Particularités sémiologiques des symptômes comportementaux et
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Particularités sémiologiques des symptômes comportementaux et
Article original Psychol NeuroPsychiatr Vieil 2006 ; 4 (3) : 227-35 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Particularités sémiologiques des symptômes comportementaux et psychologiques de la démence en fonction de la personnalité antérieure, de l’environnement familial et de la sévérité de la démence Role of personality, familial environment, and severity of the disease on the behavioral and psychological symptoms of dementia NICOLAS AUGUSTE1 DENIS FEDERICO2 JEAN-MICHEL DOREY2 ALAIN SAGNE2 CATHERINE THOMAS-ANTÉRION3 ISABELLE ROUCH4 BERNARD LAURENT3 RÉGIS GONTHIER2 CHANTAL GIRTANNER2 1 Centre hospitalier général de Firminy 2 Hôpital Charité, Service de gérontologie clinique, CHU de Saint-Étienne, <[email protected]> 3 Hôpital Bellevue, Service de neurologie, CHU de Saint-Étienne 4 Hôpital Saint-JeanBonnefonds, CHU de Saint-Étienne Tirés à part : C. Girtanner Résumé. L’étiopathogénie des symptômes comportementaux et psychologiques de la démence (SCPD) survenant dans la maladie d’Alzheimer et les syndromes apparentés demeure mal connue. Le but de ce travail était d’évaluer le rôle potentiel des troubles antérieurs de la personnalité, des troubles psychiatriques et de l’environnement familial dans la survenue des SCPD. Quatre vingt dix-neuf patients hospitalisés dans une unité de court séjour Alzheimer ont été inclus dans l’étude. Pour chacun, nous avons répertorié les SCPD selon l’échelle NPI (neuropsychiatric inventory), la sévérité de la démence par le score au MMS, les pathologies somatiques et psychiatriques, ainsi que l’existence de troubles antérieurs de la personnalité évalués lors d’entretiens familiaux standardisés et classés selon les groupes A, B et C du DSM-IV. Quatre vingt-huit pour cent des patients présentaient au moins un SCPD. Les patients dont l’aidant principal était un conjoint apparaissaient plus agressifs ; 67 % des patients présentaient des troubles antérieurs de la personnalité ; ces patients étaient plus délirants, plus anxieux, plus irritables et souffraient plus de troubles de l’appétit. Chaque trouble de la personnalité modifiait la typologie des SCPD. La sévérité de la démence ne semble pas suffisante pour expliquer la survenue des SCPD. D’autres facteurs semblent jouer un rôle prépondérant comme les troubles de personnalité antérieurs. L’existence d’antécédents psychiatriques favorise également certains SCPD. Mais le lien exact entre troubles de personnalité, antécédent psychiatrique et SCPD reste difficile à préciser. Mots clés : personne âgée, maladie d’Alzheimer, symptômes comportementaux et psychologiques de la démence (SCPD), troubles de la personnalité, dépression Abstract. The phenomenology of Behavioral and Psychological Symptoms of Dementia (BPSD) occurring in the Alzheimer’s disease and related syndromes remains not well known. The goal of this study was to assess the role of disorders of personality, psychiatric disorders and home environment in the occurence of the BPSD; 99 inpatients from a short-term Alzheimer unit were included in the study. BPSD were assessed by the NeuroPsychiatric Inventory, the severity of dementia by the MMSE. Previous somatic, psychiatric and personality disorders were evaluated by a semi-structured interview of the family, and classified according to the A, B and C groups from the DSM-IV. Eighty eight percent of the patients presented at least one BPSD. The patients whose the main caregiver was a spouse appeared to be more aggressive. Sixty seven per cent of the patients presented with former disorders of personality; they were more delirious, more anxious, more irritable and suffered more disorders of appetite. Each type of personality disorder modified the phenomenology of the BPSD. The severity of dementia does not seem sufficient to explain the occurrence of BPSD. Other factors seem to play a dominating part such as the previous Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° 3, septembre 2006 227 N. Auguste, et al. disorders of personality and psychiatric antecedents. However, the exact links between disorders of personality, psychiatric antecedents and BPSD remain difficult to specify. Key words: elderly, Alzheimer’s disease, behavioral disturbances, depression disorders of personality Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. L es modifications du comportement sont polymorphes chez les sujets âgés atteints de démence. Des outils d’analyse se sont progressivement imposés pour permettre un langage commun et obtenir une description sémiologique précise, ce qui aide à définir l’approche diagnostique et étiologique [1, 2]. L’implication de facteurs de vulnérabilité liés à l’histoire de vie, à la personnalité des sujets déments ou à l’environnement, paraît importante pour comprendre la décompensation comportementale du sujet âgé fragilisé par la maladie sous-jacente [3]. Il est traditionnellement admis que la personnalité se construit durant l’enfance et qu’elle demeure ensuite relativement stable, sans modifications notables après la trentaine [4]. Les grandes études longitudinales n’ont pas mis en évidence de changements majeurs de la personnalité associés au vieillissement [5, 6]. En revanche, l’expression clinique d’une personnalité donnée pourrait varier en fonction des contraintes de l’environnement, rendant ainsi compte des présentations différentes que l’on peut observer chez un même individu au fil du temps. Existe-t-il une relation entre les symptômes psychologiques et comportementaux rencontrés dans les maladies neurodégénératives et la personnalité prémorbide ? Peu d’études permettent d’étayer cette hypothèse, même si la pratique clinique suggère des présomptions allant dans ce sens. Certains auteurs [3, 7] ont évoqué l’importance de la vulnérabilité psychologique et, en particulier, l’importance des événements traumatisants survenus pendant l’enfance qui modifierait les capacités d’adaptation du sujet face au stress et pourrait rendre compte de la survenue de SCPD dans la pathologie démentielle. Par ailleurs, les facteurs psychosociaux (événements de vie traumatiques, carences infantiles) ou les dysfonctionnements familiaux, pourraient aussi moduler l’expression comportementale de la démence [8]. Pour le clinicien, il convient de décrire les symptômes, de les analyser et d’en rechercher le sens [9]. Faut-il admettre que l’apparition des troubles comportementaux et psychologiques chez un patient souffrant d’une démence est liée avant tout à l’extension des lésions neuroanatomiques et à la sévérité du déficit cognitif [10, 11] ? Quelle est l’influence de la personna- 228 lité antérieure ou des situations stressantes créées par l’environnement familial ou les événements de vie ? Certaines données cliniques [12] évoquent le fait qu’il n’existe pas toujours de relation entre la sévérité du déclin cognitif et l’intensité des symptômes psychocomportementaux. Notre étude avait pour but d’évaluer l’influence des antécédents psychiatriques, de la personnalité prémorbide et du contexte familial dans l’émergence des symptômes comportementaux et psychologiques chez des patients en situation de crise, hospitalisés dans un service de court séjour spécialisé. Nous avons également tenté de mettre en évidence l’impact des traits de personnalité sur la typologie des SCPD observés. Méthodologie Le recrutement a été effectué sur une période de 5 mois (novembre 2004 à mars 2005) dans le service de neuropsychogériatrie du CHU de Saint-Étienne. Cette unité de 20 lits est une structure de soins fermée. Elle accueille des patients présentant une maladie d’Alzheimer ou d’autres syndromes démentiels, vivant au domicile et hospitalisés en situation de crise. Outre des critères sociodémographiques comme le sexe, l’âge, la provenance et le type d’aide à domicile, la présence de pathologies aiguës ou chroniques a été précisée par un examen clinique et paraclinique standardisé. Avant leur admission, chaque patient a bénéficié d’une évaluation standardisée explorant la mémoire, le langage, le raisonnement, les praxies, les gnosies selon les recommandations de l’Anaes pour faire le diagnostic de maladie d’Alzheimer ou d’un syndrome apparenté. La sévérité de la détérioration cognitive a été évaluée par le mini mental state examination (MMSE) [13]. Pour une meilleure interprétation des résultats, nous avons différencié trois groupes selon le score au MMSE : démence légère entre 21 et 30, démence modérée et modérément sévère entre 11 et 20 et démence sévère pour un score inférieur ou égal à 10. La présence de SCPD a été appréciée au moyen de l’inventaire neuropsychiatrique (NPI), dans sa version validée en français, qui décrit 12 types de troubles psychocomportementaux [14, 15]. Toutefois, nous n’avons pris en compte que l’existence ou non de tels Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° 3, septembre 2006 Symptômes comportementaux et psychologiques de la démence Tableau 1. Caractéristiques générales des 99 patients hospitalisés en situation de crise en court séjour Alzheimer. Table 1. General characteristics of the patients. Âge moyen (années) Sexe ratio (H/F) 80,3 ± 5,8 0,54 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Provenance Domicile EHPAD Autre service hospitalier 75 % 18 % 7% Sévérité de la démence Légère (MMS > 21) Modérée (11 < MMS ≤ 20) Sévère (MMS ≤ 10) 34 % 43 % 23 % Type de démence Maladie d’Alzheimer Maladie à corps de Lewy Démence fronto-temporale Démence mixte Démence vasculaire 82 % 13 % 2% 2% 1% Type de personnalité Type A (paranoïaque, schizoïde ou schizotypique) Type B (antisocial, borderline, histrionique ou narcissique) Type C (évitant, dépendant ou obsessionnel compulsif) Absence de trait de personnalité pathologique 33 % Traitements psychotropes à l’entrée Nombre moyen Anxiolytique Antidépresseur Hypnotique Neuroleptique et antipsychotiques atypiques Anticholinestérasiques 2,1 91 % 61 % 34 % 29 % 36 % Devenir Retour à domicile Entrée en EHPAD Mutation dans un autre service hospitalier Décès 51 % 46 % 2% 2% 16 % 27 % 24 % patient et d’évaluer leur capacité d’adaptation lors de différents événements de vie, en particulier face à une perte, un deuil ou une séparation, ainsi que leur tempérament et les traits de caractères rapportés par la famille. Les traits de personnalité ont été regroupés selon la classification du DSM-IV [16]. Nous avons classé chaque patient dans un des groupes A, B ou C. Cette étude rétrospective ne permettait pas une évaluation plus précise de la personnalité, nous nous sommes donc limités à classer les patients dans un cadre nosographique. Le type A comprend les personnalités paranoïaques, schizoïdes et schizotypiques. Le type B concerne les personnalités antisociales, borderline, histrioniques et narcissiques. Le type C rassemble les personnalités évitantes, dépendantes et obsessionnelles compulsives. L’état psychologique de l’accompagnant a été évalué par l’échelle de Zarit simplifiée [17] qui permet de coter la notion de fardeau pour l’aidant entre 0 et 7. Le fardeau est qualifié d’absent ou léger entre 0 et 1, léger à modéré entre 1 et 3, modéré à sévère entre 3 et 5 et sévère au-delà de 5. Nous avons précisé également les notions de pleurs, d’insomnie et d’irritabilité de l’aidant au début et à la fin de l’hospitalisation. Le recueil des données a été effectué grâce à un tableau Excel. L’analyse statistique a été réalisée par le logiciel SAS. Les comparaisons des variables qualitatives ont été réalisées par le test chi 2. Lorsqu’un effectif de sous-population était inférieur à 5, nous avons utilisé le test de Fisher. Les moyennes ont été comparées à l’aide du test de Student. Le seuil de significativité retenu a été de p ≤ 0,05. Résultats troubles sans retenir la notion de sévérité ou de fréquence des symptômes. Une évaluation psychiatrique systématique nous a permis de connaître les antécédents psychiatriques de type dépressif, bipolaire, anxieux ou psychotique. Les troubles de personnalité ont été évalués lors d’entretiens systématisés, menés conjointement par un médecin gériatre et un psychiatre avec le patient et son entourage. Le premier entretien avait lieu avant l’hospitalisation, 3 autres étaient programmés pendant le séjour et un était réalisé après l’hospitalisation. Ces entretiens ont permis de retracer l’histoire de chaque Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° 3, septembre 2006 Caractéristiques cliniques de la population étudiée En 5 mois, 99 patients hospitalisés dans le service ont été inclus dans l’étude. L’âge moyen des patients était de 80,3 ans avec un écart-type de 5,8. Le rapport H/F était de 0,54 puisque 64 femmes ont été incluses contre 35 hommes (tableau 1). Soixante-quinze pour cent des patients vivaient à domicile au moment de leur hospitalisation, 18 % étaient admis dans l’unité en provenance d’un EHPAD, mais, dans ce cas, l’hospitalisation s’inscrivait dans le cadre d’un suivi ou émanait d’une demande précise de l’institution. Sept pour cent seulement des patients ont été admis à partir d’un autre service de l’hôpital. À la sortie, la moitié des patients ont regagné leur domicile, 46 % ont été accueillis en EHPAD. Notons que 229 2 patients ont été transférés dans d’autres services de médecine pour des pathologies somatiques graves et 2 patients sont décédés. À l’entrée dans l’étude, le nombre moyen de médicaments reçus par les patients était de 6,6 avec un écart-type de 3,00. Pour les traitements psychotropes, le nombre moyen était de 2,1 ± 1,3. La prescription habituelle comportait un hypnotique dans un tiers des ordonnances, un traitement anxiolytique dans plus de 9 cas sur 10 et un traitement antidépresseur dans 60 % des cas. Trente-six pour cent des patients recevaient un traitement anticholinestérasique. À leur arrivée dans le service, le diagnostic de maladie neurodégénérative avait déjà été posé chez 71 % des patients ; 34 % présentaient une démence légère, 43 % une démence modérée et 23 % une démence sévère. La majorité d’entre eux, soit 82 %, avaient une maladie d’Alzheimer probable. Dans 13 % des cas, le diagnostic de maladie à Corps de Lewy a été porté, dans 2 % celui de démence frontotemporale, dans 2 % celui de démence mixte et dans 1 % celui de démence vasculaire. Soixante-sept pour cent des patients présentaient des troubles antérieurs de la personnalité ; chez 16 % d’entre eux, nous avons retrouvé des traits de personnalité du groupe A, 27 % du groupe B et 24 % du groupe C. Près de la moitié des patients avaient leur conjoint comme aidant principal, 34 % étaient aidés par leur(s) enfant(s), 4 % par leur(s) frère(s) et sœur(s), les 13 % restants étant entourés par des amis ou voisins. L’état psychologique de l’aidant était fragilisé à l’entrée dans le service du patient, le fardeau étant sévère dans 80 % des cas. Notons qu’à l’entrée 86 % des aidants étaient insomniaques, 67 % étaient irritables et 46 % pleuraient. Fréquence des SCPD en fonction de la sévérité clinique de la démence À l’arrivée dans le service, la prévalence globale de chaque SCPD a été récapitulée dans la figure 1. L’anxiété était retrouvée chez près de 9 patients sur 10, l’agitation et l’agressivité chez les trois quarts des patients. Les deux tiers d’entre eux présentaient une irritabilité et plus de la moitié exprimaient une symptomatologie dépressive. Les troubles du sommeil étaient également fréquents puisque 66 % des patients se plaignaient d’insomnie. La fréquence de deux troubles psychocomportementaux était significativement différente selon la sévérité du syndrome démentiel (tableau 2) : l’apathie était plus marquée en début de maladie et le comportement moteur aberrant, pratiquement inexistant chez les patients présentant une démence modérée, a été observé chez plus de 1 patient sur 3 atteint de démence sévère. Notons qu’il n’existait pas de différence statistiquement significative pour la dépression. Toutefois, une tendance s’est dégagée, puisqu’elle semblait plus marquée en début de maladie que dans les formes évoluées. Fréquence des SCPD en fonction des antécédents psychiatriques Le tableau 3 montre une fréquence élevée de troubles psychocomportementaux de type hallucinatoire chez les patients souffrant de troubles psychotiques anciens. Les symptômes dépressifs ont été observés chez 80 % des sujets souffrant de dépression chronique et seulement chez 40 % des patients sans antécédent de dépression. Les sujets dépressifs chroniques présentaient exceptionnellement une exaltation de l’humeur (3 %), alors que près de 30 % des sujets psychotiques présentaient des troubles thymiques en lien possible avec un état hypomaniaque. Toutefois, la différence entre ces deux groupes n’était pas significative. 88 % 74 % 55 % Fréquence des SCPD en fonction de l’existence de trouble de personnalité prémorbide 67 % 63 % 42 % 26 % 22 % 16 % 3% lu D él ir ca e tio ns A gi D tati ép o re n ss io n A n Ex xié t al ta é ta tio n A pa D és th hi ie ni bi t i o Irr ita n bi lit é C In MA so m A nie no re xi e 10 % 23 % H al Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. N. Auguste, et al. Figure 1. Fréquence des troubles psychocomportementaux constatés à l’entrée des 99 patients hospitalisés en unité de court séjour Alzheimer. Comme l’illustre le tableau 4, l’existence de troubles de la personnalité antérieurs était liée à une fréquence de SCPD plus importante : la prévalence des idées délirantes, d’anxiété, d’irritabilité et des troubles de l’appétit était plus élevée dans le groupe de patients présentant des troubles de la personnalité. Lorsque l’on a différencié chaque trouble de personnalité, on a constaté que les personnalités paranoïaques, schizoïdes ou schizotypiques présentaient plus d’idées délirantes que les autres (tableau 5). Les Figure 1. Frequency of the BPSD at the first examination. 230 Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° 3, septembre 2006 Symptômes comportementaux et psychologiques de la démence Tableau 2. Fréquence des SCPD de la sévérité de la démence évaluée par le score au MMS (n = 99). Table 2. Frequency of the BPSD according to dementia severity (MMSE score). Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Type de symptômes Idées délirantes Hallucinations Agitation, agressivité Dépression Anxiété Exaltation de l’humeur Apathie Désinhibition Irritabilité Comportement moteur aberrant Troubles du sommeil Troubles de l’appétit MMSE > 20 20 ≥ MMSE > 10 MMSE ≤ 10 p n = 34 35 % 24 % 62 % 65 % 92 % 9% 47 % 0% 62 % 6% 76 % 18 % n = 42 48 % 21 % 79 % 59 % 88 % 17 % 17 % 7% 64 % 14 % 64 % 28 % n = 23 43 % 22 % 83 % 35 % 83 % 0% 13 % 0% 61 % 35 % 56 % 22 % ns ns ns 0,06 ns --0,004 --ns 0,01 ns ns Tableau 3. Fréquence des SCPD en fonction de l’existence d’antécédents psychiatriques (n = 99). Table 3. Frequency of the BPSD according to the presence of psychiatric antecedents (non psychiatric disorder, depression, psychotic disorder). Type de symptômes Idées délirantes Hallucinations Agitation, agressivité Dépression Anxiété Exaltation de l’humeur Apathie Désinhibition Irritabilité Comportement moteur aberrant Troubles du sommeil Troubles de l’appétit Pas d’antécédent Dépressif Psychotique p n = 58 41 % 18 % 83 % 41 % 85 % 13 % 22 % 4% 61 % 18 % 63 % 15 % n = 34 38 % 15 % 50 % 79 % 91 % 3% 32 % 0% 62 % 9% 65 % 35 % n=7 57 % 57 % 100 % 29 % 86 % 29 % 29 % 14 % 71 % 43 % 100 % 29 % ns 0,05 --0,0003 ns 0,05 ns --ns ns --0,05 mêmes patients étaient également plus irritables. La dépression a été retrouvée chez 1 patient sur 3 présentant une personnalité à tendance obsessionnelle compulsive, évitante ou dépendante. Enfin, les troubles alimentaires étaient significativement plus fréquents chez les sujets ayant des troubles de personnalité antisociale, borderline, histrionique et narcissique. Discussion Notre étude souligne la grande diversité de la symptomatologie des troubles du comportement chez des patients souffrant de maladie d’Alzheimer à différents stades, hospitalisés en situation de crise générée Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° 3, septembre 2006 par des symptômes primaires de l’ordre des affects et de l’humeur des patients et de l’aidant principal. Ces crises sont en lien avec une histoire, un vécu et un fonctionnement individuel, conjugal ou familial propre, à chacun [9]. D’une façon générale, l’anxiété était présente chez près de 90 % des patients, l’agitation et l’agressivité dans 75 % des cas, les troubles du sommeil chez les deux tiers des patients, l’apathie n’était retrouvée que chez 26 % des patients et la désinhibition ne concernait que 3 % de la population étudiée. La variabilité observée paraît plus importante que dans d’autres études. Dans l’European Alzheimer disease consortium portant sur 138 patients (quels que soient la sévérité de la maladie et leur environnement), 231 N. Auguste, et al. Tableau 4. Fréquence des SCPD en fonction de l’existence de troubles de personnalité antérieure (n = 99). Table 4. Frequency of the BPSD according to the presence of previous personality disorders. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Type de symptômes Pas de trouble n = 33 23 % 16 % 65 % 52 % 71 % 10 % 23 % 3% 48 % 16 % 68 % 6% Idées délirantes Hallucinations Agitation, agressivité Dépression Anxiété Exaltation de l’humeur Apathie Désinhibition Irritabilité Comportement moteur aberrant Troubles du sommeil Troubles de l’appétit Trouble de la personnalité n = 66 52 % 24 % 79 % 56 % 95 % 11 % 27 % 3% 70 % 15 % 65 % 30 % p 0,007 ns ns ns 0,001 ns ns ns 0,04 ns ns 0,009 Tableau 5. Fréquence des SCPD selon le type de troubles de personnalité antérieure (n = 99). Table 5. Frequency of the BPSD according to previous personality disorders according to the DSM-IV groups. Type de symptômes Idées délirantes Hallucinations Agitation, agressivité Dépression Anxiété Exaltation de l’humeur Apathie Désinhibition Irritabilité Comportement moteur aberrant Troubles du sommeil Troubles de l’appétit Pas de trouble n = 33 23 % 16 % 65 % 52 % 71 % 10 % 23 % 3% 48 % 16 % Type A* n = 16 69 % 37 % 87 % 25 % 100 % 19 % 19 % 6% 81 % 37 % Type B** n = 26 46 % 15 % 77 % 58 % 92 % 15 % 31 % 4% 77 % 8% Type C*** n = 24 46 % 25 % 75 % 75 % 96 % 0% 29 % 0% 54 % 8% p 0,02 ns ns 0,02 ----ns --0,04 ns 68 % 6% 75 % 18 % 77 % 42 % 46 % 25 % ns 0,01 Type A* : personnalités paranoïaques, schizoïdes et schizotiques ; type B** : personnalités antisociales, borderline et narcissiques ; type C*** : personnalités évitantes, dépendantes et obsessionnelles. Type A: paranoid, schizoid and schizotypal personality disorder; type B: antisocial, borderline, histrionic, narcisssictic personality disorder; type C: avoidant, dependent, obsessive-compulsive personality disorder. l’anxiété n’était retrouvée que dans 34 % des cas, l’apathie était notée chez 49 % des patients inclus. Robert et al. [18] ont souligné la fréquence de l’association apathie et dépression (près de 40 % des patients), association que nous ne retrouvons pas. Il est possible que l’apathie ait été sous-estimée dans notre étude car ce symptôme a été évalué dans l’EADC par « l’inventaire apathie » selon les dires de l’aidant et selon l’observation des soignants. Mais nous rappelons que le patient était hospitalisé à un moment de décompensation de son état clinique, dans un contexte de crise familiale, susceptible d’amplifier les SCPD. 232 Sévérité de la démence et SCPD Devanand a pu montrer que la plupart des perturbations comportementales dans la MA, hormis le délire, étaient associées à la sévérité de l’atteinte cognitive [19]. Si un lien direct entre la survenue des SCPD et l’altération du statut cognitif a également été démontré par Holtzer [20], les résultats de notre étude semblent plus partagés et se rapprochent plus de ceux de Lyketos et al. : ces derniers auteurs, en comparant 329 sujets déments avec 673 sujets non déments vivant dans la communauté (Cache county study), ont Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° 3, septembre 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Symptômes comportementaux et psychologiques de la démence observé une faible augmentation de l’incidence de la dépression et des hallucinations en fonction des stades de sévérité de la démence [21]. Par contre, l’agitation et les comportements moteurs aberrants ont été significativement plus présents lorsque la démence s’aggravait. Cette dernière donnée a été retrouvée dans la cohorte REAL.FR [22]. Une partie des discordances entre les résultats s’explique probablement par l’utilisation d’outils d’évaluation différents : l’échelle de psychopathologie de la maladie d’Alzheimer de l’université de Columbia pour Devanand [23], l’échelle NPI pour la cohorte REAL.FR et pour la Cache county study [21, 22]. Ainsi, il apparaît réducteur de lier les SCPD uniquement à la sévérité de la maladie neurodégénérative et il est nécessaire de s’intéresser à l’histoire de vie antérieure. L’hypothèse d’une construction défaillante du socle identitaire dès le jeune âge peut être un des facteurs favorisants des SCPD, en particulier pour l’anxiété et l’angoisse. La maladie d’Alzheimer déstabiliserait les contenus émotionnels et remettrait en cause toute la dynamique familiale, en déstructurant les liens relationnels familiaux et sociaux [24]. Traits de personnalité antérieurs et SCPD Dans notre population, la prévalence des traits de personnalité antérieure était particulièrement élevée puisqu’ils étaient présents dans 66 % des cas. Un des biais de notre travail a été d’avoir retenu l’existence de traits de personnalité plutôt que des réels troubles du fait des difficultés d’analyse. Nous avons choisi la classification internationale bien que celle-ci ne soit pas consensuelle. Certains troubles appartenaient à plusieurs types et nous avons choisi les traits de personnalité qui semblaient prépondérants. Selon Samuels et al., 10 % de la population américaine présente des troubles de personnalité [25]. En France, selon Féline, leur prévalence varie entre 0,5 et 2,5 % de la population générale et de 10 à 30 % des sujets hospitalisés en psychiatrie [26]. Clément a évoqué le rôle d’événements traumatiques pendant l’enfance, à l’origine de traits de personnalité particuliers, comme facteur favorisant la démence [3]. Notre étude montre qu’ils aggravaient également certains SCPD et qu’ils influençaient la typologie des troubles psychocomportementaux. Ainsi, les patients du groupe A (trouble de personnalité de type paranoïaque, schizoïde, schizotypique) étaient plus délirants et plus irritables. Ces patients présentaient un défaut de structuration du moi et ne pouvaient pas réellement accéder à une séparation psychique de leur famille. Les modifications sociales, relationnelles et familiales Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° 3, septembre 2006 Points clés • L’analyse des SCPD apparaît essentielle dès le début des maladies neurodégénératives cérébrales. • La prévalence de certains troubles psychocomportementaux est significativement plus élevée chez les patients présentant un trouble de la personnalité prémorbide. • La typologie des SCPD semble être influencée par la nature du trouble de personnalité antérieure. • Si les antécédents psychiatriques peuvent jouer un rôle dans l’apparition d’un syndrome démentiel, ils favorisent également le développement des SCPD. • Les SCPD semblent variables selon le lien familial de l’aidant principal. • La compréhension du fonctionnement mental des patients et l’exploration de la dynamique familiale relationnelle seraient essentielles pour mieux appréhender les SCPD. engendrées par la maladie conduisent au développement de mécanismes de défense inadaptés comme le développement d’idées délirantes. Les patients du groupe B (borderline, antisocial, histrionique et narcissique), dans la maîtrise permanente de leurs besoins corporels, souffraient plus de troubles de l’appétit. Très fragilisés au niveau de leur propre estime de soi, ces patients ont tendance au repli sur eux-mêmes, voire sur leur famille, dernière tentative pour maintenir du lien relationnel face à la déliaison [9]. La maladie démentielle a pu également démasquer des traits de personnalité de dépendance (groupe C) où toute séparation va favoriser la symptomatologie dépressive, séparation vécue parfois comme la mort de l’être aimé. Les SCPD ont semblé être liés aux traits de personnalité préexistants avec l’émergence de certains types de mécanisme de défense favorisant des troubles psychocomportementaux particuliers. Antécédents psychiatriques et SCPD Lopez et al. ont récemment montré que les troubles psychotiques pouvaient précéder le début clinique de la démence [27]. Dans notre étude, les antécédents psychiatriques jouent également un rôle dans le développement des SCPD : les antécédents de dépression avant l’apparition de la démence favorisent de façon très significative les symptômes dépressifs à la phase patente de la maladie démentielle [28]. Malgré le seuil de significativité non atteint (p = 0,058), les troubles alimentaires ont semblé plus marqués dans cette 233 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. N. Auguste, et al. même population (35 % des patients dépressifs chroniques contre 14,8 % des patients n’ayant pas d’antécédent psychiatrique), sachant que l’anorexie et la perte de poids constituent l’un des critères diagnostiques de la dépression. Il convient d’être prudent car selon plusieurs auteurs une approche catégorielle de la dépression apparaît trop stricte pour décrire les troubles affectifs des patients Alzheimer [29]. Weiner a même révélé que seul 1 % des dépressions majeures des patients atteints de MA répond complètement aux critères diagnostiques du DSM-IV [30]. Par ailleurs, le lien entre type d’antécédent psychiatrique et type de SCPD a semblé également se vérifier pour les troubles d’ordre psychotique. Bien que les différences n’atteignent pas le seuil de significacité statistique (p = 0,051), 57 % des patients déments qui ont eu des antécédents d’ordre psychotique (psychose hallucinatoire chronique, troubles bipolaires notamment) présentaient des hallucinations, alors qu’elles étaient observées seulement chez 18 % des patients qui n’avaient aucun antécédent psychiatrique. Cette constatation était vraie pour l’exaltation de l’humeur qui touchait 28 % des patients aux antécédents psychotiques contre 3 % des sujets dépressifs ou seulement 13 % des sujets qui n’avaient pas d’antécédent psychiatrique. Ces différences étaient également à la limite de la significativité (p = 0,058). La faible taille de la population pourrait expliquer que le seuil ne soit pas atteint. Toutefois, ces résultats nous permettent de penser que si certains antécédents psychiatriques ont pu favoriser les syndromes démentiels, ils sont intervenus également dans le développement de certains troubles psychocomportementaux. Liens de l’aidant et SCPD Au cours de la maladie, l’entourage familial va progressivement subir un remaniement de son fonctionnement avec, pour certains, le souhait de combler l’ensemble des besoins du malade favorisant un fantasme de toute puissance. Cette « bienveillance » permanente préserverait le patient d’un vécu d’abandon ; mais ce fonctionnement « fusionnel » fait disparaître tout espace de liberté pour le patient et majore ainsi son agressivité. 234 Notre étude rappelle l’importance du fardeau que représente le patient pour l’aidant. Les sacrifices, les renoncements et les maux peuvent expliquer l’état d’extrême fragilité physique et psychique de certains aidants. Mais, comme le souligne Charazac, la nécessaire répression de l’expression de l’investissement pulsionnel de l’aidant au regard de la société demande un contre-investissement supplémentaire et majore le fardeau. En effet, lorsque l’aidant est un enfant, l’aide aux soins corporels impose différents gestes associés à des interdits remontant à l’enfance et exige également une dépense d’énergie pouvant renforcer la notion de fardeau [9]. Conclusion La sévérité de la démence ne semble pas suffisante pour expliquer la survenue des SCPD puisque plus du tiers des patients étudiés ne présentaient qu’une démence modérée. Par contre, notre étude souligne l’influence de la personnalité prémorbide. Une approche psychanalytique de la personnalité pourrait expliquer l’amplification des symptômes par les troubles prémorbides de la personnalité. La démence altère la structure mentale profonde du sujet et ses propres mécanismes de défense face aux difficultés liées à la maladie, mais aussi aux différents stress extérieurs. Le diagnostic des troubles psychocomportementaux demande de comprendre le fonctionnement psychologique profond du patient et son environnement. L’existence d’antécédents psychiatriques favorise également les SCPD, puisque les hallucinations étaient observées chez plus de 50 % des patients psychotiques et puisque 80 % des patients ayant des antécédents de dépression tardive présentaient ce type de symptômes au cours de la démence. Une expertise psychologique est essentielle, autant que le diagnostic neurologique, pour appréhender le fonctionnement mental du patient et approcher d’éventuels conflits relationnels, notamment au sein de la famille. Ainsi, les liens exacts entre la personnalité prémorbide, les troubles psychiatriques et les SCPD sont complexes et seule une étude prospective de grande envergure permettrait de les définir plus clairement. Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° 3, septembre 2006 Symptômes comportementaux et psychologiques de la démence Références 1. Cummings JL. The neuropsychiatric inventory : assessing psychopathology in dementia patients. Neurology 1997 ; 48 : 110-6. 2. Reisberg B, Borenstein J, Sabot SP, Ferris SH, Franssen E. Behavioral symptoms in Alzheimer’s disease : phenomenology and treatment. J Clin Psychiatry 1987 ; 48 (Suppl.) : 9-15. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. 3. Clément JP, Darthout N, Nubukpo P. Événements de vie, personnalité et démence. Psychol NeuroPsychiatr Vieil 2003 ; 2 : 129-38. 16. American Psychiatric Association. DSM-IV. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Traduction française. 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