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Document à consulter sur place Long-métrage américain . Genre : Comédie , Romance Date de sortie cinéma : 10 août 1945 Durée : 01h37min Titre français: Rendez-vous Réalisation : Ernst Lubitsch Avec : James Stewart (Alfred Kralik), Margaret Sullavan (Klara Novak), Frank Morgan (Hugo Matuschek ), Joseph Schildkraut (Ferencz Vadas), Sara Haden (Flora Katcuck), Felix Bressart (Pirovitch), William Tracy (Pepi Katona) Auteurs & scénaristes : Miklós László (d'après la pièce 'Parfumerie'), Samson Raphaelson et Ben Hecht Synopsis : Chez Matuschek et Cie, une grande boutique de maroquinerie, le jeune Alfred Kralik, l'adjoint du patron, et Klara Novak, une nouvelle employée, vont échanger une correspondance amoureuse, sans savoir qui ils sont, à l'aide de petites annonces. 1 http://www.critikat.com/Rendez-Vous-The-Shop-Around-the.html The Shop Around the Corner réalisé par Ernst Lubitsch Un cinéaste n’est pas forcément le meilleur juge de son œuvre. The Shop Around the Corner, dit-on, était le film favori de Lubitsch : pourtant, il s’agit sans doute de sa réalisation la moins lubitschienne ; si l’on était mauvaise langue, on dirait presque que Ernst, qui venait d’achever Ninotchka et s’apprêtait à tourner To Be or Not To Be, s’amusa pour une fois à copier le style d’un collègue moins pince-sans-rire et plus philanthrope, Frank Capra. Est-ce la présence de James Stewart qui nous tourne ainsi la tête ? Au fond, The Shop Around the Corner retravaille finement les thèmes lubitschiens de l’apparence et du quiproquo révélateur en y ajoutant un parfum doux-amer qui n’est pas pour nous déplaire... Le Budapest de The Shop Around the Corner est aussi authentiquement hongrois que le Casablanca du film éponyme s’inspire du Maroc ; inutile de dire que, derrière le faux-semblant de noms de personnages à coucher dehors, il y a surtout beaucoup de Hollywood dans les décors très carton-pâte de cette œuvre lubitschienne. Mais le choix de déplacer l’action dans l’Europe pré-guerre n’est pas inintéressant. Nostalgie de Lubitsch pour son vieux continent natal ? Que nenni... Disons plutôt que la Hongrie se prête alors mieux que New York à cette histoire dénuée de glamour, où le chômage et la pauvreté qui rôdent ne sont pas qu’un arrière-plan. Disons aussi qu’il y a là une beau clin d’œil de Lubitsch à prêter à l’Europe des sentiments fraternels et humanistes (très "capraesques", rappelons-le) tandis qu’il fait dans d’autres films de la vieille Amérique la patrie du cynisme et de l’hypocrisie... 2 Alfred Kralik (James Stewart) travaille chez Matuschek & Co (le fameux « magasin du coin »), où la discipline règne dur comme fer et où l’on ne s’avise pas d’émettre la moindre critique contre le patron. Non pas que celui-ci soit un tortionnaire ; au contraire, Lubitsch le présente dès les premières scènes comme un bon bougre qui cache à l’évidence des fêlures ; mais dans le Budapest de la fin des années 1 930 (comme partout dans le monde), perdre son emploi est la pire des catastrophes. Mieux vaut donc éviter de donner son avis sur quoi que ce soit, attitude adoptée notamment par Ferencz Vadas (Joseph Schildkraut, excellent acteur secondaire beaucoup vu chez Lubitsch), qui fuit par n’importe quelle porte dérobée dès que son patron demande l’opinion de quelqu’un. Alfred Kralik, lui, a un avis et l’exprime : c’est le héros, romantique, honnête et doux, le jeune premier idéal à la M. Smith au Sénat que James Stewart incarne toujours à la perfection. Kralik a une passion : sa mystérieuse correspondante qu’il n’a jamais rencontré et dont il est déjà fou amoureux ; une parfaite antithèse à sa nouvelle et insupportable collègue qu’il déteste, Klara Novak... Mais comme dirait Rita Hayworth dans Gilda, « la haine n’est-il pas le sentiment le plus proche de l’amour ? »... Klara Novak est, bien sûr, la fameuse et mystérieuse inconnue. De ce pitch simplissime et a priori très "casse-gueule" (le remake contemporain Vous avez un mess@ge s’est ainsi affalé dans la niaiserie la plus totale, n’est pas Lubitsch qui a trop peu regardé ses films), le cinéaste tire un fil de quiproquos délicieux où il s’amuse de son don pour les jeux de points de vue. Le spectateur, chez Lubitsch, est omniscient : très tôt, le suspense entourant l’identité de la correspondante est dévoilé. Quel plaisir alors d’observer Klara et Alfred se haïr quand plus tard, dans leurs lettres, ils se déclarent passionnément leur flamme ! Lubitsch va plus loin encore, en révélant la supercherie à Alfred dès la première moitié du film. Voici donc le spectateur placé du point de vue d’Alfred, sans toutefois réussir immédiatement à démêler si le jeune homme, révolté par la haine entretenue par Klara à son égard (celle-ci continue en effet de voir Alfred comme un rustre sans culture, incapable de rivaliser avec l’intellect de son correspondant), ne cherche pas tout simplement à se venger d’elle en la manipulant, et ce, jusqu’à la dernière minute de film... The Shop Around the Corner, nous le disions précédemment, bénéficie d’un statut particulier dans l’œuvre de Lubitsch. Délaissant le glamour de la haute société, le cinéaste se tourne vers les "petites gens" avec un amour sincère (le seul bad guy du film étant un petit espion hypocrite dont les manœuvres sont évidentes dès le départ). Il montre avec honnêteté ce monde du « magasin du coin de la rue » où l’on compte son argent en fin de mois, en faisant un éloge émouvant des plus petits gestes de solidarité et de sincérité, comme s’il y trouvait un remède à la société riche, bête et méchante dont il faisait le cinglant portrait auparavant. « I just want an average girl » (« Je veux simplement une fille ordinaire »), dit Alfred en parlant de sa future dulcinée. Pour un cinéaste qui eut les plus belles (Carole Lombard, Greta Garbo, Marlene Dietrich, Claudette Colbert), voici un revirement qui nous laisse songeur... Ophélie Wiel http://www.critikat.com/Rendez-Vous-The-Shop-Around-the.html 3 http://www.ecranlarge.com/movie_review-read-6675-10666.php Rendez-vous Shop around the corner (The) PAYS :États-Unis ANNÉE DE PRODUCTION :1 940 DATE DE SORTIE :22 septembre 201 0 PREMIÈRE EXPLOITATION FRANÇAISE : 1 0 août 1 945 GENRE :Comédie DURÉE :99 MIN REALISATEUR : Ernst Lubitsch ACTEURS :Margaret Sullavan, James Stewart, Frank Morgan, Edwin Maxwell, Joseph Schildkraut Format de tournage : 35 mm Ratio d'image : 1 .37 Noir et blanc 23 juil. 2007 Par Manu le Malin Adaptée d'une pièce de théatre, cette comédie romantique se distingue par sa mise en scène et son jeu d'acteurs. Ersnt Lubitsch, réalisateur du cultissime "To be or not to be" signe ici un film d'une maitrise cinématographique parfaite. Même si contrairement aux autres comédies du maitre, elle se déroule non pas dans la haute société mais dans l'univers de vendeurs d'un magasin familial de maroquinerie, la mise en scène est parfaite: valse des personnages scénographiée au milimètre, portes qui s'ouvrent et se ferment sans cesse pour donner du rythme à l'intrigue... Les dialogues sont ciselés, les réparties fusent et l'on ne s'ennuie pas une seconde. Quant aux acteurs, ils servent parfaitement leur rôle, James Stewart en tête dans la peau d'un vendeur efficace, masquant sa timidité par une autorité maladroite; Margaret Sullavan, vendeuse au bagout et au toupet sans limite qui s'éprend d'un mystérieux correspondant epistolaire; Frank Morgan qui joue le role du patron paternaliste mais cocu avec une simplicité et un brio absolu... On pourrait aussi citer les personnages de Pepi, commis facétieux qui rajoute du comique à l'intrigue ou de Pirovich, vieux comptable un peu peureux mais si attachant... En résumé, un film désuet comme on en fait plus mais une comédie romantique imparable qui a donné lieu à un bien pauvre et fade remake avec Tom Hanks et Meg Ryan, "Vous avez un message"... N'est pas Lubitsch qui veut... http://www.ecranlarge.com/movie_review-read-6675-10666.php 4 http://www.cineclubdecaen.com/realisat/lubitsch/shoparoundthecorner.htm The shop around the corner Ernst Lubitsch 1940 Avec : James Stewart (Alfred Kralik), Margaret Sullavan (Klara Novak), Frank Morgan (Hugo Matuschek), Joseph Schildkraut (Ferencz Vadas), Sara Haden (Flora Katcuck). 1 h37. Chez Matuschek et Cie, la grande boutique de maroquinerie de cette rue commerçante de Budapest, c'est le jeune Alfred Kralik, le premier vendeur, qui est pratiquement l'adjoint du patron. Tout le personnel vit en bonne intelligence : seul Vadas, un peu trop fat et arriviste, suscite un brin d'antipathie. Un jour arrive dans le magasin Klara Novak : elle est jeune, vive, elle a du bagout et se retrouve, grâce à son talent, vendeuse. Alfred, qui vit seul, correspond avec une inconnue. Klara, célibataire, entretient un dialogue épistolaire avec un homme qu'elle espère rencontrer bientôt. Curieusement, Alfred et Klara se chamaillent sans cesse, comme s'ils se comparaient l'un l'autre à leur idéal inconnu. Matuschek est trompé par sa femme ; il croit que c'est Alfred le coupable et le chasse. Puis désespéré, il tente de se suicider mais Pepi, le jeune livreur, arrive à temps. En fait, c'est Vadas qui était l'amant. Le brave commerçant nomme Alfred gérant et Pepi vendeur ! 5 Alfred et Klara se rendent à leur premier rendezvous. Le jeune homme, un œillet à la boutonnière, cherche une jeune femme qui lit " Anna Karenine " : c'est Klara ! Déçu, Alfred enlève son œillet... Plus tard, alors qu'il a congédié Vadas et battu le record des ventes de la boutique, Alfred s'aperçoit que Klara n'est pas la chipie qu'il snobait. De son côté, Klara découvre un Alfred attentionné et délicat... comme son correspondant. Le moment vient enfin pour Alfred de remettre son œillet : les deux " inconnus " se reconnaissent enfin, tels qu'ils se sont toujours rêvés... Pour Jacques Lourcelles : "Etrangement, le meilleur film de Lubitsch est assez peu représentatif de son auteur. Les personnages ne sont plus ces princes, ces marginaux vivant dans l'insouciance et le luxe auxquels Lubitsch nous a habitués mais des êtres ordinaires, fragiles et soucieux connaissant une situation précaire tant sur le plan social que sentimental. Le film semble influencé par le grand maître occulte de la comédie américaine de toute cette époque, Leo McCarey. The shop around the corner obéit en effet dans ses profondeurs au système McCarey qui veut que l'émotion et le rire aient partie liée, que la meilleure comédie soit aussi la plus chargée d'universalité, la moins frivole et celle où les personnages se montrent humains, trop humains de la première à la dernière seconde du récit. Le miracle de The shop est que, tout en passant sur un autre registre qui leur est moins familier, Lubitsch et son scénariste, Samson Raphaelson, démontrent la même virtuosité irrésistible à tous les stades de leur travail. Une intrigue merveilleusement nouée, une interprétation subtile et variée, un contexte social décrit avec une grande acuité, quoique l'essentiel de l'action reste enfermée entre les quatre murs d'une boutique, ont permis au film de garder une jeunesse intacte. Le succès du film tint biensûr à son génie propre mais aussi, d'une façon plus circonstancielle, à son étonnante description de la précarité sociale des personnages et de la menace diffuse qui pèse sur leur emploi et sur euxmêmes. Il est vrai qu'aucun film d'aujourd'hui n'a su appréhender avec autant d'humanité les craintes d'une société en proie au chômage." http://www.cineclubdecaen.com/realisat/lubitsch/shoparoundthecorner.htm 6 http://www.dvdclassik.com/Critiques/shop-around-the-corner-dvd.htm Rendez-vous (The Shop Around the Corner) Réalisé par Ernst Lubitsch Avec Margaret Sullavan, James Stewart, Frank Morgan, Felix Bressart, Joseph Schildkraut, Sara Haden, Inez Courtney, William Tracy Scénario : Samson Raphaelson d’après la pièce de Miklos Laszlo "Illatszertar" (Parfumerie) Musique : Werner R. Heymann Photographie : William Daniels Direction artistique : Cedric Gibbons Montage :Gene Ruggiero Klara Novak et Alfred Kralik travaillent dans la même boutique et se supportent comme ils le peuvent. Aspirant à un idéal, chacun pense avoir trouvé l’amour auprès de son correspondant anonyme. 7 L’air des Yeux noirs qui s’élève dès les premières notes du générique, les noms exotiques des personnages, les diverses inscriptions ésotériques qui parsèment le décor dès le premier plan… un carton annonce sobrement ce qu’on aurait pu deviner : nous sommes en Europe centrale, à Budapest pour être plus précis. Comment se fait-il alors que les rues ne soient pas parcourues de calèches à grelots ? Pourquoi les hommes ne portent-ils pas d’exubérants costumes folkloriques assortis à d’improbables couvre-chefs ? Où est la diseuse de bonne aventure censée surgir de l’obscurité d’une porte cochère pour annoncer un destin fatal ? Rien de tout cela ? Tant pis, nous nous contenterons alors avec bonne grâce de l’un de ces luxuriants palais baroques déjà vus dans La Veuve joyeuse. Place donc aux plafonds inaccessibles au regard, aux escaliers colossaux où les marbres le disputent au cristal et à l’or ! Comment non ? Mais où nous emmenez-vous, monsieur Lubitsch ? Pas dans cette maroquinerie où l’on vend des articles de série à la classe moyenne, quand même ? Si ? Mais voyons, cette boutique pourrait tout aussi bien se trouver à Chicago. Et pourquoi pas dans une boutique de prêt-à-porter tant que vous y êtes ! Vous insistez ? Et bien entrons donc. Après-vous cher maître... UN SOMMET DE COMEDIE ROMANTIQUE L’ombre du vaudeville Deux inconnus qui entretiennent une relation amoureuse par correspondance ignorent qu’ils se côtoient tous les jours sur leur lieu de travail... et se chamaillent sans cesse. L’argument d’une grande simplicité repose sur le principe théâtral de la double énonciation : le public rit de ce qu’ignorent les personnages les uns sur les autres. Ce ressort vaudevillesque se prête à une comédie burlesque, voir loufoque, genres alors très en vogue au cinéma. Si on y ajoute la présence d’un mari trompé, d’un vendeur cauteleux, de quelques quiproquos, de scènes ou un personnage en trompe un autre en travestissant sa voix, tous les ingrédients sont réunis pour offrir une bonne farce assez traditionnelle. Cependant, quelques éléments de tension rééquilibrent le récit vers un certain réalisme. Les personnages mis en scène se préoccupent des contingences matérielles, s’inquiètent pour leur vie professionnelle ou privée, sont concernés par le contexte économique et social de leur époque. Quelques unes des péripéties de l’histoire flirtent même avec le drame lorsque l’un perd son emploi et s’inquiète de ne plus en trouver ou encore lorsqu’un autre, à cause de déboires conjugaux, tente de se suicider. La tentation mélodramatique n’est jamais loin mais ne s’impose pourtant pas tant la finesse de l’expression des sentiments l’emporte sur l’outrance. C’est une nouvelle démonstration de l’esprit sophistiqué de Lubitsch, qui triomphe toujours des attendus d’une situation pour délivrer sa vision, pleine de verve, de la comédie humaine et donner son remède, toujours le même, aux maux qui parsèment l’existence : avoir le sens de l’humour, fut-il noir ou cynique. 8 Sociologie microcosmique Ne pouvant ni ne voulant dès lors se reposer sur la trame constante et attendue d’un genre codifié, Lubitsch emploie ici un procédé - assez nouveau pour lui - pour étoffer son intrigue de base : il développe les personnages secondaires avec méticulosité. La minutie avec laquelle est dépeinte une micro société distingue The Shop Around the Corner des précédentes productions du réalisateur. En octobre 1 939, juste avant de commencer le tournage, Lubitsch confiait dans une interview : « Nous ne pouvons plus désormais tourner des films dans un espace vide. Nous devons montrer des gens qui vivent dans un monde réel. Autrefois les spectateurs n’avaient pas besoin de se demander quelle vie menaient les personnages d’un film, pour peu que les films soient assez distrayants. Maintenant, ils y réfléchissent. Ils voudraient voir des histoires qui aient quelques chose à voir avec leur propre vie ». Cette intention s’affiche dès la scène d’exposition, simple et habile, qui permet de faire connaissance avec tous les personnages de la boutique devant le rideau baissé : M. Pirovitch, éternellement en avance, est apostrophé par Pépi le coursier dynamique et ambitieux mais peu enclin à servir plus que nécessaire. Puis un par un se présentent les autres vendeurs : Ilona, Flora, Alfred Kralik et Ferencz Vadas. À l’arrivée de ce dernier, les discussions tournent vite à la querelle avant de s’éteindre à l’arrivée d’Hugo Matuschek, le propriétaire et gérant de la petite affaire qui seul possède la clef de la boutique. Par leurs attitudes et leurs échanges, les caractères des personnages sont révélés en l’espace de cinq minutes seulement. Du bon père de famille débonnaire et un peu couard à l’opportuniste roublard en passant par le patron paternaliste et exigeant, tout ce petit monde prend vie et l’intrigue peut prendre racine avec crédibilité. Dans les cinq minutes qui suivent, tous les éléments clefs du film sont posés jusqu’à l’arrivée de Klara Novak, ultime pièce du puzzle dramatique et sentimental. C’est sa quête désespérée d’un emploi et son coup d’audace pour y parvenir qui vont à la fois introduire son personnage et élever une barrière entre elle et Alfred Kralik, nœud de l’histoire à venir. Dans la même scène, on assiste à la mise en place de l’un des "running gags" les plus hilarants du film - tournant autour d’une boîte à cigare et d’une ritournelle - tout en définissant le contexte social de la crise qui pèse sur chacun. La suite du film se compose de développements et de variations sur quelques thèmes clefs qui vont entrelacer tous ces fils et enrichir les données de départ sans temps mort ni répétition. Splendide mécanique « Il ne faut pas mélanger les sacs et le plaisir » dit Alfred Kralik à mademoiselle Novak. Voilà une élégante manière d’introduire la complexité de la question de l’amour au travail. Cette situation est exploitée par le scénario avec une virtuosité qui, à en croire Samson Raphaelson, tenait à la structure de la pièce de Miklos Laszlo plus qu’à l’apport de Lubitsch. : « Lubitsch avait respecté la nature du matériau original et pour la première fois il n’y avait pas de ‘’Lubitsch touches’’. Cette fois, Lubitsch et moi retournâmes vers notre jeunesse, l’émotion était présente et il n’y eut aucune recherche de rouerie cinématographique (2) ». Déclaration quelque peu abrupte et difficile à croire. Si l’essentiel de l’humour provient de l’écriture théâtrale qui recourt aux "ficelles" éprouvées du métier, il parait inconsidéré de nier l’efficacité proprement filmique de la mise en scène, du cadrage et du montage de The Shop Around The Corner. En cinéaste averti, Lubitsch contourne la difficulté liée à l’exiguïté du cadre et se livre à un jeu passionnant avec les 9 espaces. Il introduit d’abord la verticalité des escaliers et des échelles pour créer des effets comiques (M. Pirovitch s’enfuyant à chaque fois que M. Matuschek demande d’émettre une opinion « en toute sincérité ») ou composer des tableaux charmant (le tête à tête de Kralik et de Novak dans la réserve). Il tourne ensuite à son avantage le cloisonnement en allant de la boutique à la réserve, de la réserve au bureau, du bureau et à la boutique et de la boutique à l’extérieur, ces changements de pièce matérialisant les changements de posture des personnages ; grand maître dans l’art de filmer les portes, il les utilise ici pour révéler les différentes facettes de chacun face à un client, au patron, aux collègues ou à un ami. Prenons l’exemple de l’arrivée de Klara Novak. En quelques minutes, celle-ci est tour à tour une cliente ordinaire, une solliciteuse, une cliente privilégiée puis une vendeuse pirate et enfin une employée légale. Face à elle, Kralik a été le vendeur habile, le responsable aux attributions limitées, l’employé pris en faute, le camarade compatissant... quant à Hugo Matuschek, il ne traverse pas moins de phases révélant les diverses couches qui font de lui tout à la fois un patron autoritaire et paternaliste et un homme finalement peu assuré. Les portes sont des seuils symboliques censés définir les statuts de chacun des trois protagonistes mais en fait, elles ne cessent de les trahir en trompant sur l’identité de l’une, cachant l’apparition d’un autre ou formant un écran pour l’égo. Tout au long du film, l’importance de l’accessoire est une autre clef de la réussite de la mécanique du rire : le jeu avec les éléments récurrents, comme la boîte à cigare ou la mélodie des Yeux noirs surgissant de manière toujours inattendue et avec un sens prodigieux de l’incongruité, est un véritable tour de force lubitschien. Toujours dans la scène d’apparition de Klara Novak, on notera l’importance de l’accessoire vestimentaire caractéristique de l’esprit du réalisateur : Klara coiffée d’un chapeau est une cliente ordinaire, mais qu’elle le retire l’espace d’un instant et elle devient la plus redoutable des vendeuses du magasin. Chez Lubitsch, l’habit fait décidément le moine. TELLEMENT HUMAINS L’illusion comique et l’éloge de la faiblesse Derrière les apparences et les faux semblants, The Shop Around the Corner fait l’éloge des êtres humains dans ce qui les caractérise le mieux : leurs défauts. Comment ne pas songer à l’attrait qu’exercera Martha (Gene Tierney) sur Henry (Don Ameche) dans Heaven can Wait (1 943) lorsque ce dernier la surprendra en train de mentir à sa mère par téléphone pour pouvoir faire les boutiques à sa guise. Cette beauté du péché a pour contrepoint ici la vanité de l’idéalisme d’Alfred et de Klara, leurs aspirations élevées dressant le mur qui les sépare et les rendent aveugles aux signes évidents d’attirance qu’ils exercent l’un sur l’autre. La perfection est donc inutile, et la relation platonique qui les unit à leur insu est une impasse. Elle est même la manifestation de leur immaturité aux yeux de l’homme de bon sens : - Kralik : Vous vous souvenez de la fille avec qui je correspondais ? - Pirovitch : Ah, oui… sur ces questions culturelles ? - Kralik : Oui, et bien après un temps, nous en sommes venus au thème de l’amour. Évidemment, d’un point de vue très intellectuel. - Pirovitch : Évidemment, comment faire autrement par lettre ? L’autre handicap de Kralik et de Klara est leur incorrigible franc parler. Comment être heureux lorsqu’on blesse constamment les autres par son honnêteté ? M. Pirovitch montre bien plus de sagesse en prenant la fuite plutôt que de se dévoiler. Faut-il donc être veule, hypocrite et lâche pour plaire à Monsieur Lubitsch ? 10 Rassurons-nous en portant attention au personnage de Ferencz Vadas : le seul personnage authentiquement odieux de l’histoire en prendra pour son grade. C’est que cet homme sans esprit ni humour n’est même pas doué de la faculté de jouir des plaisirs qui lui sont donnés. Cette tare seule mérite une condamnation sans appel aux yeux du metteur en scène. La part des acteurs Cette approche amoureuse de la nature humaine, moins détachée qu’à l’habitude chez Lubitsch, offre aux comédiens une occasion d’aborder leur rôle avec une délicatesse extrême : Margaret Sullavan, James Stewart, Frank Morgan ou Felix Bressart font preuve d’une intelligence et d’une intuition rares, servant les dialogues avec une telle aisance que plusieurs visions ne sauraient épuiser le plaisir que l’on éprouve à les entendre enchaîner ces répliques spirituelles où l’ironie et les sentiments authentiques font bon ménage. De plus, au-delà de l’art de la répartie brillante dont on sait que Lubitsch est un maître sans rival, relevons la beauté des face-à-face qui parsèment le film. Tout fonctionne à merveille, de la complicité entre les vieux camarades aux rapports inégaux entre patron et employés, en passant par les antagonismes parfaits (Kralik-Vadas ; Kralik-Matuschek ; Pépi-Vadas…) ou les affrontements superficiels (Alfred Kralik et Klara Novak). Une satire sociale ? Dès lors, faut-il chercher plus loin pour saisir tout le sel de ce film ? Cela ne paraît guère nécessaire mais on peut néanmoins commenter la dimension satirique qui a souvent été relevée. Tout d’abord, contrairement à nombre de comédies hollywoodiennes des années 1 930, celle-ci ne repose pas sur une différence de catégorie sociale entre les protagonistes : tous les deux appartiennent à la working class. L’effet "conte de fée" - à l’endroit ou à l’envers - ne joue donc pas ici. Au contraire, l’un et l’autre sont conscients de et préoccupés par la précarité de leur situation. Ils réaliseront que l’intégrité ne suffit pas à assurer sa position dans un monde du travail marqué par la crise mondiale et la toute-puissance d’un patronat libre de congédier sans autre forme de procès. Au détour d’une conversation, on découvrira même sur un ton badin une allusion au problème du harcèlement sexuel des femmes sur leur lieu de travail, visiblement omniprésent. Avons-nous pour autant affaire à un film engagé ? On peut y voir plutôt une peinture ironique, légèrement cynique, de la bonne conscience bourgeoise incarnée par Monsieur Matuschek. Ce dernier exerce sa tyrannie joviale et peu subtile en s’abritant derrière le masque de la philanthropie qui le pousse à payer plus d’employés qu’il n’en a réellement besoin. Il exige en retour l’affection qu’il ne trouve pas dans sa propre famille. Le virage pris par l’histoire en plein milieu, et qui révélera sa fragilité, changera la donne et finira, avec une certaine tendresse inhabituelle chez Lubitsch, par transformer cette entreprise en une famille recomposée. Cette fin moralisante, souvent comparée aux œuvres de Frank Capra, est peut-être la seule faiblesse de cette fable sociale. Les aspirations de Klara et d’Alfred finiront par se fondre dans le bonheur d’une entreprise prospère. Heureusement, le culot de Pépi permet de dispenser une leçon retorse dans l’art délicat de l’opportunisme audacieux là où la veulerie d’un Vadas avait été mise en boîte (à cigares). 11 Matuschek Incorporated et ses succursales Sélectionné pour quatre Oscars, The Shop Around The Corner devint un classique de la MGM qui décida, neuf ans plus tard, d’en faire un musical : In Good Old Summertime. Cette version, dirigée par Robert Z. Leonard et interprétée par Judy Garland et Van Johnson, fut pour l’occasion transposée dans une boutique de musique de Chicago. Cette version fut adaptée à son tour en comédie musicale à Broadway en 1 963 sous le titre de She Loves Me. Triomphant sur les planches, la MGM songea à en retourner une nouvelle version à la fin des années 1 960 mais le projet demeura dans les cartons. La ressortie du film de Lubitsch en salle dans les années 1 980 a aussi connu un véritable succès. Il faudra attendre 1 998 pour voir la Warner s’emparer de ce script miraculeux et en faire une nouvelle transposition contemporaine avec Tom Hanks et Meg Ryan dans les rôles principaux (You’ve Got Mail , dirigé par Nora Ephron). Invraisemblable mais crédible, excessif mais raffiné, universel et indémodable... The Shop Around the Corner est la pierre d’angle de l’histoire de la comédie sentimentale raffinée. Et peut-être le plus beau film du monde ? Alex Row http://www.dvdclassik.com/Critiques/shop-around-the-corner-dvd.htm 12 http://www.mad-movies.com/forums/index.php?showtopic=19313 Les films de Ernst Lubitsch Le roi de la comédie intelligente Un de mes réalisateurs favoris et un des grands modèle de Wilder pour ce qui est de l'humour caustique, des bons mots et du gouts pour les sujets "difficile" : Serenade à trois c'est quand même une ode à l'amour libre en 1 933, Ninotchka abordait avec humour les travers du régime communiste et To Be or not to be était un film anti nazi avant même que les USA soient engagé dans le conflit... Après Wilder se met peut être plus ouvertement à nu dans ces films que Lubitsch et sa mécanique parfaitement huilée. Dans Ninotchka j'adore toute les scènes où les trois agents communisme se font pourir progressivement par le capitalisme d'ailleurs "Un,deux, Trois" de Wilder ça ne serait pas une version hystérique et barrée de "Ninotchka" sur les bords ? mon préféré ça reste " The Shop Around the corner" Sur la fin de sa carrière Lubitsch délaisse un peu la société américaine (To Be or not to be se passait aussi en Pologne) pour se souvenir de sa vie en Europe avec une merveilleuse tranche de vie sur les employés d'une petite boutique de Budapest. Un scénario parfait qui capte bien la simplicité et la modestie du propos, des personnages magnifiquement ecrit et touchant comme le très bougon patron de la boutique. Le couple James Stewart/Margaret Sullivan fait des étincelles avec des disputes incessante et en se lançant des piques hilarantes pendant tout le film. ( "Well I really wouldn't care to scratch your surface, Mr. Kralik, because I know exactly what I'd find. Instead of a heart, a hand-bag. Instead of a soul, a suitcase. And instead of an intellect, a cigarette lighter... which doesn't work." énorme ). Un regard nostalgique et réaliste sur une époque révolue (la 2e gurre mondiale faisait déjà rage à la sortie du film) , pas le Lubitsch le plus drôle ("To be or not to be" est là pour ça) mais surement le plus attachant. profondo rosso Un grand réalisateur qui a lancé les Wilder, Preminger et autre Mankiewicz dans le circuit hollywoodien(c'est pas rien quand meme!) et grand homme de théatre, il y reviendra toujours, pas étonnant que To be or not to be se passe dans le milieu du théatre polonais, et suivent les mésaventures d'une troupe de comédiens. babarorhum 13 Grmmmmbl...Un topic sur saint lubitsch et trois réponses.. . grmbl....finirez tous pendus ou fusillés...il est tard, mais tant pis... Lubitsch est un génie. Point. Son expérience théâtrale se ressent fortement dans ses films. Certains l'ont accusé de se préoccuper plus de ses portes que du reste. Le fait est que Lubitsch maitrisait parfaitement l'art du timing, si essentiel à la comédie. Cela, ajouté à d'excellents acteurs et à des répliques qui déchirent tout, lui a permis de créer des films dont la force comique n'a RIEN perdu avec les années. c'est tout de même dans Ninotchka qu'on entend le célèbre : " Pourquoi voulezvous porter mes sacs ? C'est mon métier. Ce n'est pas un métier, c'est une injustice sociale ! Ca dépend du pourboire..." ainsi que des trucs comme : " Oh, Bourkanov, on ne sais jamais s'il va aux toilettes ou à la police secrète..." Faudrait voir aussi à pas oublier le fond. Comme il a été dit, Lubitsch a abordé des sujets difficiles avec une rare intelligence et un sacré culot à l'époque. Ninotchka, of course, mais dans To be or not to be, (42 !) entre Hitler dans les rues polonaises et le cultissime "So zey call me Konzentrazion Kamp Reinhart ?", il dit bien ce qu'il pense du régime qui l'a déchu de sa nationalité allemande en 35. To be or not to be est un chef d'oeuvre absolu que tout le monde devrait avoir dans sa dvdthèque, sous peine de mort. Stou. Y'a les rôles de femmes, aussi, hallucinants de modernité pour l'époque. Pendant que par chez nous, on se farcissait madame Maigret comme idéal féminin, claudette colbert se payait magistralement la tête de gary cooper dans La huitième femme de barbe bleue, film tout de même ultime sur la phallocratie et le " qui c'est qui porte la culotte, non mais !" Ce film possède d'ailleurs l'une des scènes d'intro les plus hillarante de toute l'histoire du cinéma...l'affaire du pyjama est simplement un petit bijou ciselé dans ses moindres détails (et la méthode anti-insomnies me fait toujours autant poiler...) Même ses films mineurs comportent leurs lots de scènes cultes et de personnages attachants. Le grandpère de " Heaven can wait" est parfait, la cuite du môme est utlime, etc... Ce mec a tout simplement créé quelques-uns des films les plus drôles jamais réalisé, sans jamais céder à la facilité, la vulgarité, ni prendre son public pour des imbéciles. Beaucoup de ses successeurs lui doivent tout. Peu l'ont égalé. kea "Heil ... myself" balance le Hitler dans la pièce de théatre de To be or not to be, pareil que pour les autres messages Lubitsch est probablement mon réalisateur de comédies préférées, et comme prof' son film que je préfère est The Shop around the Corner, que j'ai dû voir une bonne dizaine de fois. Prosopopus 14 Comme d'hab' avec Ernst, le regard porté sur nous autres chiens d'humains, est d'une finesse et d'une acuité foudroyantes, c'est plein de chaleur pour l'âme et l'esprit, c'est à consommer sans modération. Sans doute son oeuvre qui me laisse le plus de souvenirs (avec quand même le surpuissant To Be Or Not To Be qui aurait dû remporter le prix Nobel de chimie pour sa fusion parfaite entre légèreté caustique et profondeur grave comme l'on dit dans les milieux concernés. Et ma passion pour les courses hippiques me fait ajouter à ce duo de tête le virevoltant La huitième femme de barbe bleue dans lequel on prend un immense plaisir à voir un Gary Cooper dans la peau d'un solide milliardaire du cac40 se faire prendre à son propre jeu par un petit bout de femme.) Waco Lubitsch est clairement LE père spirituel de Billy Wilder ("Ariane" est très proche de ses comédies des années 30), mais aussi de Manckiewicz (le magnifique "On murmure dans la ville" dont l'émotion est comparable avec celle de " The shop around the corner", ou le roublard "l'Affaire Cicéron" dont le final est très lubitschien). Tous ces génies avaient une sensibilité d'Europe centrale. anya " The Shop Around the Corner" est une pure merveille. Un scénario brillant, écrit avec un talent fou et un humour imparable, regorgeant de répliques et de dialogues hilarants, et qui exploite à fond le pitch de départ et développant un comique de situation efficace et jouissif (et oui, le terme ne s'applique pas qu'à des peloches décérebrées) tout en s'attachant à décrire le quotidien de ce magasin et des caractères qui y cohabitent avec une réelle justesse dans les émotions. Le tout dans un aspect théâtral du plus bel effet, le scénar étant lui même une adaptation d'une pièce, mais qui ne tombe jamais dans le mou ou le statique grâce à la mise en scène de Lubitsch qui apporte un souffle et une énergie qui finit de faire de "Rendez-vous" un modèle de comédie. J'allais aussi oublier de dire que Stewart avait une classe pas possible dans ce film. Misterpursoup C'est la scène d'ouverture de "la huitième femme de barbe bleue" qui est sans conteste LA meilleure scène d'ouverture de film de tous les temps de l'univers connu ! kea Faut tout de même rendre hommage à ce génie du "pressage-de-citron-comique", et je rejoins Keats et les autres, qu'on ne retrouvera jamais. Le gag est poussé dans ses retranchements, avec une inventivité folle, et répété lors de la première apparition de l'inagalable Edward Everett Horton, et relancé encore avec l'apparition du propriétaire du magazin. On le considère comme un Lubitsch mineur (mais supérieur à l'écrasante majorité des comédies de remariages sorties depuis... la mort de Lubitsch), car il est moins profond, même s'il est tordant (le carton "English spoken/American Understood", "That would be communism !", et j'en passe). " The shop around the corner", "To be or not to be" et le film testament "Le ciel peut attendre" contiennent une tendresse teintée de gravité. "La 8ème femme" peut donner l'impression d'être trop "mécanique" à côté. anya http://www.mad-movies.com/forums/index.php?showtopic=19313 15 http://www.cinefil.com/film/the-shop-around-the-corner Je viens de voir la plus délicieuse,la plus adorable des comédies romantiques de Lubitsch,la plus touchante,aussi,car elle met en scène des employés,des gens modestes,avec leur sensibilité,leurs petits travers,leurs problèmes et,surtout leurs rêves...James Stewart est irrésistible dans ce personnage de vendeur modèle,qui,du jour au lendemain,va perdre la faveur de son patron (extraordinaire M.Matusek!)et se retrouver au chômage,tandis qu'il mène de front une correspondance amoureuse avec une....inconnue,croitil,elle- même vendeuse au magasin....Comme dans bon nombre de comédies des années 40 les deux héros commencent par se détester cordialement,pour finir dans les bras l'un de l'autre....Sensible,subtile,romanesque à souhait,émouvante,sans être mélo,on n'en finirait pas d'énumérer tout ce qui fait le charme de cette comédie que je ne suis pas prête d'oublier!...Un vrai bonheur!!... 22/09/201 0 - diapree Les Yeux noirs Des yeux noirs, des yeux pleins de passion ! Des yeux ravageurs et sublimes ! Comme je vous aime, comme j'ai peur de vous ! Je sais, je vous ai vus, pas au bon moment ! Oh, non sans raison vous êtes plus sombres que les ténébres ! Je vois de la peine en vous pour mon âme, Je vois une flamme victorieuse en vous Dans laquelle brûle mon pauvre cœur. Mais non je ne suis pas triste, il n'y a pas de chagrin Mon destin me réconforte. Le meilleur que dieu nous a donné dans la vie, Je l'ai sacrifié pour ces yeux de feu ! 16 Sur l’illusion perdue de la profondeur http://www.revuesequences.org/2010/07/sur-lillusion-perdue-de-la-profondeur/ 1 6 juillet 201 0 – Sylvain Lavallée [...] Bordwell tient des propos semblables sur son blogue (Observation on film art)*, avec toute la précision nécessaire, alors qu’il compare une séquence de The Shop around the corner avec la séquence correspondante dans le remake du même film, You’ve Got Mail. Il note entre autres la différence dans la mise en scène, Nora Ephron utilisant dans You’ve Got Mail le champ contrechamp en gros plan de façon systématique (avec des plans d’une longueur moyenne de 4.1 secondes), Ernst Lubitsch optant plutôt pour des plans longs et larges (d’une longueur moyenne de 82 secondes), n’utilisant le gros plan que de façon spartiate, que pour la rencontre entre le couple, moment clé de la séquence. Bordwell remarque aussi la subtilité du jeu de James Stewart, qui utilise comme il le fait si bien son physique particulier pour s’exprimer, sa silhouette et un mouvement d’épaule, alors que Tom Hanks, encore lui, n’a de nouveau recours qu’à ses sourcils (que ferait les acteurs aujourd’hui sans leurs sourcils?) [...] * http://www.davidbordwell.net/blog/2007/05/27/intensified-continuity-revisited/ http://www.excessif.com/cinema/actu-cinema/news-dossier/saint-valentin-de-cinema-page-1-4995031-760.html Saint Valentin De Cinema Par Nicolas Houguet 1 4 février 2009 Si vous êtes seul à la Saint-Valentin, tel Bridget Jones, à vous lamenter sur l’état de votre vie, fredonnant « can’t live » en piochant dans votre pot de Nutella devant un film d’un romantisme insolent, alors cet article est pour vous. Le cinéma est là pour vous rappeler, un peu sournoisement, que le grand Amour existe et que vous aussi, un jour, vous vous trouverez sur la proue du Titanic avec votre aimée dans un beau coucher de soleil. [...] Datant de 1 940, The Shop around the corner d’Ernst Lubitsch met encore des papillons dans le cœur. James Stewart y cherche à séduire une femme qui travaille dans la même boutique que lui et avec qui il a des rapports plutôt conflictuels. Pourtant, elle attend les lettres de son mystérieux correspondant avec passion. La rythme est allègre, enlevé, gracieux, les dialogues sont enchanteurs. L’émotion est là, on se laisse emporter. On sent une dimension sociale et une situation admirable de naturel, avec des personnages échappant aux archétypes. On s’attache à chacun, comme c’est toujours le cas chez Lubitsch. Le film a d’ailleurs connu un remake assez réussi, Vous avez un message, porté par l’énergie de Meg Ryan et Tom Hanks. 17 http://www.lexpress.fr/culture/cinema/retrospective-lubitsch-a-la-cinematheque-francaise_914370.html Rétrospective Lubitsch à la Cinémathèque française Par Thomas Baurez (LEXPRESS.fr), publié le 25/08/2010 à 13:30 Du 25 août au 10 octobre 2010, la Cinémathèque française propose une rétrospective intégrale de l'auteur de Jeux dangereux, Ninotchka ou de Rendez-vous. Décryptage d'un style inimitable : la fameuse Lubitsch touch. Avant de se voir aujourd'hui célébré intégralement à la Cinémathèque Française de Paris, le cinéma du grand Ernst Lubisch (1892-1947), a été honoré au Festival de Locarno début Août. Le nouveau directeur artistique Olivier Père évoquait fort justement : « le roi de la comédie » ou encore « le plaisir de l'intelligence » pour qualifier le travail du grand homme. Avec les films d'Ernst Lubitsch c'est vrai nous rions de bon coeur, mais toujours avec élégance et raffinement. Les mots et les maux d'esprit sont drapés de dorures. Le chic, bien entendu, n'est qu'une affaire de perspective. Qu'il s'agisse d'un simple vaudeville ou d'une satire sociale, les dames chez Lubitsch portent des manteaux d'hermine, arborent de gros bijoux, les hommes sont en costume trois pièces et chapeaux haut-de-forme. Tout ce beau monde se croise et se décroise dans de beaux palaces de la « french riviera » ou des grandes capitales de la vieille Europe. Le cadre est beau même quand il donne des signes de décrépitude avancée et les gens sont humains. Trop, parfois jusqu'au ridicule, comme ce Marquis de Loiselle dans la Huitième femme de barbe-bleue, aristocrate sans le sou s'accrochant corps et âme à un standing qu'il ne peut plus atteindre. Le ridicule ne tue jamais, les apparences, fussent-elles trompeuses, sauvent toujours les situations les plus désespérées. Prenez cette troupe de théâtre polonaise durant la Seconde Guerre Mondiale qui tente de déjouer les plans machiavéliques de la Gestapo dans Jeux dangereux. Happy end, envers et contre tous. Une peau de banane sur la vérité Lubtisch, juif allemand né à Berlin, exilé à Hollywood au début des années 20, acteur puis réalisateur, muet et parlant, avait emmené dans ses valises un savoir faire et des bonnes manières. La fameuse « touch » justement. Et c'est quoi alors ? Un sens du rythme et de l'ellipse qui donne à chacun de ses films des allures de formule 1 qui refuserait de s'arrêter au stand. Pas de temps mort chez Lubitsch. Ses breuvages se boivent cul-sec. Le ciel peut attendre, nous dit d'ailleurs l'un de ses plus fameux cocktails. Il y a le raffinement, on l'a dit. Les personnages bien mis sont les vecteurs de satires sociales souvent cruelles. Pour la tendresse, on repassera. « La délicatesse c'est une peau de banane sous les pieds de la vérité ! » entend-t-on dans Sérénade à trois. Lubitsch avait du goût, au point de prendre un certain Billy Wilder -le futur réalisateur de Certains l'aiment chaud ou Sunset Boulevard- comme co-scénariste. Les dialogues comme les situations offrent des gags volontiers burlesques qui éclatent comme des bulles de champagne. Pas de tartes à la crème. De la tenue que diable ! Les ouvrages de Lubitsch sont des chef-d'oeuvres d'horlogerie que les exégètes comme les amateurs s'amusent à démonter pour comprendre comment c'est fait. Voilà pourquoi il reste encore aujourd'hui la référence absolue en matière de comédie. To be Lubitsch or not Lubitsch, that's the question. C'est (juste) une question de feeling et surtout d'une (grosse) dose de génie (avec ou sans cigare !). http://www.lexpress.fr/culture/cinema/retrospective-lubitsch-a-la-cinematheque-francaise_914370.html 18 http://www.iletaitunefoislecinema.com/chronique/3948/ernst-lubitschbilan-de-la-retrospective-a-lacinematheque-25-aout10-octobre-2010 Ernst Lubitsch - Bilan de la rétrospective à la Cinémathèque (25 août - 1 0 octobre 201 0) De Lubitsch on a surtout retenu sa Touch. Mais qu’est-ce que la Lubitsch’ Touch ? Des histoires de vestes, taillées au millimètre. La rétrospective achevée, tout n'est pas perdu pour autant : place au prince de la comédie américaine, au merveilleux, à l’inénarrable Monsieur Ernst ! Article de Fleur Chevalier La Lubitsch’ Touch n’est pas le dernier cocktail à la mode. C’est le concentré de talent d’un cinéaste disparu prématurément, en 1 947. On a toujours du mal à le réaliser tant ses oeuvres semblent toujours avoir un cran d’avance. Ernst Lubitsch tourne pourtant ses premiers films en 1 91 7, en Allemagne. Jeune talent de 30 ans, remarqué par les States, il rejoint Hollywood en 1 922, où on le surnomme le « Griffith européen ». Patron méticuleux, on attribue son succès à la sophistication de ses fantaisies aux mises impeccables et aux décors fastueux, notamment dans ses blockbusters muets. Mary Pickford lui reprochait d’ailleurs de ne pas assez s’intéresser aux acteurs, mais de leur préférer… les portes. Dans sa petite entreprise sont passés de nombreux scénaristes. Parmi eux, rien de moins que le très brillant Billy Wilder, sur les mythiques Ninotchka (1 939) et La Huitième Femme de Barbe-Bleue (1 938)… La grande classe ! Sa prédilection pour les milieux chics : une fascination indécrottable pour les noblesses de la vieille Europe, qu’il brocarde non sans affection. Les deux guerres mondiales l’ont profondément marquées, et leurs ombres planent sur nombre de ses films, de L’Homme que j’ai tué (1 932) à Cluny Brown (La Folle ingénue, 1 946). Les comédies de Lubitsch ne sont jamais innocentes : du portrait vitriolé de parvenus beaufs américains dans l’hystérique Princesse aux huîtres (1 91 9), à sa satire, plutôt mal accueillie, du décorum Nazi dans To Be or Not to Be (Jeux dangereux, 1 942), un film qui a sacrément inspiré Tarantino pour son Inglourious Basterds. Le monde est en pleine mutation, Lubitsch, novateur mais nostalgique, en est infiniment conscient. Cela dit, nous n’avons toujours pas répondu à la question : bon sang, mais qu’est-ce que la Lubitsch’ Touch ? L’art de l’ellipse, nous dira-t-on. Mais encore ? L’art de décrire les contrariétés d’un amant en regardant comme il a découpé sa viande. L’art de suggérer la fougue d’une demoiselle à la vue – et l’ouïe – d’un évier se vidant. Un gros plan trivial sur des chaussettes pour exprimer l’amour fou. Bref, l’art de contourner la censure avec humour et surtout, d’extérioriser les non-dits. Au jeu des apparences, Lubitsch est le plus fort. 19 Le passage du muet au parlant ne lui a pas franchement posé problème. C’est d’ailleurs probablement du muet qu’il tient sa science du cadrage. Ses plans silencieux disent souvent ce que le langage, bienséant, n’a cherché qu’à atténuer ou codifier. Dans un cinéma tout ce qu’il y a de plus plaisant et populaire (à une époque où, semble-t-il, on ne prenait encore pas ouvertement le grand public pour un gros imbécile), Lubitsch sème ça et là ses petites graines subversives, manipulant avec vivacité les jeux de mots, les enchaînements révélateurs, et les contrepoints : petitesse des gens dans leurs décors, poignées de portes à hauteur de tête (L’éventail de Lady Windermere, 1 925). Des portes, encore des portes ! « Si je vous trouve trop romantique, donnez-moi un bon coup de pied. – C’est ça, donnons nous des coups de pieds ! » Rencontres sous l’évier, fessées, baisers aromatisés à l’oignon, morsures, gifles, boxe et coups de marteau : Lubitsch sait surtout parler aux femmes. En se payant, par exemple, la tête de leurs cabots de maris. L’inconscient mari d’Angel (1 937) est si fier d’exhiber occasionnellement sa ravissante Marlène Dietrich, toutefois frustrée des absences répétées de son époux… Un autre confond sa femme avec le chien, dans Illusions perdues (That Uncertain Feeling, 1 941 ). Claudette Colbert, huitième conquête têtue et indisciplinée du psychorigide et arrogant Gary Cooper, se vante d’être son « plus mauvais placement »… L’égalité, voilà ce qu’elles veulent ! La possibilité d’aimer librement, d’assumer leurs désirs, de démolir la maison, menacer leurs papas, de se bagarrer avec les copines, de conduire une troupe de voleurs, de courir échevelées dans les montagnes… D’être passionnées sans être des monstres. Lubitsch les aime ainsi : folles et ingénues. Elles le lui rendent bien, car ce n’est pas demain la veille qu’on reverra rigoler Greta Garbo, en communiste ! Cet exploit, on le doit, encore une fois, à Ernst Lubitsch. 20 Lubitsch soigne ses personnages féminins, plus que les hommes ne les soignent au quotidien. Mari pantouflard, comme l’extraordinaire Jack Benny dans To Be or Not to Be – « J’aime mon pays, j’aime mes pantoufles ! » – et amant narcissique, comme le très coquet lieutenant de La Chatte des Montagnes (1 921 ) : tous dans le même sac ! Sauf, peut-être, dans Cluny Brown, où la déroutante Jennifer Jones trouve enfin, sans le savoir, un amant à sa mesure avec le subtil Belinski, un Charles Boyer irrésistible, apatride poursuivi par les Nazis. Deux excentriques. Probablement le sommet de la comédie romantique : deux cas sociaux, une amatrice de plomberie spontanée et naïve, un réfugié tchèque abonné à la poste restante. Une explosion d’humanisme et de sensibilité. Lubitsch aime ses personnages. Et qui aime bien, s’en moque bien ! Quel bonheur de suivre ces amoureux qui ne savent pas qu’ils le sont, tomber amoureux alors qu’on savait bien qu’ils l’étaient ! Compliqué ? C’est l’unique principe du très jouissif The Shop Around the Corner (1 940), moins abouti cependant que le formidable Cluny Brown, un chef d’œuvre stupéfiant de légèreté et de gravité : « Oncle Arn, tu sais pourquoi les filles partent de chez elles ? Elles partent de chez elles parce qu’on les met dehors… ». Elégance vulgaire, profondeur vaporeuse, naïveté graveleuse, idéalisme clairvoyant, prude subversion : les extrêmes fusionnent, Lubitsch transforme le plomb en or. Sa grâce absolue n’aura pas échappée à Alain Resnais, son Pas sur la Bouche reste à ce jour un des plus vibrants hommages au raffinement de Lubitsch. Les quiproquos costumés, ceux des années 1 920, bien sûr. Mais aussi parce que le fantôme de Barbe-Bleue semble hanter la carcasse compassée du farouchement obtus Eric Thomson. Puis, dans ses dilemmes amoureux, on jurerait parfois entendre fredonner Sabine Azéma. « Comme j’aimerais, mon mari, s’il était, mon amant… » Lubitsch n’est pas mort, on peut encore sentir la fumée de ses cigares… On aimera en faire notre ami imaginaire, et suivre avec fidélité le plus sage de ses conseils : « Où est votre place ? Là où vous êtes heureuse. Si vous voulez donner des écureuils aux noix, qui peut dire « des noix aux écureuils » ! » Il n'est pas jamais trop tard pour faire connaissance ! Pour commencer, par exemple : la liste bien fournie des films qui ont été projetés à la Cinémathèque. http://www.iletaitunefoislecinema.com/chronique/3948/ernst-lubitschbilan-de-la-retrospective-a-lacinematheque-25-aout10-octobre-2010 21 http://www.excessif.com/cinema/actu-cinema/news-dossier/visages-de-la-comedie-romantique-page-14980949-760.html Visages De La Comedie Romantique Par Nicolas Houguet - 1 2 mars 2008 Qu'il est doux de succomber, les soirs de mélancolie, aux charmes naïfs d'une bonne comédie romantique. Deux êtres que tout oppose se rencontrent. Ils ne se supportent pas puis finissent par s'aimer. Le genre connaît énormément de variations, du conte de fée à une veine plus satirique, de la rêverie rose bonbon à une forme presque conceptuelle. [...] The Shop around the Corner d'Ernst Lubitsch date de 1 940 et est un petit joyau qui vous emporte. Aujourd'hui encore, il a gardé sa grâce intacte. Si New York-Miami accuse parfois son âge, notamment dans le moment chanté dans le bus, l'écriture de Lubitsch est d'une fraîcheur et d'une profondeur virtuoses. Chaque personnage est émouvant, a une existence propre. Les situations sont charmantes et n'ont à aucun moment l'aspect convenu d'un théâtre de boulevard. La vie de la petite boutique est réjouissante. La rivalité entre James Stewart et Margaret Sullavan fonctionne à merveille. Il est le plus ancien vendeur de la petite boutique du respecté monsieur Matuschek. Il règne en maître et est le seul à ne pas être obséquieux avec son patron. Il reçoit des lettres d'une femme dont il ignore tout et dont il est amoureux. Arrive une jeune vendeuse qui ne peut le souffrir et qui bouleverse l'ordre de son petit monde. On eut droit à un remake lointain avec Meg Ryan et Tom Hanks dans le sympathique Vous avez un message. Mais il était dépourvu de ces dialogues ciselés, cette vivacité d'esprit qui règne en permanence, cette tendresse que l'on éprouve pour tous les personnages qui échappent aux archétypes (du patron au coursier). De plus la situation n'est jamais forcée, l'intrigue avance naturellement, les quiproquos sont légers, touchants. Ce film est une petite parenthèse enchantée, spéciale. La grandeur de Lubitsch est de ne jamais évacuer la dimension sociale (le chômage qui menace, la solitude et le mal-être de ces personnages). Son point de vue est d'une grande tendresse et d'une grande justesse. Chaque réplique tombe juste, chaque scène est un moment de grâce, de légèreté et d'émotions. Il ne va jamais appuyer ses effets, trouve toujours l'équilibre parfait entre émotion et comédie. Il est profondément émouvant, même lorsqu'il est drôle. Cette « Lubitsch touch » est le raffinement suprême, la note parfaite vers laquelle ce genre tend en permanence. Lorsqu'à la fin les masques tombent et que les amants se reconnaissent, on ne peut qu'être touchés. Mais c'est surtout grâce à la chaleur, à l'affection qu'il est parvenu à nous inspirer pour chacun de ces protagonistes, que ce film se distingue et qu'il est un grand classique. 22 http://www.ecranlarge.com/dvd_review-list-3077.php Rendez-vous REALISATEUR:Ernst Lubitsch ACTEURS:Margaret Sullavan, James Stewart, Frank Morgan GENRE:Comédie EDITEUR:Warner Home Video DATE DE SORTIE:06 décembre 2006 TEST TECHNIQUE 28 déc 2006 Par Erwan Desbois A l'occasion de la sortie chez BAC Vidéo de trois films d'Ernst Lubitsch, on a parlé à propos du premier grand réalisateur hollywoodien de comédies d'avalanches de bons mots et de contournement de la censure. Si ces caractéristiques sont valables pour la plupart des oeuvres de Lubitsch, Rendez-vous est fait d'une autre étoffe, tout aussi rare et précieuse. Le marivaudage n'y est plus aérien, libertin et situé dans un milieu aisé mais prend ses racines dans une réalité moins rose, où l'amour n'est pas tant un jeu qu'un antidote à la dépression. Le lieu de l'intrigue trahit ce changement de perspective : adieu les visions fantasmées de la Riviera, Paris ou New York ; bonjour Budapest, sa neige, sa crise économique, ses petits employés d'un magasin de maroquinerie. Rendez-vous se concentre sur deux d'entre eux, Alfred (James Stewart) et Klara (Margaret Sullavan), qui se chamaillent en permanence sans se douter qu'ils échangent dans le même temps une correspondance anonyme faite de lettres enflammées et de passion réciproque. 23 La situation est propice à des quiproquos et blagues en tout genre (le running-gag de la boîte à cigarettes musicale est de plus en plus hilarant à chaque utilisation), réglés avec intelligence et finesse. La caméra de Lubitsch virevolte, les personnages s'emballent, et on est soi-même irrépressiblement happé par ce ballet joyeux et enthousiaste. Mais là où le plaisir communicatif de ces jeux d'amour et de séduction gagne une épaisseur supplémentaire, c'est en se doublant d'une mélancolie sous-jacente qui nous parle tout autant. L'amour est fragile, nous dit Lubitsch, et il faut se battre pour le faire triompher contre l'attrait de la nouveauté, les préjugés erronés ou encore les soucis d'argent. Le chômage et la précarité sont au centre du récit comme ils sont au centre des préoccupations des personnages mais ils ne sont jamais dramatisés. La dignité est de mise : la scène où Alfred lit d'une voix uniforme sa lettre de licenciement serre le coeur sans recourir à de quelconques artifices. La stature de James Stewart, dans cette séquence comme dans l'ensemble du film, ainsi que le ton général font penser aux chefs-d'oeuvre de Frank Capra (La vie est belle) ; sur un terrain qui ne lui est pas familier, la comparaison est tout sauf honteuse pour Lubitsch. Comme les autres éditions simple DVD de la collection « Légendes du Cinéma », Rendez-vous est proposé sans bonus. Cette austérité est cependant vite oubliée devant le ravissement offert par le rendu visuel. Le master a été entièrement nettoyé, et ne présente plus comme défauts minimes qu'une légère instabilité des images dans certaines scènes, ainsi que quelques gros plans voilés. Pour le reste, on ne peut que s'incliner devant la beauté du grain, la compression solide et la gradation des niveaux de gris. La qualité sonore est également de mise, mais uniquement en version originale puisqu'il n'y a pas de piste doublée sur cette édition. Ni souffle ni scratches ne viennent entacher la bonne écoute de la bande-son, et en particulier des dialogues retranscrits avec beaucoup de clarté. 24 Ernst Lubitsch : biographie http://www.cinemotions.com/modules/Artistes/fiche/12390/Ernst-Lubitsch/biographie.html Après avoir grandi et travaillé dans le magasin de son père, un tailleur juif, Ernst Lubitsch entre en 1906 au Gardelegen Theater. En 1911, Max Reinhardt lui confie le rôle d’un fossoyeur dans Hamlet. Au cinéma, il décroche son premier rôle comique en 1913 avec Meyer auf der Alm . Devenu populaire avec Die Firma heiratet de Carl Wilhem, Lubitsch joue son propre rôle dans Der Stolz der Firma : celui du commis juif attaché à un magasin de couture. Il passe à la mise en scène dès 1914. Maître de la comédie sophistiquée, Ernst Lubitsch s’essaie aux superproductions historiques : Carmen est un élégant mélodrame qui révèle Pola Negri ; Madame Dubarry est un triomphe servi par Emil Jannings, Harry Liedtke et toujours Pola Negri. Lubitsch recrée là l’esprit du siècle de façon saisissante en dépeignant l’histoire sous forme de drame intime. De sa collaboration avec le scénariste Hans Kraly naissent d’autres trouvailles. Ainsi La Poupée exploite pour la première fois l’expressionnisme allemand à des fins comiques. Sumurum , inspiré de son expérience théâtrale, est une pantomime orientale où Lubitsch apparaît en clown bossu. Mais le chef d’oeuvre de la période reste La Princesse aux huîtres , une satire au symbolisme annonciateur du pacte à venir entre la vieille Europe et l’Amérique prospère : d’un côté, le charme désuet du prince Nuki et de sa fille, de l’autre, l’éclat du millionnaire dit le " roi des huîtres ". Auteur de mises en scènes somptueuses, familier de tous les genres, Ernst Lubitsch séduit définitivement Hollywood avec Anne Boleyn (Anna Boleyn) (1920) puis avec La Femme du pharaon . En 1923, il dirige Mary Pickford dans Rosita (1923) , d’après Don César de Bazan d’Ennery. Lubitsch comprend vite à quoi rêve l’Amérique : aux fantasmes nourris de sexualité et d’exotisme made in Europe se mêle un zeste d’interdit dû au puritanisme. Ses premières comédies américaines, telles que Comédiennes (The Marriage Circle) (1924) ou Le Patriote (The Patriot) (1928) , toutes jouées par des acteurs européens, révèlent la patte Lubitsch. Sur des scénarios généralement empruntés à Samson Raphaelson, auteur à succès de Broadway, le réalisateur construit des 25 intrigues mondaines avec femmes chics et victimes, souvent heureuses de l’être. A la fois piquant et pudique, Lubitsch ne sombre amais dans le vulgaire grâce à une écriture filmique qui sait couper à emps les scènes scabreuses et rebondir dans la pure légèreté. Au début du parlant, il signe des opérettes musicales qui prêtent à ’Europe le même visage hédoniste et heureux : notamment Parade d'amour (The Love Parade) (1929) avec Maurice Chevalier et Jeanette MacDonald, également présents dans Une Heure près de toi (One Hour with You) (1932) ou dans La Veuve joyeuse (The Merry Widow) (1934) En 1932, Haute Pègre (Trouble in Paradise) (1932) , brillamment distribuée (Miriam Hopkins, Kay Francis, Herbert Marshall), porte la comédie à son apogée. Pour Ange (Angel) (1937) , comédie devenue grave, Lubitsch dirige le couple Gary CooperMarlène Dietrich. Ninotchka (1939) , satire politique teintée de glamour, transforme Greta Garbo en communiste progressivement convertie aux plaisirs capitalistes. Dans To Be or Not to Be Jeux dangereux (To Be or Not to Be) (1942) , l’humour est une arme antinazie. En 1947, Lubitsch décède brutalement au milieu de sa dernière comédie musicale, La Dame au manteau d'hermine (That Lady in Ermine) (1948) . Margaret Sullavan, Ernst Lubitsch et James Stewart http://www.cinemotions.com/modules/Artistes/fiche/12390/Ernst-Lubitsch/biographie.html 26 j t l . "Personne ne pensait que nous faisions autre chose que du divertissement à cette époque. Seul Ernst Lubitsch savait que nous faisions de l'art." - John Ford "Un homme de pur cinéma" - Alfred Hitchcock "Lubitsch était un prince" - François Truffaut "Lubitsch était un géant ... son talent et son originalité étaient stupéfiants" - Orson Wells "Lubitsch avait le plus grand sens de l'humour de toutes les personnes que j'ai jamais rencontrées. Tous les acteurs l'aimaient. Il avait en lui une qualité très ... humaine. C'était le type d'homme qui devenait votre ami dès la première rencontre. Un grand homme" - Joseph M. Newmann "Ses films étaient chargés d'une sorte d'esprit qui était spécifiquement l'essence du Berlin intellectuel de cette époque. Cet homme était si fort que lorsque il est allé travailler à Hollywood, non seulement il n'a pas perdu son style berlinois, mais il a converti l'industrie hollywoodienne à sa propre manière de s'exprimer." - Jean Renoir http://www.lubitsch.com/potpouri.html "La Lubitsch touch" est une expression utilisée depuis longtemps pour décrire le style unique d'Ernst Lubitsch. Mais qu'est-ce exactement que la "Lubitsch touch" ? Voici quelques définitions données par des critiques et des historiens du cinéma : "La Lubitsch touch" est une brève description pour une longue liste de vertues: sophistication, style, subtilité, esprit, charme, élégance, suavité, nonchalance brillante et nuance sexuelle audacieuse" - Richard Christiansen (Chicago Tribune) "L'humour subtil et l'esprit visuel virtuose dans les films d'Ernst Lubitsch. Le style est caractérisé par une compression parcimonieuse des idées et des situations dans des plans simple ou des scènes brèves qui donnait un aspect ironique aux personnages et un sens à tout le film." - Ephraim Katz "Un subtil mélange d'humour sexy et d'esprit visuel narquois" - Roger Fristoe "Un style charmant, gracieux et fluide avec ... une ingénieuse habilité à suggérer plus que ce qui est montré." - Leland A. Poague http://www.lubitsch.com/touch.html 27 Cette compilation de textes a été réalisée par l’équipe documentation de LA MAISON DE L’IMAGE à Aubenas à l’occasion des RENCONTRES DES CINEMAS D’EUROPE 2011 La Maison de l’image 9 boulevard de Provence 07200 Aubenas Tél: 04.75.89.04.54 Site : www.maisonimage.eu Mail: [email protected]