Buenos Aires - Voyageurs du Monde
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Buenos Aires - Voyageurs du Monde
Le tango, plus qu’une danse, une vraie culture en Argentine. Le goût du voyage Buenos Aires La cousine d’Amérique C’est vrai que Buenos Aires a des airs d’Europe. Espagnols, Italiens, Français y ont émigré en masse à la fin du xixe siècle, mais la capitale argentine a su faire de sa mixité son identité singulière. Texte Emmanuelle Jary. Photos Jean-François Mallet. B uenos Aires est au bord de la mer*, mais Buenos Aires n’en a que faire. Déjà dans l’assiette, vous devinez qu’il y a un bug. Le poisson ? Elle ne connaît pas. Entrée, plat, dessert, la ville est tournée vers la terre. À la carte, des tripes grosses ou petites, des rognons, des ris, des filets, des côtes, des entrecôtes… Les légumes sont servis à part. On les mange après, comme une coquetterie. La viande est a la parrilla comme on dit là-bas. Au barbecue comme on dit chez nous. C’est la cuisine de la pampa. Ce mode de cuisson, qui est à l’origine celui des estancias, a été transposé dans les restaurants de la ville. Une façon de rappeler que l’Argentin, fut-il Porteño (habitant de Buenos Aires), a le goût des grands espaces. Une cuisine de plein air et de liberté, valeur cardinale de l’art de vivre « gauchesque ». Car les gauchos sont bien plus que des hommes à cheval, ils ont un idéal. Sans attaches, ils ont renoncé à tout sauf à leur liberté ou plutôt ils ont renoncé à tout pour leur liberté. Buenos Aires qui ignore donc la mer, il faut du temps pour s’y faire. Il faut l’Histoire pour comprendre. À Buenos Aires, considérer la mer signifierait regarder en arrière, or les nouveaux arrivants regardaient droit devant. Que voyaient-ils ? Une terre pleine d’espoir. Entre 1880 et 1910, la population est passée de 210 000 à 1,5 million d’habitants. Période faste pour la ville, devenue capitale d’un pays qui a proclamé son indépendance dans les années 1810. Des migrants de toute l’Europe ont afflué, attirés par les rêves de richesse et l’opportunité d’un travail dans cette ville qui construit alors théâtres, opéras, palais, parcs et inaugure en 1913 le premier métro d’Amérique latine… Les migrants venaient d’Espagne (de Galicie principalement) mais aussi d’Italie (Gênes, Naples), de France (Pays Basque et Béarn)… Conséquence ? La langue argentine est un espagnol à l’accent légèrement chuintant qui peut rappeler l’italien. Dans les quartiers de Retiro et de Recoleta, on a comme une impression de déjà-vu. La ville y a des allures de Paris haussmannien. De Buenos Aires, on se dit parfois qu’on en connaît les saveurs. Tortillas, provoletas (fromage cuit a la parrilla), ñoquis, tallarines et pizzas. La tradition fromagère y est la plus riche de tout le continent avec notamment des pâtes persillées qui rappellent le roquefort. Entrez dans la danse… Mais de Buenos Aires, nous n’en connaissons pas les airs. Ce sont ceux du tango qui résonnent dans le quartier de San Telmo. « Le tango n’est pas une danse mais une entreprise de séduction de dix minutes », nous explique Gustavo Espeche Ortiz, journaliste à Télam (l’équivalent de l’AFP) mais aussi passionné de tango dont il est à la fois un très grand historien et un danseur hors pair. Tango traditionnel certes, longtemps chanté par Carlos Gardel, mais aussi tango nuevo, tango acrobatique. Cette danse, issue de l’immigration, fut longtemps prohibée par l’aristocratie parce que jugée trop obscène. Les prostituées, dit-on, la dansaient pour attirer les hommes. C’est aussi une danse du regard car c’est ainsi qu’un homme invite une femme à l’accompagner dans une milonga (bal). Il n’y a pas que ■ ■ ■ SAVEURS N°166 - page Le goût du voyage – Buenos Aires 1 2 3 Fromage grillé au piment et à l’huile d’olive n Disposez 4 tranches épaisses de fromage (provolone, comté ou etorki) dans un grand plat. n Assaisonnez-les de poivre, paprika et piment. n Arrosez d’huile d’olive et laissez mariner 1 h à température ambiante. n 5 mn avant de déguster, saisissez les tranches de fromage sur le gril ou sur une plancha et colorez-les à feu vif. Le fromage va colorer et fondre légèrement. n Dégustez bien chaud, accompagné d’une salade de tomates cerise à l’oignon rouge. 1. Les façades chatoyantes de la ville semblent refléter la chaleur des habitants. 2 et 4. La musique est partout, des bals aux chanteurs de rue. 3. Ville de mouvement, où cohabitent vieilles bâtisses et quartiers modernes. 5. Le bœuf argentin, sans doute l’une des meilleures viandes au monde. 6. Accueil en français au Sofitel. 5 page - SAVEURS N°166 4 6 Gâteau façon panettone Gourmand Préparation : 20 mn. Cuisson : 50 mn. Pour 4 personnes : n 350 g de farine n 10 g de levure de boulanger fraîche g de sucre n 1 pincée de sel n 3 œufs n 120 g de beurre en pommade + un peu pour le moule n Le zeste râpé d’1 citron non traité n Le zeste râpé d’1 orange non traité n 150 g de raisins secs n 15 g de fruits confits (cédrat, orange, clémentine…) n 15 g de fruits secs de votre choix (amandes, noisettes…) n 120 n Émiettez la levure dans un peu d’eau tiède. Laissez reposer jusqu’à ce qu’elle fasse des bulles. n Mélangez ensuite la levure à 75 g de farine et roulez ce levain en boule. Laissez reposer 15 mn environ. n Versez le reste de la farine dans un grand saladier. Ajoutez le sucre, le sel, les jaunes d’œufs, le beurre, les zestes de citron et d’orange et le levain. Ajoutez 3 à 4 cuillerées d’eau tiède et travaillez la pâte pendant 5 à 6 mn jusqu’à ce qu’elle soit homogène. Laissez la pâte reposer dans un endroit à 20 °C, jusqu’à ce quelle double de volume. n Incorporez dans la pâte levée les raisins secs, les fruits confits préalablement coupés en petits dés, ainsi que les fruits secs (réservez-en un peu pour plus tard). Pétrissez quelques minutes. n Placez la pâte dans un moule à charlotte beurré. Laissez lever à nouveau jusqu’à ce qu’elle double de volume. n Badigeonnez la surface de beurre fondu, parsemez des fruits secs et confits réservés et faites cuire 50 mn au four préchauffé à 180°C. Accompagnez d’un xxxx. Servez avec un thé goût russe aux agrumes . Le goût du voyage – Buenos Aires le tango qui se passe de mots. Buenos Aires est une ville du regard. Cela dérange au début et puis on s’habitue. Il n’est pas uniquement question pour les hommes de dévisager les femmes qui passent dans la rue. Il s’agit aussi d’établir une relation par contact visuel. ■■■ Des gourmandises par milliers… À Buenos Aires, on parle du regard mais on dévore aussi des yeux avant de déguster avec le palais : les empañadas, ces petits chaussons fourrés au poulet, au fromage, au jambon mais aussi toutes les pâtisseries dont raffolent les Argentins. Dulce de leche, une confiture de lait très sucrée que l’on étale sur des crêpes, que l’on accompagne d’un flan aux œufs. À goûter également, les alfajores, de petits gâteaux fourrés au dulce de leche et recouverts de sucre glace, le dulce de membrillo (pâte de coing), les facturas (des viennoiseries, tiens revoilà l’Europe !), ainsi que les glaces (Italie oblige) au sambayón (à base d’œuf et de marsala) ou bien sûr au… dulce de leche. Les sucreries ont à Buenos Aires leur institution, Las Violetas, un salon de thé où l’on fait la queue les dimanches après-midi pour obtenir une table. L’établissement porte bien son nom qui rassemble de vieilles dames poudrées laissant derrière elles un sillage de violette. Elles dévorent des montagnes de gâteaux et de migas, toasts de pain de mie beurrés. Dans l’assiette, les Porteños ont su faire un compromis, comme s’ils n’avaient voulu renoncer à rien, entre là-bas, la vieille Europe, et ici, la terre d’aventure, de silence, de paysages ouverts et infinis. La viande argentine est une des meilleures au monde car les bovins sont élevés en totale liberté. Certes les grandes étendues qu’offre ce territoire permettent ce mode d’élevage de qualité mais ne doit-on pas y voir l’expression des aspirations d’hommes et de femmes aventuriers pour qui le mot frontière n’avait plus de réalité. C’est une question de point de vue : Buenos Aires n’est finalement pas au bord de la mer mais au bord de la terre… promise. v * Buenos Aires est très exactement située à l’embouchure du Rio de la Plata. Les vins argentins L’Argentine est le cinquième pays au monde pour sa production et sa consommation de vins. 5 % de la surface de cet immense pays sont cultivés en vignes. 80 % des vins consommés sont rouges (malbec, syrah, cabernet-sauvignon mais aussi des cépages d’origine espagnole avec le tempranillo). Ceci s’explique en grande partie par la cuisine essentiellement carnée. La grande région viticole se trouve à Mendoza. Les vins sont assez puissants avec des degrés d’alcool élevés entre 14 et 16°. Il existe une route des vins permettant de découvrir les vignobles et de visiter les caves appelées bodegas. Les paysages sont superbes avec de magnifiques vignobles derrière lesquels on aperçoit parfois les cimes enneigées de la cordillère des Andes. La Patagonie et le Noreste produisent aussi des vins plus souples pour la première et assez corsés pour la seconde. 1. Vue plongeante sur un quartier parisien ? Non, mais l’influence européenne a bien laissé ses traces. 2 et 6. Des couleurs chaudes, un espagnol à l’accent chuintant, Buenos Aires s’est approprié la mixité culturelle. 3. Souvenirs agréables après avoir goûté à la cuisine de la Casa Bolivar. 4. L’église de San Telmo. 5. Exemple de la douceur de vivre dans la capitale argentine. 1 page - SAVEURS N°166 2 3 4 5 Glace à la confiture de lait n Versez 50 cl de lait entier dans une casserole à fond épais. Ajouter 250 g sucre et laissez cuire pendant environ 2 h à feu doux. Laissez refroidir. n Mélangez cette préparation (environ 400 g) avec 10 cl de lait et 250 g de crème fraîche. n Faites prendre à la sorbetière. 6 Provolone rôti aux tomates confites n Mettez 1 branche de basilic au fond d’un grand plat, déposez 1 tranche de fromage provolone (de 2 cm d’épaisseur environ) dessus. Poivrez. n Parsemez d’herbes séchées et d’un peu de tomates confites. Arrosez d’huile d’olive pour finir. n Enfournez 15 mn à 160°C jusqu’à ce que le fromage commence à fondre. n Dégustez bien chaud accompagné d’une salade et d’une purée de pomme de terre maison. SAVEURS N°166 - page Beignets d’épinard aux oignons verts À grignoter Préparation : 15 mn. Cuisson : 10 mn. Pour 4 personnes : n1 botte d’oignons verts n 200 g d’épinards frais n 1 œuf n 1/2 citron n 4 c. à soupe de farine n Huile de friture n Sel, poivre n Lavez et émincez grossièrement les oignons verts. Équeutez, lavez à grande eau et essorez les épinards. n Réunissez les épinards et les oignons dans un saladier, salez, poivrez et laissez dégorger quelques minutes. n Pressez les oignons et les épinards avec les mains. Formez des petites boules et laissez-les s’égoutter sur une assiette. n Mélangez la farine et l’œuf dans un saladier. Chauffez le bain de friture. n Plongez chaque boule d’oignon et d’épinard dans la pâte avec une fourchette, égouttez et faites-les frire 3 par 3. n Rectifiez l’assaisonnement en sel, arrosez de jus de citron et servez bien chaud et croustillant. Accompagnez d’un xxxx. Servez avec d'un thé vert Yong Xi Huo Qing, chaud page - SAVEURS N°166 de Chine Sur les marchés, outre les traditionnels fruits et légumes, on trouve le charbon de bois qui sert à la fameuse cuisson a la parilla. Le goût du voyage – Buenos Aires Carnetderoute Y aller Voyageurs du Monde propose différentes formules sur mesure en Argentine dont “Buenos Aires, version tango”, 8 jours à partir de 1 300 €. Renseignements à la Cité des Voyageurs, 55, rue Saint-Anne, 75002 Paris. Tél. : 08.92.23.56.56. ou dans une des agences en régions (Lyon, Toulouse, Bordeaux, Montpellier…). www.vdm. com. Air France assure des vols quotidiens et directs Paris-Buenos Aires. Renseignements sur www.airfrance.com. Également par Iberia avec escale. Renseignements sur www.iberia.com/fr. Lire Géo guide Argentine, éditions Gallimard. Monnaie 1€ = 4,30 pesos argentins environ. Les hôtels Park Hyatt Avenida Alvear, 1661. Tél. : (+ 54.11) 51.71.12.34. www.buenosaires.park.hyatt.com Situé à Recoleta, quartier résidentiel et de shopping très chic de Buenos Aires, le Park Hyatt a élu domicile dans un ancien palais, le Palacio Duhau. Chambre de grand standing à la décoration épurée. À noter une “cheese room” permettant de déguster vins et fromages argentins. À partir de 420 € la double. Sofitel Arroyo, 841-849. Tél. : (+ 54.11) 41.31.00.00. www.sofitel.com Vous serez accueillis en français, ce qui surprend toujours à l’autre bout du monde. Hôtel de style art déco qui allie le charme à la française et le style de vie argentin. Choisissez les chambres du dernier étage qui jouissent d’une terrasse avec une vue superbe sur Buenos Aires. À noter un bon restaurant où vous pourrez goûter de la viande de race wagyu (celle de Kobe) servie à l’argentine. À partir de 380 € env. la double. Casa Bolivar Bolivar, 1701. Tél. : (+ 54.11) 43.00.36.19. Dans le quartier de San Telmo, cette maison d’hôtes de très grand charme, tenue par des Français, est installée dans une ancienne demeure : magnifique patio, meubles anciens chinés, couleurs patinées… Un vrai coup de cœur ! À partir de 50 € petit déjeuner compris Les tables Manolo À l’angle de Cochabamba et Bolivar, San Telmo. C’est la cantine des ouvriers, le restaurant populaire par excellence, bruyant et agité. Assiettes gargantuesques et choppes de bière au litre ou vin au pichet. Provoletas (fromage grillé) délicieuses. Très chaleureux et musical parfois. 10 € par personne. La casa de papas frias Lavalle, 735. Tél. : 43.93.58.49. Réputé pour ses pommes de terre soufflées effectivement très réussies, l’établissement sert une viande cuite au barbecue. Ambiance brasserie années 1950, avec service au guéridon et serveurs en nœud papillon pas toujours souriants, mais très pro. Restez dans les classiques pour votre choix. Env. 20 € par personne. Cabaña las lilas Alicia Moreau de Justo, 51. Tél. : 43.13.13.36. Vous goûterez, dans ce restaurant qui possède son propre élevage de bœufs, une des meilleures viandes de Buenos Aires dans une ambiance d’immense brasserie/ranch. Située dans le quartier de Puerto Madero, le long des anciens docks, bordés de multiples bars et restaurants. Très animé le soir. Env. 40 € par personne. Le Bar Tucumán, 422. Tél. : 0.11.52.19.08.58. Renée et Manu, deux Français, proposent des formules “tapas et grignotages” soignées, avec une soupe froide de poivrons grillés et granité de tomates, ou un hamburger d’agneau, pommes sautées et légumes… Également une impressionnante liste de cocktails réalisés avec des fruits frais comme la passionaria à base de cachaça et fruit de la passion. Ambiance branchée, colorée et musicale. Très beaux volumes. Env. 20 € par personne. 1880 Defensa, 1665. San Telmo. Tél. : 43.07.27.46. Ambiance de vieille brasserie. De la viande encore et toujours, excellente, tout comme les pommes soufflées qui l’accompagnent ou les succulentes provoletas frites à goûter en entrée. On aime beaucoup cette adresse. Env. 15 € par personne. El Potro Bolivar, 1829. San Telmo. Tél. : 43.61.67.25. Une échoppe vendant de très bonnes empañadas (thon, jambon-fromage, poulet…) à emporter. Comptez quelques euros par personne. La Brigada Estados Unidos, 465. San Telmo. Tél. : 43.61.55.57. Assez touristique certes mais la viande est de très grande qualité et les murs recouverts de photos, affiches, etc. imposent une ambiance sympathique. Entre 20 et 25 € par personne. La Cabrera J.A.Cabrera, 5099, Palermo Viejo. Tél. : 48.31.70.02. Encore un restaurant spécialisé dans la viande servie sur une planche en bois et accompagnée de cinq garnitures frites ainsi que de différentes sauces. À choisir les mollejitas (ris), le lomo et le lomito. Env. 25 € par personne. zoom Où boire un verre ? • Bar Dorrego, Defensa 1098. Tél. : 43.61.01.41. Préférez l’intérieur de ce café au charme d’antan, plutôt que la terrasse très touristique. Meubles en bois et portraits de Carlos Gardel. Bal le dimanche sur la place. • Las Violetas, av. Rivadavia 3899 esq Medrano. Tél. : 49.58.73.87. Un salon de thé années 30, investi par des dames d’un âge certain, accompagnées de leurs filles et petites-filles, venues déguster des migas (grandes tranches de pain de mie beurrées) et des montagnes de pâtisseries. Ambiance épatante à l’heure du thé le dimanche. À visiter ab-so-lu-ment • Le marché de Liniers, Lisandro de la Torre, 2406. Tél. : 48.78.57.00. Situé dans un quartier nord de Buenos Aires, ce marché aux bovins dont la superficie couvre plusieurs hectares est à voir absolument pour son ambiance très « gauchesque ». Vendeurs et acheteurs se déplacent pour certains à cheval. • Buenos Tangos, Independencia, 572. San Telmo. Tél. : 15.58.53.84.13. Il faut bien sûr aller, si ce n’est pour danser, du moins pour voir quelques pas de tango. Contrairement à beaucoup cette adresse n’est pas touristique. Bal les mercredis et dimanches de 20 h à 4 h. Et aussi : • Tango Fredo, Carlos Calvo, 578 (presque à l’angle de la calle Perú), San Telmo. Une sympathique boutique pour acheter de bons disques de tango. SAVEURS N°166 - page