CERMA, L`homme armé en Europe XIVème – XVIème siècle, n° 3
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CERMA, L`homme armé en Europe XIVème – XVIème siècle, n° 3
CERMA, L'homme armé en Europe XIVème – XVIème siècle, n° 3 (2002) « Les armes militaires aux XIVème et XVème siècles » L'armement offensif individuel L'épée : Arme individuelle la plus courante au Moyen Age. Lame moins large, à double tranchants qui se termine par pointe plus ou moins aiguë. Garde, qui protège, est composée de quillons, droits ou incurvés. Profil général est celui de croix latine. Epée médiévale classique est arme de taille et d'estoc, mais à partir de milieu XIVème siècle, largeur de lame tend à se réduire, pointe s'accentue pou privilégier coup d'estoc. Volonté d'adapter armement à équipement défensif de plus en plus évolué. A partir de fin du XVème garde commence à prendre des anneaux de côté. XIVème siècle voit se répandre usage déjà attesté au XIIIème siècle pour épées spécifiques, à deux mains pour coups de taille avec grande force et à lame aiguë pour coup d'estoc. La dague : Dague devient au Moyen Age un poignard robuste parfois dépourvu de tranchants et destiné à pénétrer dans défauts d'armure voire à la percer. Existence de formes intermédiaires entre couteau et épée, notamment le badelaire. Les armes de choc : Armes de choc sont armes à manche relativement court muni de tête soit contondante (masse d'armes) soit tranchantes (haches) soit punctiformes. Utilisées par cavalerie, mais surtout par infanterie du fait de relative facilité de fabrication. Permettent d'assommer adversaire sous violence du choc ou de le tuer par force de perforation. Goedenlag (plançon à picots) des communiers flamands à Courtrai fait partie de cette catégorie. Les armes de hast : Armes de hast comportent fer emmanché au bout de longue hampe propre à porter coups à distance et à tenir ennemi en respect avant corps à corps. Plus typiques sont lance et pique. Lance est appelée glaive lorsqu'utilisée par des cavaliers, ceux-ci la tenant sous aisselle au moment de charge d'adversaire et mesure environ 3,50 mètres. Dans seconde moitié du XIVème siècle apparition d'arrêt de cuirasse, petite potence articulée sur plastron d'armure à hauteur de sein droit. Fût est parfois muni de rondelle de protection juste en avant d'emplacement pour la main. Bourrelet circulaire derrière la « pris » contribue à caler arme contre arrêt de cuirasse. Fin du XVème siècle hampe de lance chevaleresque devient moulurée avec talon fortement renflé et creux très accentué ménagé pour placer la main. Lance est tellement typique de cavaliers que l'on parle de « lances simples » avec cavalier pris individuellement, et « lances étoffées » si lancier accompagné de combattants auxiliaires. Enfin, lance des cavaliers pouvait servir pour combat démonté. Dans ce cas coupe dans le fût pour la ramener à manipulation aisée au coude à coude. Pique ressemble à lance, mais est destinée aux fantassins. Se caractérise par grande longueur et suppose manipulation collective et coordonnée. Voilà pourquoi essentiellement utilisée par corps de troupes organisées, notamment mercenaires brabançons et milices urbaines. De façon passive font échec à cavalerie en dressant mur de piques. Bataillons suisses font de bataillons de piquiers une véritable force offensive avec forte capacité de résistance, mais aussi enfoncement des formations ennemies au pas de charge. Fin du Moyen Age connaît nombreuses armes d'hast destinées à infanterie. Fonction de ces armes, contrairement à pique et lance, était de porter coups de pointe, mais aussi de taille. Existence de la guisarme, vouge, pertuisane et surtout hallebarde, notamment chez les Suisses. Les armes de jet : Javelot ou javeline est encore utilisé aux XIVème et XVème siècle pour frapper ennemi en tenant arme à la main ou pour lancer à courte distance. Arme de prédilection de troupes spéciales d'origine méditerranéenne, notamment Almogavars catalans, génétaires ainsi que certains mercenaires tels que les « bidauts ». Importance des armes de jet mécaniques, arc et arbalète. Importance d'introduction d'arc long anglais au cours du XIVème siècle. Néanmoins, pour Bradbury « révolution » des archers n'est pas tellement dans arc, mais surtout dans combinaison avec troupes de cavalerie démontées. A fin du Moyen Age augmentation de puissance d'arbalète avec emploi de mécanismes de tension, notamment pied de biche, tour et cranequin. Arcs sont généralement faits de matériaux composites (bois, tendon et corne), mais apparition d'arc d'acier au cours du XIVème siècle et qui supplanteront les arcs composites fin XVème siècle. Toujours emploi de fronde au Moyen Age, mais surtout en Europe méridionale et dans des proportions faibles. Apparition des armes à feu est seuil technologique majeur de cette période. Rôle des armes à feu portatives est quasi inexistant au XIVème siècle. Début d'affirmation au début du XVème siècle et devient significatif à partir de 1460 avec apparition de véritables corps de couleuvriniers durant les affrontements. Morphologie des armes à feu s'affine depuis « bâton à feu » des débuts (simples tubes de fer ou bronze avec allumage manuel de charge en approchant flamme de trou de lumière) à armes d'environ 1500 (fûts de bois pourvus de canon où mise à feu s'opère manuellement à flamme nue (contact direct avec flamme), mais grâce à mécanisme de détente. Vers 1500 encore concurrence entre armes à feu et arc et arbalète. L'armement offensif collectif Les catapultes : Catapultes du XIVème et XVème sont celles d'ensemble du Moyen Age (espringales et trébuchets à contrepoids) et absence d'amélioration significative. Bombardes à poudre noire lancent boulets de pierre ou plomb font apparition au XIVème siècle, mais deviennent courante à partir de 1350. Font surtout partie de matériel de place ou de siège du fait de manque de mobilité. Bombarde de campagne apparaît au XVème siècle, vers le milieu du siècle, avec introduction des affûts sur roues, l'invention des tourillons et début de spécialisation des calibres. Pour armes de siège tendance au gigantisme avec apogée autour des années 1450. Toutefois, substitution de boulets en fonte de fer aux boulets en pierre permet réduction des calibres et donc des bouches à feu. Vers 1500 artillerie est devenue une arme redoutable puisque relativement manoeuvrière, efficace, notamment contre fortifications traditionnelles, et joue rôle notable sur champs de bataille. L'armement défensif Tradition médiévale privilégie homme d'armes lourdement armé si possible à cheval. Vers 1300 cavalier d'élite est équipée de bouclier, heaume qui emboîte jusqu'aux épaules, corps entièrement revêtu de cotte de mailles renforcée de plaques de cuir ou de « plates » de fer. Développement des plates avec élargissement et combinaison pour couvrir tronc et membres par-dessus le haubert. Vers 1400 apparition d'armure classique articulée, en fer plain, qui couvre ensemble du combattant. Heaume, trop encombrant, disparaît au profit d'autre défense de tête soit fermées (bassinet ou armet) soit ouvertes (salade et barbute). Bouclier tombe en désuétude dans cavalerie. Chevaux les mieux protégés se couvrent de barde de mailles et de plates puis à partir de 1450 de véritable armure de fer. Combattant lourdement armé monté sur destrier a représenté norme en Europe occidentale et centrale jusqu'aux alentours de 1340. A cette date influence anglo-saxonne fait que de plus en plus hommes d'armes devient fantassin monté qui se transporte sur théâtre des opérations sur cheval moins imposant, mais robuste et endurant, le coursier. Accroissement d'armement défensif individuel. Parallèlement utilisation de corps de cavalerie légère, sergents et valets à cheval, archers et arbalétriers montés, chevauxlégers. Ceux qui combattent à pied (mercenaires, milices urbaines et rurales souvent équipés à leurs frais) ont tendance à adopter armement défensif lourd à instar de chevalerie. Gens de trait se contentent souvent de protections sommaires puisque rôle est de harceler ennemi à distance. Dans seconde moitié du XVème siècle avec apparition des corps de troupe levés ou payés par Etats (francs-archers, Suisses etc...) tendance à normalisation des équipements qui impose critères qualitatif et quantitatif minima. Vers 1500 armure continue de faire partie de norme. L'influence réciproque de l'armement et de la tactique Importance de bonne combinaison des armes pour gagner bataille. Rationalisation et massification d'usage d'arc et pique donnent à infanterie un rôle prédominant qui, surtout après apparition d'arme à feu, met fin à domination de cavalerie lourde. Modèle ancestral de cavalerie tend à se perpétuer dans illusion d'invulnérabilité. Vers 1500 infanterie est prête à devenir « reine des batailles ». Elle est composée de professionnel de guerre, aux missions spécialisées selon armement offensif qu'ils possèdent (piquiers, hallebardiers, archers, arbalétriers, arquebusiers, artilleurs). Au cours des deux derniers siècles du Moyen Age, feu a acquis importance considérable et mouvement est désormais par infanterie et cavalerie. Mutation est due à mise en oeuvre et perfectionnement d'armements anciens autant qu'à introduction des armes à feu dans contexte politico-social d'émergence des états-nations. « L'archerie anglaise pendant la guerre de Cent Ans » Importance de proportion des archers dans armées anglaises et galloises de fin du Moyen Age, souvent 5 archers pour 1 homme d'arme. Entre 1415 et 1450 baisse moyenne pour rapport de 3/1. Importance de capacité de force de traction des archers médiévaux, environ 400 kilos au maximum. Possibilité d'explication serait renforcement et déformation du corps par travaux pénibles des champs. A courte portée percement des armures. Importance des flèches légères, « à barbes », pour percement des cottes de mailles et de plates légères ainsi que blessures sur chevaux. Possibilité de tir à 270 mètres. Nombreux témoignages sur grêle de flèches obscurcissant ciel. De fait sans soutien en rase campagne archers anglais sont vulnérables. Exemple avec bataille de Bannockburn, 23 juin 1314, suite à perte de cavalerie anglaise. Néanmoins, dès lors qu'archers tiennent position avec tranchée et hommes d'armes tenant centre pendant qu'archers sont sur les flancs en position défensive, importance d'efficacité, notamment avec exemple de bataille de Dupplin Moor en 1332. Reproduction de cette tactique lors de bataille d'Halidon Hill. De fait hommes d'armes et archers au centre et autres archers sur les flancs donc obligation pour attaquant d'attaquer toutes les formations en étant à chaque fois vulnérables par tir des autres ailes. Utilisation également lors des batailles de Crécy (1346), Poitiers (1356), Azincourt (1415) ou Verneuil (1424). Importance de discipline dans rangs des archers anglais. Exemple avec exécution de 30 archers ayant fuit suite à bataille de Mauron en 1352. Importance de discipline, mais aussi de grâce royale pour archers coupables de crimes ainsi que prescription royale de pratique de l'arc. Discipline du fait d'entraînement au village sous commandement d'un vintainier (groupe de 20 hommes), centenier (groupe de 100 hommes) et d'un maréchal des archers (groupe de 1.000 hommes). Chaque centaine comptait dans ses rangs un prêtre, un chirurgien et un « crieur », ce dernier permettant meilleure transmission des ordres. Archers portaient différentes armures (livrée, demi-armure, jaque), un casque en cuir bouilli renforcé de métal. Dans meilleur cas arc long est fait d'une seule planche d'if, importé d'Espagne, Autriche ou Pologne. Présence d'environ 6.000 archers à Azincourt et proportion d'1 homme d'armes pour 5 archers. Importance d'archers dans armée anglaise puisque défaite de Baugé en 1421 lorsqu'armée du duc de Clarence, frère d'Henri V, est privée de ses archers. Importance de planter des épieux par archers avant bataille. Importance d'amélioration des arcs au cours des XIVème et XVème siècles avec possibilité que développement d'armure de plate répondent à accroissement de force des flèches.