TROUBLES COGNITIFS ET DIALYSE : Le point de vue du
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TROUBLES COGNITIFS ET DIALYSE : Le point de vue du
TROUBLES COGNITIFS ET DIALYSE : Le point de vue du néphrologue Béatrice VIRON Association pour l'Utilisation du Rein Artificiel dans la Région Parisienne Remarques sur cette observation Pose la question de l’acceptation ou du refus (withholding ) en dialyse des patients présentant des troubles cognitifs Ici encore modérés F décision difficile Il s’agit d’une problématique # de l'arrêt de traitement : (withdrawal ) qui concerne toujours des états démentiels + évolués ; mais grande confusion dans la littérature… Problème de la dépression chez les IR Fréquente même en l’absence d’ATCD B sous-estimation des fonctions cognitives Pas seulement réactionnelle : Troubles métaboliques Anomalies neuro-hormonales Evolution en dialyse : Amélioration si liée à l’urémie ( 3 mois ) Retentissement possible : compliance, nutrition Autres paramètres décisionnels Risque surajouté alcoolisme ? dénutrition non-compliance ( oublis…) Prises de poids interdialytiques excessives Problème de la dialyse en institution : HémoDialyse > Dialyse Péritonéale Il ne s’agit pas d’une démence vasculaire en dépit du contexte d'HTA/dyslipémie : influence sur le pronostic PROBLEMATIQUE GLOBALE EN CAS DE TROUBLES COGNITIFS Acceptation en dialyse…et de la dialyse Difficultés de l’évaluation et du pronostic Participation patient et famille à la décision Si oui sans réserves….ou à l'essai ? ¶ Le spectre de l'arrêt de dialyse : envisagé et annoncé en cas d'échec (= ?) à discuter secondairement selon évolution Revue de la littérature ( Anglo-saxonne ou Nord-Européenne ++ ) Principes de l’éthique kantienne : Respecter la liberté du patient Ne pas nuire Agir pour le bénéfice du patient Fournir traitement «équitable et approprié» En présence de troubles cognitifs : Problèmes éthiques spécifiques Absence d’autonomie décisionnelle patient Risque préjugé défavorable inconscient lié à l’âge et/ ou au contexte familial/social Appréciation bénéfice : qualité versus quantité Aspect juridique de l’abstention de dialyse « Evidence-based medicine » : ? Pas de « preuve »…mais un consensus ? Moss AH. To use dialysis appropriately : the emerging consensus on patient selection guidelines ( Adv Ren Replace Ther 1995 ) ¾ Exclusion « démence sévère et irréversible »… ….Mais 68% des néphrologues USA débuteraient la dialyse en l’absence de directive préalable du patient ! ( Moss, JASN 1993 ) Règles à respecter ( Cohen, JAMA 2003 ) Evaluer capacité décisionnelle du patient rechercher si existent directives préalables Faire la part des facteurs réversibles Comprendre les motivations du patient Impliquer dans la discussion et la décision : L’équipe médicale et paramédicale au complet La famille ( si possible dans son ensemble ) Si patient récusé, assurer soutien médical et ψ « Caring » plutôt que « curing » ( Van Biesen, Nephrol Dial Transplant 2004 ) Plus jamais de critère « groupe » ! Ne pas faire l’impasse sur les réalités socioéconomiques…mais attention à d’éventuels préjugés ( inconscients ) Approche holistique ( plutôt que mécanistique ) : consommatrice temps, charge émotionnelle… Dialectique quantité-qualité de vie : survie en dialyse = prévisible par le médecin qualité de vie = évaluable que par le patient Facteurs influant sur la décision de prise en charge en dialyse Joly D ( J Am Soc Nephrol 2003 ) : étude rétrospective 1989-2000 IRT ≥ 80 ans ¾ récusés (37) versus acceptés (107) : Diabète ( 22 % vs 6,5 % ) Isolement ( 43 % vs 14 % ) Indice de Karnofsky < ( 55 vs 63 ) Recours tardif néphrologue ( 51 % vs 29 % ) Résultats de la dialyse débutée après 75 ans : Survie Letourneau AJN 2003 : au Canada survie moyenne = 31 mois (vs 44 si < 60 ans ) avec 50% DCD<2ans (nb hospi <3 mois avant ++) Europe : 19 % à 5 ans ( vs 32 %< 74 ans ) Dans la série de Necker ( Joly JASN 2003 ) Médiane de survie = 29 mois Décès en dialyse < 1 an prédits par : Statut nutritionnel Recours tardif néphrologue Dépendance fonctionnelle DIALYSE > 75 ANS : Qualité de vie (V.Antoine, Néphrologie 2004 ) Déterminants majeurs cités par les patients : Autonomie fonctionnelle Indépendance de décision Bonnes relations avec l’entourage Plaintes les + fréquentes : Asthénie 81% Douleurs invalidantes 42 % Symptômes psychiques 23% …NEANMOINS : F Autonomie : score ADL=5/6 ; IADL=58% F 84 % notent leur QV > 5/10 Etats démentiels et dialyse Chez les dialysés âgés ( Fukunushi 2002 ) Δg démence de novo ( ? ) = 4,2% par an Alzheimer 0,5% Multilacunaire 3,7% x 7,4 Evolution démence pré-existante = ??? La dialyse « à l’essai » ? Recommandée dans la littérature et pratique habituelle aux USA Conditions : Délai fixé au départ Critères d’évaluation définis Implication équipe et famille La plupart des néphrologues sont réticents ( SINGER, J Am Soc Nephrol 1992 ) Problème de l’arrêt de dialyse Première cause de mortalité en dialyse : 17 à 22 % des décès aux USA 26 % en Espagne ( Rodriguez, NDT 2001) 20,4 % Région Centre ( Birmelé, NDT 2004 ) Décision prise en France par le médecin dans 77,5 % ds cas ( Birmelé ) Et le + souvent (17%) pour démence Etude de Sekkarie ( Am J Kidney Dis 1998 ) Etude prospective multicentrique (60 arrêts) Les néphrologues formés du point de vue éthique et juridique décident plus souvent d’arrêter ( comme de récuser ) Arrêt comme exclusion plus fréquent chez les patients en institution ( 37 vs 2 % ) EXPERIENCE PERSONNELLE : devenir des démences en dialyse Impact négatif sur le traitement dialytique Non-compliance médicamenteuse/diététique Dialyse péritonéale souvent impossible En institution A cause des risques liés aux troubles du comportement ( cathéter abdominal ) En hémodialyse Non-respect horaires et durée séances Problème des cathéters à demeure Aspects positifs de la dialyse Hémodialyse chronique = tt structurant Anxiogène au début puis caractère répétitif et prise en charge globale plutôt rassurants Repères chronologiques et temporels facilités Bénéfice social et affectif Sortie 1 jour sur 2 domicile ou institution Contacts avec une équipe fixe ( jeunes ! ), les autres patients, les ambulanciers etc… Pronostic en dialyse ? La dialyse ne nous paraît pas accélérer l’évolution de la maladie d’Alzheimer Détérioration probablement plus rapide dans les démences vasculaires ( comme pour toute pathologie vasculaire ) après prise en charge en dialyse EXPERIENCE PERSONNELLE : Récuser est difficile… ≈ Jamais de directives préalables… Crainte réelle sous-estimation neuro (intoxication urémique ± dépression) B Importance suivi néphrologique et/ou neurologique ou gériatrique antérieur B Favorise acceptation large sauf cas de démence très évoluée Mais peu d’intervenants ! … Arrêter la dialyse encore plus ! Peur de transgression éthique Principes parfois # membres de l’équipe Crainte d’injustice sociale et discrimination Les conditions théoriques sont rarement réunies Demande explicite du patient rare Directives écrites encore plus ! « Contrat » initial oublié ou contredit : Famille souvent « jusqu’au- boutiste », voire revendicatrice Désaccords et souffrance dans l’équipe soignante Pressions extérieures ( généraliste, collègues non néphro…) Autres obstacles à un arrêt serein De plus en plus souvent d’arrière-pensées juridiques… Les soignants ne sont pas assez formés À la confrontation avec patient et famille A la gestion psychologique de l’équipe A l’accompagnement ultérieur du patient Abstention ou arrêt de dialyse : l’urémie est-elle une mort douce ? Spontanément NON ! Troubles digestifs, myoclonies, neuropathie… Surcharge hydrosodée inévitable La fin de vie doit être assumée par la ou les équipes qui a pris la décision : gériatres et/ou néphrologues En hospitalisation si demande famille A domicile avec MG, HAD, soins palliatifs En pratique Décision souvent prise au final par le chef de service ou un médecin expérimenté Arrêts déguisés fréquents : réduction durée/fréquence, ultrafiltration sans dialyse, voire « sham-dialysis »… Par égard ( ??? ) pour le patient Mais parfois en cachette de ses proches… CONCLUSION : PRENDRE OU NE PAS PRENDRE EN DIALYSE ? Face à un état démentiel, ni l’abstention ni l’arrêt de dialyse ne sont des décisions faciles… …Mais l’abstention devrait être décidée + souvent Parce qu’impliquant moins de soignants Coût humain et social < échec dialyse Les obstacles tiennent surtout Au contexte socio-culturel français A l’évolution des relations avec les familles Au manque de formation ( et de réflexion personnelle ! ) Pédagogie nécessaire : familles mais aussi soignants