anthologie poétique sur la mort

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anthologie poétique sur la mort
ANTHOLOGIE POÉTIQUE SUR LA
MORT
Santisteban Bonifaz Amy Lesly
1S2
Mme.Thomas
PRÉFACE
La poésie est le mode d'expression qui convient le mieux à la connaissance des choses
essentielles : l'amour, la mort, Dieu, la joie, le malheur. La poésie doit éduquer, éveiller les
consciences et exprimer des sensations, des sentiments (émotions), des idées en les associant
pour créer un monde harmonieux. Selon moi, elle révèle et célèbre des aspects secrets,
« poétiques » de notre monde en revenant à ce qui est premier, en nous faisant voir notre
monde comme un monde neuf. Elle sert à créer un monde imaginaire et idéal. En outre c'est
une force de contestation des habitudes, propre à dénoncer la violence, les malheurs et à
célébrer la liberté : la poésie engagée.
Dans cette anthologie le thème choisi est : « la mort » ; bien que cela puisse paraître
macabre et déplacé d’en parler, elle est présente au quotidien dans notre vie : journaux,
télévision, livres… car la mort est l’un des cycles les plus mystérieux de la vie et aussi le
dernier. La mort est en effet une réalité qui nous rattrape tous à un moment ou un autre,
nous sommes tous concernés par elle, et même les plus grands des poètes y ont pensé.
La mort est d’abord effrayante. Elle correspond à un moment de notre vie que nous devrons
affronter tout en sachant qu’il faudra perdre contre elle. Charles Baudelaire l’a bien compris,
puisque dans son poème « l’horloge », il nous décrit la mort comme un mécanisme
immuable et toujours gagnant, rappelant terriblement à chaque instant l’homme à la triste
réalité de son existence. Ce poème, fataliste, nous montre à quel point la mort nous obsède
car elle est une éternelle patiente.
Le même auteur cependant nous montre que tout n’est pas fini après la mort. A travers « La
mort des amants », Charles Baudelaire nous conte l’histoire de ce couple qui, s’unissant dans
le plaisir et échangeant l’unique et dernier éclair chargé d’adieux, se retrouve finalement au
paradis. Le poète croit donc à une vie après la mort, il donne l’espoir qu’un jour les êtres qui
se sont aimés se retrouveront comme sur la Terre.
Cependant, elle est un évènement qui frappe au jugé, sans avertissement. C’est ce que nous
dépeint Paul Eluard à travers « Notre vie ». La mort prend sa femme, soudainement, sans
sommation.
L’amour est donc sujet à la mort comme les hommes : c’est ce que Pierre de Ronsard nous
démontre à travers « Sur la mort de Marie ». La mort qui, comme pour Paul Eluard, ravit un
être cher, et met fin à l’amour. La puissance du sentiment amoureux est ternie par le trépas,
et il ne reste plus au poète qu’à attendre la fin pour retrouver l’être aimé.
Et c’est par l’éclipse qu’elle se matérialise selon Agrippa D’Aubigné. En effet, dans « Voici la
mort du ciel » le cœur du monde et de l’univers, comme on le pensait à l’époque, est le soleil.
Par sa lumière et sa chaleur, il donne la vie.
Il nous faut savoir que si la mort est terrible et universelle, elle peut néanmoins être
didactique. C’est ce qu’a compris La Fontaine qui dans sa fable « La Mort et le bûcheron »
nous donne une leçon de morale fort intéressante : quelle que soit la peine d’un homme, la
mort est la dernière solution aux problèmes.
Ronsard choisit d'évoquer dans ses Derniers vers, avec une émouvante simplicité, l'approche
imminente de sa propre mort. « Je n'ai plus que les os... », Le sonnet liminaire de ce court
recueil publié par ses amis juste après sa disparition nous présente un tableau saisissant de la
dégradation physique du poète, tout en célébrant la valeur consolatrice de l'amitié. Ronsard
nous propose une évocation réaliste et baroque de la mort.
La mort peut aussi inspirer les poètes dans leur style. Ainsi, dans « Epitaphe d’Arnauld »
Nicolas Boileau écrit ses vers comme si la mort pouvait le prendre d’un instant à l’autre : il se
met dans la peau d’un condamné à mort qui voit les secondes inéluctablement passer et les
visages l’abandonnant ; ce poème est écrit en hommage d’Antoine Arnauld.
Puis dans le sonnet « Enterrement », de Paul Verlaine, le poète nous offre une nouvelle
description du rapport à la mort. Il serait dès lors intéressant de nous interroger sur la mise
en place d’un cynisme de l’observation, en étudiant, dans un premier temps le cynisme
grinçant, puis, dans un second temps, la communion d’indifférence autour de l’évènement,
pour, enfin, retourner à notre tour le poème et réfléchir à son ambiguïté.
Enfin, nous finirons sur un poème tranquille et paisible en apparence : « Le dormeur du Val »,
d’Arthur Rimbaud. Il y décrit la paix éprouvée par un jeune soldat dormant dans ce val. Seul
le dernier paragraphe de ce sonnet nous surprend, comme une chute inattendue : il est mort.
Cette mort ne revêt qu’un visage de paix, paix que le soldat, paradoxalement alors qu’il
symbolise la guerre, ressent.
« L’HORLOGE »
« L’horloge » est un poème de Charles Baudelaire et appartient au recueil
Les Fleurs du mal paru en 1857. « L'Horloge » est le tout dernier poème de
Spleen et idéal. La structure du poème rappelle la structure du temps
utilisée par l'horloge : 24 vers, comme les 24 heures d'une journée ;
chaque quatrain compte quatre vers, comme autant de quarts d'heure. Les
rimes sont alternées, rappelant le mouvement de va-et-vient du balancier.
Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit : " Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d'effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible ;
Le Plaisir vaporeux fuira vers l'horizon
Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
A chaque homme accordé pour toute sa saison.
Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote : Souviens-toi ! - Rapide, avec sa voix
D'insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !
Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !
(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or !
Tableau de Roger Guardia
Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c'est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.
Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,
Où l'auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le Repentir même (oh ! la dernière auberge !),
Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! "
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal (1857)
« LA MORT DES AMANTS »
Ce sonnet, extrait de l'œuvre de Charles Baudelaire "Les Fleurs du Mal",
paru en 1857, est intitulé "La Mort des amants". Ce texte ouvre la
cinquième section des Fleurs du Mal, consacrée à la mort. Ce poème nous
présente la mort de deux amants, qui est en fait ici symbole de l'amour
éternel, et donc parfait. Baudelaire nous présente une vision spiritualisée
de l'amour au-delà de la vie, et que la vie ne peut plus corrompre, ou
fragiliser.
Nous aurons des lits pleins d'odeurs
légères,
Des divans profonds comme des
tombeaux,
Et d'étranges fleurs sur des étagères,
Ecloses pour nous sous des cieux plus
beaux.
Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,
Nos deux cœurs seront deux vastes
flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs
jumeaux.
Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Tableau de Anne Louis GIRODET
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux;
Et plus tard un Ange, entr'ouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.
Charles Baudelaire, Les Fleures du mal (1857)
« NOTRE VIE »
Ce poème, extrait du recueil de Paul Éluard Le Temps débordé paru en
1947. Ce poème fut inspiré à Éluard par la mort, survenue brutalement en
novembre 1946, de la femme qu'il avait rencontrée en 1930, qui était
surnommée Nusch, dont, l'aimant passionnément, il avait fait sa deuxième
inspiratrice.
Notre vie tu l'as faite elle est ensevelie
Aurore d'une ville un beau matin de mai
Sur laquelle la terre a refermé son poing
Aurore en moi dix-sept années toujours plus
claires
Et la mort entre en moi comme dans un
moulin
Notre vie disais-tu si contente de vivre
Et de donner la vie à ce que nous aimions
Mais la mort a rompu l'équilibre du temps
La mort qui vient la mort qui va la mort
vécue
La mort visible boit et mange à mes dépens
Morte visible Nusch invisible et plus dure
Que la faim et la soif à mon corps épuisé
Masque de neige sur la terre et sous la terre
Source des larmes dans la nuit masque d'aveugle
Mon passé se dissout je fais place au silence.
Paul Eluard, Le Temps déborde (1947)
« SUR LA MORT DE MARIE »
Ce poème est composé en 1574 par Pierre de Ronsard et publié en 1578
dans le recueil intitulé Sur la mort de Marie. Ce poème est un hommage
rendu à une femme aimée une vingtaine d'année plus tôt (de 1555 à 1558)
et morte depuis peu.
Comme on voit sur la branche au mois de Mai la
rose
En sa belle jeunesse, en sa première fleur
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l’Aube de ses pleurs au point du jour
l’arrose :
La grâce dans sa feuille, et l’amour se repose,
Embaumant les jardins et les arbres d’odeur :
Mais battue ou de pluie, ou d’excessive ardeur,
Languissante elle meurt feuille à feuille déclose :
Ainsi en ta première et jeune nouveauté,
Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
La Parque t’a tuée, et cendre tu reposes.
Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif, et mort, ton corps ne soit que roses.
Tableau de Caravage
Pierre de Ronsard, Sur la mort de Marie (1574-1578)
« VOICI LA MORT DU CIEL »
« Voici la mort du ciel » est un poème de Théodore Agrippa d’AUBIGNÉ
tiré du recueil Les Tragiques paru en 1616, il exprime la mort de manière
douloureuse comme on pensait à l’époque.
Voici la mort du ciel en l'effort douloureux
Qui lui noircit la bouche et fait
saigner les yeux.
Le ciel gémit d'ahan, tous ses nerfs
se retirent,
Ses poumons près à près sans
relâche respirent.
Le soleil vêt de noir le bel or de ses
feux,
Le bel œil de ce monde est privé de
ses yeux ;
L'âme de tant de fleurs n'est plus
épanouie,
Il n'y a plus de vie au principe de
vie : ,
Tableau de Vincent de Van Gogh (1853-1890)
Et, comme un corps humain est tout mort terrassé
Dès que du moindre coup au cœur il est blessé
Ainsi faut que le monde et meure et se confonde
Dès la moindre blessure au soleil, cœur du monde.
La lune perd l'argent de son teint clair et blanc,
La lune tourne en haut son visage de sang ;
Toute étoile se meurt : les prophètes fidèles
Du destin vont souffrir éclipses éternelles.
Tout se cache de peur : le feu s'enfuit dans l'air,
L'air en l'eau, l'eau en terre ; au funèbre mêler
Tout beau perd sa couleur.
Théodore Agrippa d’AUBIGNÉ, LES TRAGIQUES (1616)
« LA MORT EL LE BÛCHERON »
« La Mort et le Bûcheron » est la seizième fable du livre I de Jean de La
Fontaine situé dans le premier recueil des Fables de La Fontaine, édité pour
la première fois en 1668. Dans la fable, « La Mort et le Bûcheron » La
Fontaine nous présente le dernier étage de la société : le bûcheron. Il nous
présente tout d'abord sa vie (le corps), et en tire une morale philosophique
(l'esprit).
Un pauvre bûcheron, tout couvert de ramée,
Sous le faix du fagot aussi bien que des ans,
Gémissant et courbé, marchait à pas pesants,
Et tâchait de gagner sa chaumine enfumée.
Enfin, n'en pouvant plus d'effort et de douleur,
Il met bas son fagot, il songe à son malheur.
« Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde ?
En est-il un plus pauvre en la machine ronde ?
Point de pain quelquefois, et jamais de repos. »
Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts,
Le créancier, et la corvée
Lui font d'un malheureux la peinture achevée.
Il appelle la Mort. Elle vient sans tarder,
Lui demande ce qu'il faut faire.
« C'est, dit-il, afin de m'aider
A recharger ce bois; tu ne tarderas guère. »
Le trépas vient tout guérir;
Mais ne bougeons d'où nous sommes:
Plutôt souffrir que mourir,
C'est la devise des hommes.
Jean de La Fontaine, Fables de La Fontaine,(1668)
« JE N’AI PLUS QUE LES OS»
Ce sonnet est écrit par Pierre de Ronsard tiré du recueil posthume
Derniers Vers qui fut publié en 1586, au moment des obsèques officielles,
tout en célébrant la valeur consolatrice de l'amitié. Ronsard nous propose
une évocation réaliste et baroque de la mort.
Je n’ai plus que les os, un squelette je semble,
Décharné, dénervé, démusclé, dépulpé,
Que le trait de la mort sans pardon a frappé,
Je n’ose voir mes bras que de
peur je ne tremble.
Apollon et son fils, deux grands
maîtres ensemble,
Ne me sauraient guérir, leur
métier m’a trompé ;
Adieu, plaisant Soleil, mon œil
est étoupé,
Mon corps s’en va descendre où
tout se désassemble.
Quel ami me voyant en ce point dépouillé
Ne remporte au logis un œil triste et mouillé,
Me consolant au lit et me baisant le face,
En essuyant mes yeux par la mort endormis ?
Adieu, chers compagnons, adieu, mes chers amis,
Je m’en vais le premier vous préparer la place.
Pierre de Ronsard, Derniers Vers (1586)
« ÉPITAPHE M.D’ARNAULD»
« Épitaphe de M. Arnauld » est un poème écrit par Nicolas Boileau tiré du
recueil Poésies Divers paru en 1694. Ce poème est écrit en mémoire
d’Arnauld qui est un prêtre, théologien, philosophe et mathématicien
français, l'un des principaux chefs de file des jansénistes et un opposant
des jésuites au XVIIe siècle.
Au pied de cet autel de structure grossière
Gît sans pompe, enfermé dans une vile
bière,
Le plus savant mortel qui jamais ait écrit;
Arnauld, qui, sur la grâce instruit par JésusChrist,
Combattant pour l’Église, a, dans l’Église
même,
Souffert plus d’un outrage et plus d’un
anathème.
Plein du feu qu’en son cœur souffla l’Esprit
divin,
Il terrassa Pélage, il foudroya Calvin;
De tous les faux docteurs confondit la
morale;
Mais, pour fruit de son zèle, on l’a vu
rebuté,
En cent lieux opprimé par leur noire cabale;
Errant, pauvre, banni, proscrit, persécuté;
Et même par sa mort leur fureur mal éteinte
N’aurait jamais laissé ses cendres en repos,
Si Dieu lui-même ici de son ouaille sainte
À ces loups dévorants n’avait caché les os.
Autoportrait d’Antoine Arnauld
Nicolas Boileau, Poésies (1694)
« L’ENTERREMENT »
« L’enterrement » est un poème tiré du recueil Poèmes saturniens, de
Paul Verlaine paru en 1866 ; ce poème pose dès son titre sa double
postulation : faire acte de poésie dans le monde de Saturne, celui de la
mélancolie. Mélancolie, tristesse, le poème dans son titre relève de
l’émotion, de la condition humaine dans son inexorable fin.
Je ne sais rien de gai comme un enterrement !
Le fossoyeur qui chante et sa pioche qui brille,
La cloche, au loin, dans l’air,
lançant son svelte trille,
Le prêtre en blanc surplis, qui
prie allègrement,
L’enfant de chœur avec sa voix
fraîche de fille,
Et quand, au fond du trou, bien
chaud, douillettement,
S’installe le cercueil, le mol
éboulement
De la terre, édredon du défunt,
heureux drille,
Tableau de Gustave COURBET (1819-1877)
Tout cela me paraît charmant, en vérité !
Et puis, tout rondelets, sous leur frac écourté,
Les croque-morts au nez rougi par les pourboires,
Et puis les beaux discours concis, mais pleins de sens,
Et puis, cœurs élargis, fronts où flotte une gloire,
Les héritiers resplendissants !
Paul Verlaine, Poèmes saturniens(1866)
« LE DORMEUR DU VAL »
« Le dormeur du val » est un poème d’Arthur Rimbaud issu d’un recueil
intitulé Poésie écrit en 1870. Il fut composé lors d’un fugue du jeune poète,
alors âgé de 16ans. Il nous fait découvrir le spectacle de la mort d’un jeune
soldat et vise à nous faire partager son indignation et sa colère.
C'est un trou de verdure, où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent; où le soleil, de la montagne fière,
Luit: c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson
bleu,
Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme:
Nature, berce-le chaudement: il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Le dormeur du val, d’Arthur Rimbaud, (1870)
CONCLUSION
Pour conclure, la mort n’est réellement pensée et conceptualisée
que lorsqu’il s’agit de la mort d’autrui. En ce qui concerne la
mort, et bien que je me sache mortel (ce qui d’ailleurs me
distingue de l’animal), on ne peut l’envisager en toute sérénité.
Partagé entre le divertissement et l’angoisse absolue, j’oscille en
permanence sans trouver de sens à ma vie.
Une solution est de nier le problème, comme ont pu le faire
Epicure ou Sartre : vivant, il ne me concerne pas ; mort, encore
moins. Quoique profondément utile au quotidien, cette attitude
ne nous permet cependant pas de faire taire nos angoisses
existentielles, qui se résument en une question essentielle : à
quoi bon vivre si je dois mourir ?
Peut-être que la réponse réside tout simplement dans une prise
de conscience : seule la mort donne un sens à la vie, car,
m’immergeant dans l’éphémère et l’aléatoire, elle oblige à agir
et à donner un sens à notre existence.
Pressé par elle, « on n’a pas de temps à perdre » et on doit
concrétiser, le plus vite possible, notre "être-au-monde", qui
serait comme une harmonie entre nos aspirations et ce qui nous
entoure.
La mort est un sujet difficile et, dans notre civilisation actuelle
(celle des pays à mode de production capitaliste développé),
tabou.
D’un point de vue philosophique, ce thème est bien entendu
étroitement lié à celui du temps et de la religion. Qu’elle soit
religieuse ou philosophique, toute réflexion sur la mort est
profondément paradoxale.
En un mot, la mort n’aurait de sens que comme l’invitation
urgente à réaliser mes fins en ce monde, avec ce monde...