des endoscopies des voies urinaires par un personnel
spécialisé et entraîné
péri-vésicale visible) même en l’absence de saignement important.
En effet, le risque de passage systémique n’est pas clairement évalué et l’instillation peut être mal supportée en raison de douleurs
parfois intenses. Les autres contre-indications sont celles liées au
produit lui-même (hypersensibilité au produit, antécédent de rash
cutané lors d’utilisations précédentes de la MMC).
COMMENT REALISER L’IPOP ?
Il semble exister un consensus pour respecter les modalités d’instillation intravésicales de MMC (Tableau I) :
- L’IPOP peut être réalisée en salle de réveil ou dans l’unité d’hospitalisation
- L’irrigation vésicale doit pouvoir être interrompue : hémostase
satisfaisante requise
Figure 2. Matériel pour la réalisation d’une IPOP avec purge d’air de
10 à 20 ml.
A. 10 à 20 ml d’air pour la purge de la sonde
B. Seringue de 6O ml tenue verticalement au moment de l’instillation
avec 40 ml de MMC
C. Tubulure d’irrigation clampée
D. Embout Vygon Luer-lock
E. Sonde vésicale double courant
- Une alcalinisation des urines la veille et le matin de l’intervention
est recommandée (NaHCO3 1.3 g la veille, le matin et 30 min
avant)
- ECBU pré-opératoire stérile
- Contrôle du pH urinaire à la bandelette urinaire (doit être supérieur à 6)
- Dose recommandée : 40 mg dans 40 ml de solvant
- Instillation du produit, irrigation vésicale interrompue
moment précis de l’instillation (post-opératoire précoce, 6ième,
12ième ou 24ième heure post-opératoire) et sur la quantité de MMC
à instiller (30 à 50 mg). Par ailleurs, il n’est pas toujours possible de
réaliser l’IPOP en raison du risque de caillotage vésical.
- Purger la sonde vésicale avec 10à 20 cc de sérum physiologique
ou d’air
Pour OOSTTERLINCK l’instillation doit être réalisée dans les 6 premières heures [5] et pour BOUFFIOUX, avant la 24 ème heure [2].
- Remise en route de l’irrigation vésicale en continu pour au moins
24 heures
De façon générale, l’IPOP ne doit pas être réalisée si la résection a
été large et/ou profonde (diamètre supérieur à 3 cm et/ou graisse
- Hyperhydratation en l'absence de contre-indication médicale spécifique
- Maintenir la sonde vésicale et l’irrigation clampées pendant 1 à 2
heures
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Olivier Traxer, Bernard Gattegno, Progrès en Urologie (2004), 14, 249-251
- Le liquide d’irrigation et les urines récupérés durant les 6 heures
suivant l’IPOP doivent être considérés et traités comme des excrétats contaminés (200 ml d'eau de Javel prête à l'emploi (12°chl)
pour 500 ml de liquide d’irrigation récupéré. Cette adjonction
devra respecter les règles d'utilisation de l'eau de Javel et en particulier ne pas faire de mélange avec un produit acide)
2. BOUFFIOUX C., KURTH K.H., BONO A., OOSTERLINCK W., KRUGER
C.B., De PAUW M., SYLVESTER R. : Intravesical adjuvant chemotherapy for
superficial transitional cell bladder carcinoma : results of 2 European Organization for Research and Treatment of Cancer randomized trials with mitomycin C
and doxorubicin comparing early versus delayed instillations and short-term
versus long-term treatment. European Organization for Research and Treatment
of Cancer Genitourinary Group. J. Urol. 1995 ; 153: 934-941.
3. GATTEGNO B., CHOPIN D. : Rapport du Congrès 2001 de l’AFU :
Tumeurs superficielles de la vessie. Prog. Urol. 2001 ; 11.
POINTS TECHNIQUES
4. McLARTY E., COKER C.B. : A novel device for reconstituting and delivering intravesical chemotherapy. BJU international, 2003 ; 91 : 575-576.
L’utilisation d’un embout Luer-Lock
5. OOSTERLINCK W, KURTH KH, SCHRODER F, BULTINCK J, HAMMOND B, SYLVESTER R. : A prospective European Organization for
Research and Treatment of Cancer Genitourinary Group randomized trial
comparing transurethral resection followed by a single intravesical instillation of epirubicin or water in single stage Ta, T1 papillary carcinoma of the
bladder. J. Urol. 1993 ; 149 : 749-752.
Il est indispensable pour raccorder la seringue de préparation de la
MMC à la sonde vésicale (classiquement sonde vésicale à double
courant en latex ou en silicone) (Figure 1). En effet le nouveau
mode de conditionnement de la MMC impose d’utiliser une seringue de 60 ml avec embout Luer-Lock qui ne peut s’adapter sur une
sonde vésicale à double courant que par l’intermédiaire de cet
embout Luer-Lock.
6. RISCHMANN P., BARON J.C., BONNAL P., COLOBY P., COLOMBEL
M., DAVIN J.L., GUY L., IRANI J., LEBRET T., MAINDENBERG M.,
MAZEROLLES C., MERRAN S., PARIENTE J.L., PFISTER C., THEODORE C. : Recommandations 2002 du Comité de Cancérologie de l’Association Française d’Urologie. Tumeurs urothéliales. Prog. Urol. 2002 ; 12 :
15-29.
La purge systématique de la sonde vésicale
Elle se réalise en injectant en fin d’instillation 10 à 20 cc d’air ou
d’eau pour préparation injectable. En effet les sondes vésicales
20 Ch en latex ou en 100% silicone contiennent respectivement
5 et 7 cc de liquide, ce qui représente respectivement 12.5 et
17,5% de produit actif qui restent piégés dans la sonde vésicale.
Dans notre pratique, nous utilisons la purge systématique de la
sonde vésicale avec 10 à 20 ml d’air. La seringue est maintenue
verticalement pendant l’instillation et l’air est ainsi instillé en
dernier (Figure 2).
L’utilisation d’eau pour préparation injectable est également possible mais nécessite de faire un changement de seringue ce qui augmente les manipulations majorant ainsi le risque septique et la perte
de produit actif au moment du changement de seringues.
CONCLUSION
L’IPOP est une instillation unique de MMC réalisée dans les 24
heures après RTUV. Elle est décidée par l’opérateur en fonction des
constatations endoscopiques. Il n’existe pas de recommandations
quant à la dose à instiller (30 à 50 mg, en moyenne 40). L’IPOP ne
précède pas nécessairement un protocole d’instillations intra-vésicales qui sera institué en fonction des résultats anatomo-pathologiques définitifs (MMC ou BCG).
Le respect des modalités d’instillation avec purge systématique de
la sonde vésicale est indispensable afin de standardiser la méthode
et de délivrer une dose constante de mitomycine C.
REFERENCES
1. BONNAL J.L. : Practical impact of pharmacologic and clinical data on early
post-operative instillation of mitomycin C. Prog. Urol. 2002 ; 12 : 118-123.
7. SOLOWAY M.S., SOFER M., VAIDYA A. : Contemporary management of
stage T1 transitional cell carcinoma of the bladder. J. Urol. 2002 ; 167 :
1573-1583.
8. SOLSONA E., IBORRA I., RICOS J.V., MONROS J.L., CASANOVA J.,
DUMONT R. : Effectiveness of a single immediate mitomycin C instillation
in patients with low risk superficial bladder cancer : short and long-term followup. J. Urol. 1999 ; 161 : 1120-1123.
9. TOLLEY D.A., PARMAR M.K., GRIGOR K.M., LALLEMAND G.,
BENYON L.L., FELLOWS J., FREEDMAN L.S., GRIGOR K.M., HALL
R.R., HARGREAVE T.B., MUNSON K., NEWLING D.W., RICHARDS
B., ROBINSON M.R., ROSE M.B., SMITH P.H., WILLIAMS J.L., WHELAN P. : The effect of intravesical mitomycin C on recurrence of newly diagnosed superficial bladder cancer : a further report with 7 years of follow up.
J. Urol. 1996 ; 155 : 1233-8123.
10. WIENTJES M.G., BADALAMENT R.A., AU J.L. : Use of pharmacologic
data and computer simulations to design an efficacy trial of intravesical
mitomycin C therapy for superficial bladder cancer. Cancer Chemother.
Pharmacol. 1993 ; 32 : 255-262.
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SUMMARY
Early postoperative mitomycin C instillation: when and how?
The rationale for intravesical chemotherapy in the treatment of superficial bladder tumours is based on the knowledge of their natural history, particularly the propensity of a majority of tumours to relapses,
while only a small proportion of these tumours present a risk of progression. The objective of intravesical chemotherapy is to prevent
tumour implantation on the site of resection and to eliminate any residual disease responsible for recurrences; this treatment therefore constitutes “chemoprophylaxis”. The objective of this technical note is to
recall the practical modalities of early postoperative mitomycin C
instillation with particular emphasis on two technical points.
Key Words : Bladder, intravesical chemotherapy, tumour.
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