MAINTENANT ET A L`HEURE DE NOTRE MORT

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MAINTENANT ET A L`HEURE DE NOTRE MORT
MAINTENANT ET A L'HEURE DE NOTRE MORT
Jacques Loew (1908-1999)
La pensée de la mort, depuis plusieurs années, m'est
comme une compagne familière, sans rien d'amer,
souvent présente. Durant un temps - je l'ai raconté j'étais saisi par « l'indicibilité », « l'inimaginable » de
la rencontre avec Dieu. Est-ce de l'avoir écrit ? Je pense
moins à cet aspect qui reste pourtant vif quand j'y
pense, comme maintenant.
Roma 1964
Aujourd'hui - est-ce une baisse de tonus spirituel ? - la mort se présente
davantage comme le terme de ma vie terrestre avec, lui aussi, son
mystère, ou plutôt son inconnu : mort subite, instantanée en pleine
activité ou durant le sommeil ? Mort précédée d'une diminution grave,
attaque ou
autre ? Ou dans l'agitation d'une opération ou
d'un cancer
avec les décisions que l'entourage doit prendre :
prolonger la
vie, laisser la mort venir en apaisant le seuil
intolérable
de la souffrance (c'est la décision que je
souhaite) ?
Je ne m'arrête guère à chacune de ces
éventualités
possibles, plutôt sensible au fait : voir la mort
venir ou la subir subitement ? Il me semble que je préférerais la voir s'approcher, mais... ce que Dieu permet est le meilleur.
Mon Dieu, mon Dieu aimé, mon Dieu pourtant trahi par moi tant de fois « contre toi, toi seul, j'ai péché, ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait » -,
mon Dieu fidèle « qui ne peux te renier toi-même », sans doute n'ai-je pas
assez la crainte de toi, au grand sens de la Bible,
comme l'impie et l'arrogant du Psaume, qui « se
regarde d'un oeil trop flatteur » ?
Tokyo 1982
Mon Dieu, dans ton miséricordieux et tendre amour, je
remets mon esprit tel qu'il est aujourd'hui, tel qu'il sera
à l'heure de « notre mort ». Entre tes mains, c'est-à-dire
par les mains humaines de Jésus ton Fils qui « m'a
aimé et s'est livré pour moi », ces mains et ces bras
d'homme qui « dessinent entre ciel et terre le signe
indélébile de ton Alliance », et par Marie sa mère et ma mère choisie,
voulue, tout exprès pour cela.
Mon Dieu, je puis dire que tu m'as comblé de bonheur depuis que tu t'es
révélé à moi : et non seulement le bonheur unique de « te connaître, toi le
seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé Jésus Christ », et de connaître
l'Église de ton Fils, la Vierge Marie, les saints, ton dessein sur l'homme à
travers la Bible, d'Abraham à Jean-Paul II, oui tout cela qui comble et a
comblé mon cœur, mon esprit, mon âme, mais tant de bonheurs humains
que tu as mis sur ma route, qui eux ont comblé ma soif de tendresse,
reçue ou donnée. Tendresse d'un quartier, d'un groupe, d'une
communauté, tendresses plus personnelles. Mon Dieu, « lessive en moi »
ce qui a été infidélité dans tous les sens du mot et mes égoïsmes, et
merci, oh ! combien... de m'avoir donné le Miserere (et tous les psaumes,
pour le sertir comme un joyau).
Et de m'avoir donné l'Eucharistie et de pouvoir dire : « Que rendrai-je au
Seigneur pour tous les biens reçus de lui ? Je prendrai dans mes mains la
coupe et le calice du salut et j'invoquerai le Nom du Seigneur... » Ce Jésus
« donné, livré » pour le pécheur du Miserere quand celui-ci, avec David, a
détourné vers lui la tendresse de Dieu dont nous
devions être le signe et l'image. Mon Dieu, merci, au
delà de mes limites et de mes détournements, de
m'avoir fait découvrir le bonheur d'aimer et d'être
aimé.
Voilà, ô mon Dieu-Trinité, ce que je voudrais être
quand tu m'appelleras, que je voudrais dire à mon
entourage, voilà mon action de grâce. Et s'il fallait
être « le témoin de la lumière », je dirais « Amen !
Amen ! », oui, la foi est du solide, - le roc, la tour, le Citeaux 1973
bouclier - ça tient bon : « Le ciel et la terre passeront,
les Paroles du Seigneur ne passeront pas ».
Oui, Dieu est bon, Il est Bonté, Il est fort car II Est, Il est Intelligent et II
nous aime. Il est Amour.
Et c'est tout saint Paul qui est contenu dans son chant et qui est nôtre à
chacun, et mien :
« Que dire après cela ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Lui
qui n'a pas épargné son propre Fils, mais l'a livré pour nous tous - et pour
moi - comment avec lui ne nous donnera-t-il pas toutes choses Oui, j'en
ai la conviction, ni mort, ni vie, ni anges ni principautés, ni présent ni
avenir, ni puissance, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature
ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus,
notre Seigneur. »
Que dire de plus?...
Amen, Amen...
« Oh oui, viens Seigneur Jésus ! »
« Crée en moi un cœur pur... »
Kinshasa,
5 avril 1979
Citeaux 1973
Echourgnac, billet manuscrit de 1998

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