Le secret du succès sportif de Cuba.
Transcription
Le secret du succès sportif de Cuba.
LE SECRET DU SUCCÈS SPORTIF DE CUBA Ana Quirot, une athlète parmi de nombreux autres issus de l‘Institut national des sports de Cuba. Depuis des décennies, Cuba est apparenté à ce crochet du Par William C. Rhoden gauche écrasant dont les athlètes des Etats-Unis se sont toujours méfiés. Alors que les autres pays des Caraïbes ne peuvent rivaliser avec la machine sportive amateur des Etats-Unis, Cuba, une Île de 10 millions d’habitants, est devenu le principal rival des Etats-Unis sur le continent américain en boxe, baseball, volleyball et haltérophilie. Aujourd’hui Cuba commence à concentrer ses efforts sur l’escrime et l’aviron. 467 COMITES NATIONAUX B ien que les Etats-Unis ait remporté plus de médailles aux Jeux Panaméricains que leur voisin du sud, Cuba a gardé un léger avantage quant aux médailles d’or: 140 - 130. Est-ce l’image d’une structure sportive qui décèle, éduque et récompense ses athlètes dès l’enfance ou est-ce l’image de la fierté et de la pression qui naissent de la pratique du sport à Cuba? UN ENGAGEMENT MORAL Selon les responsables du sport cubains, la deuxième raison est sans aucun doute I’explication correcte. « Le principal stimulant est de nature morale », explique Raul Villanueva, vice-président de l’Institut National de Sports et d’Education Physique. «II s’agit d’un engagement moral. Ce qui encourage le plus nos athlètes, c’est de devenir une gloire nationale.» En deux semaines de compétition, les Cubains ont dominé dans les sports où ils avaient l’intention de dominer et remporté des médailles d’or là où ils n’auraient jamais penser en gagner. «Vraiment, nous avons été au-delà de toute espérance», dit M. Villanueva. «Nous ne nous sommes pas rendus compte de l’impact qu’allait avoir sur nos différentes équipes la présence de notre population dans les gradins.» Le succès de Cuba aux Jeux Panaméricains donne également un élan considérable au pays tandis que l’île se prépare à participer pour la première fois depuis 1980 aux Jeux Olympiques. Le fait qu’une si petite nation puisse rivaliser avec des géants de la technologie est l’un des fascinants mystères de Cuba. DES RACINES QUI DATENT DE LA RÉVOLUTION Les racines du succès sportif de Cuba, comme presque tout sur cette île, datent de la révolution. Les responsables sportifs cubains disent qu’avant l’arrivée au pouvoir 468 en 1959 de Fidel Castro, le sport était une entreprise professionnelle étroitement liée aux jeux et aux casinos dirigés par les Américains. Depuis l’abolition du sport professionnel en 1961, les Cubains, tout d’abord avec la collaboration de l’Union soviétique, mais de plus en plus aujourd’hui sans l’aide de quiconque, ont mis au point une méthode qui a révélé quelques-uns des meilleurs sportifs amateurs du monde. Ce système, hautement compétitif, réunit les meilleurs sportifs des 14 provinces cubaines à La Havane puis les oriente vers les différentes équipes nationales. La meilleure façon de visualiser cette méthode est de se représenter une pyramide. Tout en bas, on trouve les 80 000 enfants des 14 provinces qui vont à l’école élémentaire. Depuis 1963 et la création des compétitions scolaires de sports, ces élèves participent, chaque année, à des compétitions multi-sports organisées au niveau des provinces. Les meilleurs sportifs sont contactés et, avec l’accord de leurs parents, sont retenus pour passer toute une série de tests afin de pouvoir ensuite être admis dans les écoles d’initiation au sport. Selon l’institut national de sports, 80% des athlètes de premier plan à Cuba, y compris Javier Sotomayor, Ana Quirot et Felix Savon, ont été découverts lors de ces compétitions provinciales. Actuellement, il y a 14 000 élèves dans ces 14 écoles primaires consacrées au sport. Parallèlement à leurs cours classiques, ils sont initiés à la compétition de haut niveau et ont la possibilité de suivre un entraînement avancé. EN ROUTE POUR LES ESPAS Après quelques années, les élèves qui ont réalisé les plus hautes performances entreront dans l’une des neuf Espas provinciales, Ecoles Supérieures de Performances. A ce stade, diverses compétitions nationales sont organisées et l’objectif de chaque sportif, dans chaque discipline, est soit d’être recommandé à l’un des entraîneurs de I’Espa nationale de La Havane, soit d’être découvert par l’un d’entre eux. La réussite sportive, ici, offre des perspectives d’avenir et des avantages qui ne sont pas à la portée du Cubain moyen. Les sportifs jouissent de meilleures conditions de vie: maison, voiture, poste de télévision et autres biens de consommation dont profitent seulement, en général, les touristes étrangers possédant des devises fortes. Ernesto Montoya, haltérophile, a été invité, à 17 ans, à entrer au centre d’entraînement national l’année dernière. II a dû, par conséquent, quitter Guantanamo et sa famille pour s’installer à La Havane. Si cette invitation est une source de fierté pour le sportif et de prestige pour I’entraîneur, les heures sont longues dans ce centre. «Je me lève à 9h30, m’entraîne jusqu’à midi, puis de 14h00 à 17h00 », nous explique Ernesto Montoya. « En général, je suis tellement fatigué que je vais me coucher tout de suite après ». Cet automne, Ernesto Montoya commencera à suivre des cours au Centre d’Education Physique et de Sports, qui est spécialisé dans la formation de professeurs, d’entraîneurs et d’instructeurs d’éducation physique. L’Institut: un lieu de réussite sportive. 469 COMITES NATIONAUX UNE PLUS GRANDE INDÉPENDANCE Toutefois, entrer à I’Espa nationale ne signifie pas faire partie de l’équipe nationale. Les sportifs qui arrivent à La Havane doivent se frayer un chemin vers leurs équipes nationales respectives par le biais d’une série de compétitions nationales et internationales. L’un des plus grands progrès accomplis par le monde sportif cubain et dont ce dernier est fier est d’avoir réussi à réduire sa dépendance vis-à-vis des entraîneurs et conseillers étrangers. Même avant que ses relations avec la Yougoslavie ne se dégradent et que l’aide provenant de l’Union soviétique ne diminue, Cuba s’était efforcé de mettre en place une infrastructure sportive indépendante. «II y a 15 ans nous avions 40 entraîneurs ici », explique M. Villanueva. « Comme nos propres entraîneurs n’étaient pas suffisamment formés, nos équipes nationales étaient entraînées par des étrangers. Au fil des années, nous avons amélioré le niveau de nos entraîneurs, Javier Sotomayor, un élève de l’Institut national des sports. 470 Aujourd’hui nos équipes de judo, volleyball, kayak et athlétisme ont des entraîneurs cubains. » Toutefois, il a reconnu qu’il y avait encore des sports, comme I’équitation et le tir à l’arc, où les entraîneurs étaient étrangers. La défaite inattendue de l’équipe américaine de basketball messieurs face à Porto Rico et les victoires remportées par Cuba dans de nombreuses disciplines sportives ont relancé le débat sur les forces et les faiblesses relatives des méthodes d’entraînement de ces deux pays. Dernièrement, celles-ci se réduisent aux performances accomplies, et la victoire ou la défaite tiennent souvent aux motivations du sportif pour la compétition. Des Cubains, comme M. Villanueva, estiment qu’ils ont un avantage. « Dans notre méthode d’entraînement, ce ne sont pas les médailles d’or qui servent de motivation », dit-il. « Notre motivation est d’apporter la gloire et la fierté à Cuba et à son peuple. » W.C.R.