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L’Encéphale (2008) Supplément 6, S213–S218
j o u r n a l h o m e p a g e : w w w. e m - c o n s u l t e . c o m / p r o d u i t / e n c e p
Place des antipsychotiques atypiques
dans le traitement des troubles de l’humeur
G. Rohmer*, A. Gassiot
Centre hospitalier Sainte-Marie, Uado, BP 3207, Cayssiols, 12510 Olemps
La place des antipsychotiques atypiques (APA) dans le
traitement des troubles de l’humeur est de plus en plus
importante.
Prescrits en monothérapie, en association entre eux
ou avec d’autres régulateurs de l’humeur, de nombreuses
études internationales semblent montrer la pertinence
de leur utilisation chez les patients bipolaires. Avec cette
nouvelle classe thérapeutique, naît l’espoir d’atténuer
le cycle évolutif souvent délétère de cette maladie avec
l’objectif d’obtenir une meilleure observance thérapeutique
avec peu d’effets secondaires.
Après avoir revisité la littérature internationale
(recherches Pubmed/Medline) sur les mois d’octobre 2007
à avril 2008, nous évoquerons les dernières données
concernant le positionnement des APA dans le traitement
des troubles thymiques tant maniaques que dépressifs
chez les bipolaires et dans le traitement des dépressions
résistantes.
L’efficacité de ces molécules chez des personnes âgées
et chez les adolescents sera également évoquée.
Dans un second temps, nous développerons le cas
clinique d’une patiente suivie depuis la fin de l’adolescence.
Elle souffre d’un trouble bipolaire I pour lequel nous avons
noté la bonne observance d’un APA (Olanzapine) qui semble
lui avoir permis une bonne conservation de ses facultés
cognitives, pourtant menacées par l’évolution naturelle de
cette pathologie.
* Auteur correspondant.
E-mail : [email protected]
L’auteur n’a pas signalé de conflits d’intérêts.
© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés.
APA dans les troubles de l’humeur :
dernières actualités
(Octobre 2007-Avril 2008)
Une revue de la littérature effectuée par Perlis [18]
rappelle que 5 antipsychotiques sont approuvés par la Food
and Drug Administration aux USA en monothérapie dans
le traitement en aigu des accès maniaques : Risperidone,
Olanzapine, Aripiprazole, Quetiapine, et Ziprasidone. Seuls
les 3 premiers aujourd’hui ont obtenu l’AMM en France.
Aux USA, l’Aripiprazole et l’Olanzapine sont reconnus
pour la prévention des récurrences, sachant que pour le
traitement des troubles dépressifs chez les bipolaires, seuls
l’Olanzapine et la Quetiapine sont approuvés. La Quetiapine
garde une réserve ne validant pas son traitement en aigu
dans les états mixtes.
Les analyses montrent que ces antipsychotiques
ont des effets anti-maniaques similaires et qu’il n’est
aujourd’hui pas possible de les différencier. Le choix, en
dehors du coût, doit être guidé par les effets secondaires :
syndrome métabolique, associant prise de poids, diabète
type II, dyslipidémie, hyperprolactinémie, mais également
syndrome extrapyramidal et sur le plan cardiologique,
allongement du QT. Parmi 132 patients bipolaires traités
par APA (Olanzapine, Risperidone, Quetiapine), l’apparition
d’un syndrome métabolique est à peu près constante quel
que soit l’APA prescrit et survient dans 32 % des cas [41].
S214
Les interactions pharmacologiques doivent également être
prises en considération.
En France, l’AMM de l’Olanzapine dans les troubles
bipolaires fait suite à différentes études :
• supériorité au placebo chez 70 patients bipolaires I [37],
• supériorité au Divalproate chez 125 patients [35],
• supériorité en association avec le Lithium ou le Divalproate
dans les états maniaques non répondeurs au Lithium ou
au Divalproate chez 334 patients [33],
• supériorité de l’Olanzapine versus Lithium chez
217 patients [34] et versus placebo chez 225 patients [32]
sur la prévention des récurrences.
Chez 338 patients bipolaires I en manie aiguë, la
Risperidone a montré une efficacité supérieure au placebo
et identique à celle de Halopéridol à 12 semaines [26]. Chez
275 patients bipolaires I en manie aiguë, la Rispéridone a
montré une supériorité sur le placebo à 3 semaines [7].
Dans cette étude, une réactivation maniaque a été évoquée
chez un peu plus de 7 % des patients sous Risperidone.
L’Aripiprazole vient d’obtenir l’AMM pour le traitement
des épisodes maniaques aigus et la prévention des récidives
maniaques. Les études de Keck et al. [9, 10] ont validé
cette indication. En effet, sur une période d’entretien de
26 semaines, puis une phase d’extension de 74 semaines,
le taux de rechutes est apparu moindre dans le groupe
Aripiprazole que dans le groupe placebo chez des bipolaires
I stabilisés.
L’étude Emblem (étude européenne multicentrique
longitudinale sur 12 mois après accès maniaque) a donné
différents résultats.
En Italie, Bellantuono et al. [2] ont constaté que
les patients bipolaires (563 inclus) présentent moins
de tentatives de suicides et d’abus de drogues que
ce qui était attendu dans une telle population. Les
habitudes de prescriptions semblent être des associations
médicamenteuses ; en tout premier Haldol et Lithium. En
monohérapie, l’Haloperidol reste le traitement le plus
prescrit lors d’un accès maniaque.
Vieta et al. [39] ont évalué chez 2 400 patients
l’efficacité de l’Olanzapine (673 monothérapies et 1 331 en
association). L’Olanzapine s’avère efficace dans la manie
et plus souvent encore lorsque associée à un autre APA ou à
un thymorégulateur.
Concernant le traitement des accès maniaques, l’étude
de Forsthoff et al. [5] chez 30 patients souffrant d’un
épisode maniaque sévère montre que la Risperidone entre
5 et 6 mg est efficace : deux tiers des patients ont une
réduction de 50 % du score de l’échelle YMRS.
Suppes et al. [28] rapportent l’efficacité et la bonne
tolérance de l’Aripiprazole chez plus de 500 patients
bipolaires 1 en manie aiguë à partir d’une étude en doubleaveugle versus placebo. Cette étude confirme en outre
l’efficacité de l’Aripiprazole dans les états mixtes et dans
les cycles rapides.
Sachs et al. [23] ont effectué une revue de la littérature
(42 références) concernant l’adjonction des traitements
dans l’accès maniaque en n’incluant que des études
G. Rohmer, A. Gassiot
comprenant un échantillon minimal de 100 patients en
double aveugle : ont été retenues des études concernant
Valproate, Olanzapine, Risperidone, Quetiapine et
Haloperidol. Les associations ont une efficacité supérieure
à celle des monothérapies. Il est également noté que
les associations permettent une meilleure tolérance,
suffisamment pour proposer cette modalité thérapeutique
aux patients en accès maniaque.
Concernant le traitement des phases dépressives chez
les patients bipolaires, une étude chez 187 patients,
randomisée en double aveugle sur 8 semaines, a été
effectuée par Thase et al. [30] : elle ne montre pas de
supériorité de l’Aripiprazole durant la phase dépressive par
rapport au placebo, mais une grande fréquence d’effets
secondaires (akathisie, insomnie, nausée) est relevée.
Enfin l’étude en double-aveugle de Niufan et al. [17]
chez 140 patients bipolaires en manie aiguë, montre une
amélioration significative de la clinique sous Olanzapine
(5 à 20 mg) comparativement à la mise sous Lithium sur
une durée de 4 semaines. L’Olanzapine induit davantage
d’effets secondaires que le lithium.
Derry et Moore [4] réalisent une revue de la littérature
concernant l’efficacité des APA versus placebo dans les
troubles bipolaires. Sont sélectionnés 20 essais en phase
maniaque (6 174 patients) et 5 essais en phase dépressive
(2 206 patients). Les APA se sont avérés supérieurs au
placebo sans se différencier entre eux.
Houston et al. [8] recherchent par des analyses posthoc les signes spécifiques avant-coureurs de la rechute dans
une étude sur 16 semaines en double-aveugle comprenant
400 patients sous Olanzapine versus Lithium. Les signes
cliniques les plus souvent retrouvés comme précurseurs de
la décompensation d’accès maniaques semblent être avant
tout une hyperactivité motrice, une irritabilité et une
insomnie avec une fréquence plus importante du symptôme
activité motrice dans la cohorte Olanzapine.
APA dans la résistance partielle
aux antidépresseurs
La résistance partielle à un, voire plusieurs traitements
antidépresseurs bien conduits dans les épisodes dépressifs
majeurs, reste un problème fréquent. Dans de nombreuses
études, des APA ont été associés à un antidépresseur dans
ces situations difficiles.
L’étude de Takahashi et al. [29] chez 25 patients
mélancoliques ayant une résistance aux tricycliques, rapporte
que l’association d’Olanzapine pendant 8 semaines permet
une progression de 40 % de patients répondeurs. Marcus et
al. [15] ont montré que l’association d’Aripiprazole dans
une cohorte de 190 patients résistants aux antidépresseurs
entraîne une rémission dans 25 % des cas.
Dans une étude multicentrique en double aveugle versus
placebo, incluant 250 patients présentant un épisode
dépressif majeur résistant à l’antidépresseur, Mamhoud
et al. [13] rapportent que l’association d’une faible dose
de Risperidone (1 à 2 mg) pendant 6 semaines améliore la
symptomatologie dépressive.
Place des antipsychotiques atypiques dans le traitement des troubles de l’humeur
À partir d’une revue de la littérature concernant
51 articles, Shelton et Papakostas [25] émettent un avis plus
critique concernant l’efficacité des APA en association aux
traitements antidépresseurs chez des patients dépressifs
résistants. Ils notent qu’un grand nombre d’études échoue
à démontrer une efficacité et que, surtout, les effets
secondaires sont plus fréquents (syndrome métabolique,
dyskinésies tardives).
À partir d’une revue de la littérature concernant
54 articles, Philip et al. [19] ont une analyse différente
puisqu’ils concluent qu’Aripiprazole, Olanzapine et
Risperidone sont des associations raisonnables.
APA chez la personne âgée dépressive
Rutherford et al. [22] ont montré que l’association
d’Aripiprazole (moins de 15 mg) sur 6 semaines chez
20 patients dépressifs résistants aux SSRI permet d’obtenir
50 % de rémissions. Des effets secondaires sont notés :
bouche sèche, agitation.
Alexopoulos et al. [1] ne rapportent pas d’efficacité dans
la prévention des récidives dépressives chez 49 patients
âgés traités par de faibles doses de Risperidone (0,25 à
1 mg) en double-aveugle sur 24 semaines.
APA chez l’enfant bipolaire
La clinique de l’enfant bipolaire est difficile, ce trouble
s’exprimant plus fréquemment que chez l’adulte par une
émergence psychotique délirante, des cycles rapides ou
une humeur mixte.
L’étude de Tohen et al. [36] chez 107 adolescents traités
pendant 3 semaines en double aveugle versus placebo lors
d’un accès maniaque, et l’étude de Strawn et Delbello
[27] chez 53 adolescents, montrent une action rapide de
l’Olanzapine lors des épisodes maniaques.
Dans une étude sur 6 semaines chez des adolescents
présentant un accès maniaque associé à un trouble
déficitaire de l’attention avec hyperactivité, Tramontina et
al (38) ont démontré une efficacité de l’Aripiprazole. Une
possibilité de prise de poids est signalée.
APA chez les bipolaires avec co-morbidité
anxieuse
Dans d’une étude en double-aveugle chez des sujets avec
trouble dépressif associé à un trouble anxieux, Tohen et
al. [31] rapportent qu’une monothérapie par Olanzapine
(5/20 mg) ou l’association Olanzapine-Fluoxétine sont
supérieures au placebo, avec des effets secondaires :
notamment prise de poids et dyslipidémie.
APA dans l’agitation chez les patients
bipolaires
Dans une relecture de la littérature, Sandford et Scott [24]
notent que l’Aripiprazole est plus efficace que le placebo
S215
avec une bonne tolérance et une efficacité équivalente à
celle de l’Haloperidol.
Chez 22 patients en phase d’agitation maniaque,
Centorrino et al. [3] montrent que l’Olanzapine injectable
est efficace dans les 2 heures avec une bonne tolérance et
sans sédation excessive.
APA et maintenance
Dans une étude en double aveugle pendant 100 semaines
chez 161 patients bipolaires I stabilisés, Keck et al. [9]
montrent que l’Aripiprazole (15 à 30 mg) en monothérapie
a une efficacité supérieure au placebo dans la prévention
des rechutes maniaques mais pas dans les récurrences
dépressives. Des effets secondaires comme le tremblement
et l’akathisie sont signalés.
Hassan et al. [6] ont effectué un suivi d’un an
de 230 patients répartis en 4 groupes : Olanzapine,
Quetiapine, Risperidone ou neuroleptique. Ils ne notent
pas de différence d’efficacité entre les APA, tous supérieurs
au neuroleptique en terme d’observance.
APA injectables
Une étude Yatham et al. [40] rapporte l’efficacité du
Risperdal Consta, prescrit pendant 6 mois à 48 patients
bipolaires stabilisés : efficacité, sécurité et tolérance
comparables au traitement oral.
Chez 10 patients bipolaires 1 ou 2 avec une prédominance
dépressive, Malempati et al. [14] notent une diminution
de la fréquence et de la sévérité des épisodes avec une
bonne tolérance sous Risperdal Consta ; une prise minime
de poids est notée.
Cas Clinique
Valérie, 18 ans, est la cadette d’une fratrie de 3 sœurs.
Son anamnèse montre qu’elle a connu le divorce de ses
parents lorsqu’elle était âgée de 10 ans et qu’elle vit
depuis lors avec sa mère. Elle est actuellement célibataire,
étudiante.
Les antécédents familiaux psychiatriques font état
d’un père souffrant de récurrences dépressives. Ses deux
sœurs souffrent d’un trouble bipolaire de type I. Valérie
est parfaitement soutenue par sa mère qui a une bonne
connaissance de la pathologie thymique de ses trois filles.
La patiente a connu un premier épisode maniaque à
l’âge de 15 ans, au cours duquel étaient notés des éléments
délirants francs. Elle a été mise sous Lithium mais ce fut un
échec avec une impossibilité d’obtenir une lithémie dans la
fourchette thérapeutique malgré l’augmentation des doses.
Dans l’année qui va suivre, elle présentera deux phases
dépressives, la seconde nécessitant une hospitalisation en
milieu libre pendant 4 semaines.
À l’âge de 18 ans, elle présentera son 2e accès maniaque
au décours d’un voyage pathologique où elle tentera d’aller
rendre visite à son père qu’elle n’avait pas vu depuis 4 ans.
Elle ne pourra pas le rencontrer, ce qui précipitera la
S216
montée anxieuse et l’agitation psychomotrice. Elle sera
accompagnée aux urgences de l’hôpital général ou une
sédation par 100 mg de Loxapine en IM entraînera une
dystonie aiguë.
À son admission sous procédure d’HDT, la patiente
présente une tachypsychie, un délire de grandeur, une
hypocondrie délirante focalisée sur l’idée que sa langue
est atteinte d’un cancer. Elle présente une importante
agitation psychomotrice, une fuite des idées, une
hyperréactivité émotionnelle à l’environnement et un
refus alimentaire aux solides. Son état justifiera d’un
isolement. Un traitement par Cyamémazine, Valpromide
et Olanzapine sera entrepris.
Le suivi sera repris par son psychiatre libéral au sortir
de l’hospitalisation et nous n’aurons plus d’informations
sur la patiente pendant un an.
Elle reviendra en urgence au cours de son 3e épisode
maniaque présentant des hallucinations cénesthésiques
avec un délire de grandeur et des éléments de persécution.
L’hypocondrie délirante du cancer de la langue est également
retrouvée. Il faut noter que la patiente avait interrompu
son traitement régulateur de l’humeur (Divalproate de
sodium) depuis 14 jours.
À l’admission, elle a bénéficié d’un traitement
anxiolytique et sédatif par Loxapine qui a à nouveau
entraîné une dystonie. Un correcteur va cette fois-ci être
associé avec la poursuite de Loxapine. Sa mère lèvera la
mesure d’HDT au 3e jour adhérant au discours de la patiente
sur le rejet de son traitement.
Un suivi ambulatoire rapproché sera lors décidé.
La patiente acceptera sous contrôle de sa mère la prise
d’Olanzapine (5 mg) et Divalproate de sodium (2 000 mg).
Elle reviendra aux urgences lors d’un 4e accès
maniaque survenu 6 mois après cet épisode. À nouveau, la
patiente avait interrompu son traitement depuis 8 jours.
Nous retrouvons le délire de grandeur, des éléments de
persécution qui s’organisent cette fois sur la prise des
neuroleptiques. La patiente dit en effet être convaincue
qu’elle est empoisonnée par son traitement, ce qui justifie
pour elle, l’interruption thérapeutique.
Elle a présenté rapidement après l’arrêt du traitement
des troubles majeurs du comportement et notamment une
conduite automobile dangereuse ainsi qu’une sexualité
à risques. Des dépenses financières inconsidérées sont
également retrouvées. On note la présence de 2 stresseurs
importants qui ont précipité ce nouvel accès maniaque :
une rupture sentimentale non désirée par la patiente et
la décompensation thymique de l’une de ses sœurs qui
a effectué une tentative de suicide (accident de voiture
provoqué).
La patiente sera à nouveau mise sous Divalproate
de Sodium, Lorazepam et Olanzapine. Au sortir de
cette hospitalisation, pour la première fois, la patiente
n’interrompra pas son traitement. Elle bénéficiera toujours
d’un suivi avec son psychiatre libéral.
Nous la retrouvons au service des urgences à l’âge de
22 ans ; cette fois-ci la patiente se présente d’elle-même,
venant d’interrompre son traitement depuis 48 h, alors
qu’elle amorce une nouvelle phase maniaque.
G. Rohmer, A. Gassiot
À nouveau, des éléments de persécution focalisés sur
le traitement sont notés « il me ronge les reins » et sont
mis en avant par la patiente pour justifier l’arrêt de la
thérapeutique. Un nouveau stresseur est présent : une
anxiété de performance l’avant-veille de la passation
d’un examen. Elle reste toutefois dans la relation et dans
une ouverture à l’autre malgré une tachypsychie, et elle
accepte de reprendre son traitement thymorégulateur et
son suivi ambulatoire après cet entretien (Divalproate de
Sodium et Olanzapine).
Depuis cette consultation, Valérie est revenue de
nombreuses fois d’elle-même en consultation dans notre
service d’urgences (4 fois par an environ), avec les
prodromes d’une décompensation maniaque ou dépressive,
en ayant une juste analyse de ses capacités de contrôle de
son trouble thymique. L’arrivée aux urgences lui permet,
dans la rencontre avec l’équipe, un regard sur son état
thymique notamment dans les périodes d’hypomanie.
Elle est même arrivée à critiquer l’aisance de son vécu
psychique dans cette période-là, « c’est trop beau tout
cela », pourra-t-elle dire.
Le désir de stopper son traitement, le vécu interprétatif et
le ressenti hypochondriaque à propos de sa langue apparaissent
à chaque amorce de décompensation. Toutefois nous
constatons qu’elle présente des capacités d’insight de plus en
plus performantes permettant une alliance thérapeutique.
Ce cas clinique soulève plusieurs questions. Tout
d’abord, il s’agit d’un tableau clinique particulièrement
sévère d’un trouble bipolaire I puisque, très rapidement
à chaque arrêt thérapeutique, la patiente présente des
récidives sévères. Nous avons pu noter combien il a été long
de lui faire accéder à une bonne observance thérapeutique
et ce malgré un soutien familial maternel soutenant et
aidant.
La pathologie thymique des 2 sœurs rend difficile le
maintien d’un bon équilibre chez cette patiente soumise
à des périodes d’instabilité familiale lorsque ses sœurs
décompensent, lui renvoyant en miroir, l’image de son
état lorsqu’elle va mal. Notons que la conduite automobile
dangereuse est survenue peu de temps après une tentative
de suicide avec véhicule automobile de la part de l’une de
ses sœurs en décompensation mélancolique.
L’émergence d’un effet secondaire particulièrement
anxiogène (dystonie aiguë) a pu, en plein accès maniaque,
conditionner une cristallisation de la pensée délirante sur
sa langue, puis sur la conviction d’être empoisonnée par
les neuroleptiques. Comme le rappelle Kraepelin : « les
perceptions sont très fugaces et imprécises ».
Nous avons noté une amélioration progressive et
constante depuis la mise sous APA, thérapeutique à la
fois efficace et bien tolérée, qui d’une part a permis une
extinction progressive des mécanismes délirants, et d’autre
part a permis à la patiente de prendre conscience de la
nécessité d’un traitement au long cours.
L’ouverture de Valérie sur le plan communicatif lui a
permis un travail d’analyse pertinent sur sa maladie et sa
vulnérabilité.
Nous avons trouvé particulièrement singulier (et ce
n’est pas la seule dans une telle situation) le fait d’utiliser
Place des antipsychotiques atypiques dans le traitement des troubles de l’humeur
le service des urgences psychiatriques comme un espace
de contrôle des changements qui s’opèrent en elle lorsque
son humeur se déstabilise. La confiance en l’équipe
psychiatrique la conduit lorsqu’elle est débordée par ses
stresseurs, trois à quatre fois par an, à se présenter aux
urgences en quête de dialogue et de vérification de ses
capacités de contrôle de son état thymique.
Le cheminement effectué par cette patiente est
d’autant plus admirable que nous savons aujourd’hui (20),
que la récupération en dehors des épisodes aigus reste très
hypothétique et que près de 50 % des patients en rémission
symptomatique ne retrouvent pas leur niveau psychosocial
antérieur. Toujours selon les mêmes auteurs, les altérations
cognitives sont d’autant plus sévères que les phases
maniaques, de surcroît avec symptômes psychotiques et
que les hospitalisations sont nombreuses (atteintes des
fonctions frontales).
Martinez-Aran et al. [16] et Robinson et al. [21] étudiant
le profil neuropsychologique des patients euthymiques,
notent que ceux-ci présentent dans leur grande majorité
une atteinte des fonctions exécutives et de l’apprentissage
verbal. Les tâches concernant la mémoire verbale,
l’attention soutenue, les capacités d’abstraction et la
mémoire immédiate et la fluence verbale sont également
perturbées.
Tout comme l’étude de Macqueen et Young [12] qui
relève que l’Olanzapine et la Risperidone améliorent le
fonctionnement exécutif dans le champ cognitif et l’étude
de Keefe et al. [11] qui conclut à une amélioration des
fonctions cognitives sous APA, nous pensons que Valérie
a bénéficié d’un bon respect de ses fonctions cognitives
grâce au traitement par APA.
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