La dette publique italienne

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La dette publique italienne
N° 128 – 8 juillet 2009
La dette publique italienne
 Avec la crise actuelle, tous les regards se
portent sur la situation des finances publiques.
Après un état des lieux rapide, il convient de
s’intéresser à l’impact de la crise sur les équilibres
financiers de l’État et de revenir sur les enjeux de la
consolidation budgétaire.
Un bref rappel historique
Depuis le milieu des années 1990, de réels progrès ont
été accomplis dans la réduction du ratio dette/PIB. Afin
de satisfaire aux critères d’entrée dans l’UEM (entre
1992 et 1997), l’Italie a mené une politique budgétaire
très restrictive. Cependant, ces mesures à des fins de
redressement des comptes publics n’ont eu qu’un
caractère temporaire. En outre, une plus grande
intégration financière en zone euro et la monnaie
commune ont permis une nette réduction du spread
entre le taux d’intérêt italien et le Bund allemand
allégeant de facto la facture des charges d’intérêt.
Depuis le début de la décennie, les finances publiques
ont commencé à nouveau à se dégrader. Ainsi, le
déficit budgétaire a atteint 3,2 % du PIB en 2004, soit
au-delà des 3 % de référence, et la dette publique a
dépassé les 100 % du PIB, contre les 60 % requis par le
Pacte de Stabilité.
Dès lors, la Commission européenne avait ouvert une
procédure de déficit excessif à l’encontre de l’Italie, le
7 juin 2005. Après 2006, le redressement des finances
publiques semble avoir repris, en partie grâce à un
recouvrement plus efficace de l’impôt mais sans guère
de réussite en ce qui concerne la réduction des
dépenses publiques. Malgré la clôture de la procédure
pour déficit excessif le 30 juin 2008, la dette publique
italienne demeure aujourd’hui l’une des plus élevée de
l’Union européenne, à 105,8 % du PIB en 2008 (après
103,5 % en 2007).
Des finances publiques sous tension
En 2008, le déficit budgétaire a sensiblement
augmenté, atteignant 2,7 % du PIB après 1,5 % en
2007. Cette détérioration tient surtout au manque à
gagner en termes de recettes fiscales (1 % en
glissement annuel après 6,4 % en 2007) lié aux
premiers effets de la récession. Avec des profits sous
pression et la baisse de la consommation, ce sont en
grande partie les baisses des recettes de l’impôt sur le
revenu des sociétés et des impôts indirects qui ont
contribué à cette inflexion. Les allègements fiscaux
adoptés au cours des deux années précédentes ont
également pesé. Le rythme des dépenses (hors charges
de la dette) s’est lui accéléré, passant de 3,5 % en 2007
en glissement annuel à 4,5 % en 2008. Ce sont
essentiellement les revenus des fonctionnaires qui ont
alourdi les dépenses de 2008, en raison du
regroupement des paiements des contrats renouvelés
en 2006 et 2007. Les avantages sociaux ont continué
d’augmenter (5,1 % a/a en 2008, après 4,9 % l’année
précédente). En revanche, des coupes budgétaires ont
été effectuées du côté des dépenses en capital (-6,1 %,
après -15,6 %), en particulier dans les domaines des
investissements régionaux et des subventions aux
entreprises. Le surplus primaire (hors la charge nette de
la dette) a ainsi diminué, à 2,4 % du PIB en 2008,
après 3,5 % en 2007. La charge de la dette a continué
d’augmenter (4,8 % a/a en 2008), soit 0,1 point de
pourcentage du PIB, en raison des effets retardés de la
hausse des rendements qui se sont infléchis seulement
vers la fin de l’année 2008.
L’augmentation du besoin de financement de l’Etat
italien vient donc surtout de la brutale dégradation de
la conjoncture fin 2008 et des mesures anti-crise
adoptées dès novembre de la même année. La dette
publique
a
ainsi
fortement
progressé,
de
64,67 milliards d’euros (contre 17 milliards d’euros en
2007), s’élevant à 1 663,6 milliards d’euros. Avec le
ralentissement de la croissance du PIB, le ratio dette
publique/PIB a donc sensiblement augmenté, de
2,3 points de pourcentage en 2008, à 105,8 %,
retrouvant là son niveau de 2005.
L’été dernier, le programme budgétaire pour 20092011, finalisé en septembre 2008, visait à équilibrer le
budget en 2012 et à ramener la dette sous les 100 %
du PIB à l’horizon de 2011. Ce programme nécessaire
à l’Italie paraissait déjà très ambitieux mais est devenu
obsolète avec la crise.
Les plans anti-crise
Afin de soutenir l’économie et d’amortir le choc de la
récession, deux décrets de loi ont été ajoutés à la Loi
de Finances pour 2009, un en novembre 2008 et un
second en février 2009. Selon les estimations de la
Banque d’Italie, les montants en jeu dans ces deux
décrets s’élèvent à 7,5 milliards d’euros, dont
3,5 milliards d’euros en faveur des ménages, 1,5 milliard en faveur des entreprises, 1 milliard d’euros pour
stimuler la consommation et un autre milliard pour
soutenir l’investissement. Mais le solde budgétaire reste
inchangé. En effet, ces mesures sont essentiellement
une réallocation de ressources du budget initial,
rendant ainsi ce package fiscal quasi neutre pour
l’endettement public (cf. encadré page suivante).
Internet : http://www.credit-agricole.com - Etudes Economiques
Sandrine BOYADJIAN
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Principales mesures des plans anti-crise
En novembre 2008 :
Les ménages recevront les deux tiers des ressources
allouées (3,5 milliards d’euros) en 2009 :
- versement d’une allocation en une fois aux
ménages aux revenus les plus faibles ;
- assouplissement pour les prêts hypothécaires à
taux variables avec une borne haute prédéfinie
par le gouvernement ;
- complément de revenu en cas de chômage pour
certaines catégories de travailleurs ;
- gel des hausses de tarif pour certains services
fournis directement par l’État.
Les entreprises auront un package fiscal de
1,4 milliard d’euros en 2009 :
- baisse permanente de l’impôt sur les revenus des
sociétés via la déductibilité de l’impôt régional
sur l’activité productive.
Pour
soutenir
l’investissement
public
et
d’infrastructures, des nouveaux crédits sur quinze
ans seront mis en place.
En février 2009 :
Les ménages recevront des primes à la casse pour
les voitures très polluantes en 2009. A partir de
2010, ils bénéficieront d’un crédit d’impôt de 20 %
sur l’achat de matériels, d’électroménager mais
seulement pour les ménages qui peuvent prétendre
à un crédit d’impôt de 36 % sur les travaux de
rénovation.
Les entreprises d’un même district industriel
pourront opter pour un régime fiscal commun.
Dans ce cas, pendant au moins trois ans, les impôts
seront calculés sur la base d’un ensemble de
revenus convenu avec l’administration fiscale et
divisé entre les entreprises. Le décret prévoit un
allègement fiscal pour les entreprises qui forment
un groupe en 2009.
Ces mesures seront financées par la hausse des
recettes de la TVA et des taxes sur les véhicules à
moteur, par les recettes provenant des contrôles sur
l’utilisation légitime des privilèges relatifs au droit
de timbre, à l’impôt foncier et aux droits de
succession et par l’annulation des mesures de
soutien à l’investissement des zones défavorisées.
Le ministre de l’Économie, M. G. Tremonti, cherche
ainsi à maintenir sous contrôle les finances publiques
italiennes. Une augmentation des dépenses publiques
n’aurait pas selon lui les effets bénéfiques attendus, le
problème actuel résultant d’un endettement excessif.
De plus, il ne serait pas souhaitable de risquer un
dérapage des spreads de taux italien (+170 points de
base à la mi-janvier 2009) qui conduirait à une hausse
mécanique des charges d’intérêt sur la dette. L’objectif
du gouvernement est d’améliorer sa crédibilité sur le
marché des obligations publiques italiennes via un
ancrage des anticipations d’une consolidation
budgétaire à long terme. De plus, la Commission
européenne a rappelé au gouvernement italien que le
budget devait rester sous contrôle en dépit des
difficultés conjoncturelles rencontrées actuellement.
L’Italie n’a donc pas les moyens financiers de décider
de mesures discrétionnaires de relance pour faire face à
la crise.
Perspectives sur les finances publiques
Le ministère de l’Économie et des Finances a
récemment publié le RUEF (Relazione unificata
sull’economia e la finanza pubblica), document qui
rapporte les nouvelles prévisions macroéconomiques
pour 2009-2011, établies par le gouvernement.
Sans surprise, ce rapport montre que les finances
publiques italiennes paient aujourd’hui un lourd tribut
à la profonde récession actuelle. Toutefois, le
gouvernement estime que l’Italie s’en sortira mieux que
les autres pays industrialisés grâce à la solidité de son
système bancaire et à la faiblesse de l’endettement du
secteur privé (ménages et entreprises)1. Selon le
gouvernement, la situation devrait commencer à
s’améliorer en 2010 même si la reprise s’annonce
molle. Le gouvernement anticipe une contraction du
PIB de 4,2 % en 2009 avant de se redresser en 2010 à
0,3 %. Ces chiffres sont en ligne avec les dernières
prévisions du FMI2. Dans ce scénario, le gouvernement
s’attend à ce que la crise ait un impact négatif sévère
sur les équilibres financiers avec un déficit en hausse à
4,6 % du PIB (soit 0,9 point de pourcentage supérieur
au chiffre publié dans la mise à jour du Programme de
stabilité présenté en février 2009). Les recettes fiscales
sont attendues en chute en 2009, de -2,1 % en
glissement annuel (après -0,7 % en 2008), avec une
baisse des recettes issue de l’impôt direct et des taxes
indirectes de respectivement -1,3 % et -3 %. Le déficit
budgétaire resterait stable en 2010 avant de reculer en
2011. La dette publique va rester sur une tendance
haussière à 114,3 % en 2009 et 117,1 % en 2010
(cf. tableau page suivante).
______________________
1 : La dette des ménages s’établit à 49 % du revenu disponible en
2008 contre 100 % en zone euro et 150 % pour les Etats-Unis. La
dette des entreprises, même si elle a accéléré ces dernières
années, s’établit autour de 75 % du PIB, soit environ 10 points de
pourcentage en moins par rapport à la moyenne de la zone euro.
2 : Elles datent d’avril 2009.
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2
Sandrine BOYADJIAN
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Selon nous, ces projections macroéconomiques
restent trop optimistes. En effet, la deuxième
estimation du PIB au premier trimestre 2009 a fait
apparaître une accentuation de la contraction de
l’activité en ce début d’année (-2,6 % en variations
trimestrielles, après -2,1 % au quatrième trimestre
2008). C’est pourquoi nous prévoyons un recul du
PIB de 5,4 % en 2009 et de 0,2 % en 2010. De fait,
les prévisions de déficits paraissent aussi trop
conservatrices. Selon nous, le déficit pourrait
atteindre 5,2 % du PIB en 2009 et 4,8 % en 2010.
Dans sa dernière note pays (juin 2009), l’OCDE
table sur un déficit de 6 % du PIB en 2010 et une
dette publique dépassant les 115 % du PIB, le FMI
allant jusqu’à anticiper un ratio supérieur à 120 %
en 2010. Ces chiffres paraissent plus raisonnables.
En dépit d’un certain effort d’assainissement
budgétaire, la dette publique italienne devrait rester
orientée à la hausse à l’horizon 2011 au regard de la
faiblesse
persistante
de
l’environnement
économique. „
Achevé de rédiger le 22 juin 2009.
Perspectives des finances publiques du RUEF, mai 2009
2006
2007
2008
2009
2010
2011
3,3
3,5
4,5
3,6
1,3
1,9
Rémunérations des fonctionnaires
4,3
0,5
4,3
2,3
0,2
0,6
Paiements des retraites
3,4
3,9
4,3
4,2
3,1
3,4
Autres paiements sociaux
7,1
9,5
8,7
7,2
-0,9
1,1
(en glissement annuel, %)
Dépenses courantes (nettes des intérêts)
3,8
12,6
4,8
-5,5
5,3
8,9
Recettes fiscales
Charges d’intérêt
10,1
6
-0,7
-2,1
0,7
2,7
Impôts directs
12,7
9,1
3,5
-1,3
0,1
3,6
Impôts indirects
8,7
3,1
-5,1
-3
1,3
1,6
3,3
1,5
2,7
4,6
4,6
4,3
104,5
103,5
105,8
114,3
117,1
118,3
Déficit budgétaire (en % du PIB)
Dette publique (en % du PIB)
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