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La lettre de l’Académie
Académie d’Agriculture de France
N°5 Janvier 201
2010
Éditorial
Agenda du 1er trimestre 2010
2010
Les défis du 21ème siècle
6 janvier : Séance d’installation du nouveau Bureau.
13 janvier : La réduction des risques en agriculture après 2013.
20 janvier : Les insecticides en élevage.
27 janvier : Relations France-Ukraine dans le domaine de l'agriculture et
de l'élevage.
3 février : Le loup en France.
10 février : Évolution et avenir de l’enseignement supérieur agronomique
et vétérinaire.
10 février : Lignines.
10 mars : Biocarburants de seconde génération.
17 mars : Quelques enseignements d'un récent voyage d'études en Chine.
23 mars : Séance commune avec l’Académie des Sciences consacrée à la
métagénomique. Cette séance se tiendra à l’Académie des Sciences.
24 mars : Les voies du renouveau de la viticulture languedocienne.
31 mars : L’hétérosis et son exploitation pour des progrès en agriculture.
L’ère industrielle a permis un développement inédit des capacités
humaines à utiliser les ressources terrestres grâce aux énergies fossiles et
au progrès scientifique et technique. En moyenne, on vit bien mieux et plus
longtemps qu’autrefois. Mais ce développement s’est fait sans souci des
milieux naturels et des inégalités engendrées selon les régions du globe et
au sein même des pays.
Après avoir conquis notre planète, il nous faut apprendre à la gérer.
Comment nourrir correctement tous les humains et permettre le
développement des pays et des populations les moins avancés? Par quoi
remplacer le pétrole ? Comment limiter l’effet de serre et le réchauffement
du climat ? Comment vivre sans détruire les animaux, les plantes et les
micro-organismes dont nous dépendons?
Les hommes ne sont pas les premiers à modifier l’environnement
global. Tout organisme vivant modifie son milieu en prélevant des
éléments et en en rejetant d’autres ; ainsi l’oxygène et l’azote de notre
atmosphère sont d’origine essentiellement biologique, comme aussi le
charbon, le pétrole ou le gaz naturel. Mais cette fois, le changement se
produit à l’échelle du siècle et non plus de millions d’années, et il nous
affecte directement.
Le changement n’est pas nécessairement la catastrophe, car nous avons
la capacité scientifique et technique pour faire face à ces défis, mais il nous
manque une volonté ferme de l’orienter dans la bonne direction, ce qui
suppose une forme de gouvernance mondiale. On en perçoit des signes
encore timides dans les négociations sur le climat.
La conquête de la Terre se termine, mais l’aventure intellectuelle
continue : apprendre à partager, gérer et recycler des ressources finies pour
9 à 10 milliards d’habitants, en gardant notre Terre belle, voilà un objectif
stimulant pour de nombreuses sciences. Pour proposer un avenir attirant
aux jeunes générations, il nous faut de l’imagination et de l’espérance.
Avec la richesse qui est la sienne, notre Académie peut y contribuer avec
efficacité.
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"Il convient d'observer la nature et de ne la contrarier jamais, car s'il y
a des principes dans l'art, il y a aussi des méthodes bonnes pour certains
pays et qui ne peuvent convenir à d'autres...Tout est facile dans le cabinet,
la plume à la main, derrière la charrue les choses changent de face ».
A-A. Parmentier
(Dictionnaire universel d'agriculture publié sous la direction de l'Abbé
ROZIER en 1781)
Bernard Saugier
La vie de la Compagnie
Élections à l’Académie
Le nouveau bureau, élu le 9 décembre, est constitué de Guy Paillotin, Secrétaire perpétuel ; Jean-Paul Lanly, Trésorier perpétuel ; Bernard Saugier,
Président ; Jean-François Morot-Gaudry, Vice-Président ; Christian Ferault, Vice-Secrétaire et Claude Sultana, Vice-Trésorier.
Treize membres – dont cinq étrangers – ont été élus le même jour : Pierre Devaux et Daniel Dattée pour la section 1, Pierre Thivend (3), François
Sigaut (4), Armand Chauvel (5), Dusko Ehrlich (6), Jean-Claude Flamant (7), Vincent Pétiard (8). Les nouveaux membres étrangers sont Christopher
Prins, Filipe Graciosa de Figueiredo, Philippe Baveye, Pierre Dagnélie et Tomas Garcia Azcarate.
Vingt trois correspondants rejoignent les rangs de notre Compagnie dont deux étrangers. Yves Chupeau, François Desprez et Pierre Morlon au titre
de la section 1, Xavier Deglise et Antoine Kremer (2), Eric Palmer, Pierre Del Porto et Michel Bonneau (3), Henri Rouillé d’Orfeuil et Raphaël Larrère
(4), Yves Gnanou et Florent Maraux (5), Hubert Laude et François Taddei (6), Jean Boiffin et Xavier Reboud (7), Jacques Potus, Didier Majou et Any
Castaings (8) et Xavier Laureau et Jean-Paul Charvet (10). Peter Westhoff et Félix Escher sont les nouveaux correspondants étrangers.
Bienvenue à tous ces nouveaux participants aux travaux et à la vie de l’Académie.
Jean-François Colomer
Point de vue
Principe de précaution : aujourd’hui et demain
Le 1er octobre 2009 l’Assemblée nationale et le Sénat ont organisé une
audition publique sur « Le principe de précaution : bilan de son
application quatre ans après sa constitutionnalisation ».
Ce bilan ne peut qu’intéresser les acteurs des filières AgricultureAlimentation-Environnement ! En effet, pour le public l’interprétation de
ce principe n’apparaît pas stabilisée, variant d’un cas à l’autre.
L’encadrement juridique reste flou et les décisions des tribunaux
manquent de cohérence, conduisant à une jurisprudence de circonstance.
Les différentes autorités peinent dans l’application et agissent
indépendamment les unes des autres… En conséquence, dans le traitement
des contentieux, le principe de précaution, parfois confondu avec la
prévention, apparaît plus comme un outil de manœuvre de l’opinion que
comme celui d’une politique soucieuse de solidarités actuelles et futures.
En 2002 les autorités avaient déjà pris la mesure des difficultés cidessus et avaient décidé de clarifier le concept et d’en palier les
insuffisances. Elles souhaitent que le principe soit assis sur des bases
légales fortes et la formule retenue fut de l’inscrire dans la Constitution
après en avoir précisé les attendus et la formulation. La réflexion arrive à
terme en deux ans. Le principe de précaution est « constitutionnalisé » en
2004. De plus, comme la société et les connaissances ne cessent de
progresser, une révision périodique est envisagée. En 2009 donc, l’Office
Parlementaire d’évaluation des Choix scientifiques et techniques
(OPECST) organise une audition publique pour dresser un bilan et aider à
l’élaboration d’éventuelles propositions d’amendements. Une pléiade
d’orateurs est convoquée pour porter publiquement témoignage :
philosophes, juristes, industriels, scientifiques (sociologues, médecins,
biologistes), journalistes, membres d’ONG et représentants des institutions
publiques. Pour l’auditoire cette initiative est très heureuse, les
conférences offrent un regard « déployé » sur le principe de précaution et
un espoir d’échapper aux hiérarchies et aux égoïsmes des filières.
Quelques mots sur les exposés : leurs apports sont très variables.
Certains ne répondent pas à la question posée par l’OPECST et se
contentent d’un plaidoyer pro domo. D’autres apportent au contraire une
vraie contribution au bilan de la constitutionnalisation et à l’évaluation de
l’usage du principe de précaution en France. Tous présentent le principe
de précaution comme un principe d’action « encadrée », susceptible de
stimuler des recherches et d’inciter à l’innovation.
Tous les orateurs s’accordent sur le fait qu’en 2009, la conception de
la précaution n’est toujours pas stabilisée et la constitutionnalisation n’y
change rien. En revanche, fait positif, elle a permis l’élargissement du
champ d’application bien au-delà de l’environnement, domaine où dès
1999, le principe était reconnu. La Charte de l’Environnement avait
d’ailleurs servi de point de départ à la réflexion qui conduisit à la
constitutionnalisation.
Le bilan est d’ailleurs en demi-teinte dans tous les aspects de la
situation actuelle. D’un côté les craintes et les attentes du public sont
toujours les mêmes. La constitutionnalisation leur a même donné une
légitimité juridique sans pourtant proposer une démarche qui les
soulagerait et donnerait les moyens d’évaluer l’évolution des risques et de
leurs coûts. Les jurisprudences ont donc un bel avenir…
En mettant l’accent sur l’incertitude constitutive des connaissances
scientifiques, la formulation actuelle du principe de précaution
décrédibilise leurs avancées. Pour faire face aux inquiétudes légitimes la
société ne dispose plus que de l’autorité des lois, des normes et des
interdits. Face à la diversité des situations et pour ne pas plus perturber la
cohésion sociale il faut, dans les cas difficiles, avoir recours à des
moratoires et à des exceptions…
Élargir le champ d’application du principe de précaution permet de
renouveler les fondements de la décision et de l’action dans des domaines
autres que l’environnement. Ainsi dans le monde de la santé, du
médicament et des industries pharmaceutiques, « un » principe de
précaution était en usage bien avant celui qui concerne l’environnement :
essais de phases I, II et III, établissement de normes, traçabilité et
révisions périodiques. Dans ce domaine et de façon générale dans bien
d’autres, la responsabilité finale de la précaution appartenait à l’État
(agences) qui décidait des normes. La justice avait pour rôle de traiter les
contentieux. Depuis 2004 a été initialisé un processus de transfert de la
responsabilité aux acteurs, les entreprises en particulier. Ils doivent
apporter la preuve de l’innocuité de leurs innovations et de leurs travaux.
L’État se dégage de ses responsabilités anciennes et se donne un rôle de
médiateur. A la relation triangulaire Etat-public-acteurs est substituée une
relation binaire public-acteurs. La constitutionnalisation introduit
indirectement une forme de démocratie directe dont le public et les acteurs
sont les protagonistes. Parallèlement la fonction de la justice, partiellement
partagée avec l’Etat maintenant,
est devenue moins claire. Un
changement de société se prépare donc. Bien qu’il soit difficile de prévoir
l’avenir, la constitutionnalisation est une véritable avancée.
Du point de vue du public et même du simple citoyen, d’intéressantes
perspectives sont ouvertes. La conséquence directe de l’accent mis sur
l’incertitude constitutive de la connaissance et le doute jeté sur la
pertinence des avis d’experts, permettent à chacun de faire reconnaître, en
invoquant la Constitution, la légitimité et la force de son angoisse
indépendamment de toute connaissance ou expertise. Cette angoisse
existe, même si on ne dispose pas de mesures objectivées. Au siècle
dernier, elle n’était que de peu de poids face à l’évaluation formalisée des
risques. Aujourd’hui, elle pèse significativement dans les négociations, la
politique et les décisions de justice. Ainsi, au-delà des progrès de
connaissances et de l’application des normes, sont officiellement reconnus
les troubles de voisinage et les atteintes à la tranquillité psychologique du
citoyen. La constitutionnalisation du principe de précaution a donc engagé
une autre transformation de la société.
En conclusion à court terme, le concept de principe de précaution n’a
pas été clarifié et les attentes du public n’ont pas trouvé de réponse. Les
risques ne sont pas mis en rapport avec les bénéfices attendus
d’innovations. A long terme, la constitutionnalisation ouvre des
perspectives de transformation de l’exercice de la démocratie
(désengagement de l’État) et de la société dans son ensemble. Le débat est
loin d’être clos, d’autant plus que nous, Français, nous méfions du
pragmatisme et avons un fort penchant pour les lois et les normes. La
formulation nouvelle du principe de précaution, que le Parlement adoptera
bientôt sera très intéressante.
www.assemblee-nationale.fr, www.senat.fr et [email protected]
Y. Dattée, A. Gallais, J.C. Mounolou et J.C. Pernollet
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VIE DES SECTIONS
Relations « HOMME-NATURE » : interprétation
d’une crise
Nous savons qu’au cours de l’évolution, non seulement la vie est
apparue au sein des milieux physico-chimiques complexes, mais encore
que la biosphère fut une longue co-évolution entre dynamique des milieux
et évolution des systèmes biologiques. Elle a évolué sous l’impact de
grands changements physiques ponctués parfois de soubresauts
catastrophiques (volcanisme, impact de météores), et sous les contraintes
des grandes évolutions biologiques. Cette co-évolution, milieux et
systèmes biologiques, instaure une dynamique incessante au sein de la
biosphère. Cette dynamique actuelle se trouve dominée par
l’anthroposphère (Homme et société) qui cherche à se dégager de sa
matrice originelle, la biosphère. C’est pourquoi l’anthroposphère s’affirme
en élaborant une technosphère, lieu des connaissances, des techniques, des
pratiques et des modes d’organisation et de gestion afin de maîtriser la
biosphère. Cette tendance de l’homme a été mise en exergue par toutes les
mythologies et conduit non seulement à l’émancipation, mais à la
puissance et à la démesure (Tour de Babel, Prométhée ou encore Faust).
L’anthroposphère ne peut cependant rompre cette co-évolution
homme–nature, car elle reste ontologiquement rivée à sa biosphère par ses
propres besoins (air, eau, alimentation, énergie, matériaux, surfaces
occupées). L’histoire nous apprend aussi que cette co-évolution entre
milieux et systèmes biologiques est largement dépendante de l’homme et
son devenir. L’hégémonie de la population humaine et de ses techniques,
progressivement élaborées depuis quelques millénaires, induit en de
nombreux lieux, surexploitations, déforestations, aridification et souvent
désertification de milieux (effets drastiques accrus par l’érosion, la salini-
sation, les pollutions…). Dans cette co-évolution, l’accroissement des
surfaces utilisées s’est fait au détriment de flores et faunes tant sauvages
que commensales et les milieux ont évolué de plus en plus vers des
espaces ruraux toujours plus ouverts où disparaissent des éléments de
paysages anciens (haies, talus, fossés, bosquets ou bois). Heureusement, à
la fin du XXème siècle, la prise de conscience de changements globaux
(changement climatique, modifications drastiques de l’occupation des
terres, érosion de la biodiversité, pollutions…) a fait émerger la notion de
développement durable. Un nouveau regard se porte alors sur les
équilibres biologiques des agro et écosystèmes au sein des paysages et sur
la biodiversité (espèces sauvages, commensales et domestiquées) et se
pose la question vitale de durabilité des ressources naturelles, de
préservation des milieux et du maintien de leurs potentialités. Une
possible co-évolution interféconde « homme - nature » émerge alors où
l’Homme prendrait en compte le développement équilibré de la biosphère.
Cependant, il y a loin entre la prise de conscience et la mise en œuvre
de re-médiations et une conduite agro – écologique qui favoriserait la
valorisation des milieux et de la biodiversité, bref une approche de gestion
durable. Or, dans un système devenu mondial, qui mise toujours plus sur
le développement de productions marchandes, que feront les sociétés ?
Suivront-elles la facilité, celle de prélever au moindre coût ou permettrontelles le renouvellement et la reconstruction ? Le choix premier d’un
développement maximum entraîne une perpétuelle surenchère aux niveaux
des productions et des échanges ; les soubresauts inflationnistes illustrés
par la crise économique actuelle, en sont un révélateur qui annonce en fait
une lame de fond à venir. Dans ce contexte de production, même avec une
perspective de stabilisation à terme de la population accompagnée d’une
réduction des biens de consommation, tout concourra à une prime évidente
aux prédations encore possibles, face aux coûts et lenteurs des
renouvellements ou substitutions à créer. Cette relative facilité de la
prédation conduira à des pollutions de plus en plus contraignantes, aux
pertes progressives de terres et de ressources et à la fragilisation de la
biodiversité qui pourrait amorcer sa « sixième grande extinction ». Or,
malgré ses limites, la planète pourrait encore évoluer vers une biosphère
revitalisée par un juste partage, un jardinage total des espaces (forêts et
autres agro-écosystèmes), au sens du « Mesnage des champs, d’Olivier de
Serres », qui inclurait le maintien d’un maximum de biodiversité. En fait,
une telle évolution impose un changement de paradigmes qui induirait une
autre vision de la vie et probablement de ce que peut signifier le bien-être.
Certes la technosphère poursuivra son développement en vue d’améliorer
et de valoriser les ressources restantes voire même de reconquérir de
nombreux territoires mais il faudrait pour cela cette mutation. Sans elle,
les sociétés continueront à mettre à profit la technosphère pour accroître
leurs prédations, favorisant les déséquilibres et crises qui forceraient à de
nouveaux expédients. L’homme, au mieux, s’enfermerait alors dans un
monde de plus en plus artificiel où sa seule ouverture deviendrait celle du
virtuel ou peut-être un jour, celle de l’espace ?
(Suite du travail de la section VII, « Homme-nature : de la
domestication à la co-évolution »)
Alain Perrier
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La recherche agronomique des États Unis objet
d'une restructuration prioritaire
Le "National Institute of Food and Agriculture" (NIFA) a ouvert ses
portes le 1er octobre. La création de cet Institut fait partie d'un
remaniement important au ministère de l'agriculture des USA (USDA) qui a
récemment enrôlé Rajiv Shah comme directeur scientifique en soulignant
l'importance de la recherche agronomique fondamentale pour répondre
tant aux besoins nationaux que mondiaux, incluant le changement
climatique, les biocarburants, la nutrition et la sécurité alimentaire.
Beaucoup de scientifiques espèrent que le nouvel Institut améliorera
les objectifs, l'efficacité et la visibilité de la recherche agronomique
fondamentale américaine, longtemps critiquée pour être conduite par les
politiques régionales au lieu des priorités nationales. Face à la perception
négative de la recherche agronomique, notamment par le Capitole, ce
devrait être l'occasion de réévaluer le rôle de cette recherche et de son
organisation aux USA. Il demeure cependant primordial que les États-Unis
fixent des priorités nationales pour l'attribution des crédits de recherches afin
d’éviter que la recherche agronomique ne continue à régresser face aux
autres domaines, notamment la recherche médicale et la National Science
Foundation, qui drainent la majorité des crédits fédéraux, respectivement
10 et 3 milliards de dollars.
La direction du NIFA a été confiée à Roger Beachy, biotechnologiste
végétal qui a notamment développé des PGM résistantes aux virus en
collaboration étroite avec Monsanto, ce qui n'est pas sans soulever du
scepticisme à propos de l'indépendance des objectifs du NIFA et de son
aptitude à mener à bien une politique scientifique d'excellence. Le NIFA
gérera un programme de contrats ciblés (AFRI, Agriculture and Food
Research Initiative) dont le budget est encore limité (~300 millions de
dollars) au même niveau que celui de l'organisme précédent. En dépit de
ses buts ambitieux, l'impact final du NIFA est donc encore incertain,
même si cette restructuration fédérale vise à diminuer l'influence de
l'électoralisme local dans les orientations de la politique de la recherche
agronomique états-unienne.
Jean-Claude Pernollet
Source : Lizzie Buchen. Federal restructuring aims to lessen the influence
of pork-barrel politics. Nature 461, 580.
doi :10.1038/461580a.
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Une araignée herbivore
La livraison de Current biology du 13 octobre dernier rapporte le
cas d’une araignée « sauteuse » d’Amérique centrale, Bagheera kiplingi
(tout un programme !) qui présente la particularité de vivre, en partie, sur
un acacia dont elle consomme le nectar, riche en lipides et protéines,
produit à la base des feuilles et par des structures caulinaires. Ces
sécrétions sont absorbées par l’araignée avec sa trompe.
Le comportement social de l’espèce est également différent : elle
demeure sur la plante et s’y reproduit, les mâles « s’occupant » des œufs
puis de la progéniture. En période sèche, elle peut redevenir carnivore. Un
cas intéressant et unique… pour l’instant !
Christian Ferault
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Les travaux du groupe intersection « PAC 2013 »
Ce groupe animé par la section 10 fait suite aux travaux réalisés par
l’Académie à l’occasion du bilan de santé de la PAC et à la séance « La
PAC en question » animée par Michel Jacquot le 26 novembre 2008. La
nouvelle Commission européenne doit proposer fin 2010 son projet
politique et financier concernant la future PAC 2014-2020 qui sera discuté
par le Conseil et le Parlement européen. Notre objectif est de participer à
la réflexion sur les priorités et les outils d’une PAC qui réponde aux
enjeux actuels dans un contexte européen et mondial en profonde
mutation.
•
Une PAC qui combine des outils efficaces de régulation des marchés,
de sécurisation des risques et d’organisation des producteurs.
•
Une PAC qui cherche à maintenir l’emploi agricole et les emplois
induits dans tous les territoires.
•
Une PAC qui encourage la production de valeur ajoutée dans les
exploitations et qui rémunère les biens publics et les services
environnementaux joints.
•
Une PAC qui soutienne la consommation alimentaire des plus
démunis et développe les enjeux nutritionnels, dans la restauration
collective notamment.
•
Une PAC flexible et adaptable dans son budget en fonction des
évolutions conjoncturelles.
Les conditions de la durabilité économique, sociale et
environnementale des exploitations, des filières et des territoires sont au
cœur de nos réflexions qui devraient aboutir au premier trimestre 2010.
Contact : [email protected]
Proposition à l’Académie d’Agriculture de France
Notre Académie a besoin d’argent pour fonctionner. Où le trouver ?
Là où il se trouve. Comment le faire venir ? En intéressant ceux qui en ont
à le donner. Comment ? En leur rendant des services qui relèvent de nos
compétences.
C’est approximativement le raisonnement que fit Michael Faraday
dans les années 1820, quand la Royal Institution de Londres était endettée
comme elle ne l’avait jamais été depuis sa création, par Rumford. Étrange
personnage, savant, aventurier, espion, militaire… Rumford avait été un
visionnaire en créant la Royal Institution, étrange lieu intermédiaire entre
une sorte de Palais de la découverte, club scientifique, laboratoire…
L’étrangeté même de l’entreprise avait toujours mis l’institution en
délicate position financière, mais quelques uns de ses hôtes avaient
contribué, jusque là, à sa survie. Par exemple, Humphry Davy (17781829), découvreur du protoxyde d’azote, du sodium, du potassium, du
strontium, du calcium, père de la lampe de sûreté pour les mineurs…
faisait des conférences si merveilleuses qu’il attirait le beau monde
londonien, puis anglais et même européen, à la Royal Institution.
Toutefois, ce succès même mit l’institution en péril, quand Davy épousa
une riche veuve et démissionna de sa chaire en 1812.
Selon Henry Bence Jones, auteur d’une histoire des débuts de la Royal
Institution, le problème récurrent des finances de l’institution ne fut résolu
durablement que par Michael Faraday, en raison des traditions qu’il
instaura.
Notamment Faraday introduisit les Friday Evening Discourses le 3
février 1826, avec une conférence sur le caoutchouc. Il avait fait quelques
analyses de la matière, alors nouvelle, dans son laboratoire en 1824, puis
en 1825, afin de le caractériser, et il présenta plusieurs expériences qui
mettaient bien en évidence les propriétés du matériau, utilisant une
méthode de présentation qui avait fait l’objet de tous ses soins :
l’organisation de la salle, le type de discours, la posture du conférencier, le
rythme de la conférence… Faraday avait finalement décidé que ces
causeries devaient être engageantes d’aspect, mais qu’elles devaient, au
moins au début, présenter des nouveautés importantes du monde en
mouvement, transmettre de l’information et de la compréhension sur des
sujets d’actualité technologique : la lithographie, qui commençait à
révolutionner la presse et l’édition ; les moteurs de Marc Isembard Brunel,
l’éclairage au gaz…
Les conférences commençaient à neuf heures du soir, et duraient une
heure exactement ; puis l’audience était invitée à une collation légère (du
thé, au début), pendant laquelle les membres du « club » ou ceux qui
avaient acheté des billets pour assister à la conférence, étaient invités à
discuter dans les salons de la Royal Institution, souvent autour d’objets qui
avaient été réunis par Faraday, et qui avaient ou non trait aux
conférences (lentement, cette pratique conduisit à la constitution d’un
cabinet de curiosités). Parfois, la technologie faisait place à la musique,
aux arts, aux lettres…
Faraday ne ménageait pas sa peine pour rétablir l’équilibre financier. Il
y invitait les meilleurs scientifiques anglais, y faisait venir les savants
étrangers de passage à Londres… et la tradition ne s’est pas éteinte avec
lui, puisqu’il avait tout fait pour qu’elle ne dépende pas de lui seulement,
invitant progressivement une proportion croissante de conférenciers
extérieurs. Aujourd’hui, la Royal Institution continue d’exister, et elle a
même eu les moyens de se rénover entièrement, ces quelques dernières
années. Et si notre Académie faisait de même ?
Hervé This
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L'Académie en visite chez ROQUETTE
Le 12 novembre 2009, un groupe de membres de l'AAF était reçu à
Lestrem pour une visite des Établissements Roquette préparée par notre
confrère Daniel-Éric Marchand. Créée en 1933 pour la production de
fécule de pomme de terre pour l'industrie textile, la société a diversifié ses
sources de matières premières avec le maïs et le blé et plus récemment le
pois. Le tonnage annuel transformé représente 550000 ha de production
dans le monde pour la fabrication de quelques 400 produits (spécialités)
dérivés de l'amidon et des protéines des céréales et du pois.
Aujourd'hui, le groupe emploie 6000 personnes dans le monde. Il est
présent dans une centaine de pays et possède 17 sites de production en
Europe, en Amérique du nord et en Asie. L'usine de Lestrem, siège du
groupe, est la plus grosse unité avec 3000 personnes et un centre de
recherche qui occupe 250 personnes. Elle transforme 6000 tonnes/jour et
les installations sont prévues pour un doublement éventuel de la
production. La société Roquette a su préserver son caractère familial tout
en se hissant (avec un chiffre d'affaires de 2,5 milliards d'euros) parmi les
premiers de ce secteur au plan mondial, tenant, pour certaines spécialités,
une position de leader.
Après la visite des ateliers, les participants ont eu un échange très
large et très ouvert avec Monsieur Marc Roquette, PDG, qui a eu
l'occasion de développer son approche d'industriel lors de la séance de
rentrée du début janvier 2010.
Un compte-rendu plus détaillé de la visite sera prochainement publié
sur le site de l'Académie.
Claude Sultana (section 9)
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Billet
Mesurer le bonheur ?
En ce début 2010 et de présentation des vœux, il n’est pas interdit de
rêver à des jours meilleurs. Les chiffres de l’évolution du PIB n’incitent
guère à l’optimisme. Mais, comme le déclarait le Président Kennedy : « Le
PIB mesure tout sauf ce pourquoi la vie vaut la peine d’être vécue ». En
réalité on mesure encore bien mal ce qui fait le bonheur individuel ou
collectif des gens. Depuis 1994, le Programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD) a innové en publiant un « Indicateur de
développement humain » qui ajoute à celui du PIB, ceux de l’espérance de
vie et du niveau de formation dans les différentes parties du monde. Mais
en privilégiant le développement humain, le classement des pays se
modifie au grand dam des économistes purs et durs. Pierre Le Roy,
directeur de Globeco et invité du groupe « Communication » de
l’Académie propose d’aller plus loin avec la fixation d’un « indice du
bonheur mondial ». Un indice calculé à partir de 40 indicateurs depuis la
paix et la sécurité jusqu’à l’accession à la culture en passant par la
démocratie et les droits de l’homme ainsi que la qualité de vie et qui prend
en compte l’environnement. Avec la création de la commission Stiglitz
voulue par Nicolas Sarkozy cette vision n’est plus utopique. Voilà un beau
sujet de débat pour notre Compagnie !
Jean-François Colomer
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A lire :
– Évaluation sensorielle : manuel méthodologique, par Félix Depledt,
Éditions Lavoisier.
– Biologie végétale, croissance et développement, sous la direction de
Jean-François Morot-Gaudry et Roger Prat, Éditions Dunod.
– Hétérosis et variétés hybrides en amélioration des plantes, par André
Gallais, Éditions Quae.
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Ils nous ont quittés :
Éric Choppin de Janvry, ancien directeur de l’Institut technique de la
Betterave.
Georges Bublot, membre étranger, professeur émérite de l’Université de
Louvain.
Jacques Huet, directeur de recherche honoraire de l’Institut national
de la recherche agronomique.
Jean Adrian, professeur honoraire de Biochimie industrielle et
agroalimentaire du Conservatoire national des Arts et Métiers.
www.académie-agriculture.fr – 18, rue de Bellechasse – 75007 Paris – Tél. : 01 47 05 10 37
Directeur de la publication : Guy Paillotin – Rédacteurs en chef : Jean-François Colomer et Christian Ferault
Conception et réalisation : Christine Ledoux-Danguin

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