Kernos 24 (2011)_Revue des livres - ORBi

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Kernos 24 (2011)_Revue des livres - ORBi
Revue internationale et pluridisciplinaire de religion grecque antique
Διεθνής και διεπιστημονική επιθεώρηση της αρχαίας ελληνικής θρησκείας
24 (2011)
Centre international d’étude de la religion grecque antique
Αθήνα – Liège
Kernos24(2011),p.325-368.
Revue des Livres
. Comptes rendus et notices bibliographiques
MiriamVALDÉS GUÍA,El nacimiento de la autoctonía ateniense : cultos, mitos cívicos y
sociedad de la Atenas del s. VI a. C., Madrid, Publicaciones Universidad ComplutensedeMadrid,2008.1vol.17×24cm,274p.(Ἰlu. Revista de Ciencias de las
Religiones,22).ISBN:978-84-669-3063-5.
L’A.seréfèred’entréeauxtravauxdeNicoleLoraux(p.7)quiontmisenévidencetousles
«bénéfices»quelesAthénienstiraient,autempsdeladémocratie(Ve-IVes.),deleurfaçonde
seraconter,etderaconterauxautresGrecslamerveilleusenaissancedufondateurdeleurcité.
Lecorpsciviqueestconçucommeungenos,ungroupegentiliceexclusivementmasculin,dont
Érichthonios,engendréparHéphaïstos,portéparGèetélevéparAthéna,estlepèrefondateur
etAthéna,commel’avoulusonfilsadoptif,l’éponyme.TouslesdescendantsdupremierNé de
laTerre(Seuil,1996)setransmettentdepèreenfilssonautochtonieetdoiventàsapaternité
fondatricedeformerunefraternité.Touségauxettousbien-nés,ilsontentreeuxdesrelations
dephiliaetpeuvent,vis-à-visdesétrangers,tirergloirecollectivementd’uneaussinobleetaussi
ancienneorigine.PourN.L.lemythedéveloppe,danslelangagequiestlesien,lesthèmesde
l’idéologie démocratique qui tait les divisions de la polis, exalte sa cohésion et glorifie l’archê
qu’elleexercedanslemondegrec.
Pour M.V.G. cette version des origines de la cité, qui fait son apparition dans l’iconographie vers 500, est déjà en place lors de l’adoption de la politeia de Clisthène. Ce «mythe
politique»,dit-elle,estfaçonné–sinonconstruit–àpartirdedonnéesplusanciennes,auVIes.
(p.7). Dès la promulgation de la politeia de Solon, il fait partie de l’idéologie de la cité (p.8)
«dontilcimenteenmêmetempsqu’ilreflètelesacquisitionssocialesetpolitiques,c’est-à-dire
laliberté»quiestnonseulementlalibérationdeladouleiamaislaparticipationàlaviepolitique,
auparavant fondée «sur la naissance et le lignage». Ces dernières années, les débats sur les
originesdeladémocratieathénienneontrefleurienliaisonnotammentavecl’hommageàM.H.
Hansen,lesréunionsenl’honneurdu2500eanniversairedelapoliteiadeClisthèneetlecolloque
Solon of Athens. M.V.G. se rallie donc à ceux qui soutenaient, comme R.W. Wallace – et
contrairementàM.H.Hansen,J.Ober,K.A.Raaflaubetbiend’autres–queladémocratieétait
déjàdanslapoliteiadeSolon.
Sonprojet,quireplacel’élaborationdumythed’Érichthoniosetdesoriginesdelacitédans
soncontextehistorique,estséduisantdanslamesureoùilentendtransgresserlescatégories–
realia/fictions,histoire/anthropologiedel’imaginaire,religion/politique,diachronie/synchronie
–oùlarecherche apprécie souventde secouler. Ilest aussi trèsambitieux.Le choixde ces
voiestraversièresexigeunénormetravailderecherchecarilimposedecroiserdessourceset
destravauxdefacturestrèsdifférentes.Entémoignel’ampleurdelabibliographiedeM.V.G.,
notamment en ce qui concerne les ouvrages en langue anglaise ! Mais surtout le croisement
fiction/realia repose,lorsqu’ils’agitduVIes.,surdes«sablesmouvants»,commeleditF.Ruzé,
dessablessimouvantsque,quellequesoitlaquestionexaminée,l’absencedetoutconsensus
contraintàlareprisedel’ensembledudossier.Orj’ail’impressionque,sil’A.s’engageperson-
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nellementlorsqu’ils’agitdequêterlesindicesquiluipermettentderetrouverdanslesrituelsdu
VIes.laplacedesdivinitésquisontimpliquéesdanslanaissanced’Érichthonios,elles’entientà
la doxa lorsqu’il s’agit des réalisations attribuées à Solon ou à Pisistrate. Plusieurs termes, ne
serait-cequeceluidedèmos,auraientdûrelever,mesemble-t-il,d’uneétudesémantique.
M.V.G.précisel’entréedesarecherche.Ils’agitd’étudierlaréorganisation,aucoursdu
VIes., de la tradition homérique sur la naissance autochtone du premier roi des Athéniens:
dans l’Odyssée, il s’agit d’Érechthée, un fils de la terre, protégé d’Athéna qui partage sa vaste
demeure; au cours du VIe s., Érechthée est évincé par un autre protégé d’Athéna – dont il
devientlepetit-filsdanslagénéalogieroyale–Érichthoniosqui,luiaussi,estnédelaterremais
aétéengendréparHéphaïstos.Ceremaniementdelatraditiondoitêtremisenrapport,ditelle,avecl’intégrationdelaterrelibéréeparSolondansunprocessusdedéveloppementdela
propriétépaysanne,derevalorisationdel’artisanat,surtoutàpartirdelatyranniedePisistrate,
et d’incorporation du dèmos dans la politeia. Cette extension de la citoyenneté, ajoute l’A.,
suppose,commelepenseIanMorris,untransfertdesvaleursquiétaientcellesdel’aristocratie
(ladétentiondelaterre,lacautiondesancêtres,lanoblessedelanaissance,laconduitehéroïqueàlaguerre)versledèmosetcettenouvelleidéologieenglobetoutlecorpsciviquepardelà
sesdeuxgrandsclivages,sapartitionfonctionnelle(Eupatrides,géomoresetdémiurges)etsa
partitioncensitaire(Pentacosiomédimnes,chevaliers,zeugitesetthètes)(p.9).C’estalorsque
M.V.G. élargit la problématique qu’elle vient d’annoncer (p.10): elle entend consacrer son
ouvrageàuneanalysedel’idéologiedudèmosenportantuneattentionspécialeàsesaspects
religieuxetculturels,sansrenoncerpourautantàcelledetoutlecorpscivique,uncorpsciviquequiinclutlesaristocrateset,cequiestpluscurieux,lesfemmes.Pourquoiceglissement?
Est-ce au nom de la formation d’une identité collective qui engloberait désormais tout le
groupesocial?Serait-ceune«commodité»pourincluredeuxchapitresquifontpreuved’une
certaineindépendancevis-à-visduthèmeannoncé?Surlessixchapitresdel’ouvrage,quatre
s’essayentàdémontrerquelaversiondumythedel’autochtonieenusagedanslacitédémocratique est en place dès le VIe s. Chap. I: Un nouvel ancêtre pour les Athéniens: Apollon
Patroos.Ionetlaparticipationdudèmosàlapoliteia.Chap.II:Gè,laTerred’Athènes,etles
Genésia :lapaysanneriedel’Attique.Chap.III:L’introductiond’Héphaïstosdansl’imaginaire
athénienetlapromotiondesartisans.Chap.IV:Lanaissanced’ÉrichthoniosetlesPanathénées: la création d’un mythe. Les deux derniers chapitres en revanche sont assez éloignés
d’unetellepréoccupation;lechap.V:AthénacontreAphrodite:lesfemmesetlacitoyenneté,
revisite les propositions d’un travail précédent; le chap. VI: Les dieux libérateurs: de Zeus
EleutheriosàDionysosEleuthereus,répondauxsuggestionsd’unarticledeK.A.Raaflaub.
Commel’indiquentlesintitulésdesquatrepremierschapitres,M.V.G.reproduit,del’unà
l’autre, le même modèle de démonstration. Les acteurs divins qui, au Ve-IVe s., interviennent
danslanaissanced’Érichthoniossontétudiésaucasparcas.
Héphaïstos~Gè~Athéna
Érichthonios
(Pandion)
Érechthée
Xouthos+Créuse+Apollon(Pythien)
Ion
L’A.commenceparrassembler,avecunepointilleuseérudition,touslesindicesquiattestentleurprésencedanslesrituelsdèslesgrandschangementsdu VIes.etlaissentdevinerdes
configurations susceptibles de préfigurer leurs rôles dans la naissance d’Érichthonios. L’état
des sources ne facilite pas toujours cette quête et le souci de tout prouver nuit parfois à la
démonstration.Unexemple(chap.I):leculted’ApollonPatroosestattesté(templedel’Agora
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dite de Solon) sous les Pisistratides et il serait en relation avec Delphes (p.16). Faut-il en
conclure pour autant qu’Apollon Patroos et Apollon Pythien ne font qu’un? Son culte se
substitue alors à celui de Zeus Patroos (p.15). Mais, en fait, le dieu est depuis longtemps
présent sur le territoire. À partir d’une unique occurrence – un fragment de Philochore –
M.V.G.secroitautoriséeàl’assimileràHélios(p.21).HonoréavecAthénaetPoséidon,cofondateursduterritoire,lorsdelafêtedesSkira,Héliosestunacropolitaindelonguedateet
aurait déjà une fonction ancestrale: uni à Gè kourotrophos il a engendré les Tritopatores.
Certes,l’interventionduPythiendanslagénéalogieroyale,reconnaîtM.V.G.,s’estglisséedans
uneversionplusancienne(p.23):lecoupleXouthos+Créuse,liésemble-t-ilàlaformation
duterritoireetàl’intégrationdelaTétrapole(Xouthos)danslesynécismeautourdel’Acropole
(Créuse), a précédé le couple Apollon Pythien + Créuse; Ion a certainement été fils de
Xouthos(Hérodote)avantd’êtreceluid’ApollonPythien(Euripide).Maiscelaneprouvepas
que la paternité d’Apollon soit une invention d’Euripide (p.25). Le culte du Pythien est en
effetattestédanslacavernedel’AcropoledèsleVIes.Ilsepeutdoncque,dèscetteépoque,le
mythe d’Ion ait croisé celui d’Apollon Pythien. D’un chapitre à l’autre, qu’il s’agisse de Gè,
d’Héphaïstos ou d’Érichthonios, M.V.G. suit le même modèle de démonstration. C’est ainsi
queGè,laterredel’Attiqueunifiée(p.54),estliéeàÉrechthéedèsleVIIes.ainsiquel’attestela
fêtedesGenesia,etassumedéjàunefonction«kourotrophique»:lafiguredeGèkourotrophos,
dont le culte est attesté à l’époque romaine sur l’Acropole, remonte à l’époque archaïque et
Kourotrophos, la déesse à nom d’épiclèse de l’Acropole, est sans doute la Terre elle-même
(p.57). Que Gè ait été kourotrophos dès l’origine, pourquoi pas? La plupart des divinités
féminines le sont! Mais il est un peu risqué, après la mise au point de St. Georgoudi, citée
commeréférence,devoirenellel’énigmatiqueKourotrophosdel’Acropole.
L’antériorité des divinités intervenant dans la naissance d’Érichthonios établie, M.V.G.
s’appliqueàdémontrerquelesfiguresquileursontattribuéessontenrapportaveclesgrands
changementsapportésparlapoliteiadeSolon.Iln’estpasquestiondemettreendoutel’importanceducontextepolitico-socialdanslanouvellesémantisationdecesreprésentations,maisles
sablessurlesquelsnousreconstituonslesrealiasontsimouvantsqueladémarcheestsouvent
réversible: si l’histoire peut servir à expliquer la fiction, la fiction permet bien souvent de
déchiffrerl’histoire.Unexempledesystématisationdifficile:lecasd’ApollonPatroos(p.3539).PourM.V.G.,Solonayantintégréledèmosdanslapoliteia,unancêtrefédérateurApollon
PatroossesubstitueàZeusPatroosliéauxEupatridesetunerestructurationducorpscivique
estplacéesoussonpatronage.Influencésparl’organisationdescitésdel’Ionie,lesAthéniens
remodèlent la partition tripartite de leur corps civique pour adopter le système des quatre
tribus dont les héros éponymes deviennent les fils de Ion. La filiation apollinienne de ce
dernierfaitdel’Attiquelaplusantiqueetlaplusprestigieuseterred’Ionieaumomentoùlacité
commenceàs’intéresseràcetterégion.Peut-être!Ilyaquelquesoccurrencespoursuggérer
unetelleinterprétation.Maisl’A.P.d’[Aristote],lasourcefondamentalesurcettequestion,vaà
l’encontre de cette hypothèse. Pour son auteur, la partition de la collectivité masculine en
groupes spatio-temporels héréditaires à vocation religieuse/civique/politique/militaire est, à
Athènes,uneconstante,depuislamiseenplacedelacitédesarchontes,aulendemaindela
disparition de la royauté, jusqu’à son époque, c’est-à-dire le dernier quart du IVe s. La cité,
affirme-t-il,n’aeuquedeuxdispositifs.Lepremier–4tribus/12phratries/48naucraries–est
bienantérieuràSolon.IlestfossiliséparClisthènequileréduitàdesfonctionscivico-religieusesetluisuperposeleseconddispositif,celuides10tribus.Touscesgroupessontdesgroupeshéréditairesquisedisentdanslelangagedelaparentémaisquinesontpasdesgroupesde
parenté:laparentéréelle,enlignesdirecteetcollatérale,estcirconscriteparl’anchisteia.Chaque
groupeseveutuneconfrériedescendantd’unancêtrecommun.L’ancestralité(pouremployer
letermedeM.V.G.)etsonpouvoirfusionnelnesontdoncuneinvention,nideladémocratie,
nideSolon.Cettestructurationdelacollectivitémasculineenpseudo-parentésestinhérente,
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enpaysgrec,àl’organisationencitéoùelleassurelepassagedessociétéslignagèresauxsociétéspolitiques.LamêmesourceattribueàIonlafondationdesquatretribus,dontcertainement
lapaternitédeleurséponymes.ÀquelmomentApollonPatroosapparaît-ildansledispositif?
Dès l’origine? Lorsque le corps civique a dû intégrer les nouveaux citoyens institués par
Solon?LaprésencedudieudèslemilieuduVIes.surl’agoraditedeSolon–lenouvelespace
derassemblementdu corps civique,lefuturmeson delapolis–, estcertainement en rapport
avec le fonctionnement des institutions qui, depuis Solon, intègrent tous les hommes libres.
Pourtenirecclesiaouhéliée,lesAthéniensserassemblenttribuspartribus,phratriesparphratries. Le culte d’Apollon Patroos assure dans la similitude la cohésion des tribus comme le
culteàZeusPhratriosetAthénaPhratriacelledesphratries.
Avecsesquatre«tiroirs»,leplanchoisiparM.V.G.n’estpassansprovoquerdesredites.
Ildécentresurtout,mesemble-t-il,ladémonstrationparrapportauthèmeannoncé:pourquoi
lefilsdelaterre,Érichthonios,a-t-ilprislaplacedufilsdelaterre,Érechthée?Cettequestion
réactive un débat sur la maternité de la terre qui a beaucoup divisé en son temps. Est-ce la
femmequiimitelaterre(J.-P.Vernant)?Est-celaterrequiimitelafemme(N.Loraux)?En
dépitdesapparences,cetéchangen’ariendeludique!Si,danslemythed’Érichthonios,laterre
imite la femme, elle n’a, d’après la doxa de l’époque sur la reproduction, aucun rôle dans la
procréationd’Érichthonios,ellen’estqu’unemèreporteuse.Héphaïstosestlegéniteur,laterre
seborneànourrirl’homonculequelespermedudieuadéposéenelle.Certes,c’estGèqui
tendl’enfantàAthénamaisc’estHéphaïstosqui,entantquepèregéniteur,ledonneenadoptionàladéesse.Cen’estpasunhasardsi,surlesimages,ledieuesttoujoursenretrait.Ils’effacepourquelepèresocial,enl’occurrenceAthéna,puissesouleverl’enfantposésurlesolet
enfairesonfils.N.L.constateque,danslemythed’Érichthonios,laterreévincelafemmede
la naissance du premier citoyen. L’argument est, je crois, réversible: parce qu’elle imite la
femme la terre est éliminée de la procréation du premier citoyen. Pour le dire autrement, la
terrenourritÉrichthoniosetsesdescendants,ellenelesengendrepas.Lapossessiond’unlot
delaterreciviqueneleurdonnepaslestatutdecitoyen,maisleurstatutdecitoyenleurassure
d’être nourri par la terre civique. C’est alors qu’apparaît en pleine lumière ce qui distingue
Érichthoniosd’Érechthée.Érechthéeestunfilsdelaterrequiapparemmentl’aenfantéseule.
Érechthéen’apasdepère:sonstatutdépenddesamère.Legroupededescendanced’Érechthéenecomprendquedesdétenteursdusol.Àmonavis,cen’estpasavecunhypothétique
processusdedéveloppementdelapetitepropriétépaysanneconsécutifàlaréformedeSolon
qu’ilfautmettreenrapportlepassaged’ÉrechthéeàÉrichthoniosmaisaveclerefusdeSolon
deprocéderàunnouveaupartagede«lagrasseterredelapatrie».Àpartirdumomentoù
l’archonteafondélacitoyennetésurlalibertéetnonsurladétentiond’unlotdelaterrecivique,laréorganisationdelatraditionhomériques’impose:lesAthéniensdoiventseraconteret
raconter aux autres Grecs que le premier citoyen n’avait pas été engendré par la terre, mais
seulementnourriparelle.Lafiguredugéniteurestessentielle.Pourquoiavoirdévolucerôleà
Héphaïstos? Parce qu’il est le dieu des artisans qui le célèbrent lors des Chalkeia et que
l’artisanat est en plein développement sous la tyrannie? Peut-être ! Mais, en pays grec, la
traditionreligieuseestpoésie.Ledieudelaflammejaillissanteentretient,jecrois,avecladéesse
àl’olivierdesrelationsqueseullepoèteinspirépouvait,danslelangagequiestlesien,faire
découvriràsonauditoire.
Quelleconclusiontirerd’aussilonguesremarques,sinonquel’ouvragedeM.V.G.,est,en
dépitd’uneconstructionparfoisunpeudéconcertante,unlivrequiprovoquelaréflexion.
ClaudineLeduc
(UniversitédeToulouse–LeMirail)
RevuedesLivres
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IphigéneiaLEVENTI,ChristinaMISTOPOULOU(éds),Ιερά και λατρείες της ∆ήµητρας
στον αρχαίο ελληνικό κόσµο. Πρακτικά Ε̟ιστηµονικού Συµ̟οσίου, Πανε̟ιστήµιο Θεσσαλίας,
Τµήµα Ιστορίας, Αρχαιολογίας και Κοινωνικής Ανθρω̟ολογίας, Βόλος, 4-5 Ιουνίου 2005,
Volos,2010.1vol.17×24cm,304p.ISBN:978-960-89078-6-7.
Ce volume reprend les actes d’un colloque tenu en 2005 à l’Université de Thessalie et
consacréauxsanctuairesetcultesdeDéméterdanslemondegrecantique.Cethèmeenapparence trèslarge est orienté, comme l’annoncent les deux éditrices,vers troisaxesprincipaux
(p.IX):(1)lesnouvellesdécouvertesconcernantlessanctuairesdeDéméter,(2)lesnouveaux
témoignages sur Éleusis et (3) la diffusion des cultes à mystères éleusiniens dans le reste du
mondegrec.L’ouvrage,quiviseàétablirundialogueentrelematérielnouvellementdécouvert
etlestémoignagesplusanciensetmieuxconnus(p.X),adopteparconséquentuneorientation
trèsarchéologique.
Les deux premières contributions examinent ou réexaminent certains témoignages liés à
Éleusis.K.Clinton(The Eleusinian Aparche in Practice: 329/8 B.C.)reconstitueendétaill’organisation et le déroulement de l’offrande des prémices aux deux déesses d’Éleusis dans l’année
329/8.Ilsefondepourcefairesurunexamenattentifdedeuxdocuments:l’inscriptiondes
comptes de l’année (IG II² 1672) et le décret bien connu sur les prémices (IG I³ 78), daté
d’environunsiècleauparavant,quiréglementel’organisationdelacollectedescéréales,ainsi
que l’offrande de sacrifices à diverses divinités et de dédicaces sur l’argent de la vente.
M.Tiverios(Ἀρτεµις, ∆ιόνυσος και ελευσινιακές θεότητες)étudieunesériedevasesattiques,pourla
plupartustensilesdeculteprovenantd’Éleusis,parmilesquelssetrouveunencensoiràfigures
noiresdatédu VIes.av.J.-C.,découvertdansleTélesterion,etfigurantuneprocessionmenée
parDionysos,suividetroisdéessesportantunetorche,Déméter,ArtémisetKorè.Ilreconnaît
dans ces images l’illustration d’une tradition d’origine égyptienne, relayée notamment par
Eschyle,selonlaquelleArtémisseraitlafilledeDéméteretdeDionysos.
Quelquesarticlesontpourthèmeladiffusionoul’influencedesmystèreséleusiniensdans
le monde grec. Ainsi, Chr. Mitsopoulou (Το ιερό της ∆ήµητρας στην Κύθνο και η µίσθωση του
ελευσινιακού τεµένους) présente le sanctuaire attribué à Déméter sur l’acropole de Kythnos, île
desCyclades,etendétaillelematérielvotif,parmilequellaprésencedevaseséleusiniens,dits
kernoiouplemochoai,estparticulièrementintéressante.Lapossessiond’untemenosàKythnospar
le sanctuaire éleusinien, attestée par l’épigraphie, témoigne des relations entre l’île et Éleusis.
I.Leventi(Η ελευσινιακή λατρεία στην ̟εριφέρεια του ελληνικού κόσµου: το αναθηµατικό ανάγλυφο α̟ό το
Παντικά̟αιο) propose une étude iconographique d’un reliefvotif,découvert en 1854à Panticapée(Kerch,Ukraine),datédelafindupremierquartduIVes.av.J.-C.,etfigurantunescène
rituelleàcaractèreinitiatique.Lerelief,quiseraitd’origineattique,représentelesdeuxdéesses
Déméter et Korè à gauche de la scène, vers lesquelles se dirigent, avec des torches dans les
mains, trois mortels,commel’indiquel’échelleréduiteselonlaquelleilssont figurés.Lepremier,unhommebarbu,interprétéparI.L.commeunofficielappartenantauculteéleusinien,
estsuividedeuxenfants,ungarçonetunefille,quel’A.assimileauxπαίδεςἐφ᾿ἑστίας.Une
figure identifiée à Héraclès, appuyé sur sa massue, ferme la procession à droite du relief.
L.Gawlinski (Andania: The Messenian Eleusis) reprend le dossier déjà beaucoup traité des
mystères d’Andanie, en vue d’établir des points de comparaison avec les mystères d’Éleusis
dansl’organisationetledéroulementdesrites,mêmesil’A.reconnaîtquelescaractéristiques
mises en évidence sont communesàbonnombrede cultes à mystères. L.G. metencore en
parallèle l’instrumentalisation des deux célébrations par les deux cités sous la responsabilité
desquelles elles étaient placées, respectivement Messène et Athènes, afin d’augmenter leur
prestige.
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Lesquatrecontributionssuivantesoffrentunparcoursdedifférentssanctuairesconsacrés
àDéméterdanslerestedumondegrec,etquiontétél’objetdefouillesrécentes.N.Bookidis
(The Sanctuary of Demeter and Kore at Corinth: A Review and an Update),résumeladescriptionde
l’agencementdusanctuairedeDéméteretKorèàCorinthe,etévoquequelquesdécouvertes
ayanteulieuaprèslapublicationdesfouillesen1997.L’équipeaprocédéàl’analysedesrestes
denourrituredécouvertsdanslessallesdebanquet,quinousinformentsurlanaturedesrepas
rituels et sur la période de l’année où ils prenaient place. La découverte en grand nombre
d’autresdecessallesposelaquestiondesavoirsiellesétaientattachéesauseulsanctuaireousi
elles servaient également pour la célébration des cultes environnants. M.Petropoulos (Η
λατρεία της ∆ήµητρας στην Αχαΐα) offre un parcours des cultes de Déméter en Achaïe, où la
déesseétaitnotammentqualifiéedePanachaia,cequimontresonimportancedanscetterégion.
À Antheia, près de Patras, un sanctuaire mis au jour récemment est identifié, d’après les
nombreux vases à boire (ποτήρια) qui y ont été retrouvés, comme ayant été consacré à
Déméter Potériophoros, dont le culte est mentionné par Athénée. A. Batziou Eustathiou
(Λατρείες ∆ήµητρας και Κόρης στη ∆ηµητριάδα)présentelesdonnéesarchéologiques,nouvelleset
anciennes, concernant le culte de Déméter et Korè à Démétrias en Thessalie. Après la
description du Thesmophorion, du matériel votif qui y a été retrouvé et le commentaire de
divinitésquipourraientavoirétéassociéesaucultedesdeuxdéesses,l’A.consacreuneétude
au sanctuaire de Pasikrata dans la nécropole sud de la cité et examine les hypothèses de
l’identification de cette épiclèse avec Perséphone ou Aphrodite. S. Pingliatoglou (Το ιερό της
∆ήµητρος στον ∆ίον)présentel’agencementdusanctuairedeDéméteràDionenMacédoineet
offreuncommentaireducultequiyétaitpratiqué.Surceculte,aucunesourceécritenenous
estparvenueetnotreconnaissancereposedoncexclusivementsurlesdonnéesarchéologiques.
L’A.notenotammentlaprésencedel’eauetlecaractèredoubledusanctuaire,quicomportait
deux temples, peut-être consacrés à Déméter et Korè. Enfin, P.Triantafyllidis (Κυλινδρικοί
ε̟ιτύµβιοι βωµοί µε διακόσµηση σταχυών και κωδιών µηκώνων α̟ό τα ∆ωδεκάνησα)étudieunesériede
quatreautelscylindriquesfunéraires,provenantduDodécanèse,ornésdedécorationsd’épisde
bléetdetêtesdepavots,etlesmetenrelationaveclecultedeDéméter.L’ouvrageaencore
l’avantagedeproposerdesindicestrèscomplets(locorum,topographique,destermesreligieux,
prosopographiqueetgénéral).
Malgrédesaxesderecherchesetdesobjectifsclairementdéfinisparleséditeurs,l’ouvrage
n’échappepastotalementàunecertainehétérogénéité,dueàl’ampleurducadregéographique
etthématique,etàl’absencedeconclusionsgénérales.Toutefois,laprésentationdenouvelles
donnéesarchéologiquesqu’iloffres’avérerabienutileauxlecteurss’intéressantdeprèsauculte
deDéméter.
StéphaniePaul
(F.R.S.-FNRS–UniversitédeLiège)
Amy C. SMITH, Sadie PICKUP (éds), Brill’s Companion to Aphrodite, Leiden/
Boston,Brill,2010.1vol.16,5×24,5cm,452p.ISBN:978-9004-18003-1.
Publier un ouvrage de synthèse sur la déesse Aphrodite est une tâche aussi ardue que
nécessairedansunchampderecherchesirichementarpentécesdernièresannées.Laproduction scientifique sur le sujet est vaste, mais parfois déroutante, au vu de l’écart creusé entre
deux tendances majeures de la recherche historique concernant la déesse. Jusqu’à la fin des
années1970,lamajoritédestravauxsurAphroditeseconcentraitsurl’originedeladéesseet
l’essentiel des débats tournait autour de la question de son identité indo-européenne1 ou
1D.D.BOEDEKER,Aphrodite’s
Entry into Greek Epic,Leiden,1974(Mnemosyne,suppl.32).
RevuedesLivres
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«orientale»1.L’ouvragedePaulFriedrichparuen19782,dufaitdelagrilledelecturecontroverséequ’iladopta3,représenteàbiendeségardsunpivotdansl’historiographied’Aphrodite.
Dépassantmaladroitementlaquestiondesorigines,Friedrichproposedanssonouvrageune
vision personnelle de la déesse comme icône de la sexualité et de la féminité, réinterprétant
Aphroditeselondescritèresanthropologiquestrèsmodernes.Partantdecetravail,lamajorité
des études aphroditéennes qui lui ont fait suite se sont attachées à inclure la déesse dans ce
cadrearchétypal,ou,aucontraire,onttentéderemettreenquestionunetellegrilledelectureà
vraidireréductrice,afindereplacerAphroditedanssesdifférentscontextes.
Unedesqualitésduprésenttravailestderefléter,danslecontenudel’ouvrage,ladiversité,
voireladivergencedesapprochesafindenourrirlarechercheetlaréflexionsurlesujet(p.26).
IssuduColloqueAphrodite Revealed : A Goddess Disclosed,quis’esttenuàl’UniversitédeReading
du8au10mai2008,leBrill’s Companion to Aphrodite regroupedegrandsnomsquifontfigure
d’autoritédansledomaine,cequigarantitlesérieuxdel’entreprise.Chacundesauteursrésume
l’essentieldestravauxqu’ilaconsacrésàAphrodite,cequireprésenteuneexcellenteentréeen
matière pour le néophyte, mais qui risque de décevoir l’habitué des lieux aphroditéens, qui
s’attendraitàdécouvrirdenouveauxhorizonsdanslepaysagedeladéesse.
L’ouvrageestdiviséen19chapitres:unedoubleintroductiond’abord,puisquatrethématiques,àsavoirl’identitéd’Aphrodite,sescompagnonsetleursrelations,ladiffusiondescultes
d’Aphrodite, ainsi que la réception de la déesse. Toutefois, les contributions ne suivent pas
l’organisationquiavaitprévalulorsdelarencontredeReading,quiprivilégiaituneapproche
disciplinaire. Ici, la volonté de présenter un travail aux méthodes plurielles, dépassant les
bornesgéographiquesettemporelles,légitimel’adoptiond’unplanthématique.Lerésultatse
présentecommeunensembleorganiqueethétérogène,lesdifférentescontributionssecitant
mutuellement, se faisant écho et se complétant ou s’opposant. Néanmoins, il arrive que le
lecteursetrouvedevantdespartiesdel’édificeoùladivergenced’interprétationsefaitdissonante,cequipeutdésorienter.
Cetteimpressionsefaitsentirdèsl’introductionquisediviseendeuxvolets.Lapremière
partie,rédigéeparV.Pirenne-Delforge,présentedemanièreconciselebilanhistoriographique
detrenteannéesderecherchessurAphroditerépartiesentroistendancesprincipales(p.6-7).
Lapremièreregroupelesétudesquiseconcentrentsurlescontextesrégionaux,ladeuxième
s’attacheàlafigured’Aphroditedansledomainepolitiqueetmilitaire,tandisquelatroisième
relance la question des origines de la déesse. Cette catégorisation historiographique permet
d’établir un constat des plus intéressants: à travers la fascination qu’elle exerce, les enjeux
anthropologiquesqu’ellesoulèveetlesdébatshistoriquesquiendécoulent,Aphrodite,entant
quepuissancedivine,représenteunexcellentlaboratoirepourexpérimenteretquestionnerle
champdupolythéismegrec.
Lelecteuraplusdemalàappréhenderlesecondvoletdel’introduction.Composéparles
éditrices duvolume, ilprésente ladémarchesous-jacenteà l’ouvrage et sembleseperdre en
questionnements auxquels les travaux de J.Rudhardt et de divers auteurs présents dans le
volumeontapportédesréponsesdepuislongtemps.Ainsi,ilestsurprenantdelirequelesdeux
généalogiesd’Aphroditerenvoientàdeuxfacettesdifférentesdeladéessequi,entantquetelle,
représenteuneforcenaturelleparessence(p.18).LacomparaisonentreAphroditeetIštarse
fondesurlasimpleprésenced’unefigurematernelledanslechantVdel’Iliadeetla6etablette
del’Épopée de Gilgameš(p.19).Parailleurs,lesoriginesorientalesdeladéessesontconfirmées
parsonabsencedanslessourcesenlinéaireB(p.20).Enoutre,malgrélesrécentespercées
1W.BURKERT,Greek
Religion. Archaic and Classic,Harvard,1985[1977].
Meaning of Aphrodite,Chicago,1978.
3Voirlecompte-rendudeNicoleLORAUX,JHS102(1982),p.261-263.
2P.FRIEDRICH,The
332
RevuedesLivres
dans la compréhension d’Aphrodite, les A. restent attachées à l’image traditionnelle de la
déessedel’amour,dusexeetdelafertilité,commel’attesteraientlesdécouvertesarchéologiquesd’époquearchaïqueàChypre(p.21).Ilestregrettablequecechapitreneseconcentrepas
surlesfacteursquiontcontribuéàforgernotrereprésentationmoderned’Aphroditecomme
déesseorientaledel’amour,cequiauraitpuintroduireladernièrepartiedel’ouvrageconsacré
àlaréceptiond’Aphrodite.Àl’inverse,cesecondvoletintroductiffaitpreuved’unevolontéde
conciliertoutessortesd’approchesméthodologiquesfigurantdanslelivre,laissantaulecteur
désorientélesoindeseforgersapropreopinion(p.26).
La première partie thématique du volume concernant l’identité d’Aphrodite comprend
quatrecontributionsdeV.L.Kenaan,J.Burbridge,St.BudinetG.Pirontiquitraitentrespectivementdelaconstructiondustatutdivinetféminind’Aphroditecommeundispositifd’apparences,desprocédésnarratifsquisetissentautourdulecteur,d’Aphroditeetd’Énéedansle
premier livre de l’Énéide, tandis que les deux derniers chapitres s’opposent, quant à eux, sur
l’interprétationducaractèreguerrierd’Aphrodite.V.L.K.adopteunelectureplatoniciennede
lanotiondebeautépourmontrerqu’Aphroditeestàl’intersectionentredivinetféminin,àla
fois theos et thea (p. 37). J.B., par une approche intertextuelle de l’œuvre de Virgile, souligne
certains mécanismes discursifs permettant au lecteur de s’identifier à Énée lorsque celui-ci
peine à reconnaître Aphrodite: c’est une figure à l’identité évanescente, une sorte d’actrice
énigmatiquequineselaissepointsaisirfacilement(p78).L’étudedesmotifslittéraireshomériquessous-jacentsàcetépisodedel’Énéidedévoiledesprocédésanalogues,notammentdans
l’Odyssée.Toutefois,lacomparaisonaveclechantVdel’Iliade,oùAphrodite,maternelle,sauve
sonfilsdelamort,faitdéfautàladémonstration.LeschapitresdeS.L.B.etdeG.P.quitraitent,enapparence,tousdeuxdel’aspectguerrierd’Aphrodite,sont,plusencore,l’illustration
de démarches méthodologiques antagonistes. Le premier auteur part d’un constat d’étonnementetposelesquestionssuivantes:commentpeut-oncomprendrel’undesaspectslesplus
déroutantsdelapersonnalitéd’Aphrodite,àsavoirsarelationavecledomainedelaguerre?
(p.79) Quand et comment cet aspect martial émerge-t-il? (p. 80) Pour y répondre, S.L.B.
présenteundossierdesourcestrèshétérogènequ’ellerépartitchronologiquement,puisgéographiquement. La conclusion de cet exposé est que l’aspect martial d’Aphrodite découle d’une
tendance moderne à placer sur un même plan diachronique des sources éparses provenant
d’époques différentes, qui seraient essentiellement d’influence spartiate ou romaine (p. 112).
Cependant,danscette«démonstration»,lepostulatdedépartprésentequelquesfaiblesses.Si
unaspectdelapersonnalitéd’Aphroditedérouteouprovoquel’étonnementchezlesmodernes,c’estparrapportàuneidéepréconçuedeladéesse.Or,toutaulongducorpusdesources,
S.L.B.nequestionnejamaisnin’évoquecettereprésentationmoderned’uneAphroditedéesse
de l’«amour». G.P., pour sa part, reprenant les éléments de sa récente monographie sur
Aphrodite, souligne la difficulté moderne d’appréhender la déesse dans toute sa complexité.
Loin de militer en faveur d’une Aphrodite «déesse de» la guerre ou de tout autre élément,
G.P.dénoncelatendanceàcloisonnerlesdieuxdupolythéismedansdescaractèresfigésqui
déformentlaréalitédescontextescultuels(p.113).Ainsi,ledomained’Aphroditereprésente
une sphère d’influence qu’il est impossible de résumer à travers ce type de classification
(p.118)etquisereconfigureaugrédescontextesetdessources.
Ledeuxièmevoletdel’ouvrageconsacréauxcompagnonsd’Aphroditeetàleursrelations
estcomposédedeuxchapitres,rédigésparA.TeffetelleretK.Jackson.Lapremières’attarde
surunecomparaisonentrelerécitd’Elkuniršaetd’Ašertudécouvertdanslacapitalehittiteet
l’histoired’Aphroditeetd’Arès,chantéeparDémodocosdansl’Odyssée.Letraitementphilologique et la présentation du récit sont très respectueux des conventions et des précautions à
prendre avec les textes cunéiformes, mais perdent de leur valeur lors de la mise en parallèle
RevuedesLivres
333
aveclerécithomérique,puisquecelle-cinedépassepaslesimpleconstatderessemblanceau
sujetdel’infidélitéetdel’humiliation,danslalignéedestravauxdeJ.Duchemin1.A.T.poursuit
sadémarcheeninvitantOvideetleRigVedaàlatabledelacomparaison,autourdesthèmes
delamétamorphoseetdel’usagecultueldel’huile(p.142).K.J.présenteàsontouruneétude
surlesdynamiquesdulienpère-filleentreZeusetAphroditedansl’Iliade etlesconséquences
qu’ellesinduisentdansl’instaurationdéfinitivedelasuprématieduroidesdieux.K.J.dévoile
une très intéressante dialectique entre Athéna et Aphrodite qui, aussi opposées soient-elles
danslesétudesquileursontconsacrées,partagentdesmodesopératoiresanaloguesetconcurrentsconcernantleurlienavecZeus.Toutefois,l’analysedeK.J.souffred’unécueilrécurrent
dans le champ des études aphroditéennes: la comparaison avec des sources «orientales»
décontextualisées. Elle soutient qu’Aphrodite dans l’Iliade est le dernier soubresaut de l’Ištar
guerrière.Àcettefin,ellesefondesurlesfiguresdestylecomparantAphroditeetIštaràun
chien.Cependant,letermegreckunamuia(Il.XXI,421)signifie«moucheàchien»ou«moucheimpudente»,etl’expressionsumérienneattribuéeàEnheduanna,sansêtrecitée,esttirée
deFriedrich1978,quireprendlui-mêmeunetraductiondeHalloetVanDijkde19682.Or,les
publications des textes suméro-akkadiens paraissent à un rythme plus soutenu que ceux de
l’Antiquitégréco-latineetladernièretraductionderéférenceprésenteunetouteautreversion
del’expressionur-gin7,quiestrenduepar«commeuncarnassier»3.Auregarddeceséléments,
cettecomparaisona-t-elleencorelieud’être?
Latroisièmepartiedel’ouvrages’attacheàladiffusiondescultesd’Aphroditeetregroupe
six contributions. A.Ulbrich, reprenant les grandes lignes de sa thèse, étudie les représentations d’Aphrodite à Chypre durant la période des cités-royaumes et dresse un bilan des
connaissancesdessanctuairesdel’îleetdeleursspécificitésauregarddespratiquescultuelles
observéesdanslemondegreccontinental.E.Palaproposeunchapitrestimulantausujetdu
culted’Aphroditesurl’Acropole,dontlerôle,encomparaisondeladéessepoliade,revêtune
importance équivalente dans l’espace cultuel athénien (p.209). E.P. rappelle les traditions
patrilinéairesquifontd’Égée,ThéséeetHippolytelesfondateursdessanctuairesàAphrodite
soulignant,àlasuitedeV.Pirenne-Delforge,larelationqu’entretientladéesseaveclasphère
civique à Athènes. Même si Aphrodite n’y portait pas l’épiclèse Polias, réservée à Athéna ou
Zeus,ellen’enrevêtaitpasmoinsunrôledepremierordredanslequotidiendesAthéniens,
représentant une puissance d’unification dans les sphères politiques et sociales (p.216).
Chr.PapadopoulouseconcentresurlelienunissantAphroditeetledomainemarinetjustifie
cetterelationparlepoidsdessourceslittérairesquivéhiculentcetypedereprésentation.Par
ailleurs, Ch.P. parvient à connecter les moments forts où l’Aphrodite marine apparaît dans
l’iconographieaveclessuccèsoulesdéfaitesdelaflotteathénienneauxVeetIVes.(p.232),ce
quirenforcel’idéequelasphèred’influenced’unepuissancedivinesereconfigureaugrédu
contextehistorique.A.Nagelrelativisequantàluil’importancedePausaniasdansl’histoiredes
cultesd’Aphrodite,enfocalisantsonétudesurlessitesoccidentauxdelaGrècecontinentale.
S.Montels’attacheauxdispositifsarchitecturauxdusanctuairedel’AphroditedeCnide,oùse
trouvaitlastatuedePraxitèleetdontilnerestequedestémoignagesécrits.S.M.discuteainsi,
source après source, les différentes configurations possibles du site disparu. Enfin, Jenny
WallensteindécritAphroditecommeunenjeudecommunicationmajeurentreGrecsetLatins
autempsdeladominationromainedelaGrèce,ainsiquelesstratégiesdévotionnellesquien
découlent.EllemontrequelaGuerredeTroie,commeélémentdemémoirecollective,représentait un outil d’interaction entre Rome et la Grèce, selon que les cités se revendiquaient
1J.DUCHEMIN,Mythes
grecs et sources orientales,Paris,1995.
Exaltation of Inanna.NewHaven,1968.
3 «wie ein Raubtier» dans A. ZGOLL, Der Rechstfall der En-hedu-Ana im Lied nin-me-šara, Münster, 1997
(AOAT,246),p.15.
2W.W.HALLOetJ.J.A.VANDIJK,The
334
RevuedesLivres
d’ascendancetroyenneounon(p.269).Partant,lerôled’Aphroditedansleconflithomérique
etlatraditionfaisantd’ellelamèred’Énéeet,parextension,celledesRomains,démontrela
fonctiondiplomatiquedesonculte,notammentsousl’épiclèsed’Aineias.
Laréceptiond’Aphroditeestlethèmequioccupelaquatrièmeetdernièrepartiedel’ouvrage.Onsortalorsclairementdudomainegrecclassiqueprivilégiéjusqu’alorspourexplorer
l’utilisation des modèles aphroditéens. R.Kousserpropose un aperçu desAphrodites augustéennes.Néanmoins,danssavolontédedémontrerlasingularitédesreprésentationsd’époque
impériale,R.K.négligededéfinirlescontoursdel’Aphroditegrecquequ’elleutilisepourtant
commecontrepointàsadémonstration.LeparadigmedeVénusàlalanceestainsiopposéaux
imagessensuelleshellénistiquesd’Aphrodite(p.291),cequiestclairementremisencausepar
les chapitres cinq et six du volume. Dans le même ordre d’idée, la conclusion déçoit par
l’emphase que R.K. met sur l’«allure» et la «puissance» de l’art classique, des catégories si
évidentes pour l’A. qu’elles ne nécessitent pas de définition, puisqu’à ses yeux les Anciens
vivaientuneexistenceplusexaltéeetplusattractive,entourésdecesfiguresdelamythologie
classique(p.306).Danslechapitresuivant,M.Carucciétudielerôled’Aphrodite/Vénusdans
le contexte des amphithéâtres romains d’Afrique. L’A. réfléchit sur la compatibilité entre les
représentationsdeladéessenueévoquantleplaisiretlabeautéaveclesspectaclesviolentsde
l’amphithéâtre(p.308).Unefoisencore,lecadreexigudeladéesseiréniquedel’amourforgé
pourAphroditenécessiteraitd’êtreremisencause,afindedégagerlapolyvalencedesonmode
d’action.M.C.proposenéanmoinsunefineanalyseanthropologiquedelamosaïquedeThuburboMaius,ensoulignantlevoyeurismefétichisteduregardmasculin,figuréparlesarmes
entourant la déesse. A.Papagiannaki se penche sur la permanence de la figure d’Aphrodite
dansl’Empirebyzantind’époqueclassiqueetmédiévale,malgrélachristianisationetlestémoignages de destruction de statues. A.P. montre qu’à Constantinople, les élites lettrées possédaientdescollectionsentièresd’œuvresd’artpaïennesetquecettesociétédeculturechrétienne
était néanmoins de paideia gréco-romaine (p. 326). Par ailleurs, l’iconographie d’Aphrodite
perdure sur des objets liés à des domaines très connotés, comme le mariage. L’étude de
D.Bellingham s’occupe de déconstruire habilement le tableau de Botticelli Mars et Vénus.
Étudiantlecontextedecompositiondel’œuvreàtravesunexposéaussistimulantqu’érudit,
D.B. dégage pas moins de cinq niveaux de lecture du couple présent sur la toile: Mars et
Vénus, Giuliano de Medici et Simonetta Vespucci,Alexandre et Roxane, le Christ et MarieMadeleine et Adam et Ève. La polysémie de l’œuvre de Botticelli devient alors un exercice
d’herméneutiquenéo-platonicienneconduisantàl’amourcosmique,détailrenforcéparlaprobable situation du tableau dans une chambre nuptiale (p. 373). A.Gruetzner Robins analyse
troispeinturesdeP.Bonnard,datantde1908,figurantunefemmesereflétantdansunmiroir
etadoptantuneposeinspiréedesculpturesgréco-romaines.Laréflexiondel’A.portesurl’idée
defragment,transposéedansl’imageparlecaractèreincompletducorpsféminin,placédans
une situation ordinaire et interprété comme une réaction de l’artiste face à l’exploitation
commercialedesexpressionssexuellesdeladéesse.
Pourconclure,leBrill’s Companion to Aphroditemanifestedanssastructurelelargeéventail
des approches d’Aphrodite. Il constitue un riche instantané de l’état actuel de la recherche.
Néanmoins, il ne parvient pas vraiment, par delà les dissonances méthodologiques entre les
contributions, à fournir un cadre d’ensemble cohérent. Dans l’enchevêtrement des mythes
historiographiquesquijalonnentlarecherchedanscedomaine,certainsontlapeauplusdure
qued’autres.M.Agulhon,s’intéressantàlafiguredeMarianne1,amisenévidenceleschoixqui
ont amené à ériger en figure féminine quasi-divine et complémentaire d’un roi-citoyen un
emblème qui désigne, par glissements sémantiques successifs, la Liberté, la République et la
1M.AGULHON,Marianne
au combat : l’imagerie et la symbolique républicaines de 1789 à 1880,Paris,1979.
RevuedesLivres
335
Francetoutcourt.Delamêmefaçon,lescontributionsduvolumeiciprésentéfontéchoaux
divers aspects de la personnalité d’Aphrodite, depuis ses premières mentions à l’époque
archaïquejusqu’àsaréceptiondansnossociétéscontemporaines.
Àcetégard,leprésentouvragereprésenteuntravailconsidérableetunoutilderecherche
depointe,dotéd’uneamplebibliographieetdetrèsutilesindexthématiquesetgéographiques,
qui s’ajoutent aux nombreuses références textuelles et iconographiques regroupées en fin de
volume.
IwoSlobodzianek
(UniversitédeToulouse–LeMirail)
Alexia PETSALIS-DIOMIDIS, Truly Beyond Wonders. Aelius Aristides and the Cult of
Asklepios,Oxford,OxfordUniversityPress,2010.1vol.19,5cm×25cm,315p.
(Oxford Studies in Ancient Culture and Representation).ISBN:978-0-19-956190-2.
LesDiscours sacrés (Hieroi Logoi) [DS]d’AeliusAristide,où l’orateurdécrit sa relationpassionnéeavecledieuguérisseurAsclépios,quidébuteendécembre144,sontdestextesdéconcertants à plus d’un titre. Ces discours, qui se présentent sous la forme d’un journal intime,
offrentunintérêtaumoinspourtroiscatégoriesdespécialistes.L’historiendelalittératurey
trouve un exemple significatif de récit autobiographique, l’historien des religions un témoignagedepremièremainsurlefonctionnementd’ungrandsanctuairedumondegrec,l’AsclépieiondePergame,lespsychologuesuneexpériencereligieusesingulièreetdesrécitsderêves
transcritsparle«rêveur»lui-mêmedontonpeuttireruneinterprétationpsychanalytique1.La
présenteétudeconcernerasurtout–maispasexclusivement–l’historiendelareligiongrecque,
puisquesonsujetestlesanctuaired’AsclépiosàPergameetl’expériencetrèsparticulièrequ’y
fitunpèlerind’exception,AeliusAristide.Onadmeteneffetquel’analysedesDSconstitueun
élémentimportantpourlacompréhensiondelareligionetdelaculturepropresaucourantde
la Seconde Sophistique, mais on ne s’accorde toujours pas sur le sens dans lequel doit aller
l’exégèsedecetextedéroutantquioccupeuneplaceàpartdansl’œuvred’Aristide.L’approche
adoptéeiciconsisteàexplorerlesdifficultésdutexted’AeliusAristideenlereplaçantdansle
contexte dans lequel il a vu le jour. Les DS sont en effet profondément enracinés dans les
préoccupationsculturellesdelaSecondeSophistique,dontlareligionconstitueunaspectfondamental. L’ouvrage remet en cause la distinction dichotomique, simpliste et absolue, élite/
peuple, que certains auteurs présentent comme caractéristique de la religion et la culture de
cetteépoque.Ilprendenconsidérationnonseulementlessourcesquel’onconsidèretraditionnellementcommeémanantdel’élite,maisaussilesgenrespopulaires,commelestextesparadoxographiquesetphysiognomoniques(notammentAntoniusPolémondeLaodicée[vers88144]),considérésdansl’Antiquitécommefaisantpartieintégrantedelacultureausenslargedu
terme, bien au-delà de l’intérêt populaire. La lecture des DS proposée ici met en relation le
corps,levoyageetlemiracle(thauma),troistraitscaractéristiquesdelaSecondeSophistique.
Unetelleinterprétationpermetaussid’établirunlienavecledébutduchristianismeetlaculturebyzantine,oùcestroisélémentssontsouventintimementliés,commeparexempledansle
récitdesmiraclesdelaprotomartyresainteThècle(Iers.–textedu Ves.)etdesaintArtémios
(IVes.–textedu VIes.)etdanslapratiquedeplusenplusfréquentedupèlerinage.Mêmes’il
convientdeseméfierdejugementsfondéssurdessimilitudessuperficiellesquinereflèteraient
paslanatureexactedesexpériencesdupeuple,onnepeutnierquelareligiongréco-romaineet
lechristianismesontdesphénomènescontemporains,du IIes.jusqu’au Ves.,etqu’ilssesont
développésdanslamêmepartiedumonde.Mêmes’ilyadesdifférencesdanslafaçondontle
1G.MICHENAUD,J.DIERKENS, Les rêves dans les ‚Discours Sacrés’ d’Aelius Aristide. IIe s. ap. J.-C. Essai d’analyse psychologique,Bruxelles,1972.
336
RevuedesLivres
miracle est conçu par le monde gréco-romain et par le christianisme, on n’enregistre pas de
divergencesfondamentalesdurantlespremierssièclesdenotreère.Malgrélesprogrèsréalisés
dans l’étude du pèlerinage dans le monde gréco-romain, ce phénomène dans la religion du
tempscontinuedenepasêtrereconnucommetel.Ceconceptestconsidérécommen’ajoutant
quepeudechoseànotreconnaissancedelapratiquereligieusedel’Antiquité.Onconsidèrede
surcroîtqu’ilestfausséparl’applicationdumodèlechrétien,plustardif.Loind’interpréterles
différents témoins séparément l’un de l’autre (textes, inscriptions, vestiges archéologiques),
cette étude lesa mis en relation envue dereconstituer l’expérience des pèlerins. Levoyage,
l’arrivée dans le sanctuaire, les activités à cet endroit et le chemin de retour sont considérés
commedifférentesétapesd’unprocessuscompletetd’uneexpériencereligieusetotale.
Le modèle du pèlerinage n’est toutefois pas indispensable pour comprendre l’expérience
d’AeliusAristide.Onpeutaussiprendrelepartideconsidérerlarelationd’Aristideetd’Asclépioscommeunehistoirerelativeaucorps,auvoyageetàlareligionquiapourcadrel’Orient
grecdurantl’Empireromain.Lestextesnesontpasutilisésdanslesenshistoriquetraditionnel
pour en extraire des détails topographiques et chronologiques. Leur rhétorique est analysée
avecl’intentiondedéfinirdesaspectsdelacultureetdelareligiondu IIes.L’ouvragetienten
outrecomptedesprogrèsréalisésdurantlesdernièresdécenniesdansledomainedel’histoire
del’art.Ilprendenconsidérationunlargeéventaildedocumentsfiguréstraditionnels,comme
l’architecture et la sculpture, mais aussi les monnaies et les inscriptions votives. Le livre
proposedoncunesorted’itinérairecirculaireverslesDSetl’AsclépieiondePergamepourles
interpréterdanslecontextecultureladéquat.Lesdeuxpremierschapitresneconcernentpas
directementlesDS,maisplacentledécor,enexplorantlanaturedesécritscontemporainsde
polémiquereligieuseetenanalysantlediscourssurlecorpsetlevoyage.Letroisièmechapitre
aquantàluidirectementtraitauxDS,tandisquelesdeuxderniersexaminentlesaspectsmatériels du pèlerinage d’Aristide, c’est-à-dire l’archéologie et l’épigraphie de l’Asclépieion de
Pergame.
Lechapitre1concernelapolémiquereligieuse.Ilyestquestiond’uncasd’espècequimontrelesdifficultésd’interprétationdessourceslittéraireseticonographiquesrelativesàlareligion
de cette époque: l’étude du culte du serpent miraculeux Glykon, le nouvel Asclépios, qui a
connuunegrandevoguedurantleIIes.,àAbonotichos,surlesbordsdelamerNoire,etdont
lesmonnaiestémoignentdelapopularité.D’aprèscetteanalyse,iln’estpaspossibledeprendre
pourargentcomptantcequeLucienécritdanssonopusculeintituléAlexandre ou le Faux Prophète
surlesévénementsquieurentlieuàAbonotichos.Ladichotomieélite/peuplequel’ontrouve
dans cet opuscule constitue un aspect de la polémique de Lucien plutôt qu’une réflexion
objectivesurlasituationsurleterrain.Lamiseencontextedel’Alexandreparmid’autresécrits
polémiques sur la religion et des témoignages matériels du culte à l’intérieur des traditions
iconographiquesd’Asclépiosmontrentqu’ils’agitfondamentalementd’uncultetraditionnelde
ce dieu et que l’histoire qui en ressort n’est pas un récit opposant la religion de l’élite et la
religion populaire, mais bien celui d’un pèlerinage religieux exégétique par opposition à un
pèlerinagecharismatique.
Lechapitre2examinelesdiscourssurlecorpsetlevoyagequipeuventserévélerêtredes
clés de lecture pour une meilleure compréhension des DS. La première section concerne le
corpsdanslaculturegréco-romaine.Ellemetl’accentsurlafaçondevoiretdelirelecorps,les
moyensquipermettentdelocaliserl’identitédanslecorpsetlafaçondontestprésentélecorps
dansdesrécitsautobiographiques.Ils’agitdedéterminerquelsensilfautdonneràl’expérience
delamaladieetaurôledecesprocessusdanslaconstructiondel’identité.Unesériedetextes
sontexaminés:lesromans,desdialoguesdePlutarqueainsiquedesécritsmédicauxetphysiognomoniques.Ladeuxièmepartieseconcentresurlestextesetlesimagesdupaysageetdu
voyageetexplorelesstructuresquileurserventdesoubassement.Unnombredethèmescom-
RevuedesLivres
337
munsémergentàlafoisdanslediscoursrelatifaucorpsetauvoyage,enparticulierlastructure
del’énumérationetdelamensuration,larhétoriquedelatechnè etsacombinaisonparadoxale
aveclaprésentationdel’auteur/praticienàlafaçond’untheios aneretdanslaconstructiondes
thaumata. Un aspect-clé des discours sur le corps et le voyage émerge dans leur rôle dans la
créationderécitsnarratifsetautobiographiques.Latroisièmesectiondecechapitrerevientsur
les DS en mettant l’accent sur la combinaison des thèmes du voyage, du corps et du récit
autobiographique.
Le chapitre 3 concerne plus directement les DS. Il présente l’idée que ce texte est une
façontrèssophistiquéedelierlecontactpersonneletcharismatiqueavecladivinité,enraciné
danslecorps,aveclesambitionstraditionnellesd’unmembredel’élite,commelaprogression
socialeetlessuccèsoratoires.Loind’êtreunécritpersonneldéconcertant,lesDSapparaissent
commeuntexteautobiographiquefermementenracinédanslescourantsculturelsduIIes.Son
originalité réside dans le fait qu’y sont réunis le corps, le voyage et les miracles dans une
présentationapologétiquefortedel’auteurcommeuntheios aner d’unnouveaustyle,unmodèle
quel’onretrouveradanslechristianismeprimitifetdanslaculturebyzantine.
Leschapitres4et5concernentlecontextematérieldanslequelsedéveloppelarelation
d’AristideavecAsclépios.L’AsclépieiondePergameavaitseulementcommerivauxlessanctuairesdumêmedieuàÉpidaureetàCos.ÀPergame,lesvestigesarchéologiquesetépigraphiquessonttrèsriches.Lechapitre4,diviséendeuxsections,offreunelecturedeladisposition
spatialedusanctuaire,lequelconnutunimportantprogrammedeconstructionsdurantleIIes.
Lapremièrepartieexplorelacultureetl’ambiancedusanctuairequirassemblaitdespersonnes
malades et guéries miraculeusement. Les témoignages comprennent des ensembles littéraires
danslegenreparadoxographique,desréférencesàdesrecueilsdemirabiliadatantdel’Empire
et des témoignages relatifs aux thaumata dans les temples. L’ensemble des sources analysées
danscettesections’opposeàl’idéedichotomiqueélite/peuple.Lasecondesectionconsisteen
unexamendétaillédesvestigesarchéologiquesdusanctuaireetenuneinterprétationduprogrammedeconstructionsdu IIes.L’AsclépieiondePergameestinterprétécommeunestructureauseindelaquellesedéploiel’expériencedelamaladieetdelaguérisonmiraculeuse.Le
chapitre5,quiconcernel’interprétationdel’espace,seconcentresurlespèlerins.Onytrouve
unexamendesrituelsdel’incubationd’aprèslalex sacraduIIes.(dontonaconservé36lignes,
oùilestprécisémentquestiondesritesdel’incubation)1etuneanalysedesoffrandesvotives
pourvuesdemotifssculptésetd’inscriptions.L’interprétationdelalex sacra,miseenrelation
avecl’architecturedusanctuaire,reposesurdesétudesanthropologiquesconsacréesaupèlerinage. Les dédicaces votives sont ensuite analysées comme des récits autobiographiques du
contactpersonneldupèlerinavecledivin,enfaisantunusagedesanalysesdesdiscourssurle
corpsetlevoyagedéveloppéesdansleschapitresdeuxettrois.L’accentestplacésurlafaçon
dontlecorpsdupèleringuérimiraculeusementestévoquédansletexteetl’image,surl’effetde
lamanifestationcommunedesoffrantesvotivesàl’intérieurdusanctuaireetsurl’expérience
dupèlerinquileslit.Toutcechapitrecomporteunexamendelatensionentrelerôleetl’identitédugroupedepèlerinsvucommeuntoutetceuxdel’individuàlarecherched’unerencontre
personnelleetd’uneguérisonmiraculeuse.
L’étudeestoriginaleàplusd’untitre.Sacaractéristiquemajeureestcertainementqu’elleest
pluridisciplinaireetqu’elleexaminetouslestémoignagesrelatifsauxpèlerinagesàPergameau
IIes.enlesmettantenrelationlesunsaveclesautres:texteslittéraires,inscriptions,monnaies,
sculptures,vestigesarchéologiques.Onsalueraceteffortvisantàdécloisonnerdesdisciplines
quisontgénéralementséparées,enparticulierlaphilologieetl’archéologie.Maiscen’estpas
1M.WÖRRLE,«DieLex SacravonderHallenstrasse(Inv.1965,20)»,inChr.HABICHT,Altertümer von
Pergamon VIII/3(Die Inschriften des Asklepieions),Berlin,1969,p.167-190.
338
RevuedesLivres
tout.Lestextessurlareligionontétégénéralementétudiésdefaçonunpeusimplistesanstenir
assezcomptedeleurnaturenormativeetducontextehautementpolémiquedanslequelilsont
étéécrits.LaprésentationquefontunPlutarqueouunPausaniasdelareligiondel’éliteetla
caricature de la religion populaire d’un Lucien ont été acceptées comme deux faces d’une
mêmepiècedemonnaie.LesDSnepeuventrentrerdanscemoule,carilssontlerefletàla
foisdelareligiondel’éliteetdefaitsappartenantàlareligionpopulaire.Onaeutendanceà
considérer ce texte comme une aberration auseindel’œuvre d’AeliusAristide. Ce n’est pas
exagérédedirequ’AeliusAristideestsouventvucommeunilluminé.Enconfrontantlesdifférents types de sources, la présente analyse propose une nouvelle façon de comprendre la
religion du IIe s. et montre que le texte d’Aristide, loin d’être un intrus dans ce contexte,
s’adapteparfaitementauxmouvementsreligieuxetculturelsdesonépoque.Unefoisacceptéle
faitqueletexted’Aristides’insèredansdescourantsreligieuxetculturelspluslarges,lesDS
plaident de façon éloquente contre une dichotomie simpliste et absolue entre la religion de
l’éliteetlacroyancepopulaire.CetteréhabilitationdesDS,troplongtempsconsidéréscomme
destextesmarginaux,ouvredenouvellesvoiespouruneanalyserenouveléedecetextefascinant.Enparticulier,larelationdesDSaveclerestedel’œuvred’Aristideaététroppeuexplorée. Dans l’autre sens, les vestiges matériels du sanctuaire de Pergame bénéficient eux aussi
d’unnouveléclairagegrâceàunelectureréorientéedutexted’Aristide.LesDSsuggèrentune
viereligieusetrèsricheàl’intérieurdusanctuaireet,enmêmetemps,unhautdegrédeliberté
etd’improvisationendépitdesrèglesprécisesdonnéesparlalex sacra.
Lepèlerinagethérapeutique,loind’êtreuneactivitémarginale,constitueunphénomènede
grandeampleurdanslaculturegréco-romaine.Cetteimportanceestprouvéenonseulement
parlerécitd’unpèlerincommeAeliusAristide,maisaussiparlesdépensesconsentiesparla
citépourreconstruirelesanctuaired’AsclépiosàPergame.Silepèlerinageestunaspectimportantdelaviereligieuse,lareligionestunecomposanteessentielledelaSecondeSophistiqueet
unélémentquipermetdedéfinirl’identitégrecquedanslamesureoùlanatureprofondeet
personnelledel’expériencereligieuseconstitueunaspectsignificatifdel’identité.LesDS ont
doncétéenvisagéspourcequ’ilspeuventrévélersurlaplacecentraleoccupéeparlareligion
danslemilieucultureletsocialdelaSecondeSophistique.
Lafigured’AeliusAristideetlesanctuaired’AsclépiosàPergameontpermisuneétudede
faitspluslargesconcernantlareligionetlaculture.L’examend’élémentstelsquel’expérience
religieuse,lecorps,lamaladieetlevoyagedanslecadredelaculturedelaSecondeSophistique
a montré combien les faits antiques sont différents des phénomènes contemporains. On
pourra peut-être regretter que l’approche proprement philologique du texte des DS soit
absente.Ilyacertainementbeaucoupàdécouvrirparl’étudeduvocabulairedel’expérience
religieusepersonnelleemployéparAeliusAristide,comparéàceluid’autresauteurs.Quoiqu’il
ensoit,ils’agitd’untravaildequalitéquicontribueàrevoirl’imagereligieusedu IIes.,défini
tantôt comme un «âge de foi», un «temps d’anxiété», une «époque d’irrationalisme»1.
L’ouvrage,quiestrichementillustré(1carte,83illustrationsdansletexteet4plancheshors
texteencouleur),estdotéd’unebibliographiefortcomplète2,d’unindexdesnotionsetdes
nomspropresetd’unindex locorum.
BrunoRochette
(UniversitédeLiège)
1R.LANE FOX,Païens et chrétiens. La religion et la vie religieuse dans l’Empire romain de la mort de Commode au
Concile de Nicée.Traduitdel’anglaisparR.Alimi,M.MontabrutetE.Pailler,Toulouse,1997,p.69-72.
2 On peut ajouter W.V. HARRIS, B. HOLMES (éds), Aelius Aristide between Greece, Rome and the Gods,
Leiden/Boston,2008.
RevuedesLivres
339
CALAME Claude,Prométhée généticien. Profits techniques et usages de métaphores,Paris,
LesBellesLettres;EncreMarine,2010.1vol.11,5×17cm,204p.(Collection
« À présent »).ISBN:978-2-35088-022-8.
S’il est des études susceptibles d’embarrasser les détracteurs de nos disciplines, selon
lesquels nos champs d’investigation n’ont aucune «utilité» pour comprendre et analyser le
mondecontemporain,celle-cienfaitpartie.Danscetouvrageoriginaletd’unegrandeacuité,
qualifié d’«essai» (p. 13), C.C. se fonde sur une interprétation sémiotique des textes grecs
ancienspourétudierdifférentesquestionsépistémologiquesrelativesàlagénétiquemoderne.
L’A.entendappréhenderlemythedeProméthée,pointd’ancragedesonanalyse,nonseulement à travers sa version «canonique» tel qu’il se décline dans la Théogonie d’Hésiode, mais
surtoutdanslaversionplus«sophistique»présentéedansleProméthée enchaînéd’Eschyle.Cette
perspective vise à proposer une lecture de la tragédie eschyléenne non pas dans une vision
progressiste, qui insiste sur le fait que Prométhée a conduit les hommes de l’ignorance à la
connaissance, mais dans une dimension sémiotique et interprétative, pour mieux saisir les
enjeuxquisous-tendentladémarcheprométhéennedetransmissiondesartsettechniquesaux
humains.Cetterelecturesedoubled’unecomparaisoncritiqueaveclechampdelagénétique
«danslestermesdelaneurobiologietrèsnaïveetfrusted’unpraticiendesscienceshumaines»
(p.85).C.C.parteneffetdel’hypothèsequelestechniquesoffertesparProméthéeàl’homme
démunisontcomparablesàl’espoirquidécouledugéniegénétiqueentermesdeprogrès.La
pierreangulairedecettecomparaisonestlanotiond’«anthropopoiésis»,àsavoirlafabrication
del’hommeparlui-même,eninteractionavecsonenvironnementetsespairs.Enoutre,cette
comparaison doit permettre une remise en question des métaphores généralement utilisées
pourqualifieretappréhenderlagénétique.
S’ilestvraiquelaréflexiondeC.C.s’articuleentroisétapes,àsavoirlesartsprométhéensde
déchiffrementdessignes,laconstructionculturelledel’hommeparlui-mêmeetlasémiotique
du génie génétique contemporain – l’A. qualifie lui-même son essai de «triptyque» (p.21) –
l’ouvrageestenréalitécomposédecinqchapitres:«LestékhnaideProméthéeetlacondition
humaine», «Inachèvement de l’homme et procédures d’anthropopoiésis», «Anthropopoiésis
par le génie génétique: déterminismes en question», «Aléatoire herméneutique et utilité
sociale»et«Renaissancedesscienceshumaines».Jereprendsicilesprincipaleslignesdeforce
del’exposé.
LestechniquesoffertesparProméthéeconstituentavanttoutunsavoir-faired’ordreinterprétatif,puisquelesmekhanémata,sophismataetophelémata(termesutilisésparEschyleetrepris
parl’A.)qu’aoffertsProméthéeàtraverssonacted’hybrissontdestinésàpermettreàtousles
hommes sans exception de jouir d’une plus grande autonomie matérielle en exploitant les
capacitéssensoriellesqu’ilsn’étaientguèreenmesured’utiliserjusqu’alors,afindecommuniqueraveclesdieuxetavecleurspairs.Parailleurs,unecomparaisonentrelecélèbrepassagedu
Protagoras de Platon sur la création de l’espèce humaine, où les arts pratiques prométhéens
s’inscriventdansl’ordredelajusticepolitiqueaccordéeparZeus,etl’AntigonedeSophocle,où
sontabordéesleslimitesassignéesauxhommesparlesdieux,permetdesouleverlaquestion
del’innéetdel’acquisdanslanaturehumaine,laquelleconstitueundesfilsconducteursde
l’ensembledel’ouvrage.Danstouslescas,ledestinauquelsontsoumistouslesacteurs,tant
divinsqu’humains,joueunrôleprimordialetempêchedevoirProméthéecommeunphilosophe libre de ses mouvements, ce que suggère, à tort, la lecture teintée d’idéologie nazie
d’Heidegger.
Tant la pensée grecque classique que le romantisme allemand (C.C. prend l’exemple de
Herder)insistentsurlefaitquelesqualitésinnéesdel’hommepeuventêtredéveloppéespar
sonintelligence,àunedifférenceprès:iln’yaguère,selonleromantismeallemand,deZeus
tout-puissantetdedestinauxquelsl’hommeestassujetti,maisplutôtunenatureuniquecréée
340
RevuedesLivres
parundieuunique.L’homme,parnatureinachevé,peuttoutefoisdépasseretcompenserson
incomplétude.C.C.s’intéresseauxapportsdelaneurologiesurlaquestion,quiontmontréla
plasticitédenosfacultéscérébralesfaceàcequel’onpeutappelerla«culture»,enopposition
àlanature.End’autrestermes,lecerveauhumainestconstammentfaçonnéparl’environnementauquelilestsoumis.Àcetteplasticiténeurologiques’ajouteuneplasticitécorporelle,sur
laquellel’hommepeutjouerpoursedéfinir,commel’attestentlesactespratiquésdansdifférentescultures(régimealimentaire,usagesdelavoix,ornementsesthétiques,etc.).Endéfinitive,cette«auto-fabrication»,qu’elles’opèreparlebiaisdestechniquesinterprétativesoffertes
par Prométhée ou de tout autre méthode, ne doit pas être conçue comme un moyen de
combler une lacune, un inachèvement, mais bien comme une construction positive de l’être
humain. C.C. pose alors la question de savoir si les importants moyens financiers dévolus à
l’ingénieriegénétiquepoursuiventunprojetcivilisateuràl’instardestékhnaideProméthée.S’il
estvraique,indéniablement,lagénétiquepermetdesprogrèsdansledomainethérapeutique,la
frontièreentretraitementpositif,oùl’on«soigne»l’humainpourlefairecorrespondreàun
idéal,etnégatif,oùl’onchercheàéviterleshandicaps,estrelativementporeuse.Desurcroît
cestraitementssontl’apanagedesplusnantis.
LacritiquedeC.C.porteégalementsurlesprincipesépistémologiquesimpliquésparcertaines métaphores couramment utilisées, principalement celle de «déterminisme biologique»
etde«programmegénétique».Lamanipulationgénétiquenesuitpasunsimpleprincipede
causeàeffet,telqu’ilaétédéfenduparCricketWatson,maiss’opèreeninteractionavectoute
une série de facteurs, impliquant une certaine marge d’incertitude et d’aléatoire. Tout aussi
trompeurestleconceptde«patrimoinegénétique».Lemodèledu«code»àdéchiffreretà
reproduireestégalementinexact,àtelpointqueclonerunêtrevivantàl’identiquerelèvedu
purfantasmedel’êtrehumainaspirantàl’immortalitéets’avèreimpossibleenpratique.Dans
laréalité,ils’agitdavantagedeclonagethérapeutique,oùl’onproduitdescellulessouches,que
declonagereproductif.
C.C.insisteégalementsurlagrandepartd’aléatoiredanslesprocessusgénétiques.Dèslors
surgitcettequestion:sil’hommepeutsesubstitueràZeusouàProméthée,peut-il,endéfinitive,sesubstituerauhasard–donnéerarementpriseencompteparlesbiologistes?L’hybrisde
l’hommeestenréalitédouble,puisque,enplusderefuserdereconnaîtresonincapacitéfaceau
hasard,ilappliquedestechnologiesimplicitementfondéessurdeserreurstellesqu’unclivage
artificielentreinnéetacquis,natureetculture,etc.
Derrièrecettecomparaisoncritique,onvoitapparaître,régulièrement,lesprisesdepositiondeC.C.contrelenéolibéralisme.Toutenégratignantaupassageplusieursacteurspolitiques,économiquesouscientifiques,C.C.évitetoutefoishabilementdetomberdanslepiègede
lacritiquepurementnégativeduclonage.Ildénonced’ailleurslacritiquetropsouventfaiteàla
génétique,etlargementliéeànotrehéritagejudéo-chrétien,selonlaquelleilfautcondamnerla
volontédel’hommedejoueràDieu.LaprincipalecritiquedeC.C.àl’encontredesmanipulations génétiques porte sur la logique du pur profit, héritée de l’économie néolibérale et
capitalisée,quiguidelesrecherchesgénétiquessansporterd’intérêtauxavantagessociaux.En
définitive,l’exempledeProméthéenousmontrequ’ilfaudraitconsidérerl’ingénieriegénétique
commeunartpratiqueetinterprétatifetnoncommetechnologiesourcedeprofitsfinanciers.
Ilnefautnéanmoinspascontrasterexagérémentl’imaged’unProméthéeoffrantdesressources pour le bien de l’humanité entière et la technologie génétique contemporaine négligeant
l’homme:lerespectdeladignitéhumainetelqu’ellesedéclinedanslaDéclaration Universelle des
Droits de l’Homme, dans laquelle les droits de l’individu l’emportent sur le seul intérêt de la
scienceoudelasociété,peutcertess’opposerauxcritèresdel’économienéolibérale,maiselle
ne correspond pas pour autant à la conception de l’humain telle qu’elle ressort du texte
d’Eschyle,danslequelc’estlasociété,nonl’individu,quiprime.
RevuedesLivres
341
Il ne m’appartient pas de juger les connaissances de C.C. en termes de neurologie et de
génétique, mais force est de constater que l’aisance et la précision dont il fait preuve en ces
domaines sont remarquables. De surcroît, dans la mesure où il est question avant tout de
principes épistémologiques, le propos ne porte généralement pas sur des questions techniques
qui seraient inaccessibles aux non initiés. D’autre part, le but de cet ouvrage, comme tout essai,
est de stimuler le débat, sans viser l’exhaustivité, et c’est dans cette optique qu’il doit être lu. Le
lecteur ne manquera donc pas de soulever des questions par lui-même. Par exemple, la critique
globale de la subordination de la génétique au profit financier permet difficilement de se faire
une idée précise des conditions de travail des scientifiques dans le domaine de la recherche
universitaire. Il reste donc à voir la portée que cette réflexion aura, d’un point de vue pragmatique, sur les chercheurs en génétique eux-mêmes. De plus, le parallèle entre les apports
prométhéens et la génétique est tout à fait fondé, à cette divergence près : le récit concernant
Prométhée s’opérant « après coup », les techniques qu’il a transmises sont jugées indispensables
à l’homme – qui ne conçoit pas, par exemple, de vivre sans feu. Le cas de la génétique pose un
problème différent, puisque nous ne savons pas encore jusqu’où cette technique va nous
mener. Mais sans doute est-ce justement cette différence qui est intéressante. C.C. ouvre la voie
à un débat que l’avenir et les incessants progrès technologiques rendront peut-être encore plus
inévitable, tout en utilisant des outils inattendus mais néanmoins pertinents : les textes grecs
anciens.
AurianDelliPizzi
(F.R.S.-FNRS–UniversitédeLiège)
Giovanni TOSETTI, Unioni divino-umane. Un percorso storico-religioso nel mito greco
arcaico, Cosenza, Edizioni Lionello Giordano, 2008. 1 vol. 14,5 × 20,5 cm,
vii+515p.(HIERÁ. Collana di studi storico-religiosi,10).ISBN:978-88-86919-26-3.
Cetouvrageestissud’unethèsedeDoctoratenHistoirereligieusequel’A.asoutenueà
l’UniversitédeMessina(Italie)en2003etreprésenteuneimportanteétaped’unparcoursde
recherchequel’A.apoursuiviaussiparlasuite1.CommeConcettaScibonaGiuffrélesignale
danslapréface,l’A.estl’«estremapropagginedellascuoladiU.Bianchi»,dontl’héritageest
bienprésentdanslaperspectivescientifiqueadoptéedanscelivre.L’originalitédeladémarche
consiste,quantàelle,danslatentativedemettreenregardcethéritageaveclesinterprétations
du«mythe»etdespratiquesdiscursivesdesGrecsquiontétéoffertescesdernièresdécennies
par, et dans le sillage de, Marcel Detienne et Claude Calame. Le cadre méthodologique est
précisédansl’introduction:parl’analysedesrécitsd’époquearchaïquequithématisentlafinde
l’âgehéroïqueet,avecelle,delaracedesdemi-dieux,l’A.seproposedevérifierl’existence,en
Grèce ancienne, d’un patrimoine de récits qui pourraient à bon droit être définis comme
«mythes».Afindedémontrerlapertinencedelacatégoriede«mythe»,deplusenplusremise
en question aussi par les hellénistes, l’A. se propose d’identifier dans les sources littéraires
analyséesunesériedetraditionsirréductiblesauxcirconstancesénonciativesparticulières.Le
noyauthématiquestabledecestraditionsvéhiculeraitlavisionquelesGrecsd’époquearchaïqueavaientdéveloppéed’uneépoquerévolue,l’âgehéroïque,caractériséeparunetemporalité
spécifiqueetparl’intimitédesrelationsentrelesdieuxetleshommes.Le«mythe»dontl’A.
suitlestracesestplusparticulièrementceluiquiconcerneàlafoislanaissancedesdemi-dieux,
descendantsdirects(maisaussiindirects)desunionsentreimmortelsetmortels,etleurdisparition,programméeparlesdieux,àlasuitedesguerresdeThèbesetdeTroie.Toutaulongdela
démonstration,lemot«mythe»estsystématiquementremplacépar«letempsraconté»,dont
1Cf.G.TOSETTI,«Ladernièregénérationhéroïque:unparcourshistorico-religieuxetsémio-narratif,
d’Hésiodeaups-Apollodore»,Kernos19(2006),p.113-130.
342
RevuedesLivres
l’A.peutainsiévaluerlesinteractionsdiversesavec«letempsdelanarration»oùsesituentles
performances des aèdes. La matière est répartie en douze chapitres, dont les premiers sont
consacrésauxprincipauxrécitsquimettentenscènelesunionsdivino-humainesetledestin
des fils nés de ces relations asymétriques. Les chapitres suivants reviennent sur des aspects
ponctuelsliésàcethème:laterminologieemployée,àpartirduqualificatifhemitheos,oubienle
statut du héros en tant qu’objet de mémoire, dans les récits comme dans le culte. Dans les
derniers chapitres, l’A. analyse les sources qui structurent en catalogues les unions divinohumaines et souligne la fonction fondatrice à la fois des demi-dieux et des récits qui en
glorifientleshautsfaits.Deuxconclusions(dontl’unespécifiquementconsacréeàconfirmerla
pertinencedelacatégoriede«mythe»),unerichebibliographieettroisprécieuxindexcomplètentcetouvrage,quisesignaleparlasolideéruditionquel’A.mobilisedanssesanalysesetpar
lechoixàcontre-courantderetrouverlecontinentperdudu«mythe»grec.
Malgrélaprésentationquelquepeu«académique»,ponctuéeparunapparatdenotesdebas
de page parfois disproportionné (la p. 166 en est un exemple flagrant) et par de nombreuses
répétitions,lelecteurpourrasuivreaisémentl’effortargumentatifdel’A.,portéparlavolontéde
mettre de l’ordre dans une matière narrative foisonnante. Les œuvres exceptionnelles accompliesparlagénérationdeshérosdans«letempsraconté»sontintrinsèquementliées,selonl’A.,
àlapartdivinedontilshéritent,danslamesureoùlaplupart,sinonlatotalité,desacteursde
cettegénérationserattacheraitàunancêtreimmortel.Unegrandeattentionestréservéeaux
destinsd’Achilleetd’Énée,nésl’uncommel’autredel’uniond’unedéesseimmortelleetd’un
homme mortel; leur généalogie est d’autant plus emblématique que ces deux héros non
seulementontétéengendréschacunparunemèredivine,respectivementlesdéessesThétiset
Aphrodite,maisquetousdeuxappartiennentparleurspères,PéléeetAnchise,àdeslignages
quiremontentendernièreinstanceàZeusenpersonne.LesunionsdeZeusavecdesfemmes
mortellesconstituenteneffetunvoletfondamentaldel’enquête:àcepropos,l’A.soulignele
fort impact généalogique des entreprises amoureuses du dieu souverain, montrant comment
les poètes archaïques, par le recours à la structure en catalogues, ont eux-mêmes thématisé
l’ensembledecesrencontresetmisenvaleurladescendancequienestissue.Parmileshéros
engendrésparZeus,uneplacedechoixestréservéeàHéraclès,dontl’A.suitl’histoireexceptionnelleàpartirdesrécitsd’époquearchaïquejusqu’àlatragédiequeluiaconsacréeEuripide:
sescélèbrestravauxsontreplacéssurl’arrière-pland’ununiversencorechaotiquequ’Héraclès
contribueàdéfiniretàstabiliser;lapuissancedefondation,quiestreconnueparl’A.comme
untraitprimordialdelafiguredeshemitheoietd’Héraclèsplusparticulièrement,auraitsasource
danslanatureenpartiedivinequicaractériselagénérationhéroïque.Lestatutexceptionnelde
cesêtressuspendusentrel’Olympedesdieuxetlaterredeshommesainsiqueleurdisparition
légitimeraientlerecoursàlanotionde«mythe».Selonl’A.cetteconclusions’imposeraitdans
lamesureoù,d’unepart,le«tempsraconté»mobiliseunetemporalité«autre»,caractérisée
par une relation «autrement» intime avec la sphère supra-humaine, et d’autre part, que ce
tempsrévoluunefoispourtoutesfondelehicetnuncdu«tempsdelanarration».
L’A. signale à maintes reprises l’aspect problématique qui est inhérent aux unions entre
immortelsetmortels,tellesqu’ellessontracontéesparlessourcesd’époquearchaïque:lebonheurperpétueldesdieuxOlympienssetrouveraitmenacéparlaproximitéexcessiveavecles
êtreshumains,puisquelespremierssouffrentàcausedeladestinéemortelledesenfantsissus
deleurmélangeaveclesseconds.Lesdéesses,parexemple,ressententcommeunehumiliation
lefaitdepartagerlelitdesmortelsetdeleurdonnerdesenfants,toutenrévélantparlasuite
une sollicitude maternelle envers ces derniers: c’est le cas d’Aphrodite qui, dans le principal
hymne ps.-homérique en son honneur, subit comme une punition l’union avec Anchise et
l’engendrementd’Énée;c’estégalementlecasdeThétispousséeparlesdieuxcontresavolonté
àdevenirlafemmelégitimed’unmorteletlamèred’Achille.LetristesortdeTithonos,enlevé
parladéesseÉosquiobtientpoursonamantl’immortalitémaispaslajeunesseéternelle,atteste
RevuedesLivres
343
l’incompatibilitéprofondeentrenaturedivineetnaturehumaine.Àl’asymétriedecesunions
dans le «temps raconté» correspond en effet dans le «temps de la narration» un équilibre
fondésurladistanceinfranchissableentrelesdieuxetleshommes.Le«tempsraconté»apparaîtdonccommetéléologiquementorienté,danslaperspectivedel’A.,versladisparitiondela
générationhéroïque,suivantunaxequiconduitd’unmondeoùlesdieuxseraientencoretrop
prochesdeshommesàunmondequisedéfinitets’inaugureparlaséparationdéfinitivedeces
deuxsphères.«Dumytheàl’histoire»,aurait-onditautrefois.
L’A.reconnaîtque«illimitetral’epocadeglieventienunciatiequelladell’enunciazione»
(p.121)estperméable,etquec’estbiendanscetteépoquerévolue,quiestaussiuneépoquede
«fondation»,queleshommesdu«tempsdelanarration»cherchentleursracinesetl’origine
deleurspratiques.Toutefois,dansl’effortderetrouverle«mythe»enledégageantdelamultiplicité de ses contextes d’énonciation, il finit par négliger cette perméabilité, laissant parfois
dansl’ombreledialoguequis’instaureentre,d’uncôté,lesreprésentationsvéhiculéesparles
récitset,del’autre,levécudesconteursetdeleurpublic.ConcernantHéraclès,toutenétant
conscientqu’ils’agitàlafoisd’unhérosetd’undieu(cf.p.243-245),l’A.choisitd’enprivilégierlestatuthéroïquepourlemettreenparallèleaveclesautreshemitheoifilsdeZeus.Cela
conduitàoublierlaspécificitédecettefigure,dontl’entréesurl’Olympeétaitthématiséeaussi
biendanslesrécitsquedansl’iconographie,etcelaenrésonanceaveclespratiquescultuelles
descités.Quoiqu’ilensoitdecetteréserve,cetouvragesedistingueparlafinessedéployée
dans les analyses des différents témoignages littéraires et par l’attention que l’A. prête aux
représentations religieuses des Grecs. Quant à la pertinence de la notion de «mythe», elle
apparaîtmoinscommelerésultatd’unevéritabledémonstration,susceptiblederéorientercette
vexata quaestio,quesouslaformedel’applicationsystématiqued’uneconvictionpréalable.
GabriellaPironti
(UniversitàdegliStudidiNapoli‘FedericoII’
CentreANHIMA[Paris])
KNOEPFLER Denis, La Patrie de Narcisse. Un héros mythique enraciné dans le sol et
dans l’histoire d’une cité grecque, Paris, Odile Jacob, 2010. 1 vol. 14,5 × 22 cm,
238p.(Collège de France).ISBN:978-2-7381-2500-2.
La relative discrétion de la figure de Narcisse dans les sources anciennes n’a d’égal que
l’efflorescencedesapostérité,élégammentconvoquéedansl’introductiondecetouvragequi
selitd’unetraite,(presque)commeunroman.Ilfautdirequelaremarquableéruditiondel’A.,
qui n’est jamais pesante, s’est mise au service d’une enquête dont la progression est aussi
passionnante que le résultat est fragile. De quoi s’agit-il? À l’origine de cette investigation
savantesetrouventuneinscriptionmiseaujouràÉrétrie,enEubée,àl’automne1973,une
autre inscription mise au jour sur l’acropole de cette même cité en 1975, et un passage de
Strabon.L’inscriptionde1973estunebasechorégiquemalheureusementamputéedesapartie
droite,dontlapremièreligneévoquel’identitéduchorège,latroisièmeligne,unjoueurd’aulos,
tandis que la ligne médiane porte les lettres ΝΑΡΚΙΤΤ…, que l’inscription de 1975, un autre
monument chorégique, permet d’interpréter comme le nom Narkittis. Ce sont les premières
attestationsdunomdel’unedessixtribusd’Érétrie,tribusquiétaientétroitementassociées,
commeàAthènes,àl’instaurationdusystèmedémocratiquevers500.LatribuMèkistis,seule
connueavantlaNarkittis,devaitrenvoyeràunhéroslocalMèkistos,etl’A.avaitnaguèrefait
l’hypothèsequ’uneautredestribusérétriennesétaitpatronnéeparlehérosOrion.Troisjeunes
héros auraient ainsi été choisis comme éponymes à Érétrie – on ignore qui étaient les trois
autres, en dépit des efforts de l’A. pour les exhumer des sources –, alors qu’Athènes avait
plutôt choisi des hommes mûrs, voire des rois. Le passage de Strabon (IX, 2, 10)est une
.
344
RevuedesLivres
description des curiosités de la région d’Oropos évoquant une localité appelée Graia, le
sanctuaired’Amphiaraoset«letombeaudel’ÉrétrienNarcisse,appeléTombeauduSilencieux,
parcequ’onfaitsilenceenpassantdevantlui»(p.75).Enexcellentconnaisseurdel’Eubéeet
de sa façade continentale, du côté béotien, l’A. fait l’hypothèse que ce tombeau de Narcisse
était une fondation érétrienne archaïque, au bord de l’Asopos, en cette sorte de pérée de la
métropoleeubéennequ’auraitétél’Oropieencetemps-là.LemonumentdeNarcisseauraitété
visibleaumoinsjusqu’àlahauteépoquehellénistique.Enrevanche,dutempsdePausanias,
quin’ensoufflemot,ilavaitprobablementdisparu.Cefaisceaud’élémentlaisseentendreque
Narcisseétaitunhérosérétrien,dontlesouvenirdesoriginesauraitprogressivementdisparu
pour laisser la place au Narcisse de Béotie, dont Ovide a raconté les malheurs dans ses
Métamorphoses et dont Pausanias a vu la fontaine à Thespies. La figure mythique aurait ainsi
voyagéenBéotieaudépartdel’Oropie.L’enquêtefaitdèslorsremonterdeprèsd’undemimillénaire la date d’apparition de la figure du héros dont aucune source ne fait état avant
l’œuvred’Ovide.C’estsurceconstatques’achèvelequatrièmechapitredulivreet,jusqu’àce
point,onadhèreaurésultatdel’enquête,toutens’interrogeantponctuellementsurdesexpressionsproblématiques quisurgissentsous cetteplumealerte: àla page113, Narcissedevient
«diviniténationale»desÉrétriensetàlapage124,ilestcomptéaunombre«desdivinités…
qui ‘possèdent le territoire de la cité’». Et c’est exactement ce dont il s’agit dans les trois
derniers chapitres (chap. 5 à 7), où l’historien de la religion grecque est saisi d’un vertige
toujoursplusvif.
Auchapitre5,l’A.exhumeunetrèsintéressantenoticed’uncommentaireauxBucoliquesde
Virgile. Le narcisse, la fleur, tirerait son nom «de Narcissus fils d’Amarynthus, qui fut un
Érétrienoriginairedel’îled’Eubée».Cepointvientconfirmerlesrésultatsdel’enquêteépigraphique et géographique des chapitres 3 et 4. Or, selon Stéphane de Byzance, Amarynthos
(éponymedelaville)auraitétéchasseurd’Artémis,cequin’estpassansrappelerl’imagede
Narcisselui-mêmetransmiseparOvide:c’estdanssonactivitédechasseurquelesNymphes
desmontagnes,dontÉcho,s’éprennentdubeladolescent.Qu’unlienparticulieraitpuassocier
NarcisseàArtémisestplausibleetrépondaumotifmythiquedecesadolescentsquelamort
figeàjamaisdansl’éternitédeleurjeunessecommeHippolyteouActéon.Unsautqualitatif
dansl’argumentationesttoutefoiseffectuéquand,aprèsavoirsoulignélesliensrituelsentrela
déesse d’Amarynthos et l’éphébie, l’A. écrit: «On est ainsi fondé à penser que Narkittos
l’Érétrien,entantquehéroshonoréparl’ensembledelacommunautécivique,était,lorsdes
Artemisia,associédeprèsàcerituel[offrandedechevelure]»(p.142).Justeaprès,laprogressiondel’argumentestplusfulguranteencore:NarcissedevientundoubledeHyakinthos(etle
chapitre6s’attacheraàledémontrerendétail)qu’ilfauthonorercommeilconvient,«c’est-àdire comme une divinité de la nature, aussi puissante que redoutable». Il ne reste plus qu’à
tenter de saisir ce héros «dans ce qui faisait sa nature profonde et son essence divine» et
ouvrir à cette fin «encore quelques serrures» (p. 143). L’une des clés est archéologique et
concerne l’identification, controversée, du site du sanctuaire de l’Artémis Amarynthia. Si l’on
suit volontiers l’A. dans sa démonstration minutieuse en faveur d’une localisation dans la
régiondePaléoekklisies,onsedésolidariseenlisantque,surlabased’unedesnotulesthébainesenLinéaireBquimentionneAmarynthos(maispasNarcisse!),cedernier«doitainsiavoir
étéunefigureemblématiquedel’airethébano-érétrienneàl’âgeduBronzefinissant»(p.155).
Cen’estplusundemi-millénairequinoussépared’Ovide,maisunmillénaireentier.Lesdeux
dernierschapitresproposentuneautreclé:lacomparaisonavecleHyakinthosspartiate.Ces
développements,bieninformés,n’enrestentpasmoinsspéculatifset,endépitdelaséduction
dontsepareunereconstitutionbrillante,l’historiennedelareligiongrecquequejesuisnepeut
querestersceptiquedevantunequêtedesoriginesquiused’uneméthodeassociativeévoquant
d’éminentstravauxdu XIXes.dontlesauteursontdéployéuneéruditionadmirable,maisdont
lesconclusionssontaujourd’huitrèscontroversées.Commel’A.l’écritlui-mêmeautermedu
RevuedesLivres
345
parcours(p.214):«Lesconclusionsauxquellesnousavonsabouticomportent,bienentendu,
unepartd’incertitude,quivamêmes’accroissant,commeilestnaturel,aufuretàmesureque
l’onremonteplushautdansletemps.»Onnepeutqu’appelerdesesvœuxladécouverted’une
inscription attestant l’existence de Narkittia (p. 178), à l’instar des Hyakinthia de Sparte, qui
donneraituneindicationpositiveenfaveurdelareconstructionainsiopérée.Pourtant,unetelle
trouvaille–n’endéplaiseaudieudesépigraphistesdelapage108…–laisseraittoujoursdans
l’ombrelacomplexitédefêtesetderituelsdontaucunetraced’étiologieoudecontenun’aété
conservée. Le paradigme de la fertilité/fécondité est ici assumé dans toutes ses implications
(mortprématurée,renaissancemiraculeuseauprintempssuivant,commelesbulbesdunarcisse
et de l’hyacinthe [p.217]), mâtiné du paradigme sociologique des «rites de passage», le tout
décliné sous la forme évolutive d’une fête de la belle saison qui, avec la formation de la cité,
assumel’intégrationdesjeunesgensdanslecorpscivique.Posonsleproblèmeparl’absurde:
quen’aurait-onpuécriresurl’Érechthéeathéniensil’onn’avaitconservéquelenomdelatribu
qu’ilpatronnaitetlesfragmentsdelatragédieéponymed’Euripide,sansaucunautretémoignage
surlarichessedestraditionsmythiquesetdesrituelsdelacité?
L’exposé est dépourvu de notes, mais des indications bibliographiques très fournies et
argumentéessontrassembléesàlafindechaquechapitre.Lelivreserefermesurunappendice
quipublieetétudielesmonumentschorégiquesaucœurdel’enquête.
VincianePirenne-Delforge
(F.R.S.-FNRS–UniversitédeLiège)
DAUMAS Michèle,L’or et le pouvoir. Armement scythe et mythes grecs,Paris,Presses
universitairesdeParisOuest,2009.1vol.21,5×28cm,206p.,16pl.ISBN:
978-2-84016-042-7.
ThebookbyMichèleDaumas(M.D.)focusesonninemid-fourth-centuryBCsheet-gold
decorations which were created to cover wooden-and-leather cases of six gorytoi (bow and
arrowcases)andthreeswordscabbards.Eightamongthemwereunearthedinseveraltumuli
intheNorthernBlackSeaarea,andonewasdiscoveredinMacedonia.Thesenineobjectsare
usuallytreatedtogether,asacorpusofgoldartifactsbelongingtoceremonialsetsofScythian
weaponsandproducedbyGreekartisans.1Thebookiswellproduced,illustratedwithsixteen
color plates and 81 line drawings, and includes three maps. The text is accompanied by a
glossary,abibliographyandindicesofmuseums,ancientsources,ancientpropernames,and
placenames.Thetableofcontentsisverydetailedandallowseasyorientationinthetext.
The work is arranged into parts in accordance with the scenes depicted on the objects.
Fourgorytoi,fromChertomlyk,Ilyintsy,Melitopol,andFiveBrothers(Pyatibratni),featurethe
firstscene;threescabbards,fromChertomlyk,FiveBrothers,andChaian,presentthesecond
subject;andfinallytwomoregorytoi,fromKaragodeouashkhandfromTombIIatVergina,are
decoratedwiththethirdpatternofrelief.ThisdivisionreflectstheapproachoftheA.whois
interestedprimarily,orperhapsalmostexclusively,inthemythologicalcontentsoftherelief
representations,whicharediscussedinminordetails.
M.D. outlines her views on the subject in the Introduction: contrary to the modern
tendencytoregardartifactsashistoricaldocuments,ratherthanjustbeautifulobjects,andin
particular tolook forindigenous connections of Scythianweaponry, she revives the attitude
current in the 19th century, and calls for a ‘retour à l’explication des images par les textes’
(p.12).Thismethodologyisadrawbacktoaresearchaimingatunderstandingofpeopleand
cultures that produced and used art objects. However, the book suffers from an additional
1D.WILLIAMS,J.OGDEN,Greek
Gold. Jewelry of the Classical Period, NewYork,1994,p.176.
346
RevuedesLivres
weakness.ThetextsavailabletotheauthorareGreek,andthroughoutthebooksherevealsno
acquaintancewiththeliteratureandfolkloreoftheIranian-speakingpeoplescognatewiththe
Scythians.1M.D.alsotakesnonoticeofthemajorpartoftheintensivemodernresearchon
theirarchaeologyandculture,notonlytheRussianworksbyD.RayevskyandS.Bessonova
(she admits no knowledge of Russian, p. 13), but also the research by G. Dumézil and
A.Khazanov, to mention only a few most prominent names.2 As a result, the artifacts are
“read” only from the point of view of their Greek creators, whereas the problem of their
“reading”bythenon-Greekcustomersisnotevenputforward.
M.D.’schoiceofmethodologyisespeciallydeplorablesincetheobjectsofarttreatedinthe
bookdidnotarriveinthesteppesitesbychance.Thescabbardsareintendedforshortswords
used by Iranian-speaking warriors, from Scythians to Persians, known as akinakai. Gorytoi
belonged par excellence to the armor of the nomads of the steppe, and appear on numerous
objectsofartoriginatingfromtheareadominatedbytheScythianculture,includingtheplate
belongingtotheheaddressofawomaninterredintheKaragodeouashkhtumulus(pl.13-3).
Thus, the gorytoi and scabbards discussed in the book were manufactured by Greek artisans
purposelyfortheScythianelite,accordingtoScythianpreferences.EvenpurelyGreekimages,
when found in Scythian or Sindo-Maeotian archaeological contexts, appear to connote local
mythologicalcharacters.3ScythianswereabletorecognizetheirmythologicalfiguresinGreek
images.4Archaeologicalcontexts,iftheyhadbeenaddressed,couldallowfurtherinsightsinto
thesymbolismandfunctionoftheceremonialweaponsandtheirdecorations.Thus,interpretatio
ScythicaoftheGreekimagescouldnotonlyshedlightonimportantaspectsofScythianculture,
butalsogiveacluetoabetterunderstandingofthewaytheGreekartisanworked,forinstance,
bymeansofhischoiceofsubjectsintendedtopleasetheindigenousclientele.
The first part of the book starts with a discussion of the four gorytoi of the so-called
“Chertomlyk type”. Their sheet-gold decoration comprises a scene involving twenty characters, vegetal friezes, scenes of fight between carnivorous and herbivorous animals, and
between griffins. The attitudes and actions of all these are analysed in minor detail, with
extreme attention to every tiny difference in execution between the four objects. The
interpretation of the scene in the upper register by M.D. is based on its identification by
C.Robertin1889asanillustrationofanepisodeintheCypria,tellingthestoryofthestayof
AchillesonScyrosandthearrivalofDiomedesandOdysseusthere.Takingintoaccountthe
more recent research, scrutinizing subtle hints at relations between the dramatis personae and
theircharacteristics,andcomparingthereliefonthegorytoi withGreekworksofartindifferent
media,M.D.suggestsaconvincingreadingofthemainscene,includingapersuasiveidentificationofmostfigures.SheconnectsthepartsofthetworegistersintoanarrationofAchilles’res
1 Infact,dubbingalltheIranianpeoplesoftheBlackSeaarea“Scythians”isinexact.Intheseventh-third
centuriesBCScythiantribeslivedinthecountryfromthemodernDniestertotheDon,includingtheCrimea,that
is,intheSouthRussian(ormoreaccurately,mainlyUkrainian)steppe.TheareaoftheKubanRiverintheNorth
CaucasusandtheTamanpeninsulabelongedprimarilytotheMaeotians,whowereofeitherThracian,Iranian,or
aboriginalCaucasianstock;theMaeotianshadbeensubduedbytheSindians,inallprobabilityofScythianorigin,
sothattribeslivinginthisareaarefrequentlygroupedtogetherasSindo-Maeotians:T.SULIMIRSKI,T.TAYLOR,
“TheScythians,”CAH3.2(1991),p.555-560,572.Thus,thetumulitreatedinthebookarelocatedintheScythian
area,butforKaragodeouashkhwhichliesinthecountryoftheSindo-Maeotians.
2D.S.RAYEVSKIY,Model’ mira skifskoy kul’tury [TheWorldModeloftheScythianCulture],Moscow,1985;
S.S. BESSONOVA, Religioznye predstavleniya skifov [Religions Notions of the Scythians], Kiev, 1983; G.DUMÉZIL,
Romans de Scythie et d’alentours, Paris,1978;A.KHAZANOV,Nomads and the Outside World,Cambridge,1984.
3BESSONOVA,o.c.,p.163-167,173-177.
4Forinstance,numerousgoldpendantsintheformofMedusa’sheadtrimmedthegarmentsofnoblemen
buried in Scythian tumuli. The vogue for these Greek depictions of Medusa might have resulted from the
ScythianidentificationofMedusawiththeiranguipedegoddess:Y.USTINOVA,The Supreme Gods of the Bosporan
Kingdom. Celestial Aphrodite and the Most High God, Leiden,1999,p.111.
RevuedesLivres
347
gestae,andingeniouslyproposestoregardthetwogroupsinthelowerfriezeascomplimentary
totheupper.Inheropinion,asceneinthepalaceofLycomedesiscontinuedbytwoscenesat
Aulis,ofIphigenia’sarrivalthereandofTelephus’healingbyAchilleswithrustfromhislance,
tocompletethestoryoftheeventsbeforethedeparturetoTroy.Onthebasisofheranalysis,
M.D.demonstratesthatseveral,ratherthansingle,dieswereutilizedbytheartisanorartisans
whocreatedthefourgoldreliefs(p.42).
As to the akinakai scabbards, M.D. suggests that their reliefs depict the battle on the
CaicusinMysiawhereTelephuswaswounded,ratherthananunidentifiedillustrationtothe
IliadorabattlebetweenPersiansandGreeks,asmanythoughtbefore.Giventhefactthatin
the Chertomlyk tumulus the gorytosand thescabbardwere discovered together, the thematic
connectionoftheirdecorationsistempting:inthisway,thetwoobjectswouldformarealset.
Although the attitudes of the characters hardly allow their confident identification, and the
heroregardedbyM.D.asTelephusiswoundedinhisrighthip,ratherthanintheleftone,as
Telephusshouldbe,theinterpretationofthestoryofthescabbardsasbelongingtothesame
narrationasthatofthegorytoiseemsprobable.
TheseinterpretationsdealwiththeGreekmythologicalbackgroundofthestoryandthe
goldsmith’s artistic and technical sources. Yet the representations on the gorytoi and the
akinakai scabbards,1 manufactured exclusively for the Scythian market, must have been
meaningful from the point ofview of the Scythians,who used them invarious ceremonies,
during the lifetime and after the death of their owners. M.D. admits this idea in principle
(p.111),butdoesnotpursueit.ShetriestoexplainthefocusofthereliefsonAchillesbythe
popularityofhiscultamongtheGreeks,inOlbiaandontheIsleofLeuka,andconnectsthe
oracleofApollowhichinstructedTelephusaboutthewaytobehealedfromhiswound,with
thecult ofApolloIatrosin the Ioniancolonies of theBlack Sealittoral (p.112-114).2 Inso
doing,M.D.remainsintheGreekworld,whereastheprincelyweaponsshediscussesbelonged
toScythiansandwerediscoveredinScythiantombs.Infact,localtraitsintheGreekcultof
Achilles Pontarches are proposed by some authors,3 and it has recently been argued that
ApolloIatroscomprisedfeaturesofalocaldeityordeities.4However,M.D.doesnotattempt
thecrucialstep,whichwouldbearesearchintoindigenouscultsandmythsthatcouldleadthe
Scythians to recognize familiar characters in Achilles and other characters depicted on the
gorytoi andtheakinakai scabbards.5
1Thelattermusthavebeenespeciallyimportant,sincethesword,andweaponsingeneral,wereworshiped
bymanyIranian-speakingnomads,includingtheScythians(Hdt.,IV,62;BESSONOVA,o.c.,p.48-50).
2SeveralinvestigationsofthesecultsinWesternlanguageswerepublishedduringtherecentdecades:for
Achilles Pontarches see H. HOMMEL, Der Gott Achilleus, Heidelberg 1980; J. HUPE (ed.), Der Achilleus-Kult im
nördlichen Schwarzmeerraum vom Beginn der griechischen Kolonisation bis in die römische Kaiserzeit, Rahden(Westfalen),2006
(Internationale Archäologie, 94); for Apollo Iatros see Y. USTINOVA, “Apollo Iatros: A Greek God of Pontic
Origin,” in K. STÄHLER, G. GUDRIAN (eds.), Die Griechen und ihre Nachbarn am Nordrand des Schwarzen Meers,
Münster,2009(Eikon,9),p.245-298.
3 As early as in 1826 H.K.B. Köhler suggested that Greek colonists worshiped a local deity as Achilles:
“MémoiresurlesîlesetlescoursesconsacréesàAchilledanslePontEuxin,”Mémoires de l’Academie des sciences de
St-Petersburg 10 (1826), p. 106; M.I. Rostovtzev associated the cult of Achilles in Olbia with the Thracian
horseman:Skythien und der Bosporus, Berlin,1931,p.4;V.D.BLAVATSKIY,“TheimpactoftheClassicalculture
on the Northern Black Sea area,” Sovietskaya Archeologia 2 (1964), p. 18-19; 4 (1964), p. 29, in Russian; S.B.
OKHOTNIKOV,A.S.OSTROVERKHOV,Svyatilishche Akhilla na ostrove Levke[TheSanctuaryofAchillesontheIsle
ofLeuke],Kiev,1993,p.70-102;Y.SHAUB,“AchillesthegodoftheBlackSeaarea,”Novy chasovoy 13/14(2002),
p.356-367,inRussian,andotherscholarsadmittheexistenceofindigenouselementsinthecultofAchillesin
theIoniancoloniesonthePontus.
4USTINOVA,The Supreme Gods…, o.c.
5ScythianperceptionofartifactsmanufacturedbytheGreeksisasubjectofnumerousworks.Forinstance,
D.RAYEVSKIY,o.c.,p.170)arguesthatitwasthewarlikecharacterofAchillesthatattractedthePonticbarbari-
348
RevuedesLivres
Furthermore,K.StählersuggestedanappealinginterpretationofthescenesontheChertomlyk-type gorytoi as illustrating the story of a marriage of a local princess and therefore a
successionmyth.1SinceallthecharacterswearGreekoutfit,itseemsscarcelypossiblethatthe
artisan represented this very myth. However, a combination of the two interpretations is
seducing: the Greek goldsmith had in head Achilles’ deeds, whereas his Scythian customer
perceivedthesceneasrepresentingastoryfamiliartohim.Inthiscase,thescabbardswouldbe
consideredasdepictingabattlebetweentheScythiansandtheGreeks(asK.Stählerproposes),
asubjectthatwasdoubtlesslyverypopularamongtheScythians.Asmentionedabove,such
double entendrecanbetracedintheScythianarchaeologicalrecord.It’sapitythatM.D.rejects
K.Stähler’sinterpretationofthesceneonthegorytoiwithoutdiscussion(p.27).
Thesecondpartofthebookdealswithtwogorytoi ofKaragodeouashkhtype,foundinthe
Karagodeouashkh tumulus in the northern Caucasus and in Tomb II in Vergina. The main
scene on these two gold sheets depicts a battle, which M.D. interprets as a pillaging of the
CabiricsanctuaryinThebesbyThersander,ratherthanIlioupersis,assuggestedbymanyother
authors.Theidentificationisbasedmainlyontheshapeofoneobject,whichM.D.definesasa
crownedpilosaboveajar,associatedwiththemysteriesoftheCabiriatThebes(p.135).2This
isaplausiblehypothesis,giventhecentralpositionofthejarwiththepilos inthecomposition.
Intheinterpretationoftheseobjects,M.D.modifiesherapproach,andtakesintoaccount
thearchaeologicalcontextassociatedwiththetombs,butgoesastrayinherattempttoestablish connections between the buried persons and the Cabiric mysteries. She supports her
interpretationofthesceneonthegorytoiwithahypotheticidentificationofTombIIatVergina
as containing the remains of Philippos II, who as a youth spent some time in Thebes as a
hostage, and – another hypothesis! – could be initiated into the mysteries – but there is no
evidence that he was. This concentration of hypothetic suggestions is methodologically unsoundandscarcelypersuasive.Moreover,thegorytosfromVerginawasmanufacturedforthe
Scythian,ratherthanMacedonianmarket:theMacedoniansdidnotusegorytoi.Thegorytosfrom
TombIImusthavebeenagiftorapartofspoils,andM.D.listsseveraleventswhichcould
possiblybringthisScythianobjecttoMacedonia(p.150-153).Inanycase,thesubjectofthe
decorationwasdesignedfortheScythians,anditscompliancewiththereligiousbeliefsofthe
MacedonianrulerinterredinVerginaisthereforeunlikely.
TheattempttoconnectthetwopersonsburiedintheKaragodeouashkhtumuluswiththe
GreekcultoftheCabiriisnolessfar-fetched.Theimagesontherhytonandtheplatefroma
hair-dressdecoration,discoveredinthetumulus,undoubtedlybelongtotherealmofScythian
(precisely, Sindo-Maeotian) imagery,3 and contrary to the opinion of M.D. have nothing in
commonwiththeCabiriciconography.M.D.citestestimoniestotheexistenceofthecultof
the Cabiri in Phanagoria, Olbia, and Istros, but these are Greek cities, and the adoption of
Greek cults by the indigenous elite of the Kuban area remains to be proved. Thus, in the
secondpartofherbookM.D.proposesaninterestinginterpretationoftheiconographyofthe
ans,andallowedthemtocomparehisimageonthegorytoitotheirfirstkingColaxais,whoselegendisnarratedby
Herodotus(IV,5).
1 K. STÄHLER, H.-H. NIESWANDT, “Der skythische Goryt aus dem Melitopol-Kurgan,” Boreas 14/15
(1991/2),p.85-108.
2M.D.paysmuchattentiontothefriezefeaturingwater-fowl,andconnectsitwiththetheBoeotianCabiri,
buttheseareinfactverycommononobjectsofartfromtheScythianrealm,includingthesilverrhytonfromthe
Karagodeouashkh tumulus, where the gorytos was discovered. For the interpretation of this image see: D.
RAYEVSKIY,Ocherki ideologii skifskikh plemen[EssaysontheIdeologyoftheScythianTribes],Moscow,1977,p.
59-60.
3Bothhavebeendiscussedincountlessworks,forpartialbibliographyseeUSTINOVA,The Supreme Gods…,
o.c.,p.123-127,264-269.
RevuedesLivres
349
two gorytoifromtheGreekpointofview,buthardlypersuadesinherattempttorelatetheir
subjectwiththereligionandcultureofeithertheMacedoniansortheScythians.1
Thetitleofthebookpromisestotellthereaderaboutgoldandpower,Scythianweaponry
and Greek myths. The main problem of the book is that it keeps half of the promise: gold
objects and Greek myths are treated at length and in a convincing manner, but Scythian
weapons and the power they conferred on their owners remain far away from the author’s
attention.
YuliaUstinova
(Ben-GurionUniversityoftheNegev)
JohnBODEL,MikaKAJAVA(éds),Dediche Sacre nel mondo greco-romano. Diffusione,
funzioni, tipologie/Religious Dedications in the Greco-Roman World. Distribution,
Typology, Use. Institutum Romanum Finlandiae, American Academy in Rome, 19-20
aprile 2006,Roma,InstitutumRomanumFinlandiae,2009.1vol.20×27cm,
420p.(Acta Instituti Romani Finlandiae,35).ISBN:978-88-7140-411-0.
Lesdédicacesconstituentunensemblededocumentsàlafoisconsidérableettrèsintéressant pour l’étude des systèmes religieux antiques, dans la mesure où elles offrent une voie
d’accèsprivilégiéepourcomprendrelesrelationsquis’établissaiententrelesacteursduculteet
les divinités honorées. Toutefois, ce matériel n’a guère reçu jusqu’à présent toute l’attention
qu’ilauraitméritédanslarecherchemoderne,sansdoutejustementenraisondesonampleur
etdesadiversité2.Onnepeutdoncquesaluerl’initiativequiavunaîtreleprésentouvrage,
issud’uncolloqueorganiséàRomeen2006parl’Institutfinlandaisetl’Académieaméricaine,
etconsacréauthèmedesdédicacesdanslesmondesgrecetromain.Lesquatorzecontributionsqu’ilcomportesontagencéesdemanièrethématiqueencinqparties(Concetti e definizioni,
Regolamentazione, Luoghi e contesti, Pratiche, et Dediche mute) et sont suivies de précieux indices
(locorum,prosopographiqueetgénéral).Étantdonnél’orientationdelarevueKernos,cecompte
renduseconcentreraprincipalementsurlapartie«grecque»del’ouvrage,secontentantd’évoquersimplementlesétudesconcernantlemonderomain.
En guise d’introduction, J. Bodel (‘Sacred dedications’: A problem of definitions) propose une
réflexionméthodologiquesurleconceptdesdédicacessacrées,etsurlesdifficultéssuscitées
parleurdéfinitionetleurclassification.Ildéfinitladédicacecomme«aparticulartypeofgift
offeringtoadivineorsupernaturalbeing,oneofthreebasicmeans,alongwithsacrificeand
prayer,bywhichtheGreeksandRomansestablishedandsustainedgoodrelationswiththeir
gods».Ildistingueainsiladédicacedelaprièreencequelapremièreestune«actionwhereby
goodsaretransferredfrommortalstotranscendentrecipients»,etdusacrificeparsa«quality
ofdurability»(p.19).Parmilesquestionsabordées,J.B.proposeenoutreundéveloppement
intéressantsurladistinctionentreespacephysiqueetespacereligieuxdanslapratiquedédicatoire, arguant que la localisation de l’objet – qu’il soit placé dans un espace sacré ou non –
importemoinsquel’actiondelaconsécrationenelle-mêmeetl’intentionquilasous-tend.
1Foraveryinteresting“doublereading”ofthedecorationofthesetwogorytoi,bothfromtheGreekandthe
Scythianpointofview,seeK.STÄHLER,“ZumGorytreliefausdemsog.PhilippsgrabinVergina,”inid.(ed.),Zur
graeco-skythischen Kunst,Münster,1997 (Eikon, 4),p.85-114.
2Voirtoutefois,pourlemondegrec,l’étudedeM.L.LAZZARINI,Le formule delle dediche votive nella grecia
arcaica, Roma, 1976; F.T. VAN STRATEN, « Gifts for the Gods », in H.S. VERSNEL (éd.), Faith, Hope and
Worship. Aspects of Religious Mentality in the Ancient World,Leiden,1981(Studies in Greek and Roman Religion,2),
p.65-151;etrécemment,l’introductiondeR.PARKERdel’article«GreekDedications»,dansleThesCRAI
(2005),p.278-281.
350
RevuedesLivres
P.Lombardi(Ἀναθέτω ἐν τὸ ἱερόν. Esempi di regolamentazione della dedica votiva nel mondo greco),
s’attache aux règlementations qui entourent les pratiques dédicatoires, en se fondant par
conséquent sur des témoignages externes à la catégorie des dédicaces proprement dites. Ces
règlementations concernent les objets consacrés – leur conservation et leur emplacement –
ainsiquel’actiondeladédicace–lesinterdictionsou,aucontraire,lesobligationsquiysont
attachées. En constatant l’importance de ces normes, P.L. parvient à la conclusion que les
motivationsreligieusessontpeuprésentesdanslapratiquedédicatoire,quisemblerégieplutôt
pardesraisonsmorales,socialesetsurtoutéconomiques.
C’est à une conclusion similaire que parvient L. d’Amore au terme de son parcours des
dédicaces liées au gymnase (Dediche sacre e ginnasi: la documentazione epigrafica di età ellenistica).
Illustrée par de nombreux exemples, cette étude examine les catégories de dédicants, les
divinitésdestinataires–reprenantlacatégorisationdel’articleconsacréauxcultesdugymnase
parS.AnezirietD.Damaskos1–,etlatypologiedesoffrandes.L’A.insisteparticulièrement
surlefaitquelespratiquesdédicatoiresauseindugymnaserelèventsouventd’actesd’évergétisme, puisque l’objet de la dédicace peut servir aux besoins de ceux qui fréquentent le lieu,
comme pour la construction de bâtiments ou la consécration d’huile, ou tout simplement
embellirlecadre.Onpourraoccasionnellementdébattresurlaclassificationcommedédicaces
desdonationsdeterrainsoudelaconsécrationdesommesd’argentenvuedufinancementde
matérieloudecélébrations(commeunexempleenestdonnép.164-165).Eneffet,celles-cine
correspondentguèreàladéfinitionproposéeparJ.Bodelenouvertureduvolume,quiprend
encomptelefaitquelesdédicaces«enduredasphysicalobjects»(p.19).
Adoptantuneperspectivegéographique,G.Vallarinoseconcentresurlesdédicacesd’une
cité,celledeCos,dontlarichesseducorpusépigraphiquefaitensortequ’elleestparticulièrementadaptéeàcegenred’enquête(I dedicanti di Cos in età ellenistica: il caso dei magistrati eponimi tra
polis e demi). Parmi les nombreux documents recensés dans l’île, dont il donne la liste
exhaustive en annexe, G.V. se concentre sur le petit corpus de dédicaces émises par les
magistrats éponymes de la polis et des dèmes, sans doute à leur sortie de charge. Ainsi, aux
dédicacesde Cos émises par lemonarque, enassociationavec le collègedeshiéropes,il fait
correspondre les dédicaces du monarque local et des hiéropes à Isthmos, et celles du prêtre
d’Apollon etdeshiéropesà Halasarna. Lesdédicacesdecesdeuxdèmessont revêtuesd’un
caractère local évident lorsqu’on examine la prosopographie du collège des hiéropes, dont
plusieursmembresappartiennentàlamêmefamille.Selonl’hypothèsedel’A.,cettepratique
dédicatoireincombant au magistrat éponyme,originaire desdèmes,aurait étéadoptée parla
citélorsdusynécismede366.
Lesaspectsreligieuxsontenrevancheplusprégnantsdansl’étudedeG.Bevilacquasurles
dédicaces consacrées à Hermès, et plus particulièrement celles qui mettent en évidence les
aspects civiques de son culte (Dediche ad Hermes). Elle y propose en réalité un parcours des
épiclèses du dieu attachées à ces aspects, qu’elle illustre de témoignages de dédicaces et de
sourceslittérairesauxquellesellesfontécho.G.B.commenteenoutrel’inscriptiond’unautel
deCyrène,dontelleproposeunenouvellelecture,faisantl’hypothèsed’unecombinaisonde
deuxépiclèsesattachéesàHermès,Eriounios,«bienveillant»etDolios,«industrieux».
Enfin,M.Kajavas’intéressedeplusprèsauxcirconstancesquisetrouventaufondement
decertainesdédicaces,enl’occurrencecellesquisontémisesàlasuitedelaconsultationd’un
oracle(Osservazioni sulle dediche sacre nei contesti oracolari).Ilenressortquecesdédicaces,quitrouvent leur origine dans un ordre de la divinité ou dans les termes de l’oracle, ne sont pas
toujoursfacilesàidentifier,danslamesureoùleurformulationn’estpastoujoursexplicite.La
1S.ANEZIRI,D.DAMASKOS,«StädtischeKulteimhellenistischenGymnasion»,inD.KAH,P.SCHOLTZ
(éds),Das hellenistische Gymnasion,Berlin,2004,p.247-271.
RevuedesLivres
351
formulationκατὰπρόσταγµαouκατ᾿ἐπιταγήν,notamment,trèsfréquenteàpartirdel’époque
hellénistique,reflèteunecommandedeladivinité,maisnedonnepasd’indicesurlemoyenpar
lequelcettecommandeaététransmiseaudédicant.
Encequiconcernelemonderomain,onnoteralescontributionsdeJ.Rüpke,quipropose
quelques réflexions théoriques sur les dédicaces inscrites, envisagées comme un moyen de
communicationavecledivind’unepart,etauseindelacommunautéhumained’autrepart;
P.Poccettioffreuneétudedesformulairesvotifsdanslesdédicacesosquesetenconclutun
manqued’homogénéitédel’utilisationdesformulairesetduvocabulairedanscesinscriptions,
tantprivéesquepubliques,contrairementàl’épigraphiequis’inscritdanslecadredestravaux
publics;C.R.Galvao-Sobrinho,àtraversl’étudedulis fullonum,procèsdirigécontreuncollège
de foulons pour l’occupation d’un territoire sans payer les taxes légales, étudie les relations
entre dédicaces et espace public; M. Buonocore rassemble un catalogue de 191 dédicaces
provenant de l’Italie centrale et apennine; G.L.Gregori réunit les attestations du culte des
divinités portant l’épithète Augustus/a; C.Machado étudie la fonction et la signification des
dédicaces païennes dans l’Antiquité tardive; O. de Cazanove étudie les ex-voto anatomiques
portantuneinscriptionouaccompagnésd’unedédicace;enfin,L.Chioffirassemblelecorpus
desdédicacesauxDis Manibusquineprésententpasuncaractèrefunéraire,enactualisantla
listeproposéeparleCILVI.
Parlavariétéd’étudesdecasetlaqualitédesescontributions,l’ouvragemontrel’intérêt
quereprésenteuneétudeglobaleetsystématiquedecettecatégoriededocumentspournotre
connaissancedessystèmesreligieuxet,enparticulier,desrelationsqueleshumainsétablissent
avecledivind’unepart,etauseindeleurproprecommunautéd’autrepart.Ilfauttoutefois
nuancerquelquepeuladistinctiontranchéequiressortdecertainescommunicationsentreles
motivationsreligieuseset«profanes»quisous-tendentcespratiquesdédicatoires,quinesont
pas le reflet d’une seule volonté d’autoreprésentation. L’articulation entre les deux aspects,
socialetreligieux,sembleenréalitépluscomplexe,etilnefautpasforcémentchercheràsousestimerl’unauprofitdel’autre.Ilresteàespérerquecevolumestimulantàbiendeségards
pourraencouragerdavantagelarecherchesurcesdocuments.
StéphaniePaul
(F.R.S.-FNRS–UniversitédeLiège)
Lydie BODIOU, Véronique MEHL (éds), La religion des femmes en Grèce ancienne.
Mythes, cultes et société,Rennes,PressesuniversitairesdeRennes,2009.1vol.15,5
×24cm,281p.(Collection « Histoire »).ISBN:978-2-7535-0882-8.
Lydie BODIOU, Véronique MEHL, Jacques OULHEN, Francis PROST, Jérôme
WILGAUX (dir.),Chemin faisant. Mythes, cultes et société en Grèce ancienne. Mélanges en
l’honneur de Pierre Brulé, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009. 1 vol.
15,5×24cm,314p.(Collection « Histoire »).ISBN:978-2-7535-0946-7.
C’estbienuneprésentationgroupéequ’appellentcesdeuxouvragesparuslamêmeannée,
non seulement parce qu’ils ont en commun deux directeurs scientifiques et sont issus des
mêmes Presses, mais aussi parce qu’ils sont destinés l’un et l’autre à rendre hommage à un
maître apprécié et bien connu des fervents de religion grecque, Pierre Brulé, professeur à
l’Université de Rennes, admis à la retraite à l’automne 2008. Le contenu des deux volumes
ayantétédétaillédanslenuméro23deKernos(p.412-413),onseborneraiciàquelquesindications de portée générale. Le premier volume reproduit les actes d’un colloque organisé en
juillet2008,àCorkenterreirlandaise,parleCRESCAMetleCelticConferenceinClassics,
pour célébrer le vingtième anniversaire de la parution de La fille d’Athènes. Treize collègues,
352
RevuedesLivres
amisouélèves,yontprispart,auxquelsilfautajouterP.B.lui-même,auteur,commeonsait,
decemaître-ouvrage.Leurscontributionsconcernentdoncexclusivementlareligiongrecque
danssescomposantesféminines;unebibliographiesélective,maisriche,estsuiviedeplusieurs
index.Lesecondouvrage,explicitementdédiéaupèredeLa fille d’Athènes débordequelquepeu
le domaine religieux; il compte une vingtaine d’articles centrés sur trois thèmes principaux
entre lesquels apparaissent souvent des recoupements: les femmes, la religion et les corps.
Inauguréparunebiographie«nonautorisée»,ilsetermineparlabibliographiedudédicataire.
Placéssouslesignedel’amitié,lesdeuxouvragesprocèdentd’unemêmeintention:saluer
l’homme et l’helléniste en suivant des voies qu’il a lui-même tracées, qu’ils s’agisse des
thématiques, comme la religion des femmes, le polythéisme, l’esclavage, ou des démarches,
volontierstournéesversleconcretetmarquantuneprédilectionpourlaGrècebuissonnière
(cf.lec.r.dudernierouvragedeP.B.,La Grèce d’à côté,dansKernos, 21[2008],p.357-359).Sous
cerapportnotamment,lesdeuxparcourssonttrèsréussis.Nulnepourraitseméprendre,en
effet,surl’identitédudieuauquelestvouélekernosd’offrandesquedessinentcesbellesétudes.
Ad multos annos,ajouterai-je,enm’associantcordialementàl’hommagerendu.
AndréMotte
(UniversitédeLiège)
Joannis MYLONOPOULOS (éd.),Divine Images and Human Imaginations in Ancient
Greece and Rome,Leiden/Boston,Brill,2010.1vol.16,5×24,5cm.,ill.,437p.,
(Religions in the Graeco-Roman World,170).ISBN:978-90-04-17930-1.
Issu engrandepartied’un colloque qui s’estdérouléà l’Universitéd’Erfurt en 20071,ce
volumeréunittreizeétudesconsacréesauxreprésentationsfiguréesdudivindanslesmondes
grec(surtout)etromain,etauxdifférentsproblèmesqueposeauxsavantsmodernesl’interprétationdesimagesdesdieuxantiques.C’estàsignalercesproblèmesques’attachel’introduction
deJ.Mylonopoulos,quineselimitepasàpasserenrevuelesdiversescontributions,maisles
intègre dans un riche tissu argumentatif en ouvrant des pistes de réflexion susceptibles de
renouvelerl’enquête.Organisésuivantunaxeàlafoischronologiqueetthématique,levolume
estinauguréparuneétudedeF.Blakolmerportantsurlesimagesdivinesdansl’iconographie
minoenne et mycénienne; l’A. interroge le décalage problématique entre, d’un côté, le panthéonpleinementarticulédonttémoignentlesdocumentsécritset,del’autre,lesreprésentationsfiguréesdesdieux:l’interprétationdecesdernièress’avèreextrêmementdifficileàcause
delaquasi-indistinctionentrel’humainetledivin,etdelaquasi-absenced’attributsspécifiques,
sans oublier les malentendus engendrés par la place prépondérante des images féminines.
Ainsi, le déchiffrement du Lineaire B nous a révélé entre autres choses à quel point nous
sommesloindeposséderd’emblée,commeonlecroyaitautrefois,lescléspour«déchiffrer»
l’iconographiedel’âgeduBronze.D’autrepart,laneutralitéiconiquequis’ytrouveprivilégiée
lorsqu’il est question de mettre en images les dieux, ou bien le roi, est un choix significatif,
mêmesisonsensexactresteàdécouvrir.Laplacedel’aniconismedanslareprésentationdu
divinenGrèceanciennefaitl’objetdel’étudedeM.Gaifman,quienparcourtlesinterprétations, de Winckelmann à Nilsson, de Pausanias à Clément d’Alexandrie; concernant la
constructionculturelledecequ’onappelle«aniconisme»,l’A.signaleàraisonladistanceentre
lepointdevuedePausanias,selonlequella(prétendue)anciennetédesreprésentations«aniconiques»setrouvaitpositivementqualifiéeentermesdeprestigereligieux,etceluidessavants
modernesquienjugeantl’aniconismeàl’auned’unparadigmeanthropomorphiqueetdansune
perspectiveévolutionniste,l’ontdisqualifiécommeétant«primitif».Lestatutdekoraiarchaï-
1LesommaireduvolumeestdonnédansKernos23(2010),p.415.
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353
quesestaucœurdelaréflexiondeC.Keesling:contrairementàceuxquinientqueceskorai
aientpureprésenteràl’époquearchaïquedesêtresdivins,l’A.signalelapossibilitéd’unetelle
identification,l’anonymatapparentpouvantêtrecompenséparl’emplacementdecesimagesà
l’intérieurd’unlieudecultedonné.C’estsurlesimagesarchaïsantesdesdieux,quiapparaissent
dèsle Vesiècleav.J.-C.,etsurlesimplicationsreligieusesd’untelphénomènequesepenche
F.Hölscher:lareprésentation,àcetteépoque,desdieux«àlamanièreancienne»n’estpasà
mettreenrapportavecunequelconquedétériorationdusentimentreligieux,maiss’explique,
notammentdansl’iconographiedesvases,entantqueressort«narratif»,parexempledansla
mise en images contextuelle des statues des dieux et des dieux en action. Pour mieux comprendrelerôlequelesstatuesdesdieuxpeuventjouerdansleprocessusdecommunication
avec le divin, V.Pirenne-Delforge choisit des les étudier parallèlement aux prêtres, qui se
voientaussiattribueràl’occasionunefonctionanalogueàcellede«statuesvivantes»etqui
jouent surtout un rôle majeur en tant que «intermittent vectors of divine manifestation»
(p.134).Enintervenantdansledébatautourdelanotionde«statuedeculte»,l’historiennede
la religion grecque se refuse à écarter purement et simplement cette notion et choisit de
reformulerlaquestionensignalantlestatutspécifiquequel’hidrysis,àsavoirlerituelquiinstalle
unedivinitéàunemplacementprécis,confèreàlareprésentationiconiqueouaniconiquedela
divinitéenquestion,neserait-cequepouruntemps.
L’essaideG.Ekrothporte,quantàlui,surunreliefvotifayanttraitaucultehéroïquede
ThéséeàAthènesetsurl’identificationd’unesortedepierrebasseetarrondiequiapparaîtau
centredelareprésentation,entrelafigureduhérosetcellesdudédicantet,sansdoute,deson
fils;selonl’A.,ilnefaudraitpasvoirdanslapierreenquestionunevarianted’unautelet/ouun
autelenparticulier,carellepourraitaussibienrenvoyeràlafoisàl’horkomosion,unlieudela
villeancienneoùlessermentsétaientprêtés,etàunbouclier,dansuneconstructionpolysémique évoquant peut-être le serment des éphèbes athéniens en présence de l’éphèbe mythique
par excellence. J. Mylonopoulos consacre une étude très fouillée à l’utilisation des attributs
dansl’iconographiegrecque,dontilmetenlumièrelasémantiquecomplexe,enrejetantavec
raisonlathèsedes«survivances»etsansenaplatirnonpluslesenssurleseulplandénotatif.
Parmi les exemples choisis par l’A. pour illustrer la dynamique de ces signes qui font partie
intégranted’unestratégievisuelle,j’aimeraissignaler,àcôtédel’imagesurprenanted’unUlysse
au trident, celle tout aussi curieuse d’une Aphrodite à l’égide sur un vase attique à figures
noires.Cetexemplemontrebiencommentlelangageiconographiqueadéveloppésespropres
moyenspourreprésenterlapolyvalencedivine1.I.Petrovicanalyse,danssonessai,unpoème
fragmentairedeCallimaque (IambesVII) oùilest questiond’une statued’HermèsPerpheraios,
miraculeusementrepêchée,etduparcourscompliquéquis’achèveavecl’installationd’unculte
pour ce dieu; selon l’A., il s’agit moins d’un véritable aition que d’une allégorie où la statue
archaïsante du dieu représenterait l’ancienne poésie iambique, à la fois simple et vénérable,
venueréclamersapartd’honneuràl’époquehellénistique.L’étudedeT.Scheers’articuleen
deuxvolets:danslepremier,l’A.s’interrogesurlesraisonsquipoussentAugusteàsoustraire
auxhabitantsdeTégéel’anciennestatued’AthénaAléa,sansdoutenonseulementpourpunir
cesArcadiensquiavaientprispartipourAntoinelorsdelabatailled’Actium,maispeut-être
aussipourinstalleràRomeuneimage«mythiquement»chargée,évoquantàlafoislesancêtres
arcadiensdesRomainsetlachassedeCalydon.Danslesecondvolet,elleanalyselaréactiondes
Tégéatesquin’ontaucunproblèmeàremplacercettevénérableimage.Néanmoins,ilschoisissentpourcefairenonpasuneimaged’AthénaAléaprovenantd’uneautrecité,maiscelled’une
AthénaHippiaprovenantdesenvironsdelaleur.Cechoixsignificatifmontred’uncôtéquela
puissancedivined’AthénaAléapeutchangerde«siège»poursemanifester,confirmantainsi
.
1Cf.G.PIRONTI,«Aphroditeàl’égideoudeladistractiondespeintres»,Mètis,n.s.8(2010),p.255-275
354
RevuedesLivres
quelerapportd’identificationentreunedivinitéetsonimageestrelatif,etdel’autrequel’enracinementterritoriald’unculteestunfacteurdéterminantdanslacommunicationavecledivin.
Les études restantes concernent le rapport entre religion et représentations figurées à la
périodeimpérialeetdanslemonderomain.Enanalysantl’emplacementdesstatuesdesempereursromainsdanslestemplesdesdieuxgrecsetleursspécificitésiconographiques,D.Steuernagelaffirmequelesempereurssynnaoineseraientpashiérarchiquementsubordonnésauxdieux
traditionnels et se verraient confier par les communautés locales la fonction d’intermédiaires
privilégiésdanslacommunicationaveccesderniers.Unetellefonctionestreconnueégalement
parS.Estiennequinerenoncetoutefoispasàsignalerleshiérarchiesdynamiquessedessinantà
l’intérieur des temples en relation avec l’identité du dédicataire attitré; l’A. livre aussi, dans la
première partie de son étude, une analyse duvocabulaire romain en matière d’images divines
(signum, simulacra deorum), soulignant le statut juridique particulier des ornamenta aedium, qui ne
seraientpasinaliénables.C’estsurlerôledessimulacra deorumdanslafondationmêmed’unsanctuaireques’interrogeK.Moedequi,àl’appuidecertainsreliefsromainsreprésentantl’installationdestatuesàlaprésenced’unauteletdesautoritésreligieuses,proposed’yreconnaîtreune
formule visuelle traduisant en image la procédure rituelle d’introduction de nouveaux cultes.
C’est à la réception des images des dieux anciens que s’attache enfin A. Bravi dans un essai
consacréàl’époquebyzantine:pendantlongtemps,lesstatuesantiquesinstalléesàConstantinoplenesontpasquedécorativesausensmoderneduterme,maiscontinuentd’agirentantque
vecteursidentitairesetsymbolesdepouvoir.
L’ouvrageestcomplétépardeprécieuxindicesetpardetoutaussiprécieusesillustrations
quipermettentdesuivreaisémentlesdémonstrationsdesdifférentsauteurs.Maisl’éditeurdu
volumeestàremercieravanttoutpourl’introductionqu’ilalivréeetdontlalectures’impose
tant avant qu’après avoir parcouru les arguments déployés dans les études qui composent
l’ensemble.Onytrouveeneffetuneréflexiondefondsurlespointscruciauxsoulevésparcet
ouvrage,àpartirdelarelationproblématiqueentre«divineimages»et«cultimages».Decette
stimulantelecture,onretiendrauneinvitationàappréhenderlesspécificitésdulangageiconographiquequandil«parle»dereligion,maisaussiàreplacerlesdifférentesreprésentationsdu
divindansleurscontextescultuels,rituelsethistoriques,etenfinàcroiserlesdonnéesémiques
avec les outils heuristiques offerts par une approche «étique», dans le but de comprendre
depuisnotreperspectiveéloignéecommentlepolythéismesetraduisaitautrefoisenimages.
GabriellaPironti
(UniversitàdegliStudidiNapoli‘FedericoII’
CentreANHIMA[Paris])
Thomas MORARD,Horizontalité et verticalité. Le bandeau humain et le bandeau divin
chez le Peintre de Darius, Mainz, von Zabern, 2009. 1 vol. 21,5 × 30 cm, X +
264p.,120pl.ISBN:978-8053-3965-0
Cetouvrageestissud’unethèsesoutenueen2008àl’UniversitéLumière–Lyon2,sousla
directiondeJean-MarcMoret.L’étudeportesurungroupedevasesparticuliers,àsavoirdes
pièces apuliennes dont le décor est divisé en deuxfrises superposées: la frise supérieure est
réservéeauxdivinitésetlafriseinférieureauxhumains.Bienquecesvasesaienttrèstôtsuscité
l’attention,aucuneétudesystématiquen’avaitencoreétéconsacréeàcetypedereprésentation,
ce que propose de faire l’A. Contrairement à ce que pourrait laisser entendre le sous-titre,
l’ouvragen’estpasconsacréuniquementauPeintredeDarius,bienquelesréalisationsdece
dernier y occupent une place importante. C’est lui qui semble avoir donné une forme
canoniqueàcetypedecomposition,enfaisantdudoubleregistresaspécialité.
RevuedesLivres
355
L’introductionfournitunbonétatdelaquestionetpréciselesobjectifsdel’étude:ils’agit
deretracerlagenèsedecesscènesàdeuxfrisessuperposéesetdecomprendrelesraisonsqui
ontpoussélespeintresdevasesapuliensàchoisircesystèmedereprésentation.L’ouvragese
diviseendeuxparties,faisantrespectivementréférenceauxdeuxtermesdutitres:l’horizontalité et la verticalité. La première partie, intitulée «Horizontalité et double motivation», est
essentiellement une étude iconographique qui retrace l’évolution du motif, cherche les
parallèlesquel’onpeuttrouverdansl’artgrecetscrutelesimagesenleurlogiqueinterne.Le
premier chapitre est consacré aux assemblées divines dans l’art grec, qui s’inscrivent sur un
arrière-planhomérique.Leurspremièresapparitions,au VIes.,sontliéesàunmytheetlelieu
de l’action est l’Olympe (naissance d’Athéna, retour d’Héphaïstos, introduction d’Héraclès).
Les dieux «représentent» cet Olympe et le font exister. À la fin de ce même siècle, se
multiplientles«triades»:undieuoccupelaplaceprincipale(Apollon,Dionysos,Athéna)et
estentourédedeuxautresdivinités.D’autrestriadessontattestées:unedivinitéassise(trône)
entouréed’autresdieuxenpositiondebout.Iln’enrestepasmoinsquelapositionassiseest
celledelamajestédivineetdoncessentiellepourdesOlympiens.L’A.sepencheégalementsur
lesscènesde«libation»oùlesdieuxapparaissentpargroupesdedeux,troisouquatre,avec
une phiale ou d’autres vases. Face à ce dossier très controversé, l’A. opte pour le caractère
abstrait des scènes: elles soulignent la solennité de l’instant, tout autant que celle des dieux.
Enfin, le motif de l’assemblée divine est abordé dans les monuments sculptés (surtout
sculpturearchitecturale)etlagrandepeinture.
Lechapitre2(«DesprécurseursduPeintredeDarius?»)analyselesdifférentsprocédés
misenœuvreparlesartistesgrecspourcombinerlemondehumainetlemondedivin,touten
marquantlaséparationentrelesdeux.Ils’agitd’uneétudepassionnanteoùl’onvoitapparaître
lesdifférentesstratégiesiconographiquesmisesenœuvrepourexprimerlaséparationdesdeux
sphères. Le chapitre 3. («Genèse et développements») s’ouvre sur le constat que l’art grec,
essentiellement narratif, se déroule dans l’horizontalité. Ainsi, sur les vases géométriques, les
frises se superposent mais sont indépendantes. Il faut attendre la fin du Ve s. pour voir les
imagiersconcevoiruneactiondansladimensionverticale(avecPhidiasetlagigantomachiedu
bouclier d’Athéna). Peu à peu, le décor se déploie dans l’espace, et l’A. suit pas à pas les
développements de cette tendance. La verticalité se déploie peu à peu, depuis la céramique
attiquejusqu’àlacéramiqueapulienne.
Le chapitre 4 («Motivation humaine et motivation divine d’Homère à Plutarque») se
tournedavantageverslestextesafind’évaluer,dansl’épopéehomériqueetlatragédieattique
(surtout Euripide), comment se joue le rapport entre les plans divin et humain d’une même
action.Lesdieuxsontincontestablementdesacteursàpartentièredecequisepasseparmiles
mortels et les textes attestent l’existence de ce que l’A. appelle «la double motivation»: les
deuxplansinterviennentdansl’action,sansquel’unnesoitsubordonnéàl’autre.Ladivision
d’unemêmescènemythologiqueendeuxfrisess’accordedèslorsaveccequel’A.appellede
façonunpeumalheureuse«l’idéologiehomérique»et«l’idéologietragique».Deuxvolontés
distinctescoexistentetagissentparallèlement.
Au chapitre 5 est convoqué le Peintre de Darius («Les deux bandeaux superposés du
Peintre de Darius») qui va favoriser la superposition de scènes mythologiques et de scènes
d’assemblée divine. Comme il s’agit de «mythologie», les textes sont largement appelés en
renfortetl’onauraitaiméconnaîtreplusprécisémentlepointdevuedel’A.surlerapportqui
sejoueentretexteetimage.Quoiqu’ilensoit,onvoitsesuperposerlesgestesetlesactions
deshérosduregistreinférieur,tandisquelesdieuxsontspectateurs,actifsdansl’inaction,en
quelquesorte,auregistresupérieur.Etquandils’agitdecomprendrepourquoitelsdieuxont
étéprivilégiésplutôtquetelsautresdansl’assembléeenrelationaveclascènemythologiquedu
dessous,l’A.discernedesrelationsthématiquesetdesrelationsgénéalogiques.
356
RevuedesLivres
La deuxième partie s’intitule «Verticalité et immortalité» et tente de reconstituer le
contextecultureletcultueldeproductiondecesimages.Auchapitre6(«Lesintrusionsdansle
monde divin»), on voit que le registre supérieur n’est pas exclusivement réservé aux Olympiens,maisqu’yapparaissentaussiparfoisdesdivinitésastrales,despersonnificationsoudes
hérosdivinisés.Quelestlesensdeces«intrusions»?Cenesontpassimplementdesfigures
deremplissageoulerésultatd’unmanquedeplace.Aucasparcas,l’A.justifieces«exceptions»ensefondantsurlatraditionmythique.Lechapitre7(«L’anagôgédeSémélé»)fournit
incontestablementl’interprétationlaplusnovatricedel’ouvrage.Surungroupedeseptvases
duPeintredeBaltimore,onvoitDionysosemmenantunpersonnagefémininsursonchar,la
scènesurmontéed’uneassembléedivine.Lafigureféminineesttrèsgénéralementidentifiéeà
Ariane. L’A. a examiné ces vases de près et constaté que les routes du char emmenant le
couplesurgissaientdedessouslalignedesol.Ils’agitdèslorsd’uneanodosetlafigureféminine
doitêtreidentifiéeàSémélé,queDionysosemmènedesEnferssurl’Olympe.Unetelleinterprétation,trèsconvaincante,permetderemettreenquestiond’autresidentificationsacceptées
depuislongtemps.Auchapitre8(«Astrapé.Mortetapothéose»),l’A.sepenchesurlemotif
de la foudre, de l’éclair, du tonnerre, notamment en raison du foudroiement de Sémélé. La
dimensioneschatologiqued’unesériedevasesétudiésinviteàélargirlaperspective,cequel’A.
faitavecpertinenceetprudence.Eneffet,leslamelles«orphiques»deThourioisontcontemporaines des vases étudiés. On y voit apparaître le foudroiement et la purification. De plus,
l’archéologiearécemmentattestélapratiquedela«semi-crémation»descorpsdanscertaines
nécropolesdelarégion,unconstatquilaisseentendrequedessitesoùl’archéologieduXIXes.
n’avaitvuquedesinhumationsconnaissaientsansdoutecetteautremanipulationdescadavres.
Untelfaisceaud’élémentsinviteàrepensercertainsmotifsiconographiquesàl’aunedepratiquesfunéraireslocales,demêmequecertainesdonnéesdeslamellesd’orquel’onmetgénéralementenrelationaveclesmythesorphiques.Lepointdevuedel’A.surladimension«orphique»deslamellesn’esttoutefoispastotalementclaire1.Ilabordeaussibrièvementledossierde
l’illumination,dufeu,destorchesdanslesmystèresd’Éleusis,enfaisantl’hypothèsetrèsséduisantequela«théologie»éleusinienneintégraituneréférenceaufoudroiement,àl’immolation
par le feu en vue d’une forme d’immortalité (et non de résurrection comme il est écrit aux
p.140et159).Dansle9eetdernierchapitre(«LesEnfersetlatombe»),l’Aétudieletroisième
niveaudu«cosmos»,laissédecôtéjusqu’àprésent,àsavoirlesEnfers,etpousseàleurterme
lesréflexionsduchapitreprécédent.Lestroisniveauxcosmiquessontbiendélimités,maisdes
liensexistententreeuxetlesscènesfunérairescommeunecertaineexubérancevégétalesont
autantd’expressionsdesattenteseschatologiquesexpriméessurlesvases.
Enconclusion,l’A.réaffirmel’inscriptiondesassembléesdivinesdanslatraditionhomérique et le fil qui unit cette tradition à l’iconographie du bandeau supérieur des vases. Une
questionsurgitàcestadefinal:pourquoiÉrosetDionysossont-ilsabsentsdecesassemblées?
Selonl’A.,ilsn’appartiendraientpasàlafamilleolympienneetseraientdesmédiateurs«prochesdeshommes».Certes,Dionysosestquasimentabsentdel’Iliade,maisc’estégalementle
casdeDéméter:ira-t-onaffirmerqu’ellen’estpas«olympienne»?C’estsansdoutelaqualité
«d’olympienne»conféréeàcesassembléesàlasuitedesformuleshomériquesquiauraitdû
être davantage discutée. En outre, il n’est pas correct d’affirmer que jamais Éros n’apparaît
danslesassembléesdivines:l’écoledePhidiasl’amagnifiquementsculptéauxcôtésd’AphroditesurlafriseduParthénon.Etiln’yestpassimplementl’attributquipermetd’identifierla
déesse:c’estledieudepleindroitquelesAthénienshonoraientavecelleauflancnorddeleur
acropole.LaquestiondelaplacedeDionysosetd’Érosdanscetteimagerieétaitassurément
tropcomplexepourêtrereléguéeenconclusion.
1Lanote826estdecepointdevueuneerreur:enI,37,4,Pausaniasn’établitpasd’équivalenceentre
Éleusisetleslamellesorphiques,maislaisseentendrequel’interditdelafèveexistedepartetd’autre.
RevuedesLivres
357
L’ouvrageserefermesuruneexcellentebibliographie,quel’A.maîtriseparfaitement,dans
toutes les langues. Le livre est en lui-même un très bel objet: bien édité, avec des planches
nombreusesetdegrandequalité,ainsiqu’uncataloguequirencontretouteslesexigencesdu
genreetdebonsindices.Unpetitregretenformedeclind’œil:l’amphorequiportelen°61et
apparaîtsurlaplanche46provientd’unecollectionprivéequel’A.situeà«Lüttich»(p.188,
249).Dansunouvrageenfrançais,laforme«Liège»eûtétébienvenue…
HélèneCollard(UniversitédeLiège)
VincianePirenne-Delforge(F.R.S.-FNRS–UniversitédeLiège)
FeyoL.SCHUDDEBOOM,Greek Religious Terminology – Telete & Orgia.Arevised
andExpandedEnglishEditionoftheStudiesbyZijderveldandVanderBurg,
Leiden/Boston,Brill,2009.1vol.16,5×24,5cm,285p.(Religions in the GraecoRoman World,169).ISBN978-90-04-178137.
Commel’indiqueletitre,lesdeuxpremièrespartiesdecetouvrageoffrentunetraduction anglaise de deux ouvrages parus en néerlandais, dans les années 1930: C. Zijderveld,
Τελετή.Bijdrage tot de kennis der religieuze terminologie in het Grieksch,Purmerend,1934,etN.M.H.
van der Burg, Ἁ̟όρρητα-δρώµενα-ὄργια. Bijdrage tot de kennis der religieuze terminologie in het
Grieksch,Amsterdam,1939,dontn’estcependantreprisqueletroisièmevoletdutitre.Les
deux ouvrages répartissent la matière en deux périodes, l’avant et l’après Alexandre, mais
seullepremierconsacreunchapitreàl’emploideteletèchezlesauteursjuifsetchrétiens.
Auxenquêtesdesesprédécesseurs,quiobéissentàunmêmemodus operandi,F.L.S.aajouté
140attestationslittérairesnouvelles,quisonténuméréesdansdeuxlistesdistinctes.Unautre
mérite est d’avoir traduit tous les textes anciens cités. La troisième partie, qui concerne les
inscriptions,secteurqu’avaientomisounégligésesprédécesseurs,–57inscriptionspourteletè,
83pourorgia, – estentièrementneuve.Ellesestsuiviededeuxappendices,l’unquiconcerne
lesattestationsapocryphesoudouteusesdesdeux mots,l’autre les emploisdeTeletè comme
nompropre(18inscriptions).Dansl’abondantebibliographiequireprendnotammentlestitres
desesdevanciers,ontrouveunpeudetoutet,forcément,bonnombred’étudestrèsvieillies.
Deuxindexdessourcesetunprécieuxindexdesmatièresclôturentlevolume.
La rigueur et la clarté avec lesquelles les enquêtes sont menées ainsi que le grand soin
apportéàl’éditionn’appellentquedeséloges.Maiss’agissantdufond,onresteunpeusursa
faim. Certes,disposerd’uninventairecomplet desoccurrencesdesdeux mots,présentéesin
textu et dans une langue désormais plus accessible au grand nombre, n’est pas d’un intérêt
médiocre.Mais,sicen’estunnombreplusimportantd’occurrences,l’A.n’apportepasgrandchoseàl’étudesémantique,trèssuperficielle,desdeuxsavantsqu’iltraduit,etilresteprisonnier
deleurdémarche:unsimplerelevéetunclassement,trèshâtif,designifications.C’esttellementvraiqu’autermedesonchapitrenouveauconsacréauxinscriptions,iln’éprouveaucunementlebesoindeconfronterlesrésultatsdesonenquêteàceuxdeschapitresquiprécèdent.Il
n’apasprissoinnonplusd’intégrerquelquepartlesapportsd’étudespostérieuresquepourtantilconnaît,ainsiqu’entémoignesabibliographie(cf.,parexemple,Kernos 5[1992],p.119140).Danssapréface,claireetméthodique,ilreconnaîtquelaquestiondesavoirpourquoiles
Grecsusaientdesdeuxtermesdanstelscontextesetnondansd’autresdevraitfairel’objetd’un
autrelivre.C’estdefaitunequestionintéressante,etellen’estpaslaseule.Bref,s’ildispose
désormaisd’unepanoplietrèscomplètedematériaux,lemaçonn’enestpasmoinstoujoursau
pieddumur.
AndréMotte
(UniversitédeLiège)
358
RevuedesLivres
Adrienne DIMAKOPOULOU, Chlôrêis aêdôn pâle rossignol. Une étude sémantique, Paris,
ApolisÉditions,2010.1vol.14,8×21cm,156p.ISBN:978-2-9532495-3-8.
Celivre,paruenaoût2010,estenfaitlapublicationd’untravaildefind’étudesréalisé,ily
aunetrentained’années,surlemytheantiqueduRossignolracontéparPénélopeauchantXIX
del’Odyssée.Dèslors,onpourraits’attendreàlireuneversionremaniéeetcomplétéeparune
nouvelle bibliographie qui comporterait notamment des références postérieures. Mais il n’en
estriencarleséditionsApolisontprislepartidepublieruniquementletexteinitial.
Toutaulongdel’Antiquité,l’imagedurossignolasouventétéassociéeauxfemmeslégendairesenproieàladouleur,maispourquoi?Est-cequel’expressionsignifieseulementqu’elles
pleurent? Au cœur de l’interrogation se trouve le sens de l’adjectif contenu dans l’énoncé
Chlôrêis aêdôn,maissansl’enfermerdanssonsenspremier,àsavoirchromatique,car«quandon
a dit ‘vert’ qu’a-t-on dit?» (p.80). L’A. prend le parti d’explorer tout d’abord les catégories
mentalesetaffectivesimpliquéesparl’adjectifchlôros,enétudiantl’associationdecetadjectifà
certainstermesduchampsémantiquedelapeur,àsavoirchlôron deosetchlôron deima.Àpartirde
passages d’Homère et des Suppliantes d’Eschyle, elle éclaire le sens de chlôros en analysant les
circonstances qui sont à l’origine des deux craintes dont il est fait mention dans les textes:
d’unepart,laméconnaissancedudanger(Ulysseetsondésirdevengeance)etd’autrepartla
souillure (Io, ce mélange monstrueux de deux natures). Dès lors, elle choisit de traduire
l’adjectif chlôros par «trouble» et introduit, tout en finesse, le chiffre deux du doute en faisant
remarquerquel’aspecthybridedeIon’estpaslaseulecausedutroublecarsaprésencedansun
lieusacré,commecelledeDéméteraupalaisdeCéléeetMétanire,l’esttoutautant.Elleprécise
ensuitesonproposenabordantladescenteauxEnfersd’Ulysse.Danscetunivers,lehérosest
luiaussisaisiparla«craintetrouble».Eneffet,ilressentlachlôron deosdèsqu’ilvoittousces
mortssansmémoirequipoussentdescris«terrifiants»,etillaressentiraencorelorsqu’ilsera
faitmentiondeGorgô.L’A.s’arrêteaussisurla pratique du héroset,partantdel’accentmissurla
transformation d’Ulysse en aède par Fr. Frontisi-Ducroux, elle remarque que ce statut lui
permetd’éviterlelotcommundesmortelsordinairesquiconsisteàmourirdanslamémoire
populaire. Enfin, pour clore cette approche de la Nekyia, elle se penche sur la valeur
étymologiquededeos.Ellepointeainsidudoigtlelienentrelaracineindo-européenne*dwei
quidonnedeosetlethèmenuméral*dwei,«deux».Àcemomentprécis,l’A.côtoieànouveau
ledoutequimèneàl’hésitationentredeuxpossibilités.Maisl’enquêteestloind’êtreterminée.
Laquestion:«Aédonest-ellechlôradepeuroudeprintempscommelavégétation?»(p.51),
luioffrelapossibilitédepasserprogressivementduchampsémantiquedelapeuràceluides
larmes.Ellenoted’embléequesiHomèreassocietrèssouventl’adjectifthaleros(florissant)aux
larmes,Sophocle,lui,leremplaceparchlôros(l’appartenancedecesdeuxsignifiantsàl’univers
végétal permettant de passer de l’un à l’autre sans aucune difficulté). Il ne s’agit pas de
n’importequelleslarmesmaisbiendes dakrua chlôra :deslarmesdefemmesbiensûr,carce
sonttoujourslesfemmesquiontpeuretquipleurentvite,commesile chlôron n’avaitenfait
déteint que sur elles. La vingtaine de pages consacrée aux «Larmes troubles des femmes»
(p.55-75),ceslarmesdeDéjanire,d’HélèneetdeMédée,troisfemmesquipleurentlesmorts
dues à leur ignorance, soutient les propos antérieurs de l’A. à savoir que si la peur est
provoquéeparlaméconnaissance,letrouble,lui,l’estparledouteetparl’obscurité.Fidèleàsa
méthode,ellepoursuitsonenquêteenanalysant,letempsd’unenouvelleparenthèse,leterme
adinos. Ce passage qui fait ressortir toutes les difficultés liées à la transposition des valeurs
sémantiquesd’unelangueàuneautre,l’amèneàconclurequ’adinos semble,quandonparlede
larmes, finalement fort proche du sens de chlôros. Le poème «À une aimée» de Sappho, lui
permetensuited’aborderledomainedel’éros,enapprochantplusparticulièrementuntypede
désiramoureuxquiestchlôron commeSapphoest chlôrotera poias. Lalecturedecesversconstitueunedoucetransitionqu’utilisel’A.pours’engagerdansl’étudedelavaleurchromatiquede
RevuedesLivres
359
chlôros.Enabordantlesenspremierdechlôros,ellerappellequ’engrecancien,ilestrarequ’un
signifiant désigne par lui-même une couleur. Ainsi chlôros renverrait plutôt à une nuance en
référence au mondede lavégétationnaissante. Deplus, elle rappelle que«dansdescivilisationsdifférentes,onnevoitpasdelamêmefaçon!».Ilfautdèslorschercherdanslestextes
commentlesGrecseux-mêmesdéfinissaientlanaturedescouleurs.PlatonetAristoteenparlentnotammentenemployantletermechroiaquisignifie,outrelacouleur,lasurface,notionde
perceptionvisuelle des limites. Pour eux, posséder une couleur, c’est être délimité, être doté
d’uneforme.Démocriteaaussilivréunethéoriedescouleurs.Selonlui,levertestlaseuleàne
pas posséder de morphê mais à être constituée de plein et de vide. Ce type de mélange est
pourtantcommunàtouteslescouleursetnepeutdèslorsdéfinirleseulvert.Lanaturedela
couleurvertenetransgresserait-ellepassimplementlesloisdelathéoriedeDémocrite,couleur
«trouble»quinepeutquebrouillerleslimites?L’A.poursuitsonvoyagedansledomainedes
couleursenmettantcettefoisl’accentsurletermepepsisutilisépourrendrecomptedesdiversescolorations.Eneffet,lescouleursévoluentjusqu’àl’accomplissementdecequ’ellescolorent.L’A.remetcetteaffirmationenrelationavecsesrésultatsantérieurssurlamortetlestatut
héroïquepouraboutiràl’idéed’unemortcruequisedifférencieraitdelamortpourpremiseen
évidence par Gernet. Le livre se referme sur deux versions du mythe du Rossignol et de
l’Hirondelleenlangueoriginaleavectraduction,ainsiquesurunindex.
Cetintéressantpetitlivreproposeuneétudesémantiquefondéesuruneméthodepersonnelle,novatriceetrigoureuse.Ilpermetdemieuxcernercertainesreprésentationsmentaleset
culturelles proprement grecques. L’A. nous emmène dans un voyage riche de ses réflexions
aux tournures poétiques, fait remarquable lorsqu’on sait que le français n’est pas sa langue
maternelle.Cependant,iln’estpastoujoursaisédesuivrel’A.danslesméandresdesapensée
carnonseulementlesrelationsentrelesdiversparagraphesnesontpasforcémentclaires,mais
aussilechoixd’unelanguemétaphoriquenefacilitepastoujourslacompréhension.Enfin,le
mondedescouleursenGrèceaconnuunregaind’intérêtcesdernièresannéesetlaconfrontation des conclusions du présent ouvrage et de ces recherches nouvelles s’imposera à ceux
qu’intéressentcesquestions.
MaudClerfays
(UniversitédeLiège)
Corinne BONNET, Vinciane PIRENNE-DELFORGE, Danny PRAET (éds), Les
religions orientales dans le monde grec et romain : cent ans après Cumont (1906-2006).
Bilan historique et historiographique. Colloque de Rome, 16-18 novembre 2006, Bruxelles/Rome,InstitutHistoriqueBelgedeRome,2009.1vol.19×25,5cm,464p.
(Institut Historique Belge de Rome. Études de philologie, d’archéologie et d’histoire anciennes,
45).ISBN:978-90-74461-71-9.
Pourcélébrerlecentièmeanniversairedelapublicationdelapremièreéditiondel’ouvrage
deFranzCumont,Les religions orientales dans le paganisme romain1,issudeconférencesqu’ilavait
faitesauCollègedeFranceen1905,uncolloqueaétéorganiséàRomeennovembre2006.
Sonobjetprincipalétaitdeproposeruneréflexionsurl’actualitéetlapertinencedecethème.
Levolumed’actesquevoicicomptevingt-quatrecontributions,répartiesencinqsections.Une
étude introductive, due aux éditeurs, présente brièvement les axes de recherche sur lesquels
reposentlesréflexionsdecetterencontre.Uneattentionparticulièreyestaccordéeàlavalidité
delanotionde«cultesorientaux»,unecatégorieentréedansl’usage,maisquiserévèleenfait
1 4e édition, Paris, 1929, dont il existe à présent une réédition par les soins de Corinne Bonnet et de
FrançoiseVanHaeperen,Turin,2006(Bibliotheca Cumontiana. Scripta Maiora,1).
360
RevuedesLivres
inadaptéepourdéfinirlesréalitésqu’elleentenddésigner.Larelecturequiaétéfaitecesderniers temps de ces phénomènes religieux a permis de mettre en lumière les ressemblances
entre les rites des différents cultes de l’Antiquité et a conduit à renoncer à la dichotomie
traditionnelle entre religions orientales et religion officielle ainsi qu’à déconstruire le concept
mêmede«religionsorientales».C’estcetaspectqu’illustrentlescontributionsdelapremière
section.AprèsunbilancritiquedesidéesdeCumont,dresséparC.Bonnet(Entre ciel et terre, en
relisant Franz Cumont), W. Van Andringa et Fr. Van Haeperen (Le Romain et l’étranger : formes
d’intégration des cultes étrangers dans les cités de l’Empire romain)expliquentpourquoiilconvientde
renonceraujourd’huiàlacatégoriede«cultesorientaux».Ladispositionmêmedesiseaetdes
mithraea danslaVillemontreque,aumoinsàpartirdelasecondemoitiéduIIes.,cesdivinités
n’étaient plus ressenties comme étrangères par les citoyens. M.-Fr. Baslez, S. Ribichini et
Chr.Auffarth(Appréhender les religions en contact)abordentledélicatproblèmeducontactentre
lesreligions.Auconceptde«syncrétisme»,aujourd’huidépassé,ilfautsubstituerdestermes
plusneutrescomme«contact»ou«cohabitation».Lamêmeinadéquationduterme«syncrétisme» est soulignée par L.Bricault et Fr.Prescendi (Une théologie en images?) à propos de
l’analyse des représentations de divinités comme Jupiter Dolichenus. Il faut préférer une
expressioncomme«coexistenced’imagespolysémiques».
La seconde section ouvre le débat autour de la catégorie de «religions orientales».
G.Stroumsa (Ex Oriente Numen. From orientalism to oriental religions) tente de remonter aux
originesmêmesduconceptde«religionsorientales»,cheràCumont,etretracel’histoiredes
études qui ont précédé le travail de ce savant. Cette analyse met en lumière la volonté de
Cumont de recréer un lien entre les cultures religieuses du bassin méditerranéen et illustre
l’importancequeleProcheOrientatoujourseuepourleshistoriensdesreligions.Lafigurede
Franz Cumont se trouve aussi au cœur de l’étude de W.Burkert (‘Orient’ since Franz Cumont:
Enrichment and Dearth of a Concept),quiconsacreuneanalysecritiqueauconceptd’Orientet,plus
généralement,àladéfinitiondesairesgéographiqueschezCumont.
Viennent ensuite des études de cas concrets: la situation religieuse à Doura-Europos
(T.Kaizer),lestatutduculted’IsisàRome(J.Scheid),lesreprésentationsmithriaques(V.Huet),
Sabazios (J.-M. Pailler), le dieu Bès (G. Garbati), les cultes isiaques à Athènes (E.Muniz
Grijalvo).Troiscontributionssontconsacréesauxsourceslittéraires:Porphyre(P.F.Beatrice),
lePseudo-Méliton(J.L.Lightfoot)etFirmicusMaternus(A.Busine),quiseraitlepointdedépart
dulivredeCumont.L’analysedeD.Praetapoursujetlafigurecharismatiqued’Apolloniosde
TyaneetcelledeCh.Cremonesil’ascétismedesstylites.
La dernière section (En guise de conclusion) est entièrement occupée par une étude de
R.Turcan(Une aporie de la tradition littéraire sur le Lion mithriaque),oùiltentederésoudre,àl’aide
deladocumentationiconographique,unproblèmequiapouroriginel’interprétationerronée
d’untextedePorphyrerelatifaucultedeMithra(De Abstinentia IV,16,3).
Cevolume,trèssoigné,proposeunbilannuancéetapprofondid’unsièclederechercheset
ouvre des voies nouvelles dans l’étude des courants religieux qui entrèrent en interaction au
seindubassinméditerranéen.Deuxindex(nomsmodernesetsujets)complètentcetouvrage
deréférencetrèsutile.
BrunoRochette
(UniversitédeLiège)
RevuedesLivres
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MichelCARTRY,Jean-LouisDURAND,RenéeKOCHPIETTRE(éds),Architecturer
l’invisible. Autels, ligatures, écritures,Turnhout,Brepols,2009.1vol.15,5×24cm,
448p.(Bibliothèque de l’École des Hautes Études, Sciences religieuses,138).ISBN:9782-503-53172-4.
Ce volume résolument interdisciplinaire offre une réflexion passionnante sur la manière
dont des cultures très diverses ont mis en présence des instances considérées comme supérieures, comment elles ont «architecturé l’invisible», pour reprendre le très beau titre du
volume. Se revendiquant d’une forme d’empirisme dans le comparatisme, essentiellement
fondé sur le dialogue serré entre des spécialistes de domaines différents, les éditeurs offrent
unecopieuseintroduction,quipermetderelierentreelleslesinterventionsquiserépartissent
entroisgrandesparties:«Ouvrir»,«Œuvrer»,«Écrire»,troisverbesquisontvuscommeles
troismodalitédecette«architecture»entraindesefaire,quitteàpasserparle«défaire».
De la Mésopotamie à différentes régions de l’Afrique, en s’arrêtant en Grèce et dans le
monde chrétien médiéval, c’est à une large interrogation sur les catégories de l’histoire des
religionscomme«sacrifice»ou«offrande»qu’invitentlesréflexionstrèsrichessurdesdossiers précis. Celui ou celle qui étudie la religion grecque est évidemment vert(e) de jalousie
devant la précision atteinte par la description d’un rituel africian saisi sur levif par l’anthropologuedeterrain.Ilouellepressentaussiladifficulté,danssonpropredomaine,dechercher
lesensdesmanipulationsdontunetraditionlittéraireouépigraphiquefragmentéen’aconservé
que des lambeaux. Mais justement, c’est là que le comparatisme pensé dans la lignée des
travaux d’équipe pilotés par M.Detienne – un patronage ici assumé – peut aider à poser
d’autresquestionsàunmatérielcertestrèséclatémaisqu’unregarddécentrépeutapprendreà
voirautrement.
Leshellénistesembarquésdanscetteaventurecomparatisteontlaissédebellesréflexions,
qu’unlecteurcurieuxpourramettreenrésonanceaveclesétudesd’autresdomainesderecherche: D.Jaillard sur les espaces hermaïques du sacrifice, I. Patera sur les offrandes durables
dans l’espace sacrificiel, E. Barra sur les procédures mantiques à Delphes, G. Pironti sur le
«miracle» de l’autel d’Aphrodite à Éryx, M.Carastro sur les katadesmoi et les instances de
l’enchaînement,R.KochPiettresurlesmanipulationsliéesauxsermentsdanslatragédie,et
B.MezzadrisurlesacrificedesroisatlantesconçuparPlaton.
VincianePirenne-Delforge
(F.R.S.-FNRS–UniversitédeLiège)
2. Actes de colloques, ouvrages collectifs
et anthologies
JanN.BREMMER,AndrewERSKINE(éds),The Gods of Ancient Greece. Identities and Transformations,Edinburgh,EdinburghUniversityPress,2010(Edinburgh Leventis Studies,5).
JanN.Bremmer,Introduction: The Greek Gods in the Twentieth Century,p.1-18;AlbertHenrichs,What is a
Greek God?,p.19-39;IanRutherford,Canonizing the Pantheon: the Dodekatheon in Greek Religion and its Origin,
p. 43-54; Fritz Graf, Gods in Greek Inscriptions: Some Methodological Questions, p. 55-80; Richard Buxton,
Metamorphoses of Gods into Animals and Humans, p. 81-91; Stella Georgoudi, Sacrificing to the Gods: Ancient
Evidence and Modern Interpretations, p. 92-105; Anja Klöckner, Getting in Contact: Concepts of Human-Divine
Encounter in Classical Greek Art,p.106-125;KennethLapatin,New Statues for Old Gods,p.126-151;JudithM.
Barringer,Zeus at Olympia,p.155-177;RichardSeaford,Zeus in Aeschylus: the Factor of Monetization,p.178192;JanN.Bremmer,Hephaistos Sweats or How to Construct an Ambivalent God,p.193-208;IvanaPetrovic,