Néphrologie DESORDRES DE L`EAU I

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Néphrologie DESORDRES DE L`EAU I
Module intégré C
Néphrologie
Désordres de l'eau
Néphrologie
DESORDRES DE L'EAU
Objectifs
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♦
♦
♦
Se souvenir que les termes d'hyperhydratation et de déshydratation intracellulaire désignent par
convention les désordres purs portant exclusivement sur l'eau, même si ces désordres portent
pour 1/3 sur le volume extracellulaire.
Connaître les diverses significations du mot "diabète".
Connaître le mécanisme et les principales étiologies des déficits et des excès en eau.
Savoir qu'une dysnatrémie correspond en règle à un trouble du pool de l'eau, et non du sodium.
Connaître les dangers de l'hyper et de l'hyponatrémie, et les principes de la réanimation.
ECN:
219. Troubles de l’équilibre acido-basique et désordres hydroélectrolytiques.
Plan de cours
I- Désordres de la balance hydrique: nosologie et classification ........................ 2
II- Déficit en eau: les états hyperosmolaires .......................................................... 5
II.1- Déficit hydrique isolé (sans perte sodée associée) ................................................5
II.1.1- Physiopathologie .............................................................................................................. 5
II.1.2- Etiologie ............................................................................................................................. 5
II.1.3- Signes cliniques................................................................................................................ 6
II.1.4- Signes biologiques ........................................................................................................... 7
II.1.5- Traitement.......................................................................................................................... 7
II.2- Désordres mixtes avec état hyperosmolaire ...........................................................8
III- Excès d’eau: les états hypo-osmolaires............................................................ 8
III.1- Rétention hydrique isolée (sans rétention sodée associée) .................................8
III.1.1- Physiopathologie ............................................................................................................. 8
III.1.2- Etiologie ............................................................................................................................ 8
III.1.3- Signes cliniques............................................................................................................. 10
III.1.4- Signes biologiques ........................................................................................................ 10
III.1.5- Traitement....................................................................................................................... 11
III.2- Désordres mixtes avec état hypo-osmolaire ........................................................12
Mai 2006
J. Fourcade
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Désordres de l'eau
I- Désordres de la balance hydrique: nosologie et classification
Les désordres de l’eau affectent globalement les deux compartiments. Mais, comme ils prédominent
dans le compartiment intracellulaire, ils sont désignés par convention comme étant spécifiques de
celui-ci. Les termes de déshydratation ou d’hyperhydratation intracellulaire sont donc employés pour
qualifier ces troubles.
Les deux tiers de l’eau sont contenus dans le compartiment intracellulaire. Aussi un trouble
quantitatif de l’eau porte-t-il essentiellement sur le compartiment intracellulaire.
Répercussions des troubles de l'eau sur la natrémie
Le sodium n’accompagne pas l’eau dans le compartiment intracellulaire. Cependant, comme 1/3 de
l’eau est extracellulaire, la dilution du sodium est affectée indirectement par les troubles de l’eau.
Toute variation de la balance hydrique, même si elle survient de manière isolée (sans trouble
concomitant du pool du sodium), entraîne donc une variation de la natrémie.
Jusqu’à preuve du contraire :
♦
Une hypernatrémie ne reflète pas un excès en sel, mais un déficit en eau.
♦
Une hyponatrémie ne reflète pas un manque de sel, mais un excès d’eau.
Désordres purs et désordres mixtes: classification
Dans certains cas, une variation du pool sodé peut se trouver associée à celle qui porte sur le pool de
l’eau. Cette variation affecte exclusivement le compartiment extracellulaire, alors que celle qui porte
sur le pool de l’eau est globale.
♦
Un désordre isolé (exclusif) du pool de l’eau est dit pur.
♦
Le désordre entraîné par une variation simultanée du pool de l’eau et du pool du sodium
est dit mixte.
DESORDRES PURS (EXCLUSIFS)
(sans désordre associé de la balance du sodium)
• avec hyperosmolarité:
DEFICIT EN EAU ISOLE
(DESHYDRATATION
INTRACELLULAIRE)
• avec hypo-osmolarité:
EXCES D’EAU ISOLE
(HYPERHYDRATATION
INTRACELLULAIRE)
DESORDRES MIXTES
(portant sur l’eau et sur le sel)
• avec hyperosmolarité:
◊ Déficit sodé
avec déficit en eau (relatif)
◊ Rétention sodée
avec déficit en eau (relatif)
• avec hypo-osmolarité:
◊ Déficit sodé
avec excès d’eau (relatif)
◊ Rétention sodée
avec excès d’eau (relatif)
Pour en savoir plus. REGULATION DE L'EQUILIBRE OSMOTIQUE
La concentration des substances osmotiquement actives dans les liquides corporels est remarquablement
constante, malgré les grandes variations d’apport des substances dissoutes et de l’eau.
Théoriquement, l’osmolarité pourrait être régulée en faisant varier:
- soit la quantité de substances dissoutes,
- soit la quantité d’eau présente dans le corps.
En fait, habituellement, seul le second phénomène intervient.
L’osmolarité est maintenue constante grâce à la seule balance de l’eau.
Toute variation de l’osmolarité exprime une anomalie du capital en eau.
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Désordres de l'eau
I. La balance hydrique
A l’état normal, entrées et sorties s’équilibrent: le bilan de l’eau est nul et, par voie de conséquence, sa balance
est neutre.
L’apport de l’eau provient:
♦ des boissons ingérées (ration de base souhaitable:1400 ml);
♦ de l’eau contenue dans les aliments (850 ml);
♦ de l’eau produite par oxydation (350 ml).
L’eau est excrétée:
♦ sous forme d’urine (1500 ml);
♦ avec les selles (200 ml),
♦ par la sueur (500 ml);
♦ par la respiration (400 ml).
Sauf circonstances exceptionnelles, les trois dernières pertes varient peu. Seule la diurèse se modifie pour
compenser les variations des apports, qui peuvent être importants d’un jour à l’autre.
II. Capital, balance et bilan.
♦
Capital (ou encore pool): quantité d’une substance dont dispose l’organisme. Ainsi, le capital en eau est
normalement de 40 l, pour un sujet de 60 kg.
♦
Balance: état de l’organisme à un moment donné, par rapport au capital théorique dont il devrait disposer,
concernant son eau ou une substance quelconque. Ainsi, la balance de l’eau, lorsqu’elle est dite négative,
exprime la quantité d’eau qui manque à l’organisme pour reconstituer son capital normal.
♦
Bilan: somme des entrées et des sorties en un temps donné. Ainsi, le bilan de l’eau sur 24 heures est dit
négatif si les sorties ont été supérieures aux entrées durant la période considérée.
III. Régulation de l'excrétion rénale de l'eau
La régulation met en jeu les centres de la soif et la sécrétion d’hormone antidiurétique ou ADH (très précisément
sa composante arginine-vasopressine ou AVP) qui module l’excrétion de l’eau par le rein.
a) L’hormone antidiurétique
L’AVP est sécrétée par les cellules des noyaux supra-optiques et supra-ventriculaires de l’hypothalamus. Elle est
contenue dans des granules sécrétoires, liée à une protéine, la neurophysine. Les granules migrent le long des
axones de ces cellules jusqu’à la neurohypophyse, où ils sont stockés.
Transportée par voie sanguine, l’AVP agit sur les cellules des tubes collecteurs dans leur segment cortical. Elle
augmente la perméabilité à l’eau de leur membrane basale apicale, ce qui augmente la réabsorption de l’eau.
L’hormone antidiurétique régule la sortie rénale de l’eau.
b) Le stimulus osmotique de l’AVP: les variations de l’osmolarité
♦
Manque d’eau
Il entraîne une élévation de l’osmolarité plasmatique, détectée par les osmorécepteurs principalement carotidiens.
Ceux-ci envoient un stimulus centripète vers cerveau, qui:
augmente la sécrétion de l’AVP et libère l’AVP déjà stockée;
stimule par ailleurs les centres de la soif.
L’augmentation de la réabsorption de l’eau qui en résulte a pour effet:
d’accroître la concentration de l’urine (puisque les substances dissoutes à éliminer sont en quantité
inchangée);
de corriger l’hyperosmolarité.1
♦
Excès d’eau
1
Ce mécanisme est d’une très grande sensibilité. Une variation de l’osmolarité plasmatique de 1% modifie l’osmolarité urinaire
de 250 mosm/kg.
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Il entraîne le phénomène inverse. L’hypo-osmolarité plasmatique réduit ou supprime la sécrétion d’AVP. La
réabsorption de l’eau diminue. L’hypo-osmolarité est corrigée par une élimination accrue de l’eau.
c) Le stimulus non osmotique de l’AVP: les variations de la volémie
La sécrétion d’AVP est modulée aussi par les variations affectant l’équilibre du secteur vasculaire à basse
pression. La diminution du volume plasmatique est détectée par des volorécepteurs situés dans l’oreillette
gauche et la veine cave. Elle entraîne une augmentation de sécrétion et une libération de l’AVP stockée.
Ce mécanisme est stimulé de façon puissante lors des déplétions volumiques aiguës et massives.
d) Mode d'action de l'AVP
♦
L’AVP joue un rôle “permissif” sur la réabsorption tubulaire de l’eau. Elle
agit par couplage avec un récepteur spécifique, ce qui active l’adénylate
cyclase et aboutit à une formation accrue d’AMP cyclique.
♦
Intervient alors un transporteur tubulaire de l’eau, l’aquaporine, qui:
-
(en haut): s’externalise au pôle luminal en présence d’AVP (l’eau peut
être transportée)
-
(en bas): s’internalise en l’absence d’AVP, ce qui empêche la
réabsorption de l’eau (transporteur indisponible).
IV. Régulation des apports hydriques: mécanisme de la soif.
La régulation de la soif et celle de l’excrétion rénale de l’eau fonctionnent de façon synergique.
A l’état normal, la prise alimentaire d’eau répond plus à un désir instinctif ou à des habitudes sociales qu’à un
besoin ressenti en tant que soif. Elle est souvent supérieure au minimum requis. L’urine excrétée est loin
d’atteindre sa concentration maximale possible (1400 mosm/l).
La soif mais aussi la volonté régulent les prises de boisson.
a) Réponse à l’insuffisance des boissons
L’apparition de la soif traduit une perception corticale, dont le stimulus provient de structures hypothalamiques
(noyau ventromédian) proches des noyaux sécrétant l’AVP, et dénommées centres de la soif. Les facteurs qui
activent ces centres sont les mêmes que ceux qui stimulent l’AVP:
♦ osmotiques (hyperosmolarité);
♦ volumiques (baisse de la volémie efficace).
En cas d’hypovolémie, une élévation synergique du taux d’angiotensine II contribue également au déclenchement
de la soif.2
b) Réponse à l’excès d’apport
Une satiété, voire un dégoût de l’eau apparaissent. Lorsque les apports dépassent les possibilités d’excrétion,
l’hypo-osmolarité déclenche des nausées, puis des vomissements qui constituent un mécanisme de défense.
2
L’angiotensine II a un effet dipsogène direct par son action sur des récepteurs cérébraux spécifiques; or, sa synthèse est
stimulée par l’hypovolémie.
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II- Déficit en eau: les états hyperosmolaires
II.1- Déficit hydrique isolé (sans perte sodée associée)
♦
-
Synonymes:
déshydratation intracellulaire (synonyme: cellulaire)
perte d’eau isolée (synonyme: pure, exclusive)
La survenue d’un manque isolé d’eau (le capital des substances dissoutes restant normal) entraîne la
diminution conjointe de l’eau dans les deux compartiments. On observe obligatoirement:
- une hyperosmolarité plasmatique,
- et son témoin obligatoire, l’hypernatrémie.
II.1.1- Physiopathologie
L’installation de l’hyperosmolarité stimule la soif, ce qui incite le sujet à boire de façon itérative, de
façon à compenser son déficit. De la sorte, l’osmolarité reste toujours à la limite supérieure de la
normale, voire modérément élevée.
Les troubles n’apparaissent que si, pour une raison quelconque, les pertes ne sont plus compensées
(privation de boissons). Les deux compartiments se contractent, le pourcentage de réduction étant le
même pour chacun d’eux.
Les 2/3 de l’eau perdue viennent des cellules, contre 1/3 venant du compartiment extracellulaire, soit
seulement 1/9 du secteur plasmatique.
Les signes du déficit hydrique traduisent presque exclusivement la déshydratation
intracellulaire. Les signes d’hypovolémie sont habituellement absents.
Les conséquences cérébrales des troubles de l’eau sont sévères. Ils entraînent des lésions
vasculaires (hémorragies et thrombose des petits vaisseaux).
II.1.2- Etiologie
Un déficit hydrique signifie dans tous les cas une inadéquation absolue ou relative des apports par
rapport aux besoins.
Le déficit hydrique est favorisé par toute difficulté ou impossibilité à exprimer sa soif et/ou accéder à
l’eau (trouble de la conscience, coma, impotence motrice, hypo ou adipsie).
Les nourrissons et les vieillards sont très sensibles au manque d’eau
a) Apports insuffisants de façon absolue (pertes normales, non compensées)
♦
Erreur de réanimation. Pertes en eau sous-estimées.
♦
Hypodipsie ou adipsie. Trouble grave mais exceptionnel, causé par des lésions hypothalamiques (exemple: tumeur) qui détruisent les centres de la soif. Le sujet n’a plus la sensation
de soif pour l’aider à compenser ses pertes. La diurèse est diminuée. L’osmolarité plasmatique est
très élevée. La maltolérance est en règle rapide, en particulier si des causes supplémentaires de
déficit surviennent (fièvre, sueurs).
b) Apports insuffisants de façon relative (pertes excessives, non compensées)
♦
-
Augmentation des pertes insensibles d’eau. Normalement, 800 à 1000 ml/jour sont perdus par
la peau et la ventilation, sous forme de liquide hypo-osmotique par rapport au plasma. Ces pertes
augmentent en cas de:
fièvre,
infection respiratoire (polypnée),
exposition à une température élevée.
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♦
Polyurie non compensée.
-
Coma hyperosmolaire. C'est l'une des complications métaboliques du diabétique. Cet état associe
un déficit hydrique et une hyperglycémie majeure responsable de l’hyper-osmolarité, mais sans
cétoacidose.3
-
Diabète insipide d’origine centrale. Cause relativement rare mais typique de perte d’eau. Cette
affection correspond à une absence de sécrétion de l’AVP. Elle se caractérise par l’émission
permanente d’une grande quantité d’urine hypoosmotique. La diurèse (et la prise de boissons
nécessaire à la compensation) atteignent souvent 20 litres. Les troubles surviennent en cas de
privation involontaire d’eau, par exemple une réanimation post-chirurgicale menée sans avoir la
connaissance de cet antécédent.
Pour en savoir plus. LE “DIABETE”: UNE APPELLATION UNIQUE POUR DIVERSES MALADIES
du grec: passer à travers
♦
Diabète sucré. Maladie extrêmement fréquente, caractérisée par l’existence d’une fuite urinaire de glucose.
La diminution de la sécrétion d’insuline et/ ou une résistance à l’entrée de l’insuline dans les tissus entraînent
une hyperglycémie, d’où l’augmentation de la filtration glomérulaire du glucose. Lorsque les possibilités de
réabsorption tubulaire du glucose sont dépassées (Tm atteint), la glycosurie apparaît. Par son effet
osmotique, elle entraîne une polyurie d’accompagnement.
♦
Diabète sucré néphrogénique. Tubulopathie héréditaire rare qui se traduit par un abaissement du Tm, d’où
la survenue d’une glycosurie. La glycémie étant normale, ce trouble n’a aucune des conséquences
pathologiques du diabète sucré.
♦
Diabète insipide. Totalement différent des deux entités précédentes. Ce diabète est qualifié d’insipide (sans
saveur) pour signifier l’absence de sucre dans les urines. Il s’agit d’une fuite d’eau pure, s’exprimant par une
polyurie.
On décrit dans ce cadre:
le diabète insipide central, relativement rare, dû au manque d’AVP
le diabète insipide néphrogénique, résultant d’une insensibilité du tube collecteur à l’AVP.
- forme familiale (héréditaire): exceptionnelle;
- forme acquise: causée par la prise thérapeutique de lithium.
-
♦
D’autres tubulopathies peuvent concerner diverses substances: on parle ainsi de diabète calcique, diabète
aminé, etc...
II.1.3- Signes cliniques
Ils dépendent de l’importance du déficit hydrique et surtout de sa rapidité d’installation.
a) Etat hyperosmolaire aigu.
Trouble sévère, mortalité élevée. Des hématomes sous-duraux ou intra-cérébraux peuvent se
produire. Chez l’enfant, séquelles neurologiques dans plus de la moitié des cas.
Les signes de l’hyperosmolarité aiguë
♦ Signes neurologiques. Fatigabilité, baisse de la vigilance, obnubilation, somnolence, puis crises
convulsives, coma.
♦ Soif impérieuse, sauf en cas d’adipsie ou de trouble de la conscience.
♦ Hypotonie de la langue (la sécheresse de la langue et des muqueuses est moins spécifique, et
sujette à des causes d’erreur).
3
-
Le coma hyperosmolaire est l’un des quatre comas caractéristiques du diabétique:
coma cétoacidosique;
coma hypoglycémique;
coma hyperosmolaire;
acidose lactique.
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♦
Perte de poids rapide, due à la perte urinaire non compensée.
♦
Fièvre. Conséquence de la déshydratation cellulaire. Elle aggrave à son tour le déficit hydrique.
Toute fièvre n’est pas la traduction d’une infection.
Pour en savoir plus. LES FIEVRES D’ORIGINE NON INFECTIEUSE
♦
♦
Métabolique:
Endocrinienne:
♦
Centrale:
♦
♦
Néoplasique
Immunologique
Hyperosmolarité
Hyperthyroïdie
Hypercorticisme (Syndrome de Cushing)
Phéochromocytome
Traumatisme crânien
Tumeur cérébrale
Cancer du foie, du rein
Maladie autoimmune (lupus...)
Maladie inflammatoire (Maladie de Horton...)
b) Etat hyperosmolaire chronique
Symptomatologie souvent nulle, jusqu’à ce que l’hyperosmolarité soit très élevée.
II.1.4- Signes biologiques
a) Signes sanguins
♦ Hyperosmolarité plasmatique (valeur supérieure à 300 mosm/kg);
♦ Hypernatrémie (valeur supérieure à 150 mmol/l, pouvant atteindre 170 mmol/l).4
b) Signes urinaires
♦
-
Dans le déficit hydrique dû à des pertes insensibles non compensées:
oligurie.
urines rares et hypertoniques du fait de la libération réactionnelle d’ADH (osmolarité entre 800 et
1400 mosm/kg).
♦
-
Dans le diabète insipide:
polyurie hypo-osmotique.
En cas de diabète insipide, l’épreuve de la soif (privation de l’eau) ne freine pas la diurèse, et
donc accroît très vite l’osmolarité. Elle doit être surveillée de très près, car la maltolérance est
rapide.
II.1.5- Traitement
a) Moyens.
Apport d’eau par voie orale, si la conscience est conservée; sinon, voie parentérale: sérum glucosé
isotonique à 50 g/l, ou même hypotonique à 25 g/l.5
b) Modalités.
Calculer le déficit hydrique.
Déficit = eau totale x (natrémie observée/natrémie normale - 1)
soit: 0,6 x poids du corps x (natrémie observée/140 - 1).
4
Sauf dans le cas du coma hyperosmolaire du diabétique.
5
Sauf dans le cas du coma hyperosmolaire du diabétique: en raison de l’hyperglycémie, on utilise le sérum salé hypotonique,
associé à l’insulinothérapie.
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L’apport hydrique permettant le retour à l’iso-osmolarité peut être apprécié à l’aide de cette formule.
Dans l’hypernatrémie aiguë avec signes neurologiques, le traitement est urgent, mais le déficit ne doit
pas être corrigé trop brutalement (risque d’œdème cérébral, de crises convulsives, de séquelles
neurologiques).
Dans l’hypernatrémie chronique, la correction doit être plus progressive encore, pour éviter la création
d’un gradient osmotique entre le compartiment extracellulaire (le premier à ressentir l’effet de l’apport
d’eau) et les cellules cérébrales (encore hyper-osmotiques).
La correction d’une hypernatrémie se fait à une vitesse différente selon qu’il s’agit d’une
situation aiguë ou chronique, mais doit toujours être prudente.
Elle ne doit pas diminuer la natrémie de plus de 2 mmol/heure; le temps nécessaire pour
normaliser la natrémie doit être d’au moins 48 heures.
II.2- Désordres mixtes avec état hyperosmolaire
♦
♦
Déficit sodé avec déficit hydrique (relatif)
Rétention sodée avec déficit hydrique (relatif)
Voir le chapitre: Désordres du sodium.
III- Excès d’eau: les états hypo-osmolaires
III.1- Rétention hydrique isolée (sans rétention sodée associée)
♦
-
Synonymes:
hyperhydratation intracellulaire (synonyme: cellulaire)
excès d’eau isolé (pur, exclusif)
Cette situation se caractérise par un excès d’eau par rapport à un capital normal de substances
dissoutes. On observe obligatoirement:
- une hypo-osmolarité plasmatique,
- et son témoin obligatoire, l’hyponatrémie.
III.1.1- Physiopathologie
La lutte contre un apport d’eau inapproprié nécessite de la part de reins un travail de dilution
maximale des urines. Or, la fonction homéostatique des reins est orientée avant tout vers la
conservation de l’eau et du sel, et donc à la fois vers leur réabsorption et la concentration des urines.
La lutte contre un apport d’eau excessif a donc une limite.
L’excès d’eau se répartit pour 2/3 dans le compartiment intracellulaire. Le secteur vasculaire (1/9 de
l’eau immédiatement mobilisable) est donc peu intéressé.
L’excès d’eau entraîne un gonflement cellulaire. Dans l’hyponatrémie chronique, une certaine
adaptation entraîne un retard des signes cliniques. Mais, pour le cerveau, logé dans une boite
osseuse inextensible, les conséquences sont habituellement sévères. L’hyperhydratation intracellulaire constitue une véritable intoxication par l’eau.6
III.1.2- Etiologie
a) Sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH)
Les situations qui suivent se caractérisent par un excès de sécrétion de l’ADH, dont le caractère
injustifié est attesté par sa persistance, alors même que l’hypo-osmolarité devrait la freiner.
6
Bien qu’il ne s’agisse pas d’un œdème cérébral au sens strict du terme, puisque le gonflement intéresse pour 2/3 les cellules.
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♦
-
Désordres de l'eau
Dérèglement des volorécepteurs intrathoraciques
Chirurgie cardiaque
Affections pulmonaires de voisinage:
- aiguës (pneumopathies virales ou bactériennes, abcès du poumon);
- ou subaiguës (tuberculose).
Pour en savoir plus. LA RETENTION HYDRIQUE DES PNEUMOPATHIES
Une hyponatrémie est d’observation fréquente au cours des pneumopathies aiguës.
La disparition de cette rétention hydrique va de pair avec la guérison.
Un exemple historique était la crise polyurique qui signait l’amorce de la guérison dans la pneumonie franche
lobaire aiguë. Son observation est devenue rare depuis qu’un traitement antibiotique précoce décapite les
symptômes.
♦
-
Maladies affectant directement le système nerveux central:
traumatisme crânien, avec ou sans hématome sous-dural;
accidents vasculaires: hémorragie et thrombose cérébrales, hémorragie méningée;
atteinte infectieuse: encéphalites, méningites, abcès;
tumeurs cérébrales;
syndrome de Guillain et Barré.
♦
Hypothyroïdie sévère7
♦
-
Stimulation de la sécrétion d’ADH par un médicament: décrite avec:8
un hypolipémiant (clofibrate);
des antimitotiques (vincristine, cyclophosphamide);
un antidiabétique oral (chlorpropramide);
des psychotropes (halopéridol, carbamazépine, amitryptiline);
les opiacés.
b) Production ectopique d’ADH.
Certaines formes de SIADH sont dues à des tumeurs qui sécrètent un polypeptide (étranger à leur
destinée tissulaire naturelle). Dans certains cas, celui-ci se comporte en pseudohormone possédant
parfois une activité biologique, ici celle de l'ADH (syndrome paranéoplasique).
♦
♦
Cancer bronchique à petites cellules (cas princeps décrit par Schwartz et Bartter);
Autre néoplasie à potentiel sécrétant (pancréas, thymus, lymphomes).
c) Potentialisation des effets rénaux de l’ADH
Certains médicaments modifient le comportement du tubule rénal vis-à-vis de l’ADH.
♦ antidiabétiques oraux (chlorpropramide, tolbutamide);
♦ anti-inflammatoires non stéroïdiens.
d) Excès de boisson
♦
Polydipsie psychogène (potomanie): trouble psychiatrique consistant en la prise volontaire et
immotivée de grandes quantités d’eau.
-
L’osmolarité tend à s’abaisser, ce qui entraîne une diminution réactionnelle mais insuffisante de la
sécrétion d’ADH.
Polyurie réactionnelle, et non causale comme dans le cas d’un diabète insipide.
7
Trouble complexe puisque coexistent une hypersécrétion d’ADH, une diminution de la filtration glomérulaire, une
augmentation de la réabsorption proximale du sodium, un déficit en cortisol. Le traitement substitutif hormonal corrige
l’ensemble des anomalies.
8
Cette stimulation est occasionnelle. Elle ne survient que chez certains sujets, sans qu’on sache la raison de cette particularité.
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♦
Désordres de l'eau
Excès d’eau des buveurs excessifs de bière. Il se rapproche par son mécanisme de l’état cidessus.
III.1.3- Signes cliniques.
La symptomatologie est fonction:
- de l’importance de l’excès d’eau,
- de l’âge des sujets (grande sensibilité des enfants et des su jets âgés)
- de la rapidité d’apparition du désordre.
a) Hyponatrémie aiguë.
Conséquences graves en cas de constitution en moins de 24 heures. Mortalité élevée.
Les signes de l’hyponatrémie aiguë:
♦ Troubles de la conscience
♦ Crises convulsives
♦ Coma
Pour en savoir plus. LA CONFUSION MENTALE: UN SIGNE NEUROLOGIQUE ET NON PSYCHIATRIQUE
Même si elle s’observe dans les affections psychiatriques, la confusion mentale est un signe neurologique. A ce
titre, elle est présente dans les troubles métaboliques graves qui perturbent le fonctionnement cérébral, et
notamment dans:
♦ l’hyperhydratation intracellulaire (hyponatrémie);
♦ l’hypercalcémie aiguë;
♦ l’hypoglycémie.
Des diagnostics sont ainsi redressés chez des malades admis en Neurologie ou en Psychiatrie... à condition de
savoir les évoquer.
b) Hyponatrémie chronique
Les signes de l’hyponatrémie chronique:
♦ Prise de poids (inflation intracellulaire). Elle est progressive et insidieuse. Elle contraste avec:
- l’absence d’œdèmes (pas d’inflation interstitielle);
- l’absence de signes d’hypervolémie.
♦ Signes digestifs. Anorexie, nausées, vomissements apparaissent pour des natrémies inférieures
à 125 mmol/l. Ils constituent un mécanisme de défense contre l’eau.
♦ Signes neurologiques. Ils sont plus tardifs.
- natrémie entre 120 et 115 mmol/l: céphalées, crampes, fatigabilité;
- puis: apathie, désorientation, confusion mentale, agitation, somnolence. Abolition des réflexes
ostéotendineux;
- observation inconstante: respiration de Cheyne-Stokes, asterixis;
- enfin apparition des signes graves des états aigus.
III.1.4- Signes biologiques
a) Signes sanguins
♦ Hypo-osmolarité
♦ Hyponatrémie pouvant atteindre moins de 110 mmol/l.9
b) Signes urinaires
9
Paradoxalement, on observe parfois des natrémies très basses, en l’absence de tout symptôme.
Mai 2006
J. Fourcade
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Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes
Module intégré C
Néphrologie
Désordres de l'eau
♦
Dans la potomanie. L’épreuve de la soif freine la diurèse (à la différence du diabète insipide) tout
en étant bien tolérée. Toutefois, si le trouble est ancien, la sécrétion d’ADH reste durablement
déprimée. La réponse à l’épreuve de la soif est alors ambiguë.
♦
Dans le SIADH. Lors d’une charge en eau, on observe que l’osmolarité urinaire reste supérieure
à l’osmolarité plasmatique. Un excès injustifié d’ADH empêche donc l’émission d’une urine diluée.
On dit que la clairance de l’eau libre ne peut être positivée.
En pratique, la comparaison de l'osmolarité plasmatique et urinaire (ou plus simplement de la
natrémie et de la concentration urinaire du sodium) indique si les urines sont concentrées ou diluées.
Pour en savoir plus. UN CONCEPT VIRTUEL: LA “CLAIRANCE DE L’EAU LIBRE”
ou: un terme compliqué pour un phénomène en fait très simple.
L’eau n’a pas de clairance au sens propre, puisque parler de clairance d'une substance suppose qu'elle est
véhiculée totalement dissoute dans l'eau plasmatique elle-même, condition nécessaire pour qu'elle soit
ultrafiltrable.
Pourtant, par extrapolation, on peut définir une clairance de l'eau. En appliquant la définition des clairances, c'est
la partie du plasma totalement épurée de son... eau par unité de temps, c'est-à-dire le débit urinaire lui-même.
L'élimination urinaire des substances ayant un pouvoir osmotique (ions, urée) entraîne la perte obligatoire d'une
certaine quantité d'eau plasmatique, qui accompagne ces substances tout au long du néphron. La quantité de
plasma débarrassée des substances osmolaires est justement égale à cette eau, qui est dite "liée". Ceci permet
de définir une clairance osmolaire globale, ou clairance de l’eau liée:
C = Uosm x V/Posm.
Par opposition, le reste de la diurèse est dit être formé d'eau "libre", c'est-à-dire éliminée en dehors de la
nécessité d'accompagner les substances osmotiquement actives. Le volume correspondant est la quantité d’eau
qu’il faudrait ajouter ou retrancher à l'urine pour la rendre isotonique par rapport au plasma.
A chacune de ces fractions peut être associée une “clairance”.
Débit urinaire V = Clairance de l'eau liée + Clairance de l'eau libre
Clairance de l'eau libre = V – (Uosm x V/Posm),
ou encore:
V (1 – Uosm/Posm).
♦
Si les urines sont isotoniques, Uosm = Posm. La clairance de l'eau libre est dite nulle.
♦
Si Uosm est > Posm, les urines sont plus concentrées que le plasma. La clairance de l'eau libre est négative.
♦
Dans le cas contraire, les urines sont plus diluées que le plasma. La clairance est dite positive.
La clairance de l’eau libre évalue en définitive le processus de concentration-dilution des urines. Elle constitue un
outil de recherche plutôt qu'une détermination usuelle. On la calcule dans le cadre de maladies qui se
caractérisent par l'impossibilité de concentrer les urines (absence d'ADH ou diabète insipide) ou de diluer les
urines (excès d'ADH ou syndrome de Schwartz Bartter). Dans ce dernier cas, il est impossible de “positiver” la
clairance de l'eau libre, malgré une forte charge en eau.
III.1.5- Traitement
La correction des hyponatrémies graves est une réanimation à haut risque.
On peut apprécier l’excès d’eau à l’aide de la formule suivante:
Calculer le volume d’eau en excès.
Excès d’eau = Eau totale actuelle - Eau totale théorique
= (0,6 x poids du corps) - (0,6 x poids du corps x natrémie observée)
natrémie théorique
= (0,6 x poids du corps) (1 - natrémie observée/140)
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Néphrologie
Désordres de l'eau
a) Les moyens
♦
Suppression éventuelle d’un médicament causal;
♦
Restriction hydrique (apport quotidien inférieur aux pertes insensibles, soit 500 ml).
♦
Sérum salé hypertonique, associé à un salidiurétique à action rapide (furosemide). La
formule suivante indique l’apport de sodium nécessaire pour normaliser la natrémie.10
Transformer en hyperhydratation globale facilite le traitement.
L’ajout de sel permet de transformer l’excès d’eau en excès d’eau et de sel, ce qui fait revenir de l’eau
intracellulaire vers le compartiment extracellulaire, situation moins dangereuse que l’hypo-osmolarité
(sauf en cas d’insuffisance cardiaque, en raison de l’hypervolémie). Le furosémide entraîne alors une
natriurèse qui s’accompagne d’une forte diurèse, ce qui permet de réduire le volume extracellulaire.
Sodium nécessaire = 0,6 x poids du corps x (natrémie désirée - natrémie actuelle).
b) Les modalités diffèrent selon la gravité du trouble.
♦
Excès d’eau asymptomatique: la restriction hydrique s’avère en général suffisante. Associer si
possible le traitement étiologique.
♦
Symptomatologie aiguë avec troubles neurologiques: sérum salé et diurétique.
La correction d’une hyponatrémie sévère doit être progressive, en milieu spécialisé. Une
correction trop brutale fait courir le risque de lésions neurologiques redoutables (myélinose
centropontique) qui peuvent entraîner la mort ou des séquelles graves.
III.2- Désordres mixtes avec état hypo-osmolaire
♦
♦
Rétention sodée avec excès d’eau (relatif)
Déficit sodé avec excès d’eau (relatif)
Voir le chapitre: Désordres du sodium
10
Bien qu’utile en réanimation, le calcul reste théorique et approximatif. En effet, le sodium n’est pas apporté seul, mais sous
forme d’une perfusion qui, même avec du sérum hypertonique, apporte aussi de l’eau.
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