Michelle Demessine, mère de combat

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Michelle Demessine, mère de combat
Dimanche 16 Septembre
2012
LE JOUR OÙ ...
Michelle Demessine, mère de combat
Aujourd'hui, les ~amarades du PCF se
retrouvent à la Courneuve pour la fête
de l'HlImanité.Michelle Demessine eh
sera. Etre « une femme, une
Nordiste, qui plus est coinmunistè !» .
n'a pas toujours été simple. Mais la
sénatrice a choisi ses combats. Sauf
une fois. Le jour de la naissance de son
fils Fabien. Trente-sept ans après,l'élue
nous raconte comment elle a vécu
l'arrivée du handicap dan$ sâ vie..
Brutale et violente ..
1975. L'année s'annonce heureuse. Une
grossesse parfaite. Un premier enfant très attendu. Des parents aux anges ... Et un terme
fixé au 20 janvier. Les contractions arrivent
comme prévu. Direction l'hôpital de Seclin,
immédiatement en salle de travail. Les heures défilent. L'accouchement se passe dans la
douleur. Ça dure, encore et èncore. « On ne
se rend pas vraiment compte. » Et puis ... le
trou noir.
La maman est anesthésiée. Le bébé ne veut
pas sortir ...Il fait une hémorragie méningée.
« Mais' ça, je ne le saurai que bien plus
tard... » Le souvenir est confus, l'émotion encore très vive. Michelle Demessine ne s'en cache pas. Derrière la paire de lunettes rouges,
le regard se trouble.
Je me réveille le lender:nain : un médecin
vient me dire qu'il y a un "problème". Rien de
plus. » L'enfant est en couveuse, transféré as-
rejOint le mouvement - puis le parti COmmu.niste en 1970.- parce qu'elle veut «. avoir
son mot à dire», refuse« d'être enfermée dans
une case » et « de subir le poids des pz.i.is~
sants.»; Déléguée du personnel à 20 ans.
«Quandfaccouche. mon mari et moi n'avons
pllts de travail. » Tout juste licenciés de leur
entreprise de bâtiment en restructuration.
« {e passais du temps dans l'engagement syndical. 'Avec l'arrivée de Fabien, on se pose la
question: est-ceque'j'arrête ? Est-ce qu'on
continue notre vie comme on l'a commencéè ? » ,La ~ilitante ne renonce pas. «J'avais
trop peur d'en vouloir à mon fils. »
Quand la Fédération communiste du Nord ..
Pas-de-Calais lui propose une mission, elle accepte. Et mène de front son engagement politique et sa première bataille pour Fabien: savoir Ce qu~il.a. « J'ai été infernale avec les
.kinés.
»
.C'est finalement quand le petit Demessine a
trois ans que les parents en apprennent davàntaçe. Pour intégrer le centre de rééduca-
« J'ai mis un point d'honneur
à
toujours consacrer une part de
mon énergie et de mon temps à
cette cause qu'est le handicap.»)
«
sez vite à Calmette. Deuxième diagnostic:
«
C'est l'anesthésiste, cette fois, qui me dit
"on pense qu'il y aura des séquelles". Ce mot
est gravé dans ma tête. Je suis restée avec ça,
plusieurs semaines, sans savoir ce que ça recouvrait. » Renvoyée à la maison au bout de
quatre jours. « Sans avoir vu le petit. Et sans
avoir vu non plus la personne qui m'avait accouchée. »
Quand enfin les visites sont permises, les jeunes parents vont faire la connaissance de
leur enfant. Un beau petit bébé qui semble
bien se porter. « Juste, il était hypertendu;
c'est du moins ce qu'on me disait. Il se tapait
la tête sur ma poitrine,je le ressens encore. »
tion fonctionnelle Marc-Sautelet à Villeneuve-d'Ascq, « j'ai fait la dêmande de la
carte handicapé et c'est là, sur un certificat
médical, que j'ai découvert le diagnostic : "infirme moteur cérébral des quatre membres et
du tronc". Je me suis dit qu'est-ce qui reste?»
Un coup de matraque dont le couple a du
mal à se relever. « On n'est pas préparé à
avoir un enfant différent. D'un seul coup, tout
se brise. Et là, mieux vaut être fort. Car il devient impossible de se projeter. »
Communiste, marxiste, Michelle Demessine
refuse la fatalité: « !fout être humain est per-
fectible, 'même handicapé. Je n'ai jamais cherché à gagner la normalité mais à trouver un
Après vingt jours d'hospitalisation, l'enfant
peut rentrer avec ses parents. « On nous pré-
vient qu'il peut convulser. On est très attentifs mais pas trop inquiets. »
«
l'en voulais à la terre entière.»
Rendez-vous est fixé pour des eXamensapprofondis, quelques mois plus tard. «Là, la
première question que l'un des deux professeurs me pose c'est: "Madame avez-vous une
voiture? Parce qu'il va falloir faire de la rééducation deux fois par semaine". » Le couperet tombe. «J'en voulais à la terre entière. »
Michelle Demessine, âgée alors de 28 ans,
est déjà une salariée engagée.« Le .déclic,
c'est bien sûr mai 68. » Issue d'une famille
ouvrière, fière des valeurs de son milieu, elle
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L'ESSENTIEL
1947. Née le 18 juin à Frelinghien où elle a
grandi en partie avant de déménager à Houplines. A16 ans, elle arrête les études et devient
secrétaire.
1968. Mai 68 marque le début de son
engagement. Elle est déléguée syndIcale et
membre de la commission executive de
l'Union départementale CGT Ousqu'en 1973).
1970.
Elle adhère au PCF,avec son mari.
1976-1990.
Secrétairè départementale de
l'Union des Femmes Françaises.
1977. Membre du comité départemental du
PCF Nord.
1992.
Élue sénatrice du Nord.
1983-1995.
Membre du comité
économique
et ..social
régional
Nord - Pas-de-Calais.
2012
Michelle Demessine n'a rien lâché. Ni pour
Fabien, ni pour elle. Pour que son fils gagne
en autonomie, avec son mari elle s'est battue. « La première question que se pose une
maman c'est: quand est-ce que mon bébé va
marcher? Nous, oh ne sait pas. » Fabien a
marché à 9 ans. « Un jour de fête d'école,
parce qu'il a voulu suivre tous les autres enfants. avais tout fait pour qu'il soit dans Une
école classique. »
r
Quand, en 1992, Michelle Demessine est désignée pour être sénatrice, c'est à nouveau la
grande remise en question. « Finalement: j'ai
encore dit oui. Mais j'ai mis un point d'honneur à toujours consacrer une part de mon
énergie à ceUe cause qu'est le handicap. » Au
côté de toutes les associations pour faire évoluer la législation. « Surtout lorsque j'étais à
la commission des affaires sociales. »
du
1995-2001.
Membre du collectif régional
pour les droits des femmes Nord - Pas-de-Calais; conseillère municipale d'Houplines.
1997-2011.
Secrétaire d'État au Tourisme
dans le gouvernement de Lionel Jospin.
2.003-2009.
Chargée de la famill.e et du
handicap au PCF.
2012. Sénatrice, adjointe au maire de Lille,
vice-présidente de LMCU en charge du sport,
présidente de la commission Grand Stade.
Et puis un soir de 1997, coup de fil de Robert
Hue pour lui annoncer que LioI}elJospin va
lui proposer d'être secrétaire d'Etat au Tourisme. Là encore une grande surprise et beaucoup de questionnements. « Mon fils était là,
à côté de moi. C'était une belle occasion de représenter les femmes, la région. Pour moi
c'était presque un devoir. Mon fils m'a dit :
"Vas-y maman". 11 était fier, il se rendait
compte. On pensait que ça allait durer deux
ans... Ça a duré quatre ans. » Aujourd'hui,
Fabien a un travail, à l'AFPA de Roubaix. Et
Michelle cumule plusieurs casquettes. Fidèle
à ses convictions. « Un chemin qu'on a
trouvé ensemble. Le meilleur possible.» •
chemin pour se construire
meilleure possible. »
une vie, la
PAR DELPHINE D'HAENENS
Endireplus~lavoixdunord.fr
PHOTO STEPHANE MORTAGNE
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