Hémoglobinoses - Médecine tropicale
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Hémoglobinoses - Médecine tropicale
Hémoglobinoses Actualités 2016 Professeur Pierre Aubry, Docteur Bernard-Alex Gaüzère. Mise à jour le 20/12/2016 1. Généralités. La molécule d'hémoglobine (Hb) est un tétramère constitué de 4 chaînes identiques 2 à 2. L'HbA1 qui est composée de 2 chaînes alpha et de 2 chaînes bêta (α2β2), représente la quasi-totalité de l'hémoglobine adulte (95,5 à 97%). L'HbA2 qui est composée de 2 chaînes alpha et de 2 chaînes delta (α2δ2), représente 2 à 3,5% de l'hémoglobine adulte. L'HbF (ou Hb fœtale) composée de 2 chaînes alpha et de 2 chaînes gamma (α2γ2), représente 1% de l'hémoglobine adulte. Les hémoglobinopathies sont des maladies génétiques dans lesquelles il existe une anomalie héréditaire de l’hémoglobine. Les hémoglobinopathies sont divisées en deux groupes : - le groupe des hémoglobinoses présentant des anomalies structurales de la chaine globine, - le groupe des thalassémies caractérisées par un déficit d'une ou de plusieurs chaines de l'hémoglobine. Certaines pathologies sont composites appartenant aux deux groupes à la fois. L’anomalie hémoglobulinique des hémoglobinoses est l’apparition d’une hémoglobine pathologique qui se distingue des hémoglobines normales par une modification structurale affectant certaines chaînes polypeptidiques de l’hémoglobine. Les anomalies les plus fréquentes affectent les chaînes polypeptidiques bêta, plus rarement les chaînes alpha, exceptionnellement les chaînes gamma ou delta. La modification la plus habituelle est la substitution d’un acide aminé de la chaîne par un autre acide aminé. C’est ainsi que dans les trois hémoglobinoses à diffusion mondiale (la drépanocytose, l’hémoglobinose C et l’hémoglobinose E), l’anomalie structurale est la substitution d’un seul acide aminé des chaînes bêta de l’hémoglobine A par un autre acide aminé. 2. La Drépanocytose 2.1. Prévalence et géographie. C'est en 1910 qu'un médecin de Chicago (USA), Herrick, a décrit l'hématie en forme de faucille qui a donné son nom à la drépanocytose (sickle cell disease). La maladie était connue des populations africaines depuis trois siècles. La maladie drépanocytaire, qui regroupe la drépanocytose, le double hétérozygotisme SC et la β thalasso-drépanocytose (βthal), [et exceptionnellement le double hétérozygotisme SO Arab, SD Punjab, SE] est un problème de santé publique dans le monde. Chaque année, plus de 500 000 enfants drépanocytaires naissent, dont 300 000 en Afrique, la moitié des enfants meurent en Afrique avant l'âge de 5 ans. La drépanocytose est une maladie de la race noire avec deux foyers majeurs d'origine : l'Afrique subsaharienne d'une part et un arc arabo-indien d'autre part. La maladie est connue en Afrique noire, en Amérique (Etats-Unis, Brésil), aux Antilles, à Madagascar, dans les pays du Maghreb, dans tout le Moyen-Orient jusqu'en Arabie Saoudite, dans le sous-continent indien, dans le Bassin méditerranéen. C'est un problème majeur de santé publique en Afrique noire où la prévalence du trait drépanocytaire est très élevée : 15 à 25% en Afrique centrale et de l'Ouest. Elle est de 10 à 12% dans les DOM d'Amérique, de 1 à 15% dans les régions méditerranéennes. C’est une maladie de l’enfant, l’espérance de vie dépendant de la prise en charge : elle est d'autant plus élevée que le pays est développé (elle est de 40-50 ans pour les malades SS, de 65 ans pour les SC aux USA). La drépanocytose se répand dans le monde du fait de l’augmentation des flux migratoires et de la diffusion géographique de certains gènes pathologiques. 1 2.2. Mécanisme physiopathologique La substitution d'un acide glutamique par une valine en position 6 de la chaîne de la globine (β6Glu→Val) caractérise l'hémoglobine anormale de la drépanocytose : l'hémoglobine S. Le schéma physiopathologique de la drépanocytose est basé sur le fait, qu'à basse pression en oxygène, la désoxy-HbS se polymérise et s'organise en grandes fibres à l'intérieur du globule rouge, qui le déforment et le fragilisent. A côte de ce processus, il y a d'autres caractéristiques qui impliquent la déshydratation des GR drépanocytaires, leurs propriétés anormales d'adhérence à l'endothélium vasculaire, la participation de phénomènes inflammatoires et d'activation de toutes les cellules présentes dans le vaisseau et enfin des anomalies du tonus vasculaire et du métabolisme du monoxyde d'azote. L'ensemble de ces données ouvre la voie à des recherches pour une approche thérapeutique spécifique nouvelle. Le schéma physiopathologique classique de la drépanocytose rend compte de l'anémie hémolytique et des aspects mécaniques des crises vaso-occlusives (CVO). La polymérisation de l'HbS est cause d'un défaut de déformabilité des globules rouges (drépanocytes) en milieu pauvre en oxygène. Les accidents évolutifs les plus fréquents surviennent dans des conditions qui favorisent la réduction durable et profonde de l'hémoglobine (hypoxie, stase, acidose). Ils consistent en des microthrombi des capillaires profonds qui finissent par générer des infarctus tissulaires : ce sont les CVO. Chez le petit enfant, ce sont surtout les régions distales des membres qui sont concernées. Plus tard, ces CVO peuvent survenir en n'importe quel point du squelette, mais aussi au niveau des viscères profonds (thorax, abdomen). La maladie drépanocytaire s'accompagne d'une sensibilité aux infections et les CVO favorisent la surinfection des zones infarcies. L'immunodépression des drépanocytaires est expliquée en partie par l'asplénie fonctionnelle consécutive aux infarctus spléniques multiples. 2.3. Transmission La drépanocytose est transmise selon le mode autosomique récessif : hétérozygote AS, homozygote SS, double hétérozygotes ou «hétérozygotes composites» : AS+AC : SC, AS+ β thal.: Sβ thal. 2.4. Etude clinique 2.4.1. La drépanocytose hétérozygote ou trait drépanocytaire Elle est en général asymptomatique. Le diagnostic est porté sur le test de falciformation ou test d’Emmel, qui objective la déformation caractéristique des hématies en hypoxie, et sur l’électrophorèse de l’hémoglobine sur acétate de cellulose à pH alcalin ou sur focalisation isoélectrique sur gel d’agarose qui confirme le diagnostic de drépanocytose hétérozygote en identifiant : Hb A : 55 à 60%, Hb S : 40 à 45%, Hb A2 : 2 à 3%. Si elle est symptomatique, il faut rechercher la coexistence d’une autre anomalie, par exemple un déficit enzymatique en pyruvate kinase. Il faut faire attention à l’hypoxie qui est aggravante. Chez le sportif AS, le phénomène de falciformation se manifeste préférentiellement en cas d'exercices intenses et/ou prolongés, en altitude, en ambiance chaude, voire en cas d'asthme concomitant. Certains symptômes sont des signes d'alarme : vertiges, malaises, nausées, vomissements, fatigue excessive, élévation de la température corporelle. Une rhabdomyolyse est observée chez des militaires et chez des sportifs de haut niveau porteurs d’une drépanocytose hétérozygote après effort physique intense et peut être cause de décès, ce qui doit entraîner des modifications de certains modes d'entraînement. La drépanocytose hétérozygote confère une résistance naturelle au paludisme, la densité parasitaire est nettement moindre et les formes cliniques graves moins fréquentes, ce qui explique que la drépanocytose AS soit plus fréquente dans les régions exposées au paludisme. 2.4.2. La maladie drépanocytaire Encore appelée « Syndromes drépanocytaires majeurs (SDM) », la maladie drépanocytaire a une grande variabilité d'expression clinique. Elle est marquée par trois grandes catégories de manifestations cliniques : phénomènes vaso-occlusifs, anémie hémolytique chronique avec épisodes d'aggravation aiguë, infections bactériennes. 2.4.2.1. Les modes de révélation La maladie drépanocytaire se révèle le plus souvent dès l'âge de 3 mois (mais jamais avant l'âge de 2 mois, compte tenu de la présence d'HbF) par : 2 − des crises vaso-occlusives (CVO) ou crises douloureuses drépanocytaires : syndrome «mainspieds» chez le nourrisson, avec dactylite (gonflement douloureux des doigts et des pieds); douleurs osseuses d’autres localisations chez le petit enfant; − des anémies aiguës (taux d’hémoglobine < 5 g/dL, le plus souvent 2 à 3 g/dL) nécessitant une transfusion sanguine d’urgence, dues à des crises hémolytiques aiguës, plus rarement à des crises de séquestration splénique aiguë avec splénomégalie, douleurs abdominales, choc hypovolémique mettant en jeu le pronostic vital ; - des infections : pneumonies (dues au pneumocoque, à Haemophilus influenzae), ostéites souvent extensives et plurifocales (dues aux salmonelles non typhiques, aux staphylocoques dorés), méningites (dues aux pneumocoques), infections urinaires, septicémies, chocs septiques. Les accès palustres à Plasmodium falciparum entraînent une aggravation de l’anémie. Il faut insister sur l'importance des infections, en particulier des infections à pneumocoques, comme cause précoce de mortalité, souvent même avant qu'un diagnostic de drépanocytose ait été porté. Le risque de mortalité est maximal entre 6 mois et 3 ans. 2.4.2.2. Le devenir de la maladie drépanocytaire 2.4.2.2.1. Sur fond d’anémie et de retard staturo-pondéral, 2.4.2.2.2 Les complications aiguës sont celles qui ont révélé la maladie chez le petit enfant : − crises douloureuses à répétition au niveau des os : os longs, vertèbres, thorax (côtes, sternum) qui durent 4 à 5 jours, et crises douloureuses de l’abdomen avec iléus réflexe durant 2 à 3 jour. - infections. - anémies de cause infectieuse (bactérienne, paludéenne) ou par aplasie médullaire (érythroblastopénie due au parvovirus B19). - accidents vaso-occlusifs : infarctus osseux, ostéomyélites aiguës (douleur osseuse, fixe et durable malgré un traitement antalgique chez un enfant fébrile) dues aux salmonelles non typhiques, aux pneumocoques, aux staphylocoques dorés; déficits neurologiques, les accidents vasculaires cérébraux (accident ischémique, hémorragie cérébrale) étant une complication redoutable de la drépanocytose chez l’enfant et chez l’adolescent réalisant la vasculopathie cérébrale : 10% des drépanocytaires présentent un infarctus cérébral symptomatique avant l'âge de 20 ans, infarctus cérébral silencieux, complication très fréquente chez l’enfant, indétectable à l’examen neurologique, associé à un risque élevé de récurrences, d’AVC et de quotient intellectuel inférieur. - syndromes thoraciques aigus (acute chest syndrom) associant signes respiratoires, fièvre, douleur thoraco-abdominale et foyer pulmonaire de novo à la radiographie thoracique, dus au pneumocoque, au virus grippal, avec risque de thrombose pulmonaire (prévalence de 17%). - priapisme ischémique aigu, érection violente survenant sans stimulus sexuel et durant plus de 4 heures, ou intermittent chronique. - épistaxis abondantes. 2.4.2.2.2. Les complication chroniques se voient chez les adolescents et les adultes : - ulcères de jambe (au niveau des chevilles) ; - ostéonécrose aseptique des têtes fémorales, des vertèbres, des têtes humérales ; - arthrites aseptiques (au niveau des genoux), - rétinopathie pré-proliférative ou proliférative : douleur oculaire, perception de taches noires, chute brutale de l'acuité visuelle; nécessitant un bilan annuel pour les SC dès l'âge de 6 ans, pour les SS dès l'âge de 10 ans, - lithiase vésiculaire asymptomatique dans la moitié des cas et mise en évidence à l'échographie abdominale, avec une incidence cumulée de 5% à 5 ans, de 36% à 15 ans, - atteinte rénale : hyposthinurie (diminution de concentration maximale des urines responsable de déshydratation), hématurie, insuffisance rénale aiguë, insuffisance rénale chronique révélée par une protéinurie à rechercher systématiquement, - atteinte cardiaque : cardiomégalie liée à l'anémie chronique, - atteinte pulmonaire : hypertension artérielle pulmonaire, la prévalence de l'HTAP serait de 6% chez l'adulte (cathétérisme du coeur droit), - hépatomégalie liée en partie à la surcharge en fer, - hypoacousie, - carence en vitamine D chez l'enfant et chez l'adulte, avec plus grande fréquence de fractures et d'ostéonécrose et toujours le risque de complications vasculo-occlusives aiguës (os longs, os plats). 3 La distinction en trois périodes de l’histoire naturelle de la maladie drépanocytaire comporte : - avant 7 ans : le syndrome mains-pieds du nourrisson, les infections (pneumocoques), les épisodes anémiques aigus, le retard staturo-pondéral, l'apparition de la vasculopathie cérébrale, - après 7 ans : la répétition des syndromes vasculo-occlusifs hyperalgiques, la vasculopathie cérébrale, l'apparition des syndromes thoraciques aigus, à l’âge adulte : les problèmes orthopédiques et ophtalmologiques. Première note : Le risque d'AVC chez les enfants SS et Sβ°thal nécessite une surveillance par la réalisation d'un doppler trans crânien annuel entre les âges de 12-18 mois et de 16 ans. Deuxième note : Le syndrome thoracique aigu (STA) défini comme « un nouvel infiltrat pulmonaire » sur la radiographie du thorax, est fréquent chez l'enfant drépanocytaire, notamment entre les âges de 2 et 7 ans, dans la forme SS et Sβ°. Il survient près d'une fois sur deux après une crise vasoocclusive. Une infection pulmonaire est la première cause à rechercher : virus, pneumocoque, mycoplasme, chlamydia. La répétition des STA fait craindre une évolution ultérieure vers l'insuffisance respiratoire chronique et l'HTAP. La survenue de deux STA est une indication à débuter un traitement par hydroxiurée. Troisième note: la drépanocytose est une des causes de la Maladie de moya-moya qui est une maladie angiogénique liée à une sténose progressive des artères cérébrales situées à la base du cerveau, concernant la partie intra-cérébrale des carotides internes, avec développement d'un réseau collatéral qui donne un aspect de cigarette (moya-moya en japonais). Elle entraîne chez l'enfant des accidents ischémiques, chez l'adulte des hémorragies. 2.5. Les formes cliniques 2.5.1. La drépanocytose SS en Afrique noire Les études génotypiques ont mis en évidence un contexte génétique variable distinguant 3 foyers majeurs nettement distincts et génétiquement homogènes : - l'extrême ouest Atlantique centré sur Dakar, où la maladie est moins sévère, - l'ensemble des pays du golfe du Bénin, - l'Afrique centrale Bantoue, où la maladie est plus grave. 2.5.2. La notion de maladie drépanocytaire initialement réservée aux sujets homozygotes SS concerne également les hétérozygotes composites SC et Sβ thal. L'origine du gène βC a été localisé au niveau du plateau voltaïque et a diffusé de façon concentrique à toute l'Afrique de l'Ouest où l'hétérozygotisme SC peut être aussi fréquent que l'homozygotisme SS. Ses principales complications aiguës sont les crises vaso-occlusives douloureuses, le syndrome thoracique aigu, le priapisme. Les principales complications chroniques sont les atteintes ophtalmologiques (rétinopathie proliférative) et oto-rhino-laryngologiques. Les complications thrombotiques engagent le pronostic vital. Certaines complications sont moins fortement prévalentes dans la SC que dans la SS : néphropathie, HTA pulmonaire, AVC, ulcères de jambe. Les formes composites Sβ thal, moins fréquentes, s'observent en Afrique occidentale. 2.5.3. Deux facteurs modulateurs sont susceptibles de modifier l'expression génotypique de la drépanocytose. Les α-thalassémies délitionnelles en diminuant la concentration intra-cytoplasmique de l'Hb peuvent atténuer la sévérité de la maladie. Un autre élément modulateur est une surexpression génétique de l'HbF qui s'oppose au phénomène de falciformation. 2.5.4. La drépanocytose chez la femme enceinte La grossesse est une période à haut risque : avortements précoces à répétition, retards de croissance fœtale, morts fœtales in utero, crises d’éclampsie, infarctus, infections, complications liées aux thromboses et à l’hypoxie qui peuvent engager le pronostic vital de la mère (2%) et de l’enfant (30%). 2.5.5. Drépanocytose et paludisme L'infection palustre a lieu chez le sujet AS comme chez le sujet normal AA, mais la densité parasitaire est nettement moindre et les formes cliniques graves moins fréquentes. Toutefois, l'effet protecteur chez l'hétérozygote AS disparaît à la période d'apparition de l'immunité antipalustre. Les patients atteints de drépanocytose majeure ne sont pas protégés du paludisme comparés aux sujets AS, mais exposés de la même manière que les sujets non drépanocytaires. 4 Les principaux signes cliniques des hémoglobinopathies SS, SC, Sβ thal sont résumés dans le tableau I. Tableau I – Principaux signes cliniques des hémoglobinopathies SS, SC, Sβ thal Signes cliniques SS SC Sβ thal Anémie Sévère Modérée Douleurs musculosquelettiques Ostéonécrose de la hanche Croissance Depuis l’enfance Fin de l’enfance Sévère si Sβ°thal, Modérée si Sβ+thal Depuis l’enfance Rare Fréquente Fréquente Presque normal Ictère Retard de croissance, Taille normale Permanent Modéré et inconstant Retard de croissance, Hypotrophie Permanent Splénomégalie Rare Fréquente Fréquente Hépatomégalie Fréquente Rare Fréquente Ulcères de jambe Habituels Très rares Occasionnels Signes oculaires Fréquents Fréquents Grossesses viables Jusqu’à 3 Fréquents et graves (rétinopathie) Plusieurs Souvent non viable 2.6. Le diagnostic au laboratoire 2.6.1. Le diagnostic en urgence des SDM a pour but d'identifier l'HbS. Il repose sur le test d'Emmel ou test de falciformation et le test d'Itano : - le test d'Emmel consiste à mettre sur une lamelle une goutte de sang en présence d'une goutte de métabisulfite de sodium à 2%, la lamelle est lutée à l'aide de paraffine, l'examen se fait après 30 mn au microscope et montre un aspect en faucilles des hématies, - le test d'Itano est un test de solubilité de l'hémoglobine. Il se pratique sur un hémolysat d'hémoglobine ajusté à 4%. En présence d'hyposulfite de sodium, l'hémoglobine S précipite. Après centrifugation, on observe un caillot rose et un surnageant limpide en présence d'HbS; en l'absence d'HbS, le surnageant est rouge. 2.6.2. Le diagnostic définitif repose sur l'étude de l'hémoglobine. Le but est de séparer et de quantifier les différentes hémoglobines. L'examen classique est l'électrophorèse à pH alcalin avec un témoin normal et un ou plusieurs témoins contenant des fractions anormales (F, S, C…). L'hémoglobine S est bien séparée de l'hémoglobine A 1 en électrophorèse à pH alcalin. L’utilisation combinée de l’isoélectrofocalisation et de la chromatographie liquide à haute performance (CLHP) permet le diagnostic des mutants rares de l’hémoglobine. 5 Le tableau II résume les principales caractéristiques biologiques des syndromes drépanocytaires. Hb (g/dL) Normale SS SC Sβ°thal Sβ+thal 12-16 7-9 10-12 7-9 9-12 0 1-25 80-90 55-90 <5 5 - 15 5 - 15 0 4-6 4-6 Electrophorèse de l’Hb (%) A1 95,5-97 S 0 F 1 A2 2-3,5 0 77-98 2-20 2-3 0 50 Plusieurs types d'hémoglobine peuvent avoir la même migration électrophorétique à pH alcalin : l'hémoglobine S migre au même niveau que l'Hb D, les hémoglobines C, E, O Arab migrent au même niveau que l'hémoglobine A2. L'électrophorèse à pH acide sépare HbS et HbD, HbC et HbA2. En pratique, l'interprétation doit tenir compte de l'âge, de l'origine géographique, des données de l'hémogramme. La biologie moléculaire (PCR) peut être utile à la différenciation d'une SS et d'une Sβ°thal. Les méthodes de diagnostic classique (électrophorèse, CLHP) sont irréalisables dans les zones de forte prévalence et les simples tests de solubilité ne permettent pas de faire la différence entre les formes pathologiques et les porteurs sains. Une méthode simple, rapide et peu coûteuse a été proposée pour le diagnostic de la drépanocytose. Deux tests rapides pour le diagnostic des formes les plus répandues de syndromes drépanocytaires (SS et SC), sont basés sur une mesure sensible, mais pratique, de la densité des GR à l’aide de systèmes multiphasiques aqueux, ce qui permet de distinguer les personnes atteintes des principales formes de syndromes drépanocytaires de celles ayant une hémoglobine normale (AA) ou non pathologique (AS). Un système triphasique permet de séparer les 2 sous-types pathologiques majeurs (SS et SC). Cette méthode aurait un grand intérêt dans les régions reculées. 2.6.3. Le laboratoire doit également faire le bilan des autres facteurs génétiques susceptibles de modifier la clinique : α-thalassémie, hémoglobine F. 2.6.4. L'hémogramme sert à surveiller l‘état basal : numération formule sanguine et réticulocytes avec anémie hémolytique régénérative (Hb ≅ 7g/dL, réticulocytes : 200-600 G/L), hyperleucocytose > 3 3 15 000 /mm et hyperplaquettose > 400 000/mm . Seul le taux d'Hb est donné dans le tableau II, les paramètres hématologiques variant selon le génotype, l'âge et le sexe des patients, avec des différences selon que l'examen est réalisé au cours d'une phase stationnaire ou au cours d'une crise aiguë ou de complications. 2.7. Le pronostic Le pronostic des SDM est difficilement prévisible. Ils forment un groupe non homogène en terme de sévérité et de pronostic. Ainsi, l'anémie est d'intensité très variable dans les Sβ thal, les Sβ+thal étant les mieux tolérées. La mortalité reste élevée en Afrique noire, mortalité maximale chez l'enfant entre 1 et 5 ans, puis à l'âge adulte chez la femme enceinte. Un enfant SS sur 2 décède avant l'âge de 5 ans et seulement 1 sur 10 parvient à l'âge adulte. Les difficultés de prise en charge des enfants dans les pays en développement expliquent cette mortalité, alors que la prise en charge des enfants atteints d'hémoglobinopathies dans les pays industrialisés a permis d'obtenir une réduction importante de la morbidité et de la mortalité. 2.8. La prise en charge de la maladie drépanocytaire 2.8.1. Il faut élaborer des programmes nationaux de lutte avec : - la mise en place de Centres spécialisés de dépistage, de soins et de suivi, 6 ème - le dépistage néo-natal, à faire le 3 jour de vie, après information de la famille, - l’antibioprophylaxie des infections à pneumocoques par pénicilline V, - les vaccinations du Programme Elargi de Vaccinations, dont la vaccination contre Hemophilus influenzae type b et la vaccination anti-pneumococcique, - les transfusions sanguines ponctuelles (avec un dépistage systématique de l’infection à VIH/Sida, des hépatites B et C chez les donneurs de sang). Elles réduisent le risque d’infarctus cérébral silencieux, mais les transfusions répétées ont pour conséquence inévitable la surcharge en fer. 2.8.2. A ces mesures de base, il faut ajouter : - l’éducation des parents, en insistant sur les facteurs favorisants les CVO : exposition au froid, à la haute altitude, efforts physiques continus (contexte d'hypoxie), fièvre, déshydratation - les règles hygiéno-diététiques, en particulier la nécessité d'une hydratation abondante (« l'enfant doit garder les urines aussi claires que possible »), - l'allaitement maternel - une supplémentation en acide folique (5 mg/j), en zinc (10mg de zinc/élément) en période prépubertaire, en vitamine D, - une lutte contre la surcharge en fer liée aux transfusions qui intervient dans la morbidité et la mortalité. L’administration d’un chélateur par voie orale permet de lutter contre cette surcharge. - le déparasitage systématique par un antihelminthique, tous les 3 mois chez les enfants de moins de 5 ans, tous les 6 mois de plus de 5 ans, - la chimioprophylaxie antipalustre chez le petit enfant et la femme enceinte, - la prévention de l’infection à VIH/Sida (risque de sepsis grave lié au pneumocoque si drépanocytose et infection à VIH associées), - l'information du public, - la formation du personnel de santé, - la contraception de la mère est basée sur des méthodes contraceptives de longue durée, notamment chez les jeunes femmes par stérilets ou implants, plus efficaces que la pilule, le patch ou l'anneau. 2.8.3. Le dépistage de la drépanocytose avant qu'elle ne se déclare C'est le dépistage néo-natal (DNN) qui est prôné par l'OMS. C'est le dépistage à la naissance des ème enfants à risque au 3 jour de la vie. Il permet de débuter avant l'âge de 3 mois le traitement préventif des infections et de l'anémie et d'informer les parents sur la maladie. En France, le dépistage est actuellement proposé à tous les enfants nés dans les DOM ou en métropole lorsque les deux parents sont originaires d’une région à risque (ou un seul des 2 si le second n’est pas connu), s’il existe des antécédents de syndrome drépanocytaire et si un doute persiste sur les critères précédents. 2.9. Le traitement de fond 2.9.1. Les transfusions sanguines Elles ont pour buts soit de corriger l'anémie aiguë, soit de remplacer les hématies drépanocytaires par des hématies normales. Ces buts sont atteints par les transfusions simples ou les échanges transfusionnels. Les échanges transfusionnels consistent à soustraire par saignées du sang du patient et à le remplacer par des culots globulaires de donneur compatible, ce qui aboutit à diminuer la proportion d'HbS dans le sang circulant. Le tableau III résume les indications des transfusions sanguines simples et des échanges transfusionnels Tableau III - Transfusions sanguines chez l'enfant drépanocytaire Transfusions sanguines simples Indications : anémie aiguë mal tolérée ou taux d’Hb < 5 g/dL, crise douloureuse hyperalgique résistante à la morphine, ou syndrome thoracique aigu avec un taux d'hémoglobine > 9 g/dL et sans défaillance viscérale associée. Objectifs : ramener le taux d’Hb à sa valeur de base ou obtenir un taux d’HbS de 60% Modalités : transfuser 3 ml/kg de culot globulaire ou 6 ml/kg de sang total pour obtenir un gain de 1 g/dl d’hémoglobine Echanges transfusionnels Indications : AVC, crise douloureuse hyperalgique résistante à la morphine ou syndrome thoracique aigu avec un taux d'Hb > 9 g/dL ou s'il existe une défaillance viscérale associée, priapisme aigu résistant à l'injection d'étiléfrine 7 et au drainage, préparation à une anesthésie générale prolongée, Objectif : obtenir un taux d’HbS de 30 à 40% Modalités : soustraire 45 ml/kg de sang du patient et transfuser 30 ml/kg de culot globulaire en 3 étapes : - première étape : soustraire 10 ml/kg de sang du patient et perfuser simultanément 10 ml/kg de sérum, - deuxième étape : soustraire 35 ml/kg de sang du patient et transfuser simultanément 35 ml/kg de culot globulaire - troisième étape : réajuster l’hématocrite à 45% par une perfusion de sérum physiologique. Première note : les risques des transfusions répétées sont l'allo-immunisation, la surcharge en fer, les contaminations transfusionnelles : hépatite à virus C, paludisme transfusionnel, infection à VIH/Sida. Deuxième note : le recours aux transfusions est presque constant en cours de grossesse, soit en présence de manifestations pathologiques et/ou juste avant l’accouchement, soit de manière systématique dès le début de la grossesse (les transfusions prophylactiques permettraient d’assurer une plus grande sécurité transfusionnelle). 2.9.2. La réactivation de la synthèse de l’hémoglobine fœtale (HbF) par l'hydroxycarbamide ou l'hydroxyurée (Hydrea®, Siklos®) : les indications sont la survenue de plus de trois crises douloureuses hospitalisées par an et/ou deux syndromes thoraciques aigus par an. Des anomalies du flux sanguin détectés par doppler trans-crânien sont aussi une indication à l'hydroxyurée. Elle n'agit pas sur les infections pulmonaires ou osseuses. L'hydroxyurée augmente le taux de l'hémoglobine totale, de l'HbF, le VGM et diminue le nombre de transfusions. De plus, elle préviendrait les formes graves de paludisme, en particulier le neuro-paludisme. 2.9.3. L'allogreffe de cellules souches hématopoïétiques est la seule thérapeutique curative de la drépanocytose. Elle nécessite un donneur de la fratrie hétérozygote ou indemne du trait. Elle reste l'apanage des pays du nord, où elle est encore réservée aux enfants atteints d'une vasculopathie cérébrale (antécédents d'AVC, sténose artérielle cérébrale), de CVO et/ou de STA sévères malgré la mise en route d'un traitement bien conduit par hydroxyurée. Elle donne 95% de bons résultats. 2.9.4. La thérapie génique Le congrès de la Société américaine d’hématologie (Orlando, 2015) a confirmé le succès de la thérapie génique dans la drépanocytose (et aussi la β-thalassémie). Des équipes de l’AP-Hôpitaux de Paris sont impliquées dans le déroulement des essais cliniques. Les chercheurs « espèrent étendre très rapidement cette stratégie à tous les patients dont l’état clinique nécessite une greffe allogénique, mais qui n’ont pas de donneur familial compatible ». C’est une approche totalement nouvelle dans la drépanocytose. 2.9.5. Anticorps monoclonal humanisé dirigé contre la P-sélectine Chez des patients atteints de drépanocytose homozygote, d’hémoglobinopathie HbSC et de thalassodrépanocytose, il a été observé une diminution très significative du nombre de crises vaso-occlusives sous crizanlizumab, un anticorps monoclonal humanisé dirigé contre la P-sélectine. La P-sélectine est contenue dans les granules de stockage des cellules endothéliales vasculaires et des plaquettes et est libérée à la surface de ces cellules lors de leur activation dans un contexte inflammatoire. Elle initie le processus d'adhésion des leucocytes en particulier neutrophiles à l'endothélium vasculaire. 2.10. La pratique du traitement Crises vaso-occlusives (syndrome pied-main, os, articulations, abdomen, thorax) - hydratation abondante dès la survenue d'une crise douloureuse, - prise d'antalgiques : selon l'intensité des douleurs, paracétamol oral (30 mg/kg à renouveler) ou paracétamol + codéine (0,5 à 1 mg/kg/dose à renouveler) en ambulatoire; nalbuphine (0,4 à 0,5 mg/kg par voie intra rectale ou 0,2 à 0,3 mg/kg en IV lente) ou opioïdes (morphine : dose de charge de 0,4 à 0,5 mg/kg orale ou 0,1 mg/kg en IV lente) à l'entrée en milieu hospitalier. Un AINS, l'ibuprofène, peut être proposé, sauf en cas de douleurs abdominales. Infections - traitement antibiotique probabiliste des infections microbiennes, en attente des résultats des cultures si elles sont pratiquées, traitement bactéricide, avec un passage méningé, actif en particulier sur les pneumocoques de sensibilité diminuée à la pénicilline, sur H. influenzae et sur les salmonelles. 8 Anémies aiguës Transfusions si le taux d’Hb est < 5 g/dL : - hyperhémolyse aiguë : transfusions, - séquestration splénique aiguë : urgence absolue, met en jeu le pronostic vital, transfusions en urgence; après le deuxième épisode, programme transfusionnel et splénectomie à discuter après l'âge de 2 ans (risque de thrombose porte) - érythroblastopénie aiguë liée au parvovirus B19, épisode transitoire de 7 à 10 jours : transfusions à répéter si nécessaire. Syndrome thoracique aigu - oxygénothérapie, maintenir une saturation artérielle en oxygène > 95%; - traitement antalgique - antibiothérapie à large spectre active sur les germes intracellulaires et le pneumocoque (macrolides et cefotaxime ou ceftriaxone) - hydratation, - transfusion simple ou échange transfusionnel - au-delà de 2 épisodes de STA, hydroxyurée ou programme transfusionnel Ostéomyélite - différencier CVO et ostéomlyélite, pratiquer radiographie standard, échographie ostéo-articulaire (abcès sous-périosté ?), ponction osseuse ou articulaire, - en cas d'ostéomyélite : immobilisation, antalgiques, bi-antibiothérapie IV. Ostéonécrose de la tête fémorale ou de la tête humérale : traitement conservateur : antalgiques, AINS, mise en décharge. Accident vasculaire cérébral - AVC constitué : obtenir un taux d'Hb de 9-11 g/dl et un taux d'HbS < 30% par transfusions/échanges, ni héparinothérapie, ni fibrinolytiques, hydroxyurée, transplantation de cellules souches, - prévention de la récidive : échanges transfusionnels mensuels, - prévention primaire : échographie-doppler intra-crânien (enfants SS et Sβ°thal) Priapisme - hydratation, antalgiques (paracétamol) - le priapisme est une urgence fonctionnelle : s'il dure depuis < 3 heures : injection intra-caverneuse d'un alpha-agoniste de type étiléfrine (Effortil®) ; s'il dure depuis > 3 heures : drainage sans lavage sous anesthésie locale jusqu'à obtention de sang rouge + injection intra-caverneuse d'étiléfrine, ème intervention d'Al-Ghorab en 2 intention (anastomose caverno-spongieuse distale) - prévention des récidives : étiléfrine par voie orale (0,5 mg/kg/j, programme transfusionnel. Lithiase biliaire - cholécystectomie (cœlioscopie : méthode de choix si disponible et maîtrisée ou laparotomie), même en cas de lithiase asymptomatique. Rétinopathie : rétinopathie proliférative : photo-coagulation au laser (si disponible). Ulcères de jambe - repos au lit avec surélévation du membre atteint, - nettoyage quotidien au sérum physiologique et application de pansements, - traitement antalgique efficace lors des pansements, - traitement antibiotique par voie générale adapté au germe en cas de surinfection Complications rénales - hydratation par boissons abondantes, - recherche de protéinurie pour dépister une insuffisance rénale chronique. - traitement par hydroxyurée. Complications cardiaques - traitement des cardiomyopathies avec insuffisance cardiaque, 9 - transfusions, programme transfusionnel. Hémochromatose post transfusionnelle - médications chélatrices du fer (chélateurs oraux : déferipone (Ferriprox®) et deférasirox [Exjade®], voir thalassémies). La maladie drépanocytaire est dans les pays en développement, tout particulièrement en Afrique subsaharienne, une maladie grave, de prise en charge difficile, d’où la nécessité d’une prévention par l’instauration systématique d’une électrophorèse de l’hémoglobine comme examen prénuptial pour chaque couple à risque. 3. Les hémoglobinoses C. E, D et O Arab 3.1. L'hémoglobinose C Elle s'observe essentiellement dans la race noire. L'origine du gène βC a été localisée au niveau du plateau voltaïque. Elle est due au remplacement d'un acide glutamique par une lysine. L'hémoglobinose C hétérozygote (AC) est une maladie inapparente. Le diagnostic est basé sur l'électrophorèse de l'Hb : HbC 25-45%, HbA2 1-4%. Note : les HbC, A2 et E migrent au même niveau à pH alcalin, séparation par chromatographie. L'hémoglobinose C homozygote (CC) est caractérisée par un syndrome anémique modéré, une splénomégalie, une lithiase biliaire. Le taux d'hémoglobine est entre 10 et 13 g/dL, il y a 100-200 G/L de réticulocytes, 50 à 90% d'hématies en cible. A l'électrophorèse de l'Hb : HbC > 90%, HbA2 absente, HbF 3 à 8%. Le double hétérozygotisme SC se rapproche de la drépanocytose, mais en moins sévère. Parmi les complications, on note une perte progressive de la vision à l'âge adulte due à une rétinopathie. L'anémie est modérée, les réticulocytes = 100-200 G/L, il y a 30-50 % d'hématies en cible et de rares drépanocytes. A l'électrophorèse de l'hémoglobine : HbS 40-50%, HbC 40-50%, HbA absente; HbF normale ou ± augmentée. 3.2. L'hémoglobinopathie E C'est la seconde hémoglobinopathie dans le monde après l'hémoglobinopathie S. Elle s'observe en Asie du sud-est, en particulier en Thaïlande, au Cambodge, au Laos où 35% de la population est atteinte. Au total, 30 à 50 millions de personnes sont porteuses. Elle est due au remplacement d'un acide glutamique par une lysine. Comme la drépanocytose, l'hémoglobinopathie E confère une certaine résistance au paludisme. L'hémoglobinose E hétérozygote (AE) se caractérise par une microcytose sans anémie ou une pseudo polyglobulie microcytaire. Le taux d'hémoglobine est normal. Il y a plus de 10% d'hématies en cible. A l'électrophorèse de l'hémoglobine : HbE 30-40%, HbA 60-70%. L'hémoglobinose E homozygote (EE) entraîne une microcytose avec anémie absente ou modérée. Le taux d'hémoglobine est de 12 à 15 g/dL, il y a plus de 30% de globules rouges en cible. L'électrophorèse de l'hémoglobine montre : HbE > 70%, HbF 20 à 30%. Le double hétérozygotisme HbE/β thal a un aspect de thalassémie majeure. 3.3. L'hémoglobinose D ou hémoglobine Pundjab. Elle est surtout rencontrée en Inde dans le Pundjab. L'hémoglobine D migre comme l'HbS en milieu alcalin, mais le test d'Emmel est négatif. L'hémoglobinose D hétérozygote (AD) n'entraîne ni anomalie clinique, ni anomalie biologique, mais il y a de nombreuses hématies en cible. Seule l'électrophorèse est anormale : HbD 25-40%. L'hémoglobinose D homozygote (DD) se caractérise par une splénomégalie, une anémie modérée, de nombreuses hématies en cible et à l'électrophorèse de l'hémoglobine > 95% d'HbD. Le double hétérozygotisme HbD/β°thal a une symptomatologie clinique et biologique proche de l'HbD homozygote, mais les Hb A2 et F sont > 10%. 3.4. L'hémoglobinopathie O Arab 10 Elle est rare. Elle est rencontrée dans le Balkans, le Bassin méditerranéen, le Moyen-Orient, l'Afrique, les Antilles. La forme homozygote O Arab O Arab est peu symptomatique. L'anémie hémolytique chronique est modérée. A l'électrophorèse de l'hémoglobine : Hb A1: 0%, HbF : <5%, Hb O Arab : 95-98%, Hb A2 : 2-3%. La forme hétérozygote composite HbS/O Arab est caractérisée par une anémie modérée (7-9g/dl) avec normocytose, réticulocytes : 100-300 G/L. A l'électrophorèse de l'hémoglobine : HbA1: 0%, HbF : 5-15%, HbS : 45-55%, Hb O Arab : 45-50%, HbA2 : 2-3%. La forme hétérozygote composite βthal/O Arab est caractérisée par un tableau de thalassémie intermédiaire avec une anémie modérée, microcytaire, hypochrome. Une thrombopénie, témoin de l'hypersplénisme est retrouvée dans 40% des cas. Transfusions et splénectomie sont réservées aux formes très anémiques, souvent compliquées d'hypersplénisme. Références - Galacteros F. Bases physiopathologiques de la drépanocytose, prise en charge et actualités thérapeutiques. Bull Soc Pathol Exot, 2001, 94, 77-79. - Wajcman W., F Galacteros F. Drépanocytose : laboratoire et études de l'hémoglobine. Bull Soc Pathol Exot, 2001, 94, 80-84. - Bégué P., Castello-Herbreteau B. La drépanocytose : de l'enfant à l'adolescent, Prise en charge en 2001. Bull Soc Pathol Exot, 2001, 94,,85-89. - Thuret I. Prise en charge thérapeutique des patients atteints de thalassémie majeure. 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