Page 09: Société - Le Soir d`Algérie

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Le Soir
d’Algérie
Annaba, belle et rebelle
Société
Jeudi 14 août 2008 - PAGE
ÉTÉ 2008
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Assombri par l'assassinat du jeune Lyès Bouaziz, âgé
de 24 ans, surveillant de baignade au camping Nour de
Chetaïbi, et par la blessure grave d’un autre, tous les deux
victimes d’un meurtrier récidiviste, l’été 2008 n’en demeure pas moins celui durant lequel les plages d’Annaba ont
connu une affluence rarement égalée.
Plages bondées par les
jeunes, moins jeunes et
enfants des deux sexes,
routes et bordures de trottoirs
envahies. Mariages familiaux
fêtés en public, musique,
chansons et danses durent
jusqu’au petit matin. Plus belle
que jamais, la ville paraît être
rebelle à la déprime et à l’ennui. Elle oppose, au désarroi
de sa jeunesse devant l’avenir,
son désir de mieux vivre.
Chaque jour, même lorsque le
soleil est au zénith et que le
baromètre veut exploser, les
plages, petites et grandes,
sont envahies. De Sidi-Salem
(El Bouni) à Chetaïbi, l’une des
plus belles baies du monde,
avec ses plages au sable d’or
et son eau de mer couleur
émeraude, des milliers d’estivants prennent possession de
la moindre surface.
L’amélioration des conditions de sécurité des biens et
des personnes sur toute l’étendue du territoire de la wilaya a
attiré la grande foule. On y
vient de toute part, des plus
lointaines régions du pays et
d’outre-mer. Les artères de la
commune du chef-lieu de
wilaya sont les plus agitées car
grouillantes d’activité. Dans
les hôtels et restaurants classés ou pas, les perspectives
ambitieuses ont été réactuali-
avec El Mountazah qui domine
la grande bleue sur les hauteurs de l’Edough. On y décèle
un nouvel état d’esprit, celui
mettant en relief les préoccupations des uns et des autres
de vivre les plaisirs de l’été.
Les mariages se célèbrent
avec faste et magnificience
dans les salles apparemment
interdites aux services chargés du contrôle. Les mariées
et leurs convives femmes
retrouvent le chemin des
salons de beauté où la salubrité et l’hygiène sont à revoir.
Sur la route des plages, les
transports en commun font le
bonheur
des
estivants.
Allongés sur le sable de la
plage Rizzi-Amor, de la
Caroube et de Fellah Rachid,
des jeunes au chômage montrent du doigt les riches
demeurent du littoral. Sans
hésiter, ils expriment spontanément la frustration des laissés-pour-compte
et
des
espoirs déçus de l’emploi des
jeunes. On préfère revenir au
sable et à l’eau de mer, aux
grandes terrasses et aux
lumières scintillantes de l’hôtel
Rym El Djamil, son restaurant
mauresque, sa piscine, sa
rôtisserie en plein air. Au
somptueux complexe hôtelier
Sabri, à la blancheur éclatante
de sa tour avec ses bungalows
spécialités de crème glacée et
autres de «Goumandise», un
établissement situé sur l’autoroute Zaâfrania—Rizzi-Amor.
Il y a aussi le mythique Cours
de la révolution. C’est le point
de chute des Annabis et de
leurs hôtes venus d’Algérie et
d’ailleurs. On y savoure des
crèmes et boissons fraîches à
l’ombre des arbres millénaires.
Pas un seul hôte ne rate l’occasion de faire une virée au
légendaire théâtre AzzedineMedjoubi, au Palais de la cul-
sées pour être mises au goût
du jour. C’est le cas à Rym El
Djamil, Sabri, Chem’s-lesBains, deux établissements en
bordure de mer, au Majestic,
Seybouse International et aux
Caroubiers en milieu urbain
et ses belles chambres au
contact direct de la mer. On
envie les clients résidants de
Chem’s-les-Bains, ses trois
piscines et son animation. On
discute de l’opportunité de
goûter à l’une des nombreuses
ture et des arts et au théâtre
de verdure Mohamed-Boudiaf.
En ces lieux et sur les bords
de la plage Rizzi-Amor, l’animation culturelle y est quotidienne. Ce qui donne à la ville
l’image d’une infante douce et
La Coquette, une magnifique carte postale.
Photos : DR
secrète, altière et passionée,
couverte d’or et alarmée. Une
wilaya déchirée entre le pessimisme de sa jeunesse, son
discours sur la décadence des
pouvoirs publics et son espoir
d’une société nouvelle. C’est
dire que cet été 2008, Annaba
se redéploie à l’échelle nationale et méditerranéenne. Elle
fait montre d’une vitalité prodigieuse dans les transformations structurelles comme
dans la joie de vivre, le goût du
divertissement, la fécondité
dans la création artistique et
culturelle. La ville ressemble
aujourd'hui à un magnifique
album riche de cartes postales, d’illustrations et de
textes qui évoquent la fièvre
des années 1980, leur véhémence et leur vitalité. D’une
certaine manière, elle redevient la coquette. Partout, on
bâtit, on restaure, on agrandit
de Sidi-Salem, la cité aux
50 000 habitants, à Djenane El
Bey, la plage légendaire, avec
ce qui reste du palais d’été du
bey de Constantine. AïnBarbar, la localité côtière qui
servait de base-arrière aux
sanguinaires de la décennie
noire, reprend goût à la vie.
L’eau bleue turquoise de sa
mer, la rocaille de sa plage et
le sable couleur or de ses
criques, anses et baies ont été
reconquis par les estivants
amoureux de la plongée sousmarine.
Lorsqu’on prend la route de
Chetaïbi, à quelques dizaines
de kilomètres plus loin, on est
rapidement charmé par la
quiétude qui y règne et par la
richesse de sa faune et sa
flore. Avec Aïn-Barbar et
Seraïdi, Chetaïbi offre toutes
les caractéristiques d’un éden
répondant aux rêves de chacun de ses visiteurs. Un parc
qui sert de paratonnerre pour
une inquiétude latente de la
population de toute la région,
les garde-fous d’une époque
qui ne sait plus ce qu’il faut
jeter ou conserver. A Chetaïbi,
il y a la Fontaine romaine.
Sous des peupliers centenaires, Abdelhak Benmarouf,
l’homme de théâtre, a planté le
décor d’une pièce théâtrale.
Comme
les
précédentes
années, elle durera toute la
période estivale. Il n’a pas
choisi les comédiens et encore
moins les figurants pour animer la scène ou pour occuper
la cinquantaine de tentes de 4,
6 et 8 places qu’il a installées
avec toutes les commodités
(eau potable, cuisines, sanitaires, douches, électricité).
En
contrepartie
d’une
somme/jour à la limite du symbolique, on y vient en groupe
ou en famille pour profiter de la
mer, du soleil et de la tranquillité qu’offre ce site enchanteur. On en oublierait presque
la majestueuse baie ouest si
événementielle, avec la mise
en place de l’éclairage public
et le bitumage de la route qui
mène à proximité de SidiOkacha.
Après deux jours de plage
presque vides générés par la
colère des habitants de
Chetaïbi, secouée par l'assassinat de Lyès Bouaziz et la
grave blessure occasionnée à
un autre jeune, Chetaïbi a
renoué avec l’ambiance estivale. Hier mercredi, la plage
du centre-ville et celles de la
baie ouest ainsi que la
Fontaine romaine n’ont pas
désempli.
A. Djabali