Thierry Péteau, diplômé du Conservatoire de Toulouse et de la

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Thierry Péteau, diplômé du Conservatoire de Toulouse et de la
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THIERRY PETEAU, « RECITER ET CHANTER LA MUSIQUE VOCALE DU XVI SIECLE : QUESTIONS DE PRONONCIATION » Le Verger –Contrepoint fleuri, octobre 2012. 1 « RECITER ET CHANTER LA MUSIQUE VOCALE DU XVIe SIECLE : QUESTIONS DE PRONONCIATION » Entretien avec Thierry Péteau (chanteur et comédien) Thierry Péteau, diplômé du Conservatoire de Toulouse et de la Maîtrise du Centre de Musique Baroque de Versailles, a chanté au sein d’ensembles tels qu’Accentus, la Chapelle Royale, Saggitarius, Doulce Mémoire… Il est également l’un des membres permanents de l’ensemble Musica Nova (dir. L. Kandel) et se produit aussi avec le chœur Les Eléments (dir. J. Suhubiette), tant en France qu’à l’étranger. Ce chanteur est aussi comédien et chercheur. Il fait partie de la troupe Les Musiciens de Théâtre, dirigée par Nicole Rouillé, son maître en déclamation et gestuelle baroque. Il crée plusieurs spectacles avec différents ensembles de Musique Ancienne, notamment autour de l’œuvre de Jean de La Fontaine. Ses recherches portent actuellement sur la prononciation du Latin en France au XIVe et XVe siècles. L’entretien qui suit a pour objectif de présenter le travail mené aujourd’hui par les chanteurs et les comédiens qui souhaitent retrouver la prononciation du XVIe siècle.
Nahéma Khattabi : Pourriez-­‐vous nous expliquer dans quelle mesure votre métier de chanteur se nourrit de votre pratique de comédien ? Thierry Péteau : Je suis avant tout chanteur de formation et c’est bien la maîtrise de la technique vocale qui m’a aidé dans mon jeu de comédien. Le travail sur les inflexions de la voix et la respiration sont deux axes fondamentaux tant pour le chanteur que pour le comédien. A mon sens, la mise en pratique de la technique du chant ouvre des perspectives considérables à l’acteur. La palette sonore du comédien est élargie et l’expression des sentiments est alors plus aisée. En bref, la voix est bien plus riche. N.K. : Outre le travail sur le placement de la voix, que peut-­‐on dire de la perméabilité entre le chant et le jeu d’acteur ? Autrement dit, dans quelle mesure le travail sur le texte et sa diction ont-­‐ils des incidences sur l’interprétation musicale polyphonique ? T.P. : L’interaction se fait à plusieurs niveaux mais elle dépend néanmoins du type de polyphonie. Les messes, par exemple, ne demandent pas un travail extraordinaire. Le message est relativement simple dans la mesure où le texte de la messe est invariant et, par là même, très connu. Le répertoire de la chanson 2 THIERRY PETEAU, octobre 2012. nécessite en revanche un tout autre travail. Le cas des chansons en canon, comme celles de Josquin des Près, est à ce titre très intéressant : le canon n’est pas seulement musical, il est évidemment aussi textuel. Les interprètes se doivent de rendre cet effet très sensible pour que l’auditeur puisse le repérer. Dans cette optique, la façon de dire le poème et de l’articuler est fondamentale. Il convient ainsi de ciseler la prosodie naturelle du texte en respectant notamment les longues et les brèves. Si l’on ne tient pas compte de cela dans l’interprétation vocale et que l’on prononce tout de manière égale alors il sera impossible d’atteindre une intelligence musicale qui permette la compréhension au niveau de la réception de la chanson. L’un des moyens pour transmettre de façon intelligible le poème chanté se fonde sur la projection du texte, et plus précisément des consonnes qui représentent le rythme de la langue tandis que les voyelles en sont la mélodie. De l’équilibre entre projection des consonnes et articulation des voyelles émerge le sens, notamment dans des polyphonies très complexes comme celles de la fin du XVe siècle. N.K. : Quelle est la position des compositeurs de la Renaissance face au texte poétique ? Tiennent-­‐ils compte de la prosodie du poème ? T.P. : Si l’on prend l’exemple des poésies de Ronsard qui sont très prisées par les musiciens de la seconde moitié du XVIe siècle, on relève très peu de fautes de prosodie dans les mises en musique. Les frontières entre compositeurs et poètes ne sont pas aussi étanches qu’on le pense dans notre période actuelle. Ronsard, dans son Art poétique, insiste sur le côté musical du poème et il a le désir de voir ses textes mis en musique comme l’atteste par exemple le Supplément musical qui est joint à la publication des Amours (1552). De même, le musicien a le rythme interne du poème dans l’oreille et il ne va guère s’en détacher. N.K. : En tant que chanteur et comédien, vous êtes confronté à la question de la restitution de la prononciation. Peut-­‐on parler d’une homogénéité dans la manière de prononcer le français au XVIe siècle ? T.P. : De façon globale, il y a peu de différences de prononciation du français au cours du XVIe siècle. Pour avoir une idée précise de ce phénomène, il faut se pencher sur les traités de grammaire et d’orthographe publiés dans les années 1545-­‐1555. C’est en effet à cette période que quatre ou cinq grammairiens tentent, par leurs écrits, de réformer la langue française afin de la débarrasser entre autres des consonnes qu’on ne prononçait plus. Le début du XVIe siècle se trouve fortement marqué par un souci de latinisation de la langue française. L’influence italienne est très importante et les humanistes français prônent un retour à l’antique dans lequel le monde romain tient une place de choix. Les licences orthographiques sont particulièrement saillantes ; même s’il va de soi que l’orthographe n’est absolument pas fixée à cette époque, il y a tout de même des bases essentielles chez les lettrés. Or, par souci de pédantisme, les hommes de la Renaissance ont très souvent ajouté des consonnes qu’on ne prononçait cependant pas mais qui leur permettaient de montrer qu’ils connaissaient l’étymologie latine des mots. e
THIERRY PETEAU, « RECITER ET CHANTER LA MUSIQUE VOCALE DU XVI SIECLE : QUESTIONS DE PRONONCIATION » Le Verger –Contrepoint fleuri, octobre 2012. 3 Si Ronsard prend position dans ce débat en expliquant qu’il ne faut pas chercher à démontrer son savoir inutilement, il n’hésite cependant pas à s’écarter de ce qu’il prône pourtant dans ses textes théoriques. C’est ainsi que des termes comme fruit, nuit ou saint peuvent être orthographiés sous sa plume de diverses manières, la première correspondant à notre graphie actuelle, la seconde laissant entrevoir sa maîtrise du latin avec fruict (fructus), nuict (noctis) et sainct (sanctus). L’ajout de la lettre /c/ dans les trois cas permet au scripteur d’afficher sa connaissance de l’étymologie latine du mot et de se construire ainsi une image de savant de la langue. Si, depuis François Ier, le français est devenu la langue officielle du royaume de France, le latin n’en demeure pas moins dans l’imaginaire collectif la langue savante par excellence. N.K. : Dans un tel contexte, quel est alors le rôle des théoriciens de la langue française que vous évoquiez précédemment ? T.P. : Ces grammairiens s’élèvent contre de tels procédés qu’ils jugent inutiles. Louis Meigret par exemple, qui publie en 1545 son Traité touchant le commun usage de l’écriture françoise, souhaite réformer l’orthographe ; il s’applique également à étudier des questions de grammaire et de prononciation. En 1550, il remanie ce traité et propose une nouvelle phonétique de son invention pour parvenir à un français pur. Mais il n’est pas le seul car chaque théoricien va inventer sa propre phonétique. L’étude de ces traités révèle qu’ils ne parviennent pas toujours à un consensus entre eux ; ils s’opposent notamment sur la graphie et donc sur la prononciation de certaines diphtongues. Dans ces débats, Louis Meigret et Jacques Peletier du Mans sont deux acteurs importants. En 1555, Peletier du Mans fait publier son Dialogue de l’Ortografe e prononciation françoese dans lequel il expose ses désaccords avec Meigret. Parmi les points de discorde entre les deux auteurs se trouve notamment la question de l’écriture de la diphtongue /au/ [au] ; Meigret l’orthographie /ao/ [aọ] (par exemple dans le mot château : chatao [šataọ]) ce que critique Peletier du Mans qui voit là une prononciation trop ancienne à laquelle il préfère le /o/ [ọ] (chato [šatọ])1. N.K. : Y a-­‐t-­‐il des raisons qui peuvent expliquer de tels désaccords entre les théoriciens ? T.P. : Il est possible d’envisager deux analyses pour comprendre cela. Il faut tout d’abord tenir compte de l’appartenance régionale de chacun des auteurs ; Meigret est lyonnais alors que Peletier du Mans, comme son patronyme l’indique, est originaire du Mans. Sa prononciation est donc celle du Centre de la France qui est plus proche de la manière de parler à la Cour. Les différents entre Meigret et Peletier du Mans peuvent trouver ici des explications. On peut également supposer que Meigret défendrait une tradition ancienne qu’il souhaite voir survivre alors que Peletier la juge désuète. 1
Je remercie Fanny Oudin pour son aide sur les questions de phonétique. 4 THIERRY PETEAU, octobre 2012. N.K. : Quel est l’objectif général visé par les traités des grammairiens comme ceux de Peletier du Mans et de Meigret ? T.P. : À partir de la seconde moitié du XVIe siècle, la démarche des théoriciens vise à gommer du français les prononciations régionales dans un souci d’unification. Ils souhaitent proposer une langue pure et savante, loin des parlers locaux. Il ne s’agit pas chez eux de traiter du français comme langue courante mais bien plutôt comme une langue savante utilisée à la Cour, dans la poésie ou dans les discours officiels (le français du prêtre ou du comédien par exemple, le « français » mis en scène, qui se donne à voir). Il faut bien avoir à l’esprit qu’au e
XVI siècle, le français est parlé par une minorité de sujets qui lui préfèrent bien souvent ce qu’on appelle aujourd’hui les « patois ». Les seigneurs locaux parlent le français dans leur maison seulement s’ils ont des accointances avec la Cour ! Le royaume de France est ainsi constitué d’une myriade de langues. N.K. : Mais comment alors restituer la prononciation de Cour si même les théoriciens ne s’entendent pas entre eux ? T.P. : Les traités dont j’ai parlé succinctement demeurent des sources fondamentales même s’ils présentent parfois des écarts entre eux. Mais ce type de documents ne saurait être le seul axe de travail ; l’étude de la poésie du XVIe siècle et notamment des rimes apparaît également comme un outil très précieux. C’est grâce aux travaux inestimables de Nicole Rouillé sur le français du XVIIe siècle et la gestuelle baroque que j’ai pris connaissance d’études rédigées au XIXe siècle notamment par Louis Becq de Fouquières et que j’ai exploré cette piste de travail. Dans son traité, cet homme de Lettres pointe ce qu’il pense être des fautes de rimes chez les auteurs classiques comme Racine ou Molière. Il dresse ainsi des listes de rimes qui ne riment précisément plus dans son français du e
XIX siècle. Devant la multitude de ce qu’il interprète comme des maladresses, il s’étonne que des grands dramaturges aient pu faire tant d’erreurs ou se soient permis tant de licences poétiques. Becq de Fouquières n’a en fait pas compris que son français ne correspond plus à la prononciation du milieu du XVIIe siècle. De manière paradoxale, la lecture de ses travaux a largement contribué à nourrir mon approche. J’ai donc repris sa méthode en l’appliquant cependant au français du XVIe siècle N.K. : Pourriez-­‐vous peut-­‐être nous donner quelques exemples qui illustreraient votre travail ? T.P. : A l’instar de Becq de Fouquières, j’ai dressé un corpus d’œuvres poétiques du XVIe siècle en choisissant essentiellement les auteurs qui me semblaient les plus emblématiques de cette période comme Pierre de Ronsard, Joachim Du Bellay, Rémi Belleau, Guillaume des Autels, Théodore de Bèze, Louise Labé ou encore Etienne Jodelle… A partir de leurs poésies, j’ai relevé toutes les rimes qui ne sonnent plus dans notre français moderne. Je les ai ensuite confrontées aux e
THIERRY PETEAU, « RECITER ET CHANTER LA MUSIQUE VOCALE DU XVI SIECLE : QUESTIONS DE PRONONCIATION » Le Verger –Contrepoint fleuri, octobre 2012. 5 traités de prononciation pour essayer de comprendre ce qui se jouait là. La question de la licence poétique devait être posée ; s’agissait-­‐il à la Renaissance d’une rime d’oreille ou d’une rime d’œil ? Cette interrogation a très vite été écartée car il est évident qu’au XVIe, la poésie se doit d’être sonore, elle est faite pour être chantée ou récitée à haute voix. Dans cette perspective, il était donc nécessaire de revoir la prononciation en constituant deux axes de travail, le premier pour les voyelles, le second pour les consonnes. Pour les voyelles, l’exemple de la diphtongue /oi/oy/ [wa] pose des problèmes de prononciation. Je précise tout d’abord qu’on peut la trouver notée sous deux orthographes /oi/ ou /oy/, le /y/ étant utilisé par pédantisme pour conférer une aura grecque ou antique à des termes pourtant issus du latin comme loi qu’on trouve également sous la graphie loy. La prononciation est bien la même dans les deux cas ; il s’agit de dire /oué/ [wę]. Certaines voyelles sont plus litigieuses parce que les théoriciens du XVIe siècle prônent une prononciation comme celle que nous utilisons aujourd’hui dans le français actuel alors que les poètes de la Renaissance utilisent pourtant la rime avec diphtongue. C’est le cas de /eu/ [ü] dans lequel il convient bien de détacher le /e/ [ẹ] et le /u/ [ü] (/eü/ [ẹü]). Dans les poèmes, les termes feu et apperceu sont utilisés au niveau de la rime. Dans notre français moderne, feu et aperçu ne riment plus car bien souvent la prononciation /eü/ [eü] s’est transformée en /u/ [ü] simple comme dans beu [beü] (bu [bü]), creu [kReü] (cru [kRü]) ou receu [Reseü] (reçu [Resü]) ; en revanche, si l’on tient compte de la diphtongue, la question de l’assonance est respectée. A ce titre, l’expression il y a belle lurette est intéressante car le terme lurette n’a pas de sens aujourd’hui. Et de fait, il s’agit là d’une déformation du mot l’heurette2 : avec le temps, on a privilégié le son /u/ [ü] à la diphtongue ancienne quitte à perdre la signification initiale. N.K. : Comment peut-­‐on expliquer ces glissements de prononciation ? Pourquoi passe-­‐
t-­‐on d’une diphtongue complexe à un son simple et unique ? T.P. : Je pense qu’il s’agit là d’une paresse d’articulation. Aujourd’hui même, nous sommes en train de perdre le /é/ ouvert [ę] qui est prononcé de la même façon qu’un /é/ fermé [ẹ]. Si le /é/ fermé[ẹ] l’emporte c’est parce qu’il est toujours plus simple de moins ouvrir la bouche, de ne pas articuler et d’avaler les sons ! L’inverse demande un certain effort… N.K. : Les consonnes, disiez-­‐vous, sont également sujettes à des problèmes de prononciation, peut-­‐être pourriez-­‐vous évoquer ce point ? T.P. : On relève en effet des différences de prononciation sur les finales des mots placés en fin de vers, c’est-­‐à-­‐dire à la rime. La première différence fondamentale par rapport au français moderne touche les verbes du premier groupe pour lesquels il convient de dire le /r/ final [R]. C’est ainsi que les mots aimer et amer 2 Qui signifie la petite heure 6 THIERRY PETEAU, octobre 2012. riment au XVIe siècle, tout comme Jupiter et monter, exemple que Ronsard convoque dans son Art poétique ! De même, le /s/ final [s] d’un vers doit impérativement être dit. Au XVIIe siècle existe une règle selon laquelle toutes les consonnes des noms propres, et notamment ceux issus du latin, doivent être prononcées. C’est le cas pour les dieux comme Mars, Adonis ou Hermès mais également pour des termes comme tous ou fous. C’était très probablement ce qui se faisait au XVIe siècle, cette prononciation pouvant être envisagée comme un héritage. A l’inverse, d’autres consonnes finales placées à la rime ne se prononcent pas et ne sont ainsi pas notées. Les verbes conjugués à la première personne du singulier en sont un bon exemple comme l’atteste la rime entre je di et un cri. Il existe d’ailleurs à ce sujet une règle formalisée dans les traités des grammairiens ; quelque soit le temps utilisé, il ne faut pas mettre de /s/ [s] avec le pronom personnel je, ce qui permet ainsi de faire la distinction avec la seconde personne du singulier. Ainsi, le verbe dire se conjugue de la manière suivante : je di, tu dis, il dit… Cette règle est très utile aux poètes puisqu’elle leur permet de faire rimer les verbes à la première personne du singulier avec des mots sans /s/ [s]. Les poètes usent de cette règle à leur guise et selon leur convenance ; lorsque, pour des raisons sonores, ils ont besoin du /s/ [s], ils n’hésitent pas à l’ajouter comme témoigne cet extrait de l’Art poétique de Sebillet : « s, mal escritte & mal prononcée ès premieres personnes des verbes. Ceste difficulté esclarcie, encor t’en voeil je desnouër une autre, qui est, que tu te dois garder de mettre, s, aux premieres personnes singulieres des verbes de quelque moeuf ou temps qu’ilz soyent : comme, Je voy, tu voys, il voit : j’aymoye, tu aymoys, il aymoit : je rendy, tu rendis, il rendyt : je boiray, tu boiras, il boira. Si je faisoye, tu faisois, il faisoit. Quand je diroie, tu dirois, il diroit, & ainsi des autres : ce que tu verras aujourd’huy observé des sçavans en leurs escritures : & la raison t’enseigne que tu le dois observer ainsi, à cause que, s, est note de seconde personne aux Grecs et aux Latins : & doit estre à nous qui tenons d’eus la plupart du bien que nous avons. Que si tu rencontres en Marot ou autres cecy non observé, lisant : je veys, je dys, je feis, je metz, je prometz et autres avec, s, en premiere personne singuliere : si c’est en fin de vers, appelle cela licence Poëtique, s’estendant jusques à impropriété, afin de servir à la ryme. » Le théoricien insiste sur la nécessité de ne pas mettre de /s/ [s] à la première personne du singulier et explique que les poètes tels que Marot n’hésitent pas à détourner cette règle et à l’adapter à leur convenance. N.K. : A partir des quelques exemples que vous donnez, on comprend bien que la poésie de la Renaissance est envisagée essentiellement comme un geste sonore. De là, peut-­‐on dire qu’il existe des points de rencontre entre le travail du comédien et celui du chanteur ? e
THIERRY PETEAU, « RECITER ET CHANTER LA MUSIQUE VOCALE DU XVI SIECLE : QUESTIONS DE PRONONCIATION » Le Verger –Contrepoint fleuri, octobre 2012. 7 T.P. : Dans la mesure où la poésie du XVIe siècle est conçue pour être déclamée, le comédien et le chanteur ont en effet des approches communes. Dans les deux cas, il s’agit de faire sonner et résonner le poème. Mais les enjeux entre une déclamation et une vocalisation sont tout de même un peu différents. Pour le comédien, le travail de prononciation consiste à investir le son de sentiment et d’expression afin de donner sens au texte. Dans cette perspective, il faut par exemple doser les consonnes : le /b/ [b] des mots belle ou bataille n’est ainsi pas le même pour le récitant, le premier sera dit avec douceur tandis que le second devra être beaucoup plus percussif. Le chanteur peut également mettre en œuvre ces nuances, mais la question métrique liée à la musique lui offre néanmoins une liberté plus restreinte. Chanter à plusieurs voix demande en effet de suivre un tactus et il est ainsi plus difficile de jouer sur les accélérations ou les ralentissements d’élocution. Il convient donc de s’en tenir au texte musical dans lequel le compositeur a déjà pris la peine de tenir compte de l’expressivité. N.K. : Pour finir peut-­‐être pourriez-­‐vous résumer en quelques mots votre démarche de comédien et de chanteur face à ces questions de prononciation ? T.P. : Les perspectives de travail que je me fixe dans les deux cas s’inscrivent dans le cadre d’un respect du texte. A mon sens, restituer une prononciation est une nécessité absolue pour rendre intelligible un poème car le son a sans aucun doute une incidence forte sur le sens. Il faut cependant bien tenir compte du fait que cette démarche est une reconstitution qui se fonde sur des hypothèses. J’essaie de tendre à l’authenticité mais la possibilité d’un écart existe bel et bien dans la mesure où un tel travail repose sur une interprétation ! Propos recueillis le 22 juin 2012 par Nahéma Khattabi 

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