poèmes du jour

Transcription

poèmes du jour
Tristesse de l'automne
Dans les forêts dépouillées,
Déjà les feuilles rouillées
Font un tapis de velours.
Et l'on entend, de l'automne
Gémir le chant monotone,
Coupé par des sanglots lourds.
Les frileuses hirondelles,
Rasant le sol de coups d'ailes,
Se rassemblent à grands cris,
Et tous les oiseaux sauvages
S'appellent sur les rivages
Près des étangs défleuris.
Jean RICHEPIN
Automne
Voilà les feuilles sans sève
Qui tombent sur le gazon ;
Voilà le vent qui s'élève
Et gémit dans le vallon ;
Voilà l'errante hirondelle
Qui rase du bout de l'aile
L'eau dormante des marais ;
Voilà l'enfant des chaumières
Qui glane sur les bruyères
Le bois tombé des forêts.
L'onde n'a plus le murmure
Dont elle enchantait les bois ;
Sous les rameaux sans verdure
Les oiseaux n'ont plus de voix.
Alphonse de LAMARTINE
La souris de Paris
Sous un pont de Paris,
Il est une souris
Qui n'a pas de mari.
Elle n'a pas de nid
Et elle si vilaine
Que tout le monde en rit.
Elle pleure d'ennui,
Et jamais un ami
Ne console sa peine.
Elle file sans bruit
D'élégantes mitaines
Pour les autres souris.
Qui, la nuit, se promènent
Sous les ponts de la Seine
Au bras de leur mari.
Maurice CAREME
Il pleure dans mon cœur
Soleils couchants
Il pleure dans mon cœur
Comme il pleure sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur?
Une aube affaiblie
Verse par les champs
La mélancolie
Des soleils couchants.
O bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits!
Pour une cœur qui s'ennuie
O le chant de la pluie!
La mélancolie
Berce de doux chants
Mon cœur qui s'oublie
Aux soleils couchants.
Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s'écœure.
Quoi! Nulle trahison?...
Ce deuil est sans raison.
Et d'étranges rêves,
Comme des soleils
Couchants sur les grèves
Fantômes vermeils,
C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine!
Défilent sans trêves,
Défilent, pareils
A des grands soleils
Couchants sur les grèves.
Paul VERLAINE
Le bonheur est dans le pré
Paul VERLAINE
Le vieux et son chien
Le bonheur est dans le pré. Cours-y
vite, cours-y vite.
Le bonheur est dans le pré. Cours-y
vite. Il va filer.
S'il était le plus laid
De tous les chiens du monde,
Je l'aimerais encore
A cause de ses yeux.
Si tu veux le rattraper, cours-y vite,
cours-y vite.
Si tu veux le rattraper, cours-y vite. Il
va filer.
Si j'étais le plus vieux
De tous les vieux du monde,
L'amour luirait encore
Dans le fond de ses yeux.
Sur les cornes du bélier, cours-y vite,
cours-y vite.
Sur les cornes du bélier, cours-y vite.
Il va filer.
Et nous serions tous deux,
Lui si laid, moi si vieux,
Un peu moins seuls au monde,
A cause de ses yeux.
Sur le flot du sourcelet, cours-y vite,
cours-y vite.
Sur le flot du sourcelet, cours-y vite.
Il va filer.
Du pommier en cerisier, cours-y
vite, cours-y vite.
Du pommier en cerisier, cours-y
vite. Il va filer.
Saute par-dessus la haie, cours-y
vite, cours-y vite.
Saute par-dessus la haie, cours-y
vite. Il a filé...
Paul FORT
Pierre MENANTEAU
Plein ciel
J'avais un cheval
Dans un champ de ciel
Et je m'enfonçais
Dans le jour ardent.
Rien ne m'arrêtait
J'allais sans le savoir,
C'était un navire
Plutôt qu'un cheval,
C'était un désir
Plutôt qu'un navire,
C'était un cheval
Comme on n'en voit pas […]
Jules SUPERVIELLE
Le rouge-gorge
Le rouge-gorge est au verger :
Ah! qu'il est joli, le voleur ;
Il ne pèse pas plus que plume,
Et le vent le balance à son gré
Comme une fleur ;
Ah! qu'il est joli, le voleur
De prunes.
Oiseau, bel oiseau d'automne,
Voici l'oseille qui rougit
Dans l'herbe,
Et la feuille du poirier jaune ;
Tout se couvre de pourpre et de
vieil or superbe
Avant l'hiver gris.
Tristan KLINGSOR
Approchez vos mains de la flamme
[…]
Approchez vos mains de la flamme
jusqu'à voir le feu au travers
avec ses courants et ses lames
et ses sirènes aux yeux verts
jusqu'à voir les grands fonds du feu
avec leurs poissons de sommeil
et les longs navires sans yeux
leurs équipages de soleil
et leur forêt d'algues de paille
qui flambe et brille au fond du feu
prisonniers des mains et des mailles
qui font et défont les filets du feu.
Claude ROY
La petite maison
La petite maison
n'avait qu'une fenêtre
qu'une table
qu'un lit
et même pas de porte.
Mais la paix du poète
y faisait le ménage
mais le feu parlait clair
la fumée montait droite
le malheur se perdait
sur la blancheur des murs
et le livre éternel épelait vérité
sur le cadran de la pendule.
Une seule voix délivrait le silence.
Mais toutes les autres étaient
présentes.
Pierre BOUJUT
Chanson pour les enfants l'hiver
Dans la nuit de l'hiver
galope un grand homme blanc
galope un grand homme blanc
C'est un bonhomme de neige
avec une pipe en bois
un grand bonhomme de neige
poursuivi par le froid
Il arrive au village
il arrive au village
voyant de la lumière
le voilà rassuré
Dans une petite maison
il entre sans frapper
Dans une petite maison
il entre sans frapper
et pour se réchauffer
et pour se réchauffer
s'assoit sur le poêle rouge
et d'un coup disparaît
ne laissant que sa pipe
au milieu d'une flaque d'eau
ne laissant que sa pipe
et puis son vieux chapeau...
Jacques PREVERT
Noël
L'étoile a mis
Le feu au buis,
Le feu aux boules
De gui qui roulent
Dans les vergers
Tout enneigés.
Le feu jaillit
Des toits en fête
Et les bergers
Parmi les bêtes
Agenouillées
Chantent et prient.
Pomme dorée
Tombée du ciel
Dans un brasier
De joie nouvelle,
Jésus est né.
Noël! Noël!
C'est tout un art d'être canard
C'est tout un art d'être canard
C'est tout un art
D'être canard
Canard marchant
Canard nageant
Canards au vol vont dandinant
Canards sur l'eau vont naviguant
être canard
C'est absorbant
Terre ou étang
C'est différent
Canards au sol s'en vont en rang
Canards sur l'eau s'en vont ramant
être canard
ça prend du temps
C'est tout un art
C'est amusant
[…]
Claude ROY
Le chat
Dans ma cervelle se promène
Ainsi qu'en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et
charmant.
Quand il miaule, on l'entend à
peine,
Tant son timbre est tendre et discret
Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C'est là son charme et son secret.
Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases ;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n'a pas besoin de mots.
Non, il n'est pas d'archet qui morde
Sur mon coeur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,
Que ta voix chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout est, comme un ange,
Aussi subtil qu'harmonieux!
[...]
Maurice CAREME
Charles BAUDELAIRE