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Long-métrage américain .
Genre : Comédie , Romance
Date de sortie cinéma : 10 août 1945
Durée : 01h37min
Titre français: Rendez-vous
Réalisation : Ernst Lubitsch
Avec : James Stewart (Alfred Kralik),
Margaret Sullavan (Klara Novak),
Frank Morgan (Hugo Matuschek ),
Joseph Schildkraut (Ferencz Vadas),
Sara Haden (Flora Katcuck),
Felix Bressart (Pirovitch),
William Tracy (Pepi Katona)
Auteurs & scénaristes : Miklós László
(d'après la pièce 'Parfumerie'), Samson
Raphaelson et Ben Hecht
Synopsis : Chez Matuschek et Cie, une
grande boutique de maroquinerie, le jeune
Alfred Kralik, l'adjoint du patron, et Klara
Novak, une nouvelle employée, vont
échanger une correspondance amoureuse,
sans savoir qui ils sont, à l'aide de petites
annonces.
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http://www.critikat.com/Rendez-Vous-The-Shop-Around-the.html
The Shop Around the Corner
réalisé par Ernst Lubitsch
Un cinéaste n’est pas forcément le meilleur juge de son œuvre. The Shop Around the Corner,
dit-on, était le film favori de Lubitsch : pourtant, il s’agit sans doute de sa réalisation la moins
lubitschienne ; si l’on était mauvaise langue, on dirait presque que Ernst, qui venait
d’achever Ninotchka et s’apprêtait à tourner To Be or Not To Be, s’amusa pour une fois à
copier le style d’un collègue moins pince-sans-rire et plus philanthrope, Frank Capra. Est-ce
la présence de James Stewart qui nous tourne ainsi la tête ? Au fond, The Shop Around the
Corner retravaille finement les thèmes lubitschiens de l’apparence et du quiproquo révélateur
en y ajoutant un parfum doux-amer qui n’est pas pour nous déplaire...
Le Budapest de The Shop Around the Corner est aussi authentiquement hongrois que le Casablanca du
film éponyme s’inspire du Maroc ; inutile de dire que, derrière le faux-semblant de noms de personnages à
coucher dehors, il y a surtout beaucoup de Hollywood dans les décors très carton-pâte de cette œuvre
lubitschienne. Mais le choix de déplacer l’action dans l’Europe pré-guerre n’est pas inintéressant. Nostalgie
de Lubitsch pour son vieux continent natal ? Que nenni... Disons plutôt que la Hongrie se prête alors mieux
que New York à cette histoire dénuée de glamour, où le chômage et la pauvreté qui rôdent ne sont pas qu’un
arrière-plan. Disons aussi qu’il y a là une beau clin d’œil de Lubitsch à prêter à l’Europe des sentiments
fraternels et humanistes (très "capraesques", rappelons-le) tandis qu’il fait dans d’autres films de la vieille
Amérique la patrie du cynisme et de l’hypocrisie...
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Alfred Kralik (James Stewart) travaille chez
Matuschek & Co (le fameux « magasin du coin »),
où la discipline règne dur comme fer et où l’on ne
s’avise pas d’émettre la moindre critique contre le
patron. Non pas que celui-ci soit un tortionnaire ;
au contraire, Lubitsch le présente dès les
premières scènes comme un bon bougre qui
cache à l’évidence des fêlures ; mais dans le
Budapest de la fin des années 1 930 (comme
partout dans le monde), perdre son emploi est la
pire des catastrophes. Mieux vaut donc éviter de
donner son avis sur quoi que ce soit, attitude
adoptée notamment par Ferencz Vadas (Joseph
Schildkraut, excellent acteur secondaire beaucoup
vu chez Lubitsch), qui fuit par n’importe quelle porte dérobée dès que son patron demande l’opinion de
quelqu’un. Alfred Kralik, lui, a un avis et l’exprime : c’est le héros, romantique, honnête et doux, le jeune
premier idéal à la M. Smith au Sénat que James Stewart incarne toujours à la perfection. Kralik a une
passion : sa mystérieuse correspondante qu’il n’a jamais rencontré et dont il est déjà fou amoureux ; une
parfaite antithèse à sa nouvelle et insupportable collègue qu’il déteste, Klara Novak... Mais comme dirait
Rita Hayworth dans Gilda, « la haine n’est-il pas le sentiment le plus proche de l’amour ? »...
Klara Novak est, bien sûr, la fameuse et mystérieuse inconnue. De ce pitch simplissime et a priori très
"casse-gueule" (le remake contemporain Vous avez un mess@ge s’est ainsi affalé dans la niaiserie la plus
totale, n’est pas Lubitsch qui a trop peu regardé ses films), le cinéaste tire un fil de quiproquos délicieux où il
s’amuse de son don pour les jeux de points de vue. Le spectateur, chez Lubitsch, est omniscient : très tôt, le
suspense entourant l’identité de la correspondante est dévoilé. Quel plaisir alors d’observer Klara et Alfred
se haïr quand plus tard, dans leurs lettres, ils se déclarent passionnément leur flamme ! Lubitsch va plus loin
encore, en révélant la supercherie à Alfred dès la première moitié du film. Voici donc le spectateur placé du
point de vue d’Alfred, sans toutefois réussir immédiatement à démêler si le jeune homme, révolté par la
haine entretenue par Klara à son égard (celle-ci continue en effet de voir Alfred comme un rustre sans
culture, incapable de rivaliser avec l’intellect de son correspondant), ne cherche pas tout simplement à se
venger d’elle en la manipulant, et ce, jusqu’à la dernière minute de film...
The Shop Around the Corner, nous le disions précédemment, bénéficie d’un statut particulier dans l’œuvre
de Lubitsch. Délaissant le glamour de la haute société, le cinéaste se tourne vers les "petites gens" avec un
amour sincère (le seul bad guy du film étant un petit espion hypocrite dont les manœuvres sont évidentes
dès le départ). Il montre avec honnêteté ce monde du « magasin du coin de la rue » où l’on compte son
argent en fin de mois, en faisant un éloge émouvant des plus petits gestes de solidarité et de sincérité,
comme s’il y trouvait un remède à la société riche, bête et méchante dont il faisait le cinglant portrait
auparavant. « I just want an average girl » (« Je veux simplement une fille ordinaire »), dit Alfred en parlant
de sa future dulcinée. Pour un cinéaste qui eut les plus belles (Carole Lombard, Greta Garbo, Marlene
Dietrich, Claudette Colbert), voici un revirement qui nous laisse songeur...
Ophélie Wiel
http://www.critikat.com/Rendez-Vous-The-Shop-Around-the.html
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http://www.ecranlarge.com/movie_review-read-6675-10666.php
Rendez-vous
Shop around the corner (The)
PAYS :États-Unis
ANNÉE DE PRODUCTION :1 940
DATE DE SORTIE :22 septembre 201 0
PREMIÈRE EXPLOITATION FRANÇAISE : 1 0 août 1 945
GENRE :Comédie
DURÉE :99 MIN
REALISATEUR : Ernst Lubitsch
ACTEURS :Margaret Sullavan, James Stewart, Frank Morgan,
Edwin Maxwell, Joseph Schildkraut
Format de tournage : 35 mm
Ratio d'image : 1 .37
Noir et blanc
23 juil. 2007 Par Manu le Malin
Adaptée d'une pièce de théatre, cette comédie romantique se distingue par sa
mise en scène et son jeu d'acteurs. Ersnt Lubitsch, réalisateur du cultissime
"To be or not to be" signe ici un film d'une maitrise cinématographique parfaite.
Même si contrairement aux autres comédies du maitre, elle se déroule non
pas dans la haute société mais dans l'univers de vendeurs d'un magasin
familial de maroquinerie, la mise en scène est parfaite: valse des personnages
scénographiée au milimètre, portes qui s'ouvrent et se ferment sans cesse
pour donner du rythme à l'intrigue... Les dialogues sont ciselés, les réparties
fusent et l'on ne s'ennuie pas une seconde. Quant aux acteurs, ils servent
parfaitement leur rôle, James Stewart en tête dans la peau d'un vendeur
efficace, masquant sa timidité par une autorité maladroite; Margaret Sullavan,
vendeuse au bagout et au toupet sans limite qui s'éprend d'un mystérieux
correspondant epistolaire; Frank Morgan qui joue le role du patron paternaliste
mais cocu avec une simplicité et un brio absolu... On pourrait aussi citer les
personnages de Pepi, commis facétieux qui rajoute du comique à l'intrigue ou
de Pirovich, vieux comptable un peu peureux mais si attachant... En résumé,
un film désuet comme on en fait plus mais une comédie romantique imparable
qui a donné lieu à un bien pauvre et fade remake avec Tom Hanks et Meg
Ryan, "Vous avez un message"... N'est pas Lubitsch qui veut...
http://www.ecranlarge.com/movie_review-read-6675-10666.php
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http://www.cineclubdecaen.com/realisat/lubitsch/shoparoundthecorner.htm
The shop around the corner
Ernst Lubitsch
1940
Avec : James Stewart (Alfred Kralik), Margaret Sullavan (Klara
Novak), Frank Morgan (Hugo Matuschek), Joseph Schildkraut
(Ferencz Vadas), Sara Haden (Flora Katcuck). 1 h37.
Chez Matuschek et Cie, la grande boutique de maroquinerie de cette rue commerçante
de Budapest, c'est le jeune Alfred Kralik, le premier vendeur, qui est pratiquement l'adjoint du
patron. Tout le personnel vit en bonne intelligence : seul Vadas, un peu trop fat et arriviste,
suscite un brin d'antipathie. Un jour arrive dans le magasin Klara Novak : elle est jeune, vive,
elle a du bagout et se retrouve, grâce à son talent, vendeuse.
Alfred, qui vit seul, correspond avec une inconnue. Klara, célibataire, entretient un
dialogue épistolaire avec un homme qu'elle espère rencontrer bientôt. Curieusement, Alfred et
Klara se chamaillent sans cesse, comme s'ils se comparaient l'un l'autre à leur idéal inconnu.
Matuschek est trompé par sa femme ; il croit que c'est Alfred le coupable et le chasse. Puis
désespéré, il tente de se suicider mais Pepi, le jeune livreur, arrive à temps. En fait, c'est
Vadas qui était l'amant. Le brave commerçant nomme Alfred gérant et Pepi vendeur !
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Alfred et Klara se rendent à leur premier rendez­vous. Le jeune homme, un œillet à la
boutonnière, cherche une jeune femme qui lit " Anna Karenine " : c'est Klara ! Déçu, Alfred
enlève son œillet... Plus tard, alors qu'il a congédié Vadas et battu le record des ventes de la
boutique, Alfred s'aperçoit que Klara n'est pas la chipie qu'il snobait. De son côté, Klara
découvre un Alfred attentionné et délicat... comme son correspondant. Le moment vient enfin
pour Alfred de remettre son œillet : les deux " inconnus " se reconnaissent enfin, tels qu'ils se
sont toujours rêvés...
Pour Jacques Lourcelles :
"Etrangement, le meilleur film de Lubitsch est assez peu représentatif de son auteur. Les
personnages ne sont plus ces princes, ces marginaux vivant dans l'insouciance et le luxe
auxquels Lubitsch nous a habitués mais des êtres ordinaires, fragiles et soucieux connaissant
une situation précaire tant sur le plan social que sentimental. Le film semble influencé par le
grand maître occulte de la comédie américaine de toute cette époque, Leo McCarey. The shop
around the corner obéit en effet dans ses profondeurs au système McCarey qui veut que
l'émotion et le rire aient partie liée, que la meilleure comédie soit aussi la plus chargée
d'universalité, la moins frivole et celle où les personnages se montrent humains, trop humains
de la première à la dernière seconde du récit.
Le miracle de The shop est que, tout en passant sur un autre registre qui leur est moins
familier, Lubitsch et son scénariste, Samson Raphaelson, démontrent la même virtuosité
irrésistible à tous les stades de leur travail. Une intrigue merveilleusement nouée, une
interprétation subtile et variée, un contexte social décrit avec une grande acuité, quoique
l'essentiel de l'action reste enfermée entre les quatre murs d'une boutique, ont permis au film
de garder une jeunesse intacte. Le succès du film tint bien­sûr à son génie propre mais aussi,
d'une façon plus circonstancielle, à son étonnante description de la précarité sociale des
personnages et de la menace diffuse qui pèse sur leur emploi et sur eux­mêmes.
Il est vrai qu'aucun film d'aujourd'hui n'a su appréhender avec autant d'humanité les craintes
d'une société en proie au chômage."
http://www.cineclubdecaen.com/realisat/lubitsch/shoparoundthecorner.htm
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http://www.dvdclassik.com/Critiques/shop-around-the-corner-dvd.htm
Rendez-vous (The Shop Around the Corner)
Réalisé par Ernst Lubitsch
Avec Margaret Sullavan, James Stewart,
Frank Morgan, Felix Bressart, Joseph
Schildkraut, Sara Haden, Inez Courtney,
William Tracy
Scénario : Samson Raphaelson d’après la
pièce de Miklos Laszlo "Illatszertar"
(Parfumerie)
Musique : Werner R. Heymann
Photographie : William Daniels
Direction artistique : Cedric Gibbons
Montage :Gene Ruggiero
Klara Novak et Alfred Kralik travaillent dans la même boutique et se supportent comme ils
le peuvent. Aspirant à un idéal, chacun pense avoir trouvé l’amour auprès de son
correspondant anonyme.
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L’air des Yeux noirs qui s’élève dès les premières notes du
générique, les noms exotiques des personnages, les diverses
inscriptions ésotériques qui parsèment le décor dès le premier
plan… un carton annonce sobrement ce qu’on aurait pu deviner :
nous sommes en Europe centrale, à Budapest pour être plus
précis. Comment se fait-il alors que les rues ne soient pas
parcourues de calèches à grelots ? Pourquoi les hommes ne
portent-ils pas d’exubérants costumes folkloriques assortis à
d’improbables couvre-chefs ? Où est la diseuse de bonne
aventure censée surgir de l’obscurité d’une porte cochère pour
annoncer un destin fatal ? Rien de tout cela ? Tant pis, nous nous contenterons alors avec bonne grâce de
l’un de ces luxuriants palais baroques déjà vus dans La Veuve joyeuse. Place donc aux plafonds
inaccessibles au regard, aux escaliers colossaux où les marbres le disputent au cristal et à l’or ! Comment
non ? Mais où nous emmenez-vous, monsieur Lubitsch ? Pas dans cette maroquinerie où l’on vend des
articles de série à la classe moyenne, quand même ? Si ? Mais voyons, cette boutique pourrait tout aussi
bien se trouver à Chicago. Et pourquoi pas dans une boutique de prêt-à-porter tant que vous y êtes ! Vous
insistez ? Et bien entrons donc. Après-vous cher maître...
UN SOMMET DE COMEDIE ROMANTIQUE
L’ombre du vaudeville
Deux inconnus qui entretiennent une relation amoureuse par correspondance ignorent qu’ils se côtoient tous
les jours sur leur lieu de travail... et se chamaillent sans cesse. L’argument d’une grande simplicité repose
sur le principe théâtral de la double énonciation : le public rit de ce qu’ignorent les personnages les uns sur
les autres. Ce ressort vaudevillesque se prête à une
comédie burlesque, voir loufoque, genres alors très en
vogue au cinéma. Si on y ajoute la présence d’un mari
trompé, d’un vendeur cauteleux, de quelques
quiproquos, de scènes ou un personnage en trompe
un autre en travestissant sa voix, tous les ingrédients
sont réunis pour offrir une bonne farce assez
traditionnelle. Cependant, quelques éléments de
tension rééquilibrent le récit vers un certain réalisme.
Les personnages mis en scène se préoccupent des
contingences matérielles, s’inquiètent pour leur vie
professionnelle ou privée, sont concernés par le
contexte économique et social de leur époque.
Quelques unes des péripéties de l’histoire flirtent même avec le drame lorsque l’un perd son emploi et
s’inquiète de ne plus en trouver ou encore lorsqu’un autre, à cause de déboires conjugaux, tente de se
suicider. La tentation mélodramatique n’est jamais loin mais ne s’impose pourtant pas tant la finesse de
l’expression des sentiments l’emporte sur l’outrance. C’est une nouvelle démonstration de l’esprit
sophistiqué de Lubitsch, qui triomphe toujours des attendus d’une situation pour délivrer sa vision, pleine de
verve, de la comédie humaine et donner son remède, toujours le même, aux maux qui parsèment l’existence
: avoir le sens de l’humour, fut-il noir ou cynique.
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Sociologie microcosmique
Ne pouvant ni ne voulant dès lors se reposer sur la trame constante et attendue d’un genre codifié, Lubitsch
emploie ici un procédé - assez nouveau pour lui - pour étoffer son intrigue de base : il développe les
personnages secondaires avec méticulosité. La minutie avec laquelle est dépeinte une micro société
distingue The Shop Around the Corner des précédentes productions du réalisateur. En octobre 1 939, juste
avant de commencer le tournage, Lubitsch confiait dans une interview : « Nous ne pouvons plus désormais
tourner des films dans un espace vide. Nous devons montrer des gens qui vivent dans un monde réel.
Autrefois les spectateurs n’avaient pas besoin de se demander quelle vie menaient les personnages d’un
film, pour peu que les films soient assez distrayants. Maintenant, ils y réfléchissent. Ils voudraient voir des
histoires qui aient quelques chose à voir avec leur propre vie ».
Cette intention s’affiche dès la scène d’exposition, simple et
habile, qui permet de faire connaissance avec tous les
personnages de la boutique devant le rideau baissé : M.
Pirovitch, éternellement en avance, est apostrophé par Pépi le
coursier dynamique et ambitieux mais peu enclin à servir plus
que nécessaire. Puis un par un se présentent les autres
vendeurs : Ilona, Flora, Alfred Kralik et Ferencz Vadas. À
l’arrivée de ce dernier, les discussions tournent vite à la querelle
avant de s’éteindre à l’arrivée d’Hugo Matuschek, le propriétaire
et gérant de la petite affaire qui seul possède la clef de la boutique. Par leurs attitudes et leurs échanges, les
caractères des personnages sont révélés en l’espace de cinq minutes seulement. Du bon père de famille
débonnaire et un peu couard à l’opportuniste roublard en passant par le patron paternaliste et exigeant, tout
ce petit monde prend vie et l’intrigue peut prendre racine avec crédibilité. Dans les cinq minutes qui suivent,
tous les éléments clefs du film sont posés jusqu’à l’arrivée de Klara Novak, ultime pièce du puzzle
dramatique et sentimental. C’est sa quête désespérée d’un emploi et son coup d’audace pour y parvenir qui
vont à la fois introduire son personnage et élever une barrière entre elle et Alfred Kralik, nœud de l’histoire à
venir. Dans la même scène, on assiste à la mise en place de l’un des "running gags" les plus hilarants du
film - tournant autour d’une boîte à cigare et d’une ritournelle - tout en définissant le contexte social de la
crise qui pèse sur chacun. La suite du film se compose de développements et de variations sur quelques
thèmes clefs qui vont entrelacer tous ces fils et enrichir les données de départ sans temps mort ni répétition.
Splendide mécanique
« Il ne faut pas mélanger les sacs et le plaisir » dit Alfred Kralik à mademoiselle Novak. Voilà une élégante
manière d’introduire la complexité de la question de l’amour au travail. Cette situation est exploitée par le
scénario avec une virtuosité qui, à en croire Samson Raphaelson, tenait à la structure de la pièce de Miklos
Laszlo plus qu’à l’apport de Lubitsch. : « Lubitsch avait respecté la nature du matériau original et pour la
première fois il n’y avait pas de ‘’Lubitsch touches’’. Cette fois,
Lubitsch et moi retournâmes vers notre jeunesse, l’émotion était
présente et il n’y eut aucune recherche de rouerie
cinématographique (2) ». Déclaration quelque peu abrupte et
difficile à croire. Si l’essentiel de l’humour provient de l’écriture
théâtrale qui recourt aux "ficelles" éprouvées du métier, il parait
inconsidéré de nier l’efficacité proprement filmique de la mise en
scène, du cadrage et du montage de The Shop Around The
Corner. En cinéaste averti, Lubitsch contourne la difficulté liée à
l’exiguïté du cadre et se livre à un jeu passionnant avec les
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espaces. Il introduit d’abord la verticalité des escaliers et des échelles pour créer des effets comiques (M.
Pirovitch s’enfuyant à chaque fois que M. Matuschek demande d’émettre une opinion « en toute sincérité »)
ou composer des tableaux charmant (le tête à tête de Kralik et de Novak dans la réserve). Il tourne ensuite à
son avantage le cloisonnement en allant de la boutique à la réserve, de la réserve au bureau, du bureau et à
la boutique et de la boutique à l’extérieur, ces changements de pièce matérialisant les changements de
posture des personnages ; grand maître dans l’art de filmer les portes, il les utilise ici pour révéler les
différentes facettes de chacun face à un client, au patron, aux collègues ou à un ami. Prenons l’exemple de
l’arrivée de Klara Novak. En quelques minutes, celle-ci est tour à tour une cliente ordinaire, une solliciteuse,
une cliente privilégiée puis une vendeuse pirate et enfin une employée légale. Face à elle, Kralik a été le
vendeur habile, le responsable aux attributions limitées, l’employé pris en faute, le camarade compatissant...
quant à Hugo Matuschek, il ne traverse pas moins de phases révélant les diverses couches qui font de lui
tout à la fois un patron autoritaire et paternaliste et un homme finalement peu assuré. Les portes sont des
seuils symboliques censés définir les statuts de chacun des trois protagonistes mais en fait, elles ne cessent
de les trahir en trompant sur l’identité de l’une, cachant l’apparition d’un autre ou formant un écran pour
l’égo.
Tout au long du film, l’importance de l’accessoire est une autre clef de la réussite de la mécanique du rire : le
jeu avec les éléments récurrents, comme la boîte à cigare ou la mélodie des Yeux noirs surgissant de
manière toujours inattendue et avec un sens prodigieux de l’incongruité, est un véritable tour de force
lubitschien. Toujours dans la scène d’apparition de Klara Novak, on notera l’importance de l’accessoire
vestimentaire caractéristique de l’esprit du réalisateur : Klara coiffée d’un chapeau est une cliente ordinaire,
mais qu’elle le retire l’espace d’un instant et elle devient la plus redoutable des vendeuses du magasin.
Chez Lubitsch, l’habit fait décidément le moine.
TELLEMENT HUMAINS
L’illusion comique et l’éloge de la faiblesse
Derrière les apparences et les faux semblants, The Shop Around the Corner fait l’éloge des êtres humains
dans ce qui les caractérise le mieux : leurs défauts. Comment ne pas songer à l’attrait qu’exercera Martha
(Gene Tierney) sur Henry (Don Ameche) dans Heaven can Wait (1 943) lorsque ce dernier la surprendra en
train de mentir à sa mère par téléphone pour pouvoir faire les boutiques à sa guise. Cette beauté du péché a
pour contrepoint ici la vanité de l’idéalisme d’Alfred et de Klara, leurs aspirations élevées dressant le mur qui
les sépare et les rendent aveugles aux signes évidents d’attirance qu’ils exercent l’un sur l’autre. La
perfection est donc inutile, et la relation platonique qui les unit à leur insu est une impasse. Elle est même la
manifestation de leur immaturité aux yeux de l’homme de bon sens :
- Kralik : Vous vous souvenez de la fille avec qui je
correspondais ?
- Pirovitch : Ah, oui… sur ces questions culturelles ?
- Kralik : Oui, et bien après un temps, nous en sommes venus au
thème de l’amour. Évidemment, d’un point de vue très
intellectuel.
- Pirovitch : Évidemment, comment faire autrement par lettre ?
L’autre handicap de Kralik et de Klara est leur incorrigible franc parler. Comment être heureux lorsqu’on
blesse constamment les autres par son honnêteté ? M. Pirovitch montre bien plus de sagesse en prenant la
fuite plutôt que de se dévoiler. Faut-il donc être veule, hypocrite et lâche pour plaire à Monsieur Lubitsch ?
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Rassurons-nous en portant attention au personnage de Ferencz Vadas : le seul personnage
authentiquement odieux de l’histoire en prendra pour son grade. C’est que cet homme sans esprit ni humour
n’est même pas doué de la faculté de jouir des plaisirs qui lui sont donnés. Cette tare seule mérite une
condamnation sans appel aux yeux du metteur en scène.
La part des acteurs
Cette approche amoureuse de la nature humaine, moins détachée qu’à l’habitude chez Lubitsch, offre aux
comédiens une occasion d’aborder leur rôle avec une délicatesse extrême : Margaret Sullavan, James
Stewart, Frank Morgan ou Felix Bressart font preuve d’une intelligence et d’une intuition rares, servant les
dialogues avec une telle aisance que plusieurs visions ne sauraient épuiser le plaisir que l’on éprouve à les
entendre enchaîner ces répliques spirituelles où l’ironie et les sentiments authentiques font bon ménage. De
plus, au-delà de l’art de la répartie brillante dont on sait que Lubitsch est un maître sans rival, relevons la
beauté des face-à-face qui parsèment le film. Tout fonctionne à merveille, de la complicité entre les vieux
camarades aux rapports inégaux entre patron et employés, en passant par les antagonismes parfaits
(Kralik-Vadas ; Kralik-Matuschek ; Pépi-Vadas…) ou les affrontements superficiels (Alfred Kralik et Klara
Novak).
Une satire sociale ?
Dès lors, faut-il chercher plus loin pour saisir tout le sel de ce film ? Cela ne paraît guère nécessaire mais on
peut néanmoins commenter la dimension satirique qui a souvent été relevée. Tout d’abord, contrairement à
nombre de comédies hollywoodiennes des années 1 930, celle-ci ne repose pas sur une différence de
catégorie sociale entre les protagonistes : tous les deux appartiennent à la working class. L’effet "conte de
fée" - à l’endroit ou à l’envers - ne joue donc pas ici. Au contraire, l’un et l’autre sont conscients de et
préoccupés par la précarité de leur situation. Ils réaliseront que l’intégrité ne suffit pas à assurer sa position
dans un monde du travail marqué par la crise mondiale et la toute-puissance d’un patronat libre de
congédier sans autre forme de procès. Au détour d’une conversation, on découvrira même sur un ton badin
une allusion au problème du harcèlement sexuel des femmes sur leur lieu de travail, visiblement
omniprésent.
Avons-nous pour autant affaire à un film engagé ? On peut y voir plutôt une peinture ironique, légèrement
cynique, de la bonne conscience bourgeoise incarnée par Monsieur Matuschek. Ce dernier exerce sa
tyrannie joviale et peu subtile en s’abritant derrière le masque de la philanthropie qui le pousse à payer plus
d’employés qu’il n’en a réellement besoin. Il exige en retour l’affection qu’il ne trouve pas dans sa propre
famille. Le virage pris par l’histoire en plein milieu, et qui révélera sa fragilité, changera la donne et finira,
avec une certaine tendresse inhabituelle chez Lubitsch, par transformer cette entreprise en une famille
recomposée. Cette fin moralisante, souvent comparée aux œuvres de Frank Capra, est peut-être la seule
faiblesse de cette fable sociale. Les aspirations de Klara et d’Alfred finiront par se fondre dans le bonheur
d’une entreprise prospère. Heureusement, le culot de Pépi permet de dispenser une leçon retorse dans l’art
délicat de l’opportunisme audacieux là où la veulerie d’un Vadas avait été mise en boîte (à cigares).
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Matuschek Incorporated et ses succursales
Sélectionné pour quatre Oscars, The Shop Around
The Corner devint un classique de la MGM qui
décida, neuf ans plus tard, d’en faire un musical : In
Good Old Summertime. Cette version, dirigée par
Robert Z. Leonard et interprétée par Judy Garland et
Van Johnson, fut pour l’occasion transposée dans
une boutique de musique de Chicago. Cette version
fut adaptée à son tour en comédie musicale à
Broadway en 1 963 sous le titre de She Loves Me.
Triomphant sur les planches, la MGM songea à en
retourner une nouvelle version à la fin des années
1 960 mais le projet demeura dans les cartons. La
ressortie du film de Lubitsch en salle dans les
années 1 980 a aussi connu un véritable succès. Il
faudra attendre 1 998 pour voir la Warner s’emparer
de ce script miraculeux et en faire une nouvelle
transposition contemporaine avec Tom Hanks et Meg
Ryan dans les rôles principaux (You’ve Got Mail ,
dirigé par Nora Ephron).
Invraisemblable mais crédible, excessif mais raffiné,
universel et indémodable... The Shop Around the
Corner est la pierre d’angle de l’histoire de la
comédie sentimentale raffinée. Et peut-être le plus
beau film du monde ?
Alex Row
http://www.dvdclassik.com/Critiques/shop-around-the-corner-dvd.htm
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http://www.mad-movies.com/forums/index.php?showtopic=19313
Les films de Ernst Lubitsch Le roi de la comédie intelligente
Un de mes réalisateurs favoris et un des grands modèle de Wilder pour ce qui est de l'humour
caustique, des bons mots et du gouts pour les sujets "difficile" : Serenade à trois c'est quand
même une ode à l'amour libre en 1 933, Ninotchka abordait avec humour les travers du régime
communiste et To Be or not to be était un film anti nazi avant même que les USA soient engagé
dans le conflit... Après Wilder se met peut être plus ouvertement à nu dans ces films que Lubitsch
et sa mécanique parfaitement huilée. Dans Ninotchka j'adore toute les scènes où les trois agents
communisme se font pourir progressivement par le capitalisme d'ailleurs "Un,deux, Trois" de
Wilder ça ne serait pas une version hystérique et barrée de "Ninotchka" sur les bords ?
mon préféré ça reste " The Shop Around the corner"
Sur la fin de sa carrière Lubitsch délaisse un peu la société américaine (To Be or not to be se
passait aussi en Pologne) pour se souvenir de sa vie en Europe avec une merveilleuse tranche de
vie sur les employés d'une petite boutique de Budapest. Un scénario parfait qui capte bien la
simplicité et la modestie du propos, des personnages magnifiquement ecrit et touchant comme le
très bougon patron de la boutique. Le couple James Stewart/Margaret Sullivan fait des étincelles
avec des disputes incessante et en se lançant des piques hilarantes pendant tout le film. ( "Well I
really wouldn't care to scratch your surface, Mr. Kralik, because I know exactly what I'd find.
Instead of a heart, a hand-bag. Instead of a soul, a suitcase. And instead of an intellect, a cigarette
lighter... which doesn't work." énorme ).
Un regard nostalgique et réaliste sur une époque révolue (la 2e gurre mondiale faisait déjà rage à
la sortie du film) , pas le Lubitsch le plus drôle ("To be or not to be" est là pour ça) mais surement
le plus attachant.
profondo rosso
Un grand réalisateur qui a lancé les Wilder, Preminger et autre Mankiewicz dans le circuit
hollywoodien(c'est pas rien quand meme!) et grand homme de théatre, il y reviendra
toujours, pas étonnant que To be or not to be se passe dans le milieu du théatre polonais,
et suivent les mésaventures d'une troupe de comédiens.
babarorhum
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Grmmmmbl...Un topic sur saint lubitsch et trois réponses.. . grmbl....finirez tous pendus ou fusillés...il est tard, mais tant pis...
Lubitsch est un génie. Point.
Son expérience théâtrale se ressent fortement dans ses films. Certains l'ont accusé de se préoccuper plus
de ses portes que du reste. Le fait est que Lubitsch maitrisait parfaitement l'art du timing, si essentiel à la
comédie. Cela, ajouté à d'excellents acteurs et à des répliques qui déchirent tout, lui a permis de créer des
films dont la force comique n'a RIEN perdu avec les années.
c'est tout de même dans Ninotchka qu'on entend le célèbre :
" Pourquoi voulez­vous porter mes sacs ?
­C'est mon métier.
­Ce n'est pas un métier, c'est une injustice sociale !
­Ca dépend du pourboire..."
ainsi que des trucs comme :
" Oh, Bourkanov, on ne sais jamais s'il va aux toilettes ou à la police secrète..."
Faudrait voir aussi à pas oublier le fond. Comme il a été dit, Lubitsch a abordé des sujets difficiles avec une
rare intelligence et un sacré culot à l'époque. Ninotchka, of course, mais dans To be or not to be, (42 !)
entre Hitler dans les rues polonaises et le cultissime "So zey call me Konzentrazion Kamp Reinhart ?", il dit
bien ce qu'il pense du régime qui l'a déchu de sa nationalité allemande en 35.
To be or not to be est un chef d'oeuvre absolu que tout le monde devrait avoir dans sa dvdthèque, sous
peine de mort. Stou.
Y'a les rôles de femmes, aussi, hallucinants de modernité pour l'époque. Pendant que par chez nous, on se
farcissait madame Maigret comme idéal féminin, claudette colbert se payait magistralement la tête de gary
cooper dans La huitième femme de barbe bleue, film tout de même ultime sur la phallocratie et le " qui
c'est qui porte la culotte, non mais !"
Ce film possède d'ailleurs l'une des scènes d'intro les plus hillarante de toute l'histoire du cinéma...l'affaire
du pyjama est simplement un petit bijou ciselé dans ses moindres détails (et la méthode anti-insomnies me
fait toujours autant poiler...)
Même ses films mineurs comportent leurs lots de scènes cultes et de personnages attachants. Le grandpère de " Heaven can wait" est parfait, la cuite du môme est utlime, etc...
Ce mec a tout simplement créé quelques-uns des films les plus drôles jamais réalisé, sans jamais céder à la
facilité, la vulgarité, ni prendre son public pour des imbéciles. Beaucoup de ses successeurs lui doivent tout.
Peu l'ont égalé.
kea
"Heil ... myself" balance le Hitler dans la pièce de théatre de To be or not to be, pareil que pour les autres
messages Lubitsch est probablement mon réalisateur de comédies préférées, et comme prof' son film que je
préfère est The Shop around the Corner, que j'ai dû voir une bonne dizaine de fois.
Prosopopus
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Comme d'hab' avec Ernst, le regard porté sur nous autres chiens d'humains, est d'une finesse et d'une
acuité foudroyantes, c'est plein de chaleur pour l'âme et l'esprit, c'est à consommer sans modération. Sans
doute son oeuvre qui me laisse le plus de souvenirs (avec quand même le surpuissant To Be Or Not To Be
qui aurait dû remporter le prix Nobel de chimie pour sa fusion parfaite entre légèreté caustique et profondeur
grave comme l'on dit dans les milieux concernés. Et ma passion pour les courses hippiques me fait ajouter à
ce duo de tête le virevoltant La huitième femme de barbe bleue dans lequel on prend un immense plaisir à
voir un Gary Cooper dans la peau d'un solide milliardaire du cac40 se faire prendre à son propre jeu par un
petit bout de femme.)
Waco
Lubitsch est clairement LE père spirituel de Billy Wilder ("Ariane" est très proche de ses comédies des
années 30), mais aussi de Manckiewicz (le magnifique "On murmure dans la ville" dont l'émotion est
comparable avec celle de " The shop around the corner", ou le roublard "l'Affaire Cicéron" dont le final est
très lubitschien). Tous ces génies avaient une sensibilité d'Europe centrale.
anya
" The Shop Around the Corner" est une pure merveille.
Un scénario brillant, écrit avec un talent fou et un humour imparable, regorgeant de répliques et de dialogues
hilarants, et qui exploite à fond le pitch de départ et développant un comique de situation efficace et jouissif
(et oui, le terme ne s'applique pas qu'à des peloches décérebrées) tout en s'attachant à décrire le quotidien
de ce magasin et des caractères qui y cohabitent avec une réelle justesse dans les émotions. Le tout dans
un aspect théâtral du plus bel effet, le scénar étant lui même une adaptation d'une pièce, mais qui ne tombe
jamais dans le mou ou le statique grâce à la mise en scène de Lubitsch qui apporte un souffle et une énergie
qui finit de faire de "Rendez-vous" un modèle de comédie.
J'allais aussi oublier de dire que Stewart avait une classe pas possible dans ce film.
Misterpursoup
C'est la scène d'ouverture de "la huitième femme de barbe bleue" qui est sans conteste LA meilleure scène
d'ouverture de film de tous les temps de l'univers connu !
kea
Faut tout de même rendre hommage à ce génie du "pressage-de-citron-comique", et je rejoins Keats et les
autres, qu'on ne retrouvera jamais. Le gag est poussé dans ses retranchements, avec une inventivité folle,
et répété lors de la première apparition de l'inagalable Edward Everett Horton, et relancé encore avec
l'apparition du propriétaire du magazin.
On le considère comme un Lubitsch mineur (mais supérieur à l'écrasante majorité des comédies de
remariages sorties depuis... la mort de Lubitsch), car il est moins profond, même s'il est tordant (le carton
"English spoken/American Understood", "That would be communism !", et j'en passe).
" The shop around the corner", "To be or not to be" et le film testament "Le ciel peut attendre" contiennent
une tendresse teintée de gravité. "La 8ème femme" peut donner l'impression d'être trop "mécanique" à côté.
anya
http://www.mad-movies.com/forums/index.php?showtopic=19313
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http://www.cinefil.com/film/the-shop-around-the-corner
Je viens de voir la plus délicieuse,la plus adorable des comédies romantiques de Lubitsch,la plus
touchante,aussi,car elle met en scène des employés,des gens modestes,avec leur sensibilité,leurs petits
travers,leurs problèmes et,surtout leurs rêves...James Stewart est irrésistible dans ce personnage de
vendeur modèle,qui,du jour au lendemain,va perdre la faveur de son patron (extraordinaire M.Matusek!)et se
retrouver au chômage,tandis qu'il mène de front une correspondance amoureuse avec une....inconnue,croitil,elle- même vendeuse au magasin....Comme dans bon nombre de comédies des années 40 les deux héros
commencent par se détester cordialement,pour finir dans les bras l'un de
l'autre....Sensible,subtile,romanesque à souhait,émouvante,sans être mélo,on n'en finirait pas d'énumérer
tout ce qui fait le charme de cette comédie que je ne suis pas prête d'oublier!...Un vrai bonheur!!...
22/09/201 0 - diapree
Les Yeux noirs
Des yeux noirs, des yeux pleins de passion !
Des yeux ravageurs et sublimes !
Comme je vous aime, comme j'ai peur de vous !
Je sais, je vous ai vus, pas au bon moment !
Oh, non sans raison vous êtes plus sombres que les ténébres !
Je vois de la peine en vous pour mon âme,
Je vois une flamme victorieuse en vous
Dans laquelle brûle mon pauvre cœur.
Mais non je ne suis pas triste, il n'y a pas de chagrin
Mon destin me réconforte.
Le meilleur que dieu nous a donné dans la vie,
Je l'ai sacrifié pour ces yeux de feu !
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Sur l’illusion perdue de la profondeur
http://www.revuesequences.org/2010/07/sur-lillusion-perdue-de-la-profondeur/
1 6 juillet 201 0
– Sylvain Lavallée
[...] Bordwell tient des propos semblables sur son blogue (Observation on film art)*, avec toute la
précision nécessaire, alors qu’il compare une séquence de The Shop around the corner avec la
séquence correspondante dans le remake du même film, You’ve Got Mail. Il note entre autres la
différence dans la mise en scène, Nora Ephron utilisant dans You’ve Got Mail le champ
contrechamp en gros plan de façon systématique (avec des plans d’une longueur moyenne de 4.1
secondes), Ernst Lubitsch optant plutôt pour des plans longs et larges (d’une longueur moyenne
de 82 secondes), n’utilisant le gros plan que de façon spartiate, que pour la rencontre entre le
couple, moment clé de la séquence. Bordwell remarque aussi la subtilité du jeu de James Stewart,
qui utilise comme il le fait si bien son physique particulier pour s’exprimer, sa silhouette et un
mouvement d’épaule, alors que Tom Hanks, encore lui, n’a de nouveau recours qu’à ses sourcils
(que ferait les acteurs aujourd’hui sans leurs sourcils?)
[...]
* http://www.davidbordwell.net/blog/2007/05/27/intensified-continuity-revisited/
http://www.excessif.com/cinema/actu-cinema/news-dossier/saint-valentin-de-cinema-page-1-4995031-760.html
Saint
Valentin
De
Cinema
Par Nicolas Houguet 1 4 février 2009
Si vous êtes seul à la Saint-Valentin, tel Bridget Jones, à vous lamenter sur l’état de votre vie, fredonnant
« can’t live » en piochant dans votre pot de Nutella devant un film d’un romantisme insolent, alors cet article
est pour vous. Le cinéma est là pour vous rappeler, un peu sournoisement, que le grand Amour existe et que
vous aussi, un jour, vous vous trouverez sur la proue du Titanic avec votre aimée dans un beau coucher de
soleil. [...]
Datant de 1 940, The Shop around the corner d’Ernst Lubitsch met encore des papillons dans le cœur.
James Stewart y cherche à séduire une femme qui travaille dans la même boutique que lui et avec qui il a
des rapports plutôt conflictuels. Pourtant, elle attend les lettres de son mystérieux correspondant avec
passion. La rythme est allègre, enlevé, gracieux, les dialogues sont enchanteurs. L’émotion est là, on se
laisse emporter. On sent une dimension sociale et une situation admirable de naturel, avec des personnages
échappant aux archétypes. On s’attache à chacun, comme c’est toujours le cas chez Lubitsch. Le film a
d’ailleurs connu un remake assez réussi, Vous avez un message, porté par l’énergie de Meg Ryan et Tom
Hanks.
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http://www.lexpress.fr/culture/cinema/retrospective-lubitsch-a-la-cinematheque-francaise_914370.html
Rétrospective Lubitsch à la Cinémathèque
française
Par Thomas Baurez (LEXPRESS.fr), publié le 25/08/2010 à 13:30
Du 25 août au 10 octobre 2010, la Cinémathèque française propose une rétrospective intégrale de
l'auteur de Jeux dangereux, Ninotchka ou de Rendez-vous. Décryptage d'un style inimitable : la
fameuse Lubitsch touch.
Avant de se voir aujourd'hui célébré intégralement à la Cinémathèque Française de Paris, le cinéma du grand
Ernst Lubisch (1892-1947), a été honoré au Festival de Locarno début Août. Le nouveau directeur artistique
Olivier Père évoquait fort justement : « le roi de la comédie » ou encore « le plaisir de l'intelligence » pour
qualifier le travail du grand homme. Avec les films d'Ernst Lubitsch c'est vrai nous rions de bon coeur, mais
toujours avec élégance et raffinement. Les mots et les maux d'esprit sont drapés de dorures. Le chic, bien
entendu, n'est qu'une affaire de perspective. Qu'il s'agisse d'un simple vaudeville ou d'une satire sociale, les
dames chez Lubitsch portent des manteaux d'hermine, arborent de gros bijoux, les hommes sont en costume
trois pièces et chapeaux haut-de-forme. Tout ce beau monde se croise et se décroise dans de beaux palaces de
la « french riviera » ou des grandes capitales de la vieille Europe. Le cadre est beau même quand il donne
des signes de décrépitude avancée et les gens sont humains. Trop, parfois jusqu'au ridicule, comme ce
Marquis de Loiselle dans la Huitième femme de barbe-bleue, aristocrate sans le sou s'accrochant corps et
âme à un standing qu'il ne peut plus atteindre. Le ridicule ne tue jamais, les apparences, fussent-elles
trompeuses, sauvent toujours les situations les plus désespérées. Prenez cette troupe de théâtre polonaise
durant la Seconde Guerre Mondiale qui tente de déjouer les plans machiavéliques de la Gestapo dans Jeux
dangereux. Happy end, envers et contre tous.
Une peau de banane sur la vérité
Lubtisch, juif allemand né à Berlin, exilé à Hollywood au début des années 20, acteur puis réalisateur, muet
et parlant, avait emmené dans ses valises un savoir faire et des bonnes manières. La fameuse « touch »
justement. Et c'est quoi alors ? Un sens du rythme et de l'ellipse qui donne à chacun de ses films des allures
de formule 1 qui refuserait de s'arrêter au stand. Pas de temps mort chez Lubitsch. Ses breuvages se boivent
cul-sec. Le ciel peut attendre, nous dit d'ailleurs l'un de ses plus fameux cocktails. Il y a le raffinement, on l'a
dit. Les personnages bien mis sont les vecteurs de satires sociales souvent cruelles. Pour la tendresse, on
repassera. « La délicatesse c'est une peau de banane sous les pieds de la vérité ! » entend-t-on dans Sérénade
à trois. Lubitsch avait du goût, au point de prendre un certain Billy Wilder -le futur réalisateur de Certains
l'aiment chaud ou Sunset Boulevard- comme co-scénariste. Les dialogues comme les situations offrent des
gags volontiers burlesques qui éclatent comme des bulles de champagne. Pas de tartes à la crème. De la
tenue que diable ! Les ouvrages de Lubitsch sont des chef-d'oeuvres d'horlogerie que les exégètes comme les
amateurs s'amusent à démonter pour comprendre comment c'est fait. Voilà pourquoi il reste encore
aujourd'hui la référence absolue en matière de comédie. To be Lubitsch or not Lubitsch, that's the question.
C'est (juste) une question de feeling et surtout d'une (grosse) dose de génie (avec ou sans cigare !).
http://www.lexpress.fr/culture/cinema/retrospective-lubitsch-a-la-cinematheque-francaise_914370.html
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http://www.iletaitunefoislecinema.com/chronique/3948/ernst-lubitschbilan-de-la-retrospective-a-lacinematheque-25-aout10-octobre-2010
Ernst Lubitsch - Bilan de la rétrospective à la Cinémathèque
(25 août - 1 0 octobre 201 0)
De Lubitsch on a surtout retenu sa Touch. Mais
qu’est-ce que la Lubitsch’ Touch ? Des histoires
de vestes, taillées au millimètre. La rétrospective
achevée, tout n'est pas perdu pour autant : place
au prince de la comédie américaine, au
merveilleux, à l’inénarrable Monsieur Ernst !
Article de Fleur Chevalier
La Lubitsch’ Touch n’est pas le dernier cocktail à la mode. C’est le concentré de talent d’un cinéaste disparu
prématurément, en 1 947. On a toujours du mal à le réaliser tant ses oeuvres semblent toujours avoir un cran
d’avance. Ernst Lubitsch tourne pourtant ses premiers films en 1 91 7, en Allemagne. Jeune talent de 30 ans,
remarqué par les States, il rejoint Hollywood en 1 922, où on le surnomme le « Griffith européen ». Patron
méticuleux, on attribue son succès à la sophistication de ses fantaisies aux mises impeccables et aux décors
fastueux, notamment dans ses blockbusters muets. Mary Pickford lui reprochait d’ailleurs de ne pas assez
s’intéresser aux acteurs, mais de leur préférer… les portes.
Dans sa petite entreprise sont passés de nombreux scénaristes. Parmi eux, rien de moins que le très brillant
Billy Wilder, sur les mythiques Ninotchka (1 939) et La Huitième Femme de Barbe-Bleue (1 938)… La grande
classe ! Sa prédilection pour les milieux chics : une fascination indécrottable pour les noblesses de la vieille
Europe, qu’il brocarde non sans affection. Les deux guerres mondiales l’ont profondément marquées, et
leurs ombres planent sur nombre de ses films, de L’Homme que j’ai tué (1 932) à Cluny Brown (La Folle
ingénue, 1 946). Les comédies de Lubitsch ne sont jamais innocentes : du portrait vitriolé de parvenus beaufs
américains dans l’hystérique Princesse aux huîtres (1 91 9), à sa satire, plutôt mal accueillie, du décorum Nazi
dans To Be or Not to Be (Jeux dangereux, 1 942), un film qui a sacrément inspiré Tarantino pour son
Inglourious Basterds. Le monde est en pleine mutation, Lubitsch, novateur mais nostalgique, en est
infiniment conscient.
Cela dit, nous n’avons toujours pas répondu à la question : bon sang, mais qu’est-ce que la Lubitsch’ Touch
? L’art de l’ellipse, nous dira-t-on. Mais encore ? L’art de décrire les contrariétés d’un amant en regardant
comme il a découpé sa viande. L’art de suggérer la fougue d’une demoiselle à la vue – et l’ouïe – d’un évier
se vidant. Un gros plan trivial sur des chaussettes pour exprimer l’amour fou. Bref, l’art de contourner la
censure avec humour et surtout, d’extérioriser les non-dits. Au jeu des apparences, Lubitsch est le plus fort.
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Le passage du muet au parlant ne lui a pas franchement posé problème. C’est d’ailleurs probablement du
muet qu’il tient sa science du cadrage. Ses plans silencieux disent souvent ce que le langage, bienséant,
n’a cherché qu’à atténuer ou codifier. Dans un cinéma tout ce qu’il y a de plus plaisant et populaire (à une
époque où, semble-t-il, on ne prenait encore pas ouvertement le grand public pour un gros imbécile),
Lubitsch sème ça et là ses petites graines subversives, manipulant avec vivacité les jeux de mots, les
enchaînements révélateurs, et les contrepoints : petitesse des gens dans leurs décors, poignées de portes à
hauteur de tête (L’éventail de Lady Windermere, 1 925). Des portes, encore des portes !
« Si je vous trouve trop romantique, donnez-moi un bon coup de pied. – C’est ça, donnons nous des
coups de pieds ! »
Rencontres sous l’évier, fessées, baisers aromatisés à l’oignon, morsures, gifles, boxe et coups de marteau
: Lubitsch sait surtout parler aux femmes. En se payant, par exemple, la tête de leurs cabots de maris.
L’inconscient mari d’Angel (1 937) est si fier d’exhiber occasionnellement sa ravissante Marlène Dietrich,
toutefois frustrée des absences répétées de son époux… Un autre confond sa femme avec le chien, dans
Illusions perdues (That Uncertain Feeling, 1 941 ). Claudette Colbert, huitième conquête têtue et indisciplinée
du psychorigide et arrogant Gary Cooper, se vante d’être son « plus mauvais placement »… L’égalité, voilà
ce qu’elles veulent ! La possibilité d’aimer librement, d’assumer leurs désirs, de démolir la maison, menacer
leurs papas, de se bagarrer avec les copines, de conduire une troupe de voleurs, de courir échevelées dans
les montagnes… D’être passionnées sans être des monstres. Lubitsch les aime ainsi : folles et ingénues.
Elles le lui rendent bien, car ce n’est pas demain la veille qu’on reverra rigoler Greta Garbo, en communiste
! Cet exploit, on le doit, encore une fois, à Ernst Lubitsch.
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Lubitsch soigne ses personnages féminins, plus que les hommes ne les soignent au quotidien. Mari
pantouflard, comme l’extraordinaire Jack Benny dans To Be or Not to Be – « J’aime mon pays, j’aime mes
pantoufles ! » – et amant narcissique, comme le très coquet lieutenant de La Chatte des Montagnes (1 921 ) :
tous dans le même sac ! Sauf, peut-être, dans Cluny Brown, où la déroutante Jennifer Jones trouve enfin,
sans le savoir, un amant à sa mesure avec le subtil Belinski, un Charles Boyer irrésistible, apatride poursuivi
par les Nazis. Deux excentriques. Probablement le sommet de la comédie romantique : deux cas sociaux,
une amatrice de plomberie spontanée et naïve, un réfugié tchèque abonné à la poste restante. Une
explosion d’humanisme et de sensibilité. Lubitsch aime ses personnages. Et qui aime bien, s’en moque bien
! Quel bonheur de suivre ces amoureux qui ne savent pas qu’ils le sont, tomber amoureux alors qu’on savait
bien qu’ils l’étaient ! Compliqué ? C’est l’unique principe du très jouissif The Shop Around the Corner
(1 940), moins abouti cependant que le formidable Cluny Brown, un chef d’œuvre stupéfiant de légèreté et
de gravité : « Oncle Arn, tu sais pourquoi les filles partent de chez elles ? Elles partent de chez elles parce
qu’on les met dehors… ». Elégance vulgaire, profondeur vaporeuse, naïveté graveleuse, idéalisme
clairvoyant, prude subversion : les extrêmes fusionnent, Lubitsch transforme le plomb en or.
Sa grâce absolue n’aura pas échappée à Alain Resnais, son Pas sur la Bouche reste à ce jour un des plus
vibrants hommages au raffinement de Lubitsch. Les quiproquos costumés, ceux des années 1 920, bien sûr.
Mais aussi parce que le fantôme de Barbe-Bleue semble hanter la carcasse compassée du farouchement
obtus Eric Thomson. Puis, dans ses dilemmes amoureux, on jurerait parfois entendre fredonner Sabine
Azéma. « Comme j’aimerais, mon mari, s’il était, mon amant… » Lubitsch n’est pas mort, on peut encore
sentir la fumée de ses cigares… On aimera en faire notre ami imaginaire, et suivre avec fidélité le plus sage
de ses conseils :
« Où est votre place ? Là où vous êtes heureuse. Si vous voulez donner des écureuils aux noix, qui
peut dire « des noix aux écureuils » ! »
Il n'est pas jamais trop tard pour faire connaissance ! Pour commencer, par exemple : la liste bien fournie
des films qui ont été projetés à la Cinémathèque.
http://www.iletaitunefoislecinema.com/chronique/3948/ernst-lubitschbilan-de-la-retrospective-a-lacinematheque-25-aout10-octobre-2010
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http://www.excessif.com/cinema/actu-cinema/news-dossier/visages-de-la-comedie-romantique-page-14980949-760.html
Visages
De
La
Comedie
Romantique
Par Nicolas Houguet - 1 2 mars 2008
Qu'il est doux de succomber, les soirs de mélancolie, aux charmes naïfs d'une bonne comédie romantique.
Deux êtres que tout oppose se rencontrent. Ils ne se supportent pas puis finissent par s'aimer. Le genre
connaît énormément de variations, du conte de fée à une veine plus satirique, de la rêverie rose bonbon à
une forme presque conceptuelle. [...]
The Shop around the Corner d'Ernst Lubitsch date de 1 940 et est un petit joyau qui vous emporte.
Aujourd'hui encore, il a gardé sa grâce intacte. Si New York-Miami accuse parfois son âge, notamment dans
le moment chanté dans le bus, l'écriture de Lubitsch est d'une fraîcheur et d'une profondeur virtuoses.
Chaque personnage est émouvant, a une existence propre. Les situations sont charmantes et n'ont à aucun
moment l'aspect convenu d'un théâtre de boulevard. La vie de la petite boutique est réjouissante. La rivalité
entre James Stewart et Margaret Sullavan fonctionne à merveille. Il est le plus ancien vendeur de la petite
boutique du respecté monsieur Matuschek. Il règne en maître et est le seul à ne pas être obséquieux avec
son patron. Il reçoit des lettres d'une femme dont il ignore tout et dont il est amoureux. Arrive une jeune
vendeuse qui ne peut le souffrir et qui bouleverse l'ordre de son petit monde. On eut droit à un remake
lointain avec Meg Ryan et Tom Hanks dans le sympathique Vous avez un message. Mais il était dépourvu
de ces dialogues ciselés, cette vivacité d'esprit qui règne en permanence, cette tendresse que l'on éprouve
pour tous les personnages qui échappent aux archétypes (du patron au coursier). De plus la situation n'est
jamais forcée, l'intrigue avance naturellement, les quiproquos sont légers, touchants. Ce film est une petite
parenthèse enchantée, spéciale. La grandeur de Lubitsch est de ne jamais évacuer la dimension sociale (le
chômage qui menace, la solitude et le mal-être de ces personnages). Son point de vue est d'une grande
tendresse et d'une grande justesse. Chaque réplique tombe juste, chaque scène est un moment de grâce,
de légèreté et d'émotions. Il ne va jamais appuyer ses effets, trouve toujours l'équilibre parfait entre émotion
et comédie. Il est profondément émouvant, même lorsqu'il est drôle. Cette « Lubitsch touch » est le
raffinement suprême, la note parfaite vers laquelle ce genre tend en permanence. Lorsqu'à la fin les
masques tombent et que les amants se reconnaissent, on ne peut qu'être touchés. Mais c'est surtout grâce
à la chaleur, à l'affection qu'il est parvenu à nous inspirer pour chacun de ces protagonistes, que ce film se
distingue et qu'il est un grand classique.
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http://www.ecranlarge.com/dvd_review-list-3077.php
Rendez-vous
REALISATEUR:Ernst Lubitsch
ACTEURS:Margaret Sullavan, James Stewart, Frank Morgan
GENRE:Comédie
EDITEUR:Warner Home Video
DATE DE SORTIE:06 décembre 2006
TEST TECHNIQUE
28 déc 2006 Par Erwan Desbois
A l'occasion de la sortie chez BAC Vidéo de trois films d'Ernst Lubitsch, on a parlé à propos du premier
grand réalisateur hollywoodien de comédies d'avalanches de bons mots et de contournement de la censure.
Si ces caractéristiques sont valables pour la plupart des oeuvres de Lubitsch, Rendez-vous est fait d'une
autre étoffe, tout aussi rare et précieuse. Le marivaudage n'y est plus aérien, libertin et situé dans un milieu
aisé mais prend ses racines dans une réalité moins rose, où l'amour n'est pas tant un jeu qu'un antidote à la
dépression.
Le lieu de l'intrigue trahit ce changement de perspective : adieu les visions fantasmées de la Riviera, Paris
ou New York ; bonjour Budapest, sa neige, sa crise économique, ses petits employés d'un magasin de
maroquinerie. Rendez-vous se concentre sur deux d'entre eux, Alfred (James Stewart) et Klara (Margaret
Sullavan), qui se chamaillent en permanence sans se douter qu'ils échangent dans le même temps une
correspondance anonyme faite de lettres enflammées et de passion réciproque.
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La situation est propice à des quiproquos et blagues en tout genre (le running-gag de la boîte à cigarettes
musicale est de plus en plus hilarant à chaque utilisation), réglés avec intelligence et finesse. La caméra de
Lubitsch virevolte, les personnages s'emballent, et on est soi-même irrépressiblement happé par ce ballet
joyeux et enthousiaste. Mais là où le plaisir communicatif de ces jeux d'amour et de séduction gagne une
épaisseur supplémentaire, c'est en se doublant d'une mélancolie sous-jacente qui nous parle tout autant.
L'amour est fragile, nous dit Lubitsch, et il faut se battre pour le faire triompher contre l'attrait de la
nouveauté, les préjugés erronés ou encore les soucis d'argent.
Le chômage et la précarité sont au centre du récit comme ils sont au centre des préoccupations des
personnages mais ils ne sont jamais dramatisés. La dignité est de mise : la scène où Alfred lit d'une voix
uniforme sa lettre de licenciement serre le coeur sans recourir à de quelconques artifices. La stature de
James Stewart, dans cette séquence comme dans l'ensemble du film, ainsi que le ton général font penser
aux chefs-d'oeuvre de Frank Capra (La vie est belle) ; sur un terrain qui ne lui est pas familier, la
comparaison est tout sauf honteuse pour Lubitsch.
Comme les autres éditions simple DVD de la collection « Légendes du Cinéma », Rendez-vous est proposé
sans bonus. Cette austérité est cependant vite oubliée devant le ravissement offert par le rendu visuel. Le
master a été entièrement nettoyé, et ne présente plus comme défauts minimes qu'une légère
instabilité des images dans certaines scènes, ainsi que quelques gros plans voilés.
Pour le reste, on ne peut que s'incliner devant la beauté du grain, la compression solide et la gradation des
niveaux de gris. La qualité sonore est également de mise, mais uniquement en version originale puisqu'il n'y
a pas de piste doublée sur cette édition. Ni souffle ni scratches ne viennent entacher la bonne écoute de la
bande-son, et en particulier des dialogues retranscrits avec beaucoup de clarté.
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Ernst Lubitsch : biographie
http://www.cinemotions.com/modules/Artistes/fiche/12390/Ernst-Lubitsch/biographie.html
Après avoir grandi et travaillé dans le magasin de son père, un
tailleur juif, Ernst Lubitsch entre en 1906 au Gardelegen Theater.
En 1911, Max Reinhardt lui confie le rôle d’un fossoyeur dans
Hamlet. Au cinéma, il décroche son premier rôle comique en 1913
avec Meyer auf der Alm . Devenu populaire avec Die Firma
heiratet de Carl Wilhem, Lubitsch joue son propre rôle dans Der
Stolz der Firma : celui du commis juif attaché à un magasin de
couture. Il passe à la mise en scène dès 1914.
Maître de la comédie sophistiquée, Ernst Lubitsch s’essaie aux
superproductions historiques : Carmen est un élégant mélodrame
qui révèle Pola Negri ; Madame Dubarry est un triomphe servi par
Emil Jannings, Harry Liedtke et toujours Pola Negri. Lubitsch
recrée là l’esprit du siècle de façon saisissante en dépeignant l’histoire sous forme de drame
intime.
De sa collaboration avec le scénariste Hans Kraly naissent d’autres
trouvailles. Ainsi La Poupée exploite pour la première fois
l’expressionnisme allemand à des fins comiques. Sumurum , inspiré de
son expérience théâtrale, est une pantomime orientale où Lubitsch
apparaît en clown bossu. Mais le chef d’oeuvre de la période reste La
Princesse aux huîtres , une satire au symbolisme annonciateur du
pacte à venir entre la vieille Europe et l’Amérique prospère : d’un côté,
le charme désuet du prince Nuki et de sa fille, de l’autre, l’éclat du
millionnaire dit le " roi des huîtres ".
Auteur de mises en scènes somptueuses, familier de tous les genres,
Ernst Lubitsch séduit définitivement Hollywood avec Anne Boleyn (Anna
Boleyn) (1920) puis avec La Femme du pharaon . En 1923, il dirige
Mary Pickford dans Rosita (1923) , d’après Don César de Bazan
d’Ennery.
Lubitsch comprend vite à quoi rêve l’Amérique : aux fantasmes nourris
de sexualité et d’exotisme made in Europe se mêle un zeste d’interdit dû
au puritanisme. Ses premières comédies américaines, telles que
Comédiennes (The Marriage Circle) (1924) ou Le Patriote (The Patriot)
(1928) , toutes jouées par des acteurs européens, révèlent la patte
Lubitsch. Sur des scénarios généralement empruntés à Samson
Raphaelson, auteur à succès de Broadway, le réalisateur construit des
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intrigues mondaines avec femmes chics et victimes, souvent
heureuses de l’être. A la fois piquant et pudique, Lubitsch ne sombre
amais dans le vulgaire grâce à une écriture filmique qui sait couper à
emps les scènes scabreuses et rebondir dans la pure légèreté.
Au début du parlant, il signe des opérettes musicales qui prêtent à
’Europe le même visage hédoniste et heureux : notamment Parade
d'amour (The Love Parade) (1929) avec Maurice Chevalier et Jeanette
MacDonald, également présents dans Une Heure près de toi (One Hour
with You) (1932) ou dans La Veuve joyeuse (The Merry Widow) (1934)
En 1932, Haute Pègre (Trouble in Paradise) (1932) , brillamment
distribuée (Miriam Hopkins, Kay Francis, Herbert Marshall), porte la
comédie à son apogée. Pour Ange (Angel) (1937) , comédie devenue
grave, Lubitsch dirige le couple Gary Cooper­Marlène Dietrich.
Ninotchka (1939) , satire politique teintée de glamour, transforme
Greta Garbo en communiste progressivement convertie aux plaisirs
capitalistes. Dans To Be or Not to Be ­ Jeux dangereux (To Be or Not to
Be) (1942) , l’humour est une arme antinazie. En 1947, Lubitsch
décède brutalement au milieu de sa dernière comédie musicale, La
Dame au manteau d'hermine (That Lady in Ermine) (1948) .
Margaret Sullavan, Ernst Lubitsch et James Stewart
http://www.cinemotions.com/modules/Artistes/fiche/12390/Ernst-Lubitsch/biographie.html
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j
t
l
.
"Personne ne pensait que nous faisions autre chose que du divertissement à cette époque. Seul
Ernst Lubitsch savait que nous faisions de l'art." - John Ford
"Un homme de pur cinéma" - Alfred Hitchcock
"Lubitsch était un prince" - François Truffaut
"Lubitsch était un géant ... son talent et son originalité étaient stupéfiants" - Orson Wells
"Lubitsch avait le plus grand sens de l'humour de toutes les personnes que j'ai jamais rencontrées.
Tous les acteurs l'aimaient. Il avait en lui une qualité très ... humaine. C'était le type d'homme qui
devenait votre ami dès la première rencontre. Un grand homme" - Joseph M. Newmann
"Ses films étaient chargés d'une sorte d'esprit qui était spécifiquement l'essence du Berlin
intellectuel de cette époque. Cet homme était si fort que lorsque il est allé travailler à Hollywood,
non seulement il n'a pas perdu son style berlinois, mais il a converti l'industrie hollywoodienne à sa
propre manière de s'exprimer." - Jean Renoir
http://www.lubitsch.com/potpouri.html
"La Lubitsch touch" est une expression utilisée depuis longtemps pour décrire le style unique d'Ernst
Lubitsch. Mais qu'est-ce exactement que la "Lubitsch touch" ? Voici quelques définitions données par des
critiques et des historiens du cinéma :
"La Lubitsch touch" est une brève description pour une longue liste de vertues: sophistication, style, subtilité,
esprit, charme, élégance, suavité, nonchalance brillante et nuance sexuelle audacieuse" - Richard
Christiansen (Chicago Tribune)
"L'humour subtil et l'esprit visuel virtuose dans les films d'Ernst Lubitsch. Le style est caractérisé par une
compression parcimonieuse des idées et des situations dans des plans simple ou des scènes brèves qui
donnait un aspect ironique aux personnages et un sens à tout le film." - Ephraim Katz
"Un subtil mélange d'humour sexy et d'esprit visuel narquois" - Roger Fristoe
"Un style charmant, gracieux et fluide avec ... une ingénieuse habilité à suggérer plus que ce qui est montré." - Leland
A. Poague
http://www.lubitsch.com/touch.html
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Cette compilation de textes a été réalisée par l’équipe
documentation de LA MAISON DE L’IMAGE à Aubenas
à l’occasion des RENCONTRES DES CINEMAS D’EUROPE 2011
La Maison de l’image
9 boulevard de Provence
07200 Aubenas
Tél: 04.75.89.04.54
Site : www.maisonimage.eu Mail: [email protected]