Lire un extrait - Editions Persée
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LUMINEUSE Alix Angibault Lumineuse Fantasy Editions Persée Ce livre est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages et les événements sont le fruit de l’imagination de l’auteur et toute ressemblance avec des personnes vivantes ou ayant existé serait pure coïncidence. Consultez notre site internet © Editions Persée, 2014 Pour tout contact : Editions Persée — 38 Parc du Golf — 13 856 Aix-en-Provence www.editions-persee.com PROLOGUE L es forêts sont vivantes. La mer parle au vent, c’est même sa plus grande amie. Les criminels sont des sorciers, les rois sont des lâches, qui abusent du peuple et de ses richesses. Même le ciel n’est plus sûr, malgré les quelques riches qui batifolent dans des cascades, perchées sur des îles volantes. Et le petit peuple en endure des choses, dans son ignorance forcée, que les dirigeants cherchent à garder, car un peuple qui sait est un peuple qui veut, qui exige plus que ce qu’il n’a déjà. Qui pose plus de questions, de plus en plus intelligentes, auxquelles les dirigeants peuvent de moins en moins répondre. Ceci est la société d’Altala. * Il y a six ans… — Maman, c’est quoi la face Obscure ? La mère de Zéphira serra les dents. Elle détestait sa fille. — La face Obscure d’Altala est l’endroit où il n’y a pas de dirigeants, où tout est permis. La face Lumineuse, elle, est dirigée par de grands rois : il y a une hiérarchie, des pays, des lois, des règles et des punitions. Ces deux faces sont délimitées par la Limite d’Alkonros. — On peut faire ce qu’on veut, là-bas ? — Oui, ma fille. Mais tu peux te faire égorger à tout moment, il n’y a pas de justice. 5 — Et comment on s’y rend ? Zéphira, les yeux brillants d’excitation, s’agrippa à la robe de sa mère, ses petites mains potelées et couvertes de terre tirèrent le tissu sans douceur. — On franchit la frontière. Soudain pensive, la femme se tut. Puis elle reprit : — Je crois que ça cause un dérèglement si l’on provoque un portail sans être à la frontière. — J’aimerais bien y aller. Là-bas, au moins, tu ne me crierais pas dessus pour que j’arrête de me défendre avec la magie. La mère sentit la rage monter en elle. — Tais-toi ! Si tu vas là-bas, dans ce monde atroce, c’est que tu as fait une faute immense et que tu as énormément vexé notre Roi ! Maintenant, va dans ta pièce ! Était-ce la vérité ? Ou bien une rumeur stupide ? Les trois lunes se levèrent, régnant sur le ciel noir, où quelques étoiles apparaissaient, en donnant l’illusion de clignoter doucement, telles des milliers de boules à facettes qui tourneraient pour toujours. Zéphira soupira dans la nuit, se remémorant les paroles de sa mère. Un petit nuage de buée se forma et disparut dans la nature sombre. La jeune femme tira sur son châle de laine trop court – fruit de sa première expérience de tricotage – en écoutant le vent, comme s’il lui parlait. Non, cette Zéphira n’était pas folle. Le vent lui parlait bien. Il entretenait même avec elle une discussion sur l’avenir, car le vent est vivant, il s’engouffre partout et aucun obstacle ne l’arrête. Il sait tout et c’est l’élément le plus difficile à comprendre, il n’a pas de symptômes : il arrive, un point c’est tout. — Écoute, tes paroles sont vaines, tu ne te comprends pas, ne pense pas à des ailes car tu n’en auras pas. La liberté est telle une châtaigne, de sa bogue, elle te piquera. 6 — Je ne songe pas à la liberté, je songe à l’avenir… — L’avenir a le temps d’arriver… Laisse un peu d’écart entre toi, ce que tu vis, ce que tu as vécu et ce que tu vivras. Zéphira chatouillait l’herbe de ses orteils, la tête baissée, de longues mèches balayant son visage, au rythme de son balancement régulier assurant l’équilibre. Elle finit par se redresser en entendant ces paroles, pleines de sagesse et de vérité et regarda devant elle, comme si quelqu’un était vraiment là, quelqu’un d’invisible mais vrai, d’invincible mais mortel. — Je te laisse, jeune femme. Je dois courir sur les plaines. — Bon vent ! Zéphira salua l’homme imaginaire et traça dans l’air un symbole de silence, pour éteindre la divinité. Elle se mit à marcher sur l’herbe glacée, ses pieds nus en contact avec la terre humide grouillant de vie. Quelques doux flocons tombèrent, agréablement, en caressant au passage la sublime chevelure brune de la jeune femme. La porte de la chaleureuse maison en bois où vivaient la mère et la sœur de Zéphira grinça doucement, en fouettant de sa chaleur les membres glacés de notre singulière « créature », car oui, Zéphira n’est pas humaine, ni extraterrestre, c’est juste quelqu’un… d’étrange et mystérieux. — Que faisais-tu ? demanda une petite voix, curieuse, méprisante et orgueilleuse. — Je prenais l’air, petite fouine. Rien d’autre, soupira Zéphira. Elle fit claquer sa langue et ferma la porte derrière elle. Sa haine pour sa sœur augmentait de jour en jour et elle n’arrivait plus à la cacher. — Tu n’as pas froid ? ricana Marie. — Non… Allez, retourne au lit ! Tu commences à m’agacer, tu vois. — Mais… Marie se tenait prête à riposter, les bras croisés, les sourcils froncés. 7 — Allez ! Tu vas être horriblement fatiguée demain. Zéphira souffla sur sa paume, doucement et retint sa sœur endormie de justesse, avant qu’elle ne tombe sur le sol. Marie servit de serpillière – peut-être était-ce une petite vengeance personnelle ? – en étant traînée sur le parquet jusqu’à sa chambre, où une douce chaleur régnait. En chantonnant, Zéphira referma la porte de sa fouine de sœur et commença à rire, heureuse de s’être débarrassée de cet encombrant paquet, tandis qu’instinctivement, elle se dirigeait vers sa pièce personnelle, en ouvrant la porte d’un magnifique coup de hanche, tout en remuant du popotin, en balançant ses bras et… en se cognant violemment la tête contre le placard. Le refrain de la chanson fut une suite de grognements, d’injures et de… — Vraiment, qu’est-ce que j’peux être ivre sans avoir bu ! Tel était le quotidien de Zéphira : se cogner et râler. Rien de bien fantastique. Marie, quant à elle, n’était qu’une petite peste, une petite fureteuse, passant son temps à vérifier que sa sœur se tenait bien et faisait bien des grognements, car si « Zéphira ne fait pas sa râleuse professionnelle, ça veut dire qu’elle est malade ». D’ailleurs, pour Zéphira, quel bonheur de tirer sa sœur par terre ! Les deux filles se détestaient mutuellement et Zéphira ne remarquait pas que sa seule famille la rejetait, que personne ne la considérait comme quelqu’un de normal. Il n’y avait que la mère qui cachait son dégoût constant, qui avait un peu d’intelligence, elle évitait de faire attention aux insultes qui valdinguaient comme des pigeons dans une tempête pendant le repas. Voilà un terme convenable : « Les Pigeonnes. » Pour cette très chère Maman, il n’existait ni de Zéphira, ni de Marie, les seuls moments où elles accouraient ensemble, étaient quand le très poétique nom de « Pigeonnes » résonnait dans les champs, englobant les deux sœurs d’un même nom. Zéphira se faisait un plaisir d’avoir une excuse pour déchirer ses robes en soie ancienne, en se jetant dans les ronces, avant de courir vers sa très chère Maman, qui, d’ail8 leurs, n’avait strictement pas le droit de rentrer dans « la pièce zéphirienne » ou « la chambre de la pigeonne numéro un », pour aller vérifier que les sublimes robes mystérieusement déchirées ne servaient pas de paillassons, sinon, la punition était terrible. Zéphira avait concocté une punition digne de ce nom, donnant une rage incroyable à celui qui avait osé la défier. Elle avait imaginé le lit bougeant comme par magie, dans votre sommeil, alors que vous faites un rêve prémonitoire d’une grande importance, comme par exemple les numéros gagnants d’un ticket de loto. Celui-ci se transformait cauchemar, où les chiffres tant désirés laissaient place à un horrible manège, tournant à toute vitesse, s’ouvrant sur une fosse sans fin… Bref, rien de plus énervant et surtout qui provoquait la nausée en pleine nuit ! Zéphira ne voulait pas que l’on entre dans sa pièce. Pour elle, c’était comme un refuge, un laboratoire et un défouloir. Sans fenêtre, elle était éclairée de bougies à la flamme verte qui donnaient un côté… « choléra », pour prévenir le visiteur que ce n’était pas sain de s’aventurer là. Plusieurs sorts de maladies flottaient dans l’air, au cas où la jeune sorcière devrait utiliser les grands moyens. Une cheminée – n’ayant aucune fonction puisqu’elle n’avait plus senti le crépitement des bûches dans son foyer depuis des siècles – apportait un aspect lugubre, bien poussiéreux et tellement repoussant, que seule Zéphira pouvait rentrer dans sa pièce sans déguerpir en poussant des cris de souris à qui l’on a coupé la queue. Les grimoires abîmés et âgés faisaient office de plancher, pour ne pas encombrer les trois tables, accolées à un mur, remplies de vases et de fioles, contenant diverses mixtures. Zéphira était, la plupart du temps, assise à étudier des livres, où à fabriquer de nouvelles fioles, avant de les remplir de liquides. Mais ce soir-là, elle chantonnait encore, bien que se frottant le crâne à la suite de sa dernière confrontation avec son armoire, satisfaite d’avoir réussi 9 sa formule. Elle jeta un coup d’œil à sa cheminée, dans laquelle une ombre avec des yeux la dévisageait. — Encore toi… murmura Zéphira en frottant ses deux mains. L’ombre bougea. — Rune de Mort ! hurla la jeune sorcière. Elle tendit ses mains en avant et un feu follet violet sombre attaqua l’ombre, qui disparut dans un gémissement et une drôle d’odeur. Zéphira plissa le nez. Il sentait vraiment le cadavre, ce démon. — Zéphira ? Que se passe-t-il ? Elle sauta à terre et se mit à ramper, comme pour disparaître. — Allez nunuche, joue pas à cache-cache ! Zéphira reconnut sa sœur derrière la porte et elle se releva en poussant un juron pour se jeter dans un grand fauteuil rouge aux accoudoirs dorés, telles des boules de feu dans l’ombre de la chambre. — Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-elle en grognant, tandis que sa porte s’ouvrait en laissant passer sa petite sœur. — Je voulais juste te dire que je me suis réveillée pleine de poussière, en entendant ta voix chanter, faux, je tiens à le souligner et que je pense que Maman a le droit de savoir ce que j’ai vu. Marie prononçait ces mots comme si Zéphira avait braqué une banque et que le secret était trop lourd à porter. La jeune femme pencha la tête sur le côté. Voilà plusieurs années qu’elle se fichait de connaître l’avis de sa mère ou de Marie. Elle était comme un loup solitaire, à l’abri de sa propre meute. Zéphira secoua la tête de désespoir, constatant encore et toujours, que sa sœur était de plus en plus ridicule. — Cours, vas-y ! Et surtout, arrête de polluer mon air ! Imbécile ! Zéphira soupira, vraiment agacée, une furieuse envie de bagarre lui brûlant les doigts. Marie fut propulsée à l’extérieur de la chambre, la porte se ferma légèrement après que la jeune fille 10 fut passée en libérant une bonne bourrasque d’air, décrochant au passage quelques feuilles vaguement accrochées sur le mur. Elle se cogna lourdement contre une table de bois et tomba sur le sol, tant le choc fut rude. Elle avait instinctivement fermé les yeux, dans un but, inconnu, qui était plus un réflexe qu’un objectif. Mais ses paupières se rouvrirent, aussi vite qu’elles s’étaient fermées et cette fois, ce n’était pas un réflexe, c’était une preuve de colère, les pupilles rétractées à un point qu’elles n’étaient plus qu’une fente, dans l’immensité de l’iris bleu de Marie, renforcé. Celle-ci se releva, en hurlant, le visage rouge, les poings serrés, la tête en arrière, comme un loup qui hurle à la lune. — TU VAS VOIR ! JE VAIS TE TUER ! Marie commença à courir, toujours en hurlant et, au moment où elle allait entrer dans la pièce en défonçant la moitié de l’armoire, Zéphira cria : — PORTE ! La porte se ferma violemment, tandis que le loquet se rabaissait illico presto et qu’une poutre de bois venait compléter la protection. Zéphira souffla bruyamment, énervée et grognon. Elle se leva calmement de son fauteuil et se pencha sur le sol à la recherche d’un grimoire. Ses doigts longs frôlèrent les grosses reliures de plusieurs ouvrages, sans pour autant trouver le bon. Elle écouta les hurlements de sa sœur enragée, tandis que la mère ne bougeait pas d’un poil, trop occupée à calculer le nombre de kilos de blé qu’il lui faudrait vendre pour pouvoir payer ses impôts le mois prochain… La porte se courbait sous les coups de poings hystériques de sa sœur. Zéphira passa une mèche de cheveux derrière son oreille, les tympans vibrant sous l’effet des cris et rugissements de Marie. — Elle est pire qu’un démon… murmura-t-elle. Les bruits cessèrent un instant, Zéphira continua de chercher son grimoire, pas inquiète le moins du monde, bien que la vengeance ne fût toujours pas prononcée. Marie se pencha en avant, 11 les mains sur les genoux, le souffle court. La porte n’allait pas céder si facilement… Elle tourna sa tête et regarda derrière elle le couloir sombre, légèrement éclairé par une fenêtre, qui laissait passer des rayons de lune, faisant apparaître la poussière qui flottait dans l’air. Elle tourna ses yeux sur un vase, rempli d’un joli bouquet de fleurs des champs et alla chercher une poutre et des pierres qui traînaient sur une table – certainement retapée – qu’elle lança de toutes ses forces sur la porte. Elle détestait sa sœur depuis toujours. Et elle allait le prouver. La porte grinça. Elle allait probablement céder. Zéphira n’accéléra pas pour autant le rythme. Elle attrapa d’un geste fluide le grimoire tant voulu et alla se rasseoir dans son fauteuil. Elle feuilleta le vieux livre, ses yeux violets parcoururent les lignes à la recherche de la formule. Zéphira détestait perdre, c’était la pire des choses à ses yeux, d’autant plus si c’était contre sa sœur ! CRAC ! Un deuxième gond céda et sachant qu’il n’y avait plus qu’à tirer sur la poignée pour rentrer, Zéphira releva la tête, les yeux écarquillés. Marie prenait de l’élan. — Porte de verre ! lut la jeune sorcière. La porte grinça, puis, un éclair blanc la traversa, avant que le bois ne se transforme en… verre. À travers la "vitre", on voyait Marie, incrédule, regardant la porte d’un air béat, oubliant sa rage d’un coup. Elle plaqua une main sur la surface et l’enleva immédiatement, comme si quelque chose l’avait brûlée. Zéphira regarda la scène avec autant de béatitude que Marie. Celle-ci loucha sur le verre, tentant de voir l’invisible, colla son front contre la vitre et plissa les yeux. Elle fronça les sourcils. Elle appuya sur la poignée et poussa doucement la porte. Marie rentra dans la pièce, précipitamment, avant de ralentir brutalement, en sentant un magnétisme invisible l’attirer vers l’intérieur. Zéphira posa sa tête sur sa main, ravie du spectacle. Elle sentit pourtant le grimoire lui échapper des mains. Il tomba 12 lourdement sur le sol, encore ouvert sur une autre formule. Marie, apparemment, n’entendit rien. Zéphira tenta de reprendre le grimoire, puis abandonna en voyant sa main le traverser, sans trouver aucune prise. Sa petite sœur regarda la pièce, les murs et passa une main sur les tables, sans rencontrer les fioles. Ce qui était pourtant étrange, elles auraient dû se briser, se renverser et tout salir. Mais non. Marie s’appuya contre le mur où aurait dû être le placard contenant des vêtements. Elle se laissa glisser jusqu’au sol, où Zéphira venait de se faufiler pour vérifier sa théorie. Elle ne sentit rien. Pas de poids. — C’est ça, la pièce zéphirienne ? souffla Marie en regardant le plafond et la porte. Il n’y a rien ! ajouta-t-elle. Elle tourna la tête, se releva en soupirant et repassa une main sur tous les murs de la pièce, comme pour les encourager à révéler leurs secrets. — Mais… Où est Zéphira ? Marie se redressa, paniquée, en regardant partout autour d’elle. Zéphira se leva et se plaça en face de Marie, qui ne dit rien. — Je suis là ! cria la jeune femme, en levant la tête. Aucune réaction de la part de Marie. Zéphira leva des sourcils interrogateurs et courut vers le grimoire délaissé, avant de souffler sur les pages et de retrouver la bonne. Elle lut les effets du sort : « La formule d’Imina. Effet de la formule : la pièce reste vide, les meubles disparaissent et rendent ses occupants invisibles et immatériels, tant que La Porte De Verre existe. La formule reste à pleine puissance pendant deux longs jours, mais s’estompe les nuits de pleine lune. Mais, si la lune est à son premier quartier, la formule reste indéfiniment avant que la pleine lune n’apparaisse. » Zéphira cracha l’air qu’il lui restait, avant de s’effondrer sur le sol. La pleine lune ! Il ne manquait plus que ça ! Elle ne pointerait pas le bout de son nez avant deux mois ! Dépitée et soucieuse, la « pigeonne numéro un » se leva et marcha de long en large dans sa pièce secrète. Des cris l’arrêtèrent. Marie quitta la pièce en 13 pleurs de joie, en courant et se dirigea vers la chambre de sa mère. Zéphira la suivit. — Maman ! Zéphira a disparu ! Marie jubilait. — Enfin ! La mère tourna la tête, le visage éclairé par une bougie, les traits tirés, sa longue chevelure brune parsemée de mèches blanches lâchée sur ses épaules et serra sa fille dans ses bras. Un sourire sur les lèvres. — Enfin ! grogna-t-elle. — Oui… dit Marie. — La maudite sorcière Triple a disparu… poursuivit-elle. La mère se reprit, se demandant si le rêve était enfin devenu réalité. — Ça doit être une de ses… — MAIS NON ! Ne me dis pas qu’elle n’avait pas de meubles ! ni de grimoires ! Et d’où venaient tous ces bleus qu’elle avait ? Ne nous disait-elle pas que son armoire et elle se rentraient souvent dedans ? Et puis, quand on se battait hier sur le seuil de sa porte, j’ai vu sa cheminée, son fauteuil et tout ! Et puis, quand elle est un peu pompette, je le sais, je l’ai vue, c’est qu’elle boit des espèces de fioles ! — En effet, c’est étrange… La mère s’était levée, faisant tomber au passage des feuilles remplies de gribouillis, prête à aller vérifier les hypothèses de sa « pigeonne numéro deux ». Zéphira regardait sa mère et sa sœur, se sentant incapable de réagir. Elle venait de se prendre en moins d’une minute tout ce que sa mère et sa sœur avaient sur le cœur à son égard. Et ça ne faisait pas du bien. Pour ne pas servir à rien, elle tenta de prendre les feuilles éparpillées par terre, en vain. Elle put quand même les lire. — Oh non… marmonna-t-elle. Elles sont si incapables que ça ? Même pas fichues de payer des factures ? 14 Les feuilles étaient en fait des lettres, relatant des impôts que la mère n’avait pas pu payer. Décrépite comme une fleur fanée, Zéphira décida de suivre ses proches, tout en songeant gravement aux ennuis qui pourraient arriver. La mère était décidée à éclaircir le mystère. En ne voyant rien à l’intérieur de la pièce, ce fut trop pour elle. L’étrange disparition de Zéphira, le manque de sommeil, les blessures de sa fille, les problèmes d’argent, tout ça accumulé… — Je… La mère s’effondra, évanouie. — MAMAN ! hurla Marie en se précipitant vers elle. Elle serra les poings de rage. Tout ça, c’était la faute de sa maudite sœur ! Zéphira se précipita sur sa mère, mais ses mains la traversèrent, sans trouver de prise. Elle recula et traversa le pot de fleur, avant de courir vers sa chambre. Elle se rua vers le grimoire, en cherchant une formule pour tout annuler. Elle tenta d’arracher, scruta les pages du vieux livre, sans pouvoir les toucher, en rage. Elle renversa une fiole sur la formule de La Porte De Verre, avant de se rendre compte de son erreur. Soudain, la porte disparut. — ENFIN ! hurla Zéphira, en goûtant au plaisir de se cogner à nouveau contre son armoire et de sentir sa tête lui tourner. Marie était partie chercher un pichet d’eau et un linge. Elle lâcha le tout sur le sol, en voyant sa sœur. — Zéphira ! Elle se précipita contre elle, hypocrite comme jamais. Elle détestait toujours autant sa sœur et mourait d’envie de la gifler, mais ce n’était pas le moment. Zéphira lui sourit et répondit à son humeur ironique, sa main la démangeant elle aussi. Elles passèrent une bonne heure à appliquer des linges mouillés sur la tête de leur mère, en grinçant des dents et en se jetant des regards noirs. Celle-ci finit par se réveiller. — Ma fille… murmura-t-elle, la mâchoire contractée. 15