Vente sur Internet et droit des marques

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Vente sur Internet et droit des marques
Sujet : la vente sur internet et le Droit des
marques
Par : Maître Mondher Mensi, Avocat au Barreau de Tunis
Plan
Introduction
I – Les différentes formes d’atteintes au droit des marques sur internet
A/ la vente de produits portant une marque contrefaite sur internet
1- les différentes formes de vente sur Internet
1.1– la vente sur support virtuel statique
a- les sites vitrines
b- l’emailing
c- les blogs
d- les annuaires d’Internet
e- les jeux en ligne
1.2 - La vente sur support virtuel interactif
a- Les sites ou web marchands/commerciaux
b - Les sites de vente aux enchères
2/ les modes de paiement électroniques : une limite à l’achat sur Internet (pour les
nationaux)
2.1 -Moyens de paiement locaux
2.2 -Moyens de paiement internationaux
B/ L’usage frauduleux d’un nom de domaine
1-conflit entre nom de domaine et marque
2-Les différentes formes d’atteintes au du nom de domaine
II – les procédures judiciaires
1
A – La preuve de la contrefaçon de marque commise sur Internet
a – La preuve par le droit commun
b – La saisie contrefaçon
B – les recours
a- Compétence
1-Contre qui agir
2-Territorialité
A-L’action judiciaire
1-L’action civile
L’interdiction provisoire
L’action au fond
2-L’action pénale
a-Sanctions
1-Sanctions civiles
2-Sanctions pénales
2
Introduction
Au cours de la dernière décennie, l’explosion d’internet a été un formidable moyen de
communication. En effet, ce média propose à travers des sites web à des millions d’individus
des contenus sur des sujets aussi divers que variés mais aussi des échanges de produits ou de
services par la voie du commerce électronique. En effet, le réseau internet offre aux
entreprises et aux commerçants des possibilités énormes pour conquérir de nouveaux clients
en dehors même des frontières classiques.
Par ailleurs, en matière commerciale, il existe des risques qui entravent le développement des
transactions sur internet, notamment ceux qui sont liés au manque de protection des données
personnelles collectées, à l’insécurité des paiements, au non respect de la législation relative à
la protection des consommateurs, à l’invalidité ou à la fiabilité douteuse d’une offre
commerciale ou à l’identité du commerçant avec lequel l’internaute n’a pas de contacts
physiques. Mais un des fléaux les plus graves s’ajoutant aux risques précédents, est la vente
sur Internet de produits contrefaits ou portant atteinte aux droits des titulaires de marques.
L’immatérialité et l’interactivité du support virtuel utilisé pour distribuer et vendre des
produits et services ainsi que le référencement mis en place dans le but d’accélérer la
recherche et par là à offrir une meilleure visibilité de la marque, a rendu cette dernière plus
vulnérable face aux agissements frauduleux de certains protagonistes de l’internet.
En effet, l’intervention de plusieurs acteurs dans le processus de vente de produits sur internet
a rendu la localisation et l’identification de ces derniers difficile, ce qui a suscité la crainte
des titulaires de marques de voir leurs produits ou services contrefaits et par la même leur
valeur dépréciée.
Cependant, la vente d’un produit ou de service sur internet, n’expose pas la marque à une
zone de non droit. Les règles de droit commun ainsi que celles relatives aux droits de
propriété industrielle et notamment la loi n° 2001-36 du 17 avril 2001, relative à la protection
des marques de fabrique, de commerce ou de services et la loi n°2000-83 du 9 aout 2000,
relative aux échanges et au commerce électroniques peuvent s’adapter pour protéger la
marque contre les éventuels abus sur internet.
Toutefois, pour revendiquer une protection légale contre toute forme d’atteinte à une marque
de fabrique, de commerce ou de service, il est nécessaire, avant d’exposer son produit ou
service sur la toile, d’effectuer une recherche d’antériorité pour s’assurer de la disponibilité du
signe distinctif, ensuite de le déposer auprès de l’organisme concerné en l’occurrence
l’INNORPI et de réserver un nom de domaine auprès de l’instance concernée ( ATI ou
L’INTERNIC-Internet Network Information Center).
En effet, la marque objet de protection préalable est définie par la loi n°2001-36 du 17 avril
2001 relative à la protection des marques de fabrique, de commerce ou de services comme
étant un signe visible permettant de distinguer les produits offerts à la vente ou les services
rendus par une personne physique ou morale.
La revendication d’un signe distinctif, protégée par la loi à travers le système
d’enregistrement, est ainsi un moyen de valoriser et de distinguer un produit ou service donné
par rapport à ses concurrents sur un marché qu’il soit traditionnel ou virtuel.
3
L’enregistrement préalable d’une marque, même étendu à divers territoires, ne l’empêche pas
d’être exposée à la contrefaçon définie par l’article 44 de la loi du 17 avril 2001, comme étant
¨Toute atteinte portée aux droits du propriétaire de la marque engageant la responsabilité
civile et pénale de son auteur¨
Ces différentes atteintes peuvent revêtir multiples formes telles que prévues aux articles 22 et
23 de la loi n° 2001-36 du 17 avril 2001, relative à la protection des marques de fabrique de
commerce et de services à savoir:
a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots
tels que : « formule, façon, système, imitation, genre, méthode », ainsi que l’usage d’une
marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans
l’enregistrement,
b) La suppression ou la modification d’une marque régulièrement apposée.
c) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque
reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.
d) L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services
identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.
Ces différentes formes classiques de contrefaçon se manifestent-elles de la même manière sur
la toile (I) et sont-elles soumises aux mêmes procédures assurant la protection des marques
(II).
4
I – Les différentes formes d’atteintes au droit des marques sur internet
Lors de la vente sur internet, les atteintes au droit des marques peuvent se manifester soit à
travers la vente de produits portant une marque contrefaite (A), soit à travers l’usage
frauduleux d’un nom de domaine (B).
A/ la vente de produits portant une marque contrefaite sur internet
L’offre de vente de produits contrefaits sur internet se manifeste à travers de multiples
supports permettant d’effectuer des achats à distance ou à la livraison. (1). Cependant, malgré
cette diversité, l’achat de produits contrefaits sur internet demeure limité en Tunisie en raison
de l’usage modeste et restreint des moyens de paiement électroniques (2)
1- les différentes formes de vente sur Internet
La vente sur Internet est la nouvelle forme de vente. En effet, de la vente classique constituée
par une vitrine physique, on est passé à une vente électronique formée par une vitrine
virtuelle.
L’offre de vente se réalise sur ce type de sites, soit sur un support virtuel statique (1.1), soit
sur un support virtuel interactif permettant l’échange électronique (1.2)
1.1 – la vente sur support virtuel statique
Un support virtuel statique, est celui dans lequel aucune opération d’échange électronique
n’est effectuée. C’est l’exemple des sites vitrines (a), de l’e-mailing (b), des blogs(c), les
annuaires d’Internet (d) et les jeux en ligne (e).
a – sites vitrines
Le site vitrine est « une présentation numérique d’une entreprise, association ou
organisation ... le site vitrine va permettre d’être présent sur Internet comme une carte
ou press-book numérique - catalogue»1.
On trouve dans cette première catégorie les différents sites vitrines dans lesquels aucune
opération d’échange électronique n’est effectuée, ce type de sites est une forme de publicité
sans plus.
Aucune opération de vente ou d’achat en ligne n’est effectuée.
Pourquoi ces sites vitrines ne font aucun renvoi à une adresse physique ?
En effet, ces sites vitrines ne font aucun renvoi à une adresse physique, l’achat des produits se
fait ou bien par contact téléphonique, ou par email avec livraison à domicile. L’utilisation par
les contrefacteurs d’une telle procédure de vente n’est en fait qu’un échappatoire à toute
identification physique.
Exemples de sites vitrines : www.net15.fr, www.semettreauvert.com, etc.
1
Définition du Dicodunet, www.dicodunet.com.
5
b - L’emailing
L’e-mailing, c’est l’envoi d'un courrier électronique à un nombre déterminé d’internautes
dans le but de promouvoir et de vendre un produit ou service.
L'e-mail marketing offre réactivité, flexibilité et réduction des coûts par rapport au courrier
papier. Ceci parce qu'une campagne e-mailing est ciblée, personnalisée et envoyée en temps
opportun auprès de chaque destinataire.
L’e-mailing est le moyen le plus sûr pour la Publicité sur Internet.
Il existe deux formes d’e-mailing :
-L’e-mailing-list :
L’e-mailing liste est une base de données d’adresses, de numéros de téléphone ou d’adresses
email etc.
C’est un moyen direct de cibler une population ou un marché potentiel (Marketing Direct), on
peut même tester un produit ou connaître le profile d’une zone ou d’une tranche d’âges …
Grâce à l’e-mailing liste on a la possibilité de créer et augmenter le trafic sur un site Web. Il
ne suffit pas d’avoir un site ou une adresse Web mais il faudra exploiter son investissement et
vendre des espaces publicitaires sur son site (échange de bannière publicitaire).La diversité
des rubriques nous permet d’accéder à des marchés non encore exploités.
- Le e-mailing non ciblé :
Le e-mailing non ciblé, est celui envoyé à différents internautes choisi au hasard.
Par ailleurs, l’emailing est soit réalisé par les entreprises dans le cadre de leur activité
principale, soit sous-traité par des entreprises spécialisées.
Exemple de sociétés tunisiennes spécialisées en emailing :
- e-Direct Tunisie est une société spécialisée dans l'mailing.
Ou encore,
- technetstudio.net
La question que nous nous posons est la suivante :
La société d’emailing est elle obligée de vérifier la conformité du contenu des messages
ou publicités diffusés ?
En France, il existe un texte spécial qui régie le régime de responsabilité des acteurs de
l’Internet, c’est la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie
numérique. Parmi ces acteurs ; les hébergeurs du site, fournisseurs d’accès, éditeurs du site,
ne sont pas soumis à une obligation générale de surveiller le contenu des informations2.
Cependant, il n’en demeure pas moins que la responsabilité de ces personnes peut être
engagée, et ce, en se basant sur la présomption simple (admet la preuve contraire) qui engage
la responsabilité solidaire des professionnels (hébergeurs) en cas de vente de produits
contrefaits sur le site. La charge de prouver la bonne foi incombe donc aux professionnels.
2
Régis Fabre, « Droit de la publicité et de la promotion des ventes », édition Dalloz, p. 525 et s.
6
c - Les blogs :
Un blog est un journal personnel ou un carnet de voyage disponible sur le web. Sa mise à jour
(blogging), normalement quotidienne, est effectuée par un utilisateur (blogger) n'ayant pas
forcément un profil technique.
Des logiciels (Blogger, Movabletype, Ublog...), accessibles via le web, permettent de créer et
de maintenir facilement le blog.
Les informations postées sur le blog sont présentées dans l'ordre chronologique inverse. Sites
personnels à l'origine, les blogs sont de plus en plus nombreux (plusieurs millions) et
sophistiqués, a tel point qu'ils font leur apparition dans le monde de l'Entreprise.
La question qui se pose est la suivante : un blog peut il porter atteinte au droit des marques ?
En effet, un blog peut porter atteinte au droit des marques si un blogger publie par exemple
une photo ou image d’un article contrefait et l’expose à la vente (…).
d - Les annuaires d’Internet :
Un annuaire Web ou répertoire Web ou annuaire Internet ou répertoire Internet est un site
Web proposant une liste classée de sites Web. Rien n’empêche ces sites de contenir des
adresses ou sites web proposant à la vente des produits contrefaits.
e - Les jeux en ligne :
Peuvent causer un réel préjudice au droit des marques, et ce par les flashs publicitaires
envoyés par l’un des joueurs en ligne ou par les joueurs. Cette publicité est préjudiciable si
elle porte notamment sur un produit contrefait. L’exemple de la PlayStation III, cette console
de jeux met en ligne et à l’instant « T » multiples joueurs à la fois, ces joueurs en ligne sont
une proie facile pour les contrefacteurs (...).
1.2 - La vente sur support virtuel interactif
Cette catégorie regroupe les différents sites opérant une vraie opération d’échanges
électroniques à l’exemple des sites commerciaux (a) et des sites aux enchères (b).
a- Les sites ou web marchands/commerciaux
Les sites marchands ou sites commerciaux « c’est des sites proposant la vente de biens ou
services au moyen d'un magasin virtuel (site e-commerce) »3.
Exemples de sites commerciaux :
-www.easycommerce.tn.com ,
-www.smg.com.tn, Société Magasin Général, le plus ancien et offre aux
internautes ces divers modes de paiements : e-dinar, dinar poste, chèque, espèce.
-www.souk-el-web.com,
-www.tounes.net
3
http://www.dicodunet.com.
7
Les opérations de vente sur ces sites s’effectuent au moyen d’échanges électroniques, d’après
la Loi n°2000-83 relative aux échanges et commerce électronique, le Commerce
électronique : « c’est les opérations commerciales qui s’effectuent à travers les échanges
électroniques ». (Article 2). L'interface multimédia du web est un outil de marketing
important et très puissant, mais à travers cet outil, des infractions peuvent s’infiltrer et
notamment, en matière de contrefaçon des marques, il suffit de visiter l’un des sites
commerciaux existant sur Internet pour se rendre compte de l’ampleur de cette pratique
préjudiciable au droit des marques. Citons l’exemple du site Easy Commerce dans lequel on
identifie la vente de produits contrefaits : (www.easycommerce.tn.com ),
ce site de
commerce virtuel tunisien qui propose à la vente divers produits, expose multiples objets
contrefaits. Le mode de paiement utilisé par ce site est « à la livraison », l’intérêt de
l’utilisation de ce mode de paiement, c’est qu’il rend difficile la localisation physique du
contrefacteur.
b - Les sites de vente aux enchères
Le site d’enchères, est « un Site Web qui propose un service en ligne de vente aux enchères,
dans lequel plusieurs internautes sont en concurrence pour l’acquisition d’un même bien,
finalement attribué au plus offrant »4.
Exemples de sites aux enchères :
Sites tunisiens : www.ballouchi.com , www.Echribay.com , www.Moncefbay.com
Sites étrangers : www.ebay.fr , www.aucland.fr
Lorsqu’un internaute veut faire une offre pour un produit, il lui suffit de s’inscrire à la vente
aux enchères en entrant son numéro de carte de crédit, son nom d’utilisateur et son mot de
passe préalablement défini sur un formulaire en ligne, sécurisé avec le protocole SSL∗.
D’autres termes sont utilisés pour désigner ce type de sites : vente aux enchères en ligne,
enchères sur Internet, encan en ligne, etc.
Les enchères sur Internet sont donc, un service en ligne où les utilisateurs peuvent offrir une
liste d’articles qu’ils veulent vendre et enchérir pour des articles.
Par ailleurs, un bon nombre de vendeurs dans les enchères sur Internet sont des particuliers.
Il existe différents types de vente sur les sites de ventes aux enchères sur l’Internet.
Certains sont des ventes du genre vente aux enchères qui impliquent enchérir pour un article.
D’autres tels que « Buy-it-now » sur des sites tunisiens, tels que Ballouchi.com, echribay5
ou Moncefbay.com6, ne sont aucunement des ventes aux enchères, sur ces sites la méthode
classique de la vente aux enchères n’est pas appliquée, il n’y a pas d’enchérissement pour un
produit, l’acquisition d’un produit ne dépend pas du plus offrant, ou plutôt, il n’y a même pas
de mise à prix.
Exemple : dans le site www.moncefbay.com, où toute une rubrique a été réservée à la vente
de produits contrefaits, on remarque l’absence de tout enchérissement pour un produit.
Sur le plan national, aucune définition n’a été attribuée aux ventes aux enchères, mais dans la
4
www.lemedialab.com.
SSL : Protocole assurant une transmission sécurisée de données sur un site web. Développé à l'origine par la
société Netscape Communications pour son navigateur, le protocole SSL est destiné au cryptage des données. Il
permet de vérifier l'authentification,...
5
Ce site tunisien de vente aux enchères sur Internet est une vraie source de contrefaçon de marques.
6
Sur ce site, toute une rubrique a été réservée à la vente de produits contrefaits. Voir Annexe 1.
∗
8
pratique la vente aux enchères est couramment utilisée et constitue une vraie coutume
commerciale dans la vente de quelques produits, connue sous la dénomination « Dléla ».
2/ les modes de paiement électroniques : une limite à l’achat sur Internet (pour les
nationaux)
Le moyen de paiement électronique, c’est le moyen qui permet à son titulaire d’effectuer
les opérations de paiement direct à distance à travers les réseaux publics des
télécommunications. (Article 2, loi n°2000-83 relative aux échanges et commerce
électronique).
Mais pourquoi ces modes de paiements limitent-ils l’achat sur Internet pour les nationaux ?
En effet, en Tunisie les effets de la contrefaçon sur Internet ou grâce à Internet sont pour
l’instant limités, et ce, d’une part à cause de la timide évolution de l’utilisation des moyens
de paiement en ligne dans notre pays (2.1) et d’autre part à cause des limites imposées par la
loi des changes, notamment concernant le paiement sur les sites étrangers et où le paiement se
fait en devises (2.2).
2.1 -Moyens de paiement locaux
Le paiement sur les sites tunisiens se fait à travers ces modes de paiements :
-Les cartes e-DINAR.
: Le Dinar Electronique est un porte-monnaie
électronique sécurisé conçu sous forme de carte prépayée rechargeable par plusieurs
moyens. La carte e-DINAR UNIVERSEL est une carte polyvalente qui peut être utilisée
pour payer sur Internet, retirer de l’argent sur les DAB et effectuer les règlements auprès des
commerçants équipés de TPE.
-Les cartes bancaires de la Poste VISA Electron
Les modes concernent notamment les résidents7.
7
La loi n° 76-18 du 21 janvier 1976, portant refonte et codification de la législation des changes et du commerce
extérieur régissant les relations entre la Tunisie et les pays étrangers, fait une distinction fondamentale entre les
résidents en Tunisie et les non-résidents pour la définition du régime des relations financières de la Tunisie avec
l'étranger. L'article 5 de la loi n° 76-18 susvisée définit la notion de résidence comme suit :
On entend par :
Résidents : Les personnes physiques ayant leur résidence habituelle en Tunisie et les personnes morales
tunisiennes ou étrangères pour leurs établissements en Tunisie. Précisément :
o
o
o
o
Les personnes morales tunisiennes ou étrangères pour leurs établissements en
Tunisie.
Les personnes physiques de nationalité tunisienne domiciliées en Tunisie.
Les fonctionnaires tunisiens en poste à l'étranger quelle que soit la durée de leur
séjour.
Les personnes physiques de nationalité étrangère domiciliées en Tunisie depuis plus
de deux ans et y possédant le centre de leurs activités. Ces personnes perdent leur
qualité de résident dès leur départ définitif de Tunisie
Non-résidents : Les personnes physiques ayant leur résidence habituelle à l'étranger et les personnes morales
tunisiennes ou étrangères pour leurs établissements à l'étranger.
9
Les premiers sites de vente via Internet font leur apparition en Tunisie.
L'un des principaux sites est celui de Magasin Général, leader des grandes surfaces en
Tunisie et société cotée à la Bourse de Tunis. Il y a aussi Souk el Web, Raken,...
La création d'un porte-monnaie virtuel appelé "carte e-dinar universelle" pourrait contribuer
au développement de l'e-commerce. L'un des premiers à utiliser ce système était la Poste
tunisienne et son service Fleurs de la Poste. Magasin Général contribue également au
développement en acceptant le paiement en ligne par la carte e-dinar8.
Quant aux non-résidents, l’opération de vente sur Internet est assimilée à une opération
d’exportation, ce qui implique notamment l’achat en devises9.
2.2 -Moyens de paiement internationaux
Pour les nationaux l’achat sur les sites Internationaux se fait à travers ces moyens de
paiement :
-Les cartes VISA International
-Les cartes Mastercard International
.
Mais l’achat sur le plan international et à travers les sites étrangers n’est pas chose accessible
à tous les internautes.
En effet, l’achat sur ces sites internationaux doit se faire au moyen de devises, et donc le
paiement en devises implique nécessairement que l’acheteur dispose de compte en devises.
Mais les dispositions du code des changes limitent les bénéficiaires d’un compte en devises10.
En Tunisie, un site de paiement en ligne des factures est disponible (www.fatouranet.poste.tn)
permet de consulter et de payer les factures d’eau, d’électricité, de téléphone…
B/ L’usage frauduleux d’un nom de domaine:
Le nom de domaine est défini comme étant « le nom du site »11, il peut correspondre au nom
d’une société ou d’une marque.
C’est un signe distinctif qui répond à certains critères juridiques et ne peut être réservé que
s’il est disponible.
La jurisprudence française assimile le nom de domaine à une marque et en tire les
conséquences de son régime juridique.
En Tunisie, c’est l’Agence Tunisienne d’Internet (ATI) crée en mars 1996 qui est responsable
de la gestion et de l’enregistrement des noms de domaines sous le domaine TN.
Opérant sous la tutelle du Ministère des Technologies de la Communication et du Transport,
parmi les missions de l'ATI : La gestion et l'enregistrement des noms de domaines sous le
domaine TN.
Par ailleurs, aucune définition n’a été attribuée au nom de domaine par le législateur tunisien.
Pour ce qui est de l'enregistrement d'un nom de domaine de la zone « .com », il convient de
contacter l'INTERNIC, géré aux Etats-Unis par une organisation appelée Network Solutions
Incorporation (N.S.I).
Les noms de domaines occupent une place importante en matière de contrefaçon sur Internet.
8
http://www.laposte-export-solutions.com
Voir doit des changes.
10
Ibid.
11
www.dicodunet.com
9
10
En effet, le nom de domaine est considéré comme étant un acteur principal, parmi d’autres,
dans le processus de la contrefaçon des marques sur Internet.
Noms de domaines et marques sont souvent confronté à des situations de conflits (1) et
subissent parfois les mêmes infractions, ou plutôt, les mêmes atteintes (2).
1 - conflit entre nom de domaine et marque
L’acquisition de nom de domaine par la règle ¨ du premier arrivé, premier servi ¨ est source de
conflit entre nom de domaine et marque. Des noms de domaines disponibles correspondent
souvent à des marques notoires et sont souvent la cible d’appropriation illégale.
-La règle de la spécialité est appliquée pour résoudre le conflit entre marque et nom de
domaine lorsque les produits et services sont distincts. Ainsi, la chambre commerciale de la
cour de cassation de Paris, arrêt du 7 juin 2006 → a annoncé que la marque est contrefaite par
un nom de domaine identique, si les produits ou services en cause sont similaires ou
identiques.
-La marque notoire exerçant dans le même secteur d’activité a amené le : TGI de Paris,
jugement du 7 juin 2006 → a invoquer les agissements parasitaires portant atteinte au droit
fondé sur l’article 6 bis de la convention de Paris .
- La reproduction par un nom de domaine d’un signe possédant un droit antérieur : est
un agissement parasitaire : le TGI de Paris dans un jugement rendu le 28 juin 2006. →
rappelle qu’un nom de domaine reproduisant un signe, possédant un droit antérieur, est
constitutif d’agissements parasitaires.
2-Les différentes formes d’atteintes au du nom de domaine :
Le droit des marques connaît différentes formes d’atteintes à travers celles engendrées au nom
de domaine.
En effet, ces atteintes au nom de domaine causent un dommage direct aux marques. Parmi les
formes d’atteintes au nom de domaine, nous citons :
- Homonymie : une autre personne (physique ou morale) a déposé une marque similaire
mais dans d'autres classes de produits. Il dispose des mêmes droits pour utiliser le nom de
domaine correspondant en classes différentes mais en fait usage similaire. La restitution
de nom de domaine se confronte au principe de la spécialité.
- Patronymie : une personne physique a déposé le nom de domaine correspondant à son
nom (Mr Pasteur - et non l'institut - a déposé pasteur.net) qui est le même qu’une marque
antérieure.
- Cybersquattage (ou piratage ou contrefaçon ou grabbing) : le fait d'enregistrer un nom
de domaine sans en avoir le droit.
Les deux cas de cybersquatteurs ou " pirates " les plus fréquents sont :
- le cybersquatteur délibéré : enregistre des noms de domaine dans le but de nuire à
autrui (déposer le nom d'un concurrent qui ne l'a pas encore fait, déposer le nom proche
11
d'une société afin de détourner le trafic de son site ou espérer lui revendre très cher un
jour).
Il s'agit souvent d'un maître chanteur.
- le cybersquatteur de bonne foi : enregistre des noms de domaine qui lui plaisent sans
se soucier du droit des marques (et souvent sans savoir que les noms de domaine et les
noms de marques peuvent être liés).
La bonne foi est inopérante devant le juge lorsqu'il s'agit de récupérer le nom
cybersquatté.
- L’usage des balises méta : dans ce cas, le webmaster d’un site peut reproduire dans le code
source dudit site des marques sans rapport avec le contenu réel du site pour en augmenter la
fréquentation et créer une confusion dans l’esprit du consommateur entre les sociétés et/ou
leurs produits, étant précisé que les balises méta sont invisibles aux internautes.
- "Position squatting" : Cette pratique peut se définir comme l’appropriation du signe
distinctif d’un tiers dans un mot clé auprès de sites fournisseurs d’outils de recherche, afin
d’être référencé de manière plus efficace que ses concurrents.
- Le phishing / Hameçonnage/ filoutage : « c’est une technique de fraude visant à
obtenir des informations confidentielles, telles que des mots de passe ou des numéros de
cartes de crédit, au moyen de messages ou de sites usurpant l’identité d’institutions
financières ou d’entreprises commerciales »12. Une attaque de phishing "réussie" implique de
tromper l'utilisateur.
Et pour que la tromperie soit parfaite, l'auteur doit contrefaire les éléments protégés du site
visé.
12
www.juriscom.net, « le phishing dans les mailles du filet de la contrefaçon de marque ».
12
II – Les procédures assurant la protection des marques sur Internet
Lorsqu’il y a atteinte à une marque lors d’une opération de vente sur Internet, il y a lieu de
réunir la preuve de cet acte (A) pour ensuite engager une procédure judiciaire permettant de
mettre fin à l’acte incriminé et d’obtenir réparation du préjudice (B).
A – La preuve de la contrefaçon de marque commise sur Internet
La contrefaçon est un fait juridique qui peut être prouvé par tous les moyens, cependant,
s’agissant d’un fait commis sur un outil virtuel, la preuve par le droit commun semble être
limitée (a), le recours à la saisie contrefaçon prévue par un texte spécial parait plus adaptée
(b).
a – La preuve par le droit commun
Sur Internet la preuve par les moyens ordinaires est difficile car c’est un lieu nouveau que le
droit classique n’a pas traité. Il est parfois difficile de trouver le responsable parmi les
différents acteurs présents sur la toile.
Les moyens de l’article 427 du COC qui sont l’aveu de la partie, la preuve littérale ou écrite,
la preuve testimoniale, la présomption et le serment et le refus de le prêter.
Tous ces différents instruments nous semblent inadéquats pour la preuve de la contrefaçon sur
Internet. De ce fait, le recours au constat d’huissier de justice, tel que règlementé par la loi
n°29-1995 du 13 mars 1995 relative à l’organisation de la profession des huissiers de justice,
est un moyen rapide permettant l’établissement de la preuve de l’atteinte aux droits du
titulaire d’une marque.
L’huissier va dans son constat décrire l’acte de contrefaçon. Mais le constat lui-même
présente une spécificité par rapport à la preuve ordinaire à savoir qu’il est fait sur un support
virtuel. Cet environnement va poser le problème de la description à savoir qu’il va décrire ou
constater des faits virtuels.
Le constat de l’huissier réalisé sur Internet est confronté à des contrainte techniques, à cet
effet, et pour accentuer sa force probatoire, la jurisprudence française estime qu’il doit
respecter trois diligences techniques pour être juridiquement recevable à savoir, d’abord, le
cheminement adopté par l’huissier pour accéder aux pages litigieuses doit être celui utilisé par
n’importe quel internaute, ensuite, les pages visualisées doivent impérativement être
matérialisées, et enfin, les caches de l’ordinateur utilisé pour l’établissement du constat
doivent être vidées pour éviter que l’huissier ne constate plusieurs fois la même page. C’est
dans ce sens qu’a statué la 3ème chambre du tribunal de grande instance de Paris dans sa
décision du 4 mars 2003.
Le constat de l’huissier de justice même s’il peut constituer une preuve de la vente de
contrefaçon, ses effets restent toujours limités par rapport à la saisie contrefaçon qui demeure
le meilleur moyen de preuve de la vente de contrefaçon sur Internet.
13
b – La saisie contrefaçon
La loi n° 2001-36 du 17 avril 2001, relative à la protection des marques de fabrique de
commerce et de services a apporté un moyen spécifique de preuve de la contrefaçon à savoir
la saisie contrefaçon. Cette saisie peut se faire soit par la description détaillée, avec ou sans
prélèvement d’échantillons, soit par la saisie réelle des produits ou des services qu’elle
prétend marqués, offerts à la vente, livrés ou fournis à son préjudice ou en violation de ses
droits.
La saisie a pour objet de faire constater l’atteinte à une marque : il s’agit en temps normal
d’un procès verbal accompagné éventuellement d’échantillons. Mais sur Internet il est
difficile voir impossible d’avoir un échantillon car l’infraction est commise sur des sites
virtuels et non pas dans des endroits physiques.
La saisie réelle de l’article 50 ne peut pas s’appliquer à notre égard à la vente de contrefaçon
sur Internet car pour saisir les produits ou services il faut que le propriétaire du site soit connu
ou que le site soit répertorié en Tunisie afin de pouvoir collecter des informations concernant
son éditeur et éventuellement saisir les produits ou services contrefaisants.
De ce qui précède, il parait que la saisie description sans prélèvement d’échantillons soit la
plus adéquate pour ce genre de lieu virtuel. Elle peut être réalisée en tout lieu.
Ici, il s’agit d’un lieu virtuel par opposition à lieu physique et la saisie-description se fait
généralement à l’aide de capture d’écran.
Sur le plan pratique, il s’agit d’obtenir un ordre du juge qui désigne un huissier de justice et
un expert en propriété industrielle pour effectuer la saisie contrefaçon.
Tout en se conformant à l’article 50 de la loi de 2001 relative aux marques, la saisie
descriptive peut être faite par différents procédés certes nouveaux par rapport au droit et à la
jurisprudence tunisienne qui peuvent être soit la capture d’écran et/ou impression, soit la
copie de l’image, soit l’enregistrement du son...
Il faut dire aussi que dans ce cadre de la saisie contrefaçon, la capture d’écran est une
technique suffisante pour prouver la vente du produit contrefait, par ailleurs, dépasser cet
aspect technique en aspirant le site a été considéré par la jurisprudence française, dans l’arrêt
du TGI de Mulhouse du 25 octobre 2006, comme non valable car elle a apprécié que le fait
d’aspirer un site dépassait le cadre du constat qui permet seulement de procéder à des captures
d’écran.
Mais l’expert en propriété industrielle ne peut pas aller au-delà il doit être assisté par un
expert en NTIC qui lui est le mieux habilité à faire ce genre de travail et à l’expert en
propriété industrielle de décrire ce qui est présent sur le site incriminé.
Sur le plan pratique et devant un cas d’espèce on peut imaginer la demande du titulaire de la
marque au juge de désigner un expert en informatique pour accompagner l’expert en propriété
industrielle pour que l’opération ait plus de crédibilité et d’efficacité.
Enfin peuvent demander une telle mesure : le propriétaire de la marque enregistrée, le
bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation de la marque et le titulaire d’une demande
d’enregistrement.
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Elle est réalisée en vertu d’une ordonnance du président du Tribunal du ressort duquel elle a
eu lieu, par un huissier assisté d’experts de son choix.
Dans tous les cas, il faut assigner les défendeurs dans un délai de 15 jours à partir du jour où
la saisie ou la description est intervenue, dépassé ce délais la saisie est nulle de plein droit
contrairement à l'action qui, quand à elle, reste valable.
B – les recours
Quand le titulaire d’un produit constate qu’il y a une vente de produits contrefaisant sa
marque et que cette atteinte est réelle et nuisible à son égard, il doit intenter une action en
justice pour mettre fin à cette atteinte et le cas échéant obtenir réparation du préjudice subi
(b). Mais s’agissant d’une infraction commise sur un lieu virtuel il faut avant tout éclaircir la
question de la compétence (a).
a- Compétence
Lorsque le juge est saisi d’une affaire dont les faits se sont déroulés sur Internet, il doit avant
tout statuer sur sa compétence territoriale (b) tout comme le titulaire d’une marque avant
d’intenter une action en justice, il doit savoir contre qui il va agir (a).
1- Contre qui agir
Sur Internet il y a plusieurs protagonistes qui interviennent dans le processus de la
contrefaçon on peut les classer en deux catégories à savoir :
L’éditeur du site, le titulaire du nom de domaine contrefaisant ou l’acquéreur des mots clés
d’une part, et d’autre part les intermédiaires techniques du réseau.
-
L’éditeur du site, le titulaire du nom de domaine contrefaisant ou l’acquéreur des mots
clés (qui sont la même personne)
Certes il y a des cas où il est difficile d’identifier les éditeurs de sites contenant des
contrefaçons mais on peut engager des procédures qui peuvent être menées par l’ATI ou par
des huissiers assistés d’experts tendant à identifier les personnes ayant édité le site
contrefaisant, les personnes ayant réservé le nom de domaine du site, surtout si
l’enregistrement du nom de domaine s’est fait en Tunisie c'est-à-dire les sites dont le nom de
domaine qui finit par « .tn » et ce contrairement aux sites dont le nom de domaine finit par
« .com » qui, eux, sont difficilement identifiables. Donc il faut assigner aussi les
intermédiaires techniques du réseau afin d’augmenter ses chances.
-
Les intermédiaires techniques du réseau
Le principe est qu’il faut agir contre le responsable du délit à savoir le contrefacteur mais face
à ces nouveaux types de délits ce dernier n’est pas à tous les coups identifiable, c’est pourquoi
il faut assigner un maximum de personnes afin d’augmenter les chances d’obtenir réparation
de son préjudice.
•
Le premier intermédiaire technique du réseau c’est le fournisseur d’accès à Internet
(Planet, Globalnet, Topnet, Hexabyte…). En France la loi du 1er août 2000, modifiant
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la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication l’a assimilé à un simple
transporteur, le soumettant ainsi à une obligation de neutralité. De ce fait, il semble
difficile d’engager la responsabilité de ce protagoniste.
•
Le deuxième intermédiaire technique du réseau c’est le fournisseur d’hébergement
(Planet, Globalnet, Topnet, Hexabyte…). En France la même loi dispose à son égard
que sa responsabilité ne sera engagée que si, après avoir été saisi par une autorité
judiciaire, il n’a pas empêché l’accès au contenu du site en cause. Ainsi en l’absence
de saisine par une autorité judiciaire il est difficile d’engager la responsabilité pénale
comme civile de ces derniers, (Exemple de jurisprudence Cour d’appel de Versailles,
12ème chambre, section 1, jugement du 10 mars 2005, société Google France/société
VIATICUM et société LUTECIEL. Dans ce jugement la cour d’appel a confirmé le
jugement du 8 mars 2004, selon lequel le tribunal, après avoir constaté que la société
GOOGLE FRANCE avait exécuté mais avec retard l’injonction sous peine d’astreinte
contenue dans le précédent jugement, a liquidé l’astreinte à la somme de 14.000 euros
et a condamné la société GOOGLE France au paiement d’une somme de 1.000 euros
au titre de l’article 700 NCPC, ainsi qu’au dépens).
•
Le troisième intermédiaire technique du réseau c’est les outils de recherche (Wanadoo,
Globalnet/ Google, Yahoo). (Exemple de jurisprudence Cour d’appel de Paris, arrêt du
28 juin 2006, Vuitton/ Google. La cour a considéré que Google doit verser au
malletier 300 000 euros de dommages intérêts et 60 000 euros pour les frais de justice.
En prononçant une indemnité complémentaire au titre de l’article 700 du
NCPC si importante, la cour d’appel s’inscrit ainsi dans une nouvelle tendance
judiciaire qui se caractérise par une volonté de se rapprocher de la réalité
économique).
Ainsi il faut les assigner de sorte que leurs responsabilités soient engagées de façon solidaire
et ce pour échapper au problème lié à l’éventuelle insolvabilité de l’éditeur du site
contrefaisant ou à la difficulté de son identification.
2- Territorialité
Selon les articles 30 et 36 du code des procédures civiles et commerciales, le demandeur peut
actionner le défendeur devant le tribunal du lieu de son domicile réel ou élu (art 30) ou,
devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou également, s’il s’agit d’une
infraction pénale, le tribunal du lieu d’arrestation du délinquant (art 36).
La contrefaçon étant un délit donc on peut assigner le contrefacteur devant le tribunal du lieu
du demandeur comme on peut l’assigner devant le tribunal du lieu où le fait dommageable
s’est produit.
Mais le juge, avant d’aborder le fond d’un litige, doit vérifier sa compétence matérielle et
territoriale, car l’Internet est un lieu virtuel et où la diffusion est mondiale. La jurisprudence
de la cour d’appel de Paris en date du 1er mars 2000, a estimé que « lorsqu’une infraction aux
droits de propriété industrielle ou un acte de concurrence déloyale a été commis par une
diffusion sur le réseau Internet, le fait dommageable se produit en tous lieux où les
informations litigieuses ont été mises à la disposition des utilisateurs éventuels du site ».
Il faut donc d’une part, pour qu’un juge soit compétent, que la marque contrefaite soit
accessible sur le territoire du demandeur. Et, il faut d’autre part que la marque contrefaite ait
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pour cible le public du demandeur, de façon à ce que la marque reproduite soit adressée aux
consommateurs du même demandeur.
Ainsi en ce qui concerne la compétence territoriale, il faut que le litige soit rattachable au
territoire tunisien, notamment par la simple accessibilité du site en Tunisie. Cela suffit à priori
à donner compétence aux juges tunisiens.
La jurisprudence française est allé encore plus loin dans un arrêt de la 4ème chambre de la cour
d’appel de Paris, le 26 avril 2006, dans l’affaire Normalu/Acet, les juges ont en effet affirmé
qu’ « il convient de rechercher et de caractériser, dans chaque cas particulier, un lien suffisant,
substantiel ou significatif, entre ces faits ou actes et le dommage allégué ». A ce titre, la
compétence des tribunaux français est justifiée par le fait que le titulaire de la marque est de
nationalité française.
b- L’action judiciaire
La contrefaçon est un fait juridique et un délit en même temps. Le titulaire d’une marque
contrefaite peut soit intenter une action devant le juge répressif (b), tout comme il peut
l’intenter devant le juge civil (a). Enfin, si le juge décide qu’il y a contrefaçon il peut
appliquer les sanctions énoncées dans la loi du 17 avril 2001, relative aux marques (c)
1- L’action civile
Lorsque les faits incriminés paraissent sérieux et que le juge a été saisi au fond d’une action
en contrefaçon (b), le titulaire de la marque peut demander au juge d’interdire temporairement
les actes de contrefaçon (a).
•
L’interdiction provisoire
L’objectif de l’interdiction provisoire est d’obtenir une interdiction temporaire sous astreinte
des actes de contrefaçon et éviter ainsi l’aggravation d’un éventuel préjudice subi par le
titulaire de la marque ou par son licencié exclusif, en attendant que l’affaire soit jugée au
fond.
La mise en œuvre d’une telle procédure d’urgence requiert que le tribunal ait été saisi au fond
d’une action en contrefaçon engagée dans de brefs délais et que celle-ci apparaisse sérieuse.
Le législateur tunisien considère que le bref délai ne doit pas dépasser un mois à partir du jour
où le propriétaire de la marque ou le licencié a eu connaissance des faits incriminés. En
France par contre la jurisprudence considère que ce bref délai peut aller jusqu’à six mois.
Il est préférable de faire la procédure en interdiction provisoire dans le cadre da l’action civile
car le délai d’un mois institué par le législateur ne suffit pas pour faire l’interdiction
provisoire dans l’action pénale dans laquelle les procédures peuvent durer plus que ce délai et
de ce fait elle risque de ne pas défendre les intérêts du demandeur d’une telle action et ainsi
aggraver le préjudice subi.
Les conditions de cette action selon l’article 49 de la loi du 17 avril 2001 sont :
-
La saisine du juge du fond.
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-
Dans un bref délai à savoir dans un délai de un mois à partir du jour où le propriétaire
de la marque ou le licencié a eu connaissance de l’atteinte fondant l’action.
-
Enfin, l’action doit apparaître sérieuse, ce qui ne signifie pas que la contrefaçon soit
établie de manière incontestable, ni qu’il soit nécessaire de prouver le trouble
manifestement illicite ou l’absence de contestation sérieuse.
Une fois toutes les conditions réunies, l’article 49 dispose que le président du tribunal peut
subordonner l’interdiction à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer
l’indemnisation éventuelle du préjudice subi par le défendeur si l’action en contrefaçon est
ultérieurement jugée non fondée.
Dans ce cadre on peut envisager plusieurs cas de figure tels que la fermeture provisoire du site
contrefaisant, l’interdiction de mettre les produits contrefaisants sur le site, la saisine de
l’hébergeur afin qu’il bloque l’accès au site…
Il faut dire aussi que le plus souvent, par souci d’efficacité, l’interdiction est assortie d’une
astreinte.
•
L’action au fond
L’action civile est portée devant les juridictions judiciaires ou répressives.
Il y a plusieurs cas de figure qui se présentent lors de l’action civile :
• Soit le défendeur est domicilié en Tunisie : le juge tunisien sera compétent pour connaître de
l’intégralité du dommage subi du fait de la mise en ligne du site contrefacteur ; et au niveau
interne le juge du lieu où aura été dressé le constat établissant la contrefaçon ;
• soit le défendeur est domicilié hors de Tunisie mais le fait générateur du dommage est
intervenu en Tunisie: le juge tunisien pourra connaître de l’intégralité du litige ;
• Soit le défendeur est domicilié hors de Tunisie, le fait générateur du dommage est intervenu
hors de Tunisie: le juge tunisien est compétent pour statuer uniquement sur la réparation du
dommage subi en Tunisie.
L’action est exercée par le titulaire de la marque, ou son licencié exclusif. Cependant toute
personne liée par un contrat de licence peut intervenir dans l’instance engagée par une autre
partie, pour obtenir réparation de son propre préjudice découlant de la contrefaçon.
Il faut aussi envoyer une mise en demeure au(x) défendeur(s), cette dernière a pour but de
démontrer la mauvaise foi du protagoniste s’il ne cesse pas par la même les actes de
contrefaçon. Cette mise en demeure est considérée comme un préalable à l’action judiciaire.
Le cumul de l’action en contrefaçon et de l’action en concurrence déloyale ?
Une action en concurrence déloyale pourra dans certains cas s’ajouter à l’action en
contrefaçon : lorsque des faits distincts de la contrefaçon constitutifs d’un tel comportement
déloyal viendront s’ajouter aux actes de contrefaçon. Ainsi lorsque ces faits dénoteront la
volonté de fausser le jeu normal de la concurrence.
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L’action en concurrence déloyale connexe à l’action en contrefaçon sera portée devant le
Tribunal saisi de cette dernière et sera sanctionnée par des dommages et intérêts.
2- L’action pénale
Selon les dispositions de l’article 44 de la loi de 2001 l’atteinte portée aux droits du
propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile et
pénale de son auteur. Donc la loi de 2001 considère que la contrefaçon de marques est un délit
intentionnel qui engage la responsabilité de son auteur.
L’action pénale peut être à l’initiative des mêmes personnes que celles qui peuvent déclencher
l’action civile. La contrefaçon de marque relève de la compétence du Tribunal correctionnel
soit du lieu du domicile ou résidence du contrefacteur soit celui du lieu où l’infraction est
commise. Les actes de contrefaçon constitutifs d’une infraction pénale sont restrictivement
définis par la loi.
En matière pénale, la question de la détermination du juge compétent est liée à la celle de la
détermination de la loi applicable. Celle-ci est définie notamment par l’article …du Code
Pénal comme ceci
Ainsi, dès lors qu’une contrefaçon de marque est commise sur un site Internet accessible en
Tunisie, le juge tunisien devrait s’estimer compétent.
3- Sanctions
Les sanctions civiles sont prononcées par le Tribunal judiciaire ou le Tribunal correctionnel
quand l’action civile a été jointe à l’action pénale. Les sanctions civiles sont tournées vers
l’intérêt particulier du propriétaire de la marque qui doit obtenir réparation pour le préjudice
lié à la contrefaçon. Les sanctions pénales sont de la compétence exclusive du Tribunal
correctionnel. Elles visent à condamner un comportement contraire à l’intérêt général.
C’est la loi n° 2001-36 du 17 avril 2001, relative à la protection des marques de fabrique de
commerce et de services qui énonce les sanctions civiles et les sanctions pénales relatives à la
contrefaçon de marques.
a- Sanctions civiles
Il s’agit de réparer le préjudice subi par le titulaire du droit sur la marque et là ce sont les
articles 49, 54 et 55 de la loi de 2001 qui nous donnent une idée sur les sanctions possibles sur
le plan civil.
•
La publication intégrale ou par extrait du jugement dans les journaux qu’il désigne
ainsi que son affichage dans les lieux qu’il indique notamment aux portes principales
des usines ou ateliers du condamné et à la devanture de ses magasins aux frais du
condamné.
D’après ce texte on peut imaginer la demande au juge de publier les décisions de
justice, sur Internet notamment par le biais d’un lien hypertexte.
• En cas de condamnation pour infraction aux dispositions des articles 51, 52 et 53 de la
loi de 2001, le tribunal peut prononcer la confiscation des produits ainsi que celle des
instruments ayant servi à commettre le délit.
•
Le tribunal peut également prescrire la destruction de ces produits.
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•
L’octroi de dommages et intérêts : à cet égard, le préjudice s’entend de la perte subie
(notamment du fait du discrédit résultant de la contrefaçon, de "l’atteinte à la valeur
attractive de la marque"...) et du gain manqué (par rapport au bénéfice réalisé par le
contrefacteur par exemple, d’où l’intérêt de recourir à la saisie - contrefaçon qui
permet d’évaluer le volume de ce bénéfice).
Les dommages et intérêts se divisent en la réparation du dommage moral qui est
souvent mal perçu par les juges tunisiens qui ne donnent pas réparation sur sa base, et
la réparation du dommage matériel qui jusqu’à nos jours n’a pas atteint sa dimension
économique en Tunisie.
•
L’interdiction à titre provisoire, et sous astreinte, la poursuite des actes argués de
contrefaçon, ou subordonner cette poursuite à la constitution de garanties destinées à
assurer l’indemnisation du propriétaire de la marque ou du bénéficiaire d’un droit
exclusif d’exploitation.
b- Sanctions pénales
La contrefaçon engage la responsabilité pénale de son auteur et est susceptible d’engager la
responsabilité pénale des personnes morales. Ces sanctions sont énumérées dans les articles
51 et 53 de la loi de 2001.
•
Amende de 5000 à 50 000 dinars.
•
En cas de récidive pour ce qui est des infractions définies aux articles 51et 52 de la loi
de 2001 l’article 53 donne une infraction supplémentaire en la forme d’un
emprisonnement de un à six mois qui peut être prononcé outre l’amende qui est portée
au double.
Concernant les personnes physiques les articles 51 et 53 prévoient :
Une sanction de un à six mois d’emprisonnement et de 5000 à 50 000 dinars d’amende, cette
peine peut être aggravée en cas de récidive en étant portée au double.
Par ailleurs des peines complémentaires peuvent être prononcées, telles que la privation
pendant au maximum 5 ans du droit d’élection et d’éligibilité pour les tribunaux du
commerce, les chambres du commerce et de l’industrie, des mesures de publicité de la
décision, la confiscation des instruments ayant servi à commettre le délit.
Concernant les personnes morales on peut penser que les articles 51 et 53 prévoient à
l’encontre de ces dernières seulement l’amende tout comme on peut imaginer l’interdiction à
titre définitif ou pour une durée limitée d’exercer directement ou indirectement l’activité dans
l’exercice de laquelle où à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.
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Les articles concernant les sanctions dans la loi n° 2001-36 du 17 avril 2001, relative à la
protection des marques de fabrique de commerce et de services.
Article 49:
Lorsque le tribunal est saisi d’une action en contrefaçon, son président, saisi et statuant en la
forme des référés, peut interdire, à titre provisoire, et sous astreinte, la poursuite des actes
argués de contrefaçon, ou subordonner cette poursuite à la constitution de garanties destinées
à assurer l’indemnisation du propriétaire de la marque ou du bénéficiaire d’un droit exclusif
d’exploitation.
On peut empêcher le titulaire du site d’exposer le contenu du site ou le produit contrefait sous
astreinte ou bien
La demande d’interdiction ou de constitution de garanties n’est admise que si l’action au fond
apparaît sérieuse et a été engagée dans un délai d’un mois à compter du jour où le
propriétaire de la marque ou le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation a eu
connaissance des faits sur lesquels elle est fondée. Le président du tribunal peut subordonner
l’interdiction à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer
l’indemnisation éventuelle du préjudice subi par le défendeur si l’action en contrefaçon est
ultérieurement jugée non fondée.
Article 54:
Le tribunal peut, dans tous les cas ordonner, aux frais du condamné, la publication intégrale
ou par extrait du jugement dans les journaux qu’il désigne ainsi que son affichage dans les
lieux qu’il indique notamment aux portes principales des usines ou ateliers du condamné et à
la devanture de ses magasins.
Article 55:
En cas de condamnation pour infraction aux dispositions des articles 51, 52 et 53 de la
présente loi, le tribunal peut prononcer la confiscation des produits ainsi que celle des
instruments ayant servi à commettre le délit.
Le tribunal peut également prescrire la destruction de ces produits.
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