Le Grand Meaulnes - biblio

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Le Grand Meaulnes
Alain-Fournier
Livret pédagogique
correspondant au livre élève n° 77
établi par Isabelle de Lisle,
agrégée de Lettres modernes,
professeur en collège et en lycée
Sommaire – 2
SOMMAIRE
R É P ON S E S AU X QU E S T ION S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
Première partie, chapitre I (pp. 9 à 17) ..........................................................................................................................................3
Première partie, chapitre XV (pp. 82 à 92) .....................................................................................................................................7
Deuxième partie, chapitres VII et VIII (pp. 140 à 146) ..................................................................................................................12
Troisième partie, chapitre XI (pp. 240 à 246) ...............................................................................................................................15
Épilogue (pp. 279 à 283) ..............................................................................................................................................................19
Retour sur l’œuvre (pp. 287-288) ..................................................................................................................................................22
P ROP OS IT ION DE S É QU E N C E DIDAC T IQU E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
E X P LOIT AT ION DU
GROU P E M E N T DE T E X T E S
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
P IS T E S DE RE C H E RC H E S DOC U M E N T AIRE S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
B IBLIOGRAP H IE C OM P LÉ M E N T AIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
Tous droits de traduction, de représentation et d’adaptation réservés pour tous pays.
© Hachette Livre, 2010.
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Le Grand Meaulnes – 3
RÉPONSES AUX QUESTIONS
P r e m i è r e
p a r t i e ,
c h a p i t r e
I
( p p .
9
à
1 7 )
Avez-vous bien lu ?
L’histoire se déroule à la fin du XIXe siècle (« 189… ») et l’arrivée de Meaulnes a lieu en novembre.
v Le narrateur est le fils de M. Seurel, le directeur du Cours Supérieur. Sa mère est institutrice dans la
« petite classe ». Au moment de l’arrivée de Meaulnes, il a quinze ans.
Le narrateur et ses parents habitent à Sainte-Agathe. Ils ont quitté le village 15 ans avant que François
Seurel commence à écrire son récit.
w Le Grand Meaulnes se prénomme Augustin ; on l’apprend lorsque sa mère l’appelle : « C’est toi,
Augustin ? » Il a 17 ans.
x Millie est la mère du narrateur. Elle est l’institutrice dans « la petite classe ».
u
Étudier la composition du chapitre
Le chapitre d’introduction du roman comprend deux grandes parties nettement différenciées. La
première, qui va du début jusqu’à la ligne 59, présente l’arrivée du narrateur à Sainte-Agathe et
esquisse la vie qu’il a menée avant l’arrivée d’Augustin Meaulnes. La seconde partie, de la ligne 60 à la
fin, raconte une autre installation : celle de Meaulnes. Dans les deux cas, il s’agit d’introduire un
personnage, François Seurel, qui sera le narrateur d’abord, puis Augustin Meaulnes, qui est au cœur de
l’histoire.
U Rapprochons les deux phrases qui introduisent chacune des deux parties du chapitre : « Il arriva chez
nous un dimanche de novembre 189… » et « Nous étions pourtant depuis dix ans dans ce pays lorsque
Meaulnes arriva ». Les deux phrases sont brèves, même si la seconde est étoffée par une subordonnée
circonstancielle de temps. Toutes les deux présentent des indications de temps (« un dimanche de
novembre 189… » et « depuis dix ans ») et de lieu (« chez nous », « dans ce pays ») ; toutes les deux
emploient le verbe arriver et annoncent la venue de Meaulnes : « Il arriva », « Meaulnes arriva ».
Tout se passe comme si la seconde phrase reprenait la première et que le récit de l’installation de la
famille Seurel à Saint-Agathe n’était qu’une parenthèse vite refermée. Cette répétition permet de
centrer le récit sur le personnage de Meaulnes et de donner au personnage-narrateur le statut de simple
témoin de l’histoire.
La seconde phrase marque une progression par rapport à la première : d’abord, la présence de la
subordonnée de temps montre que le récit se gonfle d’une épaisseur temporelle que l’expression « depuis
dix ans » vient renforcer. Mais, surtout, le pronom « Il » est remplacé par le nom « Meaulnes ». AlainFournier procède à l’inverse de nos attentes grammaticales (du nom à son substitut pronominal) et crée
ainsi un effet d’attente. Le lecteur se demande qui est ce « Il » qui ouvre le roman et comprend que le
personnage dont il va être question occupe une telle place dans l’esprit du narrateur qu’il en oublie
presque de le nommer.
V Dans les deux phrases, le verbe arriver est au passé simple ; dans la seconde, le verbe être est à
l’imparfait. L’imparfait exprime une action non limitée dans le temps – ce que viennent renforcer le
sens même (un état) du verbe être et le complément de temps « depuis dix ans ». Il s’agit là d’une action
d’arrière-plan, du cadre posé pour que surgisse au premier plan – et au passé simple – une action
limitée et importante.
W Le jeu de l’imparfait et du passé simple dans la seconde phrase introductrice (« Nous étions pourtant
depuis dix ans dans ce pays lorsque Meaulnes arriva ») exprime le glissement de la situation initiale stable à
l’élément perturbateur.
La situation initiale correspond à la vie tranquille du narrateur avant l’arrivée de Meaulnes à SainteAgathe et l’élément perturbateur est, bien entendu, cette arrivée.
y
Étudier les fonctions de l’incipit
Le chapitre s’intitule « Le pensionnaire » car Alain-Fournier désigne ainsi le personnage éponyme
de son roman. C’est l’arrivée de ce personnage qui marque le début du récit et il est présenté dès les
X
Réponses aux questions – 4
premières pages. L’auteur justifie dans le titre puis dans le corps du récit la raison de sa venue :
Meaulnes entre en pension chez les Seurel.
at Lorsqu’il ouvre un récit, quel qu’il soit, le lecteur est en droit de se poser les questions « Qui ? »,
« Où ? », « Quand ? » et « Quoi ? ». Bien que l’emploi du pronom « Il » au tout début du chapitre
déroute quelque peu, les trois premiers paragraphes jouent pleinement leur rôle informatif en répondant
à ces questions cardinales :
• « Qui ? » : le pronom « Il » crée un vide plus qu’il n’informe, mais les renseignements concernant le
narrateur sont nombreux et viennent combler pour un temps l’attente. En effet, on apprend très vite
que le « je » se situe au sein d’un « nous » familial. Le nom de famille et les professions respectives des
parents sont donnés : « Mon père, que j’appelais M. Seurel, comme les autres élèves, y dirigeait à la fois le
Cours Supérieur, où l’on préparait le brevet d’instituteur, et le Cours Moyen. Ma mère faisait la petite classe. »
• « Où ? » : les indicateurs de lieu abondent également (« chez nous », « la maison », « le pays ») et plus
précisément à mesure que l’on avance dans la lecture (« les bâtiments du Cours Supérieur de SainteAgathe »). L’enchaînement, grâce à la répétition de la préposition « de », des compléments de
détermination marque cette volonté de situer précisément l’histoire.
• « Quand ? » : on peut relever des indications de date (« un dimanche de novembre 189… ») et de durée
(« depuis bientôt quinze ans »). En peu de lignes, on apprend quand se situe l’histoire et ce qu’est devenu
le narrateur après les faits. L’adverbe « jamais » exprime un retour impossible qui laisse entendre que la
fin de l’histoire sera triste.
• « Quoi ? » : le fait de présenter les parents du narrateur et de poser le cadre de l’école indique au
lecteur que le récit va concerner des enfants ou des adolescents. La première phrase annonçant l’arrivée
d’un personnage nous fait comprendre que le narrateur ne sera pas le personnage central du roman. Sans
doute le « Il » renvoie-t-il au personnage du « Grand Meaulnes » désigné par le titre, l’adjectif
« Grand » rappelant le contexte de l’enfance.
ak Le pronom « Il » crée un effet d’attente et le lecteur, supposant qu’il s’agit du personnage éponyme,
souhaiterait en savoir plus. Il se demande également quels liens unissent ce mystérieux personnage et le
narrateur et s’interroge sur la force du souvenir. Comment et pourquoi ce personnage a-t-il pu
marquer à ce point le jeune Seurel ?
al Certaines expressions laissent présager que les événements qui vont être narrés seront tragiques :
– « nous n’y reviendrons certainement jamais » laisse entendre que le narrateur ne souhaite pas revenir sur
les lieux de son enfance ;
– dans la phrase « demeure d’où partirent et où revinrent se briser, comme des vagues sur un rocher désert, nos
aventures », le verbe « briser » en dernière position suggère l’échec des « aventures » ;
– dans la phrase « Tout ce paysage paisible – l’école, le champ du père Martin, avec ses trois noyers, le jardin dès
quatre heures envahi chaque jour par des femmes en visite – est à jamais, dans ma mémoire, agité, transformé par
la présence de celui qui bouleversa toute notre adolescence et dont la fuite même ne nous a pas laissé de repos », les
verbes « agité », « bouleversa », ainsi que la « fuite » et l’absence de « repos » annoncent au lecteur que les
événements racontés vont être tragiques.
Étudier le traitement du temps
Différents événements sont mentionnés au cours du chapitre, et, si la progression chronologique
semble l’armature du récit, l’auteur procède également par allusion et brouille quelque peu l’ordre pour
émouvoir le lecteur et exprimer la spontanéité désordonnée du souvenir. On peut rétablir l’ordre des
événements :
1. Arrivée de la famille Seurel à Sainte-Agathe.
2. Mme Meaulnes a perdu son fils cadet (elle est veuve et Augustin a donc perdu son père, sans que
l’on puisse dater cet événement).
3. Augustin tend des pièges et rapporte une faisane.
4. Un dimanche de novembre 189…, dix ans après l’arrivée des Seurel à Sainte-Agathe :
a) François va à la messe sans sa mère qui attend un chapeau ;
b) François va aux vêpres seul ;
c) François introduit Mme Meaulnes auprès de sa mère ;
d) François fait connaissance avec Augustin qui lui montre comment tirer une fusée.
5. La famille Seurel a quitté « le pays » : la date n’est pas précisée.
6. Quinze ans après ce départ, François Seurel raconte les événements qui sont l’objet du récit.
am
Le Grand Meaulnes – 5
Dès la première phrase du récit, le cadre temporel est à la fois posé et gommé. En effet, AlainFournier nous donne le jour, le mois et la décennie. Nous apprenons que l’histoire se situe à la fin du
XIXe siècle ; l’auteur choisit d’évoquer une période révolue qui correspond à son enfance. Le lecteur de
1913 peut y voir comme une volonté de refuser le passage au XXe siècle et à la modernité pour se
réfugier dans un siècle antérieur. Le contexte de l’école qui sera évoqué dans les phrases suivantes
prolonge cette impression de régression.
L’année n’est pas précisée ni le moment de novembre : les repères sont gommés et l’on retient peutêtre un retour dans un passé obscur et une descente dans l’hiver. L’automne est une saison
intermédiaire, indécise, de même que le jour (quel dimanche ?) et l’année.
Il s’agit pour l’auteur d’ancrer son récit dans une temporalité bien réelle mais aussi de privilégier les
impressions plutôt que les faits précis : l’automne, saison où se meurt l’été ; dimanche, le jour du vide
(l’attente ?) et du Seigneur (Meaulnes ?).
an
Étudier les personnages
Dès les premières lignes, le narrateur se place dans un contexte familial en utilisant l’expression
« chez nous » et en présentant ses parents plutôt que lui-même. Il se définit comme un enfant et se situe
dans une école – ce qui vient renforcer cette impression de dépendance. En effet, quand il ne se place
pas au sein de sa famille, il s’associe aux autres enfants : « Mon père, que j’appelais M. Seurel, comme les
autres élèves ».
Un peu plus loin, on le voit subissant les gestes de sa mère (« Tout en me parlant, elle avait essuyé
doucement avec son mouchoir ma figure d’enfant noircie par le voyage ») ; le fameux « dimanche de novembre »,
on le voit inquiet de ne pas voir sa mère apparaître dans l’église (« j’avais regardé anxieusement du côté des
cloches, pour la voir entrer avec son chapeau neuf »). On retrouve ce retrait et cette attente lors de la
rencontre avec Meaulnes, au cours de la scène du petit feu d’artifice. François observe et, tout le long
du passage relatant les préparatifs, il est grammaticalement en position d’objet : « il me montra » ; « cela
nous était formellement interdit » ; « me prenant par la main, il m’entraîna vivement en arrière ».
Ces détails font du narrateur enfant un personnage en retrait, dépendant des autres quand il ne les subit
pas. Il ne pourra pas occuper l’avant-scène, place laissée libre pour Meaulnes, personnage plein
d’initiatives, comme en témoignent son intrusion dans la maison et l’épisode du feu d’artifice.
À la fin de la première partie, l’évocation des souvenirs d’enfance est imprégnée de l’image
d’Augustin, comme si le narrateur n’avait pas vraiment vécu avant son arrivée – ce qui montre bien
qu’il se situe en retrait par rapport au personnage éponyme.
ap Tous les détails de la scène concourent à donner de Millie, la mère de François, l’image de « la
ménagère la plus méthodique ». On la voit soucieuse de se débarrasser de la saleté, qu’il s’agisse de la
« paille poussiéreuse » ou du noir qui marque le visage de son petit garçon. Sa préoccupation est de
rendre « le logement habitable », et, centrée sur elle-même, elle ne se montre pas curieuse de savoir ce que
pense ou ressent son fils (« Elle était sortie pour me confier sa détresse »).
Le lecteur voit en elle une femme qui impose sa personnalité et sa vision des choses sans pour autant se
montrer agressive (« elle avait essuyé doucement ») ; exclusivement soucieuse du bon ordre de sa maison,
elle ne s’intéresse pas aux sentiments ou aux émotions de son fils – ce qui fera du narrateur un
personnage entièrement livré aux rêveries de Meaulnes.
aq Tout dans le chapitre I – de la composition (voir questions 5 et 6) au moindre détail – vient
souligner le rôle déterminant de l’arrivée de Meaulnes pour le narrateur. On a l’impression que François
connaît avec cette arrivée une seconde naissance, comme si rien n’avait existé vraiment avant cette
date et qu’il n’était encore qu’une ombre indéfinie. En lui prenant la main dans la scène du feu
d’artifice, Meaulnes l’entraîne dans un autre monde : celui des choses interdites que les adultes
désapprouvent sans pour autant juger nécessaire de les réprimander du fait qu’elles ne constituent pas
une grave entorse aux règles (« cela nous était formellement interdit » mais « cette fois encore elle n’osa rien
dire »).
Tout de suite, Meaulnes fascine François ; il est différent de lui : « grand », un peu âgé même pour le
Cours Supérieur, il appartient au monde paysan comme l’indiquent ses cheveux coupés ras. Il affirme
d’emblée sa camaraderie en tutoyant François et en l’entraînant dehors, camaraderie qui est une
supériorité bienveillante. En effet, François a l’impression que Meaulnes connaît mieux que lui la
maison où il habite avec ses parents depuis dix ans : « Tiens, dit-il, j’ai trouvé ça dans ton grenier. Tu n’y
avais donc jamais regardé. » À la fin du chapitre, l’avant-dernière image que le narrateur donne de luiao
Réponses aux questions – 6
même est celle d’un garçon « tenant par la main le grand gars nouveau venu et ne bronchant pas ». Ombre
de ses parents dans les premiers paragraphes du roman, François est devenu le double docile
d’Augustin.
Avec Augustin, François quitte le monde rassurant de l’enfance : « quelqu’un est venu qui m’a enlevé à
tous ces plaisirs d’enfant paisible », lira-t-on dans le chapitre II.
Et le lecteur ? Comment perçoit-il l’arrivée de Meaulnes ? S’identifiant sans doute au narrateur, dont il
emprunte le regard, est-il lui aussi fasciné ? Il est sensible au contraste entre ce que représentent François
et Millie (un monde rangé et paisible) et ce qu’apporte Meaulnes, à savoir : la liberté d’oser sans
s’interroger sur les réactions ou les sentiments des autres. C’est ce qu’expriment clairement les dernières
lignes du chapitre : « un compagnon silencieux, qui mangeait, la tête basse, sans se soucier de nos trois regards
fixés sur lui ». Si François regarde Meaulnes et ne peut plus désormais détourner les yeux de ce
compagnon fascinant, le regard du lecteur est plus complexe, puisque non seulement il regarde
Meaulnes comme François, mais il observe également l’effet du nouveau personnage sur la vie du
narrateur.
Étudier le récit de forme autobiographique
Dans le deuxième paragraphe, on peut relever trois temps différents :
– le présent (« je continue » et « appartienne » – présent du subjonctif –), qui correspond au moment de
l’écriture et qui a valeur de présent de l’énonciation ;
– le passé composé (« Nous avons quitté »), qui renvoie à un moment antérieur à celui de l’écriture et
qui se définit donc par rapport au temps de l’énonciation ;
– le futur (« nous n’y reviendrons certainement jamais »), qui évoque une action certaine à venir,
postérieure au moment de l’écriture et qui se définit, lui aussi, par rapport au temps de l’énonciation.
Ces trois temps, dès le début du récit (2e ligne), ancrent l’histoire dans la situation d’énonciation et
rappellent ainsi l’impact que les événements ont eu sur le narrateur. Cet ancrage dans le temps de
l’énonciation contribue également à créer une impression de réel, le narrateur ne cherchant pas à
s’effacer et se montrant même prêt à raconter ce qu’il est devenu après les événements narrés.
as Le passage, nettement ancré dans la situation d’énonciation du récit, se situe à la fin de la première
partie : « C’est ainsi, du moins, que j’imagine […] ne nous a pas laissé de repos » (l. 43 à 59). Dans ces
lignes, le « je » renvoie rarement au personnage (« je dus passer dans ma mansarde ») et très
majoritairement au narrateur en train d’écrire (« je me vois », « j’essaie d’imaginer »…).
bt On peut relever, par exemple :
- « Car aussitôt que je veux retrouver le lointain souvenir de cette première soirée d’attente dans notre cour de
Sainte-Agathe, déjà ce sont d’autres attentes que je me rappelle ; déjà, les deux mains appuyées aux barreaux du
portail, je me vois épiant avec anxiété quelqu’un qui va descendre la grand’rue. » Le « je » est narrateur et le
présent est un présent de l’énonciation.
- « Et moi, les vêpres finies, j’attendais, en lisant dans la froide salle à manger, qu’elle ouvrît la porte pour me
montrer comment ça lui allait. » Le « je » renvoie au personnage, François Seurel enfant.
Ces exemples mettent en avant les caractéristiques principales du récit autobiographique, tel que
Philippe Lejeune l’a défini. Il s’agit d’un récit rétrospectif : le narrateur raconte une époque révolue.
Mais le récit se double d’une analyse et le retour en arrière permet une analyse de soi et de l’impact du
passé sur la personnalité présente. Si François Seurel raconte l’arrivée de Meaulnes et les événements
qu’elle a entraînés, c’est parce que ces années de sa vie l’ont marqué à jamais : « Tout ce paysage paisible
– l’école, le champ du père Martin, avec ses trois noyers, le jardin dès quatre heures envahi chaque jour par des
femmes en visite – est à jamais, dans ma mémoire, agité, transformé par la présence de celui qui bouleversa toute
notre adolescence et dont la fuite même ne nous a pas laissé de repos. »
bk Le roman est écrit par Alain-Fournier, pseudonyme d’Henri Alban Fournier. Or, on apprend dès
les premières lignes du récit que le narrateur s’appelle Seurel. Il s’agit donc d’un narrateur fictif – ce qui
n’empêche pas qu’il puisse ressembler à l’auteur. Dans ce cas, on ne peut parler de « récit
autobiographique », mais de « récit de forme autobiographique » ou de « roman (on souligne ainsi la
place de la fiction) de forme autobiographique ».
ar
Étudier une scène (pp. 13 à 16, l. 104 à 191)
Sous la forme d’un discours indirect ou narrativisé, voire d’un discours indirect libre (« Il tendait
aussi des nasses… L’autre nuit, il avait découvert dans le bois une faisane prise au collet… »), Mme Meaulnes,
bl
Le Grand Meaulnes – 7
que ni Mme Seurel ni le timide François n’interrompent, présente son fils. L’histoire familiale
d’Augustin est brossée : il a perdu son père puis, dans des circonstances tragiques (« pour s’être baigné
avec son frère dans un étang malsain ») auxquelles il a pris part, son jeune frère. Il est élevé par une mère
qui éprouve pour lui une grande admiration et qui le place en pension chez les Seurel pour qu’il puisse
suivre le Cours Supérieur. Ces informations factuelles sont complétées par une évocation du caractère
du jeune homme : il est attaché à sa mère (« il aimait à lui faire plaisir ») et connaît une grande liberté
puisqu’on le voit découvrant l’autre nuit « une faisane prise au collet ».
Tout concourt à intriguer François et le lecteur : « un air supérieur et mystérieux qui nous intrigua » ; « Ce
qu’elle contait de son fils avec admiration était fort surprenant ».
bm François Seurel est celui qui introduit Mme Meaulnes chez lui ; durant la scène, il reste muet et se
tient en retrait, étonné de ce qu’il entend (« qui nous intrigua ») et désireux de retrouver ses repères ; en
effet, on le voit chercher du réconfort auprès de sa mère : « Moi qui n’osais plus rentrer à la maison quand
j’avais un accroc à ma blouse, je regardais Millie avec étonnement. » Par la suite, il s’associe aux deux
femmes lorsque Millie entreprend d’élucider le mystère du bruit qu’elle entend au-dessus d’elle : « Nous
étions debout tous les trois ». Sans faire preuve d’initiative, il suit le mouvement des deux femmes et, à
la fin du passage, on voit que son rôle se réduit à celui d’un observateur : « Je ne vis d’abord », « Je pus
distinguer aussi ».
bn Au cœur d’un chapitre qui exprime la mélancolie d’un narrateur dont l’esprit, depuis les
événements, n’a jamais pu trouver le repos (« ne nous a pas laissé de repos »), la scène entre Mme
Meaulnes et Mme Seurel se joue avec légèreté sur le registre comique. On y relève différents procédés
très proches de ce qu’on peut rencontrer au théâtre :
– le regard extérieur : François observe la scène sans y participer vraiment ;
– le comique de situation : Mme Seurel, avec son « nid », n’a ni entendu ni vu la visiteuse ;
– le comique de caractère : Mme Meaulnes fait l’éloge intarissable de son fils ;
– le contraste : le discours de Mme Meaulnes et la réaction de Millie (« Ma mère n’écoutait plus ») ;
– l’inquiétude des trois personnages (« le cœur battant ») et la désinvolture d’Augustin (« il souriait »).
Lire l’image
La scène du film qui nous montre M. Seurel présentant le Grand Meaulnes à la classe n’est pas
racontée dans le roman qui privilégie le cadre familial pour centrer le récit sur le narrateur.
On peut voir dans cette scène M. Seurel dans son rôle d’instituteur. C’est ainsi qu’il apparaîtra tout au
long du roman, jouant rarement le rôle d’un père – ce qui laisse peut-être une plus grande liberté à
François.
Quant à Meaulnes, il semble en effet plus grand, plus âgé que les autres enfants, et son attitude, la tête
légèrement inclinée, traduit une assurance que le premier chapitre (son arrivée dans la maison, la scène
du feu d’artifice) soulignait.
bo
À vos plumes !
On demande ici aux élèves de transposer à leur époque une situation racontée dans le roman
d’Alain-Fournier : l’arrivée d’un nouveau personnage. Le thème de « la classe » est plus suggéré que
raconté dans le premier chapitre mais celui de « la différence » est fortement présent.
On attend que le récit mette en avant, au-delà de la simple narration de la rentrée du nouveau,
l’expression de la différence et les réactions des personnages.
Le récit doit être de forme autobiographique (votre classe, vos impressions) et reprendre le statut du
narrateur témoin mis en place au début du Grand Meaulnes.
On valorisera les copies qui auront su s’inspirer du style nostalgique du roman.
bp
P r e m i è r e
p a r t i e ,
c h a p i t r e
X V
( p p .
8 2
à
9 2 )
Que s’est-il passé entre-temps ?
M et Mme Charpentier sont les grands-parents de François, les parents de Millie.
M. Seurel désigne Mouchebœuf, un de ses élèves, pour aller chercher les grands-parents de François
à la gare.
u
v
Réponses aux questions – 8
Le soir du jour où M. Seurel demande à Mouchebœuf d’aller chercher M. et Mme Charpentier,
Meaulnes se rend dans l’atelier du maréchal-ferrant et il entend dire qu’en prenant la jument de
Fromentin, il serait possible d’aller à Vierzon, de prendre les grands-parents de François et d’être de
bonne heure à Sainte-Agathe. Le narrateur laisse entendre que Meaulnes a été vexé que M. Seurel ne
lui confie pas cette mission et qu’il veut ainsi prouver qu’il était plus à même de rendre ce service que
Mouchebœuf.
x Meaulnes reste absent de l’école trois jours.
y Meaulnes s’endort sur sa table de travail et demande à M. Seurel d’aller se coucher.
U Meaulnes fait à François le récit de ses aventures et le narrateur les rapporte à la 3e personne – ce qui
explique le changement de personne au début du chapitre VIII.
V Meaulnes passe la première nuit de son « aventure » dans une bergerie abandonnée. Le deuxième
jour, il rejoint le Domaine et s’abrite, la nuit venue, dans la chambre d’un bâtiment abandonné.
Réveillé quelques heures après s’être endormi, il participe durant la nuit à la fête donnée pour les
enfants dans le mystérieux Domaine. La troisième nuit se passe dans la voiture d’un paysan qui le
rapproche de Sainte-Agathe.
w
Avez-vous bien lu ?
La rencontre de Meaulnes et d’Yvonne de Galais a lieu au bord d’un étang, alors que les
personnages sont sur le point d’embarquer sur un bateau. On apprendra plus loin qu’Yvonne de Galais
était la jeune fille que Meaulnes avait entendue jouer du piano la veille.
X Yvonne de Galais est accompagnée d’une femme « très vieille et courbée ». Il semble que cette femme
soit la mère de la jeune fille (« qui paraissaient être la châtelaine et sa fille »).
at Les invités sont absents car ils ne sont pas encore levés ou bien sont en train de prendre leur petit
déjeuner. Meaulnes et Yvonne de Galais sont matinaux et ils partiront tous les deux sur l’un des trois
premiers bateaux.
ak La dernière étape de la fête consiste en une course de poneys. On attend Frantz de Galais et sa
fiancée, le jeune homme étant censé diriger la course (« ce serait Frantz qui dirigerait tout »).
W
Étudier le cadre de la rencontre
La rencontre de Meaulnes et d’Yvonne de Galais se déroule en hiver mais les notations concernant
le climat concourent à brouiller les repères du lecteur et à faire de cette scène un moment magique, hors
du temps. On relève : « Il fit quelques pas et se trouva comme transporté dans une journée de printemps. Ce
fut en effet le matin le plus doux de cet hiver-là. Il faisait du soleil comme aux premiers jours d’avril. Le givre
fondait et l’herbe mouillée brillait comme humectée de rosée. Dans les arbres, plusieurs petits oiseaux chantaient et
de temps à autre une brise tiédie coulait sur le visage du promeneur. » Dans ce passage, l’hiver est mentionné
mais adouci par des détails qui évoquent plutôt le printemps (mots ou expressions soulignés).
Un peu plus loin, il est même question de l’été : « Et, dans une des fenêtres du haut, un rayon de soleil
donnait, comme en été, aux premières heures du matin. »
L’hiver est pourtant bien là : « vers les bords il restait un peu de glace mince et plissée comme une écume ».
Curieusement, comme pour achever de nous déconcerter, le froid est ensuite souligné et présenté
comme inattendu : « Il faisait froid malgré le soleil d’hiver ».
Et quelques lignes plus loin : « On eût pu se croire au cœur de l’été. » Mais l’hiver reprend ses droits :
« Mais soudain une rafale glacée venait rappeler décembre aux invités de cette étrange fête. »
Le rapprochement de ces indications donne une impression d’incohérence rappelant le rêve. De même
que les personnages semblent être sortis d’une autre époque, la scène de rencontre a lieu dans un cadre
qui oscille entre l’hiver et l’été ; on ne parvient même pas à savoir s’il fait trop froid ou trop chaud
pour la saison.
am Le Domaine est constitué de différents bâtiments épars – ce qui, nous empêchant d’avoir une
vision d’ensemble des lieux, contribue à nous perdre. Les lieux ne cessent de se dérober ; leur forme
nous échappe malgré la précision de certaines indications et leur vétusté laisse entendre qu’ils
appartiennent à un autre temps.
Les différents éléments sont difficiles à cerner : « le bâtiment principal » – qui est également désigné
comme « la longue maison châtelaine, aux ailes inégales, comme une église » – est difficile à cerner puisque
al
Le Grand Meaulnes – 9
les termes (« bâtiment », « maison châtelaine », « église ») qui le nomment fluctuent ; les dépendances se
dérobent de la même manière et un crayon ne trouverait pas d’indications suffisamment précises pour
les dessiner tant le désordre est souligné : « À l’extrémité des dépendances qu’il habitait, c’étaient des écuries
bâties dans un amusant désordre, qui multipliait les recoins garnis d’arbrisseaux fous et de vigne vierge. »
Ajoutons à cela que la nature complète ce désordre en envahissant le domaine : « Jusque sur le Domaine
déferlaient des bois de sapins qui le cachaient à tout le pays plat ». La promenade sur l’étang permet de
rejoindre une autre partie du Domaine : la maison de Frantz – ce qui ajoute au morcellement des lieux.
Le Domaine, lieu pourtant d’une grande fête, semble tirer son prestige d’une autre époque et
être presque en ruine : « Les vestiges d’un mur séparaient le jardin délabré de la cour » ; « la branlante
barrière de bois qui entourait le vivier » ; « les grandes portes aux vitres poussiéreuses qui donnaient sur des pièces
délabrées ou abandonnées, sur des débarras encombrés de brouettes, d’outils rouillés et de pots de fleurs brisés ».
an Dans l’évocation du cadre de la rencontre, les éléments naturels s’associent aux notations
descriptives se rapportant aux bâtiments pour déconcerter le lecteur. On a vu ce qu’il en était de la
saison (question 12) et des bâtiments (question 13) ; voyons maintenant ce qu’il en est de la nature.
On notera d’abord la présence de l’eau : on pense bien sûr à l’étang sur lequel a lieu la promenade en
bateau, mais on peut relever également « l’herbe mouillée », « comme humectée de rosée », le « vivier » dans
lequel Meaulnes déchiffre son reflet. Cette omniprésence de l’eau favorise le rêve et fait du Domaine
un lieu hybride mi-terrestre, mi-aquatique.
Les arbres apportent une note sombre, presque inquiétante : « les recoins garnis d’arbrisseaux fous » ;
« Jusque sur le Domaine déferlaient des bois de sapins » ; et pour rejoindre la maison de Frantz, on aborde
« devant un bois de sapins ». Les sapins au feuillage persistant échappent aux saisons et contribuent à
gommer les repères temporels.
Le vent joue aussi un rôle important. Tantôt il apporte la douceur (« une brise tiédie »), tantôt il est
agressif (« Il s’accouda sur le pont, tenant d’une main son chapeau battu par le grand vent » ; « Mais soudain
une rafale glacée venait rappeler décembre aux invités de cette étrange fête »).
Ainsi, ce qui nous frappe, c’est sans doute que tout glisse ; le vent est tantôt une brise printanière ou
estivale, tantôt la bise de l’hiver ; le Domaine est à la fois terrestre et aquatique, et le vent lui-même
peut être évoqué en termes aquatiques (« une brise tiédie coulait sur le visage du promeneur »). Ces
glissements constants, caractéristiques de l’esthétique symboliste dont Alain-Fournier s’imprègne,
donnent au Domaine une dimension immatérielle et onirique, exprimant ainsi les émotions de
Meaulnes et déroutant le lecteur.
Étudier les personnages autour de Meaulnes et d’Yvonne de Galais
Au fil du texte, on peut relever de nombreuses expressions au pluriel qui désignent des personnages
présents dans le Domaine : « les invités », « deux femmes », « D’autres invités », « des dames », « les
passagers », « ses compagnes », « un des bateliers », « les enfants », « D’autres promeneurs », « la foule des
invités » (deux occurrences), « deux enfants », « la course des poneys », « les fiancés », « les garçons en
costumes de jockeys », « les fillettes en écuyères », « les petites filles ».
Certaines de ces expressions renvoient à des personnages précis, qu’il s’agisse de Frantz et de Valentine,
de Meaulnes et d’Yvonne de Galais, ou de la jeune fille accompagnée de sa mère. Mais les autres
expressions, qui sont nombreuses et auxquelles on peut adjoindre le collectif « foule » ou le pronom
indéfini « on », tendent à gommer les silhouettes pour n’en faire que des ombres en second plan – ce
qui donne davantage de relief aux deux personnages importants de la rencontre.
ap La femme qui accompagne Yvonne de Galais est, comme le suppose Augustin, la « châtelaine », la
mère de la jeune fille. Sa présence permet d’indiquer le milieu social et l’éducation d’Yvonne de Galais.
La jeune fille, conformément au code de son milieu, ne devant pas se promener seule, sa mère la
chaperonne. Le lecteur voit également qu’elle se soumet volontiers à cette autorité et qu’elle adhère
donc aux règles du monde auquel elle appartient – ce qui la différencie nettement de son frère Frantz.
Plus loin, dans le roman, on retrouvera Yvonne de Galais vivant avec son père.
La présence de la châtelaine rend la jeune fille presque inaccessible ; Meaulnes devra attendre que la
femme se soit écartée pour aborder Yvonne de Galais qui finira quand même par exprimer son
inquiétude : « il ne faut pas que nous montions cette fois dans le même bateau ».
De plus, cette présence de la « vieille dame » souligne, par contraste, la beauté de la jeune fille : « c’étaient
deux femmes, l’une très vieille et courbée ; l’autre, une jeune fille blonde, élancée ».
ao
Réponses aux questions – 10
Étudier la rencontre
Personnage presque irréel, Yvonne de Galais ne cesse d’apparaître et de disparaître :
– « Soudain, […] il entendit des pas grincer sur le sable » : les pas semblent venir de nulle part ;
– « il se trouva près d’elle sans avoir eu le temps de réfléchir » : la rapidité de l’action laisse presque entendre
qu’Yvonne de Galais surgit soudain à ses côtés ;
– « elle hâta le pas et, sans répondre, prit une allée transversale » : la jeune fille s’échappe (ne répond pas) et
prend un chemin qui mène on ne sait où ;
– « il l’aperçut soudain venant à sa rencontre » : on retrouve l’adverbe employé pour introduire la jeune
fille ; il s’agit là comme d’une nouvelle apparition ;
– « Et elle s’échappa » : le « Et » temporel a presque une connotation consécutive, comme si ce jet
d’apparition et de disparition était inhérent à la jeune fille ;
– « Meaulnes s’approcha de Mlle de Galais dès qu’il la vit sortir » : on retrouve un verbe de perception
visuelle et la locution conjonctive indique la rapidité ;
– la comparaison avec l’hirondelle va dans le même sens : « comme une hirondelle un instant posée à terre
et qui déjà tremble du désir de reprendre son vol » ;
– « Adieu, ne me suivez pas » ; « la regardant partir » ; « au moment de se perdre à nouveau dans la foule des
invités » : Yvonne de Galais ne réapparaîtra plus, comme l’indique l’insistance sur sa disparition.
Ce jeu d’apparitions et de disparitions fait d’Yvonne de Galais une créature presque surnaturelle. Le
cadre du Domaine et le contexte de cette fête hors du temps se prêtent à une apparition fantastique, et
il faudra attendre la découverte du gilet pour être assuré qu’il ne s’agit pas du rêve d’un personnage
égaré dans les bois au milieu de la nuit. Ce thème onirique est en accord avec celui du « bal masqué »
où l’on se cache et se montre à la fois.
Ajoutons que la présence en pointillé de la jeune fille contribue à créer le désir de Meaulnes ; ses
absences creusent déjà le vide qu’Augustin tentera de remplir en se rapprochant de Valentine.
ar La scène de la rencontre se présente comme un coup de foudre, du côté de Meaulnes au moins. À
partir du moment où Yvonne de Galais fait son apparition, il ne cesse de vouloir se rapprocher d’elle
(« Et Meaulnes les suivit » ; « Augustin la supplia de rester un instant encore » ; « Meaulnes s’approcha de Mlle
de Galais dès qu’il la vit sortir » ; « il était anxieux de retrouver dans la foule le gracieux chapeau de roses et le
grand manteau marron »).
Le regard joue aussi un rôle déterminant et l’on a presque l’impression que les yeux de Meaulnes sont
aimantés (« regarda la jeune fille », « eut le temps d’apercevoir », « il regarda sa toilette », « il put regarder à
l’aise la jeune fille », « il se rappelait avoir vu », « il l’aperçut soudain », « il la vit sortir », « la regardant
partir »).
Le vocabulaire est mélioratif : « élancée », « charmant costume », « sa taille fine », « une finesse », « ce profil
si pur », « ses chevilles étaient si fines » (on remarquera l’intensif) ; cette délicatesse et cette fragilité sont
également suggérées par la comparaison avec une hirondelle (« comme une hirondelle un instant posée à
terre »). Meaulnes, malgré son embarras, n’hésite pas à complimenter la jeune fille : « Vous êtes belle ».
as Le jeu des apparitions et des disparitions donne l’impression que la jeune fille fuit Meaulnes tout en
cherchant sa présence. Elle semble partagée entre sa réserve naturelle et son attirance. Tout laisse à
penser que le coup de foudre est réciproque mais que la jeune fille se dérobe par crainte de braver les
interdits représentés par la présence de la châtelaine. Elle fuit mais pose souvent son regard sur le jeune
homme. À plusieurs reprises, on perçoit toute l’ambivalence de son attitude :
– « la jeune fille se tournant imperceptiblement vers lui », alors qu’elle est accompagnée de sa mère ;
– « ce même regard innocent et grave » posé sur Meaulnes, alors qu’elle parle à sa mère ; on se demande
même si les paroles « Le bateau ne va pas tarder » ne constituent pas une invitation adressée à Augustin.
Plus loin, on retrouve le même double jeu, cette fois-ci avec les compagnes : « Elle répondait à ses
compagnes, souriait, puis posait doucement ses yeux bleus sur lui ».
Le « mais » exprime également une attitude presque contradictoire : « Je vous pardonne, dit-elle
gravement. Mais il faut que je rejoigne les enfants. »
Lorsqu’elle donne son nom, elle s’échappe aussitôt comme si elle regrettait d’avoir été si loin. Un peu
plus tard, la conversation confiante (« avec bonheur et amitié »), « moins hautaine et moins grave », bascule
(« plus inquiète », « redoutait », « s’en effarouchait »).
Ses propos mêmes sont contradictoires (« À quoi bon ? » et « Je vous attendrai »), comme est ambigu son
départ (« Adieu, ne me suivez pas » ; « le regarda longuement »).
aq
Le Grand Meaulnes – 11
L’émotion qu’Yvonne de Galais manifeste lorsque François Seurel prononce le nom de Meaulnes
(chap. II de la 3e partie) montre qu’elle a en effet attendu le jeune homme comme promis et que le
coup de foudre était réciproque.
bt On devine que la jeune fille que Meaulnes a entrevue la veille entourée d’enfants n’est autre
qu’Yvonne de Galais en raison de son grand manteau marron.
bk Les paroles échangées lors de la rencontre contribuent à rapprocher les deux personnages. Au début,
Yvonne de Galais s’adresse à sa mère et à Meaulnes à la fois : « Le bateau ne va pas tarder maintenant ».
Puis elle s’adresse exclusivement à Meaulnes : « Je vous pardonne ». Dans cette réplique, elle reprend le
verbe employé par Meaulnes – ce qui crée un lien ; de même, l’échange des prénoms rend plus intime
la relation (« Je suis Yvonne de Galais », « Mon nom à moi est Augustin Meaulnes »).
Lorsqu’elle parle à ses compagnes, le discours est narrativisé (« Elle répondait à ses compagnes ») pour
placer au second plan ce qui ne concerne pas la relation entre les deux jeunes gens.
On retrouve le discours narrativisé lorsque la tension entre Yvonne et Augustin a disparu et qu’ils
parlent « lentement, avec bonheur – avec amitié » : la reprise du verbe parler (« ils parlèrent ») installe un
temps élargi que l’imparfait (« “À quoi bon ?” répondait-elle ») vient conforter. Il s’agit alors d’installer la
relation dans une durée que le « Adieu » vient briser.
Rêve et réalité
À partir du moment où Meaulnes, parti chercher les grands-parents de François, s’endort et se perd,
le lecteur est en droit de se demander si les événements racontés ne sont pas les rêves du jeune homme
égaré la nuit en pleine campagne. Le gilet que Meaulnes a oublié d’enlever avant de quitter le
Domaine garantira la réalité des faits, sans pour autant dissiper le caractère onirique de la fête et de la
rencontre.
Les notations presque incohérentes (de l’hiver à l’été) concernant la saison (question 12) ainsi que le jeu
des disparitions et des apparitions (question 17) rappellent l’aspect décousu du rêve. De même, la mise
en place des personnages (question 15) comme de vagues silhouettes autour des Meaulnes et d’Yvonne
de Galais contribue à créer l’atmosphère onirique du passage. Des expressions comme « sans savoir
comment » ou « comme dans un rêve » jouent un rôle similaire. La fin de la scène évoque également la
dissipation soudaine d’un rêve : « Puis soudain tout se tut ».
On retrouve, de plus, dans cette rencontre les caractéristiques des récits imaginaires :
– le recul dans le temps (l’équivalent d’un « Il était une fois… » souligné par l’aspect délabré du
Domaine) ;
– un espace difficile à cerner en raison de la multiplication des bâtiments – de la maison principale à
celle de Frantz – et de l’impossibilité de mesurer les distances (l’étang) ;
– l’univers aristocratique qui rappelle celui des contes (la châtelaine, Yvonne de Galais) ;
– la fête (le bal dans les contes) ;
– la jeune fille très belle et inaccessible ;
– le coup de foudre qui révèle deux êtres destinés l’un à l’autre (« il me semble que je vous connais ») ;
– la séparation ;
– la promesse (« Je vous attendrai »).
bm Si la scène emprunte son atmosphère au rêve et au conte, elle n’est jamais présentée clairement
comme le rêve d’un personnage égaré. Ainsi, les indications concernant la saison apparaissent comme
contradictoires, mais à aucun moment le lecteur n’imagine avoir quitté l’hiver pour l’été. Par exemple,
dans la proposition « Il faisait du soleil comme aux premiers jours d’avril », « comme » indique clairement
qu’il ne s’agit que d’un rapprochement et que l’action ne se situe pas en avril. De même, plus haut, on
lit : « comme transporté dans une journée de printemps ». Et si l’action se déroule « comme dans un rêve »,
c’est bien qu’elle n’en est pas un et que Meaulnes se perçoit comme un être réel et non comme l’« être
charmant et romanesque » qu’il croit apercevoir dans la glace du vivier : il craint d’être « reconnu »
comme un « étranger » ; il se reproche « sa balourdise, sa grossièreté, sa sottise ».
Par ailleurs, si Yvonne de Galais est une jeune fille inaccessible au « profil si pur », Meaulnes se rappelle
avoir aperçu « un peu de poudre restée sur sa joue » – ce qui fait d’elle un être de chair.
bl
Lire l’image
La brume qui filtre la lumière et disperse les rayons contribue à gommer les contours et à donner à
la scène un caractère irréel, onirique. On distingue difficilement les traits de Meaulnes – ce qui fait de
bn
Réponses aux questions – 12
lui une ombre, un personnage différent, un des invités mystérieux (irréels ?) de la fête donnée en
l’honneur de Frantz de Galais. La prise de vue en contre-plongée modifie également les proportions et
déforme les dimensions du réel. On a presque l’impression que la silhouette longiligne et sombre de
Meaulnes se confond avec celle des troncs dénudés. Meaulnes serait-il devenu, comme dans un rêve,
une créature des bois, un membre à part entière du mystérieux et inaccessible Domaine ?
À vos plumes !
Le sujet s’appuie sur l’évocation du Domaine (questions 13 et 14) et sur l’observation de la
composition d’un chapitre où les éléments descriptifs sont glissés au fil de la narration à mesure que le
personnage progresse dans sa visite. Le récit sera à la 1re personne et l’on valorisera les devoirs qui
auront su exprimer les sentiments successifs du narrateur.
bp La place des paroles rapportées dans le récit de la rencontre a été étudiée à la question 21. Pour
préparer ce sujet, on pourra présenter d’autres scènes de première rencontre : la princesse de Clèves et le
duc de Nemours ou bien celle de Frédéric et de Mme Arnoux (cf. p. 315).
Les copies qui auront su rendre l’émotion d’une telle scène tout en soulignant le caractère
contemporain du contexte seront valorisées.
Il sera nécessaire de préciser au départ si l’on accepte ou non le mode parodique.
bo
D e u x i è m e
p a r t i e , c h a p i t r e s
( p p . 1 4 0 à 1 4 6 )
V I I
e t
V I I I
Que s’est-il passé entre-temps ?
La fête organisée dans le Domaine devait célébrer les noces de Frantz de Galais avec une jeune
inconnue. Lorsque les invités ont appris que la fiancée n’était pas venue au rendez-vous et que le
mariage n’aurait donc pas lieu, ils se sont dispersés.
v Une voiture de paysans rapproche Meaulnes de Sainte-Agathe. Puis le jeune homme marche 10 km
pour rejoindre son village.
w François et Meaulnes quittent la maison le soir de l’embuscade parce que des individus non
identifiés ont tenté de pénétrer dans leur maison. Le boucher étant venu leur dire qu’il a vu les
assaillants, tous, sauf Millie, sortent. Meaulnes et François se mettent à courir pour suivre deux
« ombres » qui les attirent vers le lieu de l’embuscade.
x L’embuscade est tendue dans une impasse du quartier populaire des Petits-Coins, « un quartier de
journaliers, de couturières et de tisserands ».
y Les agresseurs sont des élèves de l’école qui en veulent à Meaulnes : « Il y avait Delouche, Denis,
Giraudat et tous les autres ». La bande est dirigée par un jeune homme inconnu partiellement masqué
par un cache-nez et par « un morceau de linge blanc qui lui envelopp[e] la tête à la façon d’un bandage ». On
comprendra plus tard qu’il s’agit du bohémien qui n’est autre que Frantz de Galais.
U Meaulnes et le bohémien se réconcilient un soir dans la classe, alors qu’ils sont chargés du ménage.
Meaulnes compte récupérer le plan que le garçon lui a pris lors de l’embuscade. Mais la bagarre n’aura
pas lieu car le bohémien rend de lui-même le plan au jeune homme.
V Meaulnes et François promettent au bohémien de venir à son secours quand il pousserait un cri
reconnaissable (« Jurez-moi que vous répondrez quand je vous appellerai »).
u
Avez-vous bien lu ?
a) Il enlève son bandage : le bohémien, qui s’avère être Frantz de Galais.
b) Il vole des poules pour renflouer les caisses du cirque : Ganache, le compagnon de Frantz.
c) Il dénonce les bohémiens aux gendarmes : Jasmin Delouche, qui a reconnu l’homme aux espadrilles.
X Meaulnes a déjà rencontré le pierrot de la pantomime lors de la fête organisée dans le Domaine.
at Meaulnes et François ne peuvent pas suivre les traces de la roulotte des bohémiens car elles sont
brouillées par d’autres traces et il leur est impossible de reconnaître celles de la roulotte du cirque.
L’espoir de retrouver le Domaine mystérieux s’évanouit à nouveau.
W
Le Grand Meaulnes – 13
Étudier la pantomime
La description de la pantomime est conduite selon un point de vue interne. C’est le regard de
François, personnage et spectateur, qui permet la description rétrospective du narrateur. On peut
relever au début de deux paragraphes des expressions qui posent le point de vue afin d’introduire la
description : « Je ne saurais plus reconstituer aujourd’hui le sujet de sa pantomime. Je me rappelle seulement que
dès son arrivée […] » ; « Durant la seconde partie de sa pantomime, je revois, sans bien m’en rappeler la raison
[…] ». Le « je » est ici à la fois un personnage témoin de la scène et un narrateur qui se souvient (on
relève deux fois le verbe se rappeler).
Le recours au point de vue interne est doublement intéressant. D’une part, il souligne la subjectivité de
la description et laisse entendre que toute vérité objective est impossible. Les émotions infléchissent le
souvenir, comme en témoigne par ailleurs l’idéalisation du Domaine et d’Yvonne de Galais. D’autre
part, ce point de vue montre l’importance du regard à un moment du roman où il s’agit justement de
savoir regarder et reconnaître.
al Introduites respectivement par deux phrases qui expriment le point de vue de François, personnage
et narrateur, les deux étapes de la pantomime consistent d’abord dans le numéro du pierrot qui tombe
puis (« la seconde partie de sa pantomime ») dans la « scène tragi-comique » de la poupée bourrée de son.
1) De « Je ne saurais plus reconstituer » à « l’effroi des femmes » : le pierrot qui tombe.
2) De « Durant la seconde partie » à « l’honneur de vous remercier ! » : la poupée de son.
am La première partie de la pantomime
Les chutes du personnage sont destinées à faire rire les spectateurs. On remarque à la fois un comique
de répétition (« il ne cessait pas de tomber ») et une gradation (« quatre chaises à la fois », « une table
énorme », « il finit par s’étaler par-delà la barrière du cirque jusque sur les pieds des spectateurs » – l’auxiliaire de
modalité finir et l’adverbe « jusque » expriment cette progression –, « un échafaudage de chaises »).
L’aspect mécanique de la scène « plaqué sur du vivant », pour reprendre une expression d’Henri
Bergson, est source de comique.
La seconde partie de la pantomime
Ce moment du spectacle est présenté comme « tragi-comique » et, s’il est moins présent que dans la
première partie, le comique n’a pas pour autant disparu. La composition de la scène en deux moments
antithétiques (« il lui faisait sortir », « il la remplissait »), ainsi que la gradation exprimée par la locution
adverbiale « En fin de compte » relèvent du comique. La présence de la bouillie et la violence (« fille
visqueuse et crevée ») ne sont pas sans rappeler la farce et ses exagérations.
Les diverses réactions des spectateurs
Le public n’est pas indifférent au spectacle que lui présente le pierrot. À la fin, il est question « des rires,
des cris et des applaudissements » ; mais le rire n’est pas ce qui domine et on relève de nombreuses
réactions d’effroi ou de rejet (« un petit cri insupportable » qui dérange sans doute le public, « les cris
d’effroi des femmes », « la boulangère poussa un tel cri »). Le spectacle dégénère à la fin puisqu’on assiste à la
chute d’une vingtaine de personnes à la suite de la boulangère frappée par la poupée. À ce moment-là,
les spectateurs rient davantage de ce qui arrive à Mme Pignot et à ses voisines que du pierrot luimême. C’est la transgression qui provoque le rire.
an Les deux moments de la pantomime ont essentiellement une dimension tragique, comme en
témoignent les cris d’effroi poussés par les spectateurs.
La présence de la mort : le pierrot qui ne cesse de tomber ainsi que la poupée crevée reprennent ce
thème tragique.
L’incapacité du personnage à lutter contre ce qui lui arrive : la poupée est un être inanimé qui ne
peut que subir ce qui lui arrive ; d’une certaine façon, elle représente notre condition humaine entre les
griffes du destin ou du hasard. Le pierrot ressemble à la poupée ; il en a le corps désarticulé et lui aussi
subit les événements sans parvenir à reprendre le dessus. Ses efforts sont en effet vains : « après s’être
vainement et désespérément retenu sur les pieds » ; « il eut beau se relever ; c’était plus fort que lui ». Le
démonstratif « c’ » renvoie à une force non identifiée qui le dépasse. Certains termes viennent
souligner la misère du personnage : « un petit cri insupportable », « la détresse », « strident et misérable ».
Son « ululement final » en fait un animal dont la fin (« une chute immense ») préfigure celle de la poupée
dans la seconde partie du spectacle.
ak
Réponses aux questions – 14
En marge de l’intrigue principale centrée sur la quête de Meaulnes après sa rencontre avec Yvonne
de Galais, Alain-Fournier prend soin de détailler l’évocation de la pantomime, et la précision peut
surprendre.
Les thèmes du « masque » et de « la fête » sont au cœur du roman et le spectacle des bohémiens est un
écho (Meaulnes ne le comprendra que trop tard) de ce qui a été présenté aux invités du Domaine
mystérieux. Les bohémiens sont des pierrots, Frantz de Galais un bohémien… La pantomime ne fait
que souligner l’importance du masque et des travestissements dont témoignent par ailleurs le choix
d’un pseudonyme pour l’auteur ou le glissement de l’autobiographie à la fiction.
La dimension tragique du spectacle trouve un prolongement dans l’histoire de Meaulnes qui ne cesse
de se relever pour mieux tomber à nouveau. L’ironie tragique est une constante du roman ; elle est
présente dans le chapitre VIII lorsque les deux jeunes gens comprennent qu’ils sont arrivés trop tard ; le
« grand Meaulnes » ressemble en somme au pierrot du spectacle.
ao
Étudier la scène de reconnaissance (pp. 142-143, l. 950 à 969)
La reconnaissance du bohémien par Meaulnes est d’abord soudaine : « à ce moment même »,
« brusquement », « me saisit ». Mais certaines expressions montrent que la révélation est le fruit d’un
cheminement inconscient plus long : « silencieux depuis le début de la pantomime », comme préoccupé ;
« qui semblait plus absorbé de minute en minute ».
La démarche n’est pas très différente chez François qui, pourtant, n’a jamais eu l’occasion de rencontrer
Frantz de Galais. En effet, si c’est Meaulnes qui prévient François de sa découverte (« Regarde ! Je l’ai
enfin reconnu »), il n’a pas besoin de nommer le personnage et, chez François, la révélation est aussi
présentée comme l’aboutissement d’un parcours inconscient (« comme si depuis longtemps, inconsciemment,
cette pensée couvait en moi et n’attendait que d’éclore, j’avais deviné ! »).
aq Nous relevons les mots qui désignent Frantz de Galais : « le jeune personnage inconnu » ; « un très fin,
un très aquilin visage sans moustache » ; « il » ; « le fiancé du Domaine inconnu ».
Si l’adjectif « inconnu » figure au début et à la fin de notre relevé pour insister sur le mystère qui
entoure le personnage de Frantz, on n’en assiste pas moins à une révélation progressive : le
« personnage » que Meaulnes regarde est désigné clairement comme étant « le fiancé » déjà rencontré.
L’adjectif « aquilin » figurant déjà lors de la première rencontre avec le personnage constitue un indice
susceptible de nous mettre sur la voie.
ar Le personnage est campé « debout auprès d’un quinquet » et il se dévoile dans « la lueur fumeuse »,
lueur qui rappelle un autre éclairage : « la lumière de la bougie » dans le Domaine mystérieux. Cet
éclairage vient accentuer le caractère mystérieux du personnage et surtout alimenter le jeu entre
l’apparition et la disparition, jeu dominant dans ce passage comme, plus généralement, dans le roman :
– se cacher : « jeté sur ses épaules une pèlerine », « lueur fumeuse », « disparaissait sous la masse des
cheveux » ;
– se montrer : « avait défait son bandeau », « On voyait ».
as La lumière du quinquet contribue à donner au portrait une impression de « vague tristesse » car tout
semble en demi-teinte, montré autant que dissimulé. Ajoutons à cela ce qui concerne le personnage :
« son bandeau », les adjectifs « fin » (double sens) et « pâle », la cicatrice qui rappelle le désespoir de
Frantz après la disparition de sa fiancée.
ap
Étudier le tragique de la situation
La fébrilité est la première réaction des deux garçons lorsqu’ils reconnaissent Frantz de Galais : « à
peine le grand Meaulnes avait-il fait ce mouvement et poussé ce cri », « avec fièvre », « nous piétinions
d’impatience », « se précipita ». Cette agitation du moment se prolonge lorsque les deux jeunes gens
découvrent qu’il est trop tard pour interroger le bohémien ; ils forment des projets avec un
enthousiasme qu’expriment la tournure exclamative « Que de projets le grand Meaulnes ne fit-il pas » et le
style indirect libre (« Et, tous les deux, ils partiraient pour là-bas ! »). François est ici le double de
Meaulnes ; il reconnaît Frantz avant même que son ami ait prononcé son nom.
bk À la fin du chapitre VII, on voit le bohémien en train de consulter « hâtivement une sorte de petit
album rouge » que le narrateur suppose rétrospectivement être « un atlas de poche ». Sans doute préparaitil son voyage ; c’est en tout cas ce que le lecteur comprend à la lecture du chapitre suivant.
bt
Le Grand Meaulnes – 15
Dans cette expression, le verbe employé est un auxiliaire de modalité (« devait ») qui exprime
l’hypothèse. On voit que se trouvent étroitement mêlés le récit et l’analyse ; le narrateur raconte ce qui
s’est passé mais, en même temps, il exprime les suppositions qu’il a pu faire après l’événement.
bl À deux reprises Meaulnes et François émettent des hypothèses pour expliquer le comportement de
Frantz de Galais, mais à chaque fois ils se trompent et l’erreur leur coûte cher.
1) « Cette fois nous comprenions tout ». Ce qui va suivre n’est pas faux mais s’avère incomplet : « Frantz
de Galais nous avait jusqu’ici caché son nom et avait feint d’ignorer le chemin du Domaine, par peur sans doute
d’être forcé de rentrer chez ses parents ». Mais cette assurance est trompeuse car le lendemain il sera trop
tard.
2) « Prévenu à temps par le mot imprudent de Jasmin, Frantz avait dû comprendre de quel métier son
compagnon et lui vivaient » ; mais cette explication vient trop tard également : les bohémiens sont partis
et avec eux le secret du Domaine.
bm Lorsque les deux jeunes gens découvrent que la roulotte est partie, leur désespoir est grand comme le
montrent les expressions suivantes : « Amers souvenirs ! Vains espoirs écrasés ! » ; « poussa un cri et s’élança
vers la place vide » ; « qui nous parut glacé » ; « affolé » ; « fit deux fois le mouvement » ; « il fallut rester là,
inertes ».
bn La situation peut être qualifiée de « tragique », car les personnages, qui pensaient maîtriser les
événements en les ayant expliqués et en ayant décidé de ce qu’ils allaient faire le lendemain (« il décida
que dès le lendemain, qui était un jeudi, il irait trouver Frantz »), sont les jouets du destin. Ils pensent avoir
compris mais ils se trompent comme le leur prouvent tragiquement la place vide et les traces de roues.
On peut même parler d’« ironie tragique », car le lecteur (avec les personnages sans doute) a
l’impression qu’il s’en est fallu de peu et qu’il aurait suffi, pour que le mystère du Domaine soit résolu,
que les deux jeunes gens persévèrent le soir même et parviennent à discuter avec Frantz.
À vos plumes !
Le sujet propose d’envisager une suite différente au roman. Les deux garçons mettent à exécution
leur plan et la roulotte n’a pas disparu. Le tragique est alors absent et les propos de Frantz seront sans
doute explicatifs.
On attend des élèves qu’ils reviennent sur l’épisode du Domaine et sur le désespoir de Frantz pour en
donner des explications rationnelles. Les copies qui imagineront la suite du roman (les projets de
Meaulnes) seront valorisées.
bo
T r o i s i è m e
p a r t i e ,
c h a p i t r e
X I
( p p .
2 4 0
à
2 4 6 )
Que s’est-il passé entre-temps ?
C’est Jasmin Delouche qui apprend à François où se trouve le Domaine tant recherché par
Meaulnes.
v C’est Mme Moinel, une des grand-tantes de François, qui lui donne des nouvelles de Valentine, la
fiancée de Frantz.
w François fait la connaissance d’Yvonne de Galais dans le magasin de son oncle Florentin.
x Quand François est venu le voir pour lui annoncer qu’il avait retrouvé Yvonne de Galais, Meaulnes
se préparait à partir pour un long voyage. Mais François, trop occupé par la nouvelle qu’il veut
apprendre à son ami, néglige de s’intéresser à son projet de départ.
y Meaulnes retrouve Yvonne de Galais à l’occasion d’une partie de campagne organisée par l’oncle
Florentin.
U François retrouve Frantz de Galais qui pousse le cri convenu pour demander l’aide de ses amis.
V Meaulnes quitte sa femme le lendemain de leur mariage.
u
Avez-vous bien lu ?
W
Les événements s’enchaînent dans l’ordre suivant : B, D, C, A, E.
Réponses aux questions – 16
Étudier le traitement du temps dans le passage
À la trame principale du récit viennent se greffer deux retours en arrière :
1) De « À part moi, je me rappelai le jour où Yvonne de Galais m’avait fait comprendre » (l. 1927) à « Oui,
bien heureuse » (l. 1937).
2) Lors de la « conversation sous la pluie » : de « Mais quand je l’ai vu près de moi » (l. 2025) à « avant un
long voyage » (l. 2056). Dans ce passage, l’analepse est entrecoupée d’un retour au récit principal (de
« Dans l’ombre je vis » à « sous les branches des arbres »).
at La première analepse est justifiée par l’annonce que fait François à Millie. La nouvelle de la grossesse
d’Yvonne de Galais justifie le récit de la scène au cours de laquelle la jeune femme a annoncé elle-même
la nouvelle au narrateur. L’expression « À part moi » introduit le souvenir, tandis que le démonstratif
« cette » (« cette nouvelle ») assure le lien entre l’analepse et le récit principal.
Dans le second passage, trame principale et analepse se mêlent étroitement. Au cours de la « conversation
sous la pluie », Yvonne et François sont amenés à parler de Meaulnes et à revenir sur l’événement qui a
changé le cours de leur existence. Le glissement se fait progressivement :
– l’analyse de la situation au présent gnomique (« c’est cette pensée-là qui est cause de tout ») ;
– le développement de cette « pensée » avec un imparfait d’habitude qui marque le glissement de la
généralisation du présent gnomique au passé composé de l’analepse (« Je vous disais » ; « Et au fond de
moi, je pensais ») ;
– le retour en arrière : l’emploi du passé composé (« je l’ai vu », « j’ai compris »…) exprime le lien entre
le récit principal et l’analepse – ce qui explique que, par la suite, les deux époques se mêlent ;
– de « Dans l’ombre je vis » à « sous les branches des arbres », François revient au moment de la
conversation et analyse ce qui vient d’être dit ;
– l’emploi du verbe poursuivre introduit la fin de l’analepse et l’évocation des adieux. Les points de
suspension après « un long voyage » expriment l’inachèvement d’un récit dont on ne connaît pas encore
le dénouement.
ak Ces analepses ont un double rôle. D’une part, elles ont une fonction informative. Par ce biais, deux
moments importants de l’histoire sont racontés : la scène au cours de laquelle François apprend
qu’Yvonne est enceinte et la séparation de Meaulnes et de sa femme. D’autre part, elles contribuent à
placer le temps au cœur de l’intrigue, car il s’agit toujours pour les personnages de chercher à retrouver
un moment qui leur a échappé. La narration fonctionne de la même manière et fond ainsi différentes
époques, comme si, de cette façon, la cruauté du temps qui passe était soulignée. On ne trouvera
l’abolition du temps qu’à la fin du grand roman de Proust À la recherche du temps perdu. Chez son
contemporain Alain-Fournier, le retour en arrière est synonyme de « nostalgie » et de « douleur »,
comme si le jeune écrivain regrettait l’inéluctable passage à l’âge adulte.
X
Étudier la progression de l’intrigue
Yvonne se confie à François pour différentes raisons. D’abord, François est son plus proche ami et
il était aussi très proche de Meaulnes. C’est François qui a poussé Meaulnes à revoir Yvonne et qui,
d’une certaine façon, est cause de la souffrance de la jeune femme abandonnée. Aussi veut-elle disculper
à la fois Meaulnes et François en prenant la responsabilité de ce qui est arrivé. Ce n’est pas Meaulnes
qui est parti : c’est elle qui le lui a demandé. À la fin de la scène, on devine aussi une autre raison à la
confidence : Yvonne souhaite que François lui donne son avis sur ce qu’elle a fait (« elle attendait,
anxieusement, que je l’approuve ou la condamne »).
am Yvonne se reproche son orgueil ; elle pose la question de l’idéal et du réel et s’en veut d’avoir cru
pouvoir incarner le rêve de Meaulnes : « voici la jeune fille qui était à la fin de tous tes rêves ! » ; « Puisqu’il
m’a tant cherchée et puisque je l’aime, il faudra bien que je fasse son bonheur ». Cette conversation et cet aveu
sont essentiels dans le roman, car les deux pôles du rêve et de la réalité qui structurent le roman et
intriguent le lecteur s’y trouvent énoncés clairement.
Yvonne de Galais se sent responsable de la fuite de Meaulnes mais elle implique François en employant
la 1re personne du pluriel : « Songez à ce que nous avons fait », « nous lui avons dit ». Pourtant elle
emploie également la 1re personne du singulier et se désigne comme l’unique coupable du départ de
Meaulnes : « Comment ai-je pu un instant avoir cette pensée orgueilleuse ? » Son hésitation à rendre François
également responsable de ce qui s’est passé se lit dans l’expression hésitante « Il n’y a que nous – il n’y a
que moi de coupable ».
al
Le Grand Meaulnes – 17
François a voulu rendre Yvonne et Meaulnes heureux ; aussi a-t-il permis leur rapprochement et
leur mariage. Yvonne est allée dans ce sens également, mais cette démarche n’a provoqué chez
Meaulnes qu’angoisse et désir de fuite. La réalisation du rêve n’est-elle pas la destruction du rêve ? On
peut lire ce malentendu tragique dans l’interrogation rhétorique d’Yvonne : « Comment celui que nous
poussions ainsi par les épaules n’aurait-il pas été saisi d’hésitation, puis de crainte, puis d’épouvante, et n’aurait-il
pas cédé à la tentation de s’enfuir ! » Yvonne aurait compris trop tard qu’elle ne pouvait être à la hauteur
du rêve de Meaulnes : « j’ai compris que je n’étais qu’une pauvre femme comme les autres ».
Mais la raison pour laquelle Yvonne a laissé partir Meaulnes est un second malentendu. Car, si
Meaulnes veut partir, ce n’est pas, comme le croit Yvonne, en raison d’un mariage qui marque la fin
de son rêve mais parce que, ayant trahi le frère d’Yvonne, il ne se sent pas à la hauteur de la jeune fille
qu’il a trompée avec Valentine. D’où ses propos qui sont mal interprétés : « Je ne suis pas digne de
vous ».
François, au moment où a lieu cette conversation, n’a pas encore lu le journal de Meaulnes, mais il
pressent que la générosité d’Yvonne a été encore un tragique malentendu : « Sans doute avait-elle eu
grand tort, par générosité, par esprit de sacrifice, de le rejeter ainsi sur la route des aventures… »
Comme dans une tragédie (Phèdre, par exemple), les personnages, par souci de bien faire, ne font que
précipiter les événements tragiques.
ao Selon François, Yvonne a commis l’erreur de laisser partir Meaulnes par générosité. La jeune
femme, se rendant compte qu’Augustin ne parvient pas à trouver la paix dans le mariage, lui propose
de partir ; pensant ne pas être à la hauteur de l’idéal de Meaulnes, elle lui rend sa liberté : « S’il faut que
vous partiez, si je suis venue vers vous au moment où rien ne pouvait vous rendre heureux, s’il faut que vous
m’abandonniez un temps pour ensuite revenir apaisé près de moi, c’est moi qui vous demande de partir… » En
réalité, c’est Meaulnes qui ne se sent pas digne d’Yvonne car il l’a trahie ainsi que son frère Frantz.
ap François se présente comme l’ami et le confident d’Yvonne, comme en témoignent les deux scènes
de confidence racontées dans le chapitre : la jeune femme annonce à François qu’elle est enceinte ; elle
lui rapporte le départ de Meaulnes et les propos qui ont été tenus. Elle avoue son sentiment de
culpabilité : « C’est cette pensée-là qui est cause de tout ! » François l’écoute et ne lui dit pas qu’elle s’est
trompée et qu’elle aurait dû retenir Meaulnes ; en ami fidèle et sincère, il ne lui ment pas non plus :
« C’était comme une confession qu’elle m’avait faite, et elle attendait, anxieusement, que je l’approuve ou la
condamne. Mais que pouvais-je dire ? »
L’amitié – gardons ce mot pour l’instant – de François pour Yvonne se nourrit du souvenir de
Meaulnes et de leur affection commune pour le jeune homme qui s’est enfui. C’est ce qu’on voit à la
fin du chapitre lorsque les deux personnages partagent avec enthousiasme leurs souvenirs : « faisant à
chaque pas de longues stations pour mieux échanger nos souvenirs » ; « je lui parlais sans me lasser, avec une
amitié profonde, de celui qui nous avait abandonnés… ». Dans cette dernière expression qui évoque le
triangle des personnages, le pronom « nous » réunit Yvonne et François, comme si le départ de
Meaulnes avait autorisé un tel rapprochement.
Allons plus loin : l’amitié de François pour Yvonne, sous le masque d’une affection partagée pour
Meaulnes, semble être un sentiment amoureux inavoué. Lorsque le jeune homme revient, à la fin des
vacances, de Sainte-Agathe, il se précipite du côté du Domaine et, s’il se montre hésitant (« Je ne
voulus pas m’y introduire en intrus dès le premier soir de mon arrivée »), il n’en demeure pas moins dans la
nuit et sous la pluie (« La nuit venait. Une pluie fine commençait à tomber ») à attendre sans le dire l’arrivée
d’Yvonne. Et la venue de la jeune fille est présentée comme une apparition : « C’est alors que, levant la
tête, je la vis à deux pas de moi. » Un peu plus loin, François donne la raison de sa venue et l’explication
semble en décalage avec l’adverbe « amicalement » employé pour qualifier les propos d’Yvonne : « Il
fallait bien […] que je vinsse au plus tôt pour vous tenir compagnie ». Le sentiment amoureux se devine
également dans les très brèves allusions à un contact physique : « une main brûlante » (s’agit-il de la
maladie qui va emporter Yvonne ou d’un amour non dit ?) ; « Je pris dans la mienne sa main fiévreuse,
puis son bras ».
an
Étudier le rôle du décor dans la rencontre entre François et Yvonne
« Conversation sous la pluie » : le lecteur ne peut manquer d’être surpris par ce titre qui pose le cadre
inattendu d’une conversation. Il en déduit que le contenu doit être très important puisque les
personnages ne prennent même pas la peine de se protéger ou bien que leurs sentiments sont tels qu’ils
préfèrent rester ensemble sous la pluie plutôt que de se séparer.
aq
Réponses aux questions – 18
François rencontre Yvonne de Galais dans le parc du Domaine, à la fin des grandes vacances, alors
que le jeune homme vient juste de rentrer de Sainte-Agathe. Il fait nuit et, sans s’être donné rendezvous, les deux jeunes gens se retrouvent dehors sans craindre la pluie. Yvonne, comme le suppose
François, a dû apercevoir le jeune homme de sa fenêtre et elle est venue le rejoindre dans le jardin.
La nuit et la pluie gomment les contours et il semble ne plus rester des deux jeunes gens que leurs voix.
Le contexte est propice à la confidence et tous deux sont certains de ne pas être entendus ; de plus, ils
peuvent se parler sans se voir – ce que facilitent leurs positions respectives : Yvonne est assise sur le
banc alors que François se tient debout à côté d’elle. Positions et cadre permettent à la jeune fille de se
plonger dans le passé et de se remémorer la dernière scène avec Meaulnes. Le recours aux paroles
rapportées (« Alors j’ai dit », « répétait-il ») montre bien qu’Yvonne revit la scène en la racontant à
François.
Ce contexte romantique de la nuit et de la pluie vient souligner l’importance de la rencontre et lui
donner un caractère amoureux. Malgré l’heure tardive et l’ondée, les deux jeunes gens ne se séparent
pas et ralentissent leur retour à la maison : « faisant à chaque pas de longues stations pour mieux échanger
nos souvenirs ».
Tout concourt à suggérer, sans le dire clairement, l’amour que François, le double de Meaulnes,
éprouve pour Yvonne de Galais.
ar
Étudier l’expression de la nostalgie (pp. 240 à 242, l. 1901 à 1918)
Deux temps principaux sont employés dans le premier paragraphe du chapitre : le passé simple et
l’imparfait.
On relève le passé simple au début, lorsque le chapitre se situe dans le déroulement chronologique des
événements (« Le mois d’août ») : « m’éloigna », « dus », « revis ». Ce dernier verbe, notamment en
raison de son préfixe, introduit la rêverie à l’imparfait, typique de la nostalgie.
L’imparfait fait suite au passé simple ; il exprime une action non limitée dans le temps ; il permet de
décrire (« Tout parlait », « Tout était rempli » – imparfait passif). Il convient également à l’expression de
l’habitude ; il s’agit ici d’actions qui se répètent et qui brouillent l’écoulement du temps (« Je lisais,
j’écrivais, je me souvenais… » – le dernier verbe exprime un repli sur soi qu’évoquait déjà le verbe
s’enfermer employé un peu plus haut).
Ainsi, le glissement du passé simple, temps privilégié du récit, à l’imparfait, qui marque un arrêt,
contribue à l’expression de la nostalgie.
À la toute fin du paragraphe, le présent du conditionnel (« ne reviendrait jamais ») ouvre une
perspective vers l’avenir d’autant plus hypothétique qu’elle est à la forme négative et accompagnée du
modalisateur « peut-être ».
bt L’emploi de l’imparfait et les verbes qui suggèrent un repli sur soi (voir question 19) abolissent le
temps et permettent la confusion du présent et du passé. C’est ce qu’exprime également la répétition
du complément de comparaison « comme jadis » (« je m’enfermais comme jadis », « Millie dans le salon
cousait ou jouait du piano comme jadis »).
Le lecteur perçoit de cette façon la nostalgie du narrateur, son regret d’un temps ancien joyeusement
partagé avec Meaulnes, du temps des rêves. Cette nostalgie de l’enfance rattachée aux souvenirs d’école
(« les enveloppes des livres de prix ») est une des dominantes de ce roman.
bk La répétition des gestes anciens suggérée par le « comme jadis » pourrait permettre de retrouver le
temps perdu, pour reprendre les termes de Marcel Proust, contemporain de l’auteur. Mais ce qui
domine en réalité, c’est plutôt l’idée d’un passé irrémédiablement perdu et inaccessible. Le narrateur a
beau s’enfermer « comme jadis », il ne règne plus que « le silence absolu de la classe ».
On peut relever toute une série de termes ou d’expressions qui, de manière plus ou moins explicite,
expriment ce passé perdu : « notre adolescence déjà finie » ; « au loin » ; les participes « déchirées »,
« épongés », « finie », « distribuées ». Dans ces conditions, on n’attend plus que l’automne, la saison de la
mort.
La fin du paragraphe est explicite : « je pensais de même que notre jeunesse était finie et le bonheur manqué ».
La locution adverbiale « ne […] jamais » qui achève la rêverie suggère également la force inéluctable du
temps : le préfixe du retour (« reviendrait ») n’est qu’une hypothèse bien peu vraisemblable.
bl L’école est déserte car François est venu voir ses parents au mois d’août, durant la période des
vacances scolaires, et il est donc logique que les écoliers ne soient pas là (« tout attendait l’automne,
rentrée d’octobre et le nouvel effort »). Mais le lecteur comprend bien qu’il s’agit ici d’un autre vide : ce
as
Le Grand Meaulnes – 19
n’est pas l’absence des écoliers qui crée cette douloureuse nostalgie, mais l’absence de Meaulnes (« la
classe vide… Tout parlait du grand Meaulnes »). Et au-delà de cette absence d’Augustin, c’est celle de
l’enfance partagée avec les autres dans l’école de Sainte-Agathe qui est si douloureuse. D’une certaine
façon, celui qui n’est pas là lorsque François, devenu adulte, parcourt « la grande cour sèche, le préau, la
classe vide », celui dont la voix ne résonne plus dans « le silence absolu de la classe », c’est François enfant
lui-même.
À vos plumes !
On valorisera les copies qui auront su exprimer au fil du récit de la visite et de la description de
l’école le glissement du présent dans le passé, le reflux des souvenirs et l’impression que le temps perdu
est à la fois pressenti et aboli. On pourra inviter les élèves à observer attentivement le début du chapitre
et à reprendre des expressions (« comme jadis », par exemple) d’Alain-Fournier.
bm
É p i l o g u e
( p p .
2 7 9
à
2 8 3 )
Que s’est-il passé entre-temps ?
Les réponses justes sont : b et d.
François est désigné par M. de Galais comme légataire universel en l’absence de Meaulnes. Pour
cette raison, il s’installe au Domaine et s’occupe de la petite fille d’Yvonne.
w Meaulnes se sent coupable de trahison envers Yvonne. Croyant la jeune fille mariée, il s’est lié à
Valentine qu’il a rencontrée devant la maison parisienne des Galais.
Meaulnes se sent coupable envers Frantz de lui avoir pris sa fiancée et de ne pas lui avoir permis de
retrouver la jeune fille.
Meaulnes se sent coupable envers Valentine de l’avoir abandonnée et condamnée à devenir une « fille
perdue ».
u
v
Avez-vous bien lu ?
Les retrouvailles de François et Meaulnes ont lieu un dimanche matin à la fin du mois de
septembre. On retrouve là le goût de l’auteur pour les arrière-saisons. C’est également un dimanche
que Meaulnes avait fait son entrée chez les Seurel au tout début du roman.
y Meaulnes apprend le décès d’Yvonne quand François l’accueille en le serrant dans ses bras : « Alors,
je m’avançai vers lui et, sans rien dire, je l’embrassai en sanglotant. Tout de suite, il comprit. »
U Frantz et sa femme Valentine habitent la maison de Frantz.
x
Étudier la composition du passage
On peut dégager cinq étapes dans le récit :
1) du début à « en décida autrement » (l. 22) : la vie aux Sablonnières ;
2) de « Un dimanche matin » (l. 23) à « dans la nuit » (l. 44) : les préparatifs d’une partie de pêche ;
3) de « J’étais là silencieux » (l. 45) à « dans leur maison » (l. 94) : le retour de Meaulnes ;
4) de « Et en effet » (l. 95) à « la messe » (l. 101) : la maison de Frantz ;
5) de « Cependant la petite fille » (l. 102) à la fin : Meaulnes et sa fille.
On remarquera que l’étape 4 ne se situe pas exactement dans le fil chronologique de l’histoire puisque
le « Cependant » (littéralement équivalant d’un « pendant ce temps ») nous ramène au moment où
Meaulnes prend sa fille dans ses bras mais semble faire allusion à un temps postérieur (« au début de la
matinée »), quand François a quitté la maison principale du Domaine. Les deux derniers paragraphes
reviennent sur la scène au cours de laquelle Augustin Meaulnes serre sa fille dans ses bras.
W L’élément de résolution est constitué par le retour de Meaulnes aux Sablonnières. Les préparatifs de
la partie de pêche sont racontés à l’imparfait – ce qui installe une durée stable que l’arrivée de Meaulnes
vient briser. « J’étais là silencieux et affairé lorsque soudain j’entendis la grille s’ouvrir » : l’imparfait a fait
place au passé simple qui introduit un événement nouveau, de premier plan, souligné par l’adverbe
« soudain ». Le verbe de perception « entendis » s’oppose à l’adjectif « silencieux ».
X Avant que Meaulnes soit nommé et donc définitivement reconnu, il est désigné de différentes
manières :
V
Réponses aux questions – 20
– « un pas » ;
– « mes gens » (hypothèse de François) ;
– « L’homme qui entrait dans la cour m’était inconnu » ;
– « un grand gaillard barbu habillé comme un chasseur ou un braconnier » ;
– « il » ;
– « quelqu’un de leurs amis » (hypothèse de François) repris par le pronom « l’ » ;
– « L’homme » repris deux fois par le pronom « il ».
Reprises lexicales, pronominales, hypothèses de François, périphrases (« un grand gaillard […]
braconnier »), comparaisons : tous les procédés grammaticaux et stylistiques semblent déployés pour
approcher le personnage tout en retardant la reconnaissance. Le lecteur, qui voit arriver l’épilogue, a
sans doute deviné qui était l’homme dont on n’entend d’abord que le pas « crier sur le gravier ». Ce
processus de retardement accroît la tension dramatique et confère toute sa force à la scène des
retrouvailles qui va suivre.
Étudier les personnages
L’homme qui pénètre dans le Domaine et que François n’a pas encore identifié choisit la
discrétion : « L’homme fit jouer doucement, sans bruit, le loquet de la porte. » Ces précautions expriment
peut-être déjà une hésitation et une inquiétude qui sont explicitées par la suite : « hésitant un instant »,
« sa figure inquiète ».
Ayant compris sans que François le lui dise, sa douleur devient intense et prend différentes formes :
d’abord l’immobilité (« debout, sourd, immobile et terrible ») qui devient passivité (« Je le pris par le bras et
doucement je l’entraînai »), puis le chagrin (« il tomba à deux genoux devant le lit et, longtemps, resta la tête
enfouie dans ses deux bras ») ; enfin, la souffrance est telle qu’il ne semble plus savoir où il est (« les yeux
égarés, titubant »).
Quand François lui présente sa fille, la tendresse et le chagrin se mêlent : « ce grand attendrissement et ce
flot de larmes ». Un sentiment de pudeur l’amène alors à dissimuler son émotion en évoquant Frantz et
Valentine et en baissant sa tête. À la toute fin du chapitre on retrouve cette même pudeur (« pour cacher
et arrêter ses larmes », « ne pas la regarder ») ; la « tête baissée » est devenue « la tête penchée de côté ». La joie
prend en dernier lieu le dessus, comme si la vie, symbolisée par la petite fille, triomphait de la mort :
« avec une espèce de rire », « elle battit des mains ».
ak Lorsque François reconnaît Meaulnes, plusieurs sentiments se mêlent et le laissent d’abord immobile
(« Un long moment je restai là, effrayé, désespéré, repris soudain par toute la douleur qu’avait réveillée son
retour »), puis la douleur s’exprime par les sanglots, manière d’annoncer à Meaulnes la terrible nouvelle
(« sans rien dire, je l’embrassai en sanglotant »).
François reste presque muet tout au long de la scène (« Voici ta fille », dira-t-il seulement) mais il adopte
ensuite une attitude plus active, guidant Meaulnes dans la chambre d’Yvonne d’abord puis dans celle
de la petite fille.
Lorsque François découvre Frantz et Valentine installés dans une vie ordinaire (« une manière de jeune
ménagère »), il éprouve un sentiment de bonheur que l’adverbe « presque » vient cependant nuancer.
De même, à la fin du chapitre, les sentiments de François sont ambigus : il est à la fois « un peu déçu et
pourtant émerveillé ». Le roman se termine sur une note de tristesse car, même si le narrateur a compris
que l’enfant a trouvé en Meaulnes « le compagnon qu’elle attendait obscurément », il trace en pointillé la fin
d’une histoire qui est pour lui une dépossession : après avoir perdu Meaulnes et Yvonne de Galais, il
pressent devoir perdre encore son ami et la petite fille qui était sans doute pour lui un double de la
jeune femme. On peut même se demander si les dernières phrases du roman n’expriment pas une
rancœur à l’égard d’un ami qui ne l’a jamais vraiment considéré : « La seule joie que m’eût laissée le grand
Meaulnes, je sentais bien qu’il était revenu pour me la prendre. »
al L’enfant de Meaulnes et d’Yvonne est une petite fille dont le nom n’est pas donné, comme si la
seule fonction de ce personnage était d’être pour François comme pour Meaulnes un prolongement
d’Yvonne, le triomphe de la vie malgré le triste destin de la jeune femme. Et c’est bien ainsi que la
fillette est présentée ; tout, en effet, souligne sa vivacité, son énergie (« une solide et jolie petite fille » ;
« un tintamarre » ; « une façon sauvage et charmante en même temps de frétiller » ; « en riant aux éclats » ;
« De toute sa gaieté, de toute sa violence enfantine »), et, à la fin du chapitre, lorsqu’elle se trouve dans les
bras de son père, elle a « une espèce de rire » et elle « ba[t] des mains ». Cette force vive de la petite fille est
at
Le Grand Meaulnes – 21
explicitement présentée comme un défi lancé à la maison endeuillée : « on eût dit qu’elle allait chasser le
chagrin qui pesait sur la maison depuis sa naissance ».
On remarque également qu’elle choisit Meaulnes, son père, et non François qui l’a élevée et qui la
considère comme sa fille : « Sans doute, malgré cette sauvagerie, sera-t-elle un peu mon enfant ». En effet, au
début de l’épilogue, on la voit se dérober aux baisers de François et le repousser : « elle ne souffrait jamais
que je lui donne un baiser » ; « une façon [...] de me repousser la figure avec sa petite main ouverte ».
Lorsqu’elle retrouve Meaulnes, la « petite main » sert au contraire à applaudir et à frapper amicalement
« sa bouche barbue et mouillée » ; l’enfant est « satisfaite » car elle a « enfin trouvé là le compagnon qu’elle
attendait obscurément ». De même que la première rencontre de Meaulnes et d’Yvonne s’était présentée
comme une reconnaissance (« Je ne vous connais pas. Et pourtant il me semble que je vous connais »), la
rencontre d’Augustin et de sa fille voit s’établir immédiatement une complicité dont François est exclu
(« Je m’étais légèrement reculé »). La sauvagerie de la petite fille s’accorde avec celle de Meaulnes comme
le suggèrent les derniers mots du roman : « et partant avec elle pour de nouvelles aventures ».
am La vie que mènent Frantz de Galais et Valentine respire un bonheur contagieux puisque François,
en les voyant, se sent « presque heureux » et que les « petits vachers endimanchés » éprouvent à les observer
« curiosité » et « enthousiasme ».
Si ce bonheur suscite la curiosité, c’est sans doute qu’il est l’étrange produit de l’ordinaire qu’incarne
Valentine (« une manière de jeune ménagère », « balayait le pas de sa porte ») et de la fantaisie de Frantz. Ne
retrouve-t-on pas d’ailleurs comme un écho de la fête donnée aux Sablonnières quelques années
auparavant : « en collerette » comme un pierrot, « endimanchés » ?
Étudier le dénouement
François mène une vie tranquille de campagnard, rythmée par des habitudes comme celle d’aller à la
pêche avec des amis. L’imparfait employé au début du chapitre pour évoquer son mode de vie
souligne la force de la répétition et de l’ordinaire.
Il vit dans les souvenirs ; on le voit en effet aller à la pêche avec Jasmin Delouche, un de ses anciens
amis (ou ennemis), et participer aux « grandes parties de braconnage » des villageois pour se rappeler « les
équipées de jadis ».
Les premières lignes de l’épilogue expriment la tristesse du narrateur : « mornes jours », « tristes jours »,
« maison déserte ». Le deuxième paragraphe, en introduisant la petite fille d’Yvonne, fait apparaître le
mot « joie », mais l’adjectif « seule » qui accompagne ce mot vient l’atténuer tout comme les gestes de
l’enfant qui repousse les baisers de François.
ao Meaulnes revient pour retrouver Yvonne après avoir accompli ce qu’il considérait comme son
devoir envers Frantz de Galais. Il a ramené au Domaine Frantz et Valentine, et c’est ce qu’il annonce
rapidement à François après avoir appris la mort de sa femme : « Je les ai ramenés, les deux autres… »
ap Le retour de Meaulnes un dimanche fait écho à son arrivée un dimanche de novembre à SainteAgathe. Par deux fois il fait irruption dans la vie tranquille (le dimanche est jour de repos) du narrateur
et la désorganise : « Mais une fois encore la Providence en décida autrement », lit-on dans l’épilogue.
Le parcours de Meaulnes est une succession d’arrivées et de départs. Lorsqu’il est absent, la vie du
narrateur est ordinaire, presque sereine : que ce soit avant la venue du pensionnaire, après son départ de
Sainte-Agathe ou après la mort d’Yvonne.
Depuis son expédition involontaire dans le Domaine mystérieux, toutes les allées et venues du jeune
homme se font en fonction de sa quête d’Yvonne ou de Frantz. Il quitte Sainte-Agathe pour partir à la
recherche d’Yvonne à Paris, il quitte Paris parce qu’il renonce à la mystérieuse jeune fille et suit
Valentine qu’il ignore être la fiancée de Frantz. Et lorsque François revient le chercher pour lui
présenter Yvonne de Galais, le jeune homme s’apprêtait à partir en voyage, un voyage qu’il effectuera
finalement juste après son mariage.
Le retour de Meaulnes se comprend dans la logique de la fête, une fête destinée à célébrer le mariage de
Frantz et Valentine d’une part et une fête où Meaulnes et Yvonne se sont connus, voire reconnus, et
promis l’un à l’autre : « Je vous attendrai ». Mais le destin tragique, qui, depuis le début, bouleverse
tous les plans, fera que seuls « les deux autres » seront réunis.
aq Le roman s’achève sur le retour de Meaulnes et sur le moment où il prend sa fille dans ses bras : « Je
m’étais légèrement reculé pour mieux les voir ». Ce retrait de François est bien l’attitude qu’il adopte tout
au long du roman ; il n’est que l’ombre de Meaulnes et sa vie est sans cesse bouleversée par les quêtes
an
Réponses aux questions – 22
de son ami. Ce dernier recul du personnage permet la réflexion, comme l’indiquent les verbes « je
comprenais », « je sentais bien » et « je l’imaginais ». Le premier de ces trois verbes exprime une
compréhension raisonnée, intellectuelle des événements, alors que le second se situe davantage sur le
plan de la sensibilité et de l’intuition. Dans le prolongement de ces deux verbes, le verbe imaginer trace
en pointillé la suite du roman. Il ne s’agit pas d’une certitude mais d’une hypothèse. Le lecteur, qui
sait que le narrateur est seul lorsqu’il écrit cette histoire, accepte cette proposition comme une certitude
car le départ de Meaulnes se situe dans la logique de ses allées et venues au cours du roman ; il ne s’agit
que d’une des « nouvelles aventures » d’un personnage resté adolescent.
ar Rapprochons les deux phrases qui ouvrent et ferment le roman : « Il arriva chez nous un dimanche de
novembre 189. » et « Et déjà je l’imaginais, la nuit, enveloppant sa fille dans un manteau, et partant avec elle
pour de nouvelles aventures ».
Aux deux extrémités du roman on relève :
– la présence de la 1re personne qui pose le statut de François ;
– le personnage principal désigné par le pronom « il » et donc fortement présent à l’esprit du narrateur
comme du lecteur ;
– le voyage (« arriva », « partant », « aventures ») ;
– la famille (« chez nous », « sa fille ») ;
– la surprise (« Il arriva chez nous un dimanche », « et partant avec elle », « la nuit »).
Ainsi, les deux phrases qui encadrent le roman se font écho et le lecteur y lit la forte impression laissée
par le grand Meaulnes sur le narrateur. Il comprend aussi que le départ imaginé ou pressenti de
Meaulnes emportant sa fille s’inscrit dans la logique des événements inaugurée dans le premier chapitre
du roman, comme si Meaulnes, à la différence de François, n’était qu’un être de passage.
as À l’image du roman et des saisons retenues (novembre pour le premier chapitre et septembre pour
l’épilogue, c’est-à-dire l’automne, un moment intermédiaire), le dénouement est en demi-teinte car
chaque élément – sentiment ou événement – vient se nuancer de son contraire :
– François vit de « mornes jours » aux Sablonnières mais il a la joie de voir grandir la fille d’Yvonne ;
– François éprouve la joie de voir grandir la fille d’Yvonne mais c’est sa seule joie et l’enfant le
repousse ;
– l’enfant repousse François mais le jeune homme espère, au futur, que la petite fille sera « un peu [son]
enfant » ;
– François espère que la petite fille sera son enfant mais « la Providence en décida autrement » : Meaulnes
va partir avec l’enfant ;
– Meaulnes revient avec Frantz et Valentine pour reconstituer l’impossible quatuor de la fête mais
Yvonne de Galais est morte ;
– Meaulnes revient aux Sablonnières mais François pressent qu’il va repartir pour de « nouvelles
aventures ».
À vos plumes !
Le sujet reprend les derniers mots du récit et demande d’en rédiger le prolongement. Le monologue
intérieur devra mêler narration de la découverte du départ (la maison vide), supposition quant aux
circonstances et aux intentions de cette fuite nocturne, et sentiments du narrateur (solitude, abandon,
amertume, voire impression d’injustice).
bt
R e t o u r
s u r
l ’ œ u v r e
( p p .
2 8 7 - 2 8 8 )
Les événements se produisent dans l’ordre suivant : 10, 4, 6, 8, 2, 3, 7, 1, 5, 9.
1) Millie ; 2) Mouchebœuf ; 3) M. de Galais ; 4) Jasmin Delouche ; 5) Florentin, un oncle de
François ; 6) Valentine Blondeau ; 7) Ganache.
w 1) Meaulnes : milieu paysan ; 2) François : petite bourgeoisie de province ; 3) Jasmin Delouche :
artisan de village ; 4) Yvonne de Galais : noblesse désargentée.
x 1) Meaulnes et Yvonne de Galais : au Domaine des Sablonnières.
2) François et Yvonne de Galais : chez Florentin, l’oncle de François.
3) Meaulnes et Frantz de Galais : dans la maison de Frantz.
u
v
Le Grand Meaulnes – 23
4) François et Frantz de Galais : à l’école de Sainte-Agathe.
5) Frantz de Galais et sa fiancée : à Bourges.
6) Meaulnes et la fiancée de Frantz : à Paris, devant la maison d’Yvonne de Galais.
y 1) Si Meaulnes n’avait pas cru Yvonne de Galais mariée, (b) il n’aurait pas envisagé d’épouser
Valentine.
2) Si Jasmin Delouche avait parlé plus tôt du Domaine des Sablonnières, (d) Meaulnes ne serait pas
allé chercher Yvonne de Galais à Paris.
3) Si les bohémiens n’avaient pas quitté Sainte-Agathe juste après le spectacle, (a) Meaulnes aurait pu
parler à Frantz de Galais et lui demander de l’accompagner au Domaine.
4) Si François n’avait pas été si pressé de dire à Meaulnes qu’il avait retrouvé Yvonne de Galais, (c) il
aurait écouté ce que Meaulnes avait commencé à lui dire concernant le grand voyage qu’il projetait de
faire (à la recherche de Frantz et de Valentine).
Proposition de séquence didactique – 24
PROPOSITION
D E
S É Q U E N C E
QUESTIONNAIRE
D I D A C T I Q U E
ÉTUDE DE LA LANGUE
Première partie,
chapitre I
• Les temps du récit.
• Les temps de l’énonciation.
Première partie,
chapitre XV
• Les paroles rapportées.
• L’expression du rêve.
• L’ancrage dans le réel.
Deuxième partie,
chapitres VII et VIII
• Les substituts nominaux et
pronominaux.
• L’expression des sentiments.
• Les temps du passé.
• L’expression de la nostalgie.
Troisième partie,
chapitre XI
Épilogue
• Les indices temporels.
• Les substituts nominaux ou
pronominaux.
TECHNIQUE LITTÉRAIRE
EXPRESSION ÉCRITE
• Les fonctions de l’incipit.
• Le traitement du temps.
• Les personnages.
• Le récit de forme autobiographique.
• Une scène.
• Les procédés comiques.
• Les notations descriptives au fil de la
narration.
• La scène de première rencontre et ses
ambiguïtés.
• Le point de vue.
• La dimension tragique.
• Imitation et transposition d’une
scène du roman.
• Expression de la nostalgie.
• Le retour en arrière, son insertion
dans la trame du récit et ses fonctions.
• L’analyse des sentiments.
• L’élément de résolution.
• Le dénouement.
• Comparaison du début et de la fin du
roman.
• Rédaction d’un récit auquel se
mêlent description et expression de la
nostalgie.
• Description au fil de la narration.
• Scène de première rencontre
aujourd’hui.
• Rédaction d’une suite de texte en
modifiant une des hypothèses du
récit.
• Rédaction d’une suite de texte en
mêlant narration et analyse des
sentiments.
Le Grand Meaulnes – 25
EXPLOITATION
D U
G R O U P E M E N T
D E
T E X T E S
Le groupement de textes réunit des textes romanesques ou poétiques mettant en scène une femme
idéale, voire rêvée et inexistante. Ce thème qui est au cœur du Grand Meaulnes traverse notre
littérature et nous montre que certaines pages de romans présentent bien des similitudes avec le genre
poétique.
Plusieurs pistes d’étude pourront être suivies.
◆ La question du genre
On verra que, dans le roman, l’évocation de la femme idéale trouve sa place dans une intrigue car les
personnages sont situés et nommés. Le lecteur s’interroge sur le devenir de la rencontre : « Meaulnes
retrouvera-t-il Yvonne ? Frédéric se rapprochera-t-il de Mme Arnoux ? Quel rôle Vanessa jouera-t-elle
dans la vie du narrateur ? »
Dans les poèmes, la brièveté du texte empêche toute question sur ce qui peut ou va se passer par la
suite ; l’apparition en est d’autant plus forte et fugitive.
◆ Une femme fugitive
La femme est présentée comme une « passante » dans différents textes et son aspect évanescent est
souligné. Dans le chapitre intitulé « La rencontre », Yvonne de Galais ne cesse d’apparaître et de
disparaître, et ce thème de « la disparition » est au centre du roman d’Alain-Fournier.
Fugitive, elle se dérobe comme un rêve et peut-être n’est-elle qu’un rêve, comme on peut le penser en
lisant les poèmes de Verlaine et de Desnos. On étudiera les différentes formes du rêve dans les textes.
◆ Une femme inaccessible
Dans le prolongement de l’amour courtois, la femme idéale et désirée se dérobe. On pourra étudier cet
aspect inaccessible qui constitue le moteur de l’intrigue du Grand Meaulnes.
On abordera aussi le thème de « l’apparition ».
◆ Quelle image ou conception de la femme se devine derrière ces femmes idéales ?
La femme idéale et rêvée est l’expression d’un certain idéal féminin : on voit ainsi Yvonne
accompagnée de sa mère et hésitant à parler à un jeune inconnu ou bien Mme Arnoux occupée à son
ouvrage.
On s’attachera à la conception d’une femme maternelle : Mme Arnoux (suite du roman), Yvonne
accompagnée de la châtelaine, la femme consolatrice de Verlaine…
◆ La sensualité
On s’attachera à l’évocation physique de la femme, notamment au souci du détail évocateur.
◆ Le point de vue
Qui regarde la femme idéalisée ?
Que ressent le poète, le narrateur ? Quelle est son attitude ?
◆ Rêve et réalité
En marge du thème de « la femme idéalisée », on pourra s’intéresser à la présence du rêve dans les
textes :
– Quel décor ?
– Quels procédés stylistiques ?
Pistes de recherches documentaires – 26
PISTES DE
R E C H E R C H E S
D O C U M E N T A I R E S
En complément de l’étude du roman et du groupement de textes, on pourra proposer différents thèmes
de recherches (des exposés ou des dossiers) aux élèves :
– le courant symboliste ;
– les histoires d’amour tragiques ;
– les romans qui parlent de l’enfance ou de l’adolescence ;
– les châteaux dans la littérature et notamment dans les contes ;
– les critères de la beauté féminine dans la peinture ;
– l’expression du rêve en peinture ;
– l’expression de la fête en peinture.
Le Grand Meaulnes – 27
BIBLIOGRAPHIE
C O M P L É M E N T A I R E
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Ellipses, 2002.