Kernos 24 (2011)_Revue des livres - ORBi
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Kernos 24 (2011)_Revue des livres - ORBi
Revue internationale et pluridisciplinaire de religion grecque antique Διεθνής και διεπιστημονική επιθεώρηση της αρχαίας ελληνικής θρησκείας 24 (2011) Centre international d’étude de la religion grecque antique Αθήνα – Liège Kernos24(2011),p.325-368. Revue des Livres . Comptes rendus et notices bibliographiques MiriamVALDÉS GUÍA,El nacimiento de la autoctonía ateniense : cultos, mitos cívicos y sociedad de la Atenas del s. VI a. C., Madrid, Publicaciones Universidad ComplutensedeMadrid,2008.1vol.17×24cm,274p.(Ἰlu. Revista de Ciencias de las Religiones,22).ISBN:978-84-669-3063-5. L’A.seréfèred’entréeauxtravauxdeNicoleLoraux(p.7)quiontmisenévidencetousles «bénéfices»quelesAthénienstiraient,autempsdeladémocratie(Ve-IVes.),deleurfaçonde seraconter,etderaconterauxautresGrecslamerveilleusenaissancedufondateurdeleurcité. Lecorpsciviqueestconçucommeungenos,ungroupegentiliceexclusivementmasculin,dont Érichthonios,engendréparHéphaïstos,portéparGèetélevéparAthéna,estlepèrefondateur etAthéna,commel’avoulusonfilsadoptif,l’éponyme.TouslesdescendantsdupremierNé de laTerre(Seuil,1996)setransmettentdepèreenfilssonautochtonieetdoiventàsapaternité fondatricedeformerunefraternité.Touségauxettousbien-nés,ilsontentreeuxdesrelations dephiliaetpeuvent,vis-à-visdesétrangers,tirergloirecollectivementd’uneaussinobleetaussi ancienneorigine.PourN.L.lemythedéveloppe,danslelangagequiestlesien,lesthèmesde l’idéologie démocratique qui tait les divisions de la polis, exalte sa cohésion et glorifie l’archê qu’elleexercedanslemondegrec. Pour M.V.G. cette version des origines de la cité, qui fait son apparition dans l’iconographie vers 500, est déjà en place lors de l’adoption de la politeia de Clisthène. Ce «mythe politique»,dit-elle,estfaçonné–sinonconstruit–àpartirdedonnéesplusanciennes,auVIes. (p.7). Dès la promulgation de la politeia de Solon, il fait partie de l’idéologie de la cité (p.8) «dontilcimenteenmêmetempsqu’ilreflètelesacquisitionssocialesetpolitiques,c’est-à-dire laliberté»quiestnonseulementlalibérationdeladouleiamaislaparticipationàlaviepolitique, auparavant fondée «sur la naissance et le lignage». Ces dernières années, les débats sur les originesdeladémocratieathénienneontrefleurienliaisonnotammentavecl’hommageàM.H. Hansen,lesréunionsenl’honneurdu2500eanniversairedelapoliteiadeClisthèneetlecolloque Solon of Athens. M.V.G. se rallie donc à ceux qui soutenaient, comme R.W. Wallace – et contrairementàM.H.Hansen,J.Ober,K.A.Raaflaubetbiend’autres–queladémocratieétait déjàdanslapoliteiadeSolon. Sonprojet,quireplacel’élaborationdumythed’Érichthoniosetdesoriginesdelacitédans soncontextehistorique,estséduisantdanslamesureoùilentendtransgresserlescatégories– realia/fictions,histoire/anthropologiedel’imaginaire,religion/politique,diachronie/synchronie –oùlarecherche apprécie souventde secouler. Ilest aussi trèsambitieux.Le choixde ces voiestraversièresexigeunénormetravailderecherchecarilimposedecroiserdessourceset destravauxdefacturestrèsdifférentes.Entémoignel’ampleurdelabibliographiedeM.V.G., notamment en ce qui concerne les ouvrages en langue anglaise ! Mais surtout le croisement fiction/realia repose,lorsqu’ils’agitduVIes.,surdes«sablesmouvants»,commeleditF.Ruzé, dessablessimouvantsque,quellequesoitlaquestionexaminée,l’absencedetoutconsensus contraintàlareprisedel’ensembledudossier.Orj’ail’impressionque,sil’A.s’engageperson- 326 RevuedesLivres nellementlorsqu’ils’agitdequêterlesindicesquiluipermettentderetrouverdanslesrituelsdu VIes.laplacedesdivinitésquisontimpliquéesdanslanaissanced’Érichthonios,elles’entientà la doxa lorsqu’il s’agit des réalisations attribuées à Solon ou à Pisistrate. Plusieurs termes, ne serait-cequeceluidedèmos,auraientdûrelever,mesemble-t-il,d’uneétudesémantique. M.V.G.précisel’entréedesarecherche.Ils’agitd’étudierlaréorganisation,aucoursdu VIes., de la tradition homérique sur la naissance autochtone du premier roi des Athéniens: dans l’Odyssée, il s’agit d’Érechthée, un fils de la terre, protégé d’Athéna qui partage sa vaste demeure; au cours du VIe s., Érechthée est évincé par un autre protégé d’Athéna – dont il devientlepetit-filsdanslagénéalogieroyale–Érichthoniosqui,luiaussi,estnédelaterremais aétéengendréparHéphaïstos.Ceremaniementdelatraditiondoitêtremisenrapport,ditelle,avecl’intégrationdelaterrelibéréeparSolondansunprocessusdedéveloppementdela propriétépaysanne,derevalorisationdel’artisanat,surtoutàpartirdelatyranniedePisistrate, et d’incorporation du dèmos dans la politeia. Cette extension de la citoyenneté, ajoute l’A., suppose,commelepenseIanMorris,untransfertdesvaleursquiétaientcellesdel’aristocratie (ladétentiondelaterre,lacautiondesancêtres,lanoblessedelanaissance,laconduitehéroïqueàlaguerre)versledèmosetcettenouvelleidéologieenglobetoutlecorpsciviquepardelà sesdeuxgrandsclivages,sapartitionfonctionnelle(Eupatrides,géomoresetdémiurges)etsa partitioncensitaire(Pentacosiomédimnes,chevaliers,zeugitesetthètes)(p.9).C’estalorsque M.V.G. élargit la problématique qu’elle vient d’annoncer (p.10): elle entend consacrer son ouvrageàuneanalysedel’idéologiedudèmosenportantuneattentionspécialeàsesaspects religieuxetculturels,sansrenoncerpourautantàcelledetoutlecorpscivique,uncorpsciviquequiinclutlesaristocrateset,cequiestpluscurieux,lesfemmes.Pourquoiceglissement? Est-ce au nom de la formation d’une identité collective qui engloberait désormais tout le groupesocial?Serait-ceune«commodité»pourincluredeuxchapitresquifontpreuved’une certaineindépendancevis-à-visduthèmeannoncé?Surlessixchapitresdel’ouvrage,quatre s’essayentàdémontrerquelaversiondumythedel’autochtonieenusagedanslacitédémocratique est en place dès le VIe s. Chap. I: Un nouvel ancêtre pour les Athéniens: Apollon Patroos.Ionetlaparticipationdudèmosàlapoliteia.Chap.II:Gè,laTerred’Athènes,etles Genésia :lapaysanneriedel’Attique.Chap.III:L’introductiond’Héphaïstosdansl’imaginaire athénienetlapromotiondesartisans.Chap.IV:Lanaissanced’ÉrichthoniosetlesPanathénées: la création d’un mythe. Les deux derniers chapitres en revanche sont assez éloignés d’unetellepréoccupation;lechap.V:AthénacontreAphrodite:lesfemmesetlacitoyenneté, revisite les propositions d’un travail précédent; le chap. VI: Les dieux libérateurs: de Zeus EleutheriosàDionysosEleuthereus,répondauxsuggestionsd’unarticledeK.A.Raaflaub. Commel’indiquentlesintitulésdesquatrepremierschapitres,M.V.G.reproduit,del’unà l’autre, le même modèle de démonstration. Les acteurs divins qui, au Ve-IVe s., interviennent danslanaissanced’Érichthoniossontétudiésaucasparcas. Héphaïstos~Gè~Athéna Érichthonios (Pandion) Érechthée Xouthos+Créuse+Apollon(Pythien) Ion L’A.commenceparrassembler,avecunepointilleuseérudition,touslesindicesquiattestentleurprésencedanslesrituelsdèslesgrandschangementsdu VIes.etlaissentdevinerdes configurations susceptibles de préfigurer leurs rôles dans la naissance d’Érichthonios. L’état des sources ne facilite pas toujours cette quête et le souci de tout prouver nuit parfois à la démonstration.Unexemple(chap.I):leculted’ApollonPatroosestattesté(templedel’Agora RevuedesLivres 327 dite de Solon) sous les Pisistratides et il serait en relation avec Delphes (p.16). Faut-il en conclure pour autant qu’Apollon Patroos et Apollon Pythien ne font qu’un? Son culte se substitue alors à celui de Zeus Patroos (p.15). Mais, en fait, le dieu est depuis longtemps présent sur le territoire. À partir d’une unique occurrence – un fragment de Philochore – M.V.G.secroitautoriséeàl’assimileràHélios(p.21).HonoréavecAthénaetPoséidon,cofondateursduterritoire,lorsdelafêtedesSkira,Héliosestunacropolitaindelonguedateet aurait déjà une fonction ancestrale: uni à Gè kourotrophos il a engendré les Tritopatores. Certes,l’interventionduPythiendanslagénéalogieroyale,reconnaîtM.V.G.,s’estglisséedans uneversionplusancienne(p.23):lecoupleXouthos+Créuse,liésemble-t-ilàlaformation duterritoireetàl’intégrationdelaTétrapole(Xouthos)danslesynécismeautourdel’Acropole (Créuse), a précédé le couple Apollon Pythien + Créuse; Ion a certainement été fils de Xouthos(Hérodote)avantd’êtreceluid’ApollonPythien(Euripide).Maiscelaneprouvepas que la paternité d’Apollon soit une invention d’Euripide (p.25). Le culte du Pythien est en effetattestédanslacavernedel’AcropoledèsleVIes.Ilsepeutdoncque,dèscetteépoque,le mythe d’Ion ait croisé celui d’Apollon Pythien. D’un chapitre à l’autre, qu’il s’agisse de Gè, d’Héphaïstos ou d’Érichthonios, M.V.G. suit le même modèle de démonstration. C’est ainsi queGè,laterredel’Attiqueunifiée(p.54),estliéeàÉrechthéedèsleVIIes.ainsiquel’attestela fêtedesGenesia,etassumedéjàunefonction«kourotrophique»:lafiguredeGèkourotrophos, dont le culte est attesté à l’époque romaine sur l’Acropole, remonte à l’époque archaïque et Kourotrophos, la déesse à nom d’épiclèse de l’Acropole, est sans doute la Terre elle-même (p.57). Que Gè ait été kourotrophos dès l’origine, pourquoi pas? La plupart des divinités féminines le sont! Mais il est un peu risqué, après la mise au point de St. Georgoudi, citée commeréférence,devoirenellel’énigmatiqueKourotrophosdel’Acropole. L’antériorité des divinités intervenant dans la naissance d’Érichthonios établie, M.V.G. s’appliqueàdémontrerquelesfiguresquileursontattribuéessontenrapportaveclesgrands changementsapportésparlapoliteiadeSolon.Iln’estpasquestiondemettreendoutel’importanceducontextepolitico-socialdanslanouvellesémantisationdecesreprésentations,maisles sablessurlesquelsnousreconstituonslesrealiasontsimouvantsqueladémarcheestsouvent réversible: si l’histoire peut servir à expliquer la fiction, la fiction permet bien souvent de déchiffrerl’histoire.Unexempledesystématisationdifficile:lecasd’ApollonPatroos(p.3539).PourM.V.G.,Solonayantintégréledèmosdanslapoliteia,unancêtrefédérateurApollon PatroossesubstitueàZeusPatroosliéauxEupatridesetunerestructurationducorpscivique estplacéesoussonpatronage.Influencésparl’organisationdescitésdel’Ionie,lesAthéniens remodèlent la partition tripartite de leur corps civique pour adopter le système des quatre tribus dont les héros éponymes deviennent les fils de Ion. La filiation apollinienne de ce dernierfaitdel’Attiquelaplusantiqueetlaplusprestigieuseterred’Ionieaumomentoùlacité commenceàs’intéresseràcetterégion.Peut-être!Ilyaquelquesoccurrencespoursuggérer unetelleinterprétation.Maisl’A.P.d’[Aristote],lasourcefondamentalesurcettequestion,vaà l’encontre de cette hypothèse. Pour son auteur, la partition de la collectivité masculine en groupes spatio-temporels héréditaires à vocation religieuse/civique/politique/militaire est, à Athènes,uneconstante,depuislamiseenplacedelacitédesarchontes,aulendemaindela disparition de la royauté, jusqu’à son époque, c’est-à-dire le dernier quart du IVe s. La cité, affirme-t-il,n’aeuquedeuxdispositifs.Lepremier–4tribus/12phratries/48naucraries–est bienantérieuràSolon.IlestfossiliséparClisthènequileréduitàdesfonctionscivico-religieusesetluisuperposeleseconddispositif,celuides10tribus.Touscesgroupessontdesgroupeshéréditairesquisedisentdanslelangagedelaparentémaisquinesontpasdesgroupesde parenté:laparentéréelle,enlignesdirecteetcollatérale,estcirconscriteparl’anchisteia.Chaque groupeseveutuneconfrériedescendantd’unancêtrecommun.L’ancestralité(pouremployer letermedeM.V.G.)etsonpouvoirfusionnelnesontdoncuneinvention,nideladémocratie, nideSolon.Cettestructurationdelacollectivitémasculineenpseudo-parentésestinhérente, 328 RevuedesLivres enpaysgrec,àl’organisationencitéoùelleassurelepassagedessociétéslignagèresauxsociétéspolitiques.LamêmesourceattribueàIonlafondationdesquatretribus,dontcertainement lapaternitédeleurséponymes.ÀquelmomentApollonPatroosapparaît-ildansledispositif? Dès l’origine? Lorsque le corps civique a dû intégrer les nouveaux citoyens institués par Solon?LaprésencedudieudèslemilieuduVIes.surl’agoraditedeSolon–lenouvelespace derassemblementdu corps civique,lefuturmeson delapolis–, estcertainement en rapport avec le fonctionnement des institutions qui, depuis Solon, intègrent tous les hommes libres. Pourtenirecclesiaouhéliée,lesAthéniensserassemblenttribuspartribus,phratriesparphratries. Le culte d’Apollon Patroos assure dans la similitude la cohésion des tribus comme le culteàZeusPhratriosetAthénaPhratriacelledesphratries. Avecsesquatre«tiroirs»,leplanchoisiparM.V.G.n’estpassansprovoquerdesredites. Ildécentresurtout,mesemble-t-il,ladémonstrationparrapportauthèmeannoncé:pourquoi lefilsdelaterre,Érichthonios,a-t-ilprislaplacedufilsdelaterre,Érechthée?Cettequestion réactive un débat sur la maternité de la terre qui a beaucoup divisé en son temps. Est-ce la femmequiimitelaterre(J.-P.Vernant)?Est-celaterrequiimitelafemme(N.Loraux)?En dépitdesapparences,cetéchangen’ariendeludique!Si,danslemythed’Érichthonios,laterre imite la femme, elle n’a, d’après la doxa de l’époque sur la reproduction, aucun rôle dans la procréationd’Érichthonios,ellen’estqu’unemèreporteuse.Héphaïstosestlegéniteur,laterre seborneànourrirl’homonculequelespermedudieuadéposéenelle.Certes,c’estGèqui tendl’enfantàAthénamaisc’estHéphaïstosqui,entantquepèregéniteur,ledonneenadoptionàladéesse.Cen’estpasunhasardsi,surlesimages,ledieuesttoujoursenretrait.Ils’effacepourquelepèresocial,enl’occurrenceAthéna,puissesouleverl’enfantposésurlesolet enfairesonfils.N.L.constateque,danslemythed’Érichthonios,laterreévincelafemmede la naissance du premier citoyen. L’argument est, je crois, réversible: parce qu’elle imite la femme la terre est éliminée de la procréation du premier citoyen. Pour le dire autrement, la terrenourritÉrichthoniosetsesdescendants,ellenelesengendrepas.Lapossessiond’unlot delaterreciviqueneleurdonnepaslestatutdecitoyen,maisleurstatutdecitoyenleurassure d’être nourri par la terre civique. C’est alors qu’apparaît en pleine lumière ce qui distingue Érichthoniosd’Érechthée.Érechthéeestunfilsdelaterrequiapparemmentl’aenfantéseule. Érechthéen’apasdepère:sonstatutdépenddesamère.Legroupededescendanced’Érechthéenecomprendquedesdétenteursdusol.Àmonavis,cen’estpasavecunhypothétique processusdedéveloppementdelapetitepropriétépaysanneconsécutifàlaréformedeSolon qu’ilfautmettreenrapportlepassaged’ÉrechthéeàÉrichthoniosmaisaveclerefusdeSolon deprocéderàunnouveaupartagede«lagrasseterredelapatrie».Àpartirdumomentoù l’archonteafondélacitoyennetésurlalibertéetnonsurladétentiond’unlotdelaterrecivique,laréorganisationdelatraditionhomériques’impose:lesAthéniensdoiventseraconteret raconter aux autres Grecs que le premier citoyen n’avait pas été engendré par la terre, mais seulementnourriparelle.Lafiguredugéniteurestessentielle.Pourquoiavoirdévolucerôleà Héphaïstos? Parce qu’il est le dieu des artisans qui le célèbrent lors des Chalkeia et que l’artisanat est en plein développement sous la tyrannie? Peut-être ! Mais, en pays grec, la traditionreligieuseestpoésie.Ledieudelaflammejaillissanteentretient,jecrois,avecladéesse àl’olivierdesrelationsqueseullepoèteinspirépouvait,danslelangagequiestlesien,faire découvriràsonauditoire. Quelleconclusiontirerd’aussilonguesremarques,sinonquel’ouvragedeM.V.G.,est,en dépitd’uneconstructionparfoisunpeudéconcertante,unlivrequiprovoquelaréflexion. ClaudineLeduc (UniversitédeToulouse–LeMirail) RevuedesLivres 329 IphigéneiaLEVENTI,ChristinaMISTOPOULOU(éds),Ιερά και λατρείες της ∆ήµητρας στον αρχαίο ελληνικό κόσµο. Πρακτικά Ε̟ιστηµονικού Συµ̟οσίου, Πανε̟ιστήµιο Θεσσαλίας, Τµήµα Ιστορίας, Αρχαιολογίας και Κοινωνικής Ανθρω̟ολογίας, Βόλος, 4-5 Ιουνίου 2005, Volos,2010.1vol.17×24cm,304p.ISBN:978-960-89078-6-7. Ce volume reprend les actes d’un colloque tenu en 2005 à l’Université de Thessalie et consacréauxsanctuairesetcultesdeDéméterdanslemondegrecantique.Cethèmeenapparence trèslarge est orienté, comme l’annoncent les deux éditrices,vers troisaxesprincipaux (p.IX):(1)lesnouvellesdécouvertesconcernantlessanctuairesdeDéméter,(2)lesnouveaux témoignages sur Éleusis et (3) la diffusion des cultes à mystères éleusiniens dans le reste du mondegrec.L’ouvrage,quiviseàétablirundialogueentrelematérielnouvellementdécouvert etlestémoignagesplusanciensetmieuxconnus(p.X),adopteparconséquentuneorientation trèsarchéologique. Les deux premières contributions examinent ou réexaminent certains témoignages liés à Éleusis.K.Clinton(The Eleusinian Aparche in Practice: 329/8 B.C.)reconstitueendétaill’organisation et le déroulement de l’offrande des prémices aux deux déesses d’Éleusis dans l’année 329/8.Ilsefondepourcefairesurunexamenattentifdedeuxdocuments:l’inscriptiondes comptes de l’année (IG II² 1672) et le décret bien connu sur les prémices (IG I³ 78), daté d’environunsiècleauparavant,quiréglementel’organisationdelacollectedescéréales,ainsi que l’offrande de sacrifices à diverses divinités et de dédicaces sur l’argent de la vente. M.Tiverios(Ἀρτεµις, ∆ιόνυσος και ελευσινιακές θεότητες)étudieunesériedevasesattiques,pourla plupartustensilesdeculteprovenantd’Éleusis,parmilesquelssetrouveunencensoiràfigures noiresdatédu VIes.av.J.-C.,découvertdansleTélesterion,etfigurantuneprocessionmenée parDionysos,suividetroisdéessesportantunetorche,Déméter,ArtémisetKorè.Ilreconnaît dans ces images l’illustration d’une tradition d’origine égyptienne, relayée notamment par Eschyle,selonlaquelleArtémisseraitlafilledeDéméteretdeDionysos. Quelquesarticlesontpourthèmeladiffusionoul’influencedesmystèreséleusiniensdans le monde grec. Ainsi, Chr. Mitsopoulou (Το ιερό της ∆ήµητρας στην Κύθνο και η µίσθωση του ελευσινιακού τεµένους) présente le sanctuaire attribué à Déméter sur l’acropole de Kythnos, île desCyclades,etendétaillelematérielvotif,parmilequellaprésencedevaseséleusiniens,dits kernoiouplemochoai,estparticulièrementintéressante.Lapossessiond’untemenosàKythnospar le sanctuaire éleusinien, attestée par l’épigraphie, témoigne des relations entre l’île et Éleusis. I.Leventi(Η ελευσινιακή λατρεία στην ̟εριφέρεια του ελληνικού κόσµου: το αναθηµατικό ανάγλυφο α̟ό το Παντικά̟αιο) propose une étude iconographique d’un reliefvotif,découvert en 1854à Panticapée(Kerch,Ukraine),datédelafindupremierquartduIVes.av.J.-C.,etfigurantunescène rituelleàcaractèreinitiatique.Lerelief,quiseraitd’origineattique,représentelesdeuxdéesses Déméter et Korè à gauche de la scène, vers lesquelles se dirigent, avec des torches dans les mains, trois mortels,commel’indiquel’échelleréduiteselonlaquelleilssont figurés.Lepremier,unhommebarbu,interprétéparI.L.commeunofficielappartenantauculteéleusinien, estsuividedeuxenfants,ungarçonetunefille,quel’A.assimileauxπαίδεςἐφ᾿ἑστίας.Une figure identifiée à Héraclès, appuyé sur sa massue, ferme la procession à droite du relief. L.Gawlinski (Andania: The Messenian Eleusis) reprend le dossier déjà beaucoup traité des mystères d’Andanie, en vue d’établir des points de comparaison avec les mystères d’Éleusis dansl’organisationetledéroulementdesrites,mêmesil’A.reconnaîtquelescaractéristiques mises en évidence sont communesàbonnombrede cultes à mystères. L.G. metencore en parallèle l’instrumentalisation des deux célébrations par les deux cités sous la responsabilité desquelles elles étaient placées, respectivement Messène et Athènes, afin d’augmenter leur prestige. 330 RevuedesLivres Lesquatrecontributionssuivantesoffrentunparcoursdedifférentssanctuairesconsacrés àDéméterdanslerestedumondegrec,etquiontétél’objetdefouillesrécentes.N.Bookidis (The Sanctuary of Demeter and Kore at Corinth: A Review and an Update),résumeladescriptionde l’agencementdusanctuairedeDéméteretKorèàCorinthe,etévoquequelquesdécouvertes ayanteulieuaprèslapublicationdesfouillesen1997.L’équipeaprocédéàl’analysedesrestes denourrituredécouvertsdanslessallesdebanquet,quinousinformentsurlanaturedesrepas rituels et sur la période de l’année où ils prenaient place. La découverte en grand nombre d’autresdecessallesposelaquestiondesavoirsiellesétaientattachéesauseulsanctuaireousi elles servaient également pour la célébration des cultes environnants. M.Petropoulos (Η λατρεία της ∆ήµητρας στην Αχαΐα) offre un parcours des cultes de Déméter en Achaïe, où la déesseétaitnotammentqualifiéedePanachaia,cequimontresonimportancedanscetterégion. À Antheia, près de Patras, un sanctuaire mis au jour récemment est identifié, d’après les nombreux vases à boire (ποτήρια) qui y ont été retrouvés, comme ayant été consacré à Déméter Potériophoros, dont le culte est mentionné par Athénée. A. Batziou Eustathiou (Λατρείες ∆ήµητρας και Κόρης στη ∆ηµητριάδα)présentelesdonnéesarchéologiques,nouvelleset anciennes, concernant le culte de Déméter et Korè à Démétrias en Thessalie. Après la description du Thesmophorion, du matériel votif qui y a été retrouvé et le commentaire de divinitésquipourraientavoirétéassociéesaucultedesdeuxdéesses,l’A.consacreuneétude au sanctuaire de Pasikrata dans la nécropole sud de la cité et examine les hypothèses de l’identification de cette épiclèse avec Perséphone ou Aphrodite. S. Pingliatoglou (Το ιερό της ∆ήµητρος στον ∆ίον)présentel’agencementdusanctuairedeDéméteràDionenMacédoineet offreuncommentaireducultequiyétaitpratiqué.Surceculte,aucunesourceécritenenous estparvenueetnotreconnaissancereposedoncexclusivementsurlesdonnéesarchéologiques. L’A.notenotammentlaprésencedel’eauetlecaractèredoubledusanctuaire,quicomportait deux temples, peut-être consacrés à Déméter et Korè. Enfin, P.Triantafyllidis (Κυλινδρικοί ε̟ιτύµβιοι βωµοί µε διακόσµηση σταχυών και κωδιών µηκώνων α̟ό τα ∆ωδεκάνησα)étudieunesériede quatreautelscylindriquesfunéraires,provenantduDodécanèse,ornésdedécorationsd’épisde bléetdetêtesdepavots,etlesmetenrelationaveclecultedeDéméter.L’ouvrageaencore l’avantagedeproposerdesindicestrèscomplets(locorum,topographique,destermesreligieux, prosopographiqueetgénéral). Malgrédesaxesderecherchesetdesobjectifsclairementdéfinisparleséditeurs,l’ouvrage n’échappepastotalementàunecertainehétérogénéité,dueàl’ampleurducadregéographique etthématique,etàl’absencedeconclusionsgénérales.Toutefois,laprésentationdenouvelles donnéesarchéologiquesqu’iloffres’avérerabienutileauxlecteurss’intéressantdeprèsauculte deDéméter. StéphaniePaul (F.R.S.-FNRS–UniversitédeLiège) Amy C. SMITH, Sadie PICKUP (éds), Brill’s Companion to Aphrodite, Leiden/ Boston,Brill,2010.1vol.16,5×24,5cm,452p.ISBN:978-9004-18003-1. Publier un ouvrage de synthèse sur la déesse Aphrodite est une tâche aussi ardue que nécessairedansunchampderecherchesirichementarpentécesdernièresannées.Laproduction scientifique sur le sujet est vaste, mais parfois déroutante, au vu de l’écart creusé entre deux tendances majeures de la recherche historique concernant la déesse. Jusqu’à la fin des années1970,lamajoritédestravauxsurAphroditeseconcentraitsurl’originedeladéesseet l’essentiel des débats tournait autour de la question de son identité indo-européenne1 ou 1D.D.BOEDEKER,Aphrodite’s Entry into Greek Epic,Leiden,1974(Mnemosyne,suppl.32). RevuedesLivres 331 «orientale»1.L’ouvragedePaulFriedrichparuen19782,dufaitdelagrilledelecturecontroverséequ’iladopta3,représenteàbiendeségardsunpivotdansl’historiographied’Aphrodite. Dépassantmaladroitementlaquestiondesorigines,Friedrichproposedanssonouvrageune vision personnelle de la déesse comme icône de la sexualité et de la féminité, réinterprétant Aphroditeselondescritèresanthropologiquestrèsmodernes.Partantdecetravail,lamajorité des études aphroditéennes qui lui ont fait suite se sont attachées à inclure la déesse dans ce cadrearchétypal,ou,aucontraire,onttentéderemettreenquestionunetellegrilledelectureà vraidireréductrice,afindereplacerAphroditedanssesdifférentscontextes. Unedesqualitésduprésenttravailestderefléter,danslecontenudel’ouvrage,ladiversité, voireladivergencedesapprochesafindenourrirlarechercheetlaréflexionsurlesujet(p.26). IssuduColloqueAphrodite Revealed : A Goddess Disclosed,quis’esttenuàl’UniversitédeReading du8au10mai2008,leBrill’s Companion to Aphrodite regroupedegrandsnomsquifontfigure d’autoritédansledomaine,cequigarantitlesérieuxdel’entreprise.Chacundesauteursrésume l’essentieldestravauxqu’ilaconsacrésàAphrodite,cequireprésenteuneexcellenteentréeen matière pour le néophyte, mais qui risque de décevoir l’habitué des lieux aphroditéens, qui s’attendraitàdécouvrirdenouveauxhorizonsdanslepaysagedeladéesse. L’ouvrageestdiviséen19chapitres:unedoubleintroductiond’abord,puisquatrethématiques,àsavoirl’identitéd’Aphrodite,sescompagnonsetleursrelations,ladiffusiondescultes d’Aphrodite, ainsi que la réception de la déesse. Toutefois, les contributions ne suivent pas l’organisationquiavaitprévalulorsdelarencontredeReading,quiprivilégiaituneapproche disciplinaire. Ici, la volonté de présenter un travail aux méthodes plurielles, dépassant les bornesgéographiquesettemporelles,légitimel’adoptiond’unplanthématique.Lerésultatse présentecommeunensembleorganiqueethétérogène,lesdifférentescontributionssecitant mutuellement, se faisant écho et se complétant ou s’opposant. Néanmoins, il arrive que le lecteursetrouvedevantdespartiesdel’édificeoùladivergenced’interprétationsefaitdissonante,cequipeutdésorienter. Cetteimpressionsefaitsentirdèsl’introductionquisediviseendeuxvolets.Lapremière partie,rédigéeparV.Pirenne-Delforge,présentedemanièreconciselebilanhistoriographique detrenteannéesderecherchessurAphroditerépartiesentroistendancesprincipales(p.6-7). Lapremièreregroupelesétudesquiseconcentrentsurlescontextesrégionaux,ladeuxième s’attacheàlafigured’Aphroditedansledomainepolitiqueetmilitaire,tandisquelatroisième relance la question des origines de la déesse. Cette catégorisation historiographique permet d’établir un constat des plus intéressants: à travers la fascination qu’elle exerce, les enjeux anthropologiquesqu’ellesoulèveetlesdébatshistoriquesquiendécoulent,Aphrodite,entant quepuissancedivine,représenteunexcellentlaboratoirepourexpérimenteretquestionnerle champdupolythéismegrec. Lelecteuraplusdemalàappréhenderlesecondvoletdel’introduction.Composéparles éditrices duvolume, ilprésente ladémarchesous-jacenteà l’ouvrage et sembleseperdre en questionnements auxquels les travaux de J.Rudhardt et de divers auteurs présents dans le volumeontapportédesréponsesdepuislongtemps.Ainsi,ilestsurprenantdelirequelesdeux généalogiesd’Aphroditerenvoientàdeuxfacettesdifférentesdeladéessequi,entantquetelle, représenteuneforcenaturelleparessence(p.18).LacomparaisonentreAphroditeetIštarse fondesurlasimpleprésenced’unefigurematernelledanslechantVdel’Iliadeetla6etablette del’Épopée de Gilgameš(p.19).Parailleurs,lesoriginesorientalesdeladéessesontconfirmées parsonabsencedanslessourcesenlinéaireB(p.20).Enoutre,malgrélesrécentespercées 1W.BURKERT,Greek Religion. Archaic and Classic,Harvard,1985[1977]. Meaning of Aphrodite,Chicago,1978. 3Voirlecompte-rendudeNicoleLORAUX,JHS102(1982),p.261-263. 2P.FRIEDRICH,The 332 RevuedesLivres dans la compréhension d’Aphrodite, les A. restent attachées à l’image traditionnelle de la déessedel’amour,dusexeetdelafertilité,commel’attesteraientlesdécouvertesarchéologiquesd’époquearchaïqueàChypre(p.21).Ilestregrettablequecechapitreneseconcentrepas surlesfacteursquiontcontribuéàforgernotrereprésentationmoderned’Aphroditecomme déesseorientaledel’amour,cequiauraitpuintroduireladernièrepartiedel’ouvrageconsacré àlaréceptiond’Aphrodite.Àl’inverse,cesecondvoletintroductiffaitpreuved’unevolontéde conciliertoutessortesd’approchesméthodologiquesfigurantdanslelivre,laissantaulecteur désorientélesoindeseforgersapropreopinion(p.26). La première partie thématique du volume concernant l’identité d’Aphrodite comprend quatrecontributionsdeV.L.Kenaan,J.Burbridge,St.BudinetG.Pirontiquitraitentrespectivementdelaconstructiondustatutdivinetféminind’Aphroditecommeundispositifd’apparences,desprocédésnarratifsquisetissentautourdulecteur,d’Aphroditeetd’Énéedansle premier livre de l’Énéide, tandis que les deux derniers chapitres s’opposent, quant à eux, sur l’interprétationducaractèreguerrierd’Aphrodite.V.L.K.adopteunelectureplatoniciennede lanotiondebeautépourmontrerqu’Aphroditeestàl’intersectionentredivinetféminin,àla fois theos et thea (p. 37). J.B., par une approche intertextuelle de l’œuvre de Virgile, souligne certains mécanismes discursifs permettant au lecteur de s’identifier à Énée lorsque celui-ci peine à reconnaître Aphrodite: c’est une figure à l’identité évanescente, une sorte d’actrice énigmatiquequineselaissepointsaisirfacilement(p78).L’étudedesmotifslittéraireshomériquessous-jacentsàcetépisodedel’Énéidedévoiledesprocédésanalogues,notammentdans l’Odyssée.Toutefois,lacomparaisonaveclechantVdel’Iliade,oùAphrodite,maternelle,sauve sonfilsdelamort,faitdéfautàladémonstration.LeschapitresdeS.L.B.etdeG.P.quitraitent,enapparence,tousdeuxdel’aspectguerrierd’Aphrodite,sont,plusencore,l’illustration de démarches méthodologiques antagonistes. Le premier auteur part d’un constat d’étonnementetposelesquestionssuivantes:commentpeut-oncomprendrel’undesaspectslesplus déroutantsdelapersonnalitéd’Aphrodite,àsavoirsarelationavecledomainedelaguerre? (p.79) Quand et comment cet aspect martial émerge-t-il? (p. 80) Pour y répondre, S.L.B. présenteundossierdesourcestrèshétérogènequ’ellerépartitchronologiquement,puisgéographiquement. La conclusion de cet exposé est que l’aspect martial d’Aphrodite découle d’une tendance moderne à placer sur un même plan diachronique des sources éparses provenant d’époques différentes, qui seraient essentiellement d’influence spartiate ou romaine (p. 112). Cependant,danscette«démonstration»,lepostulatdedépartprésentequelquesfaiblesses.Si unaspectdelapersonnalitéd’Aphroditedérouteouprovoquel’étonnementchezlesmodernes,c’estparrapportàuneidéepréconçuedeladéesse.Or,toutaulongducorpusdesources, S.L.B.nequestionnejamaisnin’évoquecettereprésentationmoderned’uneAphroditedéesse de l’«amour». G.P., pour sa part, reprenant les éléments de sa récente monographie sur Aphrodite, souligne la difficulté moderne d’appréhender la déesse dans toute sa complexité. Loin de militer en faveur d’une Aphrodite «déesse de» la guerre ou de tout autre élément, G.P.dénoncelatendanceàcloisonnerlesdieuxdupolythéismedansdescaractèresfigésqui déformentlaréalitédescontextescultuels(p.113).Ainsi,ledomained’Aphroditereprésente une sphère d’influence qu’il est impossible de résumer à travers ce type de classification (p.118)etquisereconfigureaugrédescontextesetdessources. Ledeuxièmevoletdel’ouvrageconsacréauxcompagnonsd’Aphroditeetàleursrelations estcomposédedeuxchapitres,rédigésparA.TeffetelleretK.Jackson.Lapremières’attarde surunecomparaisonentrelerécitd’Elkuniršaetd’Ašertudécouvertdanslacapitalehittiteet l’histoired’Aphroditeetd’Arès,chantéeparDémodocosdansl’Odyssée.Letraitementphilologique et la présentation du récit sont très respectueux des conventions et des précautions à prendre avec les textes cunéiformes, mais perdent de leur valeur lors de la mise en parallèle RevuedesLivres 333 aveclerécithomérique,puisquecelle-cinedépassepaslesimpleconstatderessemblanceau sujetdel’infidélitéetdel’humiliation,danslalignéedestravauxdeJ.Duchemin1.A.T.poursuit sadémarcheeninvitantOvideetleRigVedaàlatabledelacomparaison,autourdesthèmes delamétamorphoseetdel’usagecultueldel’huile(p.142).K.J.présenteàsontouruneétude surlesdynamiquesdulienpère-filleentreZeusetAphroditedansl’Iliade etlesconséquences qu’ellesinduisentdansl’instaurationdéfinitivedelasuprématieduroidesdieux.K.J.dévoile une très intéressante dialectique entre Athéna et Aphrodite qui, aussi opposées soient-elles danslesétudesquileursontconsacrées,partagentdesmodesopératoiresanaloguesetconcurrentsconcernantleurlienavecZeus.Toutefois,l’analysedeK.J.souffred’unécueilrécurrent dans le champ des études aphroditéennes: la comparaison avec des sources «orientales» décontextualisées. Elle soutient qu’Aphrodite dans l’Iliade est le dernier soubresaut de l’Ištar guerrière.Àcettefin,ellesefondesurlesfiguresdestylecomparantAphroditeetIštaràun chien.Cependant,letermegreckunamuia(Il.XXI,421)signifie«moucheàchien»ou«moucheimpudente»,etl’expressionsumérienneattribuéeàEnheduanna,sansêtrecitée,esttirée deFriedrich1978,quireprendlui-mêmeunetraductiondeHalloetVanDijkde19682.Or,les publications des textes suméro-akkadiens paraissent à un rythme plus soutenu que ceux de l’Antiquitégréco-latineetladernièretraductionderéférenceprésenteunetouteautreversion del’expressionur-gin7,quiestrenduepar«commeuncarnassier»3.Auregarddeceséléments, cettecomparaisona-t-elleencorelieud’être? Latroisièmepartiedel’ouvrages’attacheàladiffusiondescultesd’Aphroditeetregroupe six contributions. A.Ulbrich, reprenant les grandes lignes de sa thèse, étudie les représentations d’Aphrodite à Chypre durant la période des cités-royaumes et dresse un bilan des connaissancesdessanctuairesdel’îleetdeleursspécificitésauregarddespratiquescultuelles observéesdanslemondegreccontinental.E.Palaproposeunchapitrestimulantausujetdu culted’Aphroditesurl’Acropole,dontlerôle,encomparaisondeladéessepoliade,revêtune importance équivalente dans l’espace cultuel athénien (p.209). E.P. rappelle les traditions patrilinéairesquifontd’Égée,ThéséeetHippolytelesfondateursdessanctuairesàAphrodite soulignant,àlasuitedeV.Pirenne-Delforge,larelationqu’entretientladéesseaveclasphère civique à Athènes. Même si Aphrodite n’y portait pas l’épiclèse Polias, réservée à Athéna ou Zeus,ellen’enrevêtaitpasmoinsunrôledepremierordredanslequotidiendesAthéniens, représentant une puissance d’unification dans les sphères politiques et sociales (p.216). Chr.PapadopoulouseconcentresurlelienunissantAphroditeetledomainemarinetjustifie cetterelationparlepoidsdessourceslittérairesquivéhiculentcetypedereprésentation.Par ailleurs, Ch.P. parvient à connecter les moments forts où l’Aphrodite marine apparaît dans l’iconographieaveclessuccèsoulesdéfaitesdelaflotteathénienneauxVeetIVes.(p.232),ce quirenforcel’idéequelasphèred’influenced’unepuissancedivinesereconfigureaugrédu contextehistorique.A.Nagelrelativisequantàluil’importancedePausaniasdansl’histoiredes cultesd’Aphrodite,enfocalisantsonétudesurlessitesoccidentauxdelaGrècecontinentale. S.Montels’attacheauxdispositifsarchitecturauxdusanctuairedel’AphroditedeCnide,oùse trouvaitlastatuedePraxitèleetdontilnerestequedestémoignagesécrits.S.M.discuteainsi, source après source, les différentes configurations possibles du site disparu. Enfin, Jenny WallensteindécritAphroditecommeunenjeudecommunicationmajeurentreGrecsetLatins autempsdeladominationromainedelaGrèce,ainsiquelesstratégiesdévotionnellesquien découlent.EllemontrequelaGuerredeTroie,commeélémentdemémoirecollective,représentait un outil d’interaction entre Rome et la Grèce, selon que les cités se revendiquaient 1J.DUCHEMIN,Mythes grecs et sources orientales,Paris,1995. Exaltation of Inanna.NewHaven,1968. 3 «wie ein Raubtier» dans A. ZGOLL, Der Rechstfall der En-hedu-Ana im Lied nin-me-šara, Münster, 1997 (AOAT,246),p.15. 2W.W.HALLOetJ.J.A.VANDIJK,The 334 RevuedesLivres d’ascendancetroyenneounon(p.269).Partant,lerôled’Aphroditedansleconflithomérique etlatraditionfaisantd’ellelamèred’Énéeet,parextension,celledesRomains,démontrela fonctiondiplomatiquedesonculte,notammentsousl’épiclèsed’Aineias. Laréceptiond’Aphroditeestlethèmequioccupelaquatrièmeetdernièrepartiedel’ouvrage.Onsortalorsclairementdudomainegrecclassiqueprivilégiéjusqu’alorspourexplorer l’utilisation des modèles aphroditéens. R.Kousserpropose un aperçu desAphrodites augustéennes.Néanmoins,danssavolontédedémontrerlasingularitédesreprésentationsd’époque impériale,R.K.négligededéfinirlescontoursdel’Aphroditegrecquequ’elleutilisepourtant commecontrepointàsadémonstration.LeparadigmedeVénusàlalanceestainsiopposéaux imagessensuelleshellénistiquesd’Aphrodite(p.291),cequiestclairementremisencausepar les chapitres cinq et six du volume. Dans le même ordre d’idée, la conclusion déçoit par l’emphase que R.K. met sur l’«allure» et la «puissance» de l’art classique, des catégories si évidentes pour l’A. qu’elles ne nécessitent pas de définition, puisqu’à ses yeux les Anciens vivaientuneexistenceplusexaltéeetplusattractive,entourésdecesfiguresdelamythologie classique(p.306).Danslechapitresuivant,M.Carucciétudielerôled’Aphrodite/Vénusdans le contexte des amphithéâtres romains d’Afrique. L’A. réfléchit sur la compatibilité entre les représentationsdeladéessenueévoquantleplaisiretlabeautéaveclesspectaclesviolentsde l’amphithéâtre(p.308).Unefoisencore,lecadreexigudeladéesseiréniquedel’amourforgé pourAphroditenécessiteraitd’êtreremisencause,afindedégagerlapolyvalencedesonmode d’action.M.C.proposenéanmoinsunefineanalyseanthropologiquedelamosaïquedeThuburboMaius,ensoulignantlevoyeurismefétichisteduregardmasculin,figuréparlesarmes entourant la déesse. A.Papagiannaki se penche sur la permanence de la figure d’Aphrodite dansl’Empirebyzantind’époqueclassiqueetmédiévale,malgrélachristianisationetlestémoignages de destruction de statues. A.P. montre qu’à Constantinople, les élites lettrées possédaientdescollectionsentièresd’œuvresd’artpaïennesetquecettesociétédeculturechrétienne était néanmoins de paideia gréco-romaine (p. 326). Par ailleurs, l’iconographie d’Aphrodite perdure sur des objets liés à des domaines très connotés, comme le mariage. L’étude de D.Bellingham s’occupe de déconstruire habilement le tableau de Botticelli Mars et Vénus. Étudiantlecontextedecompositiondel’œuvreàtravesunexposéaussistimulantqu’érudit, D.B. dégage pas moins de cinq niveaux de lecture du couple présent sur la toile: Mars et Vénus, Giuliano de Medici et Simonetta Vespucci,Alexandre et Roxane, le Christ et MarieMadeleine et Adam et Ève. La polysémie de l’œuvre de Botticelli devient alors un exercice d’herméneutiquenéo-platonicienneconduisantàl’amourcosmique,détailrenforcéparlaprobable situation du tableau dans une chambre nuptiale (p. 373). A.Gruetzner Robins analyse troispeinturesdeP.Bonnard,datantde1908,figurantunefemmesereflétantdansunmiroir etadoptantuneposeinspiréedesculpturesgréco-romaines.Laréflexiondel’A.portesurl’idée defragment,transposéedansl’imageparlecaractèreincompletducorpsféminin,placédans une situation ordinaire et interprété comme une réaction de l’artiste face à l’exploitation commercialedesexpressionssexuellesdeladéesse. Pourconclure,leBrill’s Companion to Aphroditemanifestedanssastructurelelargeéventail des approches d’Aphrodite. Il constitue un riche instantané de l’état actuel de la recherche. Néanmoins, il ne parvient pas vraiment, par delà les dissonances méthodologiques entre les contributions, à fournir un cadre d’ensemble cohérent. Dans l’enchevêtrement des mythes historiographiquesquijalonnentlarecherchedanscedomaine,certainsontlapeauplusdure qued’autres.M.Agulhon,s’intéressantàlafiguredeMarianne1,amisenévidenceleschoixqui ont amené à ériger en figure féminine quasi-divine et complémentaire d’un roi-citoyen un emblème qui désigne, par glissements sémantiques successifs, la Liberté, la République et la 1M.AGULHON,Marianne au combat : l’imagerie et la symbolique républicaines de 1789 à 1880,Paris,1979. RevuedesLivres 335 Francetoutcourt.Delamêmefaçon,lescontributionsduvolumeiciprésentéfontéchoaux divers aspects de la personnalité d’Aphrodite, depuis ses premières mentions à l’époque archaïquejusqu’àsaréceptiondansnossociétéscontemporaines. Àcetégard,leprésentouvragereprésenteuntravailconsidérableetunoutilderecherche depointe,dotéd’uneamplebibliographieetdetrèsutilesindexthématiquesetgéographiques, qui s’ajoutent aux nombreuses références textuelles et iconographiques regroupées en fin de volume. IwoSlobodzianek (UniversitédeToulouse–LeMirail) Alexia PETSALIS-DIOMIDIS, Truly Beyond Wonders. Aelius Aristides and the Cult of Asklepios,Oxford,OxfordUniversityPress,2010.1vol.19,5cm×25cm,315p. (Oxford Studies in Ancient Culture and Representation).ISBN:978-0-19-956190-2. LesDiscours sacrés (Hieroi Logoi) [DS]d’AeliusAristide,où l’orateurdécrit sa relationpassionnéeavecledieuguérisseurAsclépios,quidébuteendécembre144,sontdestextesdéconcertants à plus d’un titre. Ces discours, qui se présentent sous la forme d’un journal intime, offrentunintérêtaumoinspourtroiscatégoriesdespécialistes.L’historiendelalittératurey trouve un exemple significatif de récit autobiographique, l’historien des religions un témoignagedepremièremainsurlefonctionnementd’ungrandsanctuairedumondegrec,l’AsclépieiondePergame,lespsychologuesuneexpériencereligieusesingulièreetdesrécitsderêves transcritsparle«rêveur»lui-mêmedontonpeuttireruneinterprétationpsychanalytique1.La présenteétudeconcernerasurtout–maispasexclusivement–l’historiendelareligiongrecque, puisquesonsujetestlesanctuaired’AsclépiosàPergameetl’expériencetrèsparticulièrequ’y fitunpèlerind’exception,AeliusAristide.Onadmeteneffetquel’analysedesDSconstitueun élémentimportantpourlacompréhensiondelareligionetdelaculturepropresaucourantde la Seconde Sophistique, mais on ne s’accorde toujours pas sur le sens dans lequel doit aller l’exégèsedecetextedéroutantquioccupeuneplaceàpartdansl’œuvred’Aristide.L’approche adoptéeiciconsisteàexplorerlesdifficultésdutexted’AeliusAristideenlereplaçantdansle contexte dans lequel il a vu le jour. Les DS sont en effet profondément enracinés dans les préoccupationsculturellesdelaSecondeSophistique,dontlareligionconstitueunaspectfondamental. L’ouvrage remet en cause la distinction dichotomique, simpliste et absolue, élite/ peuple, que certains auteurs présentent comme caractéristique de la religion et la culture de cetteépoque.Ilprendenconsidérationnonseulementlessourcesquel’onconsidèretraditionnellementcommeémanantdel’élite,maisaussilesgenrespopulaires,commelestextesparadoxographiquesetphysiognomoniques(notammentAntoniusPolémondeLaodicée[vers88144]),considérésdansl’Antiquitécommefaisantpartieintégrantedelacultureausenslargedu terme, bien au-delà de l’intérêt populaire. La lecture des DS proposée ici met en relation le corps,levoyageetlemiracle(thauma),troistraitscaractéristiquesdelaSecondeSophistique. Unetelleinterprétationpermetaussid’établirunlienavecledébutduchristianismeetlaculturebyzantine,oùcestroisélémentssontsouventintimementliés,commeparexempledansle récitdesmiraclesdelaprotomartyresainteThècle(Iers.–textedu Ves.)etdesaintArtémios (IVes.–textedu VIes.)etdanslapratiquedeplusenplusfréquentedupèlerinage.Mêmes’il convientdeseméfierdejugementsfondéssurdessimilitudessuperficiellesquinereflèteraient paslanatureexactedesexpériencesdupeuple,onnepeutnierquelareligiongréco-romaineet lechristianismesontdesphénomènescontemporains,du IIes.jusqu’au Ves.,etqu’ilssesont développésdanslamêmepartiedumonde.Mêmes’ilyadesdifférencesdanslafaçondontle 1G.MICHENAUD,J.DIERKENS, Les rêves dans les ‚Discours Sacrés’ d’Aelius Aristide. IIe s. ap. J.-C. Essai d’analyse psychologique,Bruxelles,1972. 336 RevuedesLivres miracle est conçu par le monde gréco-romain et par le christianisme, on n’enregistre pas de divergencesfondamentalesdurantlespremierssièclesdenotreère.Malgrélesprogrèsréalisés dans l’étude du pèlerinage dans le monde gréco-romain, ce phénomène dans la religion du tempscontinuedenepasêtrereconnucommetel.Ceconceptestconsidérécommen’ajoutant quepeudechoseànotreconnaissancedelapratiquereligieusedel’Antiquité.Onconsidèrede surcroîtqu’ilestfausséparl’applicationdumodèlechrétien,plustardif.Loind’interpréterles différents témoins séparément l’un de l’autre (textes, inscriptions, vestiges archéologiques), cette étude lesa mis en relation envue dereconstituer l’expérience des pèlerins. Levoyage, l’arrivée dans le sanctuaire, les activités à cet endroit et le chemin de retour sont considérés commedifférentesétapesd’unprocessuscompletetd’uneexpériencereligieusetotale. Le modèle du pèlerinage n’est toutefois pas indispensable pour comprendre l’expérience d’AeliusAristide.Onpeutaussiprendrelepartideconsidérerlarelationd’Aristideetd’Asclépioscommeunehistoirerelativeaucorps,auvoyageetàlareligionquiapourcadrel’Orient grecdurantl’Empireromain.Lestextesnesontpasutilisésdanslesenshistoriquetraditionnel pour en extraire des détails topographiques et chronologiques. Leur rhétorique est analysée avecl’intentiondedéfinirdesaspectsdelacultureetdelareligiondu IIes.L’ouvragetienten outrecomptedesprogrèsréalisésdurantlesdernièresdécenniesdansledomainedel’histoire del’art.Ilprendenconsidérationunlargeéventaildedocumentsfiguréstraditionnels,comme l’architecture et la sculpture, mais aussi les monnaies et les inscriptions votives. Le livre proposedoncunesorted’itinérairecirculaireverslesDSetl’AsclépieiondePergamepourles interpréterdanslecontextecultureladéquat.Lesdeuxpremierschapitresneconcernentpas directementlesDS,maisplacentledécor,enexplorantlanaturedesécritscontemporainsde polémiquereligieuseetenanalysantlediscourssurlecorpsetlevoyage.Letroisièmechapitre aquantàluidirectementtraitauxDS,tandisquelesdeuxderniersexaminentlesaspectsmatériels du pèlerinage d’Aristide, c’est-à-dire l’archéologie et l’épigraphie de l’Asclépieion de Pergame. Lechapitre1concernelapolémiquereligieuse.Ilyestquestiond’uncasd’espècequimontrelesdifficultésd’interprétationdessourceslittéraireseticonographiquesrelativesàlareligion de cette époque: l’étude du culte du serpent miraculeux Glykon, le nouvel Asclépios, qui a connuunegrandevoguedurantleIIes.,àAbonotichos,surlesbordsdelamerNoire,etdont lesmonnaiestémoignentdelapopularité.D’aprèscetteanalyse,iln’estpaspossibledeprendre pourargentcomptantcequeLucienécritdanssonopusculeintituléAlexandre ou le Faux Prophète surlesévénementsquieurentlieuàAbonotichos.Ladichotomieélite/peuplequel’ontrouve dans cet opuscule constitue un aspect de la polémique de Lucien plutôt qu’une réflexion objectivesurlasituationsurleterrain.Lamiseencontextedel’Alexandreparmid’autresécrits polémiques sur la religion et des témoignages matériels du culte à l’intérieur des traditions iconographiquesd’Asclépiosmontrentqu’ils’agitfondamentalementd’uncultetraditionnelde ce dieu et que l’histoire qui en ressort n’est pas un récit opposant la religion de l’élite et la religion populaire, mais bien celui d’un pèlerinage religieux exégétique par opposition à un pèlerinagecharismatique. Lechapitre2examinelesdiscourssurlecorpsetlevoyagequipeuventserévélerêtredes clés de lecture pour une meilleure compréhension des DS. La première section concerne le corpsdanslaculturegréco-romaine.Ellemetl’accentsurlafaçondevoiretdelirelecorps,les moyensquipermettentdelocaliserl’identitédanslecorpsetlafaçondontestprésentélecorps dansdesrécitsautobiographiques.Ils’agitdedéterminerquelsensilfautdonneràl’expérience delamaladieetaurôledecesprocessusdanslaconstructiondel’identité.Unesériedetextes sontexaminés:lesromans,desdialoguesdePlutarqueainsiquedesécritsmédicauxetphysiognomoniques.Ladeuxièmepartieseconcentresurlestextesetlesimagesdupaysageetdu voyageetexplorelesstructuresquileurserventdesoubassement.Unnombredethèmescom- RevuedesLivres 337 munsémergentàlafoisdanslediscoursrelatifaucorpsetauvoyage,enparticulierlastructure del’énumérationetdelamensuration,larhétoriquedelatechnè etsacombinaisonparadoxale aveclaprésentationdel’auteur/praticienàlafaçond’untheios aneretdanslaconstructiondes thaumata. Un aspect-clé des discours sur le corps et le voyage émerge dans leur rôle dans la créationderécitsnarratifsetautobiographiques.Latroisièmesectiondecechapitrerevientsur les DS en mettant l’accent sur la combinaison des thèmes du voyage, du corps et du récit autobiographique. Le chapitre 3 concerne plus directement les DS. Il présente l’idée que ce texte est une façontrèssophistiquéedelierlecontactpersonneletcharismatiqueavecladivinité,enraciné danslecorps,aveclesambitionstraditionnellesd’unmembredel’élite,commelaprogression socialeetlessuccèsoratoires.Loind’êtreunécritpersonneldéconcertant,lesDSapparaissent commeuntexteautobiographiquefermementenracinédanslescourantsculturelsduIIes.Son originalité réside dans le fait qu’y sont réunis le corps, le voyage et les miracles dans une présentationapologétiquefortedel’auteurcommeuntheios aner d’unnouveaustyle,unmodèle quel’onretrouveradanslechristianismeprimitifetdanslaculturebyzantine. Leschapitres4et5concernentlecontextematérieldanslequelsedéveloppelarelation d’AristideavecAsclépios.L’AsclépieiondePergameavaitseulementcommerivauxlessanctuairesdumêmedieuàÉpidaureetàCos.ÀPergame,lesvestigesarchéologiquesetépigraphiquessonttrèsriches.Lechapitre4,diviséendeuxsections,offreunelecturedeladisposition spatialedusanctuaire,lequelconnutunimportantprogrammedeconstructionsdurantleIIes. Lapremièrepartieexplorelacultureetl’ambiancedusanctuairequirassemblaitdespersonnes malades et guéries miraculeusement. Les témoignages comprennent des ensembles littéraires danslegenreparadoxographique,desréférencesàdesrecueilsdemirabiliadatantdel’Empire et des témoignages relatifs aux thaumata dans les temples. L’ensemble des sources analysées danscettesections’opposeàl’idéedichotomiqueélite/peuple.Lasecondesectionconsisteen unexamendétaillédesvestigesarchéologiquesdusanctuaireetenuneinterprétationduprogrammedeconstructionsdu IIes.L’AsclépieiondePergameestinterprétécommeunestructureauseindelaquellesedéploiel’expériencedelamaladieetdelaguérisonmiraculeuse.Le chapitre5,quiconcernel’interprétationdel’espace,seconcentresurlespèlerins.Onytrouve unexamendesrituelsdel’incubationd’aprèslalex sacraduIIes.(dontonaconservé36lignes, oùilestprécisémentquestiondesritesdel’incubation)1etuneanalysedesoffrandesvotives pourvuesdemotifssculptésetd’inscriptions.L’interprétationdelalex sacra,miseenrelation avecl’architecturedusanctuaire,reposesurdesétudesanthropologiquesconsacréesaupèlerinage. Les dédicaces votives sont ensuite analysées comme des récits autobiographiques du contactpersonneldupèlerinavecledivin,enfaisantunusagedesanalysesdesdiscourssurle corpsetlevoyagedéveloppéesdansleschapitresdeuxettrois.L’accentestplacésurlafaçon dontlecorpsdupèleringuérimiraculeusementestévoquédansletexteetl’image,surl’effetde lamanifestationcommunedesoffrantesvotivesàl’intérieurdusanctuaireetsurl’expérience dupèlerinquileslit.Toutcechapitrecomporteunexamendelatensionentrelerôleetl’identitédugroupedepèlerinsvucommeuntoutetceuxdel’individuàlarecherched’unerencontre personnelleetd’uneguérisonmiraculeuse. L’étudeestoriginaleàplusd’untitre.Sacaractéristiquemajeureestcertainementqu’elleest pluridisciplinaireetqu’elleexaminetouslestémoignagesrelatifsauxpèlerinagesàPergameau IIes.enlesmettantenrelationlesunsaveclesautres:texteslittéraires,inscriptions,monnaies, sculptures,vestigesarchéologiques.Onsalueraceteffortvisantàdécloisonnerdesdisciplines quisontgénéralementséparées,enparticulierlaphilologieetl’archéologie.Maiscen’estpas 1M.WÖRRLE,«DieLex SacravonderHallenstrasse(Inv.1965,20)»,inChr.HABICHT,Altertümer von Pergamon VIII/3(Die Inschriften des Asklepieions),Berlin,1969,p.167-190. 338 RevuedesLivres tout.Lestextessurlareligionontétégénéralementétudiésdefaçonunpeusimplistesanstenir assezcomptedeleurnaturenormativeetducontextehautementpolémiquedanslequelilsont étéécrits.LaprésentationquefontunPlutarqueouunPausaniasdelareligiondel’éliteetla caricature de la religion populaire d’un Lucien ont été acceptées comme deux faces d’une mêmepiècedemonnaie.LesDSnepeuventrentrerdanscemoule,carilssontlerefletàla foisdelareligiondel’éliteetdefaitsappartenantàlareligionpopulaire.Onaeutendanceà considérer ce texte comme une aberration auseindel’œuvre d’AeliusAristide. Ce n’est pas exagérédedirequ’AeliusAristideestsouventvucommeunilluminé.Enconfrontantlesdifférents types de sources, la présente analyse propose une nouvelle façon de comprendre la religion du IIe s. et montre que le texte d’Aristide, loin d’être un intrus dans ce contexte, s’adapteparfaitementauxmouvementsreligieuxetculturelsdesonépoque.Unefoisacceptéle faitqueletexted’Aristides’insèredansdescourantsreligieuxetculturelspluslarges,lesDS plaident de façon éloquente contre une dichotomie simpliste et absolue entre la religion de l’éliteetlacroyancepopulaire.CetteréhabilitationdesDS,troplongtempsconsidéréscomme destextesmarginaux,ouvredenouvellesvoiespouruneanalyserenouveléedecetextefascinant.Enparticulier,larelationdesDSaveclerestedel’œuvred’Aristideaététroppeuexplorée. Dans l’autre sens, les vestiges matériels du sanctuaire de Pergame bénéficient eux aussi d’unnouveléclairagegrâceàunelectureréorientéedutexted’Aristide.LesDSsuggèrentune viereligieusetrèsricheàl’intérieurdusanctuaireet,enmêmetemps,unhautdegrédeliberté etd’improvisationendépitdesrèglesprécisesdonnéesparlalex sacra. Lepèlerinagethérapeutique,loind’êtreuneactivitémarginale,constitueunphénomènede grandeampleurdanslaculturegréco-romaine.Cetteimportanceestprouvéenonseulement parlerécitd’unpèlerincommeAeliusAristide,maisaussiparlesdépensesconsentiesparla citépourreconstruirelesanctuaired’AsclépiosàPergame.Silepèlerinageestunaspectimportantdelaviereligieuse,lareligionestunecomposanteessentielledelaSecondeSophistiqueet unélémentquipermetdedéfinirl’identitégrecquedanslamesureoùlanatureprofondeet personnelledel’expériencereligieuseconstitueunaspectsignificatifdel’identité.LesDS ont doncétéenvisagéspourcequ’ilspeuventrévélersurlaplacecentraleoccupéeparlareligion danslemilieucultureletsocialdelaSecondeSophistique. Lafigured’AeliusAristideetlesanctuaired’AsclépiosàPergameontpermisuneétudede faitspluslargesconcernantlareligionetlaculture.L’examend’élémentstelsquel’expérience religieuse,lecorps,lamaladieetlevoyagedanslecadredelaculturedelaSecondeSophistique a montré combien les faits antiques sont différents des phénomènes contemporains. On pourra peut-être regretter que l’approche proprement philologique du texte des DS soit absente.Ilyacertainementbeaucoupàdécouvrirparl’étudeduvocabulairedel’expérience religieusepersonnelleemployéparAeliusAristide,comparéàceluid’autresauteurs.Quoiqu’il ensoit,ils’agitd’untravaildequalitéquicontribueàrevoirl’imagereligieusedu IIes.,défini tantôt comme un «âge de foi», un «temps d’anxiété», une «époque d’irrationalisme»1. L’ouvrage,quiestrichementillustré(1carte,83illustrationsdansletexteet4plancheshors texteencouleur),estdotéd’unebibliographiefortcomplète2,d’unindexdesnotionsetdes nomspropresetd’unindex locorum. BrunoRochette (UniversitédeLiège) 1R.LANE FOX,Païens et chrétiens. La religion et la vie religieuse dans l’Empire romain de la mort de Commode au Concile de Nicée.Traduitdel’anglaisparR.Alimi,M.MontabrutetE.Pailler,Toulouse,1997,p.69-72. 2 On peut ajouter W.V. HARRIS, B. HOLMES (éds), Aelius Aristide between Greece, Rome and the Gods, Leiden/Boston,2008. RevuedesLivres 339 CALAME Claude,Prométhée généticien. Profits techniques et usages de métaphores,Paris, LesBellesLettres;EncreMarine,2010.1vol.11,5×17cm,204p.(Collection « À présent »).ISBN:978-2-35088-022-8. S’il est des études susceptibles d’embarrasser les détracteurs de nos disciplines, selon lesquels nos champs d’investigation n’ont aucune «utilité» pour comprendre et analyser le mondecontemporain,celle-cienfaitpartie.Danscetouvrageoriginaletd’unegrandeacuité, qualifié d’«essai» (p. 13), C.C. se fonde sur une interprétation sémiotique des textes grecs ancienspourétudierdifférentesquestionsépistémologiquesrelativesàlagénétiquemoderne. L’A.entendappréhenderlemythedeProméthée,pointd’ancragedesonanalyse,nonseulement à travers sa version «canonique» tel qu’il se décline dans la Théogonie d’Hésiode, mais surtoutdanslaversionplus«sophistique»présentéedansleProméthée enchaînéd’Eschyle.Cette perspective vise à proposer une lecture de la tragédie eschyléenne non pas dans une vision progressiste, qui insiste sur le fait que Prométhée a conduit les hommes de l’ignorance à la connaissance, mais dans une dimension sémiotique et interprétative, pour mieux saisir les enjeuxquisous-tendentladémarcheprométhéennedetransmissiondesartsettechniquesaux humains.Cetterelecturesedoubled’unecomparaisoncritiqueaveclechampdelagénétique «danslestermesdelaneurobiologietrèsnaïveetfrusted’unpraticiendesscienceshumaines» (p.85).C.C.parteneffetdel’hypothèsequelestechniquesoffertesparProméthéeàl’homme démunisontcomparablesàl’espoirquidécouledugéniegénétiqueentermesdeprogrès.La pierreangulairedecettecomparaisonestlanotiond’«anthropopoiésis»,àsavoirlafabrication del’hommeparlui-même,eninteractionavecsonenvironnementetsespairs.Enoutre,cette comparaison doit permettre une remise en question des métaphores généralement utilisées pourqualifieretappréhenderlagénétique. S’ilestvraiquelaréflexiondeC.C.s’articuleentroisétapes,àsavoirlesartsprométhéensde déchiffrementdessignes,laconstructionculturelledel’hommeparlui-mêmeetlasémiotique du génie génétique contemporain – l’A. qualifie lui-même son essai de «triptyque» (p.21) – l’ouvrageestenréalitécomposédecinqchapitres:«LestékhnaideProméthéeetlacondition humaine», «Inachèvement de l’homme et procédures d’anthropopoiésis», «Anthropopoiésis par le génie génétique: déterminismes en question», «Aléatoire herméneutique et utilité sociale»et«Renaissancedesscienceshumaines».Jereprendsicilesprincipaleslignesdeforce del’exposé. LestechniquesoffertesparProméthéeconstituentavanttoutunsavoir-faired’ordreinterprétatif,puisquelesmekhanémata,sophismataetophelémata(termesutilisésparEschyleetrepris parl’A.)qu’aoffertsProméthéeàtraverssonacted’hybrissontdestinésàpermettreàtousles hommes sans exception de jouir d’une plus grande autonomie matérielle en exploitant les capacitéssensoriellesqu’ilsn’étaientguèreenmesured’utiliserjusqu’alors,afindecommuniqueraveclesdieuxetavecleurspairs.Parailleurs,unecomparaisonentrelecélèbrepassagedu Protagoras de Platon sur la création de l’espèce humaine, où les arts pratiques prométhéens s’inscriventdansl’ordredelajusticepolitiqueaccordéeparZeus,etl’AntigonedeSophocle,où sontabordéesleslimitesassignéesauxhommesparlesdieux,permetdesouleverlaquestion del’innéetdel’acquisdanslanaturehumaine,laquelleconstitueundesfilsconducteursde l’ensembledel’ouvrage.Danstouslescas,ledestinauquelsontsoumistouslesacteurs,tant divinsqu’humains,joueunrôleprimordialetempêchedevoirProméthéecommeunphilosophe libre de ses mouvements, ce que suggère, à tort, la lecture teintée d’idéologie nazie d’Heidegger. Tant la pensée grecque classique que le romantisme allemand (C.C. prend l’exemple de Herder)insistentsurlefaitquelesqualitésinnéesdel’hommepeuventêtredéveloppéespar sonintelligence,àunedifférenceprès:iln’yaguère,selonleromantismeallemand,deZeus tout-puissantetdedestinauxquelsl’hommeestassujetti,maisplutôtunenatureuniquecréée 340 RevuedesLivres parundieuunique.L’homme,parnatureinachevé,peuttoutefoisdépasseretcompenserson incomplétude.C.C.s’intéresseauxapportsdelaneurologiesurlaquestion,quiontmontréla plasticitédenosfacultéscérébralesfaceàcequel’onpeutappelerla«culture»,enopposition àlanature.End’autrestermes,lecerveauhumainestconstammentfaçonnéparl’environnementauquelilestsoumis.Àcetteplasticiténeurologiques’ajouteuneplasticitécorporelle,sur laquellel’hommepeutjouerpoursedéfinir,commel’attestentlesactespratiquésdansdifférentescultures(régimealimentaire,usagesdelavoix,ornementsesthétiques,etc.).Endéfinitive,cette«auto-fabrication»,qu’elles’opèreparlebiaisdestechniquesinterprétativesoffertes par Prométhée ou de tout autre méthode, ne doit pas être conçue comme un moyen de combler une lacune, un inachèvement, mais bien comme une construction positive de l’être humain. C.C. pose alors la question de savoir si les importants moyens financiers dévolus à l’ingénieriegénétiquepoursuiventunprojetcivilisateuràl’instardestékhnaideProméthée.S’il estvraique,indéniablement,lagénétiquepermetdesprogrèsdansledomainethérapeutique,la frontièreentretraitementpositif,oùl’on«soigne»l’humainpourlefairecorrespondreàun idéal,etnégatif,oùl’onchercheàéviterleshandicaps,estrelativementporeuse.Desurcroît cestraitementssontl’apanagedesplusnantis. LacritiquedeC.C.porteégalementsurlesprincipesépistémologiquesimpliquésparcertaines métaphores couramment utilisées, principalement celle de «déterminisme biologique» etde«programmegénétique».Lamanipulationgénétiquenesuitpasunsimpleprincipede causeàeffet,telqu’ilaétédéfenduparCricketWatson,maiss’opèreeninteractionavectoute une série de facteurs, impliquant une certaine marge d’incertitude et d’aléatoire. Tout aussi trompeurestleconceptde«patrimoinegénétique».Lemodèledu«code»àdéchiffreretà reproduireestégalementinexact,àtelpointqueclonerunêtrevivantàl’identiquerelèvedu purfantasmedel’êtrehumainaspirantàl’immortalitéets’avèreimpossibleenpratique.Dans laréalité,ils’agitdavantagedeclonagethérapeutique,oùl’onproduitdescellulessouches,que declonagereproductif. C.C.insisteégalementsurlagrandepartd’aléatoiredanslesprocessusgénétiques.Dèslors surgitcettequestion:sil’hommepeutsesubstitueràZeusouàProméthée,peut-il,endéfinitive,sesubstituerauhasard–donnéerarementpriseencompteparlesbiologistes?L’hybrisde l’hommeestenréalitédouble,puisque,enplusderefuserdereconnaîtresonincapacitéfaceau hasard,ilappliquedestechnologiesimplicitementfondéessurdeserreurstellesqu’unclivage artificielentreinnéetacquis,natureetculture,etc. Derrièrecettecomparaisoncritique,onvoitapparaître,régulièrement,lesprisesdepositiondeC.C.contrelenéolibéralisme.Toutenégratignantaupassageplusieursacteurspolitiques,économiquesouscientifiques,C.C.évitetoutefoishabilementdetomberdanslepiègede lacritiquepurementnégativeduclonage.Ildénonced’ailleurslacritiquetropsouventfaiteàla génétique,etlargementliéeànotrehéritagejudéo-chrétien,selonlaquelleilfautcondamnerla volontédel’hommedejoueràDieu.LaprincipalecritiquedeC.C.àl’encontredesmanipulations génétiques porte sur la logique du pur profit, héritée de l’économie néolibérale et capitalisée,quiguidelesrecherchesgénétiquessansporterd’intérêtauxavantagessociaux.En définitive,l’exempledeProméthéenousmontrequ’ilfaudraitconsidérerl’ingénieriegénétique commeunartpratiqueetinterprétatifetnoncommetechnologiesourcedeprofitsfinanciers. Ilnefautnéanmoinspascontrasterexagérémentl’imaged’unProméthéeoffrantdesressources pour le bien de l’humanité entière et la technologie génétique contemporaine négligeant l’homme:lerespectdeladignitéhumainetelqu’ellesedéclinedanslaDéclaration Universelle des Droits de l’Homme, dans laquelle les droits de l’individu l’emportent sur le seul intérêt de la scienceoudelasociété,peutcertess’opposerauxcritèresdel’économienéolibérale,maiselle ne correspond pas pour autant à la conception de l’humain telle qu’elle ressort du texte d’Eschyle,danslequelc’estlasociété,nonl’individu,quiprime. RevuedesLivres 341 Il ne m’appartient pas de juger les connaissances de C.C. en termes de neurologie et de génétique, mais force est de constater que l’aisance et la précision dont il fait preuve en ces domaines sont remarquables. De surcroît, dans la mesure où il est question avant tout de principes épistémologiques, le propos ne porte généralement pas sur des questions techniques qui seraient inaccessibles aux non initiés. D’autre part, le but de cet ouvrage, comme tout essai, est de stimuler le débat, sans viser l’exhaustivité, et c’est dans cette optique qu’il doit être lu. Le lecteur ne manquera donc pas de soulever des questions par lui-même. Par exemple, la critique globale de la subordination de la génétique au profit financier permet difficilement de se faire une idée précise des conditions de travail des scientifiques dans le domaine de la recherche universitaire. Il reste donc à voir la portée que cette réflexion aura, d’un point de vue pragmatique, sur les chercheurs en génétique eux-mêmes. De plus, le parallèle entre les apports prométhéens et la génétique est tout à fait fondé, à cette divergence près : le récit concernant Prométhée s’opérant « après coup », les techniques qu’il a transmises sont jugées indispensables à l’homme – qui ne conçoit pas, par exemple, de vivre sans feu. Le cas de la génétique pose un problème différent, puisque nous ne savons pas encore jusqu’où cette technique va nous mener. Mais sans doute est-ce justement cette différence qui est intéressante. C.C. ouvre la voie à un débat que l’avenir et les incessants progrès technologiques rendront peut-être encore plus inévitable, tout en utilisant des outils inattendus mais néanmoins pertinents : les textes grecs anciens. AurianDelliPizzi (F.R.S.-FNRS–UniversitédeLiège) Giovanni TOSETTI, Unioni divino-umane. Un percorso storico-religioso nel mito greco arcaico, Cosenza, Edizioni Lionello Giordano, 2008. 1 vol. 14,5 × 20,5 cm, vii+515p.(HIERÁ. Collana di studi storico-religiosi,10).ISBN:978-88-86919-26-3. Cetouvrageestissud’unethèsedeDoctoratenHistoirereligieusequel’A.asoutenueà l’UniversitédeMessina(Italie)en2003etreprésenteuneimportanteétaped’unparcoursde recherchequel’A.apoursuiviaussiparlasuite1.CommeConcettaScibonaGiuffrélesignale danslapréface,l’A.estl’«estremapropagginedellascuoladiU.Bianchi»,dontl’héritageest bienprésentdanslaperspectivescientifiqueadoptéedanscelivre.L’originalitédeladémarche consiste,quantàelle,danslatentativedemettreenregardcethéritageaveclesinterprétations du«mythe»etdespratiquesdiscursivesdesGrecsquiontétéoffertescesdernièresdécennies par, et dans le sillage de, Marcel Detienne et Claude Calame. Le cadre méthodologique est précisédansl’introduction:parl’analysedesrécitsd’époquearchaïquequithématisentlafinde l’âgehéroïqueet,avecelle,delaracedesdemi-dieux,l’A.seproposedevérifierl’existence,en Grèce ancienne, d’un patrimoine de récits qui pourraient à bon droit être définis comme «mythes».Afindedémontrerlapertinencedelacatégoriede«mythe»,deplusenplusremise en question aussi par les hellénistes, l’A. se propose d’identifier dans les sources littéraires analyséesunesériedetraditionsirréductiblesauxcirconstancesénonciativesparticulières.Le noyauthématiquestabledecestraditionsvéhiculeraitlavisionquelesGrecsd’époquearchaïqueavaientdéveloppéed’uneépoquerévolue,l’âgehéroïque,caractériséeparunetemporalité spécifiqueetparl’intimitédesrelationsentrelesdieuxetleshommes.Le«mythe»dontl’A. suitlestracesestplusparticulièrementceluiquiconcerneàlafoislanaissancedesdemi-dieux, descendantsdirects(maisaussiindirects)desunionsentreimmortelsetmortels,etleurdisparition,programméeparlesdieux,àlasuitedesguerresdeThèbesetdeTroie.Toutaulongdela démonstration,lemot«mythe»estsystématiquementremplacépar«letempsraconté»,dont 1Cf.G.TOSETTI,«Ladernièregénérationhéroïque:unparcourshistorico-religieuxetsémio-narratif, d’Hésiodeaups-Apollodore»,Kernos19(2006),p.113-130. 342 RevuedesLivres l’A.peutainsiévaluerlesinteractionsdiversesavec«letempsdelanarration»oùsesituentles performances des aèdes. La matière est répartie en douze chapitres, dont les premiers sont consacrésauxprincipauxrécitsquimettentenscènelesunionsdivino-humainesetledestin des fils nés de ces relations asymétriques. Les chapitres suivants reviennent sur des aspects ponctuelsliésàcethème:laterminologieemployée,àpartirduqualificatifhemitheos,oubienle statut du héros en tant qu’objet de mémoire, dans les récits comme dans le culte. Dans les derniers chapitres, l’A. analyse les sources qui structurent en catalogues les unions divinohumaines et souligne la fonction fondatrice à la fois des demi-dieux et des récits qui en glorifientleshautsfaits.Deuxconclusions(dontl’unespécifiquementconsacréeàconfirmerla pertinencedelacatégoriede«mythe»),unerichebibliographieettroisprécieuxindexcomplètentcetouvrage,quisesignaleparlasolideéruditionquel’A.mobilisedanssesanalysesetpar lechoixàcontre-courantderetrouverlecontinentperdudu«mythe»grec. Malgrélaprésentationquelquepeu«académique»,ponctuéeparunapparatdenotesdebas de page parfois disproportionné (la p. 166 en est un exemple flagrant) et par de nombreuses répétitions,lelecteurpourrasuivreaisémentl’effortargumentatifdel’A.,portéparlavolontéde mettre de l’ordre dans une matière narrative foisonnante. Les œuvres exceptionnelles accompliesparlagénérationdeshérosdans«letempsraconté»sontintrinsèquementliées,selonl’A., àlapartdivinedontilshéritent,danslamesureoùlaplupart,sinonlatotalité,desacteursde cettegénérationserattacheraitàunancêtreimmortel.Unegrandeattentionestréservéeaux destinsd’Achilleetd’Énée,nésl’uncommel’autredel’uniond’unedéesseimmortelleetd’un homme mortel; leur généalogie est d’autant plus emblématique que ces deux héros non seulementontétéengendréschacunparunemèredivine,respectivementlesdéessesThétiset Aphrodite,maisquetousdeuxappartiennentparleurspères,PéléeetAnchise,àdeslignages quiremontentendernièreinstanceàZeusenpersonne.LesunionsdeZeusavecdesfemmes mortellesconstituenteneffetunvoletfondamentaldel’enquête:àcepropos,l’A.soulignele fort impact généalogique des entreprises amoureuses du dieu souverain, montrant comment les poètes archaïques, par le recours à la structure en catalogues, ont eux-mêmes thématisé l’ensembledecesrencontresetmisenvaleurladescendancequienestissue.Parmileshéros engendrésparZeus,uneplacedechoixestréservéeàHéraclès,dontl’A.suitl’histoireexceptionnelleàpartirdesrécitsd’époquearchaïquejusqu’àlatragédiequeluiaconsacréeEuripide: sescélèbrestravauxsontreplacéssurl’arrière-pland’ununiversencorechaotiquequ’Héraclès contribueàdéfiniretàstabiliser;lapuissancedefondation,quiestreconnueparl’A.comme untraitprimordialdelafiguredeshemitheoietd’Héraclèsplusparticulièrement,auraitsasource danslanatureenpartiedivinequicaractériselagénérationhéroïque.Lestatutexceptionnelde cesêtressuspendusentrel’Olympedesdieuxetlaterredeshommesainsiqueleurdisparition légitimeraientlerecoursàlanotionde«mythe».Selonl’A.cetteconclusions’imposeraitdans lamesureoù,d’unepart,le«tempsraconté»mobiliseunetemporalité«autre»,caractérisée par une relation «autrement» intime avec la sphère supra-humaine, et d’autre part, que ce tempsrévoluunefoispourtoutesfondelehicetnuncdu«tempsdelanarration». L’A. signale à maintes reprises l’aspect problématique qui est inhérent aux unions entre immortelsetmortels,tellesqu’ellessontracontéesparlessourcesd’époquearchaïque:lebonheurperpétueldesdieuxOlympienssetrouveraitmenacéparlaproximitéexcessiveavecles êtreshumains,puisquelespremierssouffrentàcausedeladestinéemortelledesenfantsissus deleurmélangeaveclesseconds.Lesdéesses,parexemple,ressententcommeunehumiliation lefaitdepartagerlelitdesmortelsetdeleurdonnerdesenfants,toutenrévélantparlasuite une sollicitude maternelle envers ces derniers: c’est le cas d’Aphrodite qui, dans le principal hymne ps.-homérique en son honneur, subit comme une punition l’union avec Anchise et l’engendrementd’Énée;c’estégalementlecasdeThétispousséeparlesdieuxcontresavolonté àdevenirlafemmelégitimed’unmorteletlamèred’Achille.LetristesortdeTithonos,enlevé parladéesseÉosquiobtientpoursonamantl’immortalitémaispaslajeunesseéternelle,atteste RevuedesLivres 343 l’incompatibilitéprofondeentrenaturedivineetnaturehumaine.Àl’asymétriedecesunions dans le «temps raconté» correspond en effet dans le «temps de la narration» un équilibre fondésurladistanceinfranchissableentrelesdieuxetleshommes.Le«tempsraconté»apparaîtdonccommetéléologiquementorienté,danslaperspectivedel’A.,versladisparitiondela générationhéroïque,suivantunaxequiconduitd’unmondeoùlesdieuxseraientencoretrop prochesdeshommesàunmondequisedéfinitets’inaugureparlaséparationdéfinitivedeces deuxsphères.«Dumytheàl’histoire»,aurait-onditautrefois. L’A.reconnaîtque«illimitetral’epocadeglieventienunciatiequelladell’enunciazione» (p.121)estperméable,etquec’estbiendanscetteépoquerévolue,quiestaussiuneépoquede «fondation»,queleshommesdu«tempsdelanarration»cherchentleursracinesetl’origine deleurspratiques.Toutefois,dansl’effortderetrouverle«mythe»enledégageantdelamultiplicité de ses contextes d’énonciation, il finit par négliger cette perméabilité, laissant parfois dansl’ombreledialoguequis’instaureentre,d’uncôté,lesreprésentationsvéhiculéesparles récitset,del’autre,levécudesconteursetdeleurpublic.ConcernantHéraclès,toutenétant conscientqu’ils’agitàlafoisd’unhérosetd’undieu(cf.p.243-245),l’A.choisitd’enprivilégierlestatuthéroïquepourlemettreenparallèleaveclesautreshemitheoifilsdeZeus.Cela conduitàoublierlaspécificitédecettefigure,dontl’entréesurl’Olympeétaitthématiséeaussi biendanslesrécitsquedansl’iconographie,etcelaenrésonanceaveclespratiquescultuelles descités.Quoiqu’ilensoitdecetteréserve,cetouvragesedistingueparlafinessedéployée dans les analyses des différents témoignages littéraires et par l’attention que l’A. prête aux représentations religieuses des Grecs. Quant à la pertinence de la notion de «mythe», elle apparaîtmoinscommelerésultatd’unevéritabledémonstration,susceptiblederéorientercette vexata quaestio,quesouslaformedel’applicationsystématiqued’uneconvictionpréalable. GabriellaPironti (UniversitàdegliStudidiNapoli‘FedericoII’ CentreANHIMA[Paris]) KNOEPFLER Denis, La Patrie de Narcisse. Un héros mythique enraciné dans le sol et dans l’histoire d’une cité grecque, Paris, Odile Jacob, 2010. 1 vol. 14,5 × 22 cm, 238p.(Collège de France).ISBN:978-2-7381-2500-2. La relative discrétion de la figure de Narcisse dans les sources anciennes n’a d’égal que l’efflorescencedesapostérité,élégammentconvoquéedansl’introductiondecetouvragequi selitd’unetraite,(presque)commeunroman.Ilfautdirequelaremarquableéruditiondel’A., qui n’est jamais pesante, s’est mise au service d’une enquête dont la progression est aussi passionnante que le résultat est fragile. De quoi s’agit-il? À l’origine de cette investigation savantesetrouventuneinscriptionmiseaujouràÉrétrie,enEubée,àl’automne1973,une autre inscription mise au jour sur l’acropole de cette même cité en 1975, et un passage de Strabon.L’inscriptionde1973estunebasechorégiquemalheureusementamputéedesapartie droite,dontlapremièreligneévoquel’identitéduchorège,latroisièmeligne,unjoueurd’aulos, tandis que la ligne médiane porte les lettres ΝΑΡΚΙΤΤ…, que l’inscription de 1975, un autre monument chorégique, permet d’interpréter comme le nom Narkittis. Ce sont les premières attestationsdunomdel’unedessixtribusd’Érétrie,tribusquiétaientétroitementassociées, commeàAthènes,àl’instaurationdusystèmedémocratiquevers500.LatribuMèkistis,seule connueavantlaNarkittis,devaitrenvoyeràunhéroslocalMèkistos,etl’A.avaitnaguèrefait l’hypothèsequ’uneautredestribusérétriennesétaitpatronnéeparlehérosOrion.Troisjeunes héros auraient ainsi été choisis comme éponymes à Érétrie – on ignore qui étaient les trois autres, en dépit des efforts de l’A. pour les exhumer des sources –, alors qu’Athènes avait plutôt choisi des hommes mûrs, voire des rois. Le passage de Strabon (IX, 2, 10)est une . 344 RevuedesLivres description des curiosités de la région d’Oropos évoquant une localité appelée Graia, le sanctuaired’Amphiaraoset«letombeaudel’ÉrétrienNarcisse,appeléTombeauduSilencieux, parcequ’onfaitsilenceenpassantdevantlui»(p.75).Enexcellentconnaisseurdel’Eubéeet de sa façade continentale, du côté béotien, l’A. fait l’hypothèse que ce tombeau de Narcisse était une fondation érétrienne archaïque, au bord de l’Asopos, en cette sorte de pérée de la métropoleeubéennequ’auraitétél’Oropieencetemps-là.LemonumentdeNarcisseauraitété visibleaumoinsjusqu’àlahauteépoquehellénistique.Enrevanche,dutempsdePausanias, quin’ensoufflemot,ilavaitprobablementdisparu.Cefaisceaud’élémentlaisseentendreque Narcisseétaitunhérosérétrien,dontlesouvenirdesoriginesauraitprogressivementdisparu pour laisser la place au Narcisse de Béotie, dont Ovide a raconté les malheurs dans ses Métamorphoses et dont Pausanias a vu la fontaine à Thespies. La figure mythique aurait ainsi voyagéenBéotieaudépartdel’Oropie.L’enquêtefaitdèslorsremonterdeprèsd’undemimillénaire la date d’apparition de la figure du héros dont aucune source ne fait état avant l’œuvred’Ovide.C’estsurceconstatques’achèvelequatrièmechapitredulivreet,jusqu’àce point,onadhèreaurésultatdel’enquête,toutens’interrogeantponctuellementsurdesexpressionsproblématiques quisurgissentsous cetteplumealerte: àla page113, Narcissedevient «diviniténationale»desÉrétriensetàlapage124,ilestcomptéaunombre«desdivinités… qui ‘possèdent le territoire de la cité’». Et c’est exactement ce dont il s’agit dans les trois derniers chapitres (chap. 5 à 7), où l’historien de la religion grecque est saisi d’un vertige toujoursplusvif. Auchapitre5,l’A.exhumeunetrèsintéressantenoticed’uncommentaireauxBucoliquesde Virgile. Le narcisse, la fleur, tirerait son nom «de Narcissus fils d’Amarynthus, qui fut un Érétrienoriginairedel’îled’Eubée».Cepointvientconfirmerlesrésultatsdel’enquêteépigraphique et géographique des chapitres 3 et 4. Or, selon Stéphane de Byzance, Amarynthos (éponymedelaville)auraitétéchasseurd’Artémis,cequin’estpassansrappelerl’imagede Narcisselui-mêmetransmiseparOvide:c’estdanssonactivitédechasseurquelesNymphes desmontagnes,dontÉcho,s’éprennentdubeladolescent.Qu’unlienparticulieraitpuassocier NarcisseàArtémisestplausibleetrépondaumotifmythiquedecesadolescentsquelamort figeàjamaisdansl’éternitédeleurjeunessecommeHippolyteouActéon.Unsautqualitatif dansl’argumentationesttoutefoiseffectuéquand,aprèsavoirsoulignélesliensrituelsentrela déesse d’Amarynthos et l’éphébie, l’A. écrit: «On est ainsi fondé à penser que Narkittos l’Érétrien,entantquehéroshonoréparl’ensembledelacommunautécivique,était,lorsdes Artemisia,associédeprèsàcerituel[offrandedechevelure]»(p.142).Justeaprès,laprogressiondel’argumentestplusfulguranteencore:NarcissedevientundoubledeHyakinthos(etle chapitre6s’attacheraàledémontrerendétail)qu’ilfauthonorercommeilconvient,«c’est-àdire comme une divinité de la nature, aussi puissante que redoutable». Il ne reste plus qu’à tenter de saisir ce héros «dans ce qui faisait sa nature profonde et son essence divine» et ouvrir à cette fin «encore quelques serrures» (p. 143). L’une des clés est archéologique et concerne l’identification, controversée, du site du sanctuaire de l’Artémis Amarynthia. Si l’on suit volontiers l’A. dans sa démonstration minutieuse en faveur d’une localisation dans la régiondePaléoekklisies,onsedésolidariseenlisantque,surlabased’unedesnotulesthébainesenLinéaireBquimentionneAmarynthos(maispasNarcisse!),cedernier«doitainsiavoir étéunefigureemblématiquedel’airethébano-érétrienneàl’âgeduBronzefinissant»(p.155). Cen’estplusundemi-millénairequinoussépared’Ovide,maisunmillénaireentier.Lesdeux dernierschapitresproposentuneautreclé:lacomparaisonavecleHyakinthosspartiate.Ces développements,bieninformés,n’enrestentpasmoinsspéculatifset,endépitdelaséduction dontsepareunereconstitutionbrillante,l’historiennedelareligiongrecquequejesuisnepeut querestersceptiquedevantunequêtedesoriginesquiused’uneméthodeassociativeévoquant d’éminentstravauxdu XIXes.dontlesauteursontdéployéuneéruditionadmirable,maisdont lesconclusionssontaujourd’huitrèscontroversées.Commel’A.l’écritlui-mêmeautermedu RevuedesLivres 345 parcours(p.214):«Lesconclusionsauxquellesnousavonsabouticomportent,bienentendu, unepartd’incertitude,quivamêmes’accroissant,commeilestnaturel,aufuretàmesureque l’onremonteplushautdansletemps.»Onnepeutqu’appelerdesesvœuxladécouverted’une inscription attestant l’existence de Narkittia (p. 178), à l’instar des Hyakinthia de Sparte, qui donneraituneindicationpositiveenfaveurdelareconstructionainsiopérée.Pourtant,unetelle trouvaille–n’endéplaiseaudieudesépigraphistesdelapage108…–laisseraittoujoursdans l’ombrelacomplexitédefêtesetderituelsdontaucunetraced’étiologieoudecontenun’aété conservée. Le paradigme de la fertilité/fécondité est ici assumé dans toutes ses implications (mortprématurée,renaissancemiraculeuseauprintempssuivant,commelesbulbesdunarcisse et de l’hyacinthe [p.217]), mâtiné du paradigme sociologique des «rites de passage», le tout décliné sous la forme évolutive d’une fête de la belle saison qui, avec la formation de la cité, assumel’intégrationdesjeunesgensdanslecorpscivique.Posonsleproblèmeparl’absurde: quen’aurait-onpuécriresurl’Érechthéeathéniensil’onn’avaitconservéquelenomdelatribu qu’ilpatronnaitetlesfragmentsdelatragédieéponymed’Euripide,sansaucunautretémoignage surlarichessedestraditionsmythiquesetdesrituelsdelacité? L’exposé est dépourvu de notes, mais des indications bibliographiques très fournies et argumentéessontrassembléesàlafindechaquechapitre.Lelivreserefermesurunappendice quipublieetétudielesmonumentschorégiquesaucœurdel’enquête. VincianePirenne-Delforge (F.R.S.-FNRS–UniversitédeLiège) DAUMAS Michèle,L’or et le pouvoir. Armement scythe et mythes grecs,Paris,Presses universitairesdeParisOuest,2009.1vol.21,5×28cm,206p.,16pl.ISBN: 978-2-84016-042-7. ThebookbyMichèleDaumas(M.D.)focusesonninemid-fourth-centuryBCsheet-gold decorations which were created to cover wooden-and-leather cases of six gorytoi (bow and arrowcases)andthreeswordscabbards.Eightamongthemwereunearthedinseveraltumuli intheNorthernBlackSeaarea,andonewasdiscoveredinMacedonia.Thesenineobjectsare usuallytreatedtogether,asacorpusofgoldartifactsbelongingtoceremonialsetsofScythian weaponsandproducedbyGreekartisans.1Thebookiswellproduced,illustratedwithsixteen color plates and 81 line drawings, and includes three maps. The text is accompanied by a glossary,abibliographyandindicesofmuseums,ancientsources,ancientpropernames,and placenames.Thetableofcontentsisverydetailedandallowseasyorientationinthetext. The work is arranged into parts in accordance with the scenes depicted on the objects. Fourgorytoi,fromChertomlyk,Ilyintsy,Melitopol,andFiveBrothers(Pyatibratni),featurethe firstscene;threescabbards,fromChertomlyk,FiveBrothers,andChaian,presentthesecond subject;andfinallytwomoregorytoi,fromKaragodeouashkhandfromTombIIatVergina,are decoratedwiththethirdpatternofrelief.ThisdivisionreflectstheapproachoftheA.whois interestedprimarily,orperhapsalmostexclusively,inthemythologicalcontentsoftherelief representations,whicharediscussedinminordetails. M.D. outlines her views on the subject in the Introduction: contrary to the modern tendencytoregardartifactsashistoricaldocuments,ratherthanjustbeautifulobjects,andin particular tolook forindigenous connections of Scythianweaponry, she revives the attitude current in the 19th century, and calls for a ‘retour à l’explication des images par les textes’ (p.12).Thismethodologyisadrawbacktoaresearchaimingatunderstandingofpeopleand cultures that produced and used art objects. However, the book suffers from an additional 1D.WILLIAMS,J.OGDEN,Greek Gold. Jewelry of the Classical Period, NewYork,1994,p.176. 346 RevuedesLivres weakness.ThetextsavailabletotheauthorareGreek,andthroughoutthebooksherevealsno acquaintancewiththeliteratureandfolkloreoftheIranian-speakingpeoplescognatewiththe Scythians.1M.D.alsotakesnonoticeofthemajorpartoftheintensivemodernresearchon theirarchaeologyandculture,notonlytheRussianworksbyD.RayevskyandS.Bessonova (she admits no knowledge of Russian, p. 13), but also the research by G. Dumézil and A.Khazanov, to mention only a few most prominent names.2 As a result, the artifacts are “read” only from the point of view of their Greek creators, whereas the problem of their “reading”bythenon-Greekcustomersisnotevenputforward. M.D.’schoiceofmethodologyisespeciallydeplorablesincetheobjectsofarttreatedinthe bookdidnotarriveinthesteppesitesbychance.Thescabbardsareintendedforshortswords used by Iranian-speaking warriors, from Scythians to Persians, known as akinakai. Gorytoi belonged par excellence to the armor of the nomads of the steppe, and appear on numerous objectsofartoriginatingfromtheareadominatedbytheScythianculture,includingtheplate belongingtotheheaddressofawomaninterredintheKaragodeouashkhtumulus(pl.13-3). Thus, the gorytoi and scabbards discussed in the book were manufactured by Greek artisans purposelyfortheScythianelite,accordingtoScythianpreferences.EvenpurelyGreekimages, when found in Scythian or Sindo-Maeotian archaeological contexts, appear to connote local mythologicalcharacters.3ScythianswereabletorecognizetheirmythologicalfiguresinGreek images.4Archaeologicalcontexts,iftheyhadbeenaddressed,couldallowfurtherinsightsinto thesymbolismandfunctionoftheceremonialweaponsandtheirdecorations.Thus,interpretatio ScythicaoftheGreekimagescouldnotonlyshedlightonimportantaspectsofScythianculture, butalsogiveacluetoabetterunderstandingofthewaytheGreekartisanworked,forinstance, bymeansofhischoiceofsubjectsintendedtopleasetheindigenousclientele. The first part of the book starts with a discussion of the four gorytoi of the so-called “Chertomlyk type”. Their sheet-gold decoration comprises a scene involving twenty characters, vegetal friezes, scenes of fight between carnivorous and herbivorous animals, and between griffins. The attitudes and actions of all these are analysed in minor detail, with extreme attention to every tiny difference in execution between the four objects. The interpretation of the scene in the upper register by M.D. is based on its identification by C.Robertin1889asanillustrationofanepisodeintheCypria,tellingthestoryofthestayof AchillesonScyrosandthearrivalofDiomedesandOdysseusthere.Takingintoaccountthe more recent research, scrutinizing subtle hints at relations between the dramatis personae and theircharacteristics,andcomparingthereliefonthegorytoi withGreekworksofartindifferent media,M.D.suggestsaconvincingreadingofthemainscene,includingapersuasiveidentificationofmostfigures.SheconnectsthepartsofthetworegistersintoanarrationofAchilles’res 1 Infact,dubbingalltheIranianpeoplesoftheBlackSeaarea“Scythians”isinexact.Intheseventh-third centuriesBCScythiantribeslivedinthecountryfromthemodernDniestertotheDon,includingtheCrimea,that is,intheSouthRussian(ormoreaccurately,mainlyUkrainian)steppe.TheareaoftheKubanRiverintheNorth CaucasusandtheTamanpeninsulabelongedprimarilytotheMaeotians,whowereofeitherThracian,Iranian,or aboriginalCaucasianstock;theMaeotianshadbeensubduedbytheSindians,inallprobabilityofScythianorigin, sothattribeslivinginthisareaarefrequentlygroupedtogetherasSindo-Maeotians:T.SULIMIRSKI,T.TAYLOR, “TheScythians,”CAH3.2(1991),p.555-560,572.Thus,thetumulitreatedinthebookarelocatedintheScythian area,butforKaragodeouashkhwhichliesinthecountryoftheSindo-Maeotians. 2D.S.RAYEVSKIY,Model’ mira skifskoy kul’tury [TheWorldModeloftheScythianCulture],Moscow,1985; S.S. BESSONOVA, Religioznye predstavleniya skifov [Religions Notions of the Scythians], Kiev, 1983; G.DUMÉZIL, Romans de Scythie et d’alentours, Paris,1978;A.KHAZANOV,Nomads and the Outside World,Cambridge,1984. 3BESSONOVA,o.c.,p.163-167,173-177. 4Forinstance,numerousgoldpendantsintheformofMedusa’sheadtrimmedthegarmentsofnoblemen buried in Scythian tumuli. The vogue for these Greek depictions of Medusa might have resulted from the ScythianidentificationofMedusawiththeiranguipedegoddess:Y.USTINOVA,The Supreme Gods of the Bosporan Kingdom. Celestial Aphrodite and the Most High God, Leiden,1999,p.111. RevuedesLivres 347 gestae,andingeniouslyproposestoregardthetwogroupsinthelowerfriezeascomplimentary totheupper.Inheropinion,asceneinthepalaceofLycomedesiscontinuedbytwoscenesat Aulis,ofIphigenia’sarrivalthereandofTelephus’healingbyAchilleswithrustfromhislance, tocompletethestoryoftheeventsbeforethedeparturetoTroy.Onthebasisofheranalysis, M.D.demonstratesthatseveral,ratherthansingle,dieswereutilizedbytheartisanorartisans whocreatedthefourgoldreliefs(p.42). As to the akinakai scabbards, M.D. suggests that their reliefs depict the battle on the CaicusinMysiawhereTelephuswaswounded,ratherthananunidentifiedillustrationtothe IliadorabattlebetweenPersiansandGreeks,asmanythoughtbefore.Giventhefactthatin the Chertomlyk tumulus the gorytosand thescabbardwere discovered together, the thematic connectionoftheirdecorationsistempting:inthisway,thetwoobjectswouldformarealset. Although the attitudes of the characters hardly allow their confident identification, and the heroregardedbyM.D.asTelephusiswoundedinhisrighthip,ratherthanintheleftone,as Telephusshouldbe,theinterpretationofthestoryofthescabbardsasbelongingtothesame narrationasthatofthegorytoiseemsprobable. TheseinterpretationsdealwiththeGreekmythologicalbackgroundofthestoryandthe goldsmith’s artistic and technical sources. Yet the representations on the gorytoi and the akinakai scabbards,1 manufactured exclusively for the Scythian market, must have been meaningful from the point ofview of the Scythians,who used them invarious ceremonies, during the lifetime and after the death of their owners. M.D. admits this idea in principle (p.111),butdoesnotpursueit.ShetriestoexplainthefocusofthereliefsonAchillesbythe popularityofhiscultamongtheGreeks,inOlbiaandontheIsleofLeuka,andconnectsthe oracleofApollowhichinstructedTelephusaboutthewaytobehealedfromhiswound,with thecult ofApolloIatrosin the Ioniancolonies of theBlack Sealittoral (p.112-114).2 Inso doing,M.D.remainsintheGreekworld,whereastheprincelyweaponsshediscussesbelonged toScythiansandwerediscoveredinScythiantombs.Infact,localtraitsintheGreekcultof Achilles Pontarches are proposed by some authors,3 and it has recently been argued that ApolloIatroscomprisedfeaturesofalocaldeityordeities.4However,M.D.doesnotattempt thecrucialstep,whichwouldbearesearchintoindigenouscultsandmythsthatcouldleadthe Scythians to recognize familiar characters in Achilles and other characters depicted on the gorytoi andtheakinakai scabbards.5 1Thelattermusthavebeenespeciallyimportant,sincethesword,andweaponsingeneral,wereworshiped bymanyIranian-speakingnomads,includingtheScythians(Hdt.,IV,62;BESSONOVA,o.c.,p.48-50). 2SeveralinvestigationsofthesecultsinWesternlanguageswerepublishedduringtherecentdecades:for Achilles Pontarches see H. HOMMEL, Der Gott Achilleus, Heidelberg 1980; J. HUPE (ed.), Der Achilleus-Kult im nördlichen Schwarzmeerraum vom Beginn der griechischen Kolonisation bis in die römische Kaiserzeit, Rahden(Westfalen),2006 (Internationale Archäologie, 94); for Apollo Iatros see Y. USTINOVA, “Apollo Iatros: A Greek God of Pontic Origin,” in K. STÄHLER, G. GUDRIAN (eds.), Die Griechen und ihre Nachbarn am Nordrand des Schwarzen Meers, Münster,2009(Eikon,9),p.245-298. 3 As early as in 1826 H.K.B. Köhler suggested that Greek colonists worshiped a local deity as Achilles: “MémoiresurlesîlesetlescoursesconsacréesàAchilledanslePontEuxin,”Mémoires de l’Academie des sciences de St-Petersburg 10 (1826), p. 106; M.I. Rostovtzev associated the cult of Achilles in Olbia with the Thracian horseman:Skythien und der Bosporus, Berlin,1931,p.4;V.D.BLAVATSKIY,“TheimpactoftheClassicalculture on the Northern Black Sea area,” Sovietskaya Archeologia 2 (1964), p. 18-19; 4 (1964), p. 29, in Russian; S.B. OKHOTNIKOV,A.S.OSTROVERKHOV,Svyatilishche Akhilla na ostrove Levke[TheSanctuaryofAchillesontheIsle ofLeuke],Kiev,1993,p.70-102;Y.SHAUB,“AchillesthegodoftheBlackSeaarea,”Novy chasovoy 13/14(2002), p.356-367,inRussian,andotherscholarsadmittheexistenceofindigenouselementsinthecultofAchillesin theIoniancoloniesonthePontus. 4USTINOVA,The Supreme Gods…, o.c. 5ScythianperceptionofartifactsmanufacturedbytheGreeksisasubjectofnumerousworks.Forinstance, D.RAYEVSKIY,o.c.,p.170)arguesthatitwasthewarlikecharacterofAchillesthatattractedthePonticbarbari- 348 RevuedesLivres Furthermore,K.StählersuggestedanappealinginterpretationofthescenesontheChertomlyk-type gorytoi as illustrating the story of a marriage of a local princess and therefore a successionmyth.1SinceallthecharacterswearGreekoutfit,itseemsscarcelypossiblethatthe artisan represented this very myth. However, a combination of the two interpretations is seducing: the Greek goldsmith had in head Achilles’ deeds, whereas his Scythian customer perceivedthesceneasrepresentingastoryfamiliartohim.Inthiscase,thescabbardswouldbe consideredasdepictingabattlebetweentheScythiansandtheGreeks(asK.Stählerproposes), asubjectthatwasdoubtlesslyverypopularamongtheScythians.Asmentionedabove,such double entendrecanbetracedintheScythianarchaeologicalrecord.It’sapitythatM.D.rejects K.Stähler’sinterpretationofthesceneonthegorytoiwithoutdiscussion(p.27). Thesecondpartofthebookdealswithtwogorytoi ofKaragodeouashkhtype,foundinthe Karagodeouashkh tumulus in the northern Caucasus and in Tomb II in Vergina. The main scene on these two gold sheets depicts a battle, which M.D. interprets as a pillaging of the CabiricsanctuaryinThebesbyThersander,ratherthanIlioupersis,assuggestedbymanyother authors.Theidentificationisbasedmainlyontheshapeofoneobject,whichM.D.definesasa crownedpilosaboveajar,associatedwiththemysteriesoftheCabiriatThebes(p.135).2This isaplausiblehypothesis,giventhecentralpositionofthejarwiththepilos inthecomposition. Intheinterpretationoftheseobjects,M.D.modifiesherapproach,andtakesintoaccount thearchaeologicalcontextassociatedwiththetombs,butgoesastrayinherattempttoestablish connections between the buried persons and the Cabiric mysteries. She supports her interpretationofthesceneonthegorytoiwithahypotheticidentificationofTombIIatVergina as containing the remains of Philippos II, who as a youth spent some time in Thebes as a hostage, and – another hypothesis! – could be initiated into the mysteries – but there is no evidence that he was. This concentration of hypothetic suggestions is methodologically unsoundandscarcelypersuasive.Moreover,thegorytosfromVerginawasmanufacturedforthe Scythian,ratherthanMacedonianmarket:theMacedoniansdidnotusegorytoi.Thegorytosfrom TombIImusthavebeenagiftorapartofspoils,andM.D.listsseveraleventswhichcould possiblybringthisScythianobjecttoMacedonia(p.150-153).Inanycase,thesubjectofthe decorationwasdesignedfortheScythians,anditscompliancewiththereligiousbeliefsofthe MacedonianrulerinterredinVerginaisthereforeunlikely. TheattempttoconnectthetwopersonsburiedintheKaragodeouashkhtumuluswiththe GreekcultoftheCabiriisnolessfar-fetched.Theimagesontherhytonandtheplatefroma hair-dressdecoration,discoveredinthetumulus,undoubtedlybelongtotherealmofScythian (precisely, Sindo-Maeotian) imagery,3 and contrary to the opinion of M.D. have nothing in commonwiththeCabiriciconography.M.D.citestestimoniestotheexistenceofthecultof the Cabiri in Phanagoria, Olbia, and Istros, but these are Greek cities, and the adoption of Greek cults by the indigenous elite of the Kuban area remains to be proved. Thus, in the secondpartofherbookM.D.proposesaninterestinginterpretationoftheiconographyofthe ans,andallowedthemtocomparehisimageonthegorytoitotheirfirstkingColaxais,whoselegendisnarratedby Herodotus(IV,5). 1 K. STÄHLER, H.-H. NIESWANDT, “Der skythische Goryt aus dem Melitopol-Kurgan,” Boreas 14/15 (1991/2),p.85-108. 2M.D.paysmuchattentiontothefriezefeaturingwater-fowl,andconnectsitwiththetheBoeotianCabiri, buttheseareinfactverycommononobjectsofartfromtheScythianrealm,includingthesilverrhytonfromthe Karagodeouashkh tumulus, where the gorytos was discovered. For the interpretation of this image see: D. RAYEVSKIY,Ocherki ideologii skifskikh plemen[EssaysontheIdeologyoftheScythianTribes],Moscow,1977,p. 59-60. 3Bothhavebeendiscussedincountlessworks,forpartialbibliographyseeUSTINOVA,The Supreme Gods…, o.c.,p.123-127,264-269. RevuedesLivres 349 two gorytoifromtheGreekpointofview,buthardlypersuadesinherattempttorelatetheir subjectwiththereligionandcultureofeithertheMacedoniansortheScythians.1 Thetitleofthebookpromisestotellthereaderaboutgoldandpower,Scythianweaponry and Greek myths. The main problem of the book is that it keeps half of the promise: gold objects and Greek myths are treated at length and in a convincing manner, but Scythian weapons and the power they conferred on their owners remain far away from the author’s attention. YuliaUstinova (Ben-GurionUniversityoftheNegev) JohnBODEL,MikaKAJAVA(éds),Dediche Sacre nel mondo greco-romano. Diffusione, funzioni, tipologie/Religious Dedications in the Greco-Roman World. Distribution, Typology, Use. Institutum Romanum Finlandiae, American Academy in Rome, 19-20 aprile 2006,Roma,InstitutumRomanumFinlandiae,2009.1vol.20×27cm, 420p.(Acta Instituti Romani Finlandiae,35).ISBN:978-88-7140-411-0. Lesdédicacesconstituentunensemblededocumentsàlafoisconsidérableettrèsintéressant pour l’étude des systèmes religieux antiques, dans la mesure où elles offrent une voie d’accèsprivilégiéepourcomprendrelesrelationsquis’établissaiententrelesacteursduculteet les divinités honorées. Toutefois, ce matériel n’a guère reçu jusqu’à présent toute l’attention qu’ilauraitméritédanslarecherchemoderne,sansdoutejustementenraisondesonampleur etdesadiversité2.Onnepeutdoncquesaluerl’initiativequiavunaîtreleprésentouvrage, issud’uncolloqueorganiséàRomeen2006parl’Institutfinlandaisetl’Académieaméricaine, etconsacréauthèmedesdédicacesdanslesmondesgrecetromain.Lesquatorzecontributionsqu’ilcomportesontagencéesdemanièrethématiqueencinqparties(Concetti e definizioni, Regolamentazione, Luoghi e contesti, Pratiche, et Dediche mute) et sont suivies de précieux indices (locorum,prosopographiqueetgénéral).Étantdonnél’orientationdelarevueKernos,cecompte renduseconcentreraprincipalementsurlapartie«grecque»del’ouvrage,secontentantd’évoquersimplementlesétudesconcernantlemonderomain. En guise d’introduction, J. Bodel (‘Sacred dedications’: A problem of definitions) propose une réflexionméthodologiquesurleconceptdesdédicacessacrées,etsurlesdifficultéssuscitées parleurdéfinitionetleurclassification.Ildéfinitladédicacecomme«aparticulartypeofgift offeringtoadivineorsupernaturalbeing,oneofthreebasicmeans,alongwithsacrificeand prayer,bywhichtheGreeksandRomansestablishedandsustainedgoodrelationswiththeir gods».Ildistingueainsiladédicacedelaprièreencequelapremièreestune«actionwhereby goodsaretransferredfrommortalstotranscendentrecipients»,etdusacrificeparsa«quality ofdurability»(p.19).Parmilesquestionsabordées,J.B.proposeenoutreundéveloppement intéressantsurladistinctionentreespacephysiqueetespacereligieuxdanslapratiquedédicatoire, arguant que la localisation de l’objet – qu’il soit placé dans un espace sacré ou non – importemoinsquel’actiondelaconsécrationenelle-mêmeetl’intentionquilasous-tend. 1Foraveryinteresting“doublereading”ofthedecorationofthesetwogorytoi,bothfromtheGreekandthe Scythianpointofview,seeK.STÄHLER,“ZumGorytreliefausdemsog.PhilippsgrabinVergina,”inid.(ed.),Zur graeco-skythischen Kunst,Münster,1997 (Eikon, 4),p.85-114. 2Voirtoutefois,pourlemondegrec,l’étudedeM.L.LAZZARINI,Le formule delle dediche votive nella grecia arcaica, Roma, 1976; F.T. VAN STRATEN, « Gifts for the Gods », in H.S. VERSNEL (éd.), Faith, Hope and Worship. Aspects of Religious Mentality in the Ancient World,Leiden,1981(Studies in Greek and Roman Religion,2), p.65-151;etrécemment,l’introductiondeR.PARKERdel’article«GreekDedications»,dansleThesCRAI (2005),p.278-281. 350 RevuedesLivres P.Lombardi(Ἀναθέτω ἐν τὸ ἱερόν. Esempi di regolamentazione della dedica votiva nel mondo greco), s’attache aux règlementations qui entourent les pratiques dédicatoires, en se fondant par conséquent sur des témoignages externes à la catégorie des dédicaces proprement dites. Ces règlementations concernent les objets consacrés – leur conservation et leur emplacement – ainsiquel’actiondeladédicace–lesinterdictionsou,aucontraire,lesobligationsquiysont attachées. En constatant l’importance de ces normes, P.L. parvient à la conclusion que les motivationsreligieusessontpeuprésentesdanslapratiquedédicatoire,quisemblerégieplutôt pardesraisonsmorales,socialesetsurtoutéconomiques. C’est à une conclusion similaire que parvient L. d’Amore au terme de son parcours des dédicaces liées au gymnase (Dediche sacre e ginnasi: la documentazione epigrafica di età ellenistica). Illustrée par de nombreux exemples, cette étude examine les catégories de dédicants, les divinitésdestinataires–reprenantlacatégorisationdel’articleconsacréauxcultesdugymnase parS.AnezirietD.Damaskos1–,etlatypologiedesoffrandes.L’A.insisteparticulièrement surlefaitquelespratiquesdédicatoiresauseindugymnaserelèventsouventd’actesd’évergétisme, puisque l’objet de la dédicace peut servir aux besoins de ceux qui fréquentent le lieu, comme pour la construction de bâtiments ou la consécration d’huile, ou tout simplement embellirlecadre.Onpourraoccasionnellementdébattresurlaclassificationcommedédicaces desdonationsdeterrainsoudelaconsécrationdesommesd’argentenvuedufinancementde matérieloudecélébrations(commeunexempleenestdonnép.164-165).Eneffet,celles-cine correspondentguèreàladéfinitionproposéeparJ.Bodelenouvertureduvolume,quiprend encomptelefaitquelesdédicaces«enduredasphysicalobjects»(p.19). Adoptantuneperspectivegéographique,G.Vallarinoseconcentresurlesdédicacesd’une cité,celledeCos,dontlarichesseducorpusépigraphiquefaitensortequ’elleestparticulièrementadaptéeàcegenred’enquête(I dedicanti di Cos in età ellenistica: il caso dei magistrati eponimi tra polis e demi). Parmi les nombreux documents recensés dans l’île, dont il donne la liste exhaustive en annexe, G.V. se concentre sur le petit corpus de dédicaces émises par les magistrats éponymes de la polis et des dèmes, sans doute à leur sortie de charge. Ainsi, aux dédicacesde Cos émises par lemonarque, enassociationavec le collègedeshiéropes,il fait correspondre les dédicaces du monarque local et des hiéropes à Isthmos, et celles du prêtre d’Apollon etdeshiéropesà Halasarna. Lesdédicacesdecesdeuxdèmessont revêtuesd’un caractère local évident lorsqu’on examine la prosopographie du collège des hiéropes, dont plusieursmembresappartiennentàlamêmefamille.Selonl’hypothèsedel’A.,cettepratique dédicatoireincombant au magistrat éponyme,originaire desdèmes,aurait étéadoptée parla citélorsdusynécismede366. Lesaspectsreligieuxsontenrevancheplusprégnantsdansl’étudedeG.Bevilacquasurles dédicaces consacrées à Hermès, et plus particulièrement celles qui mettent en évidence les aspects civiques de son culte (Dediche ad Hermes). Elle y propose en réalité un parcours des épiclèses du dieu attachées à ces aspects, qu’elle illustre de témoignages de dédicaces et de sourceslittérairesauxquellesellesfontécho.G.B.commenteenoutrel’inscriptiond’unautel deCyrène,dontelleproposeunenouvellelecture,faisantl’hypothèsed’unecombinaisonde deuxépiclèsesattachéesàHermès,Eriounios,«bienveillant»etDolios,«industrieux». Enfin,M.Kajavas’intéressedeplusprèsauxcirconstancesquisetrouventaufondement decertainesdédicaces,enl’occurrencecellesquisontémisesàlasuitedelaconsultationd’un oracle(Osservazioni sulle dediche sacre nei contesti oracolari).Ilenressortquecesdédicaces,quitrouvent leur origine dans un ordre de la divinité ou dans les termes de l’oracle, ne sont pas toujoursfacilesàidentifier,danslamesureoùleurformulationn’estpastoujoursexplicite.La 1S.ANEZIRI,D.DAMASKOS,«StädtischeKulteimhellenistischenGymnasion»,inD.KAH,P.SCHOLTZ (éds),Das hellenistische Gymnasion,Berlin,2004,p.247-271. RevuedesLivres 351 formulationκατὰπρόσταγµαouκατ᾿ἐπιταγήν,notamment,trèsfréquenteàpartirdel’époque hellénistique,reflèteunecommandedeladivinité,maisnedonnepasd’indicesurlemoyenpar lequelcettecommandeaététransmiseaudédicant. Encequiconcernelemonderomain,onnoteralescontributionsdeJ.Rüpke,quipropose quelques réflexions théoriques sur les dédicaces inscrites, envisagées comme un moyen de communicationavecledivind’unepart,etauseindelacommunautéhumained’autrepart; P.Poccettioffreuneétudedesformulairesvotifsdanslesdédicacesosquesetenconclutun manqued’homogénéitédel’utilisationdesformulairesetduvocabulairedanscesinscriptions, tantprivéesquepubliques,contrairementàl’épigraphiequis’inscritdanslecadredestravaux publics;C.R.Galvao-Sobrinho,àtraversl’étudedulis fullonum,procèsdirigécontreuncollège de foulons pour l’occupation d’un territoire sans payer les taxes légales, étudie les relations entre dédicaces et espace public; M. Buonocore rassemble un catalogue de 191 dédicaces provenant de l’Italie centrale et apennine; G.L.Gregori réunit les attestations du culte des divinités portant l’épithète Augustus/a; C.Machado étudie la fonction et la signification des dédicaces païennes dans l’Antiquité tardive; O. de Cazanove étudie les ex-voto anatomiques portantuneinscriptionouaccompagnésd’unedédicace;enfin,L.Chioffirassemblelecorpus desdédicacesauxDis Manibusquineprésententpasuncaractèrefunéraire,enactualisantla listeproposéeparleCILVI. Parlavariétéd’étudesdecasetlaqualitédesescontributions,l’ouvragemontrel’intérêt quereprésenteuneétudeglobaleetsystématiquedecettecatégoriededocumentspournotre connaissancedessystèmesreligieuxet,enparticulier,desrelationsqueleshumainsétablissent avecledivind’unepart,etauseindeleurproprecommunautéd’autrepart.Ilfauttoutefois nuancerquelquepeuladistinctiontranchéequiressortdecertainescommunicationsentreles motivationsreligieuseset«profanes»quisous-tendentcespratiquesdédicatoires,quinesont pas le reflet d’une seule volonté d’autoreprésentation. L’articulation entre les deux aspects, socialetreligieux,sembleenréalitépluscomplexe,etilnefautpasforcémentchercheràsousestimerl’unauprofitdel’autre.Ilresteàespérerquecevolumestimulantàbiendeségards pourraencouragerdavantagelarecherchesurcesdocuments. StéphaniePaul (F.R.S.-FNRS–UniversitédeLiège) Lydie BODIOU, Véronique MEHL (éds), La religion des femmes en Grèce ancienne. Mythes, cultes et société,Rennes,PressesuniversitairesdeRennes,2009.1vol.15,5 ×24cm,281p.(Collection « Histoire »).ISBN:978-2-7535-0882-8. Lydie BODIOU, Véronique MEHL, Jacques OULHEN, Francis PROST, Jérôme WILGAUX (dir.),Chemin faisant. Mythes, cultes et société en Grèce ancienne. Mélanges en l’honneur de Pierre Brulé, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009. 1 vol. 15,5×24cm,314p.(Collection « Histoire »).ISBN:978-2-7535-0946-7. C’estbienuneprésentationgroupéequ’appellentcesdeuxouvragesparuslamêmeannée, non seulement parce qu’ils ont en commun deux directeurs scientifiques et sont issus des mêmes Presses, mais aussi parce qu’ils sont destinés l’un et l’autre à rendre hommage à un maître apprécié et bien connu des fervents de religion grecque, Pierre Brulé, professeur à l’Université de Rennes, admis à la retraite à l’automne 2008. Le contenu des deux volumes ayantétédétaillédanslenuméro23deKernos(p.412-413),onseborneraiciàquelquesindications de portée générale. Le premier volume reproduit les actes d’un colloque organisé en juillet2008,àCorkenterreirlandaise,parleCRESCAMetleCelticConferenceinClassics, pour célébrer le vingtième anniversaire de la parution de La fille d’Athènes. Treize collègues, 352 RevuedesLivres amisouélèves,yontprispart,auxquelsilfautajouterP.B.lui-même,auteur,commeonsait, decemaître-ouvrage.Leurscontributionsconcernentdoncexclusivementlareligiongrecque danssescomposantesféminines;unebibliographiesélective,maisriche,estsuiviedeplusieurs index.Lesecondouvrage,explicitementdédiéaupèredeLa fille d’Athènes débordequelquepeu le domaine religieux; il compte une vingtaine d’articles centrés sur trois thèmes principaux entre lesquels apparaissent souvent des recoupements: les femmes, la religion et les corps. Inauguréparunebiographie«nonautorisée»,ilsetermineparlabibliographiedudédicataire. Placéssouslesignedel’amitié,lesdeuxouvragesprocèdentd’unemêmeintention:saluer l’homme et l’helléniste en suivant des voies qu’il a lui-même tracées, qu’ils s’agisse des thématiques, comme la religion des femmes, le polythéisme, l’esclavage, ou des démarches, volontierstournéesversleconcretetmarquantuneprédilectionpourlaGrècebuissonnière (cf.lec.r.dudernierouvragedeP.B.,La Grèce d’à côté,dansKernos, 21[2008],p.357-359).Sous cerapportnotamment,lesdeuxparcourssonttrèsréussis.Nulnepourraitseméprendre,en effet,surl’identitédudieuauquelestvouélekernosd’offrandesquedessinentcesbellesétudes. Ad multos annos,ajouterai-je,enm’associantcordialementàl’hommagerendu. AndréMotte (UniversitédeLiège) Joannis MYLONOPOULOS (éd.),Divine Images and Human Imaginations in Ancient Greece and Rome,Leiden/Boston,Brill,2010.1vol.16,5×24,5cm.,ill.,437p., (Religions in the Graeco-Roman World,170).ISBN:978-90-04-17930-1. Issu engrandepartied’un colloque qui s’estdérouléà l’Universitéd’Erfurt en 20071,ce volumeréunittreizeétudesconsacréesauxreprésentationsfiguréesdudivindanslesmondes grec(surtout)etromain,etauxdifférentsproblèmesqueposeauxsavantsmodernesl’interprétationdesimagesdesdieuxantiques.C’estàsignalercesproblèmesques’attachel’introduction deJ.Mylonopoulos,quineselimitepasàpasserenrevuelesdiversescontributions,maisles intègre dans un riche tissu argumentatif en ouvrant des pistes de réflexion susceptibles de renouvelerl’enquête.Organisésuivantunaxeàlafoischronologiqueetthématique,levolume estinauguréparuneétudedeF.Blakolmerportantsurlesimagesdivinesdansl’iconographie minoenne et mycénienne; l’A. interroge le décalage problématique entre, d’un côté, le panthéonpleinementarticulédonttémoignentlesdocumentsécritset,del’autre,lesreprésentationsfiguréesdesdieux:l’interprétationdecesdernièress’avèreextrêmementdifficileàcause delaquasi-indistinctionentrel’humainetledivin,etdelaquasi-absenced’attributsspécifiques, sans oublier les malentendus engendrés par la place prépondérante des images féminines. Ainsi, le déchiffrement du Lineaire B nous a révélé entre autres choses à quel point nous sommesloindeposséderd’emblée,commeonlecroyaitautrefois,lescléspour«déchiffrer» l’iconographiedel’âgeduBronze.D’autrepart,laneutralitéiconiquequis’ytrouveprivilégiée lorsqu’il est question de mettre en images les dieux, ou bien le roi, est un choix significatif, mêmesisonsensexactresteàdécouvrir.Laplacedel’aniconismedanslareprésentationdu divinenGrèceanciennefaitl’objetdel’étudedeM.Gaifman,quienparcourtlesinterprétations, de Winckelmann à Nilsson, de Pausanias à Clément d’Alexandrie; concernant la constructionculturelledecequ’onappelle«aniconisme»,l’A.signaleàraisonladistanceentre lepointdevuedePausanias,selonlequella(prétendue)anciennetédesreprésentations«aniconiques»setrouvaitpositivementqualifiéeentermesdeprestigereligieux,etceluidessavants modernesquienjugeantl’aniconismeàl’auned’unparadigmeanthropomorphiqueetdansune perspectiveévolutionniste,l’ontdisqualifiécommeétant«primitif».Lestatutdekoraiarchaï- 1LesommaireduvolumeestdonnédansKernos23(2010),p.415. RevuedesLivres 353 quesestaucœurdelaréflexiondeC.Keesling:contrairementàceuxquinientqueceskorai aientpureprésenteràl’époquearchaïquedesêtresdivins,l’A.signalelapossibilitéd’unetelle identification,l’anonymatapparentpouvantêtrecompenséparl’emplacementdecesimagesà l’intérieurd’unlieudecultedonné.C’estsurlesimagesarchaïsantesdesdieux,quiapparaissent dèsle Vesiècleav.J.-C.,etsurlesimplicationsreligieusesd’untelphénomènequesepenche F.Hölscher:lareprésentation,àcetteépoque,desdieux«àlamanièreancienne»n’estpasà mettreenrapportavecunequelconquedétériorationdusentimentreligieux,maiss’explique, notammentdansl’iconographiedesvases,entantqueressort«narratif»,parexempledansla mise en images contextuelle des statues des dieux et des dieux en action. Pour mieux comprendrelerôlequelesstatuesdesdieuxpeuventjouerdansleprocessusdecommunication avec le divin, V.Pirenne-Delforge choisit des les étudier parallèlement aux prêtres, qui se voientaussiattribueràl’occasionunefonctionanalogueàcellede«statuesvivantes»etqui jouent surtout un rôle majeur en tant que «intermittent vectors of divine manifestation» (p.134).Enintervenantdansledébatautourdelanotionde«statuedeculte»,l’historiennede la religion grecque se refuse à écarter purement et simplement cette notion et choisit de reformulerlaquestionensignalantlestatutspécifiquequel’hidrysis,àsavoirlerituelquiinstalle unedivinitéàunemplacementprécis,confèreàlareprésentationiconiqueouaniconiquedela divinitéenquestion,neserait-cequepouruntemps. L’essaideG.Ekrothporte,quantàlui,surunreliefvotifayanttraitaucultehéroïquede ThéséeàAthènesetsurl’identificationd’unesortedepierrebasseetarrondiequiapparaîtau centredelareprésentation,entrelafigureduhérosetcellesdudédicantet,sansdoute,deson fils;selonl’A.,ilnefaudraitpasvoirdanslapierreenquestionunevarianted’unautelet/ouun autelenparticulier,carellepourraitaussibienrenvoyeràlafoisàl’horkomosion,unlieudela villeancienneoùlessermentsétaientprêtés,etàunbouclier,dansuneconstructionpolysémique évoquant peut-être le serment des éphèbes athéniens en présence de l’éphèbe mythique par excellence. J. Mylonopoulos consacre une étude très fouillée à l’utilisation des attributs dansl’iconographiegrecque,dontilmetenlumièrelasémantiquecomplexe,enrejetantavec raisonlathèsedes«survivances»etsansenaplatirnonpluslesenssurleseulplandénotatif. Parmi les exemples choisis par l’A. pour illustrer la dynamique de ces signes qui font partie intégranted’unestratégievisuelle,j’aimeraissignaler,àcôtédel’imagesurprenanted’unUlysse au trident, celle tout aussi curieuse d’une Aphrodite à l’égide sur un vase attique à figures noires.Cetexemplemontrebiencommentlelangageiconographiqueadéveloppésespropres moyenspourreprésenterlapolyvalencedivine1.I.Petrovicanalyse,danssonessai,unpoème fragmentairedeCallimaque (IambesVII) oùilest questiond’une statued’HermèsPerpheraios, miraculeusementrepêchée,etduparcourscompliquéquis’achèveavecl’installationd’unculte pour ce dieu; selon l’A., il s’agit moins d’un véritable aition que d’une allégorie où la statue archaïsante du dieu représenterait l’ancienne poésie iambique, à la fois simple et vénérable, venueréclamersapartd’honneuràl’époquehellénistique.L’étudedeT.Scheers’articuleen deuxvolets:danslepremier,l’A.s’interrogesurlesraisonsquipoussentAugusteàsoustraire auxhabitantsdeTégéel’anciennestatued’AthénaAléa,sansdoutenonseulementpourpunir cesArcadiensquiavaientprispartipourAntoinelorsdelabatailled’Actium,maispeut-être aussipourinstalleràRomeuneimage«mythiquement»chargée,évoquantàlafoislesancêtres arcadiensdesRomainsetlachassedeCalydon.Danslesecondvolet,elleanalyselaréactiondes Tégéatesquin’ontaucunproblèmeàremplacercettevénérableimage.Néanmoins,ilschoisissentpourcefairenonpasuneimaged’AthénaAléaprovenantd’uneautrecité,maiscelled’une AthénaHippiaprovenantdesenvironsdelaleur.Cechoixsignificatifmontred’uncôtéquela puissancedivined’AthénaAléapeutchangerde«siège»poursemanifester,confirmantainsi . 1Cf.G.PIRONTI,«Aphroditeàl’égideoudeladistractiondespeintres»,Mètis,n.s.8(2010),p.255-275 354 RevuedesLivres quelerapportd’identificationentreunedivinitéetsonimageestrelatif,etdel’autrequel’enracinementterritoriald’unculteestunfacteurdéterminantdanslacommunicationavecledivin. Les études restantes concernent le rapport entre religion et représentations figurées à la périodeimpérialeetdanslemonderomain.Enanalysantl’emplacementdesstatuesdesempereursromainsdanslestemplesdesdieuxgrecsetleursspécificitésiconographiques,D.Steuernagelaffirmequelesempereurssynnaoineseraientpashiérarchiquementsubordonnésauxdieux traditionnels et se verraient confier par les communautés locales la fonction d’intermédiaires privilégiésdanslacommunicationaveccesderniers.Unetellefonctionestreconnueégalement parS.Estiennequinerenoncetoutefoispasàsignalerleshiérarchiesdynamiquessedessinantà l’intérieur des temples en relation avec l’identité du dédicataire attitré; l’A. livre aussi, dans la première partie de son étude, une analyse duvocabulaire romain en matière d’images divines (signum, simulacra deorum), soulignant le statut juridique particulier des ornamenta aedium, qui ne seraientpasinaliénables.C’estsurlerôledessimulacra deorumdanslafondationmêmed’unsanctuaireques’interrogeK.Moedequi,àl’appuidecertainsreliefsromainsreprésentantl’installationdestatuesàlaprésenced’unauteletdesautoritésreligieuses,proposed’yreconnaîtreune formule visuelle traduisant en image la procédure rituelle d’introduction de nouveaux cultes. C’est à la réception des images des dieux anciens que s’attache enfin A. Bravi dans un essai consacréàl’époquebyzantine:pendantlongtemps,lesstatuesantiquesinstalléesàConstantinoplenesontpasquedécorativesausensmoderneduterme,maiscontinuentd’agirentantque vecteursidentitairesetsymbolesdepouvoir. L’ouvrageestcomplétépardeprécieuxindicesetpardetoutaussiprécieusesillustrations quipermettentdesuivreaisémentlesdémonstrationsdesdifférentsauteurs.Maisl’éditeurdu volumeestàremercieravanttoutpourl’introductionqu’ilalivréeetdontlalectures’impose tant avant qu’après avoir parcouru les arguments déployés dans les études qui composent l’ensemble.Onytrouveeneffetuneréflexiondefondsurlespointscruciauxsoulevésparcet ouvrage,àpartirdelarelationproblématiqueentre«divineimages»et«cultimages».Decette stimulantelecture,onretiendrauneinvitationàappréhenderlesspécificitésdulangageiconographiquequandil«parle»dereligion,maisaussiàreplacerlesdifférentesreprésentationsdu divindansleurscontextescultuels,rituelsethistoriques,etenfinàcroiserlesdonnéesémiques avec les outils heuristiques offerts par une approche «étique», dans le but de comprendre depuisnotreperspectiveéloignéecommentlepolythéismesetraduisaitautrefoisenimages. GabriellaPironti (UniversitàdegliStudidiNapoli‘FedericoII’ CentreANHIMA[Paris]) Thomas MORARD,Horizontalité et verticalité. Le bandeau humain et le bandeau divin chez le Peintre de Darius, Mainz, von Zabern, 2009. 1 vol. 21,5 × 30 cm, X + 264p.,120pl.ISBN:978-8053-3965-0 Cetouvrageestissud’unethèsesoutenueen2008àl’UniversitéLumière–Lyon2,sousla directiondeJean-MarcMoret.L’étudeportesurungroupedevasesparticuliers,àsavoirdes pièces apuliennes dont le décor est divisé en deuxfrises superposées: la frise supérieure est réservéeauxdivinitésetlafriseinférieureauxhumains.Bienquecesvasesaienttrèstôtsuscité l’attention,aucuneétudesystématiquen’avaitencoreétéconsacréeàcetypedereprésentation, ce que propose de faire l’A. Contrairement à ce que pourrait laisser entendre le sous-titre, l’ouvragen’estpasconsacréuniquementauPeintredeDarius,bienquelesréalisationsdece dernier y occupent une place importante. C’est lui qui semble avoir donné une forme canoniqueàcetypedecomposition,enfaisantdudoubleregistresaspécialité. RevuedesLivres 355 L’introductionfournitunbonétatdelaquestionetpréciselesobjectifsdel’étude:ils’agit deretracerlagenèsedecesscènesàdeuxfrisessuperposéesetdecomprendrelesraisonsqui ontpoussélespeintresdevasesapuliensàchoisircesystèmedereprésentation.L’ouvragese diviseendeuxparties,faisantrespectivementréférenceauxdeuxtermesdutitres:l’horizontalité et la verticalité. La première partie, intitulée «Horizontalité et double motivation», est essentiellement une étude iconographique qui retrace l’évolution du motif, cherche les parallèlesquel’onpeuttrouverdansl’artgrecetscrutelesimagesenleurlogiqueinterne.Le premier chapitre est consacré aux assemblées divines dans l’art grec, qui s’inscrivent sur un arrière-planhomérique.Leurspremièresapparitions,au VIes.,sontliéesàunmytheetlelieu de l’action est l’Olympe (naissance d’Athéna, retour d’Héphaïstos, introduction d’Héraclès). Les dieux «représentent» cet Olympe et le font exister. À la fin de ce même siècle, se multiplientles«triades»:undieuoccupelaplaceprincipale(Apollon,Dionysos,Athéna)et estentourédedeuxautresdivinités.D’autrestriadessontattestées:unedivinitéassise(trône) entouréed’autresdieuxenpositiondebout.Iln’enrestepasmoinsquelapositionassiseest celledelamajestédivineetdoncessentiellepourdesOlympiens.L’A.sepencheégalementsur lesscènesde«libation»oùlesdieuxapparaissentpargroupesdedeux,troisouquatre,avec une phiale ou d’autres vases. Face à ce dossier très controversé, l’A. opte pour le caractère abstrait des scènes: elles soulignent la solennité de l’instant, tout autant que celle des dieux. Enfin, le motif de l’assemblée divine est abordé dans les monuments sculptés (surtout sculpturearchitecturale)etlagrandepeinture. Lechapitre2(«DesprécurseursduPeintredeDarius?»)analyselesdifférentsprocédés misenœuvreparlesartistesgrecspourcombinerlemondehumainetlemondedivin,touten marquantlaséparationentrelesdeux.Ils’agitd’uneétudepassionnanteoùl’onvoitapparaître lesdifférentesstratégiesiconographiquesmisesenœuvrepourexprimerlaséparationdesdeux sphères. Le chapitre 3. («Genèse et développements») s’ouvre sur le constat que l’art grec, essentiellement narratif, se déroule dans l’horizontalité. Ainsi, sur les vases géométriques, les frises se superposent mais sont indépendantes. Il faut attendre la fin du Ve s. pour voir les imagiersconcevoiruneactiondansladimensionverticale(avecPhidiasetlagigantomachiedu bouclier d’Athéna). Peu à peu, le décor se déploie dans l’espace, et l’A. suit pas à pas les développements de cette tendance. La verticalité se déploie peu à peu, depuis la céramique attiquejusqu’àlacéramiqueapulienne. Le chapitre 4 («Motivation humaine et motivation divine d’Homère à Plutarque») se tournedavantageverslestextesafind’évaluer,dansl’épopéehomériqueetlatragédieattique (surtout Euripide), comment se joue le rapport entre les plans divin et humain d’une même action.Lesdieuxsontincontestablementdesacteursàpartentièredecequisepasseparmiles mortels et les textes attestent l’existence de ce que l’A. appelle «la double motivation»: les deuxplansinterviennentdansl’action,sansquel’unnesoitsubordonnéàl’autre.Ladivision d’unemêmescènemythologiqueendeuxfrisess’accordedèslorsaveccequel’A.appellede façonunpeumalheureuse«l’idéologiehomérique»et«l’idéologietragique».Deuxvolontés distinctescoexistentetagissentparallèlement. Au chapitre 5 est convoqué le Peintre de Darius («Les deux bandeaux superposés du Peintre de Darius») qui va favoriser la superposition de scènes mythologiques et de scènes d’assemblée divine. Comme il s’agit de «mythologie», les textes sont largement appelés en renfortetl’onauraitaiméconnaîtreplusprécisémentlepointdevuedel’A.surlerapportqui sejoueentretexteetimage.Quoiqu’ilensoit,onvoitsesuperposerlesgestesetlesactions deshérosduregistreinférieur,tandisquelesdieuxsontspectateurs,actifsdansl’inaction,en quelquesorte,auregistresupérieur.Etquandils’agitdecomprendrepourquoitelsdieuxont étéprivilégiésplutôtquetelsautresdansl’assembléeenrelationaveclascènemythologiquedu dessous,l’A.discernedesrelationsthématiquesetdesrelationsgénéalogiques. 356 RevuedesLivres La deuxième partie s’intitule «Verticalité et immortalité» et tente de reconstituer le contextecultureletcultueldeproductiondecesimages.Auchapitre6(«Lesintrusionsdansle monde divin»), on voit que le registre supérieur n’est pas exclusivement réservé aux Olympiens,maisqu’yapparaissentaussiparfoisdesdivinitésastrales,despersonnificationsoudes hérosdivinisés.Quelestlesensdeces«intrusions»?Cenesontpassimplementdesfigures deremplissageoulerésultatd’unmanquedeplace.Aucasparcas,l’A.justifieces«exceptions»ensefondantsurlatraditionmythique.Lechapitre7(«L’anagôgédeSémélé»)fournit incontestablementl’interprétationlaplusnovatricedel’ouvrage.Surungroupedeseptvases duPeintredeBaltimore,onvoitDionysosemmenantunpersonnagefémininsursonchar,la scènesurmontéed’uneassembléedivine.Lafigureféminineesttrèsgénéralementidentifiéeà Ariane. L’A. a examiné ces vases de près et constaté que les routes du char emmenant le couplesurgissaientdedessouslalignedesol.Ils’agitdèslorsd’uneanodosetlafigureféminine doitêtreidentifiéeàSémélé,queDionysosemmènedesEnferssurl’Olympe.Unetelleinterprétation,trèsconvaincante,permetderemettreenquestiond’autresidentificationsacceptées depuislongtemps.Auchapitre8(«Astrapé.Mortetapothéose»),l’A.sepenchesurlemotif de la foudre, de l’éclair, du tonnerre, notamment en raison du foudroiement de Sémélé. La dimensioneschatologiqued’unesériedevasesétudiésinviteàélargirlaperspective,cequel’A. faitavecpertinenceetprudence.Eneffet,leslamelles«orphiques»deThourioisontcontemporaines des vases étudiés. On y voit apparaître le foudroiement et la purification. De plus, l’archéologiearécemmentattestélapratiquedela«semi-crémation»descorpsdanscertaines nécropolesdelarégion,unconstatquilaisseentendrequedessitesoùl’archéologieduXIXes. n’avaitvuquedesinhumationsconnaissaientsansdoutecetteautremanipulationdescadavres. Untelfaisceaud’élémentsinviteàrepensercertainsmotifsiconographiquesàl’aunedepratiquesfunéraireslocales,demêmequecertainesdonnéesdeslamellesd’orquel’onmetgénéralementenrelationaveclesmythesorphiques.Lepointdevuedel’A.surladimension«orphique»deslamellesn’esttoutefoispastotalementclaire1.Ilabordeaussibrièvementledossierde l’illumination,dufeu,destorchesdanslesmystèresd’Éleusis,enfaisantl’hypothèsetrèsséduisantequela«théologie»éleusinienneintégraituneréférenceaufoudroiement,àl’immolation par le feu en vue d’une forme d’immortalité (et non de résurrection comme il est écrit aux p.140et159).Dansle9eetdernierchapitre(«LesEnfersetlatombe»),l’Aétudieletroisième niveaudu«cosmos»,laissédecôtéjusqu’àprésent,àsavoirlesEnfers,etpousseàleurterme lesréflexionsduchapitreprécédent.Lestroisniveauxcosmiquessontbiendélimités,maisdes liensexistententreeuxetlesscènesfunérairescommeunecertaineexubérancevégétalesont autantd’expressionsdesattenteseschatologiquesexpriméessurlesvases. Enconclusion,l’A.réaffirmel’inscriptiondesassembléesdivinesdanslatraditionhomérique et le fil qui unit cette tradition à l’iconographie du bandeau supérieur des vases. Une questionsurgitàcestadefinal:pourquoiÉrosetDionysossont-ilsabsentsdecesassemblées? Selonl’A.,ilsn’appartiendraientpasàlafamilleolympienneetseraientdesmédiateurs«prochesdeshommes».Certes,Dionysosestquasimentabsentdel’Iliade,maisc’estégalementle casdeDéméter:ira-t-onaffirmerqu’ellen’estpas«olympienne»?C’estsansdoutelaqualité «d’olympienne»conféréeàcesassembléesàlasuitedesformuleshomériquesquiauraitdû être davantage discutée. En outre, il n’est pas correct d’affirmer que jamais Éros n’apparaît danslesassembléesdivines:l’écoledePhidiasl’amagnifiquementsculptéauxcôtésd’AphroditesurlafriseduParthénon.Etiln’yestpassimplementl’attributquipermetd’identifierla déesse:c’estledieudepleindroitquelesAthénienshonoraientavecelleauflancnorddeleur acropole.LaquestiondelaplacedeDionysosetd’Érosdanscetteimagerieétaitassurément tropcomplexepourêtrereléguéeenconclusion. 1Lanote826estdecepointdevueuneerreur:enI,37,4,Pausaniasn’établitpasd’équivalenceentre Éleusisetleslamellesorphiques,maislaisseentendrequel’interditdelafèveexistedepartetd’autre. RevuedesLivres 357 L’ouvrageserefermesuruneexcellentebibliographie,quel’A.maîtriseparfaitement,dans toutes les langues. Le livre est en lui-même un très bel objet: bien édité, avec des planches nombreusesetdegrandequalité,ainsiqu’uncataloguequirencontretouteslesexigencesdu genreetdebonsindices.Unpetitregretenformedeclind’œil:l’amphorequiportelen°61et apparaîtsurlaplanche46provientd’unecollectionprivéequel’A.situeà«Lüttich»(p.188, 249).Dansunouvrageenfrançais,laforme«Liège»eûtétébienvenue… HélèneCollard(UniversitédeLiège) VincianePirenne-Delforge(F.R.S.-FNRS–UniversitédeLiège) FeyoL.SCHUDDEBOOM,Greek Religious Terminology – Telete & Orgia.Arevised andExpandedEnglishEditionoftheStudiesbyZijderveldandVanderBurg, Leiden/Boston,Brill,2009.1vol.16,5×24,5cm,285p.(Religions in the GraecoRoman World,169).ISBN978-90-04-178137. Commel’indiqueletitre,lesdeuxpremièrespartiesdecetouvrageoffrentunetraduction anglaise de deux ouvrages parus en néerlandais, dans les années 1930: C. Zijderveld, Τελετή.Bijdrage tot de kennis der religieuze terminologie in het Grieksch,Purmerend,1934,etN.M.H. van der Burg, Ἁ̟όρρητα-δρώµενα-ὄργια. Bijdrage tot de kennis der religieuze terminologie in het Grieksch,Amsterdam,1939,dontn’estcependantreprisqueletroisièmevoletdutitre.Les deux ouvrages répartissent la matière en deux périodes, l’avant et l’après Alexandre, mais seullepremierconsacreunchapitreàl’emploideteletèchezlesauteursjuifsetchrétiens. Auxenquêtesdesesprédécesseurs,quiobéissentàunmêmemodus operandi,F.L.S.aajouté 140attestationslittérairesnouvelles,quisonténuméréesdansdeuxlistesdistinctes.Unautre mérite est d’avoir traduit tous les textes anciens cités. La troisième partie, qui concerne les inscriptions,secteurqu’avaientomisounégligésesprédécesseurs,–57inscriptionspourteletè, 83pourorgia, – estentièrementneuve.Ellesestsuiviededeuxappendices,l’unquiconcerne lesattestationsapocryphesoudouteusesdesdeux mots,l’autre les emploisdeTeletè comme nompropre(18inscriptions).Dansl’abondantebibliographiequireprendnotammentlestitres desesdevanciers,ontrouveunpeudetoutet,forcément,bonnombred’étudestrèsvieillies. Deuxindexdessourcesetunprécieuxindexdesmatièresclôturentlevolume. La rigueur et la clarté avec lesquelles les enquêtes sont menées ainsi que le grand soin apportéàl’éditionn’appellentquedeséloges.Maiss’agissantdufond,onresteunpeusursa faim. Certes,disposerd’uninventairecomplet desoccurrencesdesdeux mots,présentéesin textu et dans une langue désormais plus accessible au grand nombre, n’est pas d’un intérêt médiocre.Mais,sicen’estunnombreplusimportantd’occurrences,l’A.n’apportepasgrandchoseàl’étudesémantique,trèssuperficielle,desdeuxsavantsqu’iltraduit,etilresteprisonnier deleurdémarche:unsimplerelevéetunclassement,trèshâtif,designifications.C’esttellementvraiqu’autermedesonchapitrenouveauconsacréauxinscriptions,iln’éprouveaucunementlebesoindeconfronterlesrésultatsdesonenquêteàceuxdeschapitresquiprécèdent.Il n’apasprissoinnonplusd’intégrerquelquepartlesapportsd’étudespostérieuresquepourtantilconnaît,ainsiqu’entémoignesabibliographie(cf.,parexemple,Kernos 5[1992],p.119140).Danssapréface,claireetméthodique,ilreconnaîtquelaquestiondesavoirpourquoiles Grecsusaientdesdeuxtermesdanstelscontextesetnondansd’autresdevraitfairel’objetd’un autrelivre.C’estdefaitunequestionintéressante,etellen’estpaslaseule.Bref,s’ildispose désormaisd’unepanoplietrèscomplètedematériaux,lemaçonn’enestpasmoinstoujoursau pieddumur. AndréMotte (UniversitédeLiège) 358 RevuedesLivres Adrienne DIMAKOPOULOU, Chlôrêis aêdôn pâle rossignol. Une étude sémantique, Paris, ApolisÉditions,2010.1vol.14,8×21cm,156p.ISBN:978-2-9532495-3-8. Celivre,paruenaoût2010,estenfaitlapublicationd’untravaildefind’étudesréalisé,ily aunetrentained’années,surlemytheantiqueduRossignolracontéparPénélopeauchantXIX del’Odyssée.Dèslors,onpourraits’attendreàlireuneversionremaniéeetcomplétéeparune nouvelle bibliographie qui comporterait notamment des références postérieures. Mais il n’en estriencarleséditionsApolisontprislepartidepublieruniquementletexteinitial. Toutaulongdel’Antiquité,l’imagedurossignolasouventétéassociéeauxfemmeslégendairesenproieàladouleur,maispourquoi?Est-cequel’expressionsignifieseulementqu’elles pleurent? Au cœur de l’interrogation se trouve le sens de l’adjectif contenu dans l’énoncé Chlôrêis aêdôn,maissansl’enfermerdanssonsenspremier,àsavoirchromatique,car«quandon a dit ‘vert’ qu’a-t-on dit?» (p.80). L’A. prend le parti d’explorer tout d’abord les catégories mentalesetaffectivesimpliquéesparl’adjectifchlôros,enétudiantl’associationdecetadjectifà certainstermesduchampsémantiquedelapeur,àsavoirchlôron deosetchlôron deima.Àpartirde passages d’Homère et des Suppliantes d’Eschyle, elle éclaire le sens de chlôros en analysant les circonstances qui sont à l’origine des deux craintes dont il est fait mention dans les textes: d’unepart,laméconnaissancedudanger(Ulysseetsondésirdevengeance)etd’autrepartla souillure (Io, ce mélange monstrueux de deux natures). Dès lors, elle choisit de traduire l’adjectif chlôros par «trouble» et introduit, tout en finesse, le chiffre deux du doute en faisant remarquerquel’aspecthybridedeIon’estpaslaseulecausedutroublecarsaprésencedansun lieusacré,commecelledeDéméteraupalaisdeCéléeetMétanire,l’esttoutautant.Elleprécise ensuitesonproposenabordantladescenteauxEnfersd’Ulysse.Danscetunivers,lehérosest luiaussisaisiparla«craintetrouble».Eneffet,ilressentlachlôron deosdèsqu’ilvoittousces mortssansmémoirequipoussentdescris«terrifiants»,etillaressentiraencorelorsqu’ilsera faitmentiondeGorgô.L’A.s’arrêteaussisurla pratique du héroset,partantdel’accentmissurla transformation d’Ulysse en aède par Fr. Frontisi-Ducroux, elle remarque que ce statut lui permetd’éviterlelotcommundesmortelsordinairesquiconsisteàmourirdanslamémoire populaire. Enfin, pour clore cette approche de la Nekyia, elle se penche sur la valeur étymologiquededeos.Ellepointeainsidudoigtlelienentrelaracineindo-européenne*dwei quidonnedeosetlethèmenuméral*dwei,«deux».Àcemomentprécis,l’A.côtoieànouveau ledoutequimèneàl’hésitationentredeuxpossibilités.Maisl’enquêteestloind’êtreterminée. Laquestion:«Aédonest-ellechlôradepeuroudeprintempscommelavégétation?»(p.51), luioffrelapossibilitédepasserprogressivementduchampsémantiquedelapeuràceluides larmes.Ellenoted’embléequesiHomèreassocietrèssouventl’adjectifthaleros(florissant)aux larmes,Sophocle,lui,leremplaceparchlôros(l’appartenancedecesdeuxsignifiantsàl’univers végétal permettant de passer de l’un à l’autre sans aucune difficulté). Il ne s’agit pas de n’importequelleslarmesmaisbiendes dakrua chlôra :deslarmesdefemmesbiensûr,carce sonttoujourslesfemmesquiontpeuretquipleurentvite,commesile chlôron n’avaitenfait déteint que sur elles. La vingtaine de pages consacrée aux «Larmes troubles des femmes» (p.55-75),ceslarmesdeDéjanire,d’HélèneetdeMédée,troisfemmesquipleurentlesmorts dues à leur ignorance, soutient les propos antérieurs de l’A. à savoir que si la peur est provoquéeparlaméconnaissance,letrouble,lui,l’estparledouteetparl’obscurité.Fidèleàsa méthode,ellepoursuitsonenquêteenanalysant,letempsd’unenouvelleparenthèse,leterme adinos. Ce passage qui fait ressortir toutes les difficultés liées à la transposition des valeurs sémantiquesd’unelangueàuneautre,l’amèneàconclurequ’adinos semble,quandonparlede larmes, finalement fort proche du sens de chlôros. Le poème «À une aimée» de Sappho, lui permetensuited’aborderledomainedel’éros,enapprochantplusparticulièrementuntypede désiramoureuxquiestchlôron commeSapphoest chlôrotera poias. Lalecturedecesversconstitueunedoucetransitionqu’utilisel’A.pours’engagerdansl’étudedelavaleurchromatiquede RevuedesLivres 359 chlôros.Enabordantlesenspremierdechlôros,ellerappellequ’engrecancien,ilestrarequ’un signifiant désigne par lui-même une couleur. Ainsi chlôros renverrait plutôt à une nuance en référence au mondede lavégétationnaissante. Deplus, elle rappelle que«dansdescivilisationsdifférentes,onnevoitpasdelamêmefaçon!».Ilfautdèslorschercherdanslestextes commentlesGrecseux-mêmesdéfinissaientlanaturedescouleurs.PlatonetAristoteenparlentnotammentenemployantletermechroiaquisignifie,outrelacouleur,lasurface,notionde perceptionvisuelle des limites. Pour eux, posséder une couleur, c’est être délimité, être doté d’uneforme.Démocriteaaussilivréunethéoriedescouleurs.Selonlui,levertestlaseuleàne pas posséder de morphê mais à être constituée de plein et de vide. Ce type de mélange est pourtantcommunàtouteslescouleursetnepeutdèslorsdéfinirleseulvert.Lanaturedela couleurvertenetransgresserait-ellepassimplementlesloisdelathéoriedeDémocrite,couleur «trouble»quinepeutquebrouillerleslimites?L’A.poursuitsonvoyagedansledomainedes couleursenmettantcettefoisl’accentsurletermepepsisutilisépourrendrecomptedesdiversescolorations.Eneffet,lescouleursévoluentjusqu’àl’accomplissementdecequ’ellescolorent.L’A.remetcetteaffirmationenrelationavecsesrésultatsantérieurssurlamortetlestatut héroïquepouraboutiràl’idéed’unemortcruequisedifférencieraitdelamortpourpremiseen évidence par Gernet. Le livre se referme sur deux versions du mythe du Rossignol et de l’Hirondelleenlangueoriginaleavectraduction,ainsiquesurunindex. Cetintéressantpetitlivreproposeuneétudesémantiquefondéesuruneméthodepersonnelle,novatriceetrigoureuse.Ilpermetdemieuxcernercertainesreprésentationsmentaleset culturelles proprement grecques. L’A. nous emmène dans un voyage riche de ses réflexions aux tournures poétiques, fait remarquable lorsqu’on sait que le français n’est pas sa langue maternelle.Cependant,iln’estpastoujoursaisédesuivrel’A.danslesméandresdesapensée carnonseulementlesrelationsentrelesdiversparagraphesnesontpasforcémentclaires,mais aussilechoixd’unelanguemétaphoriquenefacilitepastoujourslacompréhension.Enfin,le mondedescouleursenGrèceaconnuunregaind’intérêtcesdernièresannéesetlaconfrontation des conclusions du présent ouvrage et de ces recherches nouvelles s’imposera à ceux qu’intéressentcesquestions. MaudClerfays (UniversitédeLiège) Corinne BONNET, Vinciane PIRENNE-DELFORGE, Danny PRAET (éds), Les religions orientales dans le monde grec et romain : cent ans après Cumont (1906-2006). Bilan historique et historiographique. Colloque de Rome, 16-18 novembre 2006, Bruxelles/Rome,InstitutHistoriqueBelgedeRome,2009.1vol.19×25,5cm,464p. (Institut Historique Belge de Rome. Études de philologie, d’archéologie et d’histoire anciennes, 45).ISBN:978-90-74461-71-9. Pourcélébrerlecentièmeanniversairedelapublicationdelapremièreéditiondel’ouvrage deFranzCumont,Les religions orientales dans le paganisme romain1,issudeconférencesqu’ilavait faitesauCollègedeFranceen1905,uncolloqueaétéorganiséàRomeennovembre2006. Sonobjetprincipalétaitdeproposeruneréflexionsurl’actualitéetlapertinencedecethème. Levolumed’actesquevoicicomptevingt-quatrecontributions,répartiesencinqsections.Une étude introductive, due aux éditeurs, présente brièvement les axes de recherche sur lesquels reposentlesréflexionsdecetterencontre.Uneattentionparticulièreyestaccordéeàlavalidité delanotionde«cultesorientaux»,unecatégorieentréedansl’usage,maisquiserévèleenfait 1 4e édition, Paris, 1929, dont il existe à présent une réédition par les soins de Corinne Bonnet et de FrançoiseVanHaeperen,Turin,2006(Bibliotheca Cumontiana. Scripta Maiora,1). 360 RevuedesLivres inadaptéepourdéfinirlesréalitésqu’elleentenddésigner.Larelecturequiaétéfaitecesderniers temps de ces phénomènes religieux a permis de mettre en lumière les ressemblances entre les rites des différents cultes de l’Antiquité et a conduit à renoncer à la dichotomie traditionnelle entre religions orientales et religion officielle ainsi qu’à déconstruire le concept mêmede«religionsorientales».C’estcetaspectqu’illustrentlescontributionsdelapremière section.AprèsunbilancritiquedesidéesdeCumont,dresséparC.Bonnet(Entre ciel et terre, en relisant Franz Cumont), W. Van Andringa et Fr. Van Haeperen (Le Romain et l’étranger : formes d’intégration des cultes étrangers dans les cités de l’Empire romain)expliquentpourquoiilconvientde renonceraujourd’huiàlacatégoriede«cultesorientaux».Ladispositionmêmedesiseaetdes mithraea danslaVillemontreque,aumoinsàpartirdelasecondemoitiéduIIes.,cesdivinités n’étaient plus ressenties comme étrangères par les citoyens. M.-Fr. Baslez, S. Ribichini et Chr.Auffarth(Appréhender les religions en contact)abordentledélicatproblèmeducontactentre lesreligions.Auconceptde«syncrétisme»,aujourd’huidépassé,ilfautsubstituerdestermes plusneutrescomme«contact»ou«cohabitation».Lamêmeinadéquationduterme«syncrétisme» est soulignée par L.Bricault et Fr.Prescendi (Une théologie en images?) à propos de l’analyse des représentations de divinités comme Jupiter Dolichenus. Il faut préférer une expressioncomme«coexistenced’imagespolysémiques». La seconde section ouvre le débat autour de la catégorie de «religions orientales». G.Stroumsa (Ex Oriente Numen. From orientalism to oriental religions) tente de remonter aux originesmêmesduconceptde«religionsorientales»,cheràCumont,etretracel’histoiredes études qui ont précédé le travail de ce savant. Cette analyse met en lumière la volonté de Cumont de recréer un lien entre les cultures religieuses du bassin méditerranéen et illustre l’importancequeleProcheOrientatoujourseuepourleshistoriensdesreligions.Lafigurede Franz Cumont se trouve aussi au cœur de l’étude de W.Burkert (‘Orient’ since Franz Cumont: Enrichment and Dearth of a Concept),quiconsacreuneanalysecritiqueauconceptd’Orientet,plus généralement,àladéfinitiondesairesgéographiqueschezCumont. Viennent ensuite des études de cas concrets: la situation religieuse à Doura-Europos (T.Kaizer),lestatutduculted’IsisàRome(J.Scheid),lesreprésentationsmithriaques(V.Huet), Sabazios (J.-M. Pailler), le dieu Bès (G. Garbati), les cultes isiaques à Athènes (E.Muniz Grijalvo).Troiscontributionssontconsacréesauxsourceslittéraires:Porphyre(P.F.Beatrice), lePseudo-Méliton(J.L.Lightfoot)etFirmicusMaternus(A.Busine),quiseraitlepointdedépart dulivredeCumont.L’analysedeD.Praetapoursujetlafigurecharismatiqued’Apolloniosde TyaneetcelledeCh.Cremonesil’ascétismedesstylites. La dernière section (En guise de conclusion) est entièrement occupée par une étude de R.Turcan(Une aporie de la tradition littéraire sur le Lion mithriaque),oùiltentederésoudre,àl’aide deladocumentationiconographique,unproblèmequiapouroriginel’interprétationerronée d’untextedePorphyrerelatifaucultedeMithra(De Abstinentia IV,16,3). Cevolume,trèssoigné,proposeunbilannuancéetapprofondid’unsièclederechercheset ouvre des voies nouvelles dans l’étude des courants religieux qui entrèrent en interaction au seindubassinméditerranéen.Deuxindex(nomsmodernesetsujets)complètentcetouvrage deréférencetrèsutile. BrunoRochette (UniversitédeLiège) RevuedesLivres 361 MichelCARTRY,Jean-LouisDURAND,RenéeKOCHPIETTRE(éds),Architecturer l’invisible. Autels, ligatures, écritures,Turnhout,Brepols,2009.1vol.15,5×24cm, 448p.(Bibliothèque de l’École des Hautes Études, Sciences religieuses,138).ISBN:9782-503-53172-4. Ce volume résolument interdisciplinaire offre une réflexion passionnante sur la manière dont des cultures très diverses ont mis en présence des instances considérées comme supérieures, comment elles ont «architecturé l’invisible», pour reprendre le très beau titre du volume. Se revendiquant d’une forme d’empirisme dans le comparatisme, essentiellement fondé sur le dialogue serré entre des spécialistes de domaines différents, les éditeurs offrent unecopieuseintroduction,quipermetderelierentreelleslesinterventionsquiserépartissent entroisgrandesparties:«Ouvrir»,«Œuvrer»,«Écrire»,troisverbesquisontvuscommeles troismodalitédecette«architecture»entraindesefaire,quitteàpasserparle«défaire». De la Mésopotamie à différentes régions de l’Afrique, en s’arrêtant en Grèce et dans le monde chrétien médiéval, c’est à une large interrogation sur les catégories de l’histoire des religionscomme«sacrifice»ou«offrande»qu’invitentlesréflexionstrèsrichessurdesdossiers précis. Celui ou celle qui étudie la religion grecque est évidemment vert(e) de jalousie devant la précision atteinte par la description d’un rituel africian saisi sur levif par l’anthropologuedeterrain.Ilouellepressentaussiladifficulté,danssonpropredomaine,dechercher lesensdesmanipulationsdontunetraditionlittéraireouépigraphiquefragmentéen’aconservé que des lambeaux. Mais justement, c’est là que le comparatisme pensé dans la lignée des travaux d’équipe pilotés par M.Detienne – un patronage ici assumé – peut aider à poser d’autresquestionsàunmatérielcertestrèséclatémaisqu’unregarddécentrépeutapprendreà voirautrement. Leshellénistesembarquésdanscetteaventurecomparatisteontlaissédebellesréflexions, qu’unlecteurcurieuxpourramettreenrésonanceaveclesétudesd’autresdomainesderecherche: D.Jaillard sur les espaces hermaïques du sacrifice, I. Patera sur les offrandes durables dans l’espace sacrificiel, E. Barra sur les procédures mantiques à Delphes, G. Pironti sur le «miracle» de l’autel d’Aphrodite à Éryx, M.Carastro sur les katadesmoi et les instances de l’enchaînement,R.KochPiettresurlesmanipulationsliéesauxsermentsdanslatragédie,et B.MezzadrisurlesacrificedesroisatlantesconçuparPlaton. VincianePirenne-Delforge (F.R.S.-FNRS–UniversitédeLiège) 2. Actes de colloques, ouvrages collectifs et anthologies JanN.BREMMER,AndrewERSKINE(éds),The Gods of Ancient Greece. Identities and Transformations,Edinburgh,EdinburghUniversityPress,2010(Edinburgh Leventis Studies,5). JanN.Bremmer,Introduction: The Greek Gods in the Twentieth Century,p.1-18;AlbertHenrichs,What is a Greek God?,p.19-39;IanRutherford,Canonizing the Pantheon: the Dodekatheon in Greek Religion and its Origin, p. 43-54; Fritz Graf, Gods in Greek Inscriptions: Some Methodological Questions, p. 55-80; Richard Buxton, Metamorphoses of Gods into Animals and Humans, p. 81-91; Stella Georgoudi, Sacrificing to the Gods: Ancient Evidence and Modern Interpretations, p. 92-105; Anja Klöckner, Getting in Contact: Concepts of Human-Divine Encounter in Classical Greek Art,p.106-125;KennethLapatin,New Statues for Old Gods,p.126-151;JudithM. Barringer,Zeus at Olympia,p.155-177;RichardSeaford,Zeus in Aeschylus: the Factor of Monetization,p.178192;JanN.Bremmer,Hephaistos Sweats or How to Construct an Ambivalent God,p.193-208;IvanaPetrovic,